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AGFO - Comité permanent

Agriculture et forêts

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent de
l'Agriculture et des forêts

Fascicule 4 - Témoignages du 1er novembre 2011


OTTAWA, le mardi 1er novembre 2011

Le Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts se réunit aujourd'hui, à 17 h 54, pour examiner, afin d'en faire rapport, les efforts de recherche et d'innovation dans le secteur agricole.

Le sénateur Percy Mockler (président) occupe le fauteuil.

[Français]

Le président : Je vous souhaite la bienvenue à cette réunion du Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts.

[Traduction]

J'aimerais demander aux sénateurs de se présenter, et je vais commencer. Je m'appelle Percy Mockler et je suis président du Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts. Je viens du Nouveau-Brunswick.

[Français]

Le sénateur Robichaud : Bonjour, je suis le sénateur Fernand Robichaud, de Saint-Louis-de-Kent, au Nouveau- Brunswick.

[Traduction]

Le sénateur Fairbairn : Je suis le sénateur Joyce Fairbairn, et je viens de Lethbridge, en Alberta.

Le sénateur Mahovlich : Je m'appelle Frank Mahovlich, et je suis de l'Ontario.

Le sénateur Plett : Mon nom est Don Plett, et je viens de Landmark, au Manitoba.

Le sénateur Frum : Je m'appelle Linda Frum, et je viens de l'Ontario.

Le sénateur Duffy : Mon nom est Mike Duffy, et je suis de l'Île-du-Prince-Édouard.

Le sénateur Eaton : Je suis Nicky Eaton, de l'Ontario.

Le président : Merci beaucoup. Conformément à l'ordre de renvoi, notre étude porte sur le développement de nouveaux marchés domestiques et internationaux, le renforcement du développement durable de l'agriculture et l'amélioration de la diversité et de la sécurité alimentaires. Mesdames et messieurs, je présume que vous en avez tenu compte.

Nous tenons à vous remercier officiellement d'avoir accepté notre invitation. Comme nous l'avons déjà dit, il va sans dire que notre rapport final tiendra compte de vos connaissances, de vos recommandations et de votre vision en matière d'agriculture.

[Français]

Nous accueillons aujourd'hui Mme Jennifer MacTavish, directrice exécutive de la Fédération canadienne du mouton.

[Traduction]

Nous avons aussi l'honneur d'accueillir les représentants du Conseil canadien du porc : le président, Jurgen Preugschas, et la directrice exécutive associée, Catherine Scovil. Le greffier m'a avisé que nous allons commencer par Mme MacTavish, puis ce sera le tour de M. Preugschas. Vous pouvez y aller.

Jennifer MacTavish, directrice exécutive, Fédération canadienne du mouton : Monsieur le président, mesdames et messieurs, je vous remercie de m'avoir invitée ce soir. La discussion sur l'innovation en agriculture est tout à fait à propos, car hier, la population mondiale a atteint sept milliards d'habitants. Ces derniers jours, les médias parlent sans cesse des répercussions qu'auront tous ces habitants sur les ressources de la planète et de notre capacité à nourrir autant de bouches.

J'aimerais prendre quelques minutes pour vous parler de l'industrie ovine canadienne afin que vous compreniez notre position relativement aux nouveaux marchés, à l'agriculture durable ainsi qu'à la diversité et à la sécurité alimentaires.

La Fédération canadienne du mouton est un organisme national sans but lucratif qui représente 11 023 éleveurs d'agneau et de mouton au Canada. La fédération regroupe les 10 provinces du Canada et trois membres associés, soit la Société canadienne des éleveurs de moutons, la Canadian Cooperative Wool Growers et la Fédération canadienne nationale de la chèvre.

La production d'agneau est centralisée en Ontario et au Québec. Ces deux provinces accueillent 60 p. 100 des troupeaux de brebis du Canada et sont responsables de 63 p. 100 de l'abattage de mouton et d'agneau au Canada.

Selon Statistique Canada, les recettes agricoles de 2010 s'élevaient à 142 millions de dollars, une augmentation de 6,5 p. 100 par rapport à 2009. Toutefois, ce chiffre ne représente pas bien la contribution du secteur de l'agneau à l'économie canadienne. Le secteur vaut plutôt 600 millions de dollars si l'on tient compte de la valeur ajoutée au produit importé au Canada et de sa distribution.

Depuis que les Américains ont interdit l'importation de mouton et d'agneau du Canada en 2003, c'est la première fois que la situation du mouton canadien semble se stabiliser. En 2010, le nombre de brebis d'élevage s'est maintenu à 543 000, alors qu'il avait chuté de plus de 100 000 entre 2004 et 2009. Le plus encourageant, c'est que le nombre d'animaux de remplacement a augmenté de 5,3 p. 100. Par conséquent, les éleveurs ont peut-être d'autres agneaux qui leur permettront d'augmenter la taille de leur troupeau et d'accroître leur production.

Le Canada a toujours été un importateur net de viandes, mais il était aussi un exportateur net de mouton et d'agneau vivants avant la fermeture de la frontière en 2003. L'exportation d'animaux vivants a atteint son apogée en 2002, et sans cette fermeture, elle aurait atteint 32 millions de dollars en 2003, une augmentation de 72 p. 100.

En 2010, le Canada n'a exporté que pour 250 000 $ d'animaux vivants. Les États-Unis constituent notre principal marché d'exportation. Même si nous pouvons maintenant exporter nos agneaux de boucherie et d'engraissement, nous ne pouvons toujours pas, après huit ans, exporter des animaux reproducteurs aux États-Unis.

En 2010, la consommation d'agneau a diminué de 8 p. 100 au Canada, ce qui est partiellement attribuable à la diminution de l'offre d'agneau aux consommateurs canadiens. En effet, la production canadienne de mouton et d'agneau a décliné de 3,5 p. 100 en 2010, et l'importation de viandes, de 13,5 p. 100. N'oublions pas que le Canada ne satisfait que 42 p. 100 de sa demande intérieure. C'est la Nouvelle-Zélande, l'Australie et les États-Unis qui fournissent les autres 58 p. 100 de la consommation canadienne d'agneau — 15,7 millions de tonnes métriques.

Il n'est pas étonnant qu'il y ait moins d'agneau sur le marché canadien, car la production mondiale est en baisse. Cette année, on a observé une diminution de 2 p. 100 aux États-Unis et de 2,1 p. 100 en Nouvelle-Zélande. Aussi, l'Australie ne compte que 67,7 millions de têtes, un creux sans précédent depuis 100 ans. Le déclin de la population mondiale de moutons est attribuable à l'augmentation des coûts de production, aux conditions météorologiques — comme la sécheresse — et aux utilisations concurrentes plus lucratives des terres à l'échelle nationale, comme les autres élevages ou l'étalement urbain. Certains vont même jusqu'à dire que le manque d'agneaux à l'échelle mondiale est un aperçu des pénuries alimentaires qui s'en viennent.

La diminution du nombre de moutons à l'échelle mondiale représente une occasion de croissance unique pour l'industrie ovine du Canada. Accroître l'offre d'agneau et améliorer l'accès aux marchés internationaux sont deux stratégies essentielles de la Fédération canadienne du mouton. Nous n'insisterons jamais suffisamment sur l'importance d'offrir plus d'agneau. La demande alimentaire mondiale devrait doubler d'ici 2050. Pour y satisfaire, la productivité agricole devra augmenter annuellement de 1,75 p. 100, comparativement au taux actuel de 1,4 p. 100. Compte tenu de la diversification de la population canadienne, il sera aussi de plus en plus important d'offrir une grande variété d'aliments, y compris l'agneau, le mouton et les produits laitiers.

D'ici 2017, le ministère de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire estime que les immigrants seront originaires de cultures accordant une place prépondérante à l'agneau et au mouton, qui représenteront 26 p. 100 de leur consommation totale de viande. Par conséquent, la demande d'agneau devrait augmenter de 30 p. 100 au Canada d'ici 2020. Cette croissance est remarquable comparativement aux prévisions des autres viandes. L'agneau est la seule viande rouge dont la demande connaît une augmentation constante.

La position actuelle du Canada est avantageuse. Grâce à la valeur marchande élevée du mouton et de l'agneau en 2010 et en 2011, l'industrie ovine est bien placée pour prendre son essor. Toutefois, la croissance ne sera pas durable sans beaucoup d'investissements, de recherche et d'innovation. C'est ce qui permettra à l'industrie de développer de nouveaux marchés, de renforcer sa durabilité et sa productivité, et d'améliorer la diversité et la sécurité alimentaires.

L'industrie ovine canadienne s'intéresse à deux types de durabilité, soit celle de l'industrie et celle de l'environnement. Pour être durable, notre industrie doit notamment regagner l'accès à ses anciens marchés et en développer de nouveaux. Les interdictions qui touchent nos animaux reproducteurs depuis huit ans doivent être levées, en particulier aux États-Unis et au Mexique. Même si le document de discussion d'Agriculture et Agroalimentaire Canada sur Cultivons l'avenir 2 affirme que le marché américain est arrivé à maturité dans le cas de certains animaux vivants, c'est faux pour l'industrie ovine. Notre industrie favorise les échanges commerciaux fondés sur la science, mais si le financement de la recherche sur la santé des animaux et la salubrité des aliments est irrégulier ou insuffisant, notre accès aux marchés en souffrira.

En 1968, l'Institut de recherches zootechniques d'Ottawa, ou Arcott, a lancé un projet de recherche visant à accroître la production de mouton, qui a mené à la création de trois nouvelles races : Outaouais Arcott, Canadian Arcott et Rideau Arcott. En 1989, Agriculture et Agroalimentaire Canada les a mises sur le marché. C'est le mouton Rideau Arcott qui a remporté le plus grand succès. Cette race maternelle a été créée pour offrir une haute fertilité, de bonnes caractéristiques laitières et maternelles, une excellente conformation et un bon taux de croissance. Depuis son introduction, la race a suscité l'intérêt du milieu international en raison de son taux de prolificité et de sa capacité à élever plusieurs agneaux, ce qui augmente considérablement la productivité de la brebis et du troupeau. Cette expérience réussie de recherche canadienne explique en partie l'intérêt croissant du marché international pour la génétique du mouton canadien avant 2003.

Avant de poursuivre, vous aimeriez peut-être savoir que les races Arcott ont été vendues à l'industrie parce que le gouvernement fédéral a mis fin au financement de la recherche sur les moutons et a fermé l'institut de recherche fédéral d'Ottawa. Heureusement, le gouvernement du Québec a pris le flambeau de l'institut de La Pocatière. Mais sans la participation du gouvernement fédéral — ou même un semblant d'intérêt de sa part dans la recherche sur le mouton —, ce sont les organismes qui s'intéressent au mouton, les universités et les programmes provinciaux qui doivent rabouter le travail accompli. Par conséquent, les ressources se chevauchent souvent inutilement. Puisque le secteur des petits ruminants n'a toujours pas accès à certains marchés de la génétique, il pourrait faire appel aux nouvelles techniques de reproduction pour contourner le problème. Ainsi, le programme de sélection des éleveurs canadiens franchirait une nouvelle étape. Or, il faut investir dans la recherche si l'on veut que les techniques génétiques comme l'insémination artificielle et le transfert d'embryon soient plus courantes dans le secteur des petits ruminants.

L'industrie ovine est l'une de celles qui peuvent augmenter leur production grâce à une utilisation optimale des ressources de l'exploitation agricole. Des races fertiles comme le mouton Rideau Arcott ou la brebis croisée Romanov/ Dorset peuvent facilement produire deux agneaux par brebis. Toutefois, les éleveurs canadiens produisent une moyenne annuelle de 1,25 agneau par brebis. S'ils arrivaient à vendre chaque année deux agneaux par brebis, l'offre d'agneau canadien augmenterait de 59 p. 100. Afin d'aider les éleveurs à atteindre cet objectif, il faudrait réaliser des recherches sur la diminution de la mortalité chez les agneaux. Pour l'instant, personne ne se penche véritablement sur la question ou ne cherche des techniques qui permettraient d'améliorer leur taux de survie.

De plus, il faut plus de recherches sur les enjeux liés à la production, comme l'hygiène du troupeau, la nutrition, la gestion et les investissements nécessaires pour que l'exploitation agricole adopte de nouvelles technologies. L'infestation parasitaire est un excellent exemple de problème qui limite la production des éleveurs. Au Canada, les éleveurs de mouton ont accès à bien peu de médicaments pour gérer les infestations, et les parasites sont de plus en plus résistants.

De plus, les consommateurs sont de plus en plus nombreux à demander des produits locaux et biologiques. Investir davantage dans la recherche sur l'élevage d'animaux aiderait les éleveurs de mouton du Canada à accéder aux nouveaux marchés et aux marchés émergents tout en veillant à la santé et au bien-être des animaux. L'industrie ovine profitera de toute recherche axée sur la gestion des problèmes de santé animale.

L'impossibilité d'avoir accès à des médicaments compte parmi les principaux obstacles de l'industrie. En plus de limiter la production des éleveurs, ce problème pourrait menacer le bien-être de l'animal.

L'industrie aurait aussi intérêt à ce que des recherches visent l'amélioration des systèmes de gestion des troupeaux et des compétences en gestion opérationnelle des éleveurs. Il en faudrait aussi qui permettent à l'ensemble de la chaîne d'approvisionnement agricole d'adopter de nouvelles technologies, d'augmenter la productivité et de diminuer les coûts. Par exemple, il faut continuer à investir dans la traçabilité pour que tout le monde puisse en bénéficier. La traçabilité, ce devrait être bien plus qu'une étiquette dans l'oreille de l'animal. Des investissements dans ce domaine permettraient d'innover, d'apporter de nouvelles idées et de concevoir de nouvelles technologies et de nouveaux outils pour diminuer les coûts et augmenter la productivité des éleveurs, des transformateurs et des détaillants.

L'élevage d'animaux contribue à l'approvisionnement alimentaire sécuritaire et durable sur le plan environnemental dont bénéficient les Canadiens. Les moutons peuvent brouter l'herbe des terres qui ne peuvent pas servir aux cultures agricoles destinées à l'alimentation humaine. En plus, la production de viande à partir d'herbe est durable et améliore la structure et la qualité du sol. Les ruminants peuvent convertir l'énergie solaire que contient le fourrage en nourriture de grande qualité destinée à l'alimentation humaine. Il faudrait plus de recherche sur la gestion des pâturages et sur la sélection de variétés qui conviennent à notre climat variable. La plupart des travaux à ce chapitre se limitent à une seule variété de fourrage. Il faudrait donc mener des recherches pour trouver des fourrages composés d'un mélange de plantes complémentaires, ainsi que des herbes et des légumes qui se conjuguent pour maximiser le rendement annuel.

Nous pourrons également examiner la possibilité de produire de l'agneau contenant des acides gras oméga-3 et oméga-6, qui deviendrait une marque de commerce et nous ouvrirait des portes sur le plan du marketing.

Puisque l'alimentation constitue la principale dépense de tout élevage et que son coût varie grandement, il convient de mener des recherches visant à assurer la viabilité et la durabilité des pâturages. Malheureusement, ce genre de recherches n'intéresse pas les sociétés privées. Et même si elles décidaient d'y investir, elles n'en publieraient probablement pas les résultats.

Un éleveur peut tirer différents revenus du mouton à partir de sa viande, son lait et sa laine, entre autres. Il serait bien d'exploiter le potentiel de la recherche sur les produits laitiers et la laine afin d'augmenter la rentabilité des éleveurs. De plus, le mouton répond à la demande des consommateurs, qui souhaitent des produits écologiquement responsables et des aliments sains. Le Canada fait très peu de recherche sur le lait de brebis et les produits qui en sont dérivés . Or, ce lait a une teneur plus élevée en acide linoléique conjugué et en calcium que le lait de bovin, et il contient aussi trois fois plus de protéine du petit-lait. Il faudrait plus d'argent dans la recherche sur les bienfaits qu'apporte la consommation de produits du lait de brebis.

À l'heure actuelle, le Canada vend la majorité de sa laine à la Chine sous forme de laine brute. Compte tenu de l'intérêt grandissant pour un style de vie basé sur le développement durable, des recherches pourraient porter sur d'autres utilisations de la laine, comme l'isolation domiciliaire.

Comme je l'ai dit plus tôt, la productivité agricole devra augmenter de 1,5 p. 100 par année pour répondre aux besoins alimentaires de la population grandissante. Toutefois, elle est touchée par l'épuisement des ressources naturelles, comme le déclin de la proportion de terres arables par habitant, qui découle principalement de la croissance de la population et de l'urbanisation, ainsi que la concurrence dont l'eau fait l'objet. Par contre, le territoire canadien abonde en terres et en eau. Selon un rapport sur l'avenir de l'alimentation publié par le Population Information Program de la Johns Hopkins School of Public Health, qui s'intitule Feeding a Future World, le Canada est l'un des rares pays, en plus de l'Australie et des États-Unis, à posséder aujourd'hui assez de terres cultivées pour satisfaire la majorité de ses propres besoins alimentaires. Il en sera probablement encore ainsi pendant des décennies. On y apprend également que ces pays pourraient sûrement produire suffisamment de nourriture pour répondre aux besoins alimentaires de tous les pays à déficit alimentaire si ces derniers pouvaient en payer le prix. Le rapport indique que le Canada produira probablement assez de nourriture. Or, il a besoin d'investissements à long terme en agriculture pour y arriver.

L'industrie ovine canadienne pourra développer de nouveaux marchés grâce à la recherche sur les nouvelles techniques de reproduction et sur les innovations en matière de génétique animale. Elle renforcera l'agriculture durable en se penchant sur des enjeux liés à l'élevage, comme la mortalité chez l'agneau, l'accès aux médicaments, les façons de remédier à la résistance aux agents anthelminthiques et les systèmes de gestion du troupeau.

Si l'industrie ovine profite de la capacité des ruminants à convertir l'énergie solaire en protéines de haute qualité et qu'elle mène des recherches sur les produits du lait de brebis et sur d'autres utilisations de la laine, elle pourra améliorer la diversité et la sécurité alimentaires sur le plan national et international.

Voici ce que nous vous recommandons afin de tirer profit de l'incroyable occasion qui s'offre à l'industrie. Le gouvernement fédéral doit s'engager à financer la recherche sur l'industrie de façon prévisible et à long terme. L'industrie ovine a besoin d'argent pour établir un plan national complet qui intègre les projets provinciaux et comporte une stratégie pour sélectionner les priorités de recherche et pour attribuer les fonds. Il faut réexaminer le système de financement actuel basé sur une période de cinq ans. Le grand retard du programme Cultivons l'avenir a créé un décalage de deux ans en matière de financement. Il ne restait ensuite que trois ans pour mettre en œuvre le plan quinquennal. Ce contexte limite les réalisations possibles et n'est pas très attirant pour les chercheurs chevronnés. Il réduit également le rendement du capital investi.

Il convient de réévaluer la structure de financement actuelle, qui exige un fonds de contrepartie de l'industrie. Cette façon de faire empêche les petites industries de se doter d'une grappe scientifique comme pour d'autres produits. Les programmes de financement devraient être assez souples pour permettre aux petites industries de recevoir des fonds de recherche et de mettre en œuvre des projets visant à améliorer leur productivité, leur rentabilité, leur efficacité et leur diversité.

Le transfert de technologie doit être bien financé. Il faudrait donc offrir une aide aux éleveurs pour qu'ils modifient leur exploitation agricole en vue d'en améliorer la productivité et le rendement. La recherche est inutile si elle ne s'applique pas aux exploitations agricoles.

Le président : Merci beaucoup, madame MacTavish.

Jurgen Preugschas, président, conseil d'administration, Conseil canadien du porc : Bonjour. Je m'appelle Jurgen Preugschas et je suis un éleveur de porcs de Mayerthorpe, en Alberta. Je suis également le président du conseil d'administration du Conseil canadien du porc. Le CCP représente les éleveurs de porcs du Canada. Il s'agit d'une fédération regroupant neuf associations provinciales de l'industrie du porc. L'objectif du CCP est de favoriser le dynamisme et la prospérité de l'industrie porcine canadienne de façon durable.

Le conseil d'administration compte 11 éleveurs de partout au Canada qui acceptent bénévolement de mobiliser l'industrie et de travailler à certains projets afin de la consolider davantage. J'aimerais remercier les membres du Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts de m'avoir invité aujourd'hui à discuter de l'industrie porcine canadienne.

Il y a longtemps que le Conseil canadien du porc n'a pas comparu devant le comité. Même si certaines pressions économiques ont évolué, notre industrie demeure extrêmement fragile. L'industrie porcine canadienne vient de connaître la période la plus difficile de son histoire. Depuis l'automne 2006, les éleveurs de porcs cumulent les imprévus, comme le coût important des céréales fourragères, les taux de change élevés, les politiques étrangères, comme celle qui porte sur l'étiquetage du pays d'origine, et les répercussions de la grippe A(H1N1).

Le paysage de l'industrie porcine canadienne a changé. Sa taille a diminué, et elle compte beaucoup moins d'éleveurs et de porcs. Le 1er janvier 2011, 6 995 exploitations agricoles ont indiqué élever des porcs, ce qui représente une baisse de 41 p. 100 par rapport à seulement cinq ans plus tôt. Au cours de la même période, le nombre de porcs des exploitations agricoles a diminué de 21 p. 100 pour atteindre un peu moins de 11,9 millions de porcs. Le nombre de truies et de jeunes truies fécondées a connu une baisse de plus de 17 p. 100 pour se situer un peu en deçà de 1,3 million.

Même si les dernières années ont été difficiles pour l'industrie porcine, son avenir est prometteur. Elle continuera de jouer un rôle essentiel dans l'agriculture canadienne et de représenter un fort volume d'exportation.

Entre 50 et 60 p. 100 de la production de viande de porc seront encore exportés, de même que des porcs vivants, quoiqu'à un niveau inférieur à celui des dernières années. Les principaux défis de l'industrie seront toujours la valeur du dollar canadien, la disponibilité des céréales fourragères, les préférences des consommateurs, l'environnement commercial et l'incertitude de l'avenir.

Le CCP est en train de mettre la touche finale à son plan stratégique, qui présente les défis de l'industrie et, surtout, qui décrit comment tirer profit de nos forces et des occasions qui s'offrent à nous. Notre plan cible trois domaines. Tout d'abord, nous voulons démontrer l'intégrité de l'industrie porcine canadienne afin que le monde sache qu'elle produit des aliments sécuritaires et haut de gamme à l'aide de méthodes sans cruauté et respectueuses de l'environnement. Ensuite, nous voulons améliorer la compétitivité de l'industrie en lui permettant de diminuer ses coûts et de fixer un prix équitable pour le porc. En dernier lieu, nous portons nos efforts sur la pénétration des marchés intérieurs et internationaux.

Nous croyons que le gouvernement canadien accorde autant d'importance que nous à la mise en œuvre de notre plan stratégique. D'ailleurs, il est déjà venu en aide aux éleveurs au moyen du Programme de réforme des porcs reproducteurs, du programme de paiements anticipés de secours, des emprunts garantis par l'État auprès des institutions financières et du Programme de transition des exploitations porcines. Le CCP a créé plusieurs projets essentiels visant à consolider l'industrie porcine et à s'attaquer aux enjeux qui se dessinent et qui influenceront la compétitivité de l'industrie.

Notre proposition comprend des projets permettant de mieux comprendre les tendances sociales naissantes liées au soin des animaux, à la résistance aux antimicrobiens et à l'environnement, et de s'y adapter. Ces projets permettront aux éleveurs de tirer parti des pressions de la société plutôt que d'y être vulnérables. Ils démontreront que notre industrie produit des aliments sécuritaires et haut de gamme à l'aide de méthodes sans cruauté, qu'elle peut coexister avec ses voisins et qu'elle a peu d'impact sur l'environnement.

Si nous voulons assurer la prospérité et la réussite de l'industrie porcine canadienne, nous devons conclure des accords de libre-échange afin d'avoir accès à certains marchés. La Corée du Sud constitue l'un de nos marchés essentiels. Or, nos négociations de libre-échange avec ce pays sont au point mort depuis 2008, alors que d'autres passent à l'action.

Étant donné que le Congrès américain vient de signer un accord de libre-échange avec la Corée, retarder davantage les négociations de libre-échange entre le Canada et la Corée du Sud minerait sérieusement la compétitivité de notre industrie porcine, ce qui se traduirait par des pertes d'emploi et un ralentissement dans les secteurs de l'élevage et de la transformation. Nos principaux concurrents, c'est-à-dire l'Union européenne, le Chili et l'Australie, ont conclu des accords de libre-échange avec la Corée du Sud ou sont en pleine négociation avec le pays. En 2011, on s'attend à ce que nos exportations de porc en Corée du Sud représentent 300 millions de dollars, soit environ 10 p. 100 de nos exportations totales dans cette industrie. Or, nous perdrons ce marché au profit de ceux qui bénéficient de préférences tarifaires dans le cadre d'un accord de libre-échange.

La conclusion possible d'un accord de libre-échange entre le Canada et l'Union européenne est extrêmement prometteuse pour l'industrie porcine, car il s'agit là d'un des derniers marchés lucratifs pour le porc pouvant s'ouvrir au Canada. L'UE compte 500 millions d'habitants, dont la majorité préfère le porc. Seuls les pays de l'UE pourront obtenir une part de ce marché si l'accord de libre-échange est signé entre le Canada et l'Union européenne.

J'aimerais aussi ajouter que le Japon a commencé à nous inquiéter cette semaine. Des négociations sont en cours entre le Canada et le Japon au sujet d'un accord de libre-échange. Or, il semble que le Japon pourrait se joindre au Partenariat transpacifique. Si c'est le cas, mais que le Canada n'en fait pas partie, notre principal marché d'exportation sera compromis lui aussi. Alors que la Corée représente 10 p. 100 de nos exportations de porc, le Japon correspond plutôt à près de 30 p. 100 d'entre elles. Nous devons conserver l'accès à ces marchés si importants pour notre industrie.

En 2010, le CCP s'est officiellement associé à l'organisme Swine Innovation Porc afin de simplifier les projets de recherche, de transfert de technologie et de commercialisation visant à améliorer la compétitivité de l'industrie porcine canadienne et de la différencier des autres. L'organisme Swine Innovation Porc cherche lui aussi à mettre en œuvre les principaux volets de la Table ronde sur la chaîne de valeur du porc.

Swine Innovation Porc reçoit du financement dans le cadre du Programme de stimulation de l'agro-innovation canadienne et de l'Initiative de grappes agro-scientifiques canadiennes, de même que du secteur privé. Ce programme de recherche englobe 14 projets et 100 chercheurs. Le CCP considère le Programme de stimulation de l'agro-innovation canadienne et l'Initiative de grappes agro-scientifiques canadiennes comme une réussite, et il invite le gouvernement fédéral à augmenter considérablement les fonds qui leur sont destinés dans le cadre de l'accord Cultivons l'avenir 2.

De plus, il faut continuer d'appuyer les programmes de gestion des risques de l'entreprise. Voici les éléments qui intéressent plus particulièrement l'industrie porcine canadienne.

Nous croyons que le programme Agri-stabilité doit demeurer le principal filet de sécurité de l'agriculture canadienne. Il a permis d'aider les éleveurs de porcs dans le besoin. Sans ce programme, un grand nombre d'entre eux se seraient retirés de l'industrie.

Il faudrait simplifier l'utilisation des marchés à terme et des opérations de couverture. Il y a actuellement deux moyens de garantir un investissement. D'une part, les garanties de prêts du gouvernement fédéral aident les éleveurs à respecter les appels de marge selon la valeur établie des marchés à terme. D'autre part, il faudrait généraliser l'offre de programmes d'assurance-prix à prime abordable qui, pour l'instant, sont uniquement offerts en Alberta. Ces outils permettront aux éleveurs de mieux gérer les risques de leur exploitation agricole et d'éviter les variations importantes.

De plus, les éleveurs de porcs canadiens ont hâte de pouvoir assurer leur bétail. Même si on en discute depuis au moins 10 ans, le Manitoba envisage tout juste de mettre en œuvre un programme d'assurance-décès. Nous espérons qu'une telle assurance sera offerte partout au pays en échange de primes abordables.

Le Conseil canadien de la santé porcine a été créé pour aider l'industrie à prendre en main les problèmes liés aux nouvelles maladies. Au cours des deux dernières années, son programme de travail a contribué au développement de l'infrastructure permettant d'atteindre cet objectif. Or, il faut un financement stable et constant pour que l'infrastructure sanitaire du porc et son personnel arrivent à régler les problèmes importants en matière de santé porcine liés à l'économie et au concept « Une santé ».

Le principal défi, c'est de préserver, de renouveler et d'augmenter la capacité de recherche sur les plans scientifique et intellectuel, et en ce qui a trait à l'infrastructure; c'est aussi d'améliorer le contrôle et la prévention de la pathologie porcine tout en respectant des normes de santé animale acceptables.

Tout le monde convient de l'importance grandissante de la santé animale en ce qui a trait au commerce. C'est pourquoi nous devons nous attaquer aux problèmes qui menacent notre industrie porcine si dépendante des échanges commerciaux.

Le CCP demande au gouvernement canadien de collaborer avec l'industrie porcine afin d'en consolider l'avenir . Les investissements stratégiques d'aujourd'hui dans cette industrie donneront des résultats à long terme.

Le président : Merci. Maintenant que les exposés des témoins sont terminés, nous allons passer aux questions.

Le sénateur Plett : J'ai deux ou trois questions. Tout d'abord, madame MacTavish, pourquoi l'élevage du mouton se fait-il majoritairement au Québec et en Ontario? Y a-t-il une raison, comme le climat ou la géographie?

Mme MacTavish : C'est surtout en raison de l'accès au marché, puisque la majorité des produits de l'industrie sont consommés dans la région du Grand Toronto et à Montréal. De plus, l'industrie des petits ruminants de l'Ontario et du Québec a reçu beaucoup d'appui à l'époque du laboratoire de recherche Arcott à Ottawa, ce qui a certainement contribué à la proportion importante d'éleveurs dans la région.

Le sénateur Plett : Vous avez dit que vos exportations ont chuté par rapport à 2003, je crois.

Mme MacTavish : C'est exact.

Le sénateur Plett : C'est un problème. Vous avez quand même dit que nous importons beaucoup.

Mme MacTavish : Oui, nous importons 58 p. 100 de l'agneau que nous consommons. Nous importons peu d'animaux vivants.

Le sénateur Plett : Pourquoi agissons-nous ainsi si nous manquons d'agneau? Vous dites que nous ne pouvons pas en exporter suffisamment, alors que nous devons en importer pour répondre à la demande. Pourquoi cherchons-nous à exporter autant d'agneau si nous devons ensuite en importer? Pourquoi n'élevons-nous pas nous-mêmes l'agneau que nous consommons?

Mme MacTavish : Nous voulons exporter des animaux vivants pour leur génétique, c'est-à-dire des animaux reproducteurs plutôt que des animaux de boucherie. J'ignore pourquoi, mais habituellement, lorsque le marché d'exportation des animaux reproducteurs d'une industrie donnée est florissant, la population nationale de cet animal augmente, ce qui consolide l'industrie. Au Canada, nous encourageons la reproduction d'animaux de race pure pour permettre aux éleveurs de diversifier leur marché international.

Le sénateur Plett : À la fin de votre exposé, vous avez proposé cinq recommandations au gouvernement. Je n'y vois pas la contribution de votre industrie. Je conviens que certaines industries ont parfois besoin d'un coup de main, mais vous nous demandez plutôt beaucoup de subventions. À l'heure actuelle, combien votre industrie dépense-t-elle en recherche et développement?

Mme MacTavish : C'est difficile à estimer.

Très peu de domaines font l'objet de recherches au sein de l'industrie. En périphérie de Truro, dans l'Est canadien, des recherches sont menées sur le mouton, plus particulièrement sur l'agneau d'embouche et la gestion du pâturage. De plus, le Programme volontaire de certification des troupeaux à l'égard de la tremblante est un projet national qui se penche sur l'encéphalopathie spongiforme transmissible. Puisque nos difficultés d'accès au marché américain en découlent partiellement, nous essayons de régler le problème afin de reconquérir l'ensemble du territoire. En Alberta, nous effectuons des recherches sur la traçabilité afin d'aider les producteurs à ce sujet. Il ne s'agit pas d'un simple système d'étiquetage de l'animal, mais plutôt d'une méthode de gestion permettant d'identifier les animaux et d'assurer le suivi de leur rendement. C'est donc un outil de gestion plutôt qu'une exigence d'exportation des animaux. Des recherches sont menées partout au pays, mais je ne peux en estimer la valeur, car, comme je l'ai dit, il ne s'agit pas d'une démarche stratégique, consolidée ou collective.

Le sénateur Plett : Pourriez-vous nous donner une idée de ce qui se fait actuellement?

Mme MacTavish : Certainement. Je pourrais vous fournir une liste des projets de recherche en cours.

Le sénateur Plett : Si vous me le permettez, monsieur le président, j'aurais une autre question à poser aux deux témoins. Je sais que nous avons notamment de la difficulté à exporter nos produits aux États-Unis. Vous dites qu'il serait avantageux de percer le marché sud-coréen, et je suis d'accord avec vous. Les marchés pour l'industrie ovine semblent être limités, mais, outre les États-Unis, quels sont les autres? Je reviens tout juste d'un voyage en Chine où l'on retrouve 1,3 milliard d'habitants. Exportons-nous nos moutons ou nos porcs en Chine et, si oui, dans quelle proportion?

M. Preugschas : Je peux vous répondre en ce qui a trait au porc. Notre plus gros client sur le plan du volume, ce sont les États-Unis, mais sur le plan pécuniaire, c'est le Japon. Nos deux plus gros clients sont les États-Unis et le Japon, alors que la Corée se classe au troisième rang, suivi de la Chine et de l'Australie. Nous exportons également dans plus de 100 autres pays, mais ceux que j'ai mentionnés sont nos principaux marchés. La Russie est également un client important. Il faut diversifier sa clientèle, car chaque pays importe différents produits du porc. Par exemple, le Japon et la Corée choisissent des coupes de viande plus dispendieuses, comme la longe et le filet. Les États-Unis achètent principalement la viande de production pour la fabrication de saucisses et d'autres produits. Si l'on pouvait percer le marché européen, la viande de choix serait le jambon. En Russie, on achète principalement le gras et un peu de viande de production. En Chine, on préfère les abats comestibles — ce que la plupart d'entre nous ne mangent pas — et ceux- ci se vendent à un prix très élevé. Il est très important d'avoir accès à tous ces marchés afin d'obtenir une bonne valeur pour notre produit. C'est la raison pour laquelle je vous les souligne.

Les Américains ont fait beaucoup de travail pour évaluer la valeur de ces marchés. Selon eux, cet accord avec la Corée fera augmenter le prix du porc de 10 $ la tête aux États-Unis. Sans ce marché, notre industrie transformatrice sera désavantagée. Nos producteurs reçoivent déjà 15 $ de moins par porc qu'aux États-Unis, et ce prix baissera davantage. Il sera de plus en plus difficile pour notre industrie de concurrencer celle de nos voisins du Sud.

Mme MacTavish : Je suis d'accord avec M. Preugschas lorsqu'il dit que différents marchés cherchent différents produits. Le Canada exporte des têtes de mouton au Mexique et une petite quantité d'agneau ou de mouton aux États- Unis. Une partie du problème pour l'industrie ovine repose sur le fait que les agneaux sont abattus dans des usines inspectées par le gouvernement provincial. Nous ne pouvons même pas écouler nos produits dans d'autres marchés provinciaux, alors encore moins les exporter vers des marchés internationaux.

Le sénateur Plett : Nous n'avons pas d'inspecteurs de viande fédéraux pour le mouton?

Mme MacTavish : Oui, mais leur nombre est insuffisant. Il y a plusieurs années, il y avait une usine de transformation du porc et du mouton inspectée par le gouvernement fédéral. Celle-ci a tenté de développer un marché pour le mouton et le porc en Chine, mais sans succès. Dans la plupart des cas, l'agneau produit au Canada est consommé dans la province où il est abattu, et ça, c'est un problème pour nous.

[Français]

Le sénateur Robichaud : Madame MacTavish, la fin de semaine dernière, mon fils recevait des amis. La viande du repas principal était de l'agneau, ce qui n'était pas habituel chez nous parce qu'on en mangeait assez peu souvent. Je crois que les jeunes se tournent de plus en plus vers cette viande, et c'est très bien. Et il est certain qu'on mange beaucoup de porc, monsieur Preugschas.

Vous avez mentionné qu'on avait besoin de faire beaucoup de recherche. Est-ce que cela veut dire qu'il y a très peu de recherche qui est faite dans votre industrie, madame MacTavish?

[Traduction]

Mme MacTavish : L'industrie fait ce qu'elle peut avec les ressources dont elle dispose. C'est une très petite industrie, non seulement sur le plan financier, mais aussi sur le plan des ressources humaines. Très peu de chercheurs se concentrent sur le mouton. Ceux qui le font passent beaucoup de temps à chercher des fonds pour financer leurs recherches.

Comme je l'ai dit plus tôt, je vais vous fournir une liste de projets de recherche en cours au Canada sur le mouton, mais il y a d'autres recherches que nous aimerions effectuer. Comme c'est le cas dans tous les domaines, les résultats de nos recherches soulèvent d'autres questions, ce qui nous incite à vouloir effectuer plus de recherches.

[Français]

Le sénateur Robichaud : Est-ce que votre association est en pourparlers ou en communication avec une université quelconque? On reconnaît que l'Université de Guelph fait beaucoup de recherches. Est-ce que vous parlez à ces gens pour savoir quel rôle ils pourraient jouer?

On doit aussi compter sur les universités du Québec, parce que la majorité des producteurs sont du Québec et de l'Ontario, n'est-ce pas?

[Traduction]

Mme MacTavish : Vous avez raison. La plupart des producteurs d'agneaux sont en Ontario et au Québec. Nous travaillons en étroite collaboration avec l'Université de Guelph qui mène actuellement de nombreux projets de recherche. D'ailleurs, nous venons d'en terminer un avec elle sur les parasites chez les moutons. Au Québec, on effectue plus de recherche qu'en Ontario sur le mouton. Lorsque c'est possible, nous collaborons avec les chercheurs québécois. Cependant, il est parfois difficile de passer de la théorie à la pratique, c'est-à-dire, de prendre les résultats des recherches universitaires et de les transmettre aux producteurs pour qu'ils les appliquent.

Le sénateur Robichaud : Selon nos recherches, la taille moyenne d'un troupeau est de 68 têtes. Est-ce exact?

[Français]

« La taille moyenne du troupeau des 12 000 exploitations de l'industrie est de 68 têtes. »

Est-ce que c'est bien le cas?

Le sénateur Rivard : C'est pour le mouton. En ce qui a trait au porc, c'est 1,700.

Le sénateur Robichaud : Oui, je parle du mouton.

[Traduction]

Mme MacTavish : Dans le cas des troupeaux de montons, oui, c'est exact.

Le sénateur Robichaud : C'est bien cela?

Mme MacTavish : Oui.

Le sénateur Robichaud : Comparativement à d'autres élevages, c'est très petit, non?

Mme MacTavish : Oui. Habituellement, les producteurs de moutons font également un autre élevage ou font la culture d'un produit. Très peu se concentrent uniquement sur le mouton.

Cependant, selon Statistique Canada, ceux qui se concentrent uniquement sur le mouton sont plus de plus en plus nombreux, mais nous n'en sommes pas convaincus. Je vous donne un exemple. Un de nos gros producteurs, qui possédait un troupeau de 2 500 brebis, a décidé de ne plus remplir les questionnaires de Statistique Canada. Il est peu probable qu'un autre producteur de cette taille ait pris la relève sur le plan des statistiques. Par conséquent, nous ne sommes pas convaincus de la justesse des données fournies par Statistique Canada. Si l'on se fie à ces chiffres, la taille moyenne d'un troupeau est de 68 têtes, mais de plus en plus de producteurs augmentent la taille de leur troupeau. Beaucoup de travail a été fait dans les provinces pour encourager les producteurs à augmenter leur production et la taille de leur troupeau. Je ne suis pas convaincue que l'on puisse se fier aux chiffres qui nous sont fournis, mais c'est ce que nous avons.

Le sénateur Eaton : C'est une bonne journée pour moi. Les représentants des producteurs des deux viandes que je mange le plus sont ici. Monsieur Preugschas, pouvez-vous me rappeler pourquoi le Canada ne participe pas aux négociations sur le Partenariat transpacifique?

M. Preugschas : C'est difficile à expliquer. Si mes informations sont exactes, les Américains ne veulent pas que l'on y participe, mais ils font des pressions pour que le Japon fasse partie des négociations. Si l'on avait conclu cette entente particulière avec le Japon et si on avait, avec lui, une ZLE — car, pour le moment, ni le Canada, ni le Japon ne participent à ce partenariat —, cela aurait eu peu de conséquences pour nous. Cependant, si le Japon succombe aux pressions d'autres pays et qu'il se joint au partenariat et que nous restons à l'écart, nous nous retrouverons dans une position plutôt précaire.

Donc, si le Japon se joint au partenariat, nous devrons faire tout en notre pouvoir pour y participer nous aussi.

Le sénateur Eaton : Y a-t-il urgence?

M. Preugschas : Oui. Comme vous avez pu le constater dans les médias, ce dossier sera conclu au cours des trois prochaines semaines.

Le sénateur Eaton : Madame MacTavish, comme je suis un grand consommateur d'agneau, j'aimerais vous poser une question sur ce produit. Cinquante pour cent de l'agneau consommé au Canada est importé de la Nouvelle- Zélande, de l'Australie ou des États-Unis. Est-ce en raison des barrières interprovinciales au commerce ou parce que la marque de qualité de ces pays est supérieure sur le marché? Les consommateurs demandent-ils de l'agneau d'Australie plutôt que de l'agneau du Canada? Nous pourrions avoir une bonne marque de qualité avec le pré-salé. L'agneau que nous produisons est délicieux.

Mme MacTavish : Le problème, c'est que nous ne produisons pas suffisamment d'agneau au Canada pour satisfaire à la demande.

Le sénateur Eaton : Pourquoi? Si la demande est là, pourquoi les producteurs n'augmentent-ils pas leur production?

Mme MacTavish : Nous avons un problème avec les échanges interprovinciaux. Je vais d'abord traiter de cet aspect.

Le sénateur Eaton : C'est important pour notre rapport.

Mme MacTavish : Un producteur de la Saskatchewan qui veut acheter de l'agneau canadien aura bien de la difficulté à en trouver. Ses propres agneaux sont expédiés en Ontario pour l'abattage. Plus de 80 p. 100 de ces agneaux sont abattus dans des installations provinciales et consommés dans la région métropolitaine de Toronto.

Le sénateur Eaton : Vous envoyez vos agneaux de la Saskatchewan vers Toronto où ils sont abattus et transformés?

Mme MacTavish : Oui.

Le sénateur Eaton : Et ils ne reviennent pas en Saskatchewan?

Mme MacTavish : Non, parce que la grande majorité — maintenant plus de 80 p. 100 dans le cas de l'agneau en Ontario — sont confiés à des abattoirs provinciaux.

Le sénateur Eaton : Est-ce que vous pourriez les ramener dans votre province?

Mme MacTavish : Nous pourrions le faire s'ils étaient abattus dans une installation inspectée par le fédéral. Si nous pouvions faire tomber les barrières au commerce interprovincial, cela serait possible. Il faut que l'agneau soit traité dans un abattoir inspecté à l'échelon fédéral pour pouvoir ressortir de l'Ontario et être vendu dans une autre province. Les abattoirs sont moins nombreux dans l'Ouest du Canada. Il y en a quelques-uns en Alberta. La majorité des agneaux sont dirigés vers l'est pour être abattus.

Le sénateur Eaton : C'est l'œuf ou la poule. Faut-il préconiser un plus grand nombre d'abattoirs sous inspection fédérale?

Mme MacTavish : Il faudrait aussi permettre que les bêtes abattues dans des installations provinciales puissent être vendues ailleurs au pays.

Le sénateur Robichaud : Vous dites que l'agneau est abattu dans une installation soumise à l'inspection provinciale en Ontario, et c'est la raison pour laquelle il ne peut être vendu ailleurs?

Mme MacTavish : C'est bien cela. Il est bon pour la consommation en Ontario, mais pas en Saskatchewan.

Le sénateur Eaton : Il a été abattu en Ontario. L'inspection est faite à l'échelon provincial, plutôt que par le fédéral. Est-ce la même chose pour le porc?

M. Preugschas : C'est la même chose pour toutes les viandes. Si l'abattoir n'est pas approuvé par l'ACIA, le produit ne peut pas être vendu à l'extérieur de la province. Il est parfois plus facile de vendre un produit à l'étranger que dans les autres provinces canadiennes.

Le sénateur Eaton : C'est un point sur lequel nous pouvons intervenir. Notre rapport devrait traiter des barrières au commerce interprovincial ainsi que du nombre insuffisant d'installations soumises à l'inspection fédérale.

M. Preugschas : On commence à faire des progrès. Lors de la dernière rencontre FPT des ministres de l'Agriculture, des projets pilotes ont été mis de l'avant. On cherche à établir des abattoirs provinciaux qui satisferaient à des normes plus élevées, ce qui permettrait d'écouler la viande ailleurs au pays. Au sein de l'industrie porcine, nous souhaiterions que cela puisse se faire encore plus rapidement.

Le sénateur Plett : Si je comprends bien, le problème vient du fait que nous élevons relativement peu de moutons. Dans le cas du porc, des abattoirs comme celui de Maple Leaf sont toutefois inspectés à l'échelon fédéral et peuvent vendre leur production dans tout le pays, n'est-ce pas?

M. Preugschas : La disponibilité du porc ne pose pas problème. C'est surtout complexe pour les petits abattoirs — ou les transformateurs se spécialisant dans la saucisse — dont les installations soumises à l'inspection provinciale se situent à proximité de la frontière. Je pense par exemple à la ville de Lloydminster qui chevauche la limite entre la Saskatchewan et l'Alberta. Si l'abattoir est du côté albertain, le voisin d'en face ne peut pas acheter ses produits. Il peut toujours aller y faire ses achats et les ramener illégalement chez lui en traversant la frontière provinciale. D'un point de vue strictement légal, il n'est toutefois pas possible pour l'abattoir de vendre sa viande dans une boucherie située dans l'autre province. C'est ce qui peut être problématique pour l'industrie porcine.

Pour ce qui est de la disponibilité des produits sur le marché, notre industrie est suffisamment développée pour que cela ne pose pas de difficulté.

Le sénateur Eaton : Nous avons ici le représentant d'une grande industrie et la porte-parole d'une industrie moins développée. Compte tenu du perfectionnement des techniques de commercialisation et du rôle que jouent maintenant les groupes de pression, j'aurais cru que l'on aurait voulu investir l'argent, le temps ou les efforts nécessaires pour éduquer le consommateur. Avez-vous pensé à organiser une campagne de sensibilisation auprès des consommateurs canadiens? Dans le secteur de l'alimentation, il y a actuellement un fort mouvement en faveur des achats locaux. Nous pourrions avoir accès à davantage de fromage, de porc et d'agneau de chez nous si les processus d'inspection pouvaient être mieux coordonnés entre les provinces. Avez-vous songé à faire le nécessaire pour que les consommateurs vous appuient dans vos efforts en ce sens?

M. Preugschas : Je crois que les consommateurs nous appuient déjà. Je pense qu'ils sont tout à fait satisfaits.

Le sénateur Eaton : Je ne crois pas qu'ils comprennent les raisons pour lesquelles ils n'ont pas accès à davantage d'agneau canadien. Vous élevez un agneau en Alberta et il est expédié à Toronto. Vous ne pouvez pas acheter la viande de cet agneau à Regina. C'est la même chose pour le porc.

M. Preugschas : Ce n'est pas aussi simple. Les avis divergent dans certains secteurs. Lorsque nous discutons entre agriculteurs, nous constatons que certains de nos secteurs où le contrôle est plus rigoureux ne se réjouissent pas vraiment d'une éventuelle ouverture des frontières.

Le sénateur Eaton : S'agit-il de producteurs agricoles?

M. Preugschas : Oui.

Le sénateur Eaton : De quels produits exactement?

M. Preugschas : Je crois qu'il faudrait que vous en parliez avec eux. Je suis persuadé que vous allez les inviter à cette table et que vous pourrez leur poser ces questions.

Il y a aussi le fait que bien des abattoirs soumis à l'inspection fédérale se disent qu'ils bénéficient d'un avantage du fait qu'ils peuvent vendre leurs produits dans les autres provinces. Ils ne veulent pas perdre cet avantage. Comme ils ont dû consentir des investissements pour obtenir l'approbation de l'ACIA, ils ne veulent pas que les abattoirs provinciaux bénéficient des mêmes privilèges sans être tenus de respecter des normes semblables. Ça peut devenir assez complexe.

Le sénateur Eaton : Je vois. Je crois tout de même qu'il y a lieu de faire quelque chose.

M. Preugschas : Votre idée est excellente. Notre stratégie de commercialisation au pays va justement être axée sur l'achat de produits canadiens. En effet, bien que nous exportions 60 p. 100 de nos produits, nous importons des États- Unis 25 p. 100 de ce que nous consommons.

Le sénateur Eaton : Nous pourrions certes faire mieux. Je vous remercie.

Le sénateur Mahovlich : Il y a quelques années, notre comité s'est rendu visiter un élevage de porc dans l'Ouest. Si je ne m'abuse, c'était en Alberta autour de 2004. L'industrie porcine vivait alors toutes sortes de problèmes, notamment en matière de pollution. L'éleveur que nous avons visité connaissait lui-même des difficultés. Quelqu'un s'est alors présenté pour lui offrir des colombes. Il a commencé l'élevage des colombes. Je ne sais pas s'il le fait encore. Il s'est débarrassé de tous ses cochons. Étaient-ce des colombes ou bien des pigeons?

M. Preugschas : Des pigeons. On l'a appelé le roi des pigeons en Ontario. C'était une supercherie.

Le sénateur Mahovlich : Pas vrai?

M. Preugschas : Il n'y a plus d'élevage de pigeons dans les porcheries.

Le sénateur Mahovlich : Il devait les vendre en Inde ou quelque part ailleurs.

M. Preugschas : Les éleveurs qui se sont laissé embarquer dans cette combine ont malheureusement perdu beaucoup d'argent.

Le sénateur Mahovlich : Il faut être prudent. Voilà toute une histoire.

Nous allons conclure une entente avec la Corée du Sud. Allons-nous pouvoir produire suffisamment de porc pour répondre à la demande de ce pays? Avons-nous assez d'éleveurs?

M. Preugschas : Il va de soi que s'il y a une demande, l'industrie porcine va se développer pour les satisfaire.

Le sénateur Mahovlich : Vous en avez le potentiel?

M. Preugschas : Il y a trois ou quatre ans, nous produisions 32 millions de porcs; nous en sommes aujourd'hui à 26 millions. Ces chiffres peuvent changer très rapidement. Comme on vous l'indiquait, les éleveurs de moutons vendent 1,8 agneau par brebis par année. Comme nous vendons de 25 à 30 porcs par truie par année, nous pouvons prendre de l'expansion beaucoup plus rapidement si la demande augmente.

Le sénateur Mahovlich : En faisant mes courses récemment, j'ai acheté de l'agneau et j'ai trouvé que c'était très dispendieux. Est-ce que le prix de l'agneau a augmenté au cours des dernières années? Je crois que j'avais six côtelettes et j'ai dû payer plus de 20 dollars.

Mme MacTavish : Le prix de l'agneau importé est très élevé.

Le sénateur Mahovlich : Il venait sans doute de la Nouvelle-Zélande.

Mme MacTavish : Fort probablement.

Le sénateur Mahovlich : J'habite la région de Muskoka. N'élève-t-on pas de l'agneau dans ce secteur? Je me souviens qu'on faisait la promotion de l'agneau de Muskoka.

Mme MacTavish : Je ne connais pas toutes les campagnes régionales de commercialisation de l'agneau, mais je sais qu'il y a un chef à Muskoka qui en vantait les mérites il y a quelques années.

Le sénateur Mahovlich : L'agneau fait partie de mes souvenirs d'enfance. Mes parents étaient européens et avaient l'habitude des rassemblements familiaux autour d'un méchoui. C'est l'un des mets les plus savoureux que j'ai eu la chance de déguster.

J'ajoute très souvent du fromage de chèvre dans mes salades, mais je n'ai jamais entendu parler de fromage de brebis. Produit-on du fromage à partir du lait de brebis?

Mme MacTavish : Tout à fait. Le véritable feta est d'ailleurs fabriqué avec le lait de la brebis, plutôt que celui de la chèvre.

Le sénateur Mahovlich : Les gens croient pourtant que c'est du fromage de chèvre.

Mme MacTavish : On peut le faire avec du lait de chèvre, mais si vous allez en Grèce, vous verrez qu'ils utilisent du lait de brebis.

[Français]

Le sénateur Rivard : Vous avez parlé plus tôt du marché de la Corée du Sud. Vous avez également parlé, dans votre présentation, du marché avec l'Union européenne. On croit qu'un traité Canada-Union européenne sera peut-être signé en 2012, selon ce que nous savons sur la progression des négociations.

Croyez-vous qu'avec le nombre actuel de porcheries, on pourra faire face à un marché de 500 millions, ou si ce nombre devrait augmenter? Vous avez sûrement fait des études pour évaluer la capacité requise pour faire face à la demande de l'Union européenne?

[Traduction]

M. Preugschas : Comme je le disais, le marché européen est énorme. Nous y vendrions certaines parties du porc. Le principal débouché serait pour le jambon. La mise en marché du jambon est difficile en Amérique du Nord. C'est un produit qui est beaucoup plus prisé en Europe, mais les tarifs douaniers et les difficultés d'accès à ce marché font en sorte que nous n'en exportons pas beaucoup actuellement. Si l'accord est effectivement signé, nous pourrons commercialiser nos produits sur le marché de l'Union européenne. Nous exporterions alors du jambon. Les quantités produites ne vont sans doute pas changer, mais la valeur de notre production va s'accroître.

Soit dit en passant, l'Europe est assez autosuffisante en matière de porc. C'est simplement que les Européens en exportent beaucoup également et qu'il y a pénurie de jambon. Ils exportent d'autres parties du porc.

[Français]

Le sénateur Rivard : Il me semble avoir entendu, au cours des années récentes, qu'il y avait un nombre de faillites beaucoup plus important qu'avant, spécifiquement au Québec. Est-ce que vous attribuez cela au marché plus faible, à une mauvaise administration, à de la sous-capitalisation ou même à des obligations environnementales pour le traitement du lisier de porc? On doit aujourd'hui avoir des bassins d'épuration, c'est donc une partie importante.

D'après vous, qu'est-ce qui cause les faillites plus nombreuses qu'avant?

[Traduction]

M. Preugschas : C'est surtout attribuable aux pressions très fortes qui se sont exercées sur l'ensemble de l'industrie au cours des cinq dernières années. Tout a débuté avec la chute du dollar américain, combinée à la montée du dollar canadien. Je dis toujours que pour un éleveur de porcs comme moi, chaque mouvement d'un cent de la valeur de notre devise me coûte un dollar par porc. Comme je vends 250 porcs par semaine, mes revenus baissent de 250 $ pour chaque fluctuation d'un sou. Lorsque l'appréciation est de l'ordre de 35 cents, l'impact est énorme pour nos producteurs.

Il y a aussi le coût élevé des grains de provende. En 2008, lorsque le prix des céréales fourragères a atteint son maximum, nos dépenses grimpaient en flèche pendant que nos revenus étaient à la baisse. À un certain moment, en 2008-2009, nous perdions près de 75 $ par cochon. Je vends moi-même 20 000 porcs par année; je vous laisse faire le calcul.

Il s'agit ici de pertes immédiates, et non pas uniquement sur papier. Les producteurs québécois ont été protégés dans une certaine mesure grâce à leur programme provincial. Ils ont accusé le coup cette année, et surtout l'hiver dernier, lorsque leur programme est devenu moins généreux. Ils déplorent un grand nombre de faillite au cours de la dernière année, pendant qu'il y en avait moins dans le reste du Canada.

[Français]

Le sénateur Rivard : Avez-vous une idée du pourcentage des coûts de production du porc à cause des obligations environnementales? Est-ce que cela représente 5 p. 100 ou 10 p. 100 des coûts de production? Je parle du traitement du lisier, entre autres.

[Traduction]

M. Preugschas : Je n'ai pas vraiment de chiffres à vous fournir à ce sujet. Je crois toutefois qu'il faut se réjouir des mesures prises pour assurer une meilleure gestion environnementale. J'estime qu'il fallait vraiment faire quelque chose. D'une manière générale, les producteurs de porcs se tirent bien d'affaire en la matière. Les changements touchent surtout l'application du lisier. On ne peut plus l'épandre sur les sols gelés. Il faut pouvoir l'entreposer pendant toute l'année. Dans certaines provinces, il doit même être recouvert, et il faut bien sûr s'assurer que les fosses à purin ne contaminent pas les eaux souterraines. Nous sommes d'avis qu'il s'agit là d'améliorations importantes qu'il fallait apporter. Pour ceux qui devaient construire de nouvelles porcheries en intégrant ces éléments, la structure de coût n'a pas vraiment augmenté. C'était plus difficile pour les installations déjà en place où on devait investir pour apporter les modifications requises. Ce fut un coup dur supplémentaire pour ces producteurs qui ont eu encore plus de mal à soutenir la concurrence.

[Français]

Le sénateur Rivard : À votre connaissance, est-ce que les obligations environnementales canadiennes sont comparables à celles de notre compétiteur, soit les États-Unis? D'après vous, les mêmes conditions environnementales s'appliquent-elles aux deux pays?

[Traduction]

M. Preugschas : Je dirais que d'une manière générale nos normes sont plus élevées que celles en vigueur aux États- Unis, bien que les Américains s'emploient à combler le fossé. Nos normes étaient donc plus rigoureuses, mais il y a aussi des différences entre les provinces, car c'est une question qui relève de leur compétence.

[Français]

Le sénateur Rivard : Quand on a implanté de nouvelles règles environnementales, vous souvenez-vous s'il y a eu des programmes d'aide gouvernementale, soit au niveau fédéral ou au niveau provincial, pour aider les producteurs de porc à faire face à ces nouvelles obligations environnementales?

[Traduction]

M. Preugschas : Je ne peux pas vraiment vous répondre pour toutes les provinces. Je sais qu'il n'y en a pas eu en Alberta. Je crois que le Manitoba, où l'on a adopté des règles très strictes, a indiqué qu'il allait aider les agriculteurs à apporter certains des changements requis. Je ne sais pas quels programmes étaient offerts dans les différentes provinces. Ça peut varier d'un endroit à l'autre. Dans le cadre du programme Cultivons l'avenir, si vous établissiez un plan environnemental pour votre ferme, vous pouviez avoir accès à une aide financière pour appliquer certaines des mesures prévues. Ce n'était pas une aide très substantielle; je crois que le maximum était de 30 000 $. L'industrie porcine n'a pas beaucoup bénéficié de ce programme parce que nos éleveurs n'avaient pas les fonds nécessaires pour effectuer les travaux requis au cours des cinq dernières années. S'ils avaient eu des liquidités, ils auraient sans doute grandement profité du programme, mais ils ont dû récemment penser davantage à leur survie qu'à leurs investissements.

Le sénateur Fairbairn : Je trouve fascinante cette discussion au sujet des possibilités qui s'offrent au Japon comme dans d'autres pays éloignés. À ce titre, l'Alberta et la Colombie-Britannique ne sont-elles pas privilégiées du fait qu'elles n'ont pas à traverser tout le Canada? Ces provinces sont les plus rapprochées de ces pays dont vous avez parlé. Compte tenu de nos montagnes et de toute notre géographie, il est déjà assez difficile pour nous de transiger avec les États-Unis qu'on peut à peine imaginer les obstacles au commerce avec des pays plus éloignés. Vous employez-vous à préconiser l'établissement de tels liens commerciaux entre ces régions du Canada et des pays comme la Chine, notamment?

M. Preugschas : Comme vous le dites si bien, l'Alberta et l'Ouest du Canada sont nos régions les plus rapprochées du marché asiatique. Pour le transport maritime à partir de Vancouver ou de Prince George, il faut compter, si je ne m'abuse, trois jours de moins que pour une traversée au départ de Los Angeles. Ces trois journées sont très importantes. Il est effectivement très avantageux pour nous de vendre nos produits sur ces marchés, et nous exploitons pleinement cet avantage. L'Australie et le Chili sont également en concurrence avec nous. Comme ces pays sont beaucoup plus éloignés, il leur est difficile de livrer du porc frais sur les marchés asiatiques. Nous vendons de grandes quantités de porc frais au Japon et en Corée, et nous en écoulons également sur le marché chinois. C'est donc un débouché très important. Par l'entremise de Canada Porc International, nous sommes très actifs dans ces pays. Le directeur exécutif de cette organisation est d'ailleurs en Corée au moment où l'on se parle. Il essaie d'établir des relations là-bas pour ouvrir de nouveaux marchés. Nous déployons donc bel et bien d'importants efforts au Japon, en Chine, en Corée, au Vietnam, en Indonésie et aux Philippines. Ce sont autant de marchés importants pour nous.

Le sénateur Fairbairn : Tout cela semble fort intéressant, notamment pour nos jeunes diplômés universitaires qui y trouveront sans doute de belles perspectives d'avenir.

M. Preugschas : Je pense que nous pourrions en faire bien davantage. Notre pétrole et notre énergie intéressent également ces pays, la Chine tout particulièrement. Je pense que le Canada pourrait profiter de ces négociations commerciales pour y arrimer quelques-uns de nos produits. À chaque baril de pétrole expédié là-bas, on pourrait attacher un steak et une côtelette de porc, et pourquoi pas un peu d'agneau également. Cela fait partie d'une entente commerciale négociée.

Le sénateur Duffy : Madame MacTavish, merci d'être venue nous rencontrer. Les petits producteurs occupent une place importante à l'Île-du-Prince-Édouard et chacun d'eux souhaiteraient y prendre de l'expansion, comme c'est le cas dans bien des régions du pays pour ces éleveurs qui ont de petits cheptels, comme vous le disiez.

Je me souviens très bien des rudes batailles entre l'Australie et le Canada. Eugene Whalen, le ministre de l'Agriculture de l'époque, se plaignait du dumping au Canada de bœuf, d'agneau et de mouton congelés par les Australiens et les Néo-Zélandais. Y a-t-il encore un dumping semblable qui risque de faire baisser les prix?

Mme MacTavish : Si c'est encore une préoccupation, on n'en parle pas très souvent. Ces pays sont généralement perçus comme étant nos concurrents, bien que certains commencent à les voir davantage comme des collaborateurs. Ils permettent à nos consommateurs de continuer à avoir accès à de l'agneau lorsqu'il nous est impossible d'en mettre sur le marché. La perception de leur rôle au sein de l'industrie ovine canadienne a énormément changé.

Le sénateur Duffy : Vous vous souviendrez sans doute également de leur excellente campagne de publicité concernant l'agneau de la Nouvelle-Zélande.

Mme MacTavish : Oui.

Le sénateur Duffy : Avons-nous déjà organisé une campagne semblable pour l'agneau canadien?

Mme MacTavish : Non, mais nous nous apprêtons à le faire. Une coopérative canadienne des éleveurs d'agneau sera constituée officiellement dès janvier prochain. On s'emploie actuellement à faire la tournée du pays pour obtenir l'adhésion des producteurs. La coopérative travaillera à la mise en marché de l'agneau canadien. C'est une initiative du conseil de développement de l'industrie ovine en Saskatchewan. On discute avec les responsables des usines de transformation dans le but de régler certains des problèmes soulevés de telle sorte que les agneaux abattus dans des installations inspectées par les instances fédérales puissent être vendus partout au pays, plutôt que seulement dans certaines provinces.

Le sénateur Duffy : Le sénateur Robichaud a indiqué que l'agneau est un plat apprécié au sein de sa famille. Ma mère mangeait uniquement de l'agneau local. Elle l'exigeait. Elle ne voulait d'aucun de ces produits congelés. Si Eugene Whalen avait dit que ce n'était pas bon pour elle, elle n'allait certes pas en consommer.

Pour revenir à la question du lait de brebis, bien des gens mettent sur pied de petites entreprises agricoles où ils se livrent à une production intégrée en exploitant la laine, le lait et la viande. Quelle est la réglementation provinciale concernant le lait et en quoi vous touche-t-elle? Est-ce que la réglementation vous encourage à exploiter ce créneau au sein de votre industrie, ou a-t-elle l'effet contraire?

Mme MacTavish : Il est un peu difficile pour moi de vous répondre, car la situation varie d'une province à l'autre. Dans certains cas, c'est la réglementation de l'industrie laitière qui s'applique pour le lait de brebis et les produits dérivés. Dans d'autres provinces, ce type de production semble échapper à toute réglementation. Les éleveurs se sont toujours beaucoup plus intéressés à la production de viande d'agneau, mais on constate de plus en plus une diversification de l'utilisation des bêtes, notamment pour la traite de la brebis, surtout en Ontario et au Québec. Il ne semble pas y avoir de réglementation qui les empêcherait de le faire. Nous n'avons pas entendu d'éleveurs se plaindre de mesures qui les dissuaderaient de produire du lait de brebis.

Le sénateur Duffy : J'ose espérer que les gouvernements provinciaux ne font pas obstacle au développement de l'industrie dynamique que nous souhaitons tous. Pour avoir suivi pendant bien des années les conférences des premiers ministres provinciaux, je peux vous dire qu'ils avaient toujours au bas de leur liste les barrières au commerce interprovincial, la réglementation régissant le camionnage et des trucs semblables. Pendant toutes ces années, ils ne sont jamais parvenus à s'entendre à ce chapitre. La situation s'est-elle améliorée? Avez-vous toujours des problèmes? Les gens parlent d'enjeux, mais il s'agit en fait de problèmes. J'aimerais également que M. Preugschas nous dise ce qu'il en pense.

Mme MacTavish : Oui, c'est encore problématique pour nous. Nous constatons encore que les laiteries se retrouvent là où la demande est la plus forte sur le marché. Comme il y a une forte demande pour les produits dérivés du lait de brebis dans la grande région de Toronto, une ferme ovine s'y consacre à Fergus pour satisfaire à une partie de cette demande. C'est un problème auquel nous n'avons pas encore été vraiment confrontés, car la production est pour l'instant uniquement à la remorque de la demande.

Le sénateur Duffy : Monsieur Preugschas, nous savons que les Américains n'apprécient pas vraiment la concurrence. D'après vous, quels obstacles allons-nous devoir surmonter pour la conclusion d'un accord de libre-échange avec la Corée?

M. Preugschas : Il semblerait que le principal obstacle soit l'industrie automobile. Malheureusement, c'est simplement une question de désinformation. Selon notre compréhension de l'accord de libre-échange, des autos coréennes peuvent être assemblées dans le Sud des États-Unis, alors que notre ALENA permet l'importation de ces voitures au Canada de toute manière. La signature d'un accord de libre-échange entre le Canada et la Corée ne changerait rien à la donne dans le secteur automobile. En présentant cet enjeu comme un élément décisif, on fait du tort à notre industrie agricole.

Le sénateur Duffy : Je sais que le gouvernement se soucie des agriculteurs, alors je suis certain qu'il va s'occuper rapidement de la question.

M. Preugschas : Nous travaillons fort pour régler la question et nous exerçons des pressions. Nous avons aussi besoin de votre aide; continuez à en parler au gouvernement.

Le sénateur Duffy : Merci d'être venus aujourd'hui. La séance a été très informative.

Le sénateur Robichaud : Avant de parler d'innovation, j'aimerais savoir quelle quantité de produits canadiens est vendue par des magasins comme Costco. Ils écoulent énormément de produits, mais savez-vous quelle proportion vient du Canada?

M. Preugschas : Je peux certainement répondre à la question. Le bœuf est canadien. Quant au porc, il provenait des États-Unis jusqu'au début de cette année, lorsqu'on a mis sur pied un projet pilote dans la région d'Ottawa pour le porc canadien. Il est évident que le projet a été un succès, car l'un de nos transformateurs de Toronto a signé un contrat pour approvisionner en porc tous les magasins Costco de l'Ontario. Le reste du Canada l'importe toujours des États-Unis. Tous les magasins Costco de l'Ontario, sauf à Ottawa, je crois, s'approvisionnent en porc canadien.

Mme MacTavish : L'agneau vient de l'Australie.

Le sénateur Robichaud : Cela représenterait un assez gros marché pour vous, n'est-ce pas?

M. Preugschas : Il s'agit d'un énorme marché.

Le sénateur Duffy : Est-ce seulement une question de prix?

Mme MacTavish : Non, c'est une question d'approvisionnement. Nous ne pouvons pas produire assez de viande d'agneau, semaine après semaine, pour répondre à la demande.

Le sénateur Robichaud : Le problème ne se poserait pas avec le porc, n'est-ce pas?

M. Preugschas : La chaîne Costco nous dit qu'il s'agit aussi, en partie, d'un problème d'approvisionnement. Ses dirigeants insistent sur le fait qu'ils ont besoin d'un certain nombre de longes de porc chaque semaine. Ils sont prêts à payer un prix fixe toute l'année pour garantir la livraison du produit, même s'ils peuvent obtenir un meilleur prix ailleurs, car ils en commandent des quantités énormes. Ils sont en mesure de s'approvisionner à partir d'usines beaucoup plus grandes aux États-Unis et on leur garantit un statut d'acheteur privilégié. Ils nous disent donc que cela peut poser un problème, mais notre usine en Ontario a réussi à les approvisionner, alors c'est possible.

Le sénateur Robichaud : Dans quelle mesure y a-t-il place à l'innovation dans l'industrie du porc? Est-ce dans le domaine de la génétique ou de la nourriture pour animaux? Ma question vaut aussi pour l'agneau.

M. Preugschas : Il y a toujours place à l'innovation. Toutefois, il ne faut pas oublier que cela ne dépend pas de l'industrie. Si vous retirez de l'argent, il faut faire de la recherche fondamentale et appliquée. Si vous ne les faites pas, votre industrie finira par s'effondrer. Cela s'applique aussi à la production animale. L'innovation touche à tout. Nous menons des recherches en génomique, dans le domaine de la génétique, qui sont financées. Je travaille pour l'Alberta Livestock Meat Agency, qui finance un grand nombre de recherches. Nous avons investi beaucoup d'argent dans la recherche sur le génome du bétail, qui est essentielle. Si nous parvenons à être des chefs de file mondiaux dans ce domaine, notre industrie du bétail profitera d'une longueur d'avance. Qu'il s'agisse d'utilisation de la nourriture, d'environnement ou de production d'énergie, il n'y a pas de limite à l'innovation. On ne peut pas non plus donner trop d'importance à la recherche. Malheureusement, dans les années 1990, nous avons diminué le financement de la recherche, ce qui nous a mis un peu en retard. Nous devons veiller à ce qu'il continue.

Le sénateur Robichaud : Vous affirmez qu'avec plus de recherches et d'innovation, nous pourrions être des chefs de file. Savez-vous à quel point nous avons pris du retard?

M. Preugschas : Cela dépend de la recherche; heureusement, elle n'a pas de frontières. Si vous en faites partie, vous pouvez vous en servir plus rapidement. Mme MacTavish a mentionné à quel point il était important de transmettre la recherche, c'est-à-dire le transfert de technologie, aux exploitations agricoles. Nous travaillons fort pour leur transférer cette technologie afin qu'elles s'en servent. Nous touchons à tout.

Le sénateur Robichaud : Nous avons entendu dire, à plusieurs reprises, qu'il s'agissait d'une question de communication entre les chercheurs et les producteurs. D'une certaine façon, les choses ne fonctionnent pas comme elles le devraient. Je ne sais pas ce qu'on pourrait recommander pour simplifier la communication, afin que les producteurs soient au courant des recherches effectuées, et soient en mesure de les utiliser.

Mme MacTavish : Il y a deux ou trois façons d'aborder la question. Dans notre industrie, les provinces ont éliminé une grande partie du personnel de vulgarisation. En conséquence, les producteurs n'ont pas accès à une personne- ressource au sein du gouvernement provincial pour les aider à utiliser les nouvelles technologies ou les nouvelles pratiques de gestion dans leur exploitation agricole.

L'autre problème de notre industrie, c'est qu'il n'y a pas beaucoup de producteurs de moutons qui transmettent leurs connaissances et lèguent leur exploitation agricole à la génération suivante. Nous devons trouver de nouvelles façons de diffuser l'information et nous devons demander aux producteurs comment ils veulent la recevoir. Avec les iPad et les nouvelles technologies, nous pouvons centraliser l'information et l'envoyer à une personne qui est chargée de la diffuser. Nous devons demander aux producteurs comment ils veulent recevoir l'information et de quelle façon ils apprennent le mieux. Nous devons parler aux agents de l'éducation des adultes, car c'est ce nous faisons dans notre travail de vulgarisation, et veiller à ne pas seulement transmettre l'information aux agriculteurs, mais à la transmettre de façon à ce qu'ils la reçoivent, à ce qu'elle soit sensée et à ce qu'ils peuvent l'intégrer à leur exploitation agricole.

M. Preugschas : J'aimerais ajouter qu'il est important d'avoir des associations de producteurs qui sont solides. Il semble que plus l'association de producteurs que nous représentons est solide, mieux s'effectue le transfert de technologie. Les administrateurs sont des producteurs; ils comprennent cela et ils sont conscients qu'il faut organiser des conférences et tout ce qui favorise le transfert de technologie.

On peut toujours veiller, entre autres, à ce que les associations de producteurs soient solides.

[Français]

Le sénateur Rivard : Récemment, nous avons rencontré des gens de l'Association des producteurs agricoles qui nous ont fait part des grandes difficultés qu'ils ont à recouvrer l'argent lorsqu'ils vendent sur les marchés étrangers. C'est à ce point grave qu'ils mettent sur pied une assurance paiement et que ce sont les membres qui contribuent puisque ce n'est pas protégé par les gouvernements.

Chez vous, les producteurs de porcs ou de moutons ont-ils les mêmes difficultés à se faire payer sur les marchés étrangers? Si oui, envisagez-vous de mettre sur pied ce genre de protection de paiement, comme les producteurs agricoles?

[Traduction]

M. Preugschas : Cela dépasse un peu mon champ d'expertise, sénateur. Dans notre cas, en général, les exportateurs et les opérateurs de marché font leur travail à l'extérieur du pays. Autrement dit, Olymel ou Maple Leaf du Canada, les grandes compagnies, s'occupent du commerce. Toutefois, dans les pays où le risque est plus élevé, ce sont les entreprises commerciales qui s'en occupent, car elles comprennent le marché et réussissent à réduire le paiement au minimum. C'est très important, et je pense que le monde des affaires s'en occupe jusqu'à un certain point.

En ce qui a trait à l'assurance, je pense qu'EDC s'en occupe dans une certaine mesure. Je suis aussi un producteur dans le domaine de la génétique et, parfois, des problèmes surgissent et EDC garantit le paiement dans certains cas, ou l'assure, ce qui représente un outil très précieux pour nous.

[Français]

Le sénateur Rivard : Ma dernière question concerne le marché biologique. Je ne sais pas si vous avez des statistiques sur certaines compagnies privées, peut-être pas nécessairement à la bourse. Au Québec, le groupe DuBreton est dans le marché biologique. Savez-vous s'ils ont du succès au point où ils sont toujours en progression surtout à l'extérieur au Canada?

[Traduction]

M. Preugschas : Nous pensons que la différenciation est une bonne chose. Il est essentiel de parvenir à se différencier et à développer un marché. Nous ne nous demandons pas vraiment si nous devrions avoir une production biologique; nous encourageons la différenciation. Si un producteur produit du porc sécuritaire, nous l'encourageons et nous l'appuyons, qu'il soit produit avec des méthodes biologiques ou autres. Il s'agit de se différencier et de trouver un créneau dans le marché. Nous les appuyons tous.

Le président : Y a-t-il d'autres questions?

Le sénateur Robichaud : Pouvez-vous me parler d'Enviropig?

M. Preugschas : En ce qui a trait à Enviropig, j'étais président de l'Association canadienne des éleveurs de porc à ses débuts, il y a des années, lorsque nous avons investi dans la recherche à ce sujet. L'Enviropig devrait être applaudi par tous les environnementalistes, car ce porc peut digérer les phosphoreux mieux que les porcs normaux. Ainsi, le fumier contribue beaucoup moins au lessivage du sol, ce qui diminue les répercussions environnementales, et cetera. Je crois qu'il s'agit d'un de ces outils que nous devons adopter lorsque nous pensons à l'avenir, c'est-à-dire à nourrir neuf milliards de personnes. Si nous n'utilisons pas les outils génétiques à notre disposition, que ce soit les animaux ou les plantes, nous allons nous retrouver avec des problèmes environnementaux, car nous aurons besoin de plus de terrain pour produire la même quantité de nourriture. L'Enviropig s'inscrit directement dans cette ligne de pensée.

Nous sommes toujours conscients du fait que les règlements doivent être approuvés avant d'être appliqués dans le domaine alimentaire. Le CCP n'encourage pas cela. Nous devons laisser au ministère de la Santé et à toutes les parties concernées le soin de décider s'il s'agit d'un produit salubre. Une fois que le produit est déclaré salubre, nous devrions en faire la promotion.

Le sénateur Eaton : Pourvu que cela ne change pas le goût.

M. Preugschas : En effet, je pense qu'il est important que le goût ne soit pas touché.

Le président : La Fédération canadienne du mouton et le Conseil canadien du porc nous éclairent à ce sujet.

[Français]

Le sénateur Rivard : L'industrie porcine est la mal-aimée des villes et des villages, surtout des villages, car dans les villes, c'est très rare. Il s'agit du syndrome « pas dans ma cour ! »

Au Québec, chaque fois qu'un producteur porcin veut s'implanter, il est pris avec la population. Est-ce un problème typique au Québec?

[Traduction]

M. Preugschas : Je pense que c'est vrai partout au Canada. Si vous pensez que le Québec a des problèmes, regardez ce qui se passe au Manitoba. Je ne devrais peut-être pas en parler, mais les choses sont difficiles pour les producteurs de cochon là-bas. La réponse est oui. D'une certaine façon, l'industrie porcine s'est attirée une mauvaise réputation lorsqu'on a construit ces énormes installations en Caroline. Les nôtres sont loin d'être aussi imposantes, mais les gens semblent penser que nos plus grandes installations sont aussi grandes que celles de la Caroline, où on a connu quelques problèmes environnementaux. Nous avons vraiment connu peu de problèmes environnementaux ici, mais il est très difficile de changer la façon de penser des gens. Nous y travaillons très fort.

Le président : Avant de terminer, j'aimerais remercier les témoins d'avoir accepté notre invitation. Si vous avez quelque chose à ajouter au cours de notre étude, n'hésitez pas à communiquer avec nous.

(La séance est levée.)


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