Délibérations du Comité sénatorial permanent de
l'Agriculture et des forêts
Fascicule 17 - Témoignages du 17 mai 2012
OTTAWA, le jeudi 17 mai 2012
Le Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts se réunit aujourd'hui, à 8 heures, afin d'examiner, pour en faire rapport, les efforts de recherche et d'innovation dans le secteur agricole (sujet : étudier les résultats des recherches faites dans le but de moderniser le système agricole et agroalimentaire canadien).
Le sénateur Percy Mockler (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président : Chers sénateurs, merci d'être venus ce matin. Je vous souhaite la bienvenue à la séance du Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts.
[Français]
En tant que président du Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts, je remercie les témoins d'être présents à notre réunion de ce matin. Je m'appelle Percy Mockler et je suis sénateur du Nouveau-Brunswick.
Je demanderais à tous les sénateurs de bien vouloir se présenter à leur tour.
Le sénateur Robichaud : Bonjour, je suis le sénateur Fernand Robichaud, de Saint-Louis-de-Kent au Nouveau- Brunswick.
[Traduction]
Le sénateur Buth : JoAnne Buth, du Manitoba.
Le sénateur Eaton : Je suis Nicole Eaton, de l'Ontario.
[Français]
Le sénateur Maltais : Bonjour, je suis le sénateur Ghislain Maltais, du Québec.
Le sénateur Rivard : Bonjour, je suis le sénateur Michel Rivard, des Laurentides, au Québec.
Le président : Merci sénateurs. Notre comité poursuit son étude sur les efforts de recherche et d'innovation dans le secteur agricole canadien. Aujourd'hui, l'objet de la réunion est d'étudier les résultats des recherches faites dans le but de moderniser le système agricole pancanadien et le domaine de l'agroalimentaire.
Nous accueillons aujourd'hui, du Conseil de la transformation alimentaire et des produits de la consommation, mieux connu sous le l'acronyme de CTAC, Mme Sylvie Cloutier, présidente-directrice générale du conseil, Mme Carole Fortin, vice-présidente, communications et affaires publiques, M. Dimitri Fraeys, vice-président, Innovation et relations avec les membres du conseil, M. Richard Cloutier, président-directeur général, Centre québécois de valorisation des biotechnologies et M. Jean-Pierre Lacombe, directeur général du Groupe Conseil R&D.
Je vous souhaite la bienvenue et encore une fois merci d'être ici ce matin. Mme Cloutier va faire la première présentation.
Sylvie Cloutier, présidente-directrice générale, Conseil de la transformation alimentaire et des produits de consommation : Bonjour et merci de nous recevoir ici aujourd'hui. Je dois vous dire que bien que je fasse partie du conseil d'administration de Financement agricole Canada, les déclarations et commentaires que je ferai aujourd'hui sont strictement liés au Conseil de la transformation agroalimentaire, le conseil que je dirige, et non à celui de Financement agricole Canada.
Le CTAC est un ralliement d'associations sectorielles au Québec. On a plus de huit associations membres chez nous qui réunissent 500 entreprises. Les membres actuels du CTAC, les PME et les grandes entreprises, génèrent 80 p. 100 du volume d'affaire du secteur alimentaire québécois, soit 15 milliards de dollars, dans une industrie globale de 23 milliards de dollars. La transformation alimentaire est la plus importante industrie manufacturière au Canada, représentant 17 p. 100 de la totalité des expéditions manufacturières et 2 p. 100 du PIB. La transformation est aussi le plus important employeur au Canada avec plus de 270 000 emplois.
Les grands enjeux du secteur de la transformation sont, par exemple, la reconnaissance officielle du secteur comme étant un contributeur important à l'économie canadienne, l'accès aux tablettes pour les produits alimentaires québécois et canadiens, l'accès au capital, la promotion des produits locaux et l'innovation.
Pour rester compétitif à l'échelle mondiale, l'innovation et la recherche et développement seront parmi les facteurs clés du succès des plus importants transformateurs alimentaires. Le CTAC a choisi de vous présenter quelques recommandations et pistes de solutions tirées de notre mémoire présenté à votre comité.
Reconnaître l'importance du secteur de la transformation alimentaire dans l'économie canadienne et investir en recherche et développement et en innovation en proportion de l'importance de l'industrie alimentaire dans l'économie canadienne; développer et implanter une stratégie de l'innovation pour le secteur de la transformation des aliments et des boissons — les entreprises ont besoin d'une stratégie pour les orienter; en financement de capital de risque, il faut aligner les aides en revoyant les critères de rendement de certains fonds à la baisse, par exemple de 35 à 15 p. 100, en créant des fonds de capital de risque dédiés aux PME de la transformation agroalimentaire et en mettant en place des programmes spécifiques pour intéresser des investisseurs privés à l'agroalimentaire; réduire les exigences administratives exigée par l'Agence du revenu du Canada pour l'obtention des crédits d'impôt en recherche et développement pour les rendre plus accessibles aux PME de la transformation alimentaire et soutenir le développement de produits; l'innovation des procédés de fabrication peut permettre d'atteindre un niveau de productivité assurant la compétitivité au plan international; l'accès à des fonds importants dédié à l'investissement en équipement de pointe qui permet d'améliorer les procédés de fabrication, de réduire les coûts de production et d'accroître la productivité pour que notre industrie soit de classe mondiale.
Nous croyons qu'il faut stimuler et aider les entreprises à implanter une culture de l'innovation au sein de leur organisation. L'innovation est un processus qui peut s'apprendre grâce à une formation interne en entreprise et à des programmes de formation externe. Le Canada doit former une main-d'œuvre qualifiée en innovation en quantité suffisante pour répondre aux besoins du secteur de la transformation alimentaire et faciliter l'emploi de ses ressources par des PME.
L'amélioration de l'efficacité de la recherche et développement passe par le renforcement des liens entre les intervenants de la chaîne de l'innovation par le biais d'une valorisation et d'un transfert technologique encore plus efficace et par la mise en place de chaînes de valeurs. Les chaînes de valeurs sont une source d'innovation puisqu'elles sont basées sur les besoins des consommateurs et soutiennent une innovation qui sera valorisée par des ventes importantes.
Des entreprises de transformation ont besoin d'un lieu de rencontres et d'échanges, un portail, des incubateurs technologiques et directoriales, des cuisines d'essais, une plateforme collaborative pour les échanges d'informations, un consortium de recherche, bref, des outils. L'industrie veut se prendre en main et regrouper les intervenants de la recherche et des industriels au sein d'un consortium de recherche très compétitive en transformation alimentaire. Le CQVB et le CTAC ont d'ailleurs présenté un projet à cet effet.
Le Canada doit créer un environnement réglementaire allégé qui protège le consommateur sans retarder l'innovation ni alourdir les taches administratives des entreprises. Les règlements doivent être assouplis, simplifiés et modernisés afin de refléter les besoins actuels de l'industrie tout en préservant les avantages compétitifs du Canada face aux produits importés.
Je vous remercie de votre écoute et je cède la parole à M. Lacombe.
Jean-Pierre Lacombe, président, Groupe conseil R & D, Conseil de la transformation alimentaire et des produits de consommation : Bonjour, je m'appelle Jean-Pierre Lacombe, producteur laitier assurant la continuité par la quatrième génération de la ferme familiale. Je suis cofondateur du Groupe R & D et membre du conseil d'administration d'Agropur, la plus grande coopérative laitière canadienne.
En 2005, un groupe d'agents dédiés à l'industrie agricole et à la transformation alimentaire ont répondu à l'appel de nos gouvernements. Ces appels répétés et pressants encourageaient les gens du milieu de la production et de la transformation agroalimentaire à redoubler d'efforts pour innover et devenir plus compétitifs et pour améliorer leur productivité.
Le Groupe R & D, organisme à but non lucratif, a vu le jour en 2005. Sa mission : favoriser le savoir, la compétitivité sur le plan mondial et la croissance économique du secteur agroalimentaire et agricole en stimulant l'utilisation des crédits d'impôt et des subventions à la recherche et au développement comme incitatifs financiers à l'avancement des secteurs de la production agricole et de la transformation alimentaire au Canada.
La clientèle cible du groupe recherche et développement, une clientèle généralement négligée par les consultants spécialisés et les grands bureaux de services comptables, est constituée d'entreprises de production et de transformation de petites ou de moyenne taille, c'est-à-dire un crédit d'impôt entre 20 000 et 25 000 $. Le Groupe R&D s'est investi à la sensibilisation, à la formation et à l'accompagnement de ces entreprises agricoles dans leurs efforts de recherche et développement et dans leur désir de devenir plus productives et plus compétitives.
Depuis 2005, le Groupe R&D a permis à plus de 400 entreprises agricoles de se prévaloir de plus de 15 millions de dollars de crédits d'impôt. Ces entreprises sont devenues plus productives, ont amélioré leur rendement, ont développé et mis en marché de nouveaux produits. Elles ont créé de nouveaux emplois et elles ont généré de la richesse.
De 2005 à 2010, le Groupe R&D affichait un taux de refus de dossier clients variant de 2 à 4 p. 100. Ce taux de refus se situe aujourd'hui à 20 p. 100. Le Groupe R&D et sa clientèle ont constaté un resserrement progressif et, à leur point de vue, injustifié des analystes et des gestionnaires de l'Agence du revenu du Canada dans le traitement des dossiers/ clients du secteur agricole et agroalimentaire.
L'automne dernier, le Groupe R&D déposait un mémoire faisant état de ses observations et de ses revendications quant à l'accès de plus en plus restreint aux crédits d'impôt, à la RSEDE par l'Agence du revenu du Canada pour la clientèle agricole. Ce mémoire vous est respectueusement soumis aujourd'hui.
Le président : Merci beaucoup. Nous débutons avec une première série de questions du sénateur Maltais.
Le sénateur Maltais : Merci beaucoup, monsieur le Président. Le Québec est une province très présente dans le portrait canadien pour ce qui est du domaine agroalimentaire. Vous êtes affiliés à des groupes de recherche indépendants gouvernementaux et universitaires. Êtes-vous affiliés à d'autres universités canadiennes?
Est-ce que vous mettez en commun la recherche qui se fait à Vancouver, à Dalhousie, en Nouvelle-Écosse, ou à Fredericton? Y a-t-il un point de rencontre entre les universités sur le plan de la recherche pour la mise en marché de nouveaux produits?
Richard Cloutier, président-directeur général, Centre québécois de valorisation des biotechnologies : Oui, mais il n'y en a pas assez. Certains programmes fédéraux favorisent la collaboration canadienne. Il y a beaucoup d'appelés mais peu d'élus.
Au niveau de la recherche universitaire, on est un centre de liaison et transfert qui œuvre au Québec et à l'international. On favorise la collaboration pour faciliter la commercialisation des technologies, mais tous ces gens ont besoin de financement pour faire de la recherche et pour aller plus rapidement, et les clients ne sont pas capables d'avoir l'ensemble du financement. Donc, le côté canadien est souvent laissé à défaut à cause de cela.
Le sénateur Maltais : À cause du financement?
M. Cloutier : Oui.
Le sénateur Maltais : Agropur est devenu le leader au Québec d'une façon fort remarquable. Est-ce que vous faites affaires avec le centre de recherche de Saint-Hyacinthe et celui de Québec pour ce qui est des nouveaux produits?
Certains sénateurs sont allés visiter certains centres de recherche au Québec et ils ont vu que beaucoup de recherche se faisait au niveau des produits laitiers. Faites-vous partie des mandats que reçoivent ces centres de recherche.
M. Lacombe : Agropur a mis en place son propre centre de recherche en 2009.
Le sénateur Maltais : À quel endroit?
M. Lacombe : À Saint-Hubert, tout près de l'autoroute 30. Il s'agit d'un investissement d'une vingtaine de millions. Dans le passé, Agropur a travaillé avec le centre de recherche de Saint-Hyacinthe, mais avec une chiffre d'affaires de près de 4 milliards aujourd'hui, Agropur possède son propre centre de recherche depuis 2010.
Le sénateur Robichaud : Je vais essayer d'être aussi bref que le sénateur Maltais. Madame Cloutier, dans votre présentation, j'ai cru comprendre qu'il y a eu diminution importante des fonds alloués à la recherche dans votre secteur. Ai-je bien compris?
Mme Cloutier : Oui. Au cours des dernières années, il y a aussi eu diminution importante des fonds alloués aux centres de recherche qui travaillaient en collaboration avec notre secteur d'activités. Les mandats des centres de recherche fédéraux ont été modifiés au cours des dernières années, ce qui fait qu'on n'a plus autant de projets et de produits qu'on en avait avec eux dans le passé.
Le sénateur Robichaud : Vous recommandez aussi qu'on alloue ces fonds selon le pourcentage de l'activité commerciale?
Mme Cloutier : Nous sommes le secteur manufacturier le plus important au Canada et sur le plan du PIB, nous sommes le deuxième au Québec. Nous recommandons que le gouvernement investisse au moins à hauteur de 2 p. 100 de tous les fonds dédiés à l'innovation et à la recherche.
Le sénateur Robichaud : Actuellement quel est le total?
Mme Cloutier : Je ne sais pas quel est le total.
M. Cloutier : J'ai quelques chiffres tirés d'un rapport récent, des analyses de 2002 à 2009. Sur 6,3 milliards de dollars investis par les gouvernements fédéral et provinciaux dans le secteur agroalimentaire, la recherche et développement ne compte que pour 457 millions de dollars sur les 6,3 milliards, ce qui, comparativement au secteur pharmaceutique et aéronautique, constitue un très faible pourcentage dédié à la recherche et le développement.
Le sénateur Robichaud : Est-ce qu'il y a des raisons qui expliquent cette diminution graduelle? Est-ce que vos efforts ont été moindres que dans les années passées? Avez-vous soumis moins de projets?
Mme Cloutier : Si je peux me permettre, c'est une problématique qu'on rencontre partout au Canada, tant à l'échelle canadienne que dans les provinces. Le secteur de la transformation alimentaire est le premier secteur manufacturier et n'est pas reconnu comme étant un secteur important à l'économie canadienne.
On parle beaucoup d'aéronautique et pourtant, un des plus gros problèmes que le secteur agroalimentaire a actuellement, c'est de ne pas avoir la reconnaissance de l'importance de notre secteur à l'économie canadienne. Au Québec, on est le premier employeur manufacturier. Vous demandez à n'importe qui sur la rue et personne ne sait qu'on est le secteur alimentaire le plus important.
Notre secteur est tenu pour acquis. Évidemment, avec le temps on a perdu des plumes au détriment de d'autres secteurs qui sont plus glamour. Et pourtant, si on ne fait pas d'innovation en agroalimentaire, on perd notre espace sur les tablettes. La compétition est très féroce. On a des produits transformés importés qui entrent par toutes les portes. Et nous, ici au Canada, on doit faire compétition à ces produits. Donc on doit investir énormément en recherche/ développement et en développement de nouveaux produits.
Dimitri Fraeys, vice-président, Innovation et relations avec les membres, Conseil de la transformation alimentaire et des produits de consommation : Il y a un élément important qu'on a mentionné. C'est que la diminution de l'accès aux crédits d'impôt par les entreprises fait en sorte qu'elles ont moins de fonds disponibles. Les crédits d'impôt sont une source privilégiée pour les PME pour l'accès aux subventions et au financement de leur R&D.
En alourdissant le côté administratif et en réduisant l'accès aux crédits d'impôt aux PME, il y a automatiquement réduction de l'accès au financement pour la R&D.
M. Cloutier : J'ai regardé certaines agences de recherche, entre autres le Conseil de recherche en sciences et génie du Canada, le AAC, le CRSNG. Lorsqu'on parle des grands groupes, on parle des ressources naturelles, des sciences et technologies de l'environnement, les technologies de l'information et la fabrication.
L'agroalimentaire n'existe pas. Je suis allé un peu plus loin. Je me suis demandé s'il y avait des chaires canadiennes dédiées à l'agroalimentaire. Dans ma brève recherche que j'ai faite au cours des derniers jours, je n'en ai pas trouvé. Bien sûr, le secteur agroalimentaire n'invente pas d'avions ou de nouveaux médicaments. Il fait ce qu'il appelle dans son langage de « l'innovation incrémentale » comparativement à radicale. Et c'est pour cela que, comme le disait Mme Cloutier, on est pris pour acquis.
Le sénateur Robichaud : Une dernière question concernant ce que Mme Cloutier disait. Êtes-vous en perte de vitesse vis-à-vis les produits importés?
Mme Cloutier : Oui. Nous avons un tableau dans notre mémoire que je pourrai vous faire parvenir. Dans les dernières années, les produits importés qui ont augmenté de la façon la plus importante sont les produits transformés, ce qui fait qu'avec le temps, on perd du terrain côté produits transformés. L'importation d'intrants est demeurée stable mais l'importation de produits transformés augmente de façon importante.
Le sénateur Eaton : Pour faire suite aux questions de mes collègues, est-ce que les produits importés auxquels vous faites concurrence, une fois arrivés au Canada, doivent passer par les mêmes régulations que vous par exemple?
Mme Cloutier : Techniquement, oui. Mais, comme vous le savez sans doute, aux postes frontières canadiens, on n'a pas les mêmes ressources qu'aux États-Unis pour vérifier tous les produits qui entrent. Souvent, le produit est rendu sur la tablette avant de réaliser qu'il y a un problème avec le produit.
Le sénateur Eaton : Une partie de notre mandat d'étude concerne l'accès à de nouveaux marchés. Quels sont vos défis avec les régions ayant des barrières non tarifaires?
Si on arrive à négocier des ententes avec l'Union européenne, le Japon, la Corée, la Chine, est-ce que vous allez avoir de la difficulté avec les barrières non-tarifaires de ces pays pour les produits canadiens?
Mme Cloutier : Cela dépend du type de produit. Au Canada, par exemple, nous sommes de grands producteurs de porc. Donc si on avait une opportunité d'exporter du porc sans barrière tarifaire importante vers des pays comme la Corée par exemple ou autres, ce serait probablement un avantage pour nous. Dans d'autres cas, ce serait un désavantage. Pour toutes sortes de raisons. Au Canada, on a une question de climat, une question de coût de main-d'œuvre, ce qui fait que le coût des produits est quand même non compétitif par rapport à des pays comme la Chine, par exemple.
[Traduction]
Le sénateur Eaton : Trouvez-vous que les produits circulent librement, même entre les provinces? Je ne peux pas me procurer des fromages du Québec. C'est mon frère qui me les apporte. Très souvent en Ontario, on ne peut pas trouver les fromages du Québec ou du Nouveau-Brunswick. Les barrières provinciales vous donnent-elles du fil à retordre?
[Français]
Mme Cloutier : Une entente a été négociée entre le Québec et l'Ontario qui devrait régler certaines problématiques. Mais on croit qu'au Canada, on devrait avoir la possibilité d'échanger entre les provinces surtout des produits de niche.
M. Fraeys : Si je peux me permettre, il s'agit d'un accord de commerce interprovincial. Toutefois, dans le cas très précis du lait, il y a des différences notoires entre les provinces, ce qui fait en sorte qu'il peut y avoir des difficultés pour tout ce qui concerne le lait de consommation. En ce qui concerne le lait de transformation, donc les fromages, tout ce qui est produit laitier, il y a une libre circulation entre les provinces parce que le Québec est un gros producteur. Mais lorsqu'il s'agit de lait de consommation, il y a effectivement des barrières qui empêchent la libre circulation des produits.
Le sénateur Eaton : Et le vin? Est-ce que le vin est une préoccupation pour vous? Parce que je crois que le Québec produit du vin, maintenant.
Mme Cloutier : Oui, le Québec a plus de 60 producteurs artisans de vin et actuellement, on peut retrouver des vins de l'Ontario sur nos tablettes au Québec, mais on ne retrouve pas de vin du Québec sur les tablettes, en Ontario.
Le sénateur Eaton : Pas encore.
[Traduction]
Le sénateur Mahovlich : J'ai une question complémentaire à poser à propos du fromage.
Le président : Pourriez-vous la poser maintenant?
Le sénateur Mahovlich : Cela fait des années que je trouve le fromage Oka en Ontario. On peut se procurer des fromages du Québec, et l'Oka est offert ici depuis longtemps. De plus, sa présentation est excellente. Je peux le repérer immédiatement dans les magasins.
Le président : Avez-vous des observations à formuler, madame Cloutier?
[Français]
Mme Cloutier : Il y a quelques fromages vendus à plus grande échelle, mais évidemment, les petits fromages artisans sont plutôt rares à l'extérieur de la province de Québec.
[Traduction]
Le sénateur Mahovlich : Il y en a d'autres qu'on ne voit jamais.
M. Cloutier : Le Québec produit plus de 300 fromages. C'est bien que vous trouviez le fromage Oka, mais vous êtes privés de bon nombre d'autres fromages.
Le sénateur Mahovlich : Je suppose que c'est le cas. Je ne me rendais pas compte que vous en produisiez autant.
Le sénateur Eaton : L'Oka n'est plus fabriqué par les moines.
Le sénateur Mahovlich : Non, mais il est fabriqué au Québec.
Le sénateur Merchant : Toutefois, n'y a-t-il pas un hic concernant les fromages? Certains d'entre eux sont pasteurisés tandis que d'autres ne le sont pas. Il y a certains fromages du Québec qu'on ne peut obtenir à l'extérieur de la province. Cela explique-t-il en partie pourquoi on ne peut pas se procurer ces fromages?
[Français]
M. Fraeys : La problématique du lait cru non pasteurisés fait en sorte qu'il peut y avoir des barrières circulaires pour une question de salubrité. Il faut savoir que le fromage à partir de lait thermisé, il y a une différence de température, fait en sorte qu'il peut y avoir des problèmes au niveau de la salubrité et donc, la commercialisation se fait dans un certain rayon autour de l'usine pour faire en sorte que les consommateurs aient un produit sain et de qualité.
[Traduction]
Le sénateur Merchant : Ma question concernait l'innovation. Collaborez-vous à l'échelle internationale? Avec quels pays avez-vous conclu de tels accords?
Mme Cloutier : Oui, nous collaborons.
[Français]
Nous avons plusieurs collaborations au niveau international. Bien entendu, les États-Unis sont des collaborations assez faciles au niveau de ce secteur. Il y a beaucoup d'échanges avec la France, l'Union européenne. On essaie de développer, avec l'Union européenne, des collaborations assez importantes dans le secteur de l'agroalimentaire. Ce n'est pas facile parce que maintenant, avec l'Union européenne qui est regroupée, lorsqu'on vient du Canada on n'a pas d'accès direct au niveau de l'Union européenne, il faut essayer de faire une collaboration avec un des pays qui, lui, va nous amener à du financement à l'Union européenne.
Je fais beaucoup de commerce international en Inde, en Israël, en Chine. C'est à long terme qu'il faut penser au développement. Il faut comprendre que la marque canadienne, c'est tout à fait bien reconnu et les gens veulent travailler avec le Canada dans le domaine des collaborations internationales, mais il faut y mettre beaucoup d'efforts.
[Traduction]
Le sénateur Merchant : Lorsque vous collaborez à l'échelle internationale — si vous innovez —, qui en bénéficie financièrement? Prenez-vous certaines ententes? Comment obtenez-vous votre part des avantages financiers?
M. Cloutier : Nous nous entendons avec les autres pays pour partager la propriété intellectuelle. Chaque pays a son propre cadre, et l'on peut négocier ce qui sera partagé. Vous pouvez détenir les droits pour votre pays, et je détiendrai les droits pour le mien. Ensuite, nous pourrons nous partager les droits pour le reste du monde. Habituellement, ce n'est pas très problématique, car une innovation peut engendrer une nouvelle PI, et cela compte énormément. Cela fait partie des avantages qui se rattachent à une PI.
[Français]
C'est pour ça que la relation que nous avons avec des jeunes à l'international pour l'innovation se fait très facilement. On garde les pays respectifs et on négocie pour le reste du monde.
[Traduction]
Le sénateur Merchant : Explorez-vous les marchés asiatiques? Aimeriez-vous collaborer avec les pays qui ont une importante population et qui, par conséquent, disposent de nombreuses technologies? Ils sont très avantagés sur le plan technologique.
M. Cloutier : Il ne faut pas perdre de vue que l'innovation doit aller dans les deux sens. Oui, nous collaborons avec des marchés asiatiques, surtout au Japon, parce qu'on innove beaucoup là-bas. Ce qui rend les choses intéressantes, c'est que nous pouvons leur présenter nos innovations canadiennes et rapporter au Canada certaines des leurs.
Vous êtes gagnant lorsque votre innovation peut être mise en marché aussitôt que possible. Certaines entreprises cherchent à introduire sur le marché japonais ou sur les marchés asiatiques certains des produits qu'elles ont conçus, avant de les mettre en marché ici, au Canada. Pourquoi? Parce que la réglementation canadienne entraîne d'importants délais. S'il est nécessaire que l'argent que vous avez investi dans votre innovation vous rapporte rapidement un petit revenu, vous devrez amorcer le processus à l'étranger plutôt qu'au Canada.
[Français]
Le sénateur Rivard : Dans vos recommandations, vous parlez des exigences administratives de l'Agence du revenu du Canada pour l'obtention des crédits d'impôt. On se rappelle que le Québec est une des rares provinces qui prélève ses impôts. Quand il y a un programme de crédits d'impôt, est-ce que cela s'applique automatiquement aux deux niveaux ou est-ce qu'il y a des programmes de crédits d'impôt qui s'appliquent seulement au fédéral ou au provincial?
M. Lacombe : Présentement, les programmes de crédits d'impôt s'appliquent aux deux niveaux.
Le sénateur Rivard : C'est automatique?
M. Lacombe : Oui, fédéral et provincial.
Le sénateur Rivard : Quand vous parlez de réduire les exigences administratives, sans aller dans le détail, quel exemple pourriez-vous nous donner, de façon simplifiée, de quelque chose qui vous paraît embarrassant, qui vous paraît être de la paperasserie inutile ou une perte de temps? Auriez-vous deux ou trois exemples?
M. Lacombe : Souvent, dans la recherche et développement, il faut différencier deux choses : il y a la recherche scientifique et le développement expérimental. Dans le secteur agricole et agroalimentaire, nos entreprises font beaucoup de développement expérimental. On parlait tantôt du secteur laitier. Les centres de recherche, dans le passé, sont partis d'une molécule entière qui était le lait, et l'ont fragmentée en trois éléments différents : le gras, la protéine et le lactose. Suite à cela, l'industrie a créé une gamme de produits. Vous l'avez vu tantôt, on a plus de 400 variétés de fromage au Québec. Cela devient du développement expérimental.
Quand on soumet des projets de R-D axés sur le développement expérimental, à un moment donné, ils sont très exigeants sur la documentation, et la documentation de recherche scientifique est différente de celle de développement expérimental. Le développement expérimental se fait en entreprise, et souvent c'est un processus d'essais et d'erreurs. On découvre des produits par essais et erreurs, et quand on arrive au produit final, c'est parce qu'un produit a évolué pour en arriver là. Toute la documentation reliée à cela qu'on doit soumettre à l'ARC, c'est très compliqué à rédiger. Dans certains dossiers, on en perd le fil.
Le sénateur Rivard : Est-ce que vous avez fait des représentations auprès de l'ARC pour leur demander de changer leurs exigences?
M. Lacombe : Oui, présentement nous avons eu des rencontres avec les gens de l'ARC.
Le sénateur Rivard : On sait que le Canada va possiblement signer un accord de libre-échange avec l'Union européenne. Est-ce que vous pensez que la gestion de l'offre pourrait être remise en question et, si oui, quel pourrait être l'effet sur votre industrie?
M. Lacombe : En tant que producteur laitier, je ne suis peut-être pas impartial sur cette question. Je crois à la gestion de l'offre. Chez nous, je pense que nous sommes une entreprise laitière qui est en bonne santé aujourd'hui. Nous avons quatre employés sur la ferme. Je crois encore aujourd'hui que c'est le plus beau système, surtout pour des produits qui sont très périssables. C'est un grand défi, pour le lait, quand on réalise que, en partant de la vache, le lait de consommation se retrouve dans le réfrigérateur du consommateur 48 heures plus tard; c'est une course contre la montre. Dans le secteur laitier, on arrive sur des marchés de volumes.
Pourquoi a-t-on développé au Canada une gamme de produits? C'est parce que le système permet au transformateur de travailler avec des produits frais. Avec un marché libre, demain, quand vous aurez des surplus de matière première, que feront les transformateurs? Ils feront de la poudre.
Donc c'est un système qui répond aux besoins. C'est un système que les gouvernements n'ont jamais eu à subventionner. Regardez la crise du porc qu'on vit au Québec présentement. C'est néfaste. Beaucoup de fermes porcines au Québec sont en faillites. Les gouvernements dans le passé, avec les assurances de stabilisation, ont injecté beaucoup d'argent. La beauté de la gestion de l'offre reste que ce sont des systèmes indépendants financièrement.
Pour ma part, je pense ce serait néfaste, demain, de mettre un coup de barre dans la gestion de l'offre au Canada. Au Québec, le secteur laitier et le secteur de la volaille sont deux secteurs qui vont très bien présentement et qui sont autonomes sur le plan financier. C'est important.
Le sénateur Rivard : Merci.
[Traduction]
Le sénateur Mercer : Je vous remercie de votre présence. J'ai examiné votre document de travail concernant les programmes de crédits d'impôt de l'ARC qui s'appliquent au secteur agroalimentaire. Il est intéressant de constater que les problèmes que vous avez signalés dans votre document ressemblent aux problèmes que d'autres secteurs rencontrent lorsqu'ils font affaire avec l'ARC. Ils n'ont pas créé ces difficultés simplement pour votre secteur.
Avez-vous tenté de vous asseoir avec l'ARC et d'élaborer une structure? Le problème avec les employés de l'ARC, c'est que bien qu'ils soient très professionnels — ils sont là pour accomplir leur travail —, ils ne sont pas spécialisés dans toutes les industries qu'ils réglementent. Par conséquent, ils ne comprennent pas ce qui se passe lorsqu'on exploite une ferme ou lorsqu'on mène des recherches agricoles.
Avez-vous discuté avec eux de la possibilité d'établir un groupe de travail mixte, composé de représentants de l'ARC, de membres de l'industrie agricole et de gens comme ceux qui travaillent pour le Groupe conseil R&D, afin de faire en sorte que le système fonctionne mieux pour tous? Ainsi, lorsque vous demanderez un crédit, d'impôt, vous n'aurez pas l'impression d'essayer de faire entrer un chameau dans le trou d'une aiguille, et tous comprendront ce qu'on exige d'eux. Pour leur part, les employés de l'ARC comprendront que vous n'êtes peut-être pas en mesure de leur fournir certains renseignements, en raison de la façon dont les recherches se déroulent et les innovations sont apportées dans l'industrie agricole.
[Français]
M. Lacombe : Vous avez un très bon point. Je donne souvent comme exemple que je suis un producteur laitier, je peux gérer une ferme laitière, mais je ne suis pas un producteur de porc. J'aurais énormément de difficulté à gérer une ferme porcine. Je pense que c'est un des grands problèmes à l'ARC, et je comprends ces gens. Vous le savez, quand un agent analyse un dossier d'aéronautique et que le dossier suivant sur son bureau est le dossier d'un producteur laitier qui a fait une innovation dans l'alimentation de son troupeau de vaches laitières, cela ne doit pas être évident à gérer. Ce sont des points que nous avons soulevés. J'ai toujours dit que nous sommes de plus en plus spécialisés dans nos activités, et dans l'avenir il va falloir qu'on ait des gens de marché.
Prenez par exemple le réseau banquier. De plus en plus, les banques qui œuvrent dans le domaine agricole engagent des agronomes comme directeurs de comptes, et non des financiers. Pourquoi? Parce que l'agronome, quelque part connaît le secteur agricole et est capable de répondre aux besoins de la clientèle. Par la suite, la banque, à l'interne, répond aux besoins financiers. Ce serait une grande évolution, ce sont des choses que nous avons déjà soulignées et nous le comprenons. Moi-même je me dis que, pour un agent qui est multimarché, comme on dit, et qui analyse des dossiers tant dans l'aéronautique que dans le transport et que dans le domaine agricole, cela doit être très difficile à interpréter; je pense que, quelque part, cela devient une lacune dans le système.
[Traduction]
Le sénateur Mercer : Comme j'ai travaillé dans un autre secteur hautement réglementé par l'ARC, je sais que, lorsqu'ils s'en donnent la peine, les choses fonctionnent extrêmement bien. J'ai travaillé dans le secteur philanthropique pendant la majeure partie de ma carrière. Il y a un certain nombre d'années, nous avions des problèmes semblables aux vôtres. Nous avions tous du mal à comprendre pourquoi l'autre camp voulait certains renseignements ou pourquoi certains renseignements ne pouvaient pas être présentés.
Nous nous sommes rencontrés, et nous avons commencé à dialoguer. Ils ont découvert que certains renseignements qu'ils exigeaient de nous étaient très difficiles à produire et que d'autres renseignements produits n'étaient d'aucune utilité à l'ARC. Par conséquent, ils se sont réunis pour en parler et, maintenant, un groupe de travail examine continuellement les questions techniques.
Il me semble que nous devons trouver un moyen d'aider tous les différents secteurs. Nous parlons de votre secteur en ce moment, mais il est probable que quelques dizaines d'autres secteurs se heurtent à des difficultés semblables.
Il y a de l'espoir.
M. Cloutier : Voilà une excellente question. Je suis pas mal certaine que les gens qui travaillent à l'ARC sont très compétents et informés. Toutefois, l'argument que j'essaie de faire valoir est que l'innovation est l'élément clé que nous devons prendre en considération. Si vous travaillez dans le secteur de l'aérospatiale et que vous concevez un avion écologique, les gens diront : « quelle innovation! ». Cependant, si vous exercez vos activités dans le secteur agroalimentaire et que vous souhaitez concevoir un produit sans gluten, s'agit-il d'une innovation? Quel risque technologique l'innovation comporte-t-elle?
Mon collègue ici présent connaît quelques façons de définir le mot « innovation ». Cela pourrait être une invention liée à la productivité, au produit ou au processus. Tous les éléments de la chaîne pourraient représenter des innovations.
Toutefois, lorsque vous prenez connaissance de la définition utilisée par l'ARC — qui stipule qu'un certain degré de risque est nécessaire —, vous constatez qu'il nous est difficile de remplir les conditions requises. Normalement, les employés de l'ARC refusent de reconnaître que les inventions mises au point par les entreprises du secteur de l'agroalimentaire sont des innovations, parce qu'elles ne cadrent pas avec la définition de l'OCDE. C'est là la définition dont ils se servent habituellement, ce qui est problématique dans la plupart des cas.
Le sénateur Mercer : L'innovation dans l'industrie aérospatiale est facile à définir — à voir et à mesurer. Dans l'industrie agricole, l'innovation est plus difficile à définir et peut être impossible à voir. Je vous comprends.
Le sénateur Buth : Je vous remercie d'être venus aujourd'hui.
Pour commencer, pourriez-vous me donner d'autres précisions sur les membres de votre organisation et le genre de marques de commerce que vous produisez? Comme je ne viens pas du Québec, j'aimerais en apprendre davantage.
Mme Cloutier : Par exemple, Agropur est l'un de nos membres — l'entreprise fabrique les produits Natrel et le fromage Oka. Tout comme Saputo et Canada Bread. Au Québec, Canada Bread est appelée Multi-Marques. Nous représentons également Lassonde, qui produit les jus Oasis, et Bonduelle, le plus important producteur de légumes surgelés.
Nous comptons aussi de plus petites entreprises, comme Margarine Thibault, les Canards du Lac Brome, des établissements vinicoles, des producteurs de cidre et les producteurs de foie gras Élevages Périgord et Aux Champs d'Élisé. Ce sont tous des membres de notre organisation.
Nous englobons huit petites associations, dont une qui regroupe des boulangeries et une autre, des établissements de transformation de produits alimentaires généraux. Parmi nos produits, on retrouve des canards, des eaux embouteillées, des vins, des cidres et des produits de l'érable. Citadelle est le plus important producteur de sirop d'érable.
Le sénateur Buth : Vous avez parlé de certains des obstacles et de certains des problèmes liés aux crédits d'impôt, et cetera. Pouvez-vous me dire quels sont les trois principaux problèmes rencontrés par votre industrie que vous recommanderiez au gouvernement du Canada de résoudre?
[Français]
M. Fraeys : Le premier élément qu'on aimerait avoir concerne l'allègement au plan administratif, la bureaucratie. Il faut alléger le travail des PME et des entreprises soit par les crédits d'impôt, soit la possibilité de mettre en marché de nouveaux produits. C'est un élément crucial. L'autre élément au plan R-D concerne la formation de la main-d'œuvre. C'est un sujet qu'on n'a pas encore abordé, mais si le Canada veut continuer à être un leader mondial, une main- d'œuvre qualifiée et formée à l'innovation est la clé pour demeurer au sein du G8. Il faut continuer à être flexible afin de pouvoir se distinguer à l'échelle mondiale. C'est la main-d'œuvre qui nous permettra de garder cette compétitivité.
Le troisième élément concerne la mise en commun des ressources, ce qu'on a présenté plus tôt, tous les outils qui permettent aux différents acteurs de se regrouper autour d'une même table. On a parlé des consortiums de recherche. Il faut avoir également une plateforme d'échange d'informations. Il faut avoir des outils de façon à pouvoir répondre à des questions dans les 48 heures, ce qui n'existe pas actuellement. Il faut accélérer la vitesse des communications entre les inventeurs et les utilisateurs.
[Traduction]
Le sénateur Buth : Dans le dernier exemple que vous avez donné, quel rôle le gouvernement jouerait-il?
[Français]
Mme Cloutier : Il faut assouplir la réglementation afin de permettre des échanges plus directs et avoir le moins de barrières possibles.
M. Cloutier : Il faut également des fonds dédiés à l'agroalimentaire. En ce moment, les fonds sont généraux et s'adressent à l'innovation en général, mais le secteur agroalimentaire ne se retrouve pas dans les définitions qui permettent d'avoir accès aux fonds qui sont disponibles. Il faut donc comprendre la particularité de l'agroalimentaire pour avoir accès à ces fonds fédéraux et provinciaux.
Il y a beaucoup de regroupements au Canada dans le bœuf ou dans le porc au plan de la production, mais pas au plan de la transformation. C'est un élément majeur que je remarque à l'échelle internationale. Prenons, par exemple, Israël, un petit pays productif à l'innovation, mais les gens se regroupent. Au Canada, notre pays est grand, mais nous ne sommes pas regroupés. Si on veut démontrer les actifs innovants canadiens à l'étranger, il faut se regrouper, et la transformation alimentaire a besoin de ce soutien.
Dans ces grandes orientations, on a parlé du Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada et d'Agriculture et Agroalimentaire Canada, qui dédient des montants d'argent pour la transformation agroalimentaire et faire un meilleur amalgame au Canada pour avoir un impact au plan mondial.
[Traduction]
L'étiquette qui indique que les produits sont fabriqués au Canada est celle que les gens examinent.
[Français]
Une de nos recommandations est d'ailleurs de travailler avec le gouvernement fédéral et les provinces à développer une stratégie d'innovation pour la transformation alimentaire.
[Traduction]
Le sénateur Mahovlich : Au Québec, on retrouve de très grandes entreprises comme Pepsi et Danone. Celles-ci réalisent d'énormes profits. Auraient-elles également besoin d'aide pour se livrer à la recherche et au développement, ou possèdent-elles des unités qui mènent constamment des recherches?
M. Cloutier : Ces entreprises investissent dans leurs propres recherches et dans leur propre développement. Elles investissent beaucoup d'argent dans la recherche. Danone est une énorme entreprise, mais ce qui intéresse de telles sociétés, ce sont les recherches effectuées dans les universités. Elles fouillent partout pour trouver de nouveaux ingrédients ou de nouveaux produits qu'elles pourraient ajouter à leurs propres produits. Cela ne veut pas dire que Danone financera chaque université canadienne. Ces universités — et nous pouvons parler de l'Université de Guelph, de l'Université Laval, à Québec, ou de l'Université de la Colombie-Britannique — recherchent du financement auprès des membres du secteur agroalimentaire afin d'être en mesure de mettre quelque chose de nouveau sur la table des Canadiens.
On envisagera de collaborer avec l'entreprise Danone mais, pour ce faire, il faut que les universités et les collèges créent une voie d'acheminement pour leurs innovations. Au Québec, on se livre à différents types de recherche : de la recherche appliquée, comme M. Lacombe l'a mentionné, et de la recherche plus scientifique, comme celle que mènent les universités. Pour que la grande entreprise Danone jette un coup d'œil à ces recherches, des voies d'acheminement sont nécessaires parce que, même si l'on obtient du financement pour la recherche, on n'oublie pas qu'on a besoin d'argent pour commercialiser ces produits et les vendre dans vos épiceries.
Il faut que d'énormes sommes d'argent soient investies dans la commercialisation.
[Français]
Le sénateur Maltais : Avec la recherche et l'innovation en sécurité alimentaire, est-ce que le Canada est un pays sécuritaire au niveau de l'alimentation pour le consommateur qui va chercher son produit à son épicerie locale?
Mme Cloutier : C'est reconnu partout dans le monde. Le Canada est parmi les pays les plus sécuritaires au monde. En termes de salubrité alimentaire, tant au fédéral qu'au provincial, les standards sont très élevés. La confiance du consommateur, la santé et la sécurité du consommateur est la principale préoccupation des transformateurs alimentaires.
Le sénateur Maltais : Lorsqu'on nous compare à Cuba pour la sécurité alimentaire, est-ce que c'est démesuré selon vous, ou si ça se rapproche de la réalité? Je suis allé à Cuba, mais je garderai mes commentaires pour moi. À mon avis, certaines personnes auraient avantage à visiter les producteurs et transformateurs canadiens. Parce qu'affirmer de telles choses a pour effet de détruire la réputation du Canada que vous avez tous contribué à bâtir. Et à mes yeux, c'est inacceptable de comparer le Canada à un pays en voie de développement. Que grand bien lui fasse, mais je n'accepte pas cela que du tout.
On a visité beaucoup de centres alimentaires et de gens qui font de la recherche et tout cela m'apparaît de loin supérieur à ce que j'ai vu ailleurs. Cela confirme ce que je pensais. Le consommateur canadien est sécurisé lorsqu'il va chercher son produit dans l'étalage de l'épicerie.
Le sénateur Robichaud : Sénateur Maltais, est-ce qu'on peut savoir qui a fait cette déclaration?
Le sénateur Maltais : Oui. Il s'agit de M. Olivier De Schutter, représentant de l'ONU au Canada, qui a affirmé que deux millions de Canadiens mangeaient très mal et que le Canada était pire que Cuba en la matière.
Le sénateur Robichaud : Il faisait référence à certaines communautés. Il ne faudrait pas généraliser. Cela ne s'applique pas à l'industrie alimentaire.
Le sénateur Maltais : Sénateur Robichaud, vous n'avez pas lu l'article. Il dit qu'il y a deux millions de Canadiens qui mangent très mal, alors qu'il y a 200 000 Autochtones au Canada. On peut se passer de ses commentaires. Lisez le journal!
Le sénateur Robichaud : Si vous visitez les banques alimentaires, sénateur Maltais, vous allez voir.
Le président : Sénateurs Maltais et Robichaud, si vous voulez discuter plus tard entre vous, vous pouvez le faire, mais on aimerait continuer à poser des questions aux témoins.
Le sénateur Maltais : Je répondrai au sénateur Robichaud par une interpellation à ce sujet. Je continue.
Beaucoup d'intervenants sont venus nous dire qu'il est difficile d'obtenir l'approbation d'Agriculture et Agroalimentaire Canada ou de Santé Canada en ce qui concerne l'étiquetage. Est-ce que c'est un problème pour les chercheurs?
Mme Cloutier : Quand vous parlez d'étiquetage, est-ce que vous parlez d'allégations?
Le sénateur Maltais : Oui, exactement.
Mme Cloutier : Effectivement, cela peut prendre deux ans.
M. Cloutier : Je vais vous donner l'exemple d'une compagnie à laquelle le CTAC et le CQVB ont remis un prix. Il s'agit de Allemand, une compagnie qui a développé une nouvelle levure qui produit de la vitamine D. Cette levure a été vendue à des entreprises qui l'ont intégrée dans leurs produits.
Il a fallu deux ans et demi à cette entreprise pour pouvoir alléguer un contenu en vitamine D dans leurs produits. Ce n'est pas un nouveau médicament. Il s'agit d'un produit contenant de la vitamine D et qui est bon pour la santé des Canadiens et des Canadiennes.
Le premier commentaire provenant des entreprises que l'on supporte en innovation et en développement de nouveaux produits, c'est la vitesse avec laquelle on approuve des produits pour les intégrer dans l'alimentation.
Le sénateur Maltais : L'accélération du processus pourrait faire partie de vos recommandations.
Mme Cloutier : En fait, c'est une recommandation qu'on a présentée aux tables rondes d'Agriculture et Agroalimentaire Canada.
Le sénateur Maltais : Est-ce que les produits alimentaires que donnent les grands magasins aux banques alimentaires sont-ils sécuritaires pour la santé des Canadiens?
Mme Cloutier : Très certainement. Parce que le contraire serait inacceptable.
Le sénateur Robichaud : Madame Cloutier, vous avez parlé d'arriver à une stratégie d'innovation afin que les différents joueurs se comprennent. Mais est-ce que ce n'est pas la question de l'œuf ou la poule?
La question est de savoir par où commencer. Beaucoup de gens sont sous l'impression que l'innovation dans votre domaine est peu probable, alors que dans d'autres secteurs comme celui de l'aéronautique, chaque découverte fait les manchettes. À quel niveau se fait l'innovation dans le secteur agroalimentaire? Est-ce qu'elle se fait tout au long de la chaîne?
Mme Cloutier : Très brièvement, quand on travaille sur le développement d'un nouveau produit, cela a un impact tout au long de la chaîne, de la production jusqu'au produit fini. C'est certain qu'une innovation amène une innovation sur le plan des procédés, des technologies et de la commercialisation du produit. L'innovation se fait donc tout au long de la chaîne.
Pour revenir à votre introduction, oui, les transformateurs alimentaires ont du travail à faire pour s'assurer que notre secteur prenne la première place au Canada. On reconnaît qu'il y a du travail à faire pour promouvoir les innovations du secteur. Je peux aussi vous dire que l'innovation se fait au niveau de l'industrie. Il y a beaucoup de projets et de joueurs sur le terrain.
Je vais vous parler du Québec, mais je sais que cela se produit partout au Canada. Le problème, c'est que lorsqu'on cogne à la porte de financiers et de gouvernements avec des projets spécifiques, on n'a pas de fonds pour avancer. Donc on a plusieurs projets sur la table et les gens vont travailler en vase clos. On essaie de s'organiser et de se structurer, on a tout ce qu'il faut sur le terrain pour le faire, mais on a aussi besoin d'un soutien, qu'il soit moral ou financier, de la part des gouvernements et autres institutions.
M. Cloutier : Le Centre québécois de valorisation des biotechnologies en est à sa 27e année d'existence au Québec. Lorsqu'on parle de stratégie, on s'interroge à savoir sur quoi on devrait se concentrer.
Je vais reprendre des propos tenus dans un rapport de l'Institut canadien des politiques agroalimentaires qui traite, entre autres, de la gestion du risque. On pourrait mettre l'emphase sur la traçabilité des aliments ou sur l'alimentation santé.
Au Canada, 10 milliards de dollars sont consacrés au traitement de maladies chroniques directement reliées à l'alimentation telles le diabète et l'obésité. On peut concentrer notre stratégie dans le développement de nouveaux produits ou dans le traitement de certains ingrédients, par exemple la réduction de la teneur en sel et en gras. À mon avis, il s'agit d'éléments majeurs sur lesquels l'industrie peut se concentrer. D'autres éléments touchent directement les entreprises. Ce sont les technologies et le développement des produits.
Dans les technologies, les entreprises nous demandent beaucoup au niveau de la productivité, de nouveaux équipements qui vont permettre d'aller vers ces nouveaux produits. Il y a un projet que nous étudions, il s'agit d'un nouvel équipement pour faire des pommes de terre qui ressemblent à des pommes de terre frites mais sans être frites, pour ne pas avoir un enrobage de gras. Ce sont des nouveaux équipements de cuisson qui vont amener le développement de produits orientés sur la santé.
D'autres éléments que les entreprises mentionnent souvent et qui touchent à l'environnement, ce sont les emballages. Les gens du secteur de la transformation alimentaire veulent avoir de nouveaux emballages qui vont être de l'innovation et, en plus, cela va avoir un impact sur l'environnement.
Il y a quatre ou cinq points de mire dans une stratégie dont on pourrait dire, au niveau canadien, qu'elle est orientée vers ces éléments. Et ce sont des choses au sujet desquelles on pourrait argumenter auprès du gouvernement fédéral pour que, au niveau canadien, du financement vienne appuyer ces éléments, pour que le Canada se démarque au niveau mondial.
Le sénateur Robichaud : Pour le moment, on ne semble pas reconnaître que ce que vous venez de nous dire tomberait dans l'innovation.
M. Cloutier : Non, effectivement. On peut prendre des éléments de base; des gens nous disent : je vais réduire le sel dans mon consommé de soupe. Au niveau de l'ARC, réduire le sel, si je puis dire, ce n'est pas très excitant.
Le sénateur Robichaud : Ça enlève un peu de goût!
M. Cloutier : Réduire le sel dans une de soupe peut être totalement différent de réduire le sel dans un fromage. Dans ce dernier, cela va changer la texture, pas seulement le goût et aussi le rôle de conservateur. Pour certains, ce n'est pas de l'innovation. Mais si vous réduisez le sel ou les gras trans à l'intérieur de votre produit, cela a un impact sur la santé. Dans votre yogourt, on ajoute des probiotiques. Qui pensait, il y a dix ans, qu'on aurait des probiotiques dans le yogourt? Pas beaucoup de personnes. Maintenant c'est un ingrédient ajouté, qui est très bon pour la santé, et c'est ça l'innovation. Ce n'est pas juste l'ajout de produits; parfois, c'est le retrait de certains produits pour avoir un impact sur la santé, mais c'est de l'innovation.
M. Lacombe : Un point que mes confrères ont soulevé est que c'est toute la chaîne qui est touchée. La production agricole depuis une dizaine d'années a fait un long chemin. Dans l'exploitation agricole dans laquelle je suis impliqué, nous avons diminué nos taux de pesticide de 50 p. 100 depuis dix ans. Il est important de savoir que beaucoup d'herbicides, aujourd'hui en 2012, sont homologués aux États-Unis mais ne le sont plus au Canada.
Souvent, ce que les gens oublient, c'est que dans le monde agricole et agroalimentaire, on travaille avec du vivant. Les sols, c'est vivant. On veut être efficaces et garantir une sécurité alimentaire aux gens. Mon grand-père disait souvent que, dans le temps, on faisait une rotation : maïs, blé d'Inde. Vous passiez devant des terres agricoles et c'était toujours les mêmes cultures. Aujourd'hui on a évolué. Les rotations c'est important. La priorité agricole, souvent, n'est pas seulement monétaire, c'est la sécurité alimentaire.
On parle beaucoup du secteur laitier ce matin. La Somatropine, aux États-Unis, c'est l'hormone de croissance qui permet à une vache laitière d'augmenter sa production d'au moins 50 p. 100. Les producteurs laitiers canadiens ont décidé de ne pas l'utiliser. C'est important d'être sensibilisé à ça.
Le sénateur Robichaud : Cette substance est permise aux États-Unis; est-ce que tout le lait qui provient des États- Unis contient cette substance?
M. Lacombe : Rien ne nous dit qu'elle ne le contient pas.
Le sénateur Robichaud : Je siégeais au comité de l'agriculture il y a quelques années et nous avons étudié avec des scientifiques les effets de ce produit et de quelle façon cela pouvait se propager, comment le système digestif humain pouvait ou ne pouvait pas l'absorber. Les réactions de la population étaient vraiment très fortes. Il ne fallait pas aller dans cette direction du tout. Mais lorsqu'on parle de produits qui viennent de l'extérieur puis qui contiennent certains produits, on ne fait pas valoir la qualité canadienne vis-à-vis la qualité des importations. Je ne sais pas ce qui se passe pour le poulet?
Mme Cloutier : C'est l'argument qu'on ramène le plus souvent par rapport aux produits importés. On a des standards très élevés au Canada autant pour les ingrédients que pour ce qu'on utilise aux champs. Ici ils sont interdits. Pourtant ces produits importés arrivent et on sait qu'ils sont utilisés. C'est un double langage entre ce que l'on fait au Canada et les produits importés, pas tous, mais une grande partie.
Le sénateur Robichaud : Qui vous met en situation désavantageuse.
Mme Cloutier : Tout à fait.
M. Lacombe : Peut-être pour rajouter, ce qui est préoccupant, quand on parle d'hormones de croissance comme la somatropine, on n'est pas capable de les détecter dans le lait. Je vous apporte un verre de lait produit par une vache piquée à la somatropine et un lait autre et on ne peut la détecter.
Le sénateur Robichaud : Sur la même question, on s'est aperçu que les sabots de ces animaux croissaient plus vite que ceux qui n'en recevaient pas.
M. Lacombe : Pas juste les sabots.
[Traduction]
Le sénateur Eaton : Les producteurs laitiers canadiens ont décidé de ne pas utiliser cette hormone de croissance pour produire du lait. Est-ce la raison pour laquelle le lait américain est moins cher, parce que les vaches en produisent davantage?
[Français]
M. Lacombe : C'est certain que cela influence directement les coûts de production. Par exemple, un troupeau laitier avec 10 000 kilos en moyenne de production par rapport à celui qui utilise une hormone de croissance qui amène ton troupeau à 15 000 ou 16 000 kilos, ça influence directement les coûts de production.
[Traduction]
Le sénateur Eaton : Signalez-vous ce fait au public? Je n'ai jamais remarqué cette mention sur une boîte à lait. Indiquez-vous que vous n'employez aucune hormone de croissance? Ne serait-ce pas, pour la plupart des gens, un argument en faveur de l'achat de vos produits? La plupart des consommateurs ne savent pas cela. Il se peut que certaines personnes, qui franchissent la frontière pour acheter du lait américain à moindre prix, supposent qu'il est identique au lait canadien.
Par conséquent, ne serait-il pas bon d'informer les consommateurs canadiens que le lait canadien ne contient aucune hormone de croissance?
[Français]
M. Lacombe : Je pense que nos associations qui nous représentent en parlent mais on n'en parle sûrement pas assez.
[Traduction]
Le sénateur Eaton : Je pense à ce qui est mentionné dans les épiceries.
[Français]
Le président : Est-ce que vous avez d'autres commentaires sur cette question?
Le sénateur Rivard : Je voudrais vous entretenir sur la demande américaine, depuis plusieurs années, concernant l'étiquetage du pays d'origine du bétail. On sait que cette mesure discriminatoire n'a pas apporté les bénéfices escomptés. C'est discriminatoire pour les Canadiens. Cela nous a empêchés d'exporter au même niveau qu'avant. Ce problème a été soulevé à l'OMC suite à une demande du Canada et du Mexique qui a été entendue à Genève au mois de mai. La réponse finale de l'OMC devrait nous parvenir en 2012. Est-ce que vous êtes d'accord que ce projet de loi, c'est une loi actuellement sur l'étiquetage des pays d'origine, est inutile et coûteux?
M. Cloutier : C'est une excellente question. Je vais répondre politiquement correctement. Il faut être capable de reconnaître dans le domaine de la transformation alimentaire, le Canada a une valeur ajoutée. Je travaille beaucoup à l'international. La marque canadienne est de qualité. Je ne suis pas nécessairement un spécialiste sur la définition du bétail. Il faudrait l'impact sur l'ensemble de la chaîne, sur ce que cela peut amener le fait d'avoir un étiquetage.
Dans les domaines de la transformation alimentaire, quand nous allons en Chine ou en Inde et que les gens reconnaissent que nous avons une innovation canadienne, l'étiquetage « Canada » représente une grosse valeur ajoutée. Donc, par rapport à votre question sur l'origine du bétail, je pense qu'il y a un élément à regarder sur l'ensemble mais si c'est à l'OMC, ils ont sûrement de très bons spécialistes pour répondre à cette question.
Le sénateur Rivard : On sait que dernièrement le Sénat a adopté une motion concernant l'étiquetage du sirop d'érable afin d'y indiquer les qualités; êtes vous d'accord avec cette initiative?
Mme Cloutier : Notre experte en sirop d'érable est ici. Je vais donc lui céder ma place deux secondes.
Carole Fortin, vice-présidente, Communications et affaires publiques, Conseil de la transformation alimentaire et des produits de consommation : Bonjour. Je suis la secrétaire du Conseil de l'industrie de l'érable. Effectivement, on appuie cette recommandation de faire des changements au niveau marketing, mais au niveau du classement, il n'y aura pas de changement. C'est donc plus au niveau de la mise en marché du sirop d'érable.
Le sénateur Rivard : Et vous en êtres très satisfaite?
Mme Fortin : Ce n'est qu'avec le temps que nous serons en mesure d'évaluer ce processus sur le marché. Mais c'est une bonne initiative parce que vous avez le sirop d'érable canadien, mais vous avez aussi le sirop d'érable américain. Et il faut être en mesure de comparer des pommes avec des pommes. Mais il peut être ambigu, pour le consommateur, de savoir que le sirop est un grade AA. C'est la même chose pour le vin où on parle de goût fruité, par exemple. C'est donc à ce niveau que cela peut être plus important pour le consommateur mais cela ne change rien au niveau du classement actuel, de l'achat qui se fait entre le producteur et l'acheteur.
Je voudrais donner un complément d'information par rapport aux produits du Canada dont il a été discuté plus tôt. Comme on le disait, les produits du Canada sont très reconnus. Et puisqu'ils sont reconnus, il est important pour nous de pouvoir mettre la mention et de pouvoir faire la comparaison avec des produits importés. Parce que l'on compare les produits de Chine versus les produits du Canada, c'est important que le consommateur canadien puisse se reconnaître. Actuellement, on peut mettre « produit du Canada » seulement si 98 p. 100 des produits sont faits au Canada, donc dès que vous mettez du sucre, vous ne répondez plus aux normes. Alors vous voyez sur les tablettes, au Canada, de moins en moins de produits qui portent la mention « produit du Canada » mais ce n'est pas parce qu'ils ne sont pas produits ici. Mais il y a certaines limitations qu'on ne trouve pas ici, au Québec. Ici, avec Aliments du Québec, on peut utiliser cette mention si 85 p. 100 des aliments sont produits au Québec. Il faut avoir la possibilité de faire la promotion des produits du Canada et des produits du Québec.
Le sénateur Maltais : C'est comme le problème des petits pois.
Mme Fortin : Effectivement. Dès que vous avez du sucre, vous ne pouvez utiliser « produit du Canada » ici, au Canada.
Le sénateur Robichaud : Mme Fortin, vous dites 85 p. 100 doivent être produits...
Mme Fortin : Pour Aliments du Québec, on peut utiliser la notion « aliment du Québec » si 85 p. 100 des ingrédients proviennent du Québec, comparativement au Canada, où c'est 98 p. 100. Lorsque vous demandez au consommateur s'il veut que son produit soit canadien, les gens ne vont pas penser que le sucre ne provient pas d'ici. Évidemment, il n'y a pas de canne à sucre ici, au Canada. Alors il est difficile de répondre à cette exigence de 98 p. 100 de contenu d'ingrédients pour pouvoir utiliser la mention « produit du Canada » sur nos produits.
[Traduction]
Le sénateur Mahovlich : Édulcorons-nous d'autres produits avec notre sirop d'érable, afin d'être en mesure d'apposer sur ceux-ci l'étiquette « produit du Canada » ou « produit du Québec »?
[Français]
Mme Fortin : Le sirop d'érable fait partie d'une convention de mise en marché, vous avez différentes possibilités. Mais c'est une question de coût. Actuellement, le coût du sirop d'érable est quand même très élevé comparativement à du sucre. On vous parle, depuis le début, de la nécessité pour les produits du Québec ou du Canada d'être compétitifs. C'est évident que d'abord et avant tout, il faut être compétitif. C'est sûr que l'on veut utiliser le sirop d'érable, mais une entreprise doit faire des choix pour être plus compétitive.
N'oubliez pas que maintenant, au Canada, vous trouvez de plus en plus de produits importés. C'est très important au niveau de l'augmentation. Et nous ici, au Canada, il faut livrer concurrence à ces produits. On parlait d'étiquetage, d'innovation, de l'accès aux tablettes; nous avons des barrières et l'objectif que nous avons c'est avec l'innovation, que ce soit au niveau des processus ou des recettes. Il faut être en mesure de vendre nos produits autant au Canada qu'à l'extérieur. Il faut être productifs, il faut être compétitifs, il faut être capables de faire la promotion de nos produits. Comme on le disait plus tôt, il faut s'adresser au consommateur, il est influencé par la promotion. Ce sont des montants qu'il faut avoir. Il ne faut pas oublier que l'argent est un levier économique pour la transformation alimentaire aussi. On demande de l'argent pour pouvoir continuer à donner à l'économie du Canada.
[Traduction]
Le sénateur Mahovlich : Le Canada est-il le plus important fournisseur de sirop d'érable du monde?
[Français]
Mme Fortin : Oui, tout à fait.
Le président : Si vous me permettez d'ajouter quelque chose, le Nouveau-Brunswick est aussi un producteur. On a eu un débat à Washington, D.C., cette semaine, pour savoir qui était le deuxième plus gros producteur de sirop d'érable au monde, le Vermont ou le Nouveau-Brunswick. J'ai répondu que cela dépendait de la saison.
Mme Fortin : Pour répondre à votre question concernant le Canada, évidemment, vous avez le Québec, vous avez le Nouveau-Brunswick et vous avez l'Ontario. On voit de plus en plus de sirop d'érable fait au Vermont. Et je vous dirais qu'effectivement, nous avons, au Québec, une convention de mise en marché qui règlemente autant au niveau des achats et de la vente, mais vous avez de plus en plus de gens qui se lancent dans la production du sirop d'érable.
Le président : Si je peux intervenir, le plus gros producteur de sirop d'érable au monde, dans le nombre d'entailles, est de la région de Saint Quentin au Nouveau-Brunswick. Mais la plus grosse production de produits d'érable, au monde, c'est certainement le Québec.
Mme Fortin : Encore une fois, ce qui est important, on parle de transformation alimentaire. Donc la transformation nous représente, les acheteurs, alors vous avez les producteurs, et au niveau de la transformation, c'est important de travailler ensemble. Parce que vous avez raison, la production de sirop d'érable, au niveau mondial, c'est très important et on a la chance de travailler tous ensemble, les producteurs et les transformateurs du Canada, pour être en mesure de répondre aux besoins des gens.
Le président : Bien dit. Ce sera noté dans le rapport.
Le sénateur Robichaud : Madame Fortin, ceux qui font la transformation dépendent aussi des producteurs, de la qualité du produit qui arrive devant eux, n'est-ce pas?
Mme Fortin : Au Québec, près de 67 p. 100 des produits agricoles sont vendus aux transformateurs. En fait, les transformateurs sont les acheteurs de près de 67 p. 100 des produits agricoles. C'est évident que lorsqu'on parle de chaîne de valeurs, dans notre secteur, c'est primordial, c'est notre fonctionnement. Il faut se rendre jusqu'à la tablette, il faut se rendre jusqu'au consommateur.
C'est donc important de travailler ensemble lorsqu'on parle de recherche et développement, lorsqu'on parle de voir quelles sont les nouveautés. Il faut vraiment avoir un dialogue parce que nous avons une compétition qui est mondiale. On veut avoir les produits du Canada sur nos tablettes ici, mais aussi sur les tablettes ailleurs dans le monde.
Le sénateur Robichaud : Il a été mentionné à quelques reprises qu'il y a une augmentation des produits importés auxquels vous devez livrer concurrence, des produits qui sont peut-être avantageux pour le consommateur au niveau des prix. Est-ce que la différence est vis-à-vis des coûts de main-d'œuvre de ces produits du pays d'origine?
Mme Fortin : Le coût de la main-d'œuvre est un élément au niveau de la compétitivité des prix.
Certains pays offrent énormément d'avantages fiscaux pour pouvoir développer des innovations et accéder aux produits. Il y a toutes les exigences réglementaires à respecter. Au Québec, vous devez avoir des produits à étiquetage bilingue. Vous devez afficher le produit en français, mais lorsque vous arrivez au Canada, l'étiquetage doit être bilingue. Tout cela a un coût.
Lorsque vous arrivez dans des boutiques unilingues, peu importe la langue, le produit est déjà sur les tablettes. Il y a aussi le coût relié à la valeur nutritionnelle d'un produit. Au Canada, on doit répondre à des critères de valeurs qui sont affichées sur un tableau nutritionnel. Il y a un coût relié au développement du tableau nutritionnel parce qu'il faut analyser le produit, il faut le vérifier. Vous avez donc une accumulation de coûts.
Au départ, vous faites affaire avec la transformation alimentaire et je vous dirais que c'est probablement plus coûteux, d'où la nécessité d'innover, que ce soit pour trouver des valeurs ajoutées.
Le sénateur Robichaud : Est-ce que les produits importés sont soumis aux mêmes règlements quant à leur valeur nutritionnelle?
Mme Fortin : Lorsqu'un produit arrive au Canada, vous le savez lorsqu'il est rendu sur les tablettes. Et ce sera au consommateur de juger si tel produit répond aux valeurs nutritives ou pas. Je vous pose la question. Est-ce que vous examinez les étiquettes de chaque produit que vous consommez? Est-ce que vous regardez s'il est fait au Canada? Est- ce que pour vous c'est primordial? Je m'attends à ce que ça le soit.
Nous on le fait, on est sensibilisés et on s'attend à ce que les Canadiens, d'abord et avant tout, reconnaissent et favorisent l'achat de produits du Canada et du Québec. Pour nous c'est important. Et comme on l'a dit, on a d'excellents produits innovants sur le plan de la sécurité alimentaire. On doit se positionner.
M. Lacombe : Pour renchérir sur la question des coûts, je vous donne un autre exemple. Dans l'alimentation des troupeaux laitiers, depuis plusieurs années on n'utilise plus de farines animales, même si elles sont beaucoup moins couteuses que les farines végétales. Aujourd'hui, tous nos produits sont fabriqués à base de farines végétales. Il est évident qu'une tonne de soja est beaucoup plus dispendieuse qu'une tonne de farine animale. Tout cela influence la chaîne et amène une sécurité alimentaire sans compromis.
M. Cloutier : Le sénateur Robichaud nous a ouvert une porte sur la notion des coûts et cela m'amène à parler de la notion des marges bénéficiaires en transformation alimentaire. Cela a un impact direct majeur sur l'innovation. On travaille avec des PME et on les aide à développer une culture d'innovation. Souvent les gens nous disent : « Pour que j'investisse un dollar en recherche et développement, je dois enlever un dollar de ma production. »
Dans la chaîne des coûts, les producteurs essaient de couper partout. Mais le consommateur veut de la qualité et à bas prix. On se retrouve donc dans un marché très difficile. Et c'est là où l'innovation est laissée de côté parce qu'on veut respecter la notion des coûts. Les gens viennent nous voir et on finance leurs projets. Ils nous demandent s'ils peuvent bénéficier de subventions avant d'aller voir à la banque pour du financement. Ils ne veulent pas aller à la banque tout de suite parce qu'ils disent qu'elle ne comprend rien à l'innovation et qu'elle va leur exiger un plus haut taux d'intérêts.
Dans le calcul du coût de produit, il faut que le coût de l'innovation soit pris en considération par les entreprises si elles veulent garder un produit de haut niveau, innovant et à un coût respectable pour le consommateur.
M. Fraeys : J'aimerais donner des exemples de produits importés qui ne respectent pas nécessairement la réglementation du Canada. Vous allez voir dans toutes sortes d'épiceries de l'eau unilingue en polonais et des jus unilingues en arabe. De plus en plus de produits arrivent au Canada et ne respectent absolument pas les règles de base comme le bilinguisme français-anglais.
Si on pousse un peu plus loin l'analyse à savoir ce que contient le produit, on se rend compte que certaines normes dépassent amplement ce qui est recommandé ou autorisé au Canada en termes de conservation des produits comme les muffins ou d'autres produits de boulangerie. Ce sont des exemples de produits importés qui ne respectent pas la réglementation canadienne.
Le sénateur Robichaud : Quels efforts fait-on pour éviter que de telles choses se produisent? Est-ce qu'on porte le problème de respect de la réglementation à l'attention des responsables? De temps à autres je vérifie la provenance d'un produit. Parfois mon épouse vérifie la valeur nutritive parce que notre fille est diététicienne et cela nous porte à le faire. Je crois qu'il faut faire rapport de ces détails aux personnes qui sont chargées de faire respecter la réglementation.
Mme Fortin : On le fait. On appuie l'Agence canadienne d'inspection des aliments qui aurait besoin de davantage d'inspecteurs pour faire la vérification. Dans le contexte actuel, nous attendons de savoir quels seront les impacts du dernier budget sur l'Agence canadienne d'inspection des aliments et avec Agriculture et agroalimentaire Canada. Il est évident qu'on a fait les démarches. On le dit partout, mais on comprend qu'il y a une question d'argent qui entre en ligne de compte.
M. Fraeys : Est-ce qu'on doit attendre que le produit soit sur la tablette pour le dénoncer ou s'il est préférable de le bloquer à la frontière? Je crois que l'étape ultime serait de le bloquer à la frontière pour ne pas que ce produit entre dans le réseau de distribution canadien.
Le sénateur Maltais : Monsieur Lacombe, j'ai eu l'occasion de visiter des fermes laitières en Ontario ou dans les Maritimes. Ce qui m'a le plus surpris, c'est le soin que vous apportez aux bêtes. Les animaux y sont très bien traités. Ce qui m'a vraiment étonné sur le plan de la santé animale et de la propreté, c'est que pour entrer dans votre chambre laitière, il faut des manteaux, des bottes et des masques.
La sécurité alimentaire est à la base de votre production. Le lait qui provient de la vache est transféré dans des contenants ultra propres. Est-ce que cela a favorisé l'augmentation de la production?
M. Lacombe : C'est une bonne question. Comme je vous l'ai dit plus tôt, je représente la quatrième génération de producteurs laitiers. Aujourd'hui, le confort est primordial dans l'environnement d'une bête. Je vais vous donner un exemple. Chez nous à la ferme, chaque vache a son matelas. Qui aurait dit, il y a 20 ans, que les vaches coucheraient sur des matelas? Mon grand-père aurait été scandalisé.
On a aujourd'hui des systèmes de ventilation et de brumisation. L'été, dans les périodes de chaleur intense, on baisse la température jusqu'à 10 degrés Celcius par rapport à l'extérieur. Au Québec et au Canada, les producteurs se soucient beaucoup du bien-être animal.
Regardez l'évolution génétique des troupeaux laitiers québécois et canadiens. Prenons comme exemple le Centre d'insémination artificielle du Québec qui nous a fait évoluer beaucoup. Ce qu'on regarde aujourd'hui, sur le plan de la conformité des bêtes, ce n'est pas seulement la production laitière. Peu de gens sont conscients que lorsqu'on choisit un taureau pour une vache, on fait l'analyse d'une cinquantaine de critères de sélection. Le confort est primordial et il représente 50 p. 100 de la production.
Le sénateur Maltais : Merci. Monsieur Cloutier, on a très peu parlé des barrières tarifaires entre les provinces. Il y a une amélioration avec l'Ontario, cela réglera sans doute le problème des raisins du sénateur Mahovlich, mais ce n'est pas encore assez à mon goût. On sait que cela relève des provinces.
J'aurais une suggestion à vous faire. Les provinces se réunissent au Conseil de la fédération quelques fois par année. En Nouvelle-Écosse, on produit un vin de pommes, pas un cidre, mais bien un vin de pommes. Si un Québécois en veut une bouteille, il doit passer par Boston. C'est compliqué parce qu'on n'a pas le droit de l'avoir. C'est le même problème pour les vins de la Colombie-Britannique et d'autres produits de l'Ouest canadien à cause de ces petites barrières tarifaires.
Est-ce que vous pourriez vous entendre avec le gouvernement du Québec, lors du prochain Conseil de la fédération, pour demander à l'ensemble des provinces de lever ces barrières? J'imagine qu'il doit y avoir des contraintes quelque part, mais je pense qu'aujourd'hui, ces barrières devraient être levées.
Je sais par exemple que la sénatrice Eaton adore les fromages du Québec. Je pense qu'on est à l'heure de la mondialisation; on ne doit plus se refermer sur soi. Il y a d'excellents produits qui nous proviennent des autres provinces; on a d'excellents produits du Québec à partager avec les autres provinces aussi. Moi, je préfère le raisin du Niagara à celui de la Californie. Je sais qu'au Niagara, il est bien surveillé et bien fait, alors qu'on ne sait pas si ceux qui proviennent de la Californie contiennent des pesticides. Ils peuvent nous affirmer qu'ils sont sans pesticides, mais je suis allé dans les champs californiens...
Le sénateur Eaton : C'est comme le lait américain.
Le sénateur Maltais : Donc est-ce qu'on pourrait s'autosuffire, en tant que Canadiens en levant ces barrières tarifaires?
M. Cloutier : Votre suggestion est très intéressante. Il y a des efforts qui se sont faits actuellement, par exemple, il y a des ententes pour le corridor Québec-Ontario. Il faut continuer à appuyer ce projet. C'est une suggestion qu'on retient afin d'être capable d'amener cela au niveau du Conseil de la fédération.
Le sénateur Maltais : Merci. Votre témoignage a été très intéressant.
Le président : Avant de lever la séance, j'aimerais ajouter que Mme Cloutier a fait une entrevue concernant certaines réalisations du CTAC, tel que le lancement du site web ainsi que de nouveaux services aux membres. Suite à cette entrevue, on m'a souvent demandé si vous aviez des commentaires au sujet des médias sociaux qui influencent l'alimentation présentement.
Mme Cloutier : Effectivement, les médias sociaux jouent un rôle de plus en plus important dans la vie de tous les jours. Il est évident que les grands transformateurs alimentaires ou les transformateurs alimentaires en général sont beaucoup plus axés côté mise en marché et commercialisation vers les médias sociaux, que ce soit Facebook, Twitter ou autres.
Je peux vous dire aussi qu'on a eu un exemple au Québec récemment, il y a une entreprise, je ne la nommerai pas, qui a été prise à essayer de se défendre à travers les médias sociaux. Et ce qu'on a réalisé c'est que cela évolue tellement rapidement qu'on a beaucoup d'apprentissage à faire encore du côté des médias sociaux. Cela peut autant jouer contre nous que pour nous. Cela ne concerne pas seulement la transformation alimentaire mais également les produits en général. Cela fait maintenant partie de notre réalité.
Le président : Monsieur Cloutier, vous avez un commentaire à ajouter?
M. Cloutier : On a parlé de la vitesse à laquelle il faut donner l'information. Au niveau du CQVB, on a un volet d'intelligence stratégique et on utilise la voie des médias sociaux, les blogues, tous les nouveaux concepts pour que les entreprises d'ici soient rapidement mises au courant de ce qui se fait ailleurs. Et comme on travaille avec des collègues à l'international, on aimerait bien que les gens d'ailleurs sachent ce qui se fait ici. Et pour ce faire, on utilise les médias sociaux.
Le président : Pour votre information, on va recevoir comme témoins des représentants de grands magasins de surface, tels que Costco, Walmart, Loblaws, Zellers, Canadian Tire, Atlantic Superstore et Sobeys. Vous avez fait référence à l'accès aux tablettes pour les produits canadiens. Avez-vous des commentaires ou des recommandations à nous faire afin que l'on puisse porter à l'attention de ces grandes chaînes l'importance du produit et de l'étiquetage canadien?
Mme Cloutier : Au Québec, on a développé une marque qui s'appelle Aliments du Québec, que vous connaissez peut-être. C'est un label qui appartient à l'ensemble des partenaires de la filière agroalimentaire, de la production jusqu'à la distribution.
Au Québec, comme vous le savez, on a trois grandes chaînes, Métro, Sobeys et Loblaws-Provigo, et on a maintenant Walmart, qui a de plus en plus de magasins de grande surface dans l'agroalimentaire. On a développé avec eux une stratégie de vente et d'identification des produits québécois en tablette. Et je dois vous dire que sans eux, on n'aurait pas aujourd'hui la visibilité qu'on a avec Aliments du Québec. Alors tout le monde a embarqué, de la production jusqu'à la distribution. Et c'est définitivement un modèle qu'on devrait poursuivre à l'échelle canadienne. C'est de plus en plus difficile d'avoir accès aux tablettes au Canada, et comme on vous l'a dit tout à l'heure, il y a de plus en plus de produits importés, donc les choix sont beaucoup plus grands pour le consommateur et pour le détaillant. Les tablettes ne s'allongent pas. Donc, on a beau introduire de nouveaux produits, il y a des choix à faire. Et selon les stratégies commerciales de chacun, ils vont aller d'un côté ou de l'autre, mais je peux vous dire qu'au Québec, le modèle Aliments du Québec, avec les grandes chaînes, est un modèle à suivre à l'échelle canadienne.
Le président : J'aurais une dernière question. Le fait que des investisseurs étrangers achètent de la terre arable pour lui donner d'autres vocations nous inquiète un peu. Quelle est votre opinion à ce sujet?
Mme Cloutier : Au niveau des terres, je n'ai rien à ajouter de mon côté. Mais au niveau de l'achat d'entreprises canadiennes, je pense qu'il est dans notre intérêt de préserver la propriété de nos entreprises canadiennes de transformation alimentaire. C'est important de préserver la propriété canadienne de ces entreprises.
Alors oui, effectivement, d'avoir des investisseurs étrangers, c'est une chose, mais qu'on achète nos entreprises ici, peut- être qu'à long terme, c'est une stratégie sur laquelle il faudrait se pencher.
Le président : Et pour la disparition de la terre arable?
M. Lacombe : Vous avez une très bonne question. C'est très préoccupant. On a vu depuis quelques mois, des banques canadiennes qui démontrent aux investisseurs que, depuis 20 ans, le meilleur placement, ce sont des fonds de terre. Mais il ne faut pas que les terres deviennent des outils de spéculation. Cela reste que les terres agricoles font partie du patrimoine.
Moi, je suis la quatrième génération, je dis souvent que mon grand-père, mon père auraient pu spéculer sur la valeur de la ferme. Ce fut un choix, ce sont des valeurs et des principes.
C'est vrai que ce qui arrive est très préoccupant. Vous avez vu comme nous, dans les derniers mois, des terres au Lac Saint-Jean qui ont été achetées par des fonds. Mais il faut donner les outils aux producteurs pour ne pas que cela arrive. Je suis en Montérégie et souvent les terres se transigent entre producteurs et c'est vraiment un pacte social qu'on a entre nous, parce que cela peut devenir très inquiétant. Souvent, les spéculateurs qui mettent la main sur des terres, ils les louent à des producteurs en attendant, mais leur but n'est pas la production agricole, c'est tout sauf la production agricole.
[Traduction]
Le sénateur Mercer : Les faits indiquent-ils que la spéculation foncière touchant des terres agricoles augmente au Québec, et cette menace émane-t-elle d'une région en particulier? Des gens originaires d'autres parties du monde viennent-ils au Canada pour acheter des terres?
[Français]
M. Lacombe : Oui, je pense qu'il y a de plus en plus de spéculation. Comme je l'ai dit plus tôt, aujourd'hui, en Montérégie, par exemple, il y a des terres qui se transigent jusqu'à pratiquement 10 000 $ de l'acre.
Ces terres, il y a cinq ans, se transigeaient à 5 000 $ de l'acre. Donc les gens qui sont dans les affaires font l'équation très vite. Ce qui est particulier sur les terres agricoles, rien ne se perd, rien ne se crée. Souvent, on donne comme exemple, la fièvre de l'agriculteur, quand le voisin est à vendre, quand cela fait 40 ans que tu attends, le matin que c'est à vendre, cela reste qu'il y a du monde autour. C'est la grande particularité que nous avons.
Aujourd'hui, dans l'immobilier, tu arrives dans une ville, dans une région, les gens en bâtissent des immeubles, mais la terre agricole, c'est la grande particularité. On sait qu'on est dans une population croissante sur la planète, mais les terres agricoles ne sont pas en croissance pour autant. Oui, il y a plus de spéculation depuis cinq ans et on le remarque.
Le sénateur Robichaud : Juste un commentaire. Il y avait chez nous, à Saint-Louis, un propriétaire qui était un ancien agriculteur qui ne pratiquait plus et lorsque quelqu'un allait lui demander s'il avait des terres à vendre, il disait non, mais on disait : « Tu t'en sers pas? » Il disait : » Ils n'en font plus. » Alors le discours arrêtait là.
Le président : Est-ce que la PME présentement éprouve plus de difficultés que les grandes entreprises à innover et aussi à commercialiser leurs innovations?
Mme Cloutier : Oui, comme l'indiquait Richard tout à l'heure, les investissements viennent d'abord et avant tout de l'entrepreneur et les marges bénéficiaires sont tellement minces ou de plus en plus minces, on parle d'une moyenne de 6 p. 100 au Québec, comparativement à 10 p. 100 en Ontario et 8 p. 100 pour l'ensemble du Canada. Chaque dollar est compté, donc c'est plus difficile pour une petite entreprise d'investir dans l'innovation que pour une entreprise de grande taille.
M. Cloutier : En complément d'information, j'ai expliqué tantôt la notion du dollar qui est divisé. Monsieur Lacombe mentionnait aussi que le projet moyen en crédit d'impôt tourne autour de 20 000 ou 25 000 $. Donc, pour sortir ce 20 000 ou 25 000 $ ou pour obtenir ce 25 000 $ en crédit d'impôt, il faut avoir fait des projets de 75 000 ou 100 000 $. Pour plusieurs petites PME, notre clientèle, c'est très difficile. On travaille autant avec elles à faire des montages financiers qu'à trouver des innovations dans les universités parce qu'on a accès à plusieurs universités au Québec, au Canada et dans le monde, on est capable de trouver l'innovation, mais de la financer avec l'entrepreneur, c'est extrêmement difficile.
M. Lacombe : Pour renchérir, le Groupe R & D a réussi à récupérer 15 millions de crédit d'impôt parce qu'on avait une formule unique qui était risque zéro pour le client. Le Groupe R & D est une OSBL supportée par des partenaires, entre autres, la Coopérative fédérée, le mouvement Desjardins, le MAPAQ, Le CPAQ, la Financière agricole du Québec nous appuient et quand on rencontrait les clients, ils nous paient s'ils ont des résultats. Donc on a six entreprises, on élaborait toute la littérature du projet, mais au bout de la ligne, si la demande est refusée à l'ARC, cela coûtait zéro au client. Si la recette avait été autrement, c'est que ces entreprises sont en croissance et souvent, leur grand défi est la liquidité.
M. Fraeys : Pour pouvoir continuer là-dessus, je pense que pour les PME, ce dont elles ont besoin, c'est qu'on les stimule et qu'on les aide à implanter une culture de l'innovation. Une de nos recommandations serait d'avoir des groupes qui leur permettraient de les accompagner dans leur processus d'innovation parce que l'argent, c'est une chose, mais il faut également que ces petites entreprises acquièrent l'expertise nécessaire pour toute la démarche d'innovation. Donc il faut les aider et les encadrer, les stimuler pour devenir de plus en plus innovantes.
Le président : Sur ce, on va certainement toucher — vous avez fait référence et une recommandation — à la formation de la main-d'œuvre. Et je vous invite aussi à continuer à suivre le débat et les présentations qui se font au comité. Si vous avez des recommandations et ou des opinions, faites les parvenir, par l'intermédiaire de notre greffier. Sur ce, madame Cloutier, madame Fortin, monsieur Lacombe, monsieur Cloutier, monsieur Fraeys, on vous dit merci de votre présentation. Comme on veut vous faire remarquer aussi, vous êtes des joueurs et des joueuses, des intervenants et intervenantes importants au Québec, au Canada.
(La séance est levée.)