Délibérations du Comité sénatorial permanent de
l'Agriculture et des forêts
Fascicule 14 - Témoignages du 27 mars 2012
OTTAWA, le mardi 27 mars 2012
Le Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts se réunit aujourd'hui, à 17 h 36, pour examiner, afin d'en faire rapport, les efforts de recherche et d'innovation dans le secteur agricole (sujet : Comprendre l'innovation dans le secteur agricole et agroalimentaire selon le point de vue du secteur des intrants agricoles).
Le sénateur Percy Mockler (président) occupe le fauteuil.
[Français]
Le président : Je remercie le vice-président pour ses commentaires, je les accepte. Je souhaite à tous la bienvenue à cette séance du Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts.
[Traduction]
Mesdames messieurs les témoins, merci d'avoir accepté notre invitation. Nous apprécions que vous partagiez vos connaissances, votre vision et vos recommandations avec le Comité de l'agriculture. Je m'appelle Percy Mockler. Je suis un sénateur du Nouveau-Brunswick et président du comité. Je vais demander aux sénateurs et sénatrices de se présenter.
Le sénateur Mercer : Je suis le sénateur Terry Mercer, de la Nouvelle-Écosse.
[Français]
Le sénateur Robichaud : Fernand Robichaud, Saint-Louis-de-Kent, au Nouveau-Brunswick.
[Traduction]
Le sénateur Merchant : Je suis Pana Merchant, de la Saskatchewan.
Le sénateur Mahovlich : Frank Mahovlich, Ontario.
Le sénateur Buth : JoAnne Buth, Manitoba.
[Français]
Le sénateur Maltais : Ghislain Maltais, du Québec.
[Traduction]
Le président : Merci, honorables sénateurs.
Le comité poursuit son étude sur les efforts de recherche et d'innovation dans le secteur agricole. L'ordre de renvoi du Sénat du Canada est de présenter un rapport et il autorise le comité à examiner les efforts de recherche et de développement dans le contexte du développement de nouveaux marchés, à l'échelle nationale et internationale, du renforcement du développement durable de l'agriculture et aussi de l'amélioration de la diversité et de la sécurité alimentaires, ainsi que des cycles de vie.
Aujourd'hui, nous allons comprendre l'innovation dans le secteur agricole et agroalimentaire selon le point de vue du secteur des intrants agricoles. Honorables sénateurs, aujourd'hui nous accueillons Patty Townsend, présidente- directrice générale de l'Association canadienne du commerce des semences; Jean Szkotnicki, présidente de l'Institut canadien de la santé animale; et Rick McRonald, directeur exécutif de Canadian Livestock Genetics Association.
On m'a indiqué, honorables sénateurs, que la première présentatrice sera Mme Szkotnicki, après qui nous aurons M. McRonald et ensuite Mme Townsend. Maintenant, madame Szkotnicki, vous avez la parole.
Jean Szkotnicki, présidente, Institut canadien de la santé animale : Monsieur le président et membres du comité permanent, j'aimerais vous remercier de m'avoir invitée à comparaître devant vous pour vous parler de l'innovation relativement à l'industrie de santé animale et, de manière plus importante, à l'agriculture.
Comme vous l'avez mentionné, je suis présidente de l'Institut canadien de la santé animale. Nous sommes une organisation unique qui représente l'industrie des produits pharmaceutiques pour animaux, unique, car nous représentons à la fois le côté générique et le côté novateur de l'industrie. Cela est très différent de ce que l'on voit du côté de la santé humaine. Nous enregistrons environ 620 millions de dollars par an en chiffre de ventes avec nos membres, et nos membres représentent environ 95 p. 100 des ventes. Nous représentons les compagnies transnationales, certaines petites entreprises canadiennes et certaines firmes de recherche, et cetera; au sein du marché canadien. Je me plais à dire que nous sommes le guichet unique pour les membres de l'industrie de la santé animale.
Notre industrie joue un rôle important, car elle fournit les intrants essentiels pour les industries de la viande et du bétail au Canada. Elle favorise et améliore la santé et le bien-être des humains et des animaux. Elle fait des contributions essentielles à la salubrité des aliments, elle contribue à la durabilité et à la compétitivité de l'agriculture, soutient le commerce international et le développement économique et contribue à une économie canadienne basée sur l'innovation et le savoir.
L'innovation est la clé de notre avenir. Nous avons une expression. Le pipeline est crucial pour les profits du secteur de la santé animale et pour la création du nouveau produit à mettre en marché. C'est aussi important pour l'avenir de l'agriculture.
Je voulais vous donner un exemple récent, une situation où nous avons été confrontés à une flambée du circovirus et le sénateur du Québec en a sûrement entendu parler, tout comme ceux de l'Ontario. Il y a une flambée du circovirus dans l'industrie porcine, ce qui a entraîné d'énormes pertes en termes de décès. C'était une situation très grave pour les industries porcines de l'Ontario et du Québec. Notre industrie a pu se mobiliser et proposer un nouveau vaccin au marché, ce qui a en fait permis de contrôler la maladie. C'était une situation extraordinaire, car la gestion de la maladie par le circovirus a été possible grâce à un vaccin préventif, un nouveau vaccin pour le marché canadien. Nous avons non seulement apporté un vaccin, mais plutôt trois vaccins, avec différentes compagnies en concurrence les unes contre les autres. Ce qui est encore plus important, cela a permis d'améliorer le bien-être animal et d'avoir une incidence sur la sécurité humaine. Grâce à ce vaccin, nous avons assisté à une baisse de l'utilisation d'antimicrobiens pour traiter les porcs malades. Cela est important, car nous parlons de choses comme la résistance aux antimicrobiens. Nous avons également assisté à une amélioration de la productivité, car nous avons minimisé les pertes dues aux décès et nous avons pu contrôler la maladie. Encore une fois, cela est important pour le secteur des producteurs.
Pour mieux gérer mon temps aujourd'hui, j'aimerais me concentrer sur quatre domaines et un certain nombre de recommandations dans ces domaines. Dans les encadrés qui se trouvent dans le document que je vous ai fourni, les encadrés sur fond bleu — peut-être que les vôtres ne sont pas en couleurs, parce que le greffier me dit qu'il ne fait pas de photocopies en couleurs. Je le comprends. Nous croyons que ces recommandations doivent donner lieu à des mesures concrètes si nous voulons disposer rapidement d'outils novateurs de gestion de la santé des animaux au Canada, pour l'industrie du bétail.
Le premier domaine de discussion porte sur l'importation et l'utilisation de médicaments non approuvés en médecine vétérinaire, dans l'agriculture. Santé Canada a une politique qui permet l'importation et l'utilisation de médicaments pour animaux non approuvés. Il s'agit de médicaments qui ne sont pas soumis à l'évaluation des risques par Santé Canada. Les propriétaires d'animaux peuvent importer et utiliser des produits finis, et les professionnels de la santé comme les vétérinaires peuvent se servir de produits chimiques en vrac ou d'ingrédients pharmaceutiques actifs pour les utiliser en médecine vétérinaire. Cette situation est unique par rapport aux autres pays développés du monde et cela a un effet dissuasif sur l'arrivée de nouveaux produits novateurs sur le marché canadiens de la santé animale.
Selon une étude réalisée par la Fédération internationale pour la santé animale, on estime que ces produits avaient une valeur d'opportunité de 100 millions de dollars, ce qui représente une quantité impressionnante de produits importés au Canada et utilisés dans la production, sans être passés par un examen de Santé Canada. Bien entendu, le processus d'examen entraîne des coûts.
Nous recommandons que la Canada établisse un programme d'importation pour utilisation personnelle en ce qui concerne les médicaments pour animaux, ce qui correspondrait à son programme d'utilisation personnelle pour les pesticides, géré par l'Agence de réglementation de la lutte antiparasitaire. Cela donnerait aux Canadiens l'assurance que les produits répondent aux normes de sécurité canadienne, tout en accordant aux propriétaires d'animaux un accès à des produits étrangers en vente libre.
Parallèlement, nous pensons que Santé Canada devrait établir des mesures de contrôle sur l'imposition et l'utilisation d'ingrédients pharmaceutiques actifs qui correspondent aux programmes dans d'autres domaines. Nous ne demandons rien de spécial par rapport à la situation mondiale, dans les pays développés, comme par exemple l'application d'ordonnance en cascade. À la fin de mon mémoire se trouve une annexe qui explique cette cascade, où on commence par un produit de santé animale homologué pour cette espèce; s'il n'y a rien de disponible, on se rabat sur un médicament vétérinaire autorisé pour une autre espèce, puis sur un médicament pour les humains; si cela n'est pas disponible, on se rabat sur un IPA. Telle est la démarche prévue par la loi, l'IPA étant un ingrédient pharmaceutique actif.
Le deuxième domaine que j'aimerais aborder est celui du rendement réglementaire et des exigences concurrentielles. L'élaboration de nouveaux médicaments vétérinaires est longue. Cela peut prendre de 12 à 15 ans pour commercialiser un produit. Elle est coûteuse, avec des coûts de développement d'environ 250 millions de dollars, de par la nature des études que nous devons réaliser pour appuyer la soumission de médicaments. Elle est risquée puisque une molécule sur 7 500 qui sont évaluées devient un produit commercial.
La réglementation doit être souple pour permettre la commercialisation de nouveaux produits novateurs en santé animale. L'examen préalable à la commercialisation — et cela est très important — doit être basé sur des données scientifiques et basé sur les risques et les exigences proportionnelles au risque. Nous avons certaines choses qui posent des risques plus élevés, et je mettrai la plupart des produits d'alimentation animale dans cette catégorie, et d'autres qui posent moins de risque. Par exemple, devrions-nous passer notre temps d'examen à nous pencher sur les produits pour animaux de compagnie qui sont déjà réglementés et approuvés dans d'autres pays?
Nous recommandons que les initiatives de modernisation en cours actuellement, de la Loi relative aux aliments du bétail et de la Direction générale des produits de santé et des aliments relativement aux médicaments vétérinaires, reposent sur la science et sur le risque et qu'elles soient souples pour s'adapter aux nouveaux outils sûrs de gestion de la santé animale. Nous pensons aussi que la Direction des médicaments vétérinaires, et nous sommes heureux de le dire, travaille avec la FDA américaine pour harmoniser et instaurer une équivalence entre les deux programmes pour que nous puissions avoir des produits et des outils de gestion de la santé homologués dans les deux pays en même temps.
Habituellement, il y a toujours eu un décalage, où le Canada suit les États-Unis de cinq à sept ans plus tard. Nos producteurs sont en concurrence, sur les marchés internationaux, avec des producteurs bovins et autres producteurs qui peuvent avoir accès à de nouvelles technologies. De plus, nous voulons nous assurer que, dans certains nouveaux domaines, comme la technologie des cellules souches bioactives, entre autres, le Canada est à la hauteur par rapport à la science qui permet de commercialiser ces produits.
Les initiatives de modernisation de la Direction générale des produits de santé et des aliments doivent également reconnaître les différences entre la médecine humaine et la médecine animale pour veiller à une surveillance de la sécurité et des risques inhérents à l'utilisation de médicaments non approuvés en agriculture et en médecine vétérinaire. N'oubliez pas qu'une grande partie de la loi a été élaborée pour l'industrie humaine, sans penser à l'industrie animale. Nous devons reconnaître ces différences et prendre le contrôle, là où nous devons gérer la sécurité de manière différente.
Les exigences techniques canadiennes relativement aux médicaments vétérinaires en ce qui concerne l'évaluation environnementale et d'autres paramètres d'examen doivent être en harmonie avec celles de nos quatre principaux partenaires commerciaux si nous voulons aussi attirer l'innovation au Canada.
Le troisième domaine que je veux aborder concerne la protection des brevets. La protection des brevets est la même, que ce soit du côté de la santé animale ou du côté de la santé humaine. Elle donne le temps à l'innovateur de récupérer les coûts de l'élaboration du produit de santé animale. Une longue période d'examen peut réduire cette période de 20 ans. Dans l'industrie de la santé animale, on voit que, avant qu'un produit, surtout du côté de l'alimentation animale, soit inscrit ou homologué pour son utilisation et sa vente sur le marché canadien, il ne lui reste plus que cinq ans d'exclusivité sur le marché. D'autres pays prolongent la durée des brevets et nous recommandons que les lois canadiennes sur les brevets soient harmonisées avec celles des autres pays développés et permettent la prolongation des brevets pour tenir compte des périodes d'examen avant la mise en marché.
Toujours dans ce domaine, nous recommandons aussi que les programmes canadiens d'examen réglementaire avant la mise en marché soient concurrentiels du point de vue du rendement et de la prestation de services. Nous devons pouvoir examiner en 180 jours si telle est la norme que suivent d'autres pays. Il y a eu de grands progrès dans le processus canadien de réglementation, surtout en ce qui concerne les produits vétérinaires biologiques dans les médicaments vétérinaires. C'est quelque chose qu'il faut constamment surveiller et nous devons chercher les façons de faire ces examens dans de meilleurs délais, comparables à ceux des autres pays développés comme les États-Unis et l'Union européenne.
Le quatrième domaine de discussion porte sur l'exclusivité des données, et j'espère que vous ne verrez aucun inconvénient à ce que j'aborde certains aspects techniques. L'exclusivité des données est la période durant laquelle le fabricant de médicaments génériques ne peut pas se fonder sur les données d'essais cliniques de l'innovateur qui sont présentées à l'organisme de réglementation afin d'assurer la sécurité et l'efficacité d'un produit. L'industrie de santé animale traite de nombreuses espèces plutôt qu'une seulement, comme c'est le cas pour les humains. Une autre grosse différence entre l'industrie de la santé animale et celle de la santé humaine, c'est la multitude d'espèces que nous traitons. Souvent, les produits sont autorisés à la vente pour les grandes espèces, par exemple le bœuf et plus tard, il se pourrait que la compagnie soit intéressée à effectuer d'autres essais cliniques pour les étendre à une autre espèce. La difficulté en ce qui concerne les animaux, c'est que l'exclusivité ne s'applique pas aux nouvelles indications pour les médicaments existants sur le marché. Récemment, nous avons assisté à une expansion dans les industries de l'aquaculture, de la chèvre et du mouton. Un des facteurs qui limitent leur croissance vient du fait qu'ils n'ont pas de médicaments pour répondre aux besoins de ces espèces. Pour nos compagnies, il n'y a aucun incitatif pour effectuer des essais supplémentaires en vue d'obtenir une extension de l'étiquette aux espèces de l'aquaculture, aux moutons et aux chèvres, par exemple.
Les pays comme les États-Unis accordent l'exclusivité des données à une firme. Ils donnent sept ans tandis que l'Union européenne donne 10 ans. Cela soutient une nouvelle indication, comme nous l'avons vu, alors qu'un plus grand nombre de ces produits se retrouvent sur le marché. Nous recommandons que la modernisation de la Loi et du Règlement sur les aliments et drogues soit entreprise avec l'intention d'élargir l'exclusivité des données pour couvrir les médicaments pour animaux et, ainsi, aider à soutenir les expansions d'étiquettes, tout en restant en harmonie avec les dispositions semblables établies dans d'autres pays développés.
En conclusion, les quatre domaines que j'ai mentionnés aujourd'hui sont l'importation et l'utilisation de produits non approuvés; le rendement de la réglementation et l'harmonisation des exigences avec d'autres pays développés; la protection des brevets, laquelle est cruciale pour encourager l'innovation; et l'exclusivité des données pour aider à apporter l'innovation aux produits sur les marchés présentement. En adoptant ces recommandations, on fera en sorte que les producteurs canadiens d'animaux destinés à l'alimentation aient accès à des médicaments pour animaux innovateurs qui soient sûrs et efficaces, et, chose importante, qu'ils y aient accès rapidement par rapport à d'autres pays. Ces produits sont très importants pour la sécurité des animaux et la salubrité alimentaire, ainsi que pour l'accès aux marchés internationaux et pour un retour sur investissement concurrentiel pour les producteurs canadiens.
Rick McRonald, directeur exécutif, Canadian Livestock Genetics Association : Merci de me donner l'occasion de présenter un exposé au nom de la Canadian Livestock Genetics Association, que je désignerai par l'acronyme CLGA.
CLGA a été constituée 1999 par la fusion de trois associations commerciales du secteur et on lui a confié le mandat de traiter des questions d'accès aux marchés, de santé animale et de développement des marchés. Les témoins précédents ont souligné l'importance des exportations pour le secteur agroalimentaire et la raison d'être de CLGA, ce sont justement les exportations. Pourquoi? Les ventes des produits de nos membres fournissent un revenu direct aux producteurs canadiens et apportent des recettes pour alimenter les moteurs de la recherche qui donnent au Canada une longueur d'avance dans la génétique et qui renforcent la durabilité et la sécurité de notre production nationale.
À l'heure actuelle, les exportations de nos membres totalisent un chiffre de ventes d'environ 150 millions de dollars, mais cette somme pourrait facilement doubler si l'on continue à regagner les marchés perdus à cause de maladies au Canada, notamment l'ESB et la grippe aviaire. Nos membres sont dans la production laitière, les petits ruminants — brebis et chèvres — et le secteur génétique de la volaille et inclut aussi des producteurs et des commercialistes d'animaux, de semences, d'embryons, ainsi que des poussins d'un jour et des œufs d'incubation, ainsi que d'autres qui fournissent des services de soutien à l'industrie. Même si nous avons 65 membres, cela inclut des associations de race et donc, dans le véritable sens du terme, nous sommes un plus pour tous les producteurs de ces secteurs. Nos produits sont énumérés plus haut, mais nous vendons vraiment les programmes et les philosophies de reproduction canadienne.
Dans la pratique, nous veillons à ce que l'acheteur ait les connaissances et les compétences pour maximiser l'expression de la génétique qu'il a achetée, dans son propre pays. Dans certains cas, le processus de perfectionnement est en partie assuré par le biais d'Agriculture et Agroalimentaire Canada, par son programme d'Agri-marketing. En investissant dans la génétique supérieure et en acquérant les compétences et les connaissances pour bien gérer les animaux, cela peut aider d'autres pays à atteindre leurs objectifs en matière de système de production alimentaire durable.
Je vais souligner quatre domaines qui sont importants, puis je reviendrai pour résumer trois recommandations que nous vous soumettons.
Nous ne pourrions pas exporter notre génétique supérieure si nous n'avions pas notre statut de santé animale nationale. Tout au long de son histoire, le Canada a joui d'une bonne réputation quant à la santé de ses animaux, ce qui nous a permis d'avoir accès à plus de 100 pays avec les produits que vendent nos membres. Nos investissements dans la santé animale, à l'échelle nationale, ont commencé à prendre du retard par rapport à nos pays concurrents et par rapport aux pays à qui nous vendons. Nous avons atteint véritablement un tournant le 20 mai 2003, lorsque nous avons dû annoncer au monde que nous avions un cas d'ESB chez un animal né au Canada. Cela a été important, de bien des façons.
Neuf ans plus tard, nous n'avons toujours pas récupéré tous les marchés que nous avons perdus en raison de l'épisode de la vache folle, et ce qui est peut-être plus important encore, c'est que le monde se fie maintenant à des conditions de commerce fondées sur la science. Le rôle de l'Organisation mondiale de la santé animale en tant qu'organe d'établissement des normes sous l'OMC est bien établi.
Nous avons l'habitude de nous en tirer grâce à la réputation du Canada, tandis que maintenant nous devons prouver que nos produits ne contiennent pas telle ou telle maladie, et il y a une parade sans fin de fonctionnaires provenant d'autres pays qui se rendent au Canada pour évaluer nos mesures en matière de santé animale et de salubrité alimentaire. L'ESB a eu des répercussions sur le secteur bovin et des petits ruminants. Ensuite, en 2004, il y a eu la grippe aviaire en Colombie- Britannique qui s'est traduit par les mêmes répercussions sur le secteur de la génétique aviaire. Encore une fois, en dépit des années passées, nous n'avons toujours pas récupéré ces marchés. Pour compliquer les choses davantage, tout cela s'est passé au moment où nous avons commencé à reconnaître l'impact de facteurs comme les changements climatiques, l'accroissement de la population, le déplacement des produits et des personnes dans le monde, les zoonoses, les maladies émergentes ou réémergentes et le concept de santé unique qui fait en sorte qu'il faut tenir compte de la santé des animaux, des humains et de l'environnement comme faisant partie d'un tout.
En tant que membre fondateur de la Coalition canadienne pour la santé des animaux il y a 10 ou 12 ans, CLGA a reconnu l'importance d'établir des partenariats avec les autres secteurs de l'industrie et avec le gouvernement pour affronter les défis auxquels nous faisons face. C'est grâce à l'initiative de la coalition que nous disposons maintenant d'une Stratégie nationale sur la santé et le bien-être des animaux d'élevage ainsi que le Conseil national sur la santé et le bien-être des animaux d'élevage.
La fondation d'un système de santé animale robuste, établi non seulement pour l'accès au marché mais également pour ce qui est de notre capacité de documenter et de faire face à notre situation concernant la santé des animaux, est un système de surveillance. L'ACIA a récemment transféré la responsabilité pour cette activité à sa direction des sciences, et la première recommandation du conseil national porte sur le développement et la mise en œuvre d'un nouveau plan de surveillance. Il faut accorder la plus haute priorité à cette initiative au fur et à mesure que nous allons de l'avant parce que, sans cela, nous ne pouvons pas savoir où nous nous situons et ne pouvons pas établir les plans nécessaires.
J'aimerais maintenant parler du changement règlementaire. Le Cadre stratégique pour l'agriculture, l'APF2, et Cultivons l'avenir n'ont pas reconnu la santé des animaux, et cela s'est traduit par des retards qui ont fait que nous n'avons pas commencé à faire ce qu'il fallait pour moderniser notre système de santé animale. En 2012, tout en continuant d'œuvrer sous son mandat actuel, l'ACIA a commencé son processus de modernisation de la règlementation et des inspections, et elle participe à d'autres initiatives qui vont essentiellement redéfinir ce que fait l'agence et la façon dont elle le fera. Malheureusement, pour ceux d'entre nous qui travaillons du point de vue de la santé des animaux plutôt que de la salubrité des aliments, les délais sont beaucoup trop longs, et il faut se pencher sur des questions comme la compartimentalisation, les essais sanitaires et l'accréditation des laboratoires, la disponibilité des vaccins et des produits pharmaceutiques, et les procédures axées sur les résultats qui sont compris dans ces initiatives de modernisation. Il faut s'y pencher plus tôt que tard. Certains membres attendent ces initiatives depuis un long moment déjà, et nous avons vu certaines entreprises, particulièrement celles du secteur de la génétique aviaire, commencer à investir dans d'autres pays qui ont des systèmes réglementaires plus conviviaux. Cela représente un véritable risque que nous perdions en fait ces entreprises, c'est-à-dire qu'elles vont investir ailleurs et quitter le Canada, à moins que nous ne puissions rendre l'environnement dans lequel elles font affaire plus favorable.
Pour ce qui est du secteur de la recherche, je vais mentionner plus particulièrement l'industrie du matériel génétique laitier. Le Canada est déjà en tête de file pour ce qui est de la génétique bovine. L'amélioration de la génétique est un des principaux moteurs de la productivité des bovins laitiers au Canada et responsable pour une grande partie des avantages économiques à l'échelle des établissements agricoles. Au Canada, nous avons un système de gestion de l'offre du secteur laitier, mais il est important de noter que les vaches que nous développons dans le cadre de ce système de gestion de l'offre est en très grande demande partout dans le monde. Il ne s'agit pas uniquement des vaches en tant que telles, mais également des embryons et de la semence que nous vendons dans le cadre de ces améliorations génétiques.
Ces avantages vont au-delà du coût des intrants comme la semence et la moulée ainsi que les intrants en santé. Pour ce qui est de la génomique, qui a été adoptée par l'industrie laitière plus rapidement que par tout autre secteur agricole, nous nous attendons à des recettes supplémentaires d'environ 60 p. 100 par année, ce qui représente une estimation conservatrice.
Notre position de chef de file mondial dépend énormément de la recherche et de l'innovation tant dans le secteur de la génétique que dans celui de la génomique. L'industrie elle-même paie pour la recherche, par le biais du Réseau laitier canadien ainsi que diverses universités et centres de recherche, grâce à du financement conjoint provenant de l'industrie, de DairyGen, ou bien grâce à du financement provenant d'entreprises individuelles comme Boviteq, une division de Semex Alliance qui est un de nos membres.
Toutefois, nous devons obtenir un appui renouvelé dans ce secteur crucial de financement de la recherche. À l'heure actuelle, seulement 10 p. 100 du projet Génome Canada approuvé, dirigé par l'Université de l'Alberta, sont destinés à la recherche en matière de bovins laitiers. En anticipant que Cultivons l'avenir 2 comprendra du financement pour la recherche continue, l'industrie collabore au développement d'une proposition d'une composante de génétique et de génomique laitière dans ce programme, que l'industrie appuie également. Par ailleurs, nous sommes très préoccupés par l'aptitude de certaines universités, et plus particulièrement l'Université de Guelph, qui a historiquement joué un rôle clé à cet égard, à maintenir leur capacité de recherche en matériel génétique laitier.
Passons maintenant à l'accès aux marchés, en réponse à la demande de l'industrie de l'agroalimentaire et en reconnaissance de l'importance du commerce, Agriculture et Agroalimentaire Canada a mis sur pied le Secrétariat de l'accès au marché en 2009, je crois. Le secrétariat continue d'évoluer, mais ce qui est plus important encore c'est qu'il réussisse. Une équipe composée de représentants de l'industrie, du secrétariat, du Service d'exportation agroalimentaire, ainsi que du soutien venant d'ailleurs et d'autres programmes offerts par la Direction générale des services à l'industrie et au marché du ministère des Affaires étrangères et du Commerce international, des contributions techniques provenant de l'ACIA, et une coordination accrue entre les gouvernements fédéral et provinciaux, tout cela signifie que le Canada jouit d'une présence forte, étant donné la taille de notre pays, pour ce qui est du développement des marchés et du maintien des marchés à l'étranger et de l'accès à ces marchés. Il faudra continuer de peaufiner et de perfectionner ces partenariats.
En résumé, j'aimerais revenir sur trois points. Cultivons l'avenir 2 devra plus particulièrement recenser et se pencher sur les problèmes de santé et de bien-être animal. Les initiatives en cours doivent procéder le plus rapidement possible, et il faut donner la plus haute priorité à la surveillance des maladies. La réglementation portant sur les sciences et la santé des animaux fera l'objet d'une modernisation de la réglementation en 2015. Comme je l'ai dit auparavant, c'est beaucoup trop long. Il faut faire preuve de souplesse pour résoudre certains problèmes de façon plus expéditive. Cultivons l'avenir 2 doit fournir du financement considérable pour la recherche dans le secteur de la génétique et de la génomique laitières.
Le président : Nous passons maintenant à Patty Townsend.
Patty Townsend, présidente-directrice générale, Association canadienne du commerce des semences : Merci beaucoup monsieur le président et honorables sénateurs. Je suis surprise par les similitudes, même si l'on ne s'attendait pas à avoir des similitudes entre l'industrie des semences axée sur les plantes et le secteur du bétail. Je suis certaine que vous avez entendu ces témoignages maintes et maintes fois de tous vos témoins, mais je suis vraiment surprise par les similitudes relatives aux objectifs et aux défis en général. Je suis très heureuse d'avoir été invitée pour vous parler aujourd'hui de l'innovation ainsi que de l'agriculture et de l'agroalimentaire au Canada. J'aimerais prendre quelques secondes — et en fait un peu plus que quelques secondes — pour vous présenter un peu l'Association canadienne du commerce des semences.
Notre organisation compte 130 entreprises membres, et nous touchons à tous les aspects des semences, allant de la R-D touchant le croisement des plantes jusqu'à la production, la transformation, la mise en marché, les ventes et le commerce international. Nos membres sont très différents les uns des autres, il peut s'agir d'un petit établissement agricole, d'un détaillant de semences, voire de grandes entreprises multinationales ou bien de petites entreprises de mise en marché de petits paquets de semences pour des légumes, les fines herbes ou des épices en passant par les grands manutentionnaires de grains des Prairies, des entreprises de production de semences biologiques jusqu'aux géants de la biotechnologie. Nos membres diffèrent beaucoup, mais ils sont tous unis à l'égard de notre mission, qui est simple et courte — c'est-à-dire de promouvoir l'innovation et le commerce dans l'industrie des semences.
Je vais vous nommer de nouveau les défis auxquels nous faisons face en agriculture, et je suis certaine que vous en avez déjà entendu auparavant. À l'heure actuelle, la population mondiale se situe à environ 7 milliards de personnes. Une personne sur sept souffre déjà de la faim et ne consomme pas suffisamment d'aliments pour répondre à ses besoins de base. D'ici 2050, la population du monde s'élèvera à 9,1 milliards de personnes, et plus de 80 p. 100 de cette croissance se produira dans les pays les moins développés et en développement.
Pour nourrir cette population, l'Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture stipule que les agriculteurs de partout dans le monde devront doubler leur production actuelle. En d'autres mots, les agriculteurs, d'ici 2050, devront produire autant de nourriture qu'il en a été consommée depuis le début de l'humanité. C'est un défi massif en soi, et il est compliqué par le fait qu'il faudra aussi faire face à une urbanisation croissante, et à une compétition accrue pour des terres, un déclin de l'approvisionnement en eau douce et les effets mondiaux des changements climatiques.
Cela semble pessimiste et alarmiste. En résumé, nous devrons alimenter davantage de personnes avec moins de terre arable, moins d'eau, moins d'engrais, moins d'intrants et moins de ressources, mais nous sommes prêts à faire face au défi.
La solution, c'est l'innovation grâce à la recherche et au développement des secteurs publics et privés portant sur l'amélioration des plantes. Agriculture et Agroalimentaire Canada dit que neuf bouchées sur dix des aliments consommés dans le monde ont commencé par la mise en terre de semences. Nous aimons dire que la semence constitue la fondation de l'innovation et que l'innovation dont il faudra faire preuve pour nourrir le monde commence par une semence. Les membres de l'ACCS sont des innovateurs. Nous investissons 27 p. 100 de nos budgets d'exploitation combinée dans l'amélioration des plantes et dans la recherche pour développer des variétés nouvelles, plus productives, plus saines et moins dommageables pour l'environnement et les agriculteurs, ainsi que des produits plus sains et plus durables pour l'environnement et pour les consommateurs de partout dans le monde.
Si l'on y regarde de plus près, tout n'est pas rose. Quatre-vingt-quinze pour cent des investisseurs du secteur privé dans la R-D pour développer les plantes porte sur trois types de récolte : le maïs, le canola et le soja. Seulement deux pour cent des investissements du secteur privé portent sur les céréales, et plus particulièrement le blé, en dépit du fait que les céréales représentent la culture pour laquelle nous ensemençons toujours le plus grand nombre d'acres au Canada. L'explication, c'est que le secteur privé, c'est-à-dire nos membres, ne peuvent qu'investir s'ils sont en mesure de récupérer leurs coûts. Et il est beaucoup plus facile de le faire lorsqu'il s'agit de maïs, de canola et de soja, en raison des environnements de protection de la propriété intellectuelle et des règlements qui permettent et facilitent ce genre d'investissement.
Nous invoquons souvent un exemple. L'une de nos entreprises membre est une société ontarienne qui œuvre à l'amélioration du blé, et elle a développé une variété de blé qui s'appelle FT Wonder, il ya quelques années. Il s'agissait d'une variété supérieure, résistante aux maladies, et il avait fallu six ans pour développer cette céréale dans le cadre d'un investissement d'environ 1 million de dollars. Et il s'agissait d'une variété de blé traditionnelle, et non d'un OGM. Dans les cinq ans de la vie commerciale de cette variété, la société n'a pas pu recouvrir son investissement. Il est très difficile de justifier la présence du secteur privé en particulier dans des programmes d'amélioration des plantes et de recherche concernant les céréales.
J'ai laissé un mémoire au greffier, et je constate qu'il vous l'a distribué. Ce document présente plus de détails sur les défis auxquels le secteur des semences fait face, mais je voudrais surtout mettre l'accent sur deux éléments. Ces témoins en avaient quatre; j'en ai deux.
En vue de créer un environnement qui favorise l'innovation liée aux semences, nous devons établir un système réglementaire souple qui s'appuie très fortement sur la science. Nous reconnaissons tout à fait que le gouvernement continue de souligner l'importance de la science pour soutenir la réglementation et le commerce, et nous espérons que cela continuera de servir de base à l'innovation et aux échanges commerciaux en dépit des défis que nous voyons à l'échelle nationale et internationale relativement aux données scientifiques. Le défi réglementaire le plus récent auquel nous devons faire face dans l'industrie des semences, c'est le système de l'inscription des variétés. Le secteur du canola a eu beaucoup de succès dans la mise en place d'un système plus habilitant pour promouvoir l'inscription de nouvelles variétés en temps voulu. D'autre part, le secteur du maïs a choisi une voie tout à fait différente et a réussi à faire éliminer le maïs complètement du système d'inscription des variétés. Pour la plupart des autres types de culture, il s'agit toujours d'un processus très long et fastidieux, et, dans la plupart des cas, il est impossible de vendre une semence au Canada à moins qu'elle ne soit inscrite en tant que variété.
Lorsque j'ai commencé à l'ACCS, je suis retournée aux documents papier, et cela date de plus d'une trentaine d'années, mais cette fois-ci, après une dizaine d'années, nous avons finalement pu mettre en place un cadre pour un système d'inscription des variétés plus flexibles, mais nous n'en avons pas encore vu les répercussions, parce que les amendements réglementaires nécessaires pour faire en sorte qu'il fonctionne bien n'ont toujours pas eu lieu, et cela fait plus de deux ans depuis que le cadre a été mis en œuvre. Ce cadre permet trois types d'inscriptions. D'abord, le maintien du statu quo exige que le type de culture ou que la variété fasse l'objet d'une recommandation de la part d'un comité officiel ainsi que des essais allant jusqu'à trois ans, que la culture soit cultivée dans un champ à l'extérieur et comparée pour vérifier les variétés. La deuxième façon n'exige pas d'essai au mérite, mais il faut obtenir une recommandation de la part d'un comité. Le troisième type d'inscription, ou la partie III du nouveau cadre, permet de faire des demandes directement à l'Agence d'inspection des aliments, qui est responsable du programme des semences. Ainsi, il n'est pas nécessaire d'obtenir une recommandation de la part d'un comité officiel ni de faire un essai du mérite.
Notre besoin le plus pressant à l'heure actuelle pour ce qui est d'un système plus souple porte sur les fourrages — c'est-à-dire les graminées et les fourrages qui servent à alimenter le bétail, de couverture végétale et il s'agit également de produits environnementaux — et les fèves de soja. Pour ce qui est des fourrages, il en existe tellement de différentes variétés et tellement de nouvelles variétés qui pourraient être mises au point, mais, dans la plupart des cas, nous ne disposons pas de comités de recommandations qui fonctionnent même si le système d'inscription des variétés exige toujours que l'on obtienne une recommandation délivrée par un comité officiel. Pour ce qui touche le soja, la conjoncture favorable pour la mise en marché est tellement courte que le système d'inscription des variétés actuel ne peut pas répondre suffisamment rapidement. Nous avons donc essayé d'établir une chaîne de valeur pour ces deux cultures afin qu'elles soient transférées à la partie III du système d'inscription, qui permet que l'on fasse directement demande à l'ACIA et que l'on obtienne une inscription sans passer par l'essai du mérite et sans l'obtention d'une recommandation de la part d'un comité. Toutefois, pour ce faire, il faut apporter un changement réglementaire d'une ligne. Nous avons pu justifier la chaîne de valeur. Nous avons démontré l'appui pour la chaîne de valeur. Toutefois, cela fait déjà deux ans et nous n'avons toujours pas obtenu de changement au règlement. Et rien n'a encore été publié dans la Gazette du Canada, partie I.
Un autre empêchement sérieux à l'innovation dans le secteur des plantes porte sur la protection des variétés ou les droits des phytogénéticiens. Actuellement, le Canada est le seul pays développé au monde où les lois touchant les droits des phytogénéticiens ne sont pas conformes à la plus récente Convention internationale pour la protection des obtentions végétales, soit l'UPOV 1991. Cela entraîne deux conséquences. Les phytogénéticiens canadiens ne disposent pas des outils adéquats pour protéger leur propre propriété intellectuelle, leurs propres inventions, et ils ne peuvent pas générer les fonds nécessaires pour réinvestir, mais il y a aussi le fait tout aussi important sinon plus que nous ne pouvons pas attirer les développements génétiques internationaux ni de nouvelles variétés développées à l'international parce que les entreprises n'amèneront pas leurs variétés au Canada, puisque nous ne pouvons pas les protéger de la même façon qu'elles le sont dans d'autres pays. Nous avons signé cette convention de 1991 en 1992 en signalant notre intention de la ratifier. Elle date de 20 ans et nous ne l'avons toujours pas ratifiée.
Voilà les deux points les plus importants que nous soulevons aujourd'hui. Nous apprécions les engagements déclarés du gouvernement du Canada visant la création d'un environnement positif pour l'investissement dans l'agriculture canadienne, et nous demandons au comité de soutenir la mise en œuvre réelle de ces engagements.
Le président : Nous allons suivre avec une période de questions en commençant par le sénateur Mercer.
Le sénateur Mercer : Merci aux témoins d'être ici. C'est très instructif et je dois dire que cela correspond malheureusement à ce que d'autres témoins nous ont dit.
Au sujet des brevets dans les trois domaines, j'aimerais savoir qui détient les brevets lors de l'élaboration de nouveaux produits, que cela concerne un animal, une semence ou autre. Qui détient les brevets, et quelle portion des revenus provenant de l'utilisation des brevets est réinvestie dans la recherche?
Mme Townsend : Dans l'industrie des semences, on peut obtenir des brevets pour des caractéristiques ou des événements, mais pas encore pour tout un organisme vivant modifié. Cependant, de nouveaux brevets ont récemment été émis qui permettent le brevetage d'un groupe de cellules. C'est l'inventeur qui détient les brevets. Dans notre cas, les brevets sont accordés pour protéger du matériel génétique, surtout développé par la biotechnologie génétique, comme pour le canola, le maïs et le soja. Il y a des entreprises qui investissent maintenant 27 p. 100 de leur budget d'exploitation combinée dans la recherche et le développement.
Mme Szkotnicki : Du côté de la médecine vétérinaire, c'est également l'inventeur qui détient le brevet. Souvent, c'est une université qui est l'inventeur, et dans ce cas, il y a des négociations avec une entreprise pharmaceutique et on reçoit des redevances de la vente du produit. Comme je l'ai mentionné, l'industrie de la médecine vétérinaire est régie par les mêmes brevets que l'industrie de la santé humaine, et la loi exige que nous investissions jusqu'à 20 p. 100 de nos profits dans la R- D dans le cadre de cette obligation de l'engagement du gouvernement du Canada envers les brevets. Nos brevets concernent des molécules et peuvent aussi couvrir une partie d'un procédé s'il y a un procédé spécial utilisé pour la fabrication ou le développement du produit final.
M. McRonald : Nous ne nous occupons pas beaucoup de brevet, mais il se pourrait qu'un procédé d'une évaluation génétique soit détenu par une université ou un consortium industriel. Je pense à l'application de la génomique pour l'élevage des bovins laitiers, qui viendra à échéance l'an prochain. Présentement, l'industrie de l'insémination artificielle, qui a investi l'argent pour le développement du procédé, est le seul secteur de l'industrie qui peut avoir accès à l'information génomique des taureaux. Et bientôt les producteurs canadiens pourront aussi y avoir accès. La disponibilité des renseignements viendra à échéance dans environ un an.
Le sénateur Mercer : Cela semble bon pour la production mais aussi pour les chercheurs et l'innovation que l'on espère.
M. McRonald : La situation changera. La génomique a déjà changé l'industrie de l'élevage de façon importante et cela changera possiblement la structure de l'industrie. Si un producteur laitier peut maintenant faire tester son taureau pour connaître sa valeur génomique, il pourrait décider de ne pas vendre cet animal à un centre d'insémination artificielle et passer à travers du processus de test sur descendance, mais plutôt décider de vendre lui-même ce produit. Ce n'est pas tout le monde qui sera en mesure de le faire. Au début, il y aura probablement plus de gens qui l'essaieront, qui seront vraiment capables de le faire, mais cela créera un certain degré de fragmentation de l'industrie qui durera un certain temps.
Le sénateur Mercer : Nous comprenons l'importance de la génomique et la valeur d'un bon animal pour l'élevage. Nous avons entendu parler de Starbuck et Starbuck II pendant notre étude. Je comprends également que suite à certaines recherches faites sur des animaux, on peut tirer des leçons pour les humains. Nous étions à la faculté de médecine vétérinaire de l'Université de Montréal à Saint-Hyacinthe où ils étudient la fertilité des bovins laitiers. Ils ont appris de très bonnes choses au sujet du cancer des ovaires dans cette étude. Il est intéressant de voir qu'on pourrait avoir des résultats très intéressants pour toutes les femmes dans le monde à partir du travail sur des animaux.
Que ce soit pour un médicament vétérinaire ou un autre produit de santé animale, le temps pris pour qu'un produit passe du développement à l'approbation au Canada est très frustrant pour différentes raisons. Il y a quelques années, des témoins nous ont dit que les choses allaient bien et que les approbations étaient meilleures et plus rapides. Six mois plus tard, d'autres témoins nous ont dit que la situation était redevenue comme avant. Nous avons fait enquête pour savoir ce qui s'était passé. La personne qui s'occupait des approbations faisait un si bon travail qu'il ou elle a été promu, ce qui a mis fin au rythme élevé de production.
Lors d'un voyage récent aux États-Unis, nous avons beaucoup parlé d'un seul test pour deux approbations dans le cadre de relations de confiance. Un exemple parfait serait les États-Unis et le Canada, ou peut-être la Grande- Bretagne, la Nouvelle-Zélande ou l'Australie et le Canada, où l'on ne devrait faire des tests pour les médicaments, les semences et le reste qu'une seule fois dans un pays et que, grâce à des accords réciproques en place, on puisse l'approuver dans l'autre pays. Croyez-vous que cela fonctionnerait. Si vous aimez cette idée, y voyez-vous des embûches pour les chercheurs au Canada?
Mme Szkotnicki : Je vais d'abord répondre à votre dernière question. Au Canada, la Direction des médicaments vétérinaires était considérée comme une agence modèle dans le monde depuis les années 1980. L'Industrie mondiale de la santé vétérinaire considérait que c'était une structure légère et solide. Il y avait un plus grand engagement envers le financement de la recherche au Canada grâce à la participation dynamique du système réglementaire. J'appuie un programme réglementaire qui chapeauterait l'Amérique du Nord. Il y a un mouvement Nord-Sud. Il faut qu'il y ait des contrôles en place. Par exemple, l'étiquetage des médicaments vétérinaires est presque harmonisée entre les produits homologués par la FDA et ceux homologués par Santé Canada. Je dirais que 80 p. 100 sont harmonisés. Les mêmes lignes de gestion des risques en matière de sécurité de la FDA sont présentes à Santé Canada.
Quelles valeurs ajoutons-nous avec ce travail supplémentaire? Le Canada devrait profiter du bon travail des autres pays développés pour se concentrer sur certaines nouvelles innovations dans des domaines où les exigences techniques ne sont pas entièrement connues. J'utiliserai l'exemple des technologies bioactives et des cellules souches, et de nombreux outils de diagnostic des médicaments qui s'en viennent. On pourrait concentrer notre travail sur certains des nouveaux produits qui seront mis sur le marché plutôt que sur les mêmes produits déjà présents dans d'autres pays.
J'ajouterais qu'il y a une surveillance après la mise en marché dans notre industrie. La loi exige que l'industrie pharmaceutique déclare les incidents indésirables de partout dans le monde à Santé Canada. Si ce produit est présent sur le marché, vous savez qu'il y a eu une évaluation avant la mise en marché par la FDA. Chaque année de commercialisation aux États-Unis représente 10 ans d'expérience canadienne. Parfois, nous recevons un produit seulement cinq ou sept ans après les États-Unis; et souvenez-vous qu'il y a une concurrence Nord-Sud dans le mouvement des produits du bétail. Cela représente 70 années d'expérience pratique pour certains de ces produits. Nous devons songer à la meilleure façon d'utiliser les ressources et de profiter du bon travail tout en gardant le pouvoir de prendre une décision lorsque nous ne sommes pas d'accord avec la FDA.
C'est une bonne approche, et nous voyons de plus en plus de travail fait en commun par le Centre de la médecine vétérinaire de la FDA et la DMV de Santé Canada, une situation que j'appuie totalement.
Mme Townsend : Dans l'industrie des semences, nous appelons ça les approbations asynchrones. C'est un fléau pour nous depuis un certain temps, surtout pour nos membres qui s'occupent de produits biotechnologiques. Je parlerai en premier de la situation internationale, puis je reviendrai à l'asynchronisme qui, d'après nous, existe à l'intérieur du Canada.
De nombreux pays n'ont pas de systèmes d'approbation qui fonctionnent, et de nombreux groupes de pays, comme l'Union européenne, n'ont pas de systèmes réglementaires opérationnels. La situation est mauvaise du côté des aliments et des aliments pour le bétail, et encore pire pour les semences. Présentement, dans l'industrie des semences, il n'y a qu'un seul événement approuvé en Europe pour dissémination environnementale ou utilisation comme semences. Nous savons que la plupart des champs de production de semences sont directement chevauchés par des champs de canola, de maïs et de soja qui contiennent de 70 à 95 p. 100 de cultures génétiquement modifiées. Il y a un grand problème pour les exportations de semences du Canada, surtout vers l'Union européenne, mais également vers d'autres pays parce qu'ils maintiennent une tolérance zéro et, la dernière fois que j'ai vérifié, j'ai vu qu'ils peuvent effectuer des tests au niveau de 0,0000. Il s'agit d'une petite poussière dans un conteneur qui donnerait un résultat positif lors d'un test d'organisme génétiquement modifié.
Au cours des trois dernières années, il y a eu un déclin important des exportations de semences. L'Union européenne est notre deuxième plus grand marché d'exportation après les États-Unis pour les semences. Au cours des trois dernières années, nous nous sommes trouvés dans une situation de déficit commercial avec les semences parce que nos clients de l'Union européenne exigent des affidavits déclarant qu'il n'y a aucun matériel génétiquement modifié. Dans certains cas, il s'agit d'aucune semence de canola et dans la plupart des cas, aucun produit biotechnologique. Les exportateurs ne peuvent garantir une totale absence lorsque l'on peut faire des tests à un tel niveau, alors ils renoncent à la vente.
Il y a eu des lots retournés et détruits pour cette raison. C'est un grave problème pour l'industrie du fourrage parce que l'Europe représente un grand pourcentage de ses exportations. Cette industrie a perdu beaucoup de ventes. Par exemple, il y a eu une diminution substantielle des exportations de luzerne. Le mil et le trèfle ont connu des chutes encore plus importantes d'exportation.
J'imagine que la première chose que nous aimerions voir est un plus grand synchronisme du système d'approbation partout dans le monde, mais nous aimerions également voir ce que l'on appelle la reconnaissance mutuelle qui est basée sur une confiance des connaissances scientifiques de l'autre pays et la confiance de l'autre pays envers nos connaissances, ce qui permet qu'un produit approuvé comme aliment du bétail ou pour dissémination environnementale au Canada ou aux États-Unis est considéré comme un produit sûr dans les autres pays également. Mis à part une possible évaluation de risque pour l'environnement si l'environnement est assez différent, nous croyons que l'on devrait accepter cela et permettre l'exportation de tels produits.
En l'absence d'un tel système, nous nous efforçons de mettre en place une politique internationale sur ce que l'on appelle la présence de faible intensité, qui correspond à la présence imprévue et de faible intensité d'un produit biotechnologique qui est approuvé dans au moins un pays, mais pas dans le pays d'importation. L'industrie de la semence travaille seule et en étroite collaboration avec l'industrie des céréales pour mettre en place ce genre de système qui faciliterait les échanges.
Pour en revenir au manque de synchronisme au Canada, notre système d'évaluation et d'approbation de ce que l'on appelle les produits innovants est différent de celui des autres pays, nous croyons que c'est peut-être un bon système, et nos évaluations de produits innovants sont basées sur le produit et non pas sur le procédé. Un nouveau produit qui pourrait présenter un risque environnemental ou à la santé est considéré comme innovant et doit passer à travers un processus réglementaire d'essais confinés, d'essais en aliments de bétail et d'essais en matière de santé et sécurité avant qu'il puisse être diffusé sur le marché. Il s'agit de trois évaluations différentes. Il y a une évaluation du produit innovant comme aliment, comme aliment de bétail et pour dissémination environnementale. En général, ces évaluations sont assez indépendantes. Il y a très peu de communication entre les trois processus. Si on les regarde, on voit qu'il s'agit de trois volets sans lien entre eux. Souvent, une entreprise qui essaie de faire approuver un produit innovant doit présenter les mêmes renseignements, les mêmes ensembles de données, à trois différents endroits à des fins d'évaluation et fonctionner selon trois échéanciers. Le Canada ne fournit pas d'approbation à un produit innovant jusqu'à ce qu'il y ait une approbation entière pour les trois, ce qui est une bonne chose parce qu'on pourrait souvent se trouver devant d'autres problèmes si on l'approuvait comme aliment de bétail, mais pas comme aliment ou pour dissémination environnementale, mais nous croyons quand même qu'il y a beaucoup de possibilités d'amélioration dans le processus d'évaluation et d'approbation au Canada.
Le sénateur Robichaud : Comment le système que vous venez de décrire fonctionne dans les autres pays?
Mme Townsend : C'est différent dans presque chaque pays. Le sénateur Buth en sait beaucoup à ce sujet grâce à son expérience avec le canola et peut-être plus que moi. C'est différent dans chaque pays. Certains pays permettent des approbations distinctes, donc un produit peut être approuvé comme aliment et aliment de bétail mais pas pour dissémination environnementale, ce qui est une situation très commune. C'est ce qui s'est passé en Europe, où il y a beaucoup plus de produits biotechnologiques approuvés comme aliment, comme aliment de bétail et pour la transformation industrielle, mais seulement un pour la dissémination environnementale. Nous savons que les céréales poussent, alors elles sont très souvent plantées et ensuite deviennent des semences. C'est la même chose dans beaucoup d'autres pays où les approbations sont faites séparément.
Nous croyons qu'en Europe, même si leur processus d'évaluation est assez bon et fonctionne bien, les complications sont au niveau politique. Une fois que l'agence en question a recommandé l'approbation, le dossier est transféré aux politiciens qui essaient de prendre une décision. Je prie les politiciens de m'excuser.
Le sénateur Merchant : Pourriez-vous nous donner une idée du temps que cela prend pour obtenir une approbation? Vous avez dit qu'il y avait trois volets. Pouvez-vous nous donner une idée approximative du temps que cela prend?
Mme Townsend : Il y a un délai fixe. Je suis désolée de ne pas m'en souvenir présentement. Le temps est compté, mais le compteur peut s'arrêter à différents moments. Je sais que lorsque l'un de nos membres veut présenter un nouveau produit biotechnologique, cela peut prendre jusqu'à 10 ans.
Le président : Si vous avez d'autres renseignements à ce sujet, veuillez nous les fournir.
Mme Townsend : Bien sûr.
Le sénateur Buth : Il s'agit peut-être d'une observation concernant la question posée à Mme Townsend au sujet des systèmes réglementaires concernant les modifications génétiques. Généralement, cela prend au Canada et aux États- Unis deux ans pour obtenir une approbation, et comme vous l'avez mentionné, cela peut prendre jusqu'à 10 ans dans l'Union européenne. Si l'Union suivait vraiment son système, cela ne devrait pas prendre plus de deux ans et demi. Malheureusement, elle ne suit pas ses échéanciers.
Vous avez tous parlé des systèmes réglementaires et du besoin d'une amélioration de ces systèmes et d'une harmonisation au Canada. Je m'y connais, ayant travaillé très longtemps dans le secteur agronomique, ayant travaillé avec l'Agence de réglementation de la lutte antiparasitaire et connaissant leur engagement envers l'harmonisation et les examens communs. Je me demandais si vous pouviez nous dire si une harmonisation est en cours dans vos secteurs spécifiques. Madame Szkotnicki, vous avez parlé de la collaboration entre la FDA et Santé Canada pour les médicaments vétérinaires. Plus précisément au sujet du nouveau conseil de coopération réglementaire faisant l'objet d'un engagement de la part du président Obama et du premier ministre Harper, est-ce que vos problèmes sont sur sa liste de problèmes à régler? Peut-être pourriez-vous nous dire ce que vous aimeriez que ce conseil de coopération fasse. Y participez-vous?
Mme Szkotnicki : Je vais répondre à votre question, mais j'aimerais avant revenir un peu en arrière.
Il y a de nombreuses années, notre industrie a lancé un processus international d'harmonisation. Les membres de ce processus étaient l'Union européenne, les États-Unis et le Japon. Les observateurs sont le Canada, la Nouvelle-Zélande et l'Australie, et il y a certains pays sud-américains et africains qui sont en train de s'y joindre. C'est un processus unique, car il rassemble l'industrie et les gouvernements. Nous travaillons sur les lignes directrices. Le Canada est arrivé en retard dans ce processus. L'une des raisons pour lesquelles il y a eu une amélioration réglementaire, c'est que dès que nous nous sommes joints au VICH, nous avons adopté 29 lignes directrices que l'organisation avait déjà élaborées. Nous participions au comité de travail. Lorsque je dis « nous participions », je parle de scientifiques des agences réglementaires et d'autres de l'industrie pharmaceutique qui collaboraient pour élaborer ces lignes directrices. Cela a joué un rôle essentiel parce que l'industrie veut un environnement prévisible. Lorsque l'on développe ces produits risqués qui coûtent cher à développer, on a vraiment besoin de cette prévisibilité. On a besoin de savoir ce qu'on exigera de nous. Le Canada avait du rattrapage à faire dans ce domaine.
En ce qui a trait au Conseil de coopération en matière de réglementation, tout d'abord, nous faisons partie du processus et avons fait partie du processus. Nous avons déjà commencé une partie du travail. Je dis « nous », car nous travaillons avec nos collègues aux États-Unis du côté de l'industrie. Nos gouvernements travaillent bien ensemble. Notre réglementation et même la Loi sur les aliments et drogues et la Food, Drug and Cosmetics Act des États-Unis sont, de bien des façons, un reflet l'une de l'autre. Il y a des différences subtiles, mais il y a davantage d'éléments communs.
Oui, nous travaillons avec eux. Il nous faut être patients. Je crois que c'est ce qui est le plus difficile. Je me demande s'il y a un vrai engagement pour atteindre certains des résultats. Cela me préoccupe. J'ai l'impression que les États-Unis ne ressentent pas le besoin de faire partie de ce processus. Ils ont des échéanciers. Ils n'ont pas des cibles de rendement comme nous en avons au Canada dans le cadre du processus d'examen. Ils doivent atteindre les cibles de rendement sinon, il y a récupération de leur financement. Ils craignent que le Canada les ralentisse. Je crois que c'est la raison pour laquelle ils viennent parfois à la table à reculons.
Cela dit, j'ai l'impression qu'il y a de la coopération et j'ai l'impression qu'on se concentre sur les efforts pour trouver des équivalences dans le système. J'espère qu'on finira même par trouver une reconnaissance mutuelle du bon travail que réalisent les différents organes d'examens scientifiques afin de ne pas avoir à examiner à nouveau quelque chose qui a déjà été examiné par une autre agence. Je crois que les choses vont dans ce sens, mais ça ne se produira pas du jour au lendemain.
M. McRonald : Nos besoins sont de toute évidence un peu différents. Le plus souvent, ça revient à des questions de santé animale et d'accès au marché. C'est pourquoi nous participons aux initiatives du Conseil de coopération en matière de réglementation. Comme dans le cas de Mme Szkotnicki, on semble indiquer que les États-Unis sont venus à contrecœur après que soit conclu l'accord entre le président et le premier ministre.
Voici un exemple où les choses ont bien fonctionné : pendant fort longtemps, le gouvernement du Canada n'arrivait même pas à faire en sorte que le ministère de l'Agriculture des États-Unis (USDA) ne parle de zonage et de régionalisation. Le zonage permet de délimiter une région qui est touchée par une certaine maladie, pendant que le reste du pays n'est pas affecté. Cela signifie qu'on reconnaît qu'une partie du pays n'est pas touchée par la maladie tandis qu'une autre partie lutte pour la contrôler et l'éliminer. Il ne voulait même pas envisager la question ou en parler. Maintenant, tout à coup, grâce au Conseil de coopération en matière de réglementation, ils sont autour de la table pour en parler. C'est extrêmement important pour nos deux pays, car nous partageons ce même continent. Il est fort probable qu'une épidémie grave d'une maladie animale d'origine étrangère aurait des répercussions sur nos deux pays. On ne veut pas revivre la situation de l'ESB par exemple. Ce n'était même pas une épidémie majeure. La frontière a immédiatement été fermée et il a fallu quatre ans et demi pour une réouverture partielle. Nous n'avons toujours pas l'ouverture pour les moutons et les chèvres à des fins d'élevage. Nous ne pouvons pas les expédier aux États-Unis. Voilà autre chose qui est arrivé récemment. Pendant un certain temps, ils ne voulaient même pas en parler et maintenant ils nous permettent de passer des animaux vivants d'espèces ovines et caprines par les États-Unis, mais seulement sous certaines conditions.
J'espère que c'est ce que le Conseil de coopération en matière de réglementation arrivera à régler. Si nous avons de bons accords pour la frontière, mais que le processus d'établissement des règles aux États-Unis prenne jusqu'à 10 ans ou plus pour résoudre un problème, nous n'aurons pas gagné grand-chose. Il semblerait que les choses commencent à changer et c'est très positif.
Mme Townsend : L'ACCS ne participe pas directement au Conseil de coopération en matière de réglementation, mais nos membres oui par l'entremise d'organismes avec lesquels nous collaborons de près comme CropLife Canada, CropLife International et ses organismes.
Il est intéressant de voir le processus réglementaire en matière de semences au Canada; il est vraiment différent de celui aux États-Unis. Aux États-Unis par exemple, il n'y a pas de système d'enregistrement des variétés. Les semences sont approuvées par l'entremise d'une évaluation, une nouvelle évaluation. Ce n'est pas le nom qu'on leur donne, mais elles sont déréglementées puis vendues. Il n'y a pas de processus d'enregistrement des variétés.
Certaines sociétés au Canada aimeraient que nous passions à ce genre de système, mais certains de nos membres voient l'intérêt d'un système d'enregistrement des variétés pour protéger la marque canadienne et pour assurer aux agriculteurs qu'ils continueront à avoir accès à des variétés constamment améliorées. Il faut s'assurer de le rendre plus souple et beaucoup plus efficace.
Fait intéressant, un nouveau système, et le sénateur Buth est sûrement au courant, mais peut-être que certains d'entre vous ne le sont pas, il y a des projets pilotes en cours en collaboration avec le Bureau de la biosécurité végétale au Canada et son pendant américain afin de réaliser des examens conjoints de la biotechnologie végétale. On tente de déterminer s'il peut y avoir des applications simultanées et des examens conjoints pour que le tout se termine en même temps et, par conséquent, nous pourrions au moins avoir une autorisation pour les aliments et la dissémination dans l'environnement. Nous travaillons de concert avec l'Organisation nord-américaine pour la protection des plantes et la Convention internationale pour la protection des végétaux dans le but d'harmoniser les processus pour rendre le commerce plus simple par la voie d'exigences phytosanitaires et ce genre de choses.
Le sénateur Merchant : En tant que sénateur de la Saskatchewan, je vais vous poser une question qui m'intéresse particulièrement et qui je crois, intéresse les gens dans l'Ouest. Il s'agit des semences. Vous avez environ 130 sociétés avec qui vous collaborez. Votre association existe depuis environ 90 ans. Je me demandais quel était le rôle de Viterra dans le domaine de la commercialisation et de l'innovation? Savez-vous ce qu'il en sera pour cette société?
Mme Townsend : Viterra est une des entreprises parmi les 130 membres de l'ACCS. Viterra occupe une place importante dans l'industrie des semences dans l'ouest du Canada et possède sa propre sélection de végétaux dans certains types de cultures. La société a sa propre ferme de recherche, des scientifiques de sélection végétale, des sélectionneurs et des généticiens. Malheureusement, je ne sais pas encore où ils iront. J'ai posé la question, mais je n'ai pas reçu de réponse. On nous a dit de nous taire et d'attendre. Je suppose que nous le saurons lorsque tout le monde saura où cette division des semences de Viterra ira.
La société occupe une grande place au sein de l'ACCS. Nous avons des représentants de Viterra au sein de notre conseil d'administration et ils participent activement à un grand nombre de nos comités de R-D incluant ceux qui se penchent sur les questions des oléagineux, des légumineuses et des céréales en plus de ces comités de recherche et de sélection des végétaux. J'ai aussi hâte que vous de le savoir.
Le sénateur Merchant : Pourriez-vous me dire combien de temps il faut à partir du moment où une personne a une idée pour une nouvelle semence, pour que cette idée soit développée et que cette semence puisse être plantée?
Mme Townsend : Il faut de cinq à dix ans, cela dépend de la façon dont l'idée a été développée. Si c'est une sélection de végétaux traditionnels, c'est généralement plus long, car vous faites tout manuellement — le choix manuel, la pollinisation manuelle, le croisement et la reproduction. C'est un peu plus court lorsque vous utilisez des produits de la biotechnologie sauf dans les cas de processus d'autorisation. Il peut falloir de cinq à dix ans et il peut en coûter de 1 million à 10 millions à 50 millions de dollars.
Le sénateur Merchant : Si ça prend tant de temps lorsque les gens ont des idées, ils devront alors avoir une longueur d'avance et tenter d'entrevoir les possibilités sur le marché dans 10 ans.
Mme Townsend : Oui.
Le sénateur Merchant : Ils essaient de développer une idée maintenant, mais ils doivent se projeter dans l'avenir, avoir une vision. Vous avez mentionné que la population se multiplie et qu'il y aura une certaine demande. Ce doit être très difficile de tenter de se projeter dans 10 ans.
Mme Townsend : Il est intéressant de noter que nous avons ce que nous appelons un pipeline d'innovations dans notre industrie. Ce pipeline déborde de nouvelles innovations. Ce travail se réalise depuis fort longtemps et a produit des résultats. On estime que 90 p. 100 des gains de productivité ou les hausses en approvisionnement en nourriture sont dus à la hausse des rendements. On le sait depuis longtemps et le travail se poursuit depuis très longtemps. Nous avons de très bons scientifiques et de sélectionneurs de végétaux au Canada. Le problème à l'heure actuelle est que le pipeline est très plein et nous sommes préoccupés par le fait que nous n'aurons pas les ressources suffisantes, tant les ressources humaines que financières, pour que ce processus d'autorisation réglementaire puisse agir en temps opportun.
Pour ce qui est de faire des prévisions pour l'avenir, nos membres y arrivent très bien et le font de façon très prudente. Ils travaillent étroitement avec les agriculteurs, les utilisateurs et les consommateurs afin de déterminer les besoins du marché, tout en tenant compte du fait qu'il faille alimenter la planète, utiliser moins de ressources, protéger l'environnement et offrir des produits qui soient meilleurs pour la santé. Il y a de l'innovation et ça se poursuit. Il faut simplement s'assurer que, une fois qu'on arrive au processus d'évaluation et d'autorisation réglementaire, les ressources sont disponibles pour que ça se produise en temps opportun.
[Français]
Le sénateur Rivard : On a beaucoup parlé de réglementation en ce qui a trait à la sécurité du bétail. Est-ce que la réglementation est la même pour tout le bétail ou s'il y a une réglementation différente pour ce qu'on appelle des animaux de compagnie tels les chats, les chiens et même, à la rigueur, les furets?
[Traduction]
Mme Szkotnicki : Les règlements pour les médicaments vétérinaires tombent sous le coup de la Loi sur les aliments et drogues. Ces règlements touchent autant les animaux destinés à la consommation que les animaux de compagnie. Il y a un plus gros fardeau du côté des animaux destinés à la consommation, car entre en jeu l'aspect de la salubrité alimentaire pour les humains. Le même règlement s'applique à ce qu'on appelle les espèces animales auxquelles un médicament est destiné. C'est semblable du côté des animaux de compagnie tout comme du côté des animaux destinés à la consommation.
[Français]
Le sénateur Rivard : En ce qui concerne les brevets, le rapport mentionne que généralement ils sont valides pendant une période de 20 ans et que dans certains cas, ils peuvent faire l'objet d'une extension.
Comment le gouvernement fédéral qui réglemente peut-il juger de la pertinence d'octroyer un brevet de plus que 20 ans si la règle est de 20 ans? Permettez-moi de faire une comparaison. Par exemple, on rencontre souvent des gens qui viennent nous voir, qui sont soit des lobbyistes ou des fabricants de produits pharmaceutiques. Et on sait que les copieurs de produits pharmaceutiques ont hâte que les brevets prennent fin parce que le jour où c'est fini, on est inondés de produits génériques.
Dans votre domaine, comment peut-on convaincre ceux qui font la réglementation d'octroyer un brevet de plus de 20 ans? Dans quels cas d'exception pourriez-vous fixer la durée de vie d'un brevet à 25 ans plutôt que 20 ans?
[Traduction]
Mme Szkotnicki : Des pressions sont exercées pour prolonger la vie du brevet afin d'ajouter la période requise pour la réglementation et c'est ce que l'on voit dans l'accord commercial actuel Canada-Europe. Contrairement au Canada, l'Europe accorde déjà cette prolongation qui couvre le temps requis pour l'examen réglementaire.
J'aimerais également vous rappeler qu'un fabricant de médicaments génériques dépend tout autant de l'innovation que l'innovateur lui-même. Il est certain que l'innovateur doit récupérer ses coûts de développement. En surveillant l'entretien des produits, nous passons en revue un certain nombre de questions réglementaires différentes de façon continue lorsqu'il est question de sécurité. À l'heure actuelle, il y a un produit à l'étude auprès de Santé Canada et de l'Agence canadienne d'inspection des aliments. C'est l'innovateur qui détient les données pour défendre l'idée que l'on maintienne ce produit sur le marché.
Il faut parfois reconnaître la synergie qui existe entre les entreprises innovatrices et les fabricants de génériques. Il faut surtout s'assurer d'attirer l'innovation au marché canadien en temps opportun. Si nous ne faisons pas ce que fait le reste de la planète, nous serons au 22e rang pour notre propre découverte. Ce sera trop tard en quelque sorte.
Le sénateur Eaton : Vous êtes tous fascinants; j'aimerais passer beaucoup de temps avec chacun d'entre vous. Je suppose que les initiatives de libre-échange avec l'Union européenne, la Corée et le Japon et possiblement un partenariat transpacifique, vous poseront des défis supplémentaires.
Monsieur McRonald, vous avez dit que nous avons une bonne réputation dans le domaine de la génétique laitière. Pourquoi n'avons-nous pas cette même bonne réputation en ce qui a trait à la génétique porcine et bovine excluant l'ESB, qui a fait des ravages pires en Grande-Bretagne qu'ici, et les cas qui sont apparus aux États-Unis? Que peut-on faire pour s'assurer que l'image de marque de la génétique bovine et porcine soit aussi bonne que celle de la génétique laitière? S'il y a tous ces gens à nourrir, il faudra y arriver.
M. McRonald : Je ne représente pas l'industrie porcine ou bovine. Je sais toutefois que nous exportons beaucoup de porc de reproduction. L'Association canadienne d'exportateurs de porc est un très important partenaire de la CLGA et tient un rôle semblable à celui de la CLGA pour les reproducteurs de race pure. Nous exportons beaucoup de porcs et, à ce que je sache, notre génétique porcine est perçue partout dans le monde comme de la bonne génétique.
L'industrie bovine est différente de l'industrie laitière ou porcine. Aussi, il y a une autre association du nom du Conseil canadien des races de boucherie qui aborde les questions d'accès au marché relativement aux espèces bovines. Ce conseil a une structure un tant soit peu différente de la CLGA, car nous avons un grand nombre de races dans l'industrie bovine. C'est une association principalement composée des éleveurs des différentes races bovines dans laquelle les exportateurs sont des membres auxiliaires, tandis que chez nous, c'est l'inverse.
L'industrie bovine n'a cependant pas adopté les programmes d'insémination artificielle et d'amélioration génétique dans la même mesure que ne l'a fait l'industrie laitière. Cela dépend de la façon dont vous élevez ces animaux. Le producteur de vaches laitières passe beaucoup plus de temps avec les animaux. Ses vaches sont élevées dans un environnement plus fermé que les vaches à viande qui sont envoyées au pâturage pour l'été et ne reviennent qu'à l'automne et, avec un peu de chance, avec un petit. C'est très différent.
Le sénateur Eaton : Est-ce un changement culturel? Cela pourrait être fait si vous le souhaitiez.
M. McRonald : Ce pourrait être un changement culturel. Nous assistons à des réunions cette semaine à Ottawa de la Table ronde sur la chaîne de valeur de l'industrie du bœuf. On y discutera du faible nombre de vaches à viande au Canada en ce moment. Le nombre de vaches dans notre troupeau national est très faible. On envisage d'accroître ce nombre. S'il s'agissait de l'industrie laitière, on utiliserait de la semence sexée, car la plupart des vaches laitières sont conçues par l'entremise de l'insémination artificielle. On peut utiliser la semence sexée et accroître le nombre de génisses rapidement. Ça ne se produira pas dans l'industrie bovine, car on pratique peu l'insémination artificielle — certains oui, mais très peu.
Si vous souhaitez des réponses définitives sur l'industrie bovine, je vous encourage à inviter quelqu'un de l'industrie bovine à témoigner.
Le sénateur Eaton : C'est ce qu'on a fait, mais je crois que nous n'avions pas encore entendu auparavant à quel point notre marque laitière est bonne à l'échelle internationale, et que peut-être, ce n'est pas aussi le cas pour la marque bovine et porcine.
M. McRonald : Cela m'étonne.
Le sénateur Eaton : C'est intéressant d'entendre votre point de vue et votre perspective.
M. McRonald : Le bœuf canadien est exporté depuis peu après la Seconde Guerre mondiale. Avec l'arrivée du sperme, c'est devenu commercialisable, puis, les embryons plus tard.
Le sénateur Eaton : En matière de commerce et d'exportation, Mme Townsend a parlé de l'Union européenne. Nous connaissons tous leur opinion sur la semence génétique, même lorsqu'il s'agit du miel. Si nous concluons des accords de libre-échange avec des pays tels que le Japon et la Corée et, si nous devions faire partie du PPT, entrevoyez-vous d'autres obstacles commerciaux comme celui auquel vous faites face en Europe, obstacles commerciaux qui sont non tarifaires? C'est plutôt politique que fondé sur des données scientifiques.
Mme Townsend : Nous faisons déjà face à des obstacles commerciaux, qu'il y ait un accord ou pas. Dans le cadre de négociations entreprises par le gouvernement dans le but de créer de nouveaux accords de libre-échange, il est important que nous nous assurions que le système d'approbation soit inclus dans les pourparlers, qu'on mette l'accent sur l'importance des données scientifiques probantes et qu'on accorde la priorité, entre autres, à un système de réglementation qui soit fonctionnel.
Le sénateur Eaton : Faites-vous face à ces mêmes obstacles commerciaux avec le Japon et la Corée?
Mme Townsend : En ce qui a trait aux semences, il y a effectivement des obstacles commerciaux avec le Japon et la Corée. Les tarifs douaniers imposés par les membres du Partenariat transpacifique nous posent problème également. En effet, le Japon, comme certains autres pays membres, impose des tarifs douaniers non négligeables. Il s'agit d'un obstacle que nous avons recensé et que nous avons signifié au gouvernement. Quand on nous consulte au début de négociations, nous soulevons toujours en premier lieu la question des tarifs douaniers.
Nous estimons que c'est un problème qu'il est relativement aisé de régler. En tout cas, il est plus facile d'y trouver une solution qu'à bon nombre des obstacles non tarifaires. Ensuite, nous soulevons la question des autres exigences, qui sont plus variées que les tarifs douaniers, à savoir des systèmes d'approbation fondés sur des données scientifiques probantes, la reconnaissance mutuelle, le synchronisme et l'harmonisation et, en l'absence de tels systèmes, la mise en place d'une politique relative au seuil de tolérance qui nous permettrait de faciliter le commerce des semences à caractéristiques génétiquement modifiées.
Pour nous, les négociations représentent une voie de communication qui n'existait pas auparavant. Nous estimons que les pourparlers et les consultations nous permettront de trouver des solutions à ces problèmes.
Mme Szkotnicki : D'autre part, il faut que le Canada participe activement au processus du Codex, à savoir l'organe responsable des normes de salubrité, sur lesquelles se base l'OMC, l'Organisation mondiale du commerce. Dans notre monde à nous — où coexistent les hormones bovines et les produits que nous concevons visant l'accroissement de la production — l'Union européenne rejette ces pratiques même si leur innocuité n'est pas mise en doute. Le processus compte huit étapes. Les sept premières étapes sont des examens scientifiques effectués par des experts en la matière impartiaux qui, à la fin du processus, élaborent des recommandations. La huitième étape est de nature politique.
Un certain nombre de produits ont été arrêtés à la huitième étape, ce qui veut dire qu'il n'y a jamais eu de normes de salubrité internationales fixées, ce qui entrave le commerce. Nous avons notamment recours aux accords commerciaux bilatéraux, parce qu'ils nous permettent de discuter de la question de la salubrité avec les autorités japonaises qui accepteront l'idée d'un seuil de tolérance dans le cas de l'utilisation de la ractopamine, par exemple.
Le sénateur Duffy : Pour revenir aux commentaires du sénateur Eaton, je dirais qu'on ne cesse de soulever la question des obstacles non tarifaires. Les marques canadiennes ont une bonne notoriété. Prenons l'exemple du BlackBerry. En dépit de ce que les gens disent au sujet de l'iPhone d'Apple, le BlackBerry s'est taillé une place à l'échelle mondiale. Comment arriver à vendre nos produits alimentaires et notre bétail aux millions d'Européens qu'on gave de propagande anti-aliments transgéniques? Les Européens s'opposent à la chasse au phoque, au commerce des fourrures et aux sables bitumineux. Ils sont réfractaires à tant de produits canadiens qui ne posent pourtant aucun danger et qui sont renouvelables. Il y a derrière cela une véritable propagande. Si on peut produire des aliments de la même qualité que ceux de Waterloo, comment le faire comprendre à toutes ces personnes qui ont été victimes de lavages de cerveau et qui pensent que nos aliments sont dangereux pour la santé?
Mme Townsend : Nous, qui travaillons dans le secteur des semences, nous posons cette question sans cesse, et c'est particulièrement vrai pour les sociétés qui mettent à profit la biotechnologie pour créer des innovations vraiment extraordinaires. Je suppose qu'il faudra qu'il y ait une crise, et c'est surtout vrai pour l'Europe, dans le cadre de laquelle il y a une forte demande pour un certain produit. Je ne voudrais pas être facétieuse, mais c'est presque comme quand il y avait un besoin, les Européens ne s'intéressaient pas à la présence de produits issus des biotechnologies ou à l'utilisation d'hormones, et cetera, mais quand ils veulent soudainement protéger un secteur national, alors ils deviennent plus pointilleux. Ce qui se produira, c'est que tout à coup, l'Union européenne se retrouvera face à un problème. Il s'agira d'un problème qui échappera à leur maîtrise; les agriculteurs, qui désirent certains produits, trouveront des moyens détournés pour se les procurer.
Il est possible d'importer un produit destiné à la transformation alimentaire pour ensuite le planter et le cultiver. La crise pourrait se manifester ainsi. Il serait alors difficile de justifier ce type de réglementation. Ou bien, la crise pourrait se manifester sous la forme d'une pénurie d'un produit qu'il faudrait faire venir de l'extérieur. Je ne pense pas qu'on pourra les faire changer d'avis. Je pense que la crainte qui s'est installée ne disparaîtra pas du jour au lendemain. Par contre, je pense que la crise, qui me semble probable, fera disparaître les craintes à l'interne.
Le sénateur Eaton : La cause, c'est la crainte ou le protectionnisme?
Mme Townsend : Les deux. Les craintes nourrissent le protectionnisme. À mon avis, et je préciserai qu'avant de travailler dans le secteur des semences, je travaillais pour celui du commerce international, la meilleure façon de protéger un marché, c'est de jouer la carte de la peur.
Le sénateur Duffy : La crise que connaît l'Europe en ce moment est-elle de nature financière? Le fait qu'il faudra assurer la sécurité alimentaire des générations à venir et qu'en Amérique du Nord, nous maîtrisons les nouvelles méthodes de production améliorées, forcera-t-il les Européens à changer d'avis? Pendant combien de temps encore pourront-ils vivre dans leur bulle?
M. McRonald : Je suis tout à fait d'accord avec vous. Heureusement, du côté du matériel génétique pour le bétail, nous ne traitons pas directement avec le consommateur et par conséquent, nous n'avons pas ces tracas. Ce qui ne veut pas dire que nous ne faisons pas face à d'autres obstacles évidemment. Mais en tout cas, de façon générale, je suis entièrement d'accord. Nous constatons l'apparition du même phénomène en Chine, pays qui interdit l'importation de bétail sur pied en provenance du Canada, mais qui est incapable d'atteindre ses objectifs de production de lait. Les Chinois reconnaissent ouvertement qu'ils sont incapables d'atteindre les objectifs qu'ils se sont fixés.
Nous leur avons proposé de leur faire part de notre expertise en la matière si jamais ils décidaient de reprendre les importations de bétail, pour qu'ils puissent atteindre leurs objectifs. Après un silence qui a duré longtemps, les négociations semblent reprendre. Vous avez raison, la demande en aliments, l'importance de la salubrité et de l'existence d'un système de production agricole viable déclasseront les obstacles commerciaux qui existent aujourd'hui.
Le sénateur Duffy : Évidemment, c'est en Afrique que le problème est le plus grave. C'est outrageant de voir des millions de personnes qui meurent de faim et, pendant ce temps, d'autres, sans connaissance scientifique, passent leur temps à faire croire à la population que la consommation d'aliments produits grâce à nos techniques modernes est dangereuse. C'est tout simplement immoral.
Le sénateur Mahovlich : Vous venez de parler de la demande chinoise. Mais personne n'a parlé de l'Inde. Melinda Gates a donné 1 milliard de dollars à la cause alimentaire en Inde et le phénomène va perdurer. La demande en Inde est en croissance. A-t-on des problèmes avec ce pays-là? Y a-t-il des exigences qu'on est incapable de respecter?
M. McRonald : Oui, ils ont des règles à n'en plus finir et des paliers de bureaucratie, tout cela a pris bien des années. Permettez-moi de revenir en arrière et de parler de la semence. Nous commercialisons la semence bovine depuis les années 1960, et je ne crois pas que quiconque n'ait jamais pu dire que l'éclosion d'une maladie résultait d'une semence bien préparée, congelée et livrée. En d'autres mots, c'est plutôt simple. Cela a pris beaucoup de temps, et il y a trois ans, l'Inde a dit qu'elle permettrait l'importation de semences, mais il y a certaines conditions dans les certificats de santé.
Le sénateur Mahovlich : Il faut que ça soit sacré.
M. McRonald : Ça, c'est une autre question, mais c'est vrai. Ils imposent des conditions au certificat de santé, donc en théorie, nous avons accès dans le cas de certains produits, mais lorsque nous avons tenté d'avoir un permis à l'importation, nous n'avons pas réussi. Il y a une panoplie d'obstacles en place et maintenant nous faisons face au même problème avec les embryons. Certaines personnes en Inde veulent acheter des animaux vivants, et encore une fois, c'est la même chose. Nous ne pouvons pas avoir un certificat de santé, même pas un permis. Il existe toutes sortes d'obstacles. En même temps, le gouvernement indien est venu au Canada disant : nous voulons que vous fassiez une étude de notre industrie laitière et que vous nous disiez quoi faire. Il faut moderniser, puisque nous sommes autosuffisants dans la production laitière, mais notre consommation augmente plus vite que la production dans le système existant. Ils admettent que c'est en partie une question religieuse. Venez voir ce qu'il en est et dites-nous quoi faire.
Comme il y a des liens étroits entre l'Inde et la Saskatchewan, le conseil de recherche de la province a entrepris, grâce à un financement d'Agriculture Canada en vertu du programme Agri-marketing, une étude et il a formulé une recommandation. Il y a eu des voyages en Inde et des Indiens sont venus au Canada, mais une priorité reste l'accès donné à nos produits génétiques. Ces problèmes n'ont pas encore été complètement résolus. Ces choses semblent prendre bien plus longtemps aujourd'hui que par le passé, mais ça se réglera. La solution revient à ce que disait le sénateur Duffy. Les Indiens ne veulent pas importer des produits laitiers. C'est bien cela qui mènera au changement et il va falloir que nous permettions l'entrée de ces produits pour que nous puissions continuer à être autosuffisants.
Mme Townsend : Dans l'industrie de la semence, nous constatons de plus en plus de barrières réglementaires à l'accès. C'est ce que nous avons constaté récemment en Turquie où le pays a changé ses exigences d'importation pour les semences de tous types de cultures sans préavis. Il y a d'autres barrières qui s'érigent dans les pays d'accès à l'Union européenne où, tout d'un coup, ils décident qu'ils doivent protéger leurs industries nationales. Nous allons tout simplement devoir persévérer. Par l'entremise de notre gouvernement et de nos associations industrielles internationales, nous allons devoir continuer d'appuyer la recherche scientifique, puisque c'est la seule chose que l'on peut mesurer.
À terme, il va falloir nourrir cette population grandissante. Nous ne pouvons pas couper à blanc plus de forêts tropicales et utiliser plus de terres pour notre production. Nous utilisons déjà 70 à 80 p. 100 de l'eau douce de la planète dans le domaine de l'agriculture. Nous n'avons pas une immense réserve d'engrais phosphorés. Ça, nous le savons. Nous ne pouvons pas continuer à puiser dans l'environnement comme nous le faisons actuellement, et nous le savons. Ça va prendre un certain temps pour que les gens s'en rendent compte.
Le sénateur Robichaud : Madame Townsend, quand vous parlez de la recherche et de l'innovation, vous dites que votre secteur fait preuve d'énormément d'innovation et qu'il y a beaucoup de choses qui se passent. Le frein se trouve à l'étape des approbations, n'est-ce pas?
Mme Townsend : Oui, c'est une partie du problème.
Le sénateur Robichaud : Quels sont les autres points d'interrogation?
Mme Townsend : L'investissement. Comme je l'ai dit dans mon exposé, on innove énormément dans trois domaines de récolte : le canola, le maïs et le soja. On regorge d'innovations dans ces domaines et il y a des possibilités enthousiasmantes qui existent et qui nous permettraient de vraiment améliorer la productivité, le rendement, la durabilité environnementale et les qualités santé.
Nous nous préoccupons des compressions budgétaires auprès de nos agences de réglementation et de l'accent mis sur certains domaines, car cela fera en sorte que le processus d'approbation sera dans un état d'impasse et qu'il ne sera pas possible de commercialiser ces produits. Nous craignons de ne pas pouvoir renforcer ce type d'innovation dans d'autres domaines comme les céréales et les fourrages, puisque nous n'avons pas encore assez de protection dans le domaine réglementaire ou dans celui de la propriété intellectuelle pour encourager l'investissement. Nous savons qu'il y a eu un déclin dans le financement de la recherche du secteur public et c'est d'habitude dans ce secteur que la recherche en phytogénétique pour les fourrages et les céréales, notamment, est faite.
Nous savons que les partenariats publics et privés peuvent jouer un rôle ainsi que l'investissement du secteur privé, mais comme je l'ai dit, le secteur privé ne peut pas investir s'il ne peut pas récupérer son investissement. Ça veut dire qu'il faut protéger la propriété intellectuelle pour les récoltes à pollinisation libre comme le blé, l'orge, l'avoine, les pois et les légumineuses. Il faut protéger les obtentions végétales principalement si l'on veut assurer la protection de la propriété intellectuelle, et les sociétés étrangères ne voient pas d'intérêt à partager leurs innovations avec nous puisque nous ne pouvons pas les protéger. Les obtentions végétales ne sont pas aussi bien protégées au Canada que dans d'autres pays, et comme la phytogénétique est facilement transportable, les sociétés peuvent faire cela dans d'autres pays si elles ne peuvent pas récupérer leurs coûts ici. Par exemple, Monsanto a investi dans le blé en Australie. Ils n'ont même pas une usine au Canada. C'est ce qui se passe pour ce type de récolte. Pour ce qui est du maïs, du canola et du soja, on s'inquiète des structures réglementaires, du processus d'approbation, de la durée, de la souplesse, mais dans beaucoup d'autres domaines de récolte, c'est un environnement propice à l'investissement.
Le sénateur Robichaud : Que faut-il faire alors?
Mme Townsend : Il nous faut bonifier les lois sur la protection des obtentions végétales. Pour l'instant, nous nous conformons à la Convention de 1978. Comme je l'ai dit dans mon exposé, nous sommes le seul pays développé à ne pas nous conformer à l'UPOV 1991 et nous sommes 20 ans en arrière. Il faut d'abord commencer par assurer la conformité de nos lois avec l'UPOV 1991.
Un représentant de l'UPOV nous a dit à l'automne qu'il travaillait à l'UPOV 2020. Si on ne peut pas au moins se conformer à la Convention de 1991, nous serons 40 ans en arrière ou plus. Certaines sociétés membres sont venues nous voir pour nous dire qu'elles avaient des ententes avec des sociétés internationales pour faire venir au Canada de nouvelles variétés de céréales fort intéressantes à des fins d'essai pour voir si elles convenaient au Canada et puis, deux semaines plus tard, elles ont reçu une lettre disant qu'on ne s'était pas rendu compte que nous ne nous conformions pas à la convention de 1991. Les sociétés internationales refusent de faire venir leurs variétés au Canada puisqu'elles ne peuvent pas prendre le risque de ne pas les protéger et générer un investissement. C'est sérieux. Il nous faut un cadre assurant la protection de la propriété intellectuelle et permettant aux sociétés d'investir.
Il nous faut aussi un système d'enregistrement des variétés qui est plus souple. Il faut changer notre façon de penser. Il faut commencer à penser aux nouvelles technologies qui pourraient être élaborées. Il faut peut-être songer à la biotechnologie dans le domaine des céréales. Peut-être qu'il faut envisager la biotechnologie pour les fourrages si l'on veut pouvoir nourrir le bétail, couvrir le sol, accroître la tolérance contre la sécheresse et le développement en temps opportun. Il nous faut un changement de mentalité, de processus réglementaire et de cadre de protection de la propriété intellectuelle.
Le sénateur Robichaud : En biotechnologie, nous avons les gens qui peuvent faire la recherche et aller de l'avant avec cela, et vous dites maintenant qu'ils ne le font pas. Est-ce que je vous ai bien compris?
Mme Townsend : La biotechnologie est beaucoup utilisée pour le maïs, le canola et le soja au Canada.
Le sénateur Robichaud : Ça se rentabilise puisque les profits sont élevés.
Mme Townsend : Oui. En céréales, je pense que ça augmente. Je pense que la communauté agricole accepte de plus en plus l'utilisation de ces nouvelles technologies en céréales, mais à ce point-ci, je ne suis pas certaine qu'il y ait un investisseur qui soit prêt à faire le saut puisqu'on ne le voit pas encore.
Cela dit, Syngenta a maintenant un sélectionneur de blé au Canada, et Bayer vient juste d'embaucher un sélectionneur de blé, donc, il se peut qu'il voie une occasion à venir. Cependant, à l'heure actuelle, il n'y a pas de décision d'aller de l'avant avec la biotechnologie en céréales.
Le sénateur Robichaud : Est-ce qu'un d'entre vous pense qu'il faut des capitaux d'amorçage pour la recherche? Je pense qu'il y avait un manque de recherche au Canada.
Mme Szkotnicki : Je ne dirais pas qu'il y a un manque de recherche au Canada. Beaucoup de la recherche se fait aux collèges agricoles et vétérinaires partout dans le monde. Ce que j'essayais de dire, c'est que les sociétés elles-mêmes n'ont pas leurs propres installations de recherche séparées au Canada. Elles font des essais cliniques. Un des points forts des discussions que nous entretenons avec les États-Unis, c'est que les études faites au Canada seront acceptées par la FDA en tant qu'élément du dossier de présentation. Quand on avait un système de réglementation vigoureux, c'était un incitatif à faire plus d'essais ici au Canada et c'était très bien.
Du côté de la biotechnologie, nous avons eu de bonnes nouvelles et de mauvaises nouvelles. La bonne nouvelle, c'est que le Canada a été le premier pays au monde a enregistré un vaccin à vecteur ADN, comme le sénateur Duffy le sait sans doute. Novartis a donc investi dans une usine à l'Île-du-Prince-Édouard. C'est une nouvelle situation encourageante, et on y produit le vaccin pour le monde entier. C'est le site mondial de production puisque nous avons investi en biotechnologie.
Par contre, il y a aussi eu la somatropine bovine. C'est devenu une question politique et elle ne relevait pas du domaine scientifique. Les sociétés ne s'intéressaient plus au Canada, et, en fait, la FDA ne s'intéressait plus au Canada. Où mettait-on l'accent sur les paramètres scientifiques de la sécurité et l'action? On a perdu cela. Il faut un programme scientifique fort, un programme solide axé sur les risques, et il faut renforcer la confiance entre les agences de réglementation afin de voir cet intérêt pour le Canada. Rappelez-vous que, dans notre industrie, le Canada est un petit marché. C'est 2 p. 100 du marché mondial. Donc, il faut vraiment être efficace, intelligent, solide et souple. Il ne s'agit pas de compromettre la science. Ce n'est pas ce que je veux dire du tout. C'est possible, et les produits biologiques sont un exemple d'excellent travail par l'ACIA dans le domaine des produits biologiques vétérinaires.
M. McRonald : En ce qui a trait à la recherche, j'ai indiqué dans mon exposé que ce n'est pas la biotechnologie, mais la recherche en génétique et génomique dans l'industrie laitière. Nous espérons vraiment que Cultivons l'avenir 2 offrira davantage de financement pour ce travail, puisque, à l'heure actuelle, l'apport de la recherche de Génome Canada consacré au lait n'est que de 10 p. 100, donc nous espérons avoir obtenir la prochaine fois.
[Français]
Le sénateur Maltais : Je vais être bref parce que je n'ai pas la compétence de ma collègue, le sénateur Buth, dans ce domaine. Au début de votre mémoire, vous avez dit que vous aviez trouvé le vaccin pour le virus sur les porcs au Québec, en particulier. Bravo! Vous avez parlé aussi d'une espèce rare qui s'appelle l'aquaculture. J'ai posé la question à peu près tous les intervenants qui ont comparu depuis deux mois et nous sommes même allés au Québec. L'aquaculture semble un domaine dont on ne veut pas trop parler. Je ne comprends pas. Si on se compare aux pays scandinaves, on a le même climat, les mêmes océans, les mêmes espèces. Pourtant, on mange encore de la truite, qui vient du Japon, dans les grands centres commerciaux. Où en sommes-nous rendu dans la recherche sur l'aquaculture, par exemple pour le saumon en particulier, malgré que la Nouvelle-Écosse, le Nouveau-Brunswick, la Colombie-Britannique nous en fournissent, heureusement, mais d'autres provinces et certains groupes écologistes font une lutte acharnée à l'aquaculture. Je mange du saumon du Nouveau-Brunswick et je ne suis pas encore mort.
Comment se fait-il que le Canada accuse un tel retard sur le plan de l'aquaculture? Où en sont vos recherches?
[Traduction]
Mme Szkotnicki : L'aquaculture est un secteur très important où il y a beaucoup de possibilités de croissance grâce à nos ressources naturelles. Je suis tout à fait d'accord avec vous là-dessus. Selon moi, il y a plusieurs raisons qui expliquent pourquoi on ne voit pas beaucoup d'activités dans le domaine de l'innovation et de la recherche. Il y en a, bien entendu, mais pour diverses raisons, il existe un plus grand nombre d'obstacles qui empêchent la croissance de ce secteur. Je dirai que la paperasserie joue un rôle important. Il n'y a aucune prévisibilité, parce que vous devez faire affaire au palier fédéral, au palier provincial et au palier municipal lorsqu'il s'agit des questions d'ordre environnemental, à l'emplacement des enclos et aux choses de cette nature. Alors, on ne sait jamais si on peut garder et gérer ces enclos au même endroit.
Lors de mon exposé, je vous ai parlé de la disponibilité des produits nous permettant de composer avec des questions de santé. Il est certain que les poux de poisson et l'anémie ont été des problèmes énormes. Il n'y a aucune exclusivité quant aux données. J'ai dit que les autres pays utilisent les produits homologués aux fins du bœuf, du porc ou d'autres espèces, et ensuite ils font de nombreux essais cliniques supplémentaires dans le but de pouvoir ajouter l'aquaculture à l'étiquette, mais pour ce faire, il vous faut une protection de la PI. Afin de faire toute la recherche et de soumettre les produits au processus réglementaire, ce qui peut prendre de nombreuses années, notre secteur pharmaceutique doit s'assurer que le pays est protégé, parce que la plupart de ces produits utilisés en aquaculture au Chili, en Écosse et dans d'autres pays en pleine expansion, tels que le Japon, et cetera, ne sont pas brevetés.
Je crois qu'il faut gérer la réglementation ainsi que la surveillance de cette réglementation, la simplifier et la définir parce qu'il existe beaucoup d'incertitude, et ensuite il faut gérer la protection de la PI.
[Français]
Le sénateur Maltais : Comment se fait-il que les pays scandinaves aient très bien réussi en aquaculture? Avez-vous des contacts avec eux? Ils doivent avoir les mêmes poux de mer que nous avons. C'est le même océan. Des poux, ce sont des poux. Comment se fait-il que nous n'ayons pas de relations avec des pays semblables aux nôtres? Vous me parlez du Japon, soit. Mais le Japon n'est pas renommé pour l'exportation de son saumon. Pour la truite, oui. S'ils ont réussi en Scandinavie, pourquoi avons-nous autant de difficulté?
Le sénateur Robichaud : Il faut changer de gouvernement.
Le sénateur Maltais : On a déjà essayé de changer et ça a été pire!
[Traduction]
Mme Szkotnicki : C'est un domaine qui est plutôt nouveau. Il existe beaucoup d'incertitude. Je peux vous dire que les données pour Slice, un traitement pour combattre les poux de poisson, élaboré par Merck, ou Schering-Plouth à l'époque, ont fait le tour du monde. Le Canada n'était pas bien branché au processus et n'a pas réussi à respecter les mêmes échéanciers que les pays scandinaves. Nous avons réussi à faire homologuer le produit huit ans plus tard. Il faut donc se doter d'un processus réglementaire fort pour combattre les poux de poisson.
[Français]
Le sénateur Maltais : Je comprends, c'est la faute de l'ancien gouvernement.
Le président : S'il vous plaît, on va se concentrer sur le mandat du comité.
[Traduction]
Le sénateur Buth : Quant à l'adoption de la Convention UPOV 1991, certains groupes nous font part de leurs préoccupations quant aux droits des producteurs de conserver leurs semences, ce qui est normalement la raison donnée pour que le gouvernement n'adopte pas la Convention UPOV 1991. Est-ce que je peux avoir votre avis, s'il vous plaît?
Mme Townsend : La loi canadienne ne se conforme même pas avec la Convention UPOV 1978 puisqu'elle permet aux producteurs de conserver les semences issues de leurs récoltes pour ensuite s'en servir comme semences sur leurs propres exploitations agricoles, ce qui est appelé par de nombreuses personnes le droit des producteurs de conserver leurs semences. La convention de 1978 ne contient pas une telle disposition et ne le permet pas. Il s'agit vraiment d'une exception aux droits des sélectionneurs. On a élaboré la loi canadienne juste avant la Convention UPOV de 1991, ce qui explique pourquoi elle a été approuvée par la Convention UPOV de 1978. En fait, la Convention UPOV de 1991 prévoit une disposition d'exception du producteur à ce droit, permettant ainsi aux producteurs de conserver les semences issues de leurs récoltes pour s'en servir comme semences sur leurs propres exploitations agricoles dans les années subséquentes.
C'est en fait expliqué, tout comme l'exception visant les sélectionneurs, qui n'est pas bien expliquée non plus, et qui permet aux variétés protégées d'être utilisées pour d'autres sélections. Ce n'est pas bien expliqué en 1978 non plus. Ces deux exceptions sont bien expliquées en 1991. Contrairement à ce qui a été dit, soit que les agriculteurs ne pourront plus conserver leurs semences, UPOV 1991, le Canada peut choisir de rajouter cette exception, puisqu'il s'agit d'une exception facultative. De nombreux pays n'utilisent pas cette exception et ne permettent pas aux agriculteurs de conserver leurs graines de semence. L'ACCS ne s'objecte pas à ce que le Canada rajoute cette exception facultative dans notre législation. Elle sera inscrite dans la loi et sera en fait conforme à la Convention UPOV.
Le sénateur Buth : Ces questions ne devraient-elles pas nous préoccuper?
Mme Townsend : Elles ne devraient pas vous préoccuper.
Le sénateur Buth : Merci.
Le président : Honorables sénateurs, je vous remercie. Chers témoins, vos exposés ont été précis et exacts. Nous avons compris le message. Nous vous remercions de nous avoir communiqué vos opinions et votre vision des choses.
Là-dessus, honorables sénateurs, la séance est levée.
(La séance est levée.)