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AGFO - Comité permanent

Agriculture et forêts

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent de
l'Agriculture et des forêts

Fascicule 18 - Témoignages du 31 mai 2012


OTTAWA, le jeudi 31 mai 2012

Le Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts se réunit aujourd'hui à 8 h 1 afin d'examiner, pour en faire rapport, les efforts de recherche et d'innovation dans le secteur agricole (sujet : utilisation de plantes pour fabriquer des médicaments et les mettre en marché).

Le sénateur Percy Mockler (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Honorables sénateurs, je vous remercie de votre présence aujourd'hui.

Je vous souhaite la bienvenue à cette réunion du Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts. Pour que les témoins sachent qui sont les sénateurs présents, je vais demander aux sénateurs de se présenter et je vais commencer par me présenter moi-même. Je suis Percy Mockler, président du Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts, du Nouveau-Brunswick. Je demanderai maintenant au vice-président de se présenter.

[Français]

Le sénateur Robichaud : Fernand Robichaud, Saint-Louis-de-Kent, Nouveau-Brunswick.

[Traduction]

Le sénateur Mahovlich : Frank Mahovlich, de Toronto, en Ontario.

Le sénateur Buth : Le sénateur JoAnne Buth, du Manitoba.

Le sénateur Eaton : Nicole Eaton, de l'Ontario.

[Français]

Le sénateur Maltais : Ghislain Maltais, Québec.

Le sénateur Rivard : Michel Rivard, des Laurentides, Québec.

[Traduction]

Le président : Honorables sénateurs, le comité poursuit son étude sur les efforts de recherche et d'innovation dans le secteur agricole. Aujourd'hui, nous entendrons deux témoins qui traiteront de l'utilisation des plantes pour fabriquer des médicaments et de la mise en marché de ces médicaments.

Notre premier témoin sera M. Hall, mais avant de commencer, j'aimerais faire état de notre ordre de renvoi : que le Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts soit autorisé à examiner, pour en faire rapport, les efforts en matière de recherche et d'innovation dans le secteur agricole, notamment en ce qui concerne le développement de nouveaux marchés domestiques et internationaux, le renforcement du développement durable de l'agriculture et l'amélioration de la diversité et de la sécurité alimentaires.

Monsieur Hall, je profite de l'occasion pour vous remercier d'avoir accepté notre invitation. Vous allez nous présenter votre exposé, après quoi les sénateurs vous poseront des questions. Encore une fois, merci. Je crois que vous êtes à Guelph, en Ontario.

J. Christopher Hall, agent scientifique en chef, PlantForm Corporation : C'est exact.

Le président : Nous entendez-vous bien?

M. Hall : Oui. Pouvez-vous m'entendre?

Le président : Nous vous entendons très bien, monsieur. Comme nous disons en Acadie, au Nouveau-Brunswick :

[Français]

La parole est à vous.

[Traduction]

M. Hall : Merci. Bonjour, mesdames et messieurs. Je m'appelle Chris Hall. Je suis agent scientifique en chef à la société PlantForm Corporation, qui a été créée en 2008. Je suis l'un des membres fondateurs, avec MM. Don Stewart et Mark Goldberg.

Aujourd'hui, j'aimerais vous donner un aperçu de nos travaux dans le domaine de la fabrication de produits pharmaceutiques à partir de plantes. Dans notre entreprise, c'est déjà une réalité. Nous produisons ce que nous appelons des médicaments biologiques, qui sont définis comme étant des substances issues d'un organisme vivant ou de ses dérivés et utilisées dans la prévention, le diagnostic ou le traitement des maladies.

Il y a divers types de médicaments biologiques. Ce peuvent être de petites molécules produites naturellement ou encore des molécules à poids élevé — des protéines — d'un poids moléculaire supérieur à 1 000, qui peuvent être produites par des processus naturels ou par la biotechnologie. Dans notre cas, nous allons parler d'anticorps monoclonaux, car c'est ce que nous produisons dans les plantes; je vais vous donner un aperçu de ces anticorps et de ce à quoi ils servent.

Pourquoi utilisons-nous des plantes comme système de production? Nous prélevons des gènes qui servent à la production d'anticorps chez les souris et nous les incorporons dans des plantes; nous amenons les plantes à exprimer les anticorps, après quoi ils sont extraits et préparés.

Les raisons pour lesquelles nous utilisons des plantes sont les suivantes : les faibles coûts d'investissement et de production, ainsi que la facilité de production, de récolte et d'entreposage. Autrement dit, il s'agit d'une forme très économique de bioréacteur. Nous pouvons produire de multiples protéines dans une même récolte. Il n'y a aucun agent pathogène humain comme ceux qu'on pourrait trouver dans des systèmes traditionnels qui utilisent des cellules animales ou des animaux, et la production à grande échelle est possible.

Les deux autres principaux avantages sont la réduction des délais de développement, ce qui est maintenant possible grâce à notre travail et à celui d'autres scientifiques aux quatre coins du monde, et la création de nouveaux débouchés pour les agriculteurs, c'est-à-dire de nouvelles possibilités d'accroître la valeur de leurs produits.

Si l'on jette un coup d'œil à la comparaison entre les systèmes de production, présentement, la production de 400 kilogrammes d'anticorps thérapeutiques par année selon la méthode classique s'effectue dans des bassins de fermentation de cellules de mammifères où les cellules CHO — des cellules d'ovaire de hamster chinois — sont modifiées de manière à produire les anticorps et produisent ces anticorps dans les cuves. Le coût de la construction d'une telle installation est au minimum de 450 millions de dollars, pour un bassin de fermentation de 5 000 litres, et il peut aller jusqu'à 800 millions de dollars.

Une serre de 12 acres pourvue d'un équipement de traitement analogue au système de 5 000 litres coûte environ le cinquième de ce montant : 80 millions de dollars. Cette différence substantielle dans le coût de la plateforme permet à des gens qui n'ont pas un portefeuille bien garni, mais seulement un portefeuille moyennement bien garni, pour ainsi dire, d'entrer plus facilement dans le système de production.

Les médicaments « biosimilaires » sont un marché pratiquement inexploité. D'ici 2020, des produits biologiques d'une valeur de 100 milliards de dollars ne seront plus protégés par des brevets, ce qui crée pour nous d'immenses possibilités de pénétrer sur le marché et de fabriquer des médicaments biosimilaires. Ce sont des produits qui sont essentiellement semblables aux médicaments génériques, mais comme ce sont des protéines à poids moléculaire élevé, elles ne sont pas absolument identiques aux médicaments innovateurs. Toutefois, elles sont très semblables à ces médicaments et elles ont toutes les mêmes propriétés thérapeutiques.

La plateforme technologique de PlantForm permettra de réduire considérablement le coût des marchandises nécessaires pour accéder à ce marché. Je présente ici un exemple pour le trastuzumab. Le médicament innovateur s'appelle Herceptin. Le coût par flacon est d'environ 3 500 $ pour le médicament de marque. On voit la part que le profit représente dans ce total, la part que les ventes et le marketing représentent et, troisièmement, la part du coût de la marchandise. Dans le cas des produits biosimilaires classiques fabriqués au moyen de cellules animales, le coût par flacon diminue d'environ 1 000 $; dans le système de PlantForm, nos coûts s'établiraient à environ la moitié de ceux du médicament de marque. Cela nous permettrait de pénétrer le marché en réduisant le coût des marchandises, mais en ne touchant pas initialement à la marge bénéficiaire, ce qui est très important.

En outre, en fabriquant des médicaments biosimilaires, nous nous implantons sur un marché de médicaments qui ne sont plus protégés par des brevets. Comme on peut le voir ici, le calendrier de mise au point d'un médicament innovateur s'étend sur environ 13,5 ans jusqu'à l'enregistrement. Dans le cas d'un produit biosimilaire, ce délai est réduit au moins de moitié : environ 5,5 ans. Les études précliniques sont de même durée. Les études cliniques sont réduites de moitié et l'examen demande à peu près le même temps. Je dois me corriger : il n'y a pas de phase de mise au point, ce qui nous fait aussi gagner cinq ans.

Notre plateforme de production consiste à prélever des gènes d'anticorps sur des animaux. Nous les faisons passer dans l'ADN des végétaux en utilisant agrobacterium tumefaciens. Nous sélectionnons des plantes de tabac qui produisent des anticorps. Une fois que ces plantes ont été sélectionnées, qu'elles conservent leur caractère d'une génération à l'autre et qu'elles produisent les anticorps, elles peuvent être broyées dans de gros broyeurs. Nous obtenons une purée qui ressemble un peu à un lait frappé. Nous filtrons ensuite cette purée et nous soumettons le produit à divers processus de purification afin de préparer les anticorps sous forme pure.

Si l'on examine plus en détail le premier produit dont nous entreprenons la production au Canada, c'est le trastuzumab, que vous connaissez sous le nom de Herceptin. Le trastuzumab est le principal anticorps utilisé dans le traitement des patientes atteintes d'un cancer du sein HER2-positif; ce sont essentiellement des patientes, bien que certains hommes puissent aussi être atteints de ce cancer. Les ventes de Herceptin sont d'environ 6 milliards de dollars par année et devraient atteindre 7,4 milliards de dollars d'ici 2016. Nous estimons que le marché du trastuzumab biosimilaire s'élèvera à 2 milliards de dollars ou plus — c'est une immense possibilité à exploiter.

Voyons maintenant les progrès que nous avons accomplis jusqu'à présent dans la production de trastuzumab. Nous avons créé les plantes et un procédé de laboratoire qui nous permet de traiter les plantes et de produire l'anticorps, puis de l'obtenir sous forme pure en appliquant des techniques de purification. Nous avons transféré cette technologie à une société aux États-Unis appelée Kentucky BioProcessing, qui augmente l'échelle de production. Nous avons réalisé là- bas plusieurs essais sur des lots de 50 kilogrammes de matière végétale. Nous avons réussi à produire de multiples grammes de trastuzumab, que nous avons formulés et que nous avons soumis à des essais sur des animaux afin d'étudier l'efficacité de notre composé par rapport à celle du médicament innovateur, Herceptin.

Nous menons aussi des travaux sur deux autres médicaments biosimilaires : l'Avastin, qui est utilisé pour traiter le cancer colorectal — c'est un marché de 8,9 milliards de dollars et le brevet expire vers 2017 — et l'Erbitux, qui est utilisé pour les cancers de la tête et du cou. Ce sont deux médicaments à base d'anticorps. Actuellement, nous effectuons aussi des recherches sur nos propres anticorps innovateurs, dont nous assurons la mise au point à partir de zéro, pour le traitement du VIH/sida.

Pour terminer, je voudrais vous dire quelques mots sur les membres de notre équipe de direction : Don Stewart, qui provient de Cangene, est notre président-directeur général; David Cayea est notre directeur des relations internationales; enfin, Ron Hosking est notre directeur financier et il compte de nombreuses années d'expérience de travail au sein d'entreprises multinationales de biotechnologie.

Cela termine mon exposé. Merci.

Le président : Merci beaucoup, monsieur Hall. Nous allons passer aux questions.

Le sénateur Robichaud : Monsieur Hall, votre exposé est très intéressant et paraîtra très prometteur à des gens qui voudraient suivre vos études et les produits que vous mettez au point. Une chose a attiré mon attention : vous avez déménagé la phase de production aux États-Unis. Pourquoi?

M. Hall : Actuellement, personne au Canada n'a les installations requises. La Kentucky BioProcessing, qui, bien sûr, se trouve dans le Kentucky, a obtenu des fonds de la Defense Advanced Research Projects Agency, la DARPA, aux États- Unis. Elle a pu construire une serre de 1,2 acre. C'est une installation à environnement contrôlé à plusieurs niveaux, et cette société dispose de toutes les installations de traitement et fabrique des produits, des vaccins et d'autres médicaments à base d'anticorps — dont certains sont destinés à l'armée, par exemple. Le gouvernement des États-Unis a été un important élément moteur et a soutenu cette entreprise dans la réalisation des travaux. Nous avons discuté, avec les représentants de la Kentucky BioProcessing, de la possibilité de construire une installation analogue au Canada et de réunir les fonds nécessaires. Cette société est également active en Afrique du Sud; elle construit une installation là-bas à l'aide de fonds accordés par l'Afrique du Sud.

Le sénateur Robichaud : Donc, la question se ramène à trouver l'argent nécessaire pour mettre la structure de base en place. N'y a-t-il pas de financement disponible au Canada en ce moment?

M. Hall : Pas en ce moment, mais nous y travaillons. Le président-directeur général, Don Stewart, a discuté avec plusieurs personnes, en Ontario et à Ottawa, de la possibilité de construire une installation de ce genre. Je dirais que notre objectif numéro un, actuellement, est probablement de réunir assez de fonds d'exploitation pour maintenir notre entreprise en existence. Cela tend à être notre préoccupation principale dans le moment.

Le sénateur Robichaud : C'est très prometteur. Vous avez parlé de la mise au point de quelques anticorps, comme vous les appelez; je suis sûr qu'il y en a d'autres qui pourraient éventuellement être exploités, n'est-ce pas?

M. Hall : Oui. Nous avons trois candidats et il y en a d'autres qui deviendront disponibles à l'avenir et que nous pourrons envisager. Il y en a d'autres dont le brevet viendra à échéance. Nous avions une liste de huit produits, je crois. Nous avons commencé par le trastuzumab ou Herceptin parce que c'était le premier médicament dont le brevet allait expirer. Ensuite, nous allons axer nos travaux sur Avastin et Erbitux, comme je l'ai dit. Il y en a plusieurs autres auxquels nous prévoyons travailler au cours d'une troisième phase. Le marché de ces derniers produits est bon; il n'est pas aussi bon que celui des trois premiers, mais il est tout de même très lucratif. Il y en a d'autres dont le brevet viendra à échéance d'ici 2020 et que nous intégrerons en cours de route.

Le sénateur Robichaud : C'est très intéressant.

Le sénateur Eaton : Monsieur Hall, pour poursuivre dans la même veine que le sénateur Robichaud, il y a une chose que nous avons constatée dans le cadre de nos études sur les forêts et sur l'agriculture : c'est que les Canadiens semblent être très innovateurs, mais il semble ne pas y avoir de pont entre ce que vous faites, c'est-à-dire l'innovation, et les entreprises ou le secteur privé. Vous êtes parvenus à avancer beaucoup dans la réalisation de votre projet, mais il vous reste encore une partie du chemin à faire. Comme vous le dites, vous en êtes encore à chercher de l'argent pour maintenir votre entreprise à flot.

Auriez-vous des idées sur ce que nous pourrions recommander dans notre rapport pour aider les gens comme vous et d'autres qui travaillent à des projets très novateurs dans les universités ou à proximité du milieu universitaire? Comment peut-on attirer l'attention de l'investisseur du secteur privé? Quel genre de pont devrait-il y avoir?

M. Hall : Je crois que Don Stewart serait mieux à même que moi de répondre à cette question, mais je peux m'y essayer, en me basant sur ma propre expérience.

La réputation de la biotechnologie est un peu entachée depuis les années 1990. Beaucoup de promesses ont été faites et les réalisations ont été minces à l'époque, au tout début. Cela a changé, mais le marché a été très échaudé et il est un peu réticent à s'engager à nouveau dans le domaine. C'est l'une des raisons.

De nos jours, au Canada, la situation est très difficile. Nous tentons de réunir 10 millions de dollars dans un premier temps. Nous avons essayé au Canada, mais il est très difficile de se procurer des capitaux de ce genre pour la biotechnologie; nous sommes donc allés aux États-Unis et aux Émirats arabes unis pour essayer d'amasser cette somme. Nous envisageons aussi l'Europe. Il est plus difficile d'obtenir du capital de risque du secteur privé parce que le Canada est un petit pays et nous sommes conservateurs par nature. C'est difficile.

C'est l'une des choses que j'ai à dire. L'autre, c'est que le gouvernement nous a été utile. Durant les volets de recherche, il a été très utile. Nous avons bénéficié d'une aide pour passer à l'étape suivante, mais ce que nous appelons la « vallée de la mort », ce à quoi vous faites référence, est encore quelque chose de très difficile à traverser au Canada, tout simplement parce que je ne crois pas que nous disposons du genre de sommes qu'il y a aux États-Unis, en Europe, aux Émirats arabes unis et dans d'autres régions du Golfe. C'est aussi simple que cela.

Le sénateur Eaton : Vous avez dit que vous aviez établi des liens dans le monde entier. Avez-vous des liens avec d'autres innovateurs, des gens qui sont engagés dans le même domaine que vous, ou d'autres universités qui effectuent des recherches du même genre? Que vouliez-vous dire quand vous avez affirmé que vous aviez établi des liens à l'échelle mondiale?

M. Hall : Nous avons de bons rapports avec des scientifiques dans le monde entier, particulièrement en Europe pour certains des volets du génie moléculaire, et aussi aux États-Unis.

Le sénateur Eaton : Mènent-ils le même genre d'activités innovatrices que vous, ou les devancez-vous dans certains cas?

M. Hall : Oui. Nous figurons parmi les chefs de file mondiaux. Il n'y a probablement qu'environ trois ou quatre entreprises dans le monde entier qui font ce que nous faisons, et pas exactement de la même manière, mais d'une façon assez semblable pour les besoins de la présente discussion. Il y en a une en Israël, une en Europe, deux aux États-Unis et une autre au Canada.

Nous faisons partie d'un petit groupe de gens, aux quatre coins du monde, qui travaillent en vue de s'implanter sur les marchés commerciaux.

Le sénateur Eaton : Merci beaucoup.

Le sénateur Mahovlich : Le climat a-t-il des incidences importantes à cet égard? Est-il nécessaire de cultiver les plantes en serre, ou d'aller dans le sud des États-Unis ou en Afrique du Sud pour cultiver en grand nombre ces plantes que vous allez utiliser?

M. Hall : C'est une très bonne question. Permettez-moi de revenir un peu en arrière. D'abord, ce sont des plantes génétiquement modifiées, comme vous le savez. Nous avons choisi le tabac parce que ce n'est pas une culture vivrière. Nous ne voulions pas que les gens s'inquiètent à cause de la présence de ces gènes dans une culture vivrière. Nous croyons aussi qu'il est nécessaire dans un premier temps — et, je dirais, pendant la prochaine décennie — de cultiver ces plantes à l'intérieur, d'abord parce que les conditions de croissance sont meilleures, et ensuite afin que les plantes restent en quarantaine pour que le public, là encore, se sente un peu plus en sécurité et ait davantage confiance en ce que nous faisons.

Le Canada et, en particulier, l'Ontario sont reconnus dans le monde entier pour leurs excellentes installations de serre. Nous sommes des chefs de file mondiaux dans l'industrie des serres et des serres chaudes pour ce qui est des chambres à atmosphère contrôlée. En outre, nous travaillons en étroite collaboration avec les agences spatiales des États-Unis et de l'Europe à cause de notre expertise dans les environnements clos, qui leur est utile dans le cadre de leurs programmes spatiaux.

Nous avons les capacités requises pour cultiver ces plantes en serre au Canada. La technologie existe. Ce seraient des serres perfectionnées à atmosphère contrôlée. Il en existe déjà actuellement pour la culture des tomates, des concombres et des poivrons, notamment.

Je ne sais pas si vous avez déjà visité des installations de ce genre, mais elles sont très impressionnantes; ce sont de vastes exploitations commerciales.

Le sénateur Mahovlich : Sont-elles protégées contre les insectes?

M. Hall : Oui, un contrôle biologique est assuré. Bien sûr, il n'y a pas de mauvaises herbes et l'on applique aussi des méthodes biologiques de lutte contre les pathogènes fongiques.

Le sénateur Buth : Bonjour, monsieur Hall. Il a été très agréable d'entendre votre exposé et d'entendre parler de votre compagnie et des grands progrès que vous accomplissez.

Où en est le Canada pour ce qui est de l'approbation d'activités de ce genre et où en êtes-vous dans le processus de réglementation, ou peut-être n'envisagez-vous pas du tout le Canada comme lieu d'exploitation?

M. Hall : Nous envisageons très certainement le Canada. À notre avis, ce que nous pouvons apporter comme contribution au marché, ce sont des produits à coût considérablement moindre qui aideraient notre système de santé financé par l'État, mais notre marché est le monde entier. Nous aimerions commencer au Canada, mais nous n'envisagerons pas seulement le Canada.

Où en sommes-nous? D'abord, nous en sommes au stade des études animales où nous examinons l'efficacité de notre produit et nous la comparons à celle du médicament innovateur, Herceptin. Cette étape est en cours présentement et elle sera terminée sous peu. Ensuite, nous aurons à réaliser les essais de la phase 1 et de la phase 3. Nous n'avons pas à effectuer les essais de la phase 2. Normalement, avec un médicament innovateur, on doit réaliser les essais des phases 1, 2 et 3. Nous avons seulement à effectuer les essais des phases 1 et 3 parce que notre produit est biosimilaire et, même là, les essais sont moins approfondis que ceux auxquels un médicament innovateur est soumis.

Nous visons toujours 2014 ou 2015 pour faire notre entrée sur le marché et nous nous préparons à entreprendre les essais de la phase 1 vers la fin de cette année.

Nous avons les installations requises pour faire tout cela au Canada. Nous avons tenté de tout effectuer au Canada dans la mesure du possible. Sauf pour ce qui est de la production à la Kentucky BioProcessing, nous avons tout conservé au Canada. Je crois que nous avons les capacités nécessaires pour tout faire au Canada — en fait, je sais que nous les avons. Nous pouvons construire les installations, nous avons les gens qualifiés et nous avons les capacités requises.

Le sénateur Buth : Nous n'avons approuvé aucun projet d'agriculture moléculaire au Canada. J'ignore où en sont les États-Unis, mais il y a eu là-bas un incident lié à du maïs cultivé en plein air. Vous attendez-vous à obtenir une approbation réglementaire de la production au Canada si cette production peut être effectuée au Canada? À quoi ressemble le processus réglementaire canadien, comparativement à celui des États-Unis?

M. Hall : Je crois qu'il est très semblable à celui des États-Unis. La réglementation n'est pas encore en vigueur, mais des projets de règlement ont été déposés au début de l'année aux États-Unis, à la FDA, et des projets seront également déposés au Canada. Il en existe déjà quelques exemples, dans le cas d'un médicament que les Israéliens produisent pour traiter la maladie de Gaucher. Il y a des précédents. Je ne considère pas vraiment cela comme un obstacle. Il n'importe pas vraiment que l'anticorps soit produit à partir d'E. coli, d'une plante ou d'une levure. Je crois que les organismes de réglementation ont maintenant conscience du fait que ces médicaments pourront éventuellement être d'aussi bonne qualité que n'importe quel produit obtenu à partir d'une culture animale. Je ne vois pas cela comme un obstacle.

Le sénateur Buth : Vous parlez de l'efficacité, mais je parle aussi de la production. Nous n'avons jamais rien approuvé au Canada aux fins de production parce que cela se trouve dans une plante et il y a des inquiétudes quant aux échappées et à la migration dans l'environnement.

M. Hall : Autant que je sache, nous en produisons dans nos installations, ici, à l'Université de Guelph, mais tous ces produits restent en quarantaine et tout cela est réglementé par le gouvernement.

Le sénateur Buth : Vous êtes clairement dans la bonne voie, donc.

Une voix : Je ne vois pas cela comme un problème.

Le sénateur Buth : Parfait. Merci beaucoup.

[Français]

Le sénateur Rivard : Monsieur le président, depuis quelques mois nous recevons des témoins chaque semaine, le but de ce comité étant d'examiner les efforts de recherche et d'innovation dans le secteur agricole. Sans vouloir diminuer la qualité des témoins précédents, je dois dire que ce matin nous avons le plus bel exemple de ce qui se fait en recherche et en innovation. Je tiens donc à féliciter nos témoins de ce matin.

Il y a toujours un chiffre qui nous frappe. Vous estimez qu'en 2015 les revenus de la vente de médicaments biologiques atteindront 239 milliards.

Pour vous donner une idée de ce que peut représenter 239 milliards, c'est à peu près le montant du budget canadien pour l'année 2012. C'est vous dire à quel point c'est énorme.

Avez-vous un pendant dans une autre province canadienne, par exemple au Québec? Est-ce qu'au Québec il se fait de la recherche comme vous le faites à Guelph en Ontario par exemple? Êtes-vous au courant s'il se fait du travail similaire au Québec?

[Traduction]

M. Hall : C'est une très bonne question. Oui. L'un des chefs de file de cette technologie a été une entreprise appelée Medicago, qui est maintenant établie à Québec. Ses activités ne sont pas principalement axées sur les médicaments à base d'anticorps, mais plutôt sur les vaccins. Elle a probablement passé au moins 15 ans à faire de l'excellent travail, du travail innovateur, soutenue par les gouvernements du Québec et du Canada. Elle a vivoté pendant des années, mais elle poursuivait ses travaux. Au cours des deux dernières années, elle a fait une percée décisive et elle a obtenu un financement aux États-Unis. Elle commence à produire quelques vaccins et elle construit aussi une usine aux États- Unis.

Medicago, à Québec, est le premier exemple d'une société qui a utilisé des plantes pour produire des vaccins — ce qui est différent, bien sûr, de ce que nous faisons. Nous sommes fréquemment en communication avec les gens de cette entreprise et je connais tous les chercheurs qui y travaillent. C'est un très bon exemple. Le Canada a toujours été un chef de file dans ce domaine. Je dirais que nous sommes reconnus dans le monde entier comme produisant des scientifiques compétents et habiles qui innovent.

[Français]

Le sénateur Rivard : J'ai une dernière question. On sait que le Canada a présentement des accords de libre-échange, entre autres avec l'ALÉNA et possiblement l'Union européenne. Est-ce une bonne occasion de développement pour votre industrie, ou ce domaine pourrait-il être exclu, par exemple, de l'accord de libre-échange avec l'Union européenne?

[Traduction]

M. Hall : Non, parce que beaucoup de travaux de cette nature sont effectués actuellement en Europe, particulièrement en Allemagne, en Autriche et au Royaume-Uni. Il y a plusieurs groupes qui commencent à produire des médicaments à base de protéines dans des plantes. Je ne crois pas que l'attitude sera la même que pour les aliments en ce qui concerne les organismes génétiquement modifiés. Les autorités réglementaires n'envisageront pas cela de la même façon, à mon avis.

Je crois que nous avons une excellente occasion d'assurer une liaison avec les Américains et avec les Européens pour faire de très bonnes affaires et continuer à faire progresser nos innovations au Canada. Je crois qu'il s'agit d'une occasion en or pour le Canada et aussi, en fait, pour le monde entier.

[Français]

Le sénateur Maltais : Il est toujours très impressionnant d'entendre un témoin de votre qualité pour ce qui est de la recherche. Vos propos jettent un peu d'optimisme. Avec tous les cancers que vous préviendrez, de quoi le bon Dieu nous fera-t-il mourir au cours des prochaines années? La recherche dépasse les frontières de l'imagination.

Les grandes compagnies pharmaceutiques du Canada, sans parler de celles des États-Unis, travaillent-elles en étroite collaboration avec vous?

[Traduction]

M. Hall : Pas pour l'instant, mais nous discutons avec ces compagnies. Nous sommes au stade où nous commençons à discuter avec elles et à enregistrer des progrès. Je sais que certaines compagnies, à Toronto, envisagent de peut-être produire des médicaments à base d'anticorps comme produits biosimilaires, mais elles veulent le faire dans des cellules animales. Oui, nous avons entamé des discussions avec elles, mais nous n'avons pas...

Le président : Monsieur Hall, nous entendez-vous? Nous avons perdu la communication.

Monsieur Hall, nous entendez-vous?

M. Hall : Oui, je vous entends maintenant.

Le président : Pourriez-vous nous répéter votre réponse, s'il vous plaît? C'était une bonne question et nous étions en train d'obtenir une très bonne réponse.

M. Hall : Je ne me souviens pas de la question. Pourriez-vous me la rappeler?

[Français]

Le sénateur Maltais : Ma question était la suivante. Y a-t-il une interrelation entre les grands fabricants de médicaments au Canada et votre centre de recherche? Y a-t-il un plan conjoint?

[Traduction]

M. Hall : Nous le croyons, oui, mais nous n'avons pas encore conclu d'entente. Toutefois, nous discutons, comme je le disais plus tôt, avec des compagnies au Canada, ainsi qu'aux États-Unis et en Europe. Elles hésitent à s'engager à certains égards. Bon nombre d'entre elles s'orientent vers la production dans des cellules animales et veulent fabriquer elles aussi des médicaments similaires à Herceptin. Elles s'intéressent à ce que nous faisons, mais elles n'ont pas encore signé sur la ligne pointillée, si l'on veut; elles n'ont pas conclu d'entente avec nous.

[Français]

Le sénateur Maltais : Il existe une corrélation entre les produits que vous développez et les produits naturels qui sont sur le marché. Dans les grandes pharmacies, on peut voir une section de produits pharmaceutiques de grande qualité, on a aussi un étalage de produits naturels.

Quelle est l'utilité de tout cet éventail? Comment va-t-on se retrouver dans ce méandre? En prenant une pilule de chaque sorte on risque de ne pas guérir, et en ne prenant pas la bonne on continuera d'être malade. Quelle est la relation entre ce qui est naturel et biologique?

[Traduction]

M. Hall : Les médicaments biologiques que nous fabriquons sont simplement produits dans des organismes vivants et ils doivent être soumis au processus réglementaire, comme n'importe quel médicament présentement lancé sur le marché pour être utilisé à des fins thérapeutiques. Le processus de réglementation sera très semblable à celui qui régit les médicaments de qualité pharmaceutique. Nous ne pourrions pas lancer nos produits sur le marché en tant que remèdes holistiques. À notre avis, ce serait contraire à l'éthique. Nous nous soumettons au processus habituel d'autorisation des médicaments. La seule différence, c'est que le produit vient d'une plante plutôt que de l'animal même.

[Français]

Le sénateur Maltais : Ce qui veut dire que vos futurs clients seront les centres hospitaliers?

[Traduction]

M. Hall : Oui. Tous nos clients futurs seront, comme ils le sont maintenant, sur le marché des médicaments réglementés classiques. Ce seront des hôpitaux et des médecins et les médicaments devront être délivrés uniquement sur ordonnance.

Le sénateur Mahovlich : Vous parlez des « médicaments réglementés »; chaque pays a-t-il adopté sa propre réglementation?

M. Hall : Oui. À peu près tous les pays l'ont fait, quoique la réglementation soit rationalisée, bien entendu, dans l'Union européenne. Le Canada, les États-Unis et la plupart des pays ont mis en place leur propre processus réglementaire.

Cela dit, il y a une certaine harmonie entre le Canada et les États-Unis et entre le Canada et l'Europe pour ce qui est d'échanger, de réduire la quantité d'efforts et d'éviter les chevauchements. Ces organismes sont constamment en interaction et s'échangent leurs données; ils essaient de travailler ensemble dans la mesure du possible et d'harmoniser le plus possible leurs systèmes de réglementation, tout en veillant à répondre, bien sûr, aux besoins de leur population respective.

Le sénateur Mahovlich : Les pays émergents comme la Chine constitueraient un vaste marché. Examinerions-nous la réglementation chinoise?

M. Hall : Oui. La Chine et toute l'Asie représentent un énorme marché à exploiter. Nous discutons avec des gens en Inde présentement et nous envisageons de réaliser un projet — davantage axé sur la recherche — par l'intermédiaire des centres d'excellence nationaux. Ils ont lancé un appel de propositions auprès d'entreprises et nous visons à assurer une liaison concernant le genre de recherche que nous faisons entre le Canada et l'Inde. Nous allons participer à cela. Nous discutons et, en fait, j'ai récemment passé quatre mois en Inde. Pendant mon séjour là-bas, j'ai discuté avec des représentants de sociétés pharmaceutiques indiennes à propos de l'établissement d'une liaison. Nous avons aussi eu des discussions avec d'autres sociétés dans d'autres régions du monde. Ce marché est immense.

Le sénateur Robichaud : Vous avez mentionné que nous avons les capacités requises, au Canada, pour produire les plantes. Vous parlez de serres. Avez-vous pressenti les exploitants des serres pour les intégrer à votre processus ou leur demander de cultiver les plantes dont vous avez besoin, ou est-ce que vous cultivez les plantes sur le campus universitaire uniquement pour les besoins de l'Université et de vos recherches?

M. Hall : Jusqu'à présent, tout a été cultivé sur le campus de l'Université, sauf les lots multiples de 50 kilogrammes qui ont été produits aux États-Unis, à la Kentucky BioProcessing. Cependant, pourrions-nous le faire au Canada? Tout à fait. Nous avons l'expertise nécessaire et nous avons le secteur des serres à environnement contrôlé nécessaire pour le faire.

Le sénateur Robichaud : La question toute naturelle que je me pose est la suivante : pourquoi ne le faisons-nous pas? Est-ce que cela représente une dépense énorme pour les exploitants des serres de se rééquiper ou d'adapter leurs installations afin de pouvoir produire ce dont vous avez besoin?

M. Hall : Oui. Il est prématuré d'envisager des installations de production importantes ou la production par de multiples agriculteurs au Canada. Il est trop tôt pour cela. D'abord, nous devons faire enregistrer ce médicament, puis nous devons faire progresser la mise au point des trois autres et entreprendre les travaux sur d'autres produits en cours de route. Je vois cela comme une industrie en expansion au Canada. Au début, elle sera petite, mais elle prendra de l'ampleur avec le temps. Il n'est pas nécessaire que cette technologie soit limitée à la production de médicaments. Comme d'autres témoins vous le diront ou vous l'ont déjà dit, il est possible d'utiliser des plantes pour produire autre chose — d'autres types de protéines, des enzymes, et cetera — tout cela pourra être produit dans des plantes à l'avenir. Nous avons une excellente occasion de nous engager dans le domaine dès le début.

Comme je le dis à mes étudiants, nous avons raté la première révolution dans l'industrie pharmaceutique, celle des petites molécules, car cela s'est produit vers la fin du XIXe siècle et le début du XXe siècle, à une époque où le Canada était un pays très jeune qui n'était pas en mesure d'être concurrentiel dans ce secteur. Aujourd'hui, nous avons une occasion en or de nous engager dans la prochaine phase de l'industrie pharmaceutique, de faire en sorte que le Canada soit aux premières loges, de fabriquer au Canada des produits qui pourront être vendus dans le monde entier, au sein d'une industrie appartenant entièrement à des intérêts canadiens. C'est ma vision personnelle.

Le sénateur Robichaud : Quel genre de recommandations pourriez-vous nous suggérer d'inclure dans notre rapport afin que nous ne passions pas complètement à côté de cette occasion et que nous nous engagions dans le domaine dès les premières phases?

M. Hall : D'abord, je crois que nous avons les organismes qu'il faut. Nous discutons avec certains d'entre eux. Cependant, ils ont parfois beaucoup de réticence à soutenir la recherche. En termes simples, on nous dit de revenir quand le médicament sera enregistré. Cela nous donne toujours envie de rire, mais bien sûr, nous ne le faisons pas. Quand le médicament sera enregistré, vous ferez la queue et vous attendrez votre tour : la question aura déjà été réglée. Ce qu'il nous faut, c'est nous rendre à l'enregistrement; c'est cette étape qui est difficile.

Pour être juste envers certains organismes gouvernementaux et le secteur privé, il s'agit d'une entreprise à risque élevé. Quand on leur parle de biotechnologie, ils deviennent très frileux. J'aime à croire que le système que nous mettons en place est éprouvé. La beauté de ce que Don Stewart nous a apporté lorsqu'il a été question de créer cette compagnie, c'est l'idée de fabriquer des produits biosimilaires : non pas tenter de fabriquer un médicament innovateur et passer 5, 10 ou 20 ans en laboratoire, mais fabriquer des produits biologiques similaires à des médicaments déjà reconnus. Tout ce que nous avons à faire, c'est attendre que le brevet expire et nous assurer que nous serons alors prêts à pénétrer sur le marché. Bien sûr, il y aura de la concurrence, mais le marché pour ces produits est énorme. L'un des autres sénateurs a cité le montant de 200 milliards de dollars d'ici 2020. Ce sont les chiffres réels. Cette industrie est immense.

Le sénateur Buth : Je vais poursuivre sur le même thème que le sénateur Robichaud. Est-ce essentiellement le manque de capital de risque qui vous empêche actuellement de vous développer davantage au Canada et de faire en sorte que ces emplois restent au Canada?

M. Hall : Oui, il est difficile de trouver du capital de risque. Nous avons réuni près de 2 millions de dollars. La majeure partie de ce montant provient de gens comme vous, que le projet intéresse et que nous avons pressentis; ils sont prêts à investir 25 000 $ ou 50 000 $ en contrepartie d'un pourcentage de propriété de la compagnie. Toutefois, pour ce qui est d'obtenir des sommes importantes de capital de risque en vue d'une exploitation commerciale à grande échelle, nous y travaillons, mais nous n'y sommes pas encore arrivés.

Il y a bien des gens qui frappent aux portes, tout comme nous; alors, la partie est serrée et il est difficile de convaincre les investisseurs.

La dernière chose que je dirais, c'est qu'il est évident, pour moi, que nous pouvons le faire : nous pouvons produire ce médicament. Bien sûr, je le sais, mais si personne d'autre n'y croit, cela ne se produira pas.

Le sénateur Eaton : Manifestement, cela représente un potentiel d'exportation énorme. EDC est-il un organisme auquel vous pourriez vous adresser? N'intervient-il pas un peu dans le domaine du capital de risque?

M. Hall : Oui. Nous nous adressons à tous ces organismes, nous discutons avec tous ces gens. Parfois, ils sont un peu réticents ou ils sont lents à réagir. À nouveau, je pourrais les critiquer pour cela.

Le sénateur Eaton : Je ne vous demande pas de les critiquer.

M. Hall : Comme je l'ai dit, il y a beaucoup de gens qui frappent à leur porte pour demander des fonds.

Le sénateur Eaton : Oui. Nous ferons de notre mieux dans notre rapport, car nous sommes tous très impressionnés.

M. Hall : Merci.

[Français]

Le sénateur Maltais : Est-ce que les institutions financières, les grandes banques ou d'autres institutions, qui brassent le capital au Canada, ont déjà montré un certain intérêt pour vous?

[Traduction]

M. Hall : Oui, et certaines des institutions canadiennes sont actuellement en train d'effectuer un examen de diligence raisonnable à notre égard, tout comme de grandes institutions financières étrangères. Il y a un certain nombre d'entre elles qui en sont à l'étape du processus de diligence raisonnable vis-à-vis de notre compagnie, qui vérifient nos procédés et nos antécédents financiers, et cetera. Oui, il y a de l'intérêt.

[Français]

Le sénateur Maltais : Si les produits que vous avez découverts ou êtes en train de découvrir dont vous voulez faire le mise en marché sont vraiment corrects, le grand capital s'y intéressera. Je pense à la société Master Card qui pourrait vous donner un coup de main sur le plan financier au taux d'intérêt qu'elle demande. Ce serait possiblement une voie de financement. C'est du capital de risque. La science, c'est du risque. Mais vous avez fait la découverte, alors il suffit de la mettre sur le marché. Somme toute, c'est un capital de risque moins risqué que d'autres capitaux. Donc les grandes institutions auraient intérêt à s'intéresser à vous car elles aussi profiteront de l'argent. Bien sûr, le gouvernement doit faire sa part et c'est tout à fait normal et légitime.

[Traduction]

M. Hall : Mes collègues au sein de notre entreprise, passent la majeure partie de leur temps à pressentir ces compagnies. L'avantage de notre entreprise, c'est que nous avons un excellent conseil d'administration, dont les membres ont une réputation bien établie au Canada, aux États-Unis et en Europe. Nous affichons un rythme d'absorption des capitaux très lent. Personne ne touche de rémunération. Tous travaillent et pressentent les institutions dont vous parlez. Nous espérons que certaines démarches porteront fruit.

Le sénateur Robichaud : Vous avez dit que votre équipe fait beaucoup d'efforts pour rencontrer des investisseurs. Combien de temps passez-vous à essayer de trouver des investisseurs, comparativement au temps consacré par l'équipe qui effectue la recherche?

M. Hall : Nous avons deux équipes. Nous avons une équipe de chercheurs d'environ huit personnes qui travaillent à pleine vapeur, et nous avons environ quatre personnes qui travaillent à temps plein à la recherche de capitaux. Don Stewart, le président-directeur général, se consacre entièrement à cela, tout comme David Cayea, le directeur des relations internationales, et Ron Hosking. Mark Goldberg ou moi les accompagnons parfois, au besoin. Ces trois-là travaillent 24 heures par jour. Ils vont aux États-Unis et en Europe. Actuellement, ils sont aux Émirats arabes unis, où ils ont des pourparlers avec un gros établissement bancaire.

Le sénateur Robichaud : Je vous souhaite beaucoup de succès. J'espère que vous trouverez le moyen de mettre au point et de commercialiser ces produits au Canada afin que les gens du secteur de l'agriculture aient la possibilité de prendre part à la phase de la production végétale. Je vous souhaite la meilleure des chances, monsieur, à vous et à votre équipe.

M. Hall : Merci beaucoup.

Le président : Monsieur Hall, j'aimerais avoir vos commentaires et votre opinion sur ce que vous voyez, si vous faites une recommandation à notre comité, comme étant le rôle des gouvernements. Par « gouvernements », j'entends les gouvernements locaux, provinciaux et fédéraux, de même que les organismes internationaux.

Que recommanderiez-vous à notre comité au sujet du rôle de ces partenaires en ce qui touche les investissements, la réglementation, le commerce et l'aide à vous fournir pour commercialiser les produits?

M. Hall : En deux mots, c'est la « vallée de la mort » qui est l'étape difficile. Le soutien jusqu'à la fin de la recherche appliquée est très bon au Canada. Le gouvernement mérite des éloges pour tous les efforts qu'il a faits et qu'il continue de faire dans ce domaine.

Nous avons un milieu des affaires averti pour prendre le relais à l'égard de ces entreprises, et cetera. Cependant, quand nous franchissons les étapes de la réglementation, les essais de la phase 1, de la phase 2 et de la phase 3 sur les médicaments, c'est vraiment là que nous éprouvons des difficultés et que nous avons besoin d'aide. Nous avons besoin d'aide non seulement de la part du gouvernement, mais aussi de la part du secteur privé. Si le gouvernement prenait certaines mesures, durant ce stade de la « vallée de la mort », pour nous aider, avec d'autres, cela aurait beaucoup d'importance. Je sais que c'est difficile et que le gouvernement ne doit pas tout faire à lui seul. Il faudrait que certains responsables, au gouvernement, réfléchissent un peu plus là-dessus. Je sais que c'est un domaine difficile pour eux et je ne les blâme pas jusqu'à présent. Je ne fais pas de reproches, mais c'est une chose sur laquelle il faut qu'ils se penchent davantage.

Le président : Auriez-vous des opinions sur la question suivante : avez-vous un rôle à jouer dans les industries automobile et aérospatiale quant à la fourniture de composantes?

M. Hall : Non, nous n'en avons pas. Toutefois, je vous dirai que nous avons mené des études sur tous les produits engendrés — les sous-produits du tabac — avec le gouvernement du Canada et le gouvernement provincial. Nous avons envisagé de produire de l'énergie au moyen de bioréacteurs, et d'autres choses de ce genre. Nous avons fait cela, mais nous n'avons pas réalisé de travaux à l'égard des industries automobile ou aérospatiale.

Le président : Monsieur Hall, je vous remercie beaucoup d'avoir éclairé le Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts et de nous avoir communiqué vos connaissances, votre passion et votre vision. Disons à l'Université de Guelph : poursuivez votre travail de chef de file.

Monsieur Hall, avez-vous des commentaires à faire pour conclure?

M. Hall : C'est pour moi un privilège et un honneur d'avoir comparu devant vous et je vous remercie de m'en avoir donné l'occasion.

Le président : Honorables sénateurs, nous allons maintenant entendre notre deuxième témoin, M. Peter Pauls, professeur et directeur du département de l'agriculture végétale de l'Université de Guelph. Monsieur Pauls, merci beaucoup d'avoir accepté notre invitation à comparaître par vidéoconférence; permettez-moi de me présenter.

Je suis Percy Mockler, président du comité, sénateur provenant du Nouveau-Brunswick. Je vais demander aux autres sénateurs de se présenter; vous ferez ensuite votre exposé, monsieur Pauls, après quoi les sénateurs vont vous poser des questions.

[Français]

Le sénateur Robichaud : Fernand Robichaud, Saint-Louis-de-Kent, au Nouveau-Brunswick.

[Traduction]

Le sénateur Mahovlich : Frank Mahovlich, de Toronto, en Ontario.

Le sénateur Buth : Bonjour. JoAnne Buth, du Manitoba.

Le sénateur Eaton : Bonjour. Nicky Eaton, de l'Ontario. Bienvenue.

[Français]

Le sénateur Maltais : Ghislain Maltais, du Québec.

Le sénateur Rivard : Michel Rivard, Les Laurentides, Québec.

[Traduction]

Le président : Monsieur Pauls, je vous invite maintenant à présenter votre exposé.

K. Peter Pauls, professeur et directeur, département de l'agriculture végétale, Université de Guelph : Bonjour, honorables sénateurs. Je remercie le comité de m'avoir demandé mon apport sur la question de l'utilisation des plantes pour fabriquer des produits pharmaceutiques.

Je vais commencer par vous donner un très bref aperçu de notre département. Nous sommes l'un de six départements et écoles de l'Ontario Agricultural College de l'Université de Guelph. Notre département se compose de 33 professeurs, 40 employés permanents, 60 contractuels et 110 étudiants des cycles supérieurs.

Selon notre plan stratégique, notre objet fondamental est d'améliorer la vie par des travaux scientifiques innovateurs et par l'enseignement. Nous enseignons à des étudiants inscrits au baccalauréat ès sciences en agriculture et en biologie ainsi qu'à un diplôme de gestion des pelouses qui comporte deux ans d'études. Les principaux domaines de nos programmes des cycles supérieurs sont la physiologie, la génétique et l'amélioration des végétaux, la production végétale et la gestion des récoltes, et nous sommes aussi en train de mettre en place un programme concernant les bioproduits.

Nos domaines de recherche englobent l'amélioration des plantes, les cultures agricoles en champ et en serre, la biologie moléculaire et cellulaire sous l'angle des caractéristiques agricoles et les bioproduits agricoles. Les espèces végétales pour lesquelles nous réalisons des programmes d'amélioration comprennent le soja, le maïs, les céréales, les légumineuses fourragères, les haricots secs, les asperges, les fleurs indigènes, les fraises, les cultures de noix et les cultures fruitières. Le budget de recherche du département s'élève à environ 16 millions de dollars, sur un budget de recherche d'environ 120 millions de dollars par année pour l'ensemble de l'Université.

Mes propres domaines de recherche sont la biologie moléculaire végétale, la génomique végétale et la culture de tissus végétaux, y compris la culture de tissus végétaux pour la production de plantes à caractères nouveaux, que l'on appelle couramment les organismes génétiquement modifiés, ou OMG, et l'amélioration des plantes.

Pour répondre à la question que pose le comité, je crois que l'utilisation de végétaux pour fabriquer des produits pharmaceutiques est une technologie très prometteuse sur le plan de la création de nouveaux marchés pour la technologie et l'ingéniosité agricoles canadiennes et de l'amélioration de la durabilité de l'agriculture. Cependant, en dépit des progrès considérables accomplis dans les technologies qui sont les éléments moteurs de ce domaine, ce potentiel demeure inexploité.

Dans sa forme la plus simple, la pharmaculture végétale consiste à utiliser des plantes ou des cellules végétales pour produire des peptides et protéines importantes sur le plan thérapeutique, comme l'insuline ou des anticorps qui protègent contre des maladies ou des toxines.

Du point de vue technique, il y a de nombreuses raisons convaincantes d'utiliser les plantes comme bioréacteurs pour fabriquer des produits pharmaceutiques, notamment le fait que les plantes peuvent reproduire fidèlement les séquences de protéines codées par des gènes provenant d'un éventail varié de sources non végétales, y compris les humains. Il y a là de bonnes possibilités de produire d'énormes quantités de protéines à peu de frais, puisque les intrants sont les intrants agricoles habituels comme les engrais et la lumière du soleil, et les systèmes de production ne contiennent pas d'agent potentiellement infectieux comme des virus et des prions.

Des travaux sont effectués dans ce domaine depuis plus de 10 ans dans diverses régions du monde, dont le Canada. Parmi les exemples de produits fabriqués, on compte les protéines pharmaceutiques telles que les anticorps, les vaccins comestibles expérimentaux, les enzymes, les hormones, les cytokines et les régulateurs de croissance. Les problèmes techniques liés à cette technologie, en ce qui concerne notamment les niveaux de production, la glycosylation et la purification, ont largement été résolus au cours de la dernière décennie.

Certains des produits sont passés au stade du développement clinique; cela comprend la lipase gastrique pour le traitement de la fibrose kystique, le glucocérébroside pour le traitement de la maladie de Gaucher, les facteurs de croissance Isokine pour la recherche, des molécules anti-inflammatoires comme la lactoferrine et le lysozyme, les anticorps monoclonaux d'origine végétale, les anticorps du VIH et l'insuline fabriquée à partir du carthame; c'est une société de biotechnologie canadienne appelée SemBioSys Genetics qui produit cette insuline.

Comme M. Chris Hall vient de vous le dire, la société PlantForm, qui a son siège à Guelph, a mis au point une version du trastuzumab, médicament contre le cancer du sein commercialisé sous le nom de Herceptin. Ce produit biosimilaire a des propriétés très semblables à celles du médicament de marque, dont le marché mondial actuel correspond à 5,7 milliards de dollars.

Je ne comprends pas clairement pourquoi cette technologie demeure un potentiel inexploité au Canada, ou dans le reste du monde, mais les raisons peuvent comprendre le manque d'investisseurs providentiels à des stades cruciaux de l'évolution des entreprises. Par exemple, le 4 avril 2012, la SemBioSys Genetics a annoncé qu'elle avait volontairement demandé la radiation de ses actions ordinaires de la Bourse de Toronto. Ses porte-parole ont déclaré que cette demande était attribuable à la situation financière présente de l'entreprise et, peut-être, à une réglementation excessive de la technologie.

Par exemple, même s'il y a plus de 100 végétaux à caractères nouveaux qui ont été déréglementés par l'ACIA depuis le début des années 2000, la fiche de renseignements de l'ACIA intitulée « Agriculture moléculaire végétale » indique qu'il n'y a pas eu, au Canada, de production commerciale de végétaux à caractères nouveaux destinés à l'agriculture moléculaire végétale. Cela signifie que les végétaux en question sont toujours à l'étape des essais de recherche au champ en milieu confiné sous la supervision de l'ACIA et ne peuvent pas être disséminés dans l'environnement à des fins commerciales.

Le gouvernement du Canada étudie actuellement les options de politiques liées à l'agriculture moléculaire végétale commerciale. C'est pourquoi l'ACIA est en train d'élaborer des règles appropriées de mise en marché de ces végétaux. La fiche de renseignements en question porte comme date de dernière modification le 24 mai 2012.

Voilà mes observations. Je ne suis pas personnellement engagé dans ce secteur si ce n'est, comme je l'ai déjà mentionné, que je travaille dans le domaine de la mise au point de végétaux génétiquement modifiés. Dans notre cas, il s'agit de recherches axées, par exemple, sur la réduction de l'incidence des maladies chez les plantes.

Le président : Merci, monsieur Pauls. Nous allons demander au sénateur Buth d'entamer la période des questions.

Le sénateur Buth : Je vous remercie, monsieur Pauls, d'être ici — ou plutôt, non pas d'être ici, mais d'être là-bas. Pour poursuivre dans la foulée de certaines des questions que nous avons abordées avec M. Hall, vous avez mentionné la SemBioSys et les difficultés posées par la commercialisation. Je sais que vos travaux se situent aux stades initiaux, ceux de la recherche, mais comment voyez-vous la suite se dérouler dans votre perspective si la recherche est effectuée, mais qu'il est ensuite impossible de la commercialiser?

M. Pauls : Me demandez-vous quelles conséquences cela aurait pour la recherche, ou l'inverse?

Le sénateur Buth : Quelles conséquences?

M. Pauls : Pour la commercialisation?

Le sénateur Buth : Pourquoi nous donnerions-nous la peine de faire les recherches s'il est ensuite impossible de commercialiser le résultat?

M. Pauls : C'est une question qui se pose, et cela a probablement découragé un certain nombre de chercheurs dans ce domaine. Bien sûr, ils voient les obstacles auxquels ils se heurtent dans leurs tentatives de faire en sorte que cette recherche ait des résultats concrets à long terme.

Nous avons beaucoup à apprendre, et je dirais qu'aucune des recherches menées jusqu'à présent n'a été du temps perdu. Il y avait plusieurs difficultés techniques concernant les niveaux de production des protéines dans les végétaux, certaines différences entre les molécules produites à partir des végétaux et celles produites à partir des animaux, et des problèmes liés à la simple capacité de purifier ensuite le produit jusqu'au niveau requis pour obtenir un médicament de qualité pharmaceutique. Toute cette recherche s'est effectuée au cours des 10 dernières années. Cependant, comme je l'ai mentionné, il y a un certain nombre de produits potentiels qui sont au stade de la transition vers l'acceptation en tant que produits pharmaceutiques véritables, et le secteur attend probablement avec impatience de pouvoir aller de l'avant et avoir un cas de réussite à présenter.

Le sénateur Buth : Qu'en est-il de la réglementation relative aux végétaux à caractères nouveaux et à l'agriculture moléculaire végétale? La voyez-vous comme une entrave, compte tenu de la situation actuelle en ce qui concerne l'approbation réglementaire de l'agriculture moléculaire?

M. Pauls : Comme je l'ai dit, d'après la propre directive de l'ACIA à ce sujet, il semble qu'il n'y ait actuellement aucun itinéraire clair pour la commercialisation des produits, particulièrement pour des plantes qui seraient cultivées ailleurs que dans un milieu de croissance strictement confiné, comme une mine ou une serre dans laquelle tout ce qui entre et tout ce qui sort est strictement contrôlé. Je crois qu'à l'origine, le rêve était de cultiver ces plantes en plein champ et de profiter de la simplicité de la culture d'espèces végétales produisant ces substances nouvelles de grande valeur. Cela ne s'est certainement pas concrétisé.

Le sénateur Robichaud : Pour poursuivre dans la même veine que le sénateur Buth, vous avez parlé de réglementation excessive. Que voulez-vous dire par là? Est-ce de la part de l'ACIA ou de certains autres organismes? Voudriez-vous m'éclairer, s'il vous plaît?

M. Pauls : L'ACIA est l'organisme qui réglementerait le début du processus et, si le produit présentait du potentiel ou était utilisé, Santé Canada et d'autres organismes interviendraient ensuite. Initialement, l'ACIA réglementerait la production d'une plante transgénique.

Je dois mentionner qu'il y a une solution de rechange à la production d'un OGM : c'est l'expression de la protéine dans un végétal hôte, à la manière d'un phytovirus. Aucune plante à caractères nouveaux ne serait produite, mais au bout du compte, le produit serait presque le même. Dans ce cas, la protéine est produite dans le contexte du système cellulaire végétal.

Le terme « excessive » était peut-être un peu fort, mais je travaille dans ce domaine depuis un grand nombre d'années et nous semblons toujours être près du but, mais ne jamais parvenir à l'atteindre tout à fait pour ce qui est de traduire les travaux effectués en une réalité commerciale. La réalité en ce qui a trait aux OGM au Canada — et, je dirais, dans presque tous les pays du monde — c'est que, si ce ne sont pas des entreprises relativement grandes qui s'en occupent, il est peu probable que les travaux débouchent sur la commercialisation d'un végétal génétiquement modifié. Il y a très peu de cas où de tels végétaux ont été produits par une institution publique.

Le sénateur Robichaud : Il y a beaucoup de travail à faire, alors; car, comme vous le dites, vous semblez toujours être près du but, mais le but se trouve toujours un peu plus loin, n'est-ce pas?

M. Pauls : Oui. Dans le domaine des produits pharmaceutiques, on peut comprendre qu'une surveillance attentive soit nécessaire. Nous ne voulons pas qu'une plante contenant une substance pharmaceutique échappe à notre surveillance et à notre gestion au champ. La prudence est compréhensible. J'exprime peut-être un peu l'impatience d'un scientifique qui veut que le travail investi par les chercheurs entraîne des bienfaits concrets pour la population.

Le sénateur Eaton : Monsieur Pauls, connaissez-vous l'organisme MaRS à Toronto et le concept de MaRS?

M. Pauls : J'en connais l'existence, oui.

Le sénateur Eaton : Pourquoi une structure du genre de celle de MaRS ne pourrait-elle pas être appliquée ou ne pourrait-elle pas vous être utile si vous produisez des médicaments biologiques? L'activité de cet organisme n'est-elle pas axée sur la commercialisation de la recherche médicale?

M. Pauls : Oui, je le crois. En fait, l'Université de Guelph avait en quelque sorte une version satellite de MaRS qui visait à déceler les possibilités créées par l'intersection de l'agriculture et des produits pharmaceutiques. L'expertise de ces gens dans le domaine des essais cliniques viendrait probablement compléter notre expertise dans la production du matériel. En ce moment, je ne sais pas si l'entreprise de M. Hall a établi des liens précis avec MaRS. Cela, je l'ignore.

Le sénateur Eaton : Nous examinons les produits transgéniques dans la perspective du commerce et des futurs accords de libre-échange avec l'Union européenne, la Corée, le Japon et l'Inde. Parlez-nous de vos propres recherches. Vous occupez- vous des OGM uniquement dans le contexte des produits biopharmaceutiques, ou faites-vous aussi des recherches sur les OGM pour d'autres raisons, à d'autres fins?

M. Pauls : J'ai mentionné que nous effectuons des recherches sur les OGM pour d'autres raisons, par exemple examiner l'expression dans le maïs de protéines qui réduiraient les niveaux de toxines fongiques dans les produits de maïs parce qu'ils sont infectés par le champignon Fusarium. C'est le genre de travail que nous faisons et cela fait intervenir la technologie de production d'OGM. Nous avons appliqué la réglementation de la Fondation canadienne pour l'innovation, la FCI, pour mettre ce matériel à l'épreuve au champ, pour réaliser des essais en champ confiné; donc, je connais bien le processus qui consiste à faire passer le matériel au champ et à le soumettre à des essais à ce stade. Comme je l'ai mentionné, la réalité, en ce qui concerne le passage au stade de la commercialisation, c'est qu'il y a très peu d'exemples de cas où l'ensemble du processus de découverte et de commercialisation s'est déroulé dans une institution publique.

Le sénateur Eaton : Nos accords commerciaux aident-ils ou entravent-ils vos recherches sur le maïs transgénique? Autrement dit, si le marché européen n'aime pas les semences d'OGM, cela vous nuit-il, ou bien cela n'a-t-il aucun effet sur vous?

M. Pauls : Pour certaines espèces, cela ne pose aucun problème. Par exemple, le maïs et le soja génétiquement modifiés sont commercialisés dans le monde entier et il y a donc des marchés pour ces variétés, d'autant plus que bon nombre des composantes sont extraites. L'huile extraite du soja transgénique est acceptée dans des pays où la culture d'espèces végétales transgéniques est interdite. L'huile ne conserve pas ce caractère et cela ne fait donc pas problème.

J'effectue des travaux de sélection du haricot sec, Phaseolus vulgaris. C'est le genre de haricot qui est utilisé dans les fèves au lard, ce n'est pas du soja, et notre marché principal est le Royaume-Uni. Nous ne travaillons avec aucun OGM pour les haricots secs parce que nous savons que les OGM ne seront pas acceptés. Notre production canadienne est commercialisée à 80 p. 100 en Europe et nous n'utilisons donc aucun OGM. Voilà un exemple de cas où le marché nous oblige à ne pas avoir recours à cette technologie.

Le sénateur Eaton : Cela a-t-il des répercussions sur vos recherches à long terme?

M. Pauls : Oui. Nous prenons des décisions en nous fondant sur les répercussions ultérieures. Le matériel sera-t-il utile? Cela nous touche à un niveau personnel. Cela a aussi des conséquences lorsque je demande des bourses. Si je ne peux pas justifier qu'une espèce sera concrètement utilisée, il est difficile de présenter un dossier convaincant pour une demande de bourse.

Le sénateur Eaton : Qu'en est-il du maïs et du champignon Fusarium? L'exportation de ce maïs sera-t-elle entravée par les accords commerciaux, ou croyez-vous que l'huile de maïs ne conservera pas les propriétés de la semence transgénique?

M. Pauls : L'huile de maïs et l'amidon de maïs ne conservent pas les propriétés de la semence transgénique.

Le sénateur Eaton : Il pourrait y avoir un marché pour cela?

M. Pauls : Il pourrait y avoir un marché pour ces produits, oui, au même titre que pour notre canola au Canada, dont la quasi-totalité est transgénique, mais dont les produits sont commercialisés dans le monde entier.

Le sénateur Eaton : Nous avons notre spécialiste du canola, le sénateur Buth, qui est à mes côtés. Merci beaucoup, monsieur.

Le sénateur Mahovlich : Certaines des compagnies les plus riches sont aux États-Unis. Ce sont des sociétés pharmaceutiques. Quand on regarde les nouvelles de 18 h 30 sur les réseaux américains, ABC, NBC ou CBS, on voit toujours des annonces de sociétés pharmaceutiques. Je vois ces publicités pendant des heures et ce sont les annonces de compagnies pharmaceutiques. Faisons-nous des démarches auprès de ces sociétés lorsque nous sommes sur le point d'obtenir l'enregistrement d'un médicament et nous avons besoin d'un financement?

M. Pauls : Je ne crois pas pouvoir vous en parler en connaissance de cause. M. Hall serait celui qui a une expérience de première main en recherche de fonds, mais je crois qu'il est souvent difficile d'amener ces compagnies à s'intéresser à la biotechnologie. Je ne comprends pas la cause de la réticence, particulièrement au sujet du genre de produits pharmaceutiques dont parlait M. Hall, et dont l'efficacité est éprouvée. C'est presque la même chose que de produire le médicament générique, sauf qu'il s'agit de protéines.

Je suis surpris. J'ignore les détails à ce sujet, excusez-moi. J'aimerais pouvoir vous éclairer là-dessus.

Le sénateur Mahovlich : Vous travaillez sur les plantes. Comment les arbres s'inscrivent-ils dans votre programme? Sont-ce des plantes?

M. Pauls : Oui, ce sont des plantes. Le problème que posent les arbres, dans cette technologie, c'est que leur cycle de vie est très long. Supposons qu'on voudrait exprimer une protéine dans une pêche. Il faut plusieurs années avant de pouvoir obtenir une récolte digne de ce nom. Une plante comme le tabac qui, en un an, est extrêmement productive, représente la meilleure solution.

Le sénateur Mahovlich : Beaucoup de nos médicaments proviennent des arbres.

M. Pauls : Oui, certains des composés proviennent des arbres en raison de la biochimie complexe qu'ont les arbres, mais dans le cas présent, nous parlons d'une catégorie différente de composés, c'est-à-dire les protéines. Il est approprié d'utiliser des végétaux à croissance rapide pour produire de grandes quantités de protéines.

Le sénateur Buth : Monsieur, j'aimerais revenir au but de notre étude, c'est-à-dire l'examen de la recherche et de l'innovation. C'est une étude relativement vaste, qui englobe les marchés intérieurs et les marchés d'exportation, la production et la durabilité de l'environnement. En vous basant sur les travaux effectués en sciences végétales à l'Université de Guelph, quelles seraient les trois principales recommandations que vous nous feriez quant à ce dont le département de l'agriculture végétale de l'Université de Guelph aurait besoin pour accroître la rentabilité des agriculteurs et la durabilité de l'environnement?

M. Pauls : Dans le contexte de la biotechnologie, je crois qu'il serait utile d'examiner attentivement les obstacles érigés par le cadre réglementaire appliqué aux végétaux qui produisent des protéines pharmaceutiques, car il semblerait qu'il y a presque un moratoire sur cette technologie — j'emploie des termes forts. Je ne crois pas qu'il y ait un moratoire, mais même dans sa propre documentation, l'ACIA indique qu'elle ne peut pas sanctionner la commercialisation de végétaux qui ont ces caractères.

Je crois que nous pourrions travailler davantage sur le cadre réglementaire et examiner les divers problèmes qu'il faudrait résoudre afin de pouvoir dépasser le stade des promesses et parvenir à celui de la réalité.

Je crois que le gouvernement pourrait peut-être investir, comme M. Hall l'a mentionné, dans le stade autour de la commercialisation. En fait, le Canada fait du bon travail pour ce qui est d'apparier les investissements privés et les stimulants issus des programmes de financement gouvernementaux.

On pourrait peut-être examiner précisément quels sont les obstacles réels qui empêchent le matériel de passer du laboratoire à la commercialisation. Je suis persuadé qu'il y a des investisseurs qui pourraient donner des conseils concrets sur les mécanismes favorisant ce passage.

En outre, il y a un important élément d'éducation du public dans ce contexte. Nous souffrons d'une attitude soupçonneuse de la population à l'égard de tout le domaine des OGM. C'est la réalité. En ma qualité de scientifique, quand je décris une technologie, je veux présenter les deux côtés de la médaille. Je ne veux pas induire les gens en erreur, dire que cette technologie ne présente aucun risque et dire que le ciel est uniformément. Nous voulons communiquer une information équilibrée. Il faut que nous trouvions une façon d'amener les gens à penser que tout ce qu'ils font dans la vie représente un dosage de possibilités et de risques. Il faut qu'il y ait un certain réalisme à propos de la prudence dont nous faisons preuve à l'égard de ces technologies nouvelles. Nous devons décrire franchement les possibilités et les risques, mais dire : « Oui, d'accord, il y a certains risques, mais acceptons-les afin de pouvoir retirer tous les avantages potentiels ». Certains des médicaments que j'ai énumérés pourraient être appelés des « médicaments orphelins ». Il y a des gens qui pourraient retirer beaucoup de bienfaits de l'offre de solutions à leurs troubles médicaux grâce à des technologies de ce genre.

Le sénateur Buth : Auriez-vous un commentaire à formuler sur le fait que cela puisse être ou non l'un des obstacles qui empêchent l'ACIA d'adopter un système d'approbation plus ouvert à l'égard de ces produits?

M. Pauls : Assurément, l'ACIA doit être prudente; je suis tout à fait d'accord. Elle n'est pas un partisan et elle ne doit pas être vue comme étant un partisan d'une technologie donnée. Je ne sais pas où elle devrait se situer en tant qu'organisme pouvant faire valoir des avantages. Par exemple, nous parlons des industries de haute technologie dans des domaines comme l'électronique, l'aérospatiale, et cetera. La réalité, c'est qu'il y a des avions qui s'écrasent, mais nous acceptons cela comme un risque à courir pour avoir l'avantage de pouvoir voyager dans le monde entier. Il y a des organismes gouvernementaux qui font la promotion de la haute technologie et les OGM sont une autre forme de haute technologie. Nous devons être prudents et il doit y avoir une surveillance appropriée, mais il faut aussi que nous parlions de certains des avantages potentiels de cette technologie.

Le sénateur Buth : Ce sont des idées intéressantes. Merci beaucoup.

Le sénateur Robichaud : Vous avez mentionné qu'il faut avoir la foi. Je rentre chez moi en avion ce soir. Vous avez parlé d'avions qui s'écrasent, mais j'espère et j'ai confiance que je vais arriver chez moi sain et sauf parce que, compte tenu des pourcentages, c'est un moyen de transport sûr.

M. Pauls : C'est exact.

Le sénateur Robichaud : Nous avons parlé de réglementation. Au Canada, assumez-vous le même fardeau lié au processus réglementaire que vos collègues d'autres pays? Le fardeau est-il plus lourd au Canada que dans d'autres pays où l'on effectue des recherches du même genre que les vôtres?

M. Pauls : Je ne dirais pas que le Canada est unique. Il faudrait que j'entre dans des détails précis pour décrire les différences qui existent. En fait, il y a des différences véritables dans la façon dont le Canada découvre un végétal à caractères nouveaux comparativement à la façon dont on procède dans certains autres pays du monde. Toutefois, sur le plan pratique, le moyen pour les scientifiques de faire progresser les choses est très semblable, qu'on parle des États- Unis ou du Canada. Les États-Unis sont probablement le pays dont le système est le plus comparable au nôtre. La seule différence, c'est qu'au Canada, nous n'avons pas de grandes compagnies de semences qui seraient susceptibles de devenir nos partenaires comme il y en a aux États-Unis ou en Europe. Ici, nous avons des filiales, mais les grands sièges sociaux ne sont pas au Canada.

En un mot, sur le plan de la commercialisation du matériel, nous nous heurtons à des obstacles très semblables au Canada et aux États-Unis.

Le sénateur Robichaud : Quand vous dites que les grandes compagnies ne mènent pas leurs activités principales au Canada, vous ne songez pas à une influence auprès des organismes de réglementation, mais plutôt à l'injection de sommes plus importantes dans le processus.

M. Pauls : Oui, c'est exact. Nous ne serions peut-être pas le premier endroit où aller pour une compagnie qui recherche de l'expertise en vue de la mise au point de la prochaine variété transgénique. Cependant, ces grandes sociétés internationales recherchent de l'expertise dans le monde entier. C'est simplement une question d'endroit où la commercialisation s'effectue en premier.

Le sénateur Robichaud : Notre comité étudie l'innovation et la recherche en agriculture. Ce matin, nous avons parlé de produits pharmaceutiques, mais aussi de l'utilisation de végétaux. Comment pouvons-nous marier les deux et dire que vos recherches offrent un grand potentiel pour l'agriculture? Nous disons qu'il y a beaucoup de potentiel dans les produits que vous fabriquez à partir des plantes, mais les plantes sont une partie mineure du processus.

M. Pauls : Comme je l'ai dit au début, si la vision initiale était de produire des végétaux en plein champ et que la production sur un acre puisse valoir des milliers, des centaines de milliers ou même des millions de dollars, cela aurait certainement des répercussions sur l'agriculture. En Ontario, nous avons peut-être la plus forte concentration de serres en Amérique du Nord; donc, le potentiel d'utilisation de ces serres pour produire des récoltes de grande valeur est important. Nous avons l'expertise de nos gens, nous faisons de l'innovation dans les serres et dans la gestion des végétaux en milieu de croissance contrôlé. L'introduction de cultures de remplacement dans ces serres existantes recèle un véritable potentiel.

Le sénateur Robichaud : D'après ce que j'ai entendu ce matin, je crois qu'il y a beaucoup de potentiel. Toutefois, comme je ne suis pas un investisseur et que je ne dispose pas des fonds dont vous avez besoin, je ne peux pas être très utile. Cependant, si j'étais un investisseur, je serais convaincu qu'il y a beaucoup de potentiel. Il y a beaucoup de travail à faire, n'est-ce pas?

M. Pauls : Nous avons besoin de l'exemple d'une très bonne réussite afin d'éveiller l'enthousiasme requis pour que le secteur montre que cela peut se faire. Il est curieux que nous soyons si près du but. En fait, la compagnie de Calgary, la SemBioSys, est citée dans la documentation scientifique comme étant celle qui ouvrira la voie et qui nous procurera ce premier exemple; or, elle a récemment fait cette annonce qui indique qu'elle recule de nouveau. Il est curieux que nous ne puissions pas faire cette percée, montrer une compagnie canadienne qui est une réussite et inviter les autres à emboîter le pas.

Le sénateur Robichaud : Votre recherche est une réussite, n'est-ce pas?

M. Pauls : Du point de vue de la recherche, beaucoup de problèmes techniques ont été résolus et beaucoup de choses ont été accomplies, oui.

Le sénateur Robichaud : Toutefois, nous ne pouvons pas mesurer le succès à ce stade-ci en fonction de la quantité de profits que cela engendre pour les entreprises.

M. Pauls : Non. Nous n'en sommes pas là. Nous avons beaucoup d'expérience en commercialisation. À l'Université de Guelph, nous touchons des redevances d'environ 700 000 $ par année pour les variétés classiques que nous commercialisons. Il n'y a aucun problème sur le plan de l'expertise en commercialisation de produits agricoles. Nous avons seulement besoin d'un itinéraire clair à suivre, de la conscience du fait que nous pouvons y arriver et de gens qui nous montreront la voie à suivre pour faire de cela une réalité.

Le président : Monsieur Pauls, combien d'universités au Canada ont-elles mis en place un programme d'utilisation de végétaux agricoles pour fabriquer des produits pharmaceutiques?

M. Pauls : J'aurais du mal à répondre à cette question en connaissance de cause. Il y a des départements d'agriculture végétale à Saskatoon, à Montréal et, bien sûr, je dois mentionner Guelph. Je crois que nous avons beaucoup d'expertise dans ce domaine. La SemBioSys est établie à Calgary et il y a donc de l'expertise là-bas. Le nombre n'est pas très élevé.

Il y a d'autres universités où des chercheurs en particulier travaillent peut-être sur les bioproduits et la transformation des végétaux, mais je dirais que cela se fait dans moins de 10 endroits.

J'ai oublié de mentionner qu'il y a aussi, à Toronto et à Kingston, des concentrations de scientifiques des sciences végétales qui font sans doute de la recherche pure pouvant conduire également à ce genre de technologie.

Le président : Je dois vous confier que le sénateur Eaton nous rappelle constamment le leadership de Guelph.

D'ici 2050, on prévoit que la population mondiale aura atteint neuf milliards d'habitants. Quels effets cette croissance aura-t-elle sur le pourcentage de produits transgéniques dans le monde entier? Avez-vous une vision de ce que l'avenir nous réserve et du rôle des OGM?

M. Pauls : En dépit des inquiétudes des gens à son sujet, la technologie des OGM a fait l'objet de la mise en application la plus rapide jamais vue. C'est un cas de réussite dans le monde entier et je crois que cette technologie continuera de jouer un rôle important à l'avenir dans l'approvisionnement alimentaire de la planète.

Nous devons passer du « modèle T » des OGM, en quelque sorte, à la prochaine génération. Les OGM actuels sont encore, en majeure partie, des OGM de la première génération, axés sur les caractères de productivité. La raison pour laquelle ils ont été utilisés si rapidement est qu'ils étaient très avantageux pour les agriculteurs. Donc, l'accent n'a pas surtout été mis sur les consommateurs, mais c'est une technologie qui s'est avérée un succès sur le plan de la productivité, pour répondre directement à la question que vous avez posée.

Les OGM ont leurs limites, car, par exemple, l'utilisation d'organismes transgéniques ou d'OGM ciblant la résistance aux herbicides a entraîné une augmentation des mauvaises herbes qui présentent le même genre de résistance. Ce n'est pas étonnant. Cependant, les OGM de la prochaine génération viseront à résoudre des problèmes précis touchant la tolérance à la sécheresse et à la salinité et à créer toute une gamme de caractères de qualité qui seront davantage axés sur les intérêts des consommateurs. Si on leur permet de le faire, je crois qu'ils vont jouer un rôle très important en nourrissant l'humanité à l'avenir.

Le président : Le sénateur Eaton vient de mentionner le goût. Qu'en est-il du goût de nos produits?

M. Pauls : Il y a des chercheurs qui étudient les composés complexes à l'origine du goût et du parfum et qui redonnent leur parfum aux fleurs. Pour répondre, nous comprenons dans une certaine mesure les composantes du goût qui sont à l'origine de la gamme biochimique complexe que peuvent avoir une fraise, une tomate et des fruits et légumes frais.

Le président : Pour faire le lien avec les propos du sénateur Mahovlich, nous avons constaté, lors de l'étude qui a conduit à notre rapport précédent sur les forêts, que des fibres ligneuses étaient utilisées à un autre niveau, en tant que cellulose, pour produire de la rayonne et faire partie des composites utilisés pour fabriquer des pièces de véhicules automobiles. À l'avenir, croyez-vous que certains végétaux pourraient mieux permettre de pénétrer le marché des industries de l'automobile, de l'aérospatiale et du vêtement?

M. Pauls : Oui. J'effectue de la recherche à ce sujet et nous avons un centre de découverte et de mise au point de bioproduits ici, à l'Université de Guelph. Ce centre axe ses travaux sur l'incorporation de fibres végétales dans les plastiques. L'avantage réside dans le fait que les fibres végétales coûtent moins cher que le plastique et sont plus légères, ce qui réduit les coûts de transport. C'est un domaine qui prend de l'expansion.

En fait, la technologie dont nous parlons aujourd'hui pourrait être utilisée pour exprimer des protéines qui seraient des protéines de soie, par exemple, ou même pour produire des fibres dans les plantes qui auraient presque une résistance à la traction semblable à celle de l'acier. L'utilisation de végétaux pour fabriquer des bioproduits recèle certainement de nombreuses possibilités.

Le président : Monsieur Pauls, qu'en est-il de la propriété intellectuelle? Sous l'angle des brevets, quels sont les défis à relever en ce qui concerne la production agricole végétale dans les nouveaux secteurs?

M. Pauls : Certaines des technologies de base de la production d'OGM sont protégées par des brevets détenus par certaines des multinationales. Dans le passé, cela a constitué un obstacle, dans une certaine mesure. Par exemple, le riz doré, qui a été mis au point en Europe, était destiné à fournir un riz à teneur élevée en vitamines aux pays en développement. Il y a eu des négociations avec les multinationales afin qu'elles permettent la mise au point de ce produit sans toucher les redevances qu'elles auraient normalement reçues, de sorte que cette technologie soit mise à la disposition de gens qui en avaient désespérément besoin. Il y a des possibilités de composer avec les brevets et de traiter avec les sociétés qui les détiennent afin que ces technologies puissent avoir des répercussions bénéfiques.

Le président : On m'a posé une question durant une visite que j'ai faite mardi dernier au Nouveau-Brunswick; on m'a parlé d'une espèce en Saskatchewan — elle s'appelle soit camerise, soit caméline.

M. Pauls : Caméline.

Le président : Je crois que c'est la Saskatchewan qui est le chef de file au Canada. Je sais qu'au Nouveau-Brunswick, les producteurs de pommes de terre envisagent des produits de ce genre parce que, comme vous l'avez dit, le rendement est plus élevé et tout cela est lié à l'investissement et au rendement de l'investissement par acre. Quelles sont les perspectives d'avenir de la caméline au Canada?

M. Pauls : La caméline est une variété oléagineuse. Elle a une parenté lointaine avec la plante oléagineuse que nous appelons canola, mais c'est un cousin très éloigné. Les gens s'y intéressent parce qu'elle survit dans des zones à faibles précipitations et qu'elle n'entre pas en ce moment dans notre système alimentaire. C'est un moyen d'utiliser une plante pour produire des OGM qui ne sont pas directement liés à notre système alimentaire et c'est un moyen de séparer un produit industriel d'un produit alimentaire qui sera exempt de gènes recombinés. Elle offre un bon potentiel comme culture industrielle dans ces zones, peut-être même dans les zones peu productives, où nous cultivons généralement le canola.

Le président : Monsieur Pauls, le Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts vous remercie d'avoir pris le temps de nous communiquer votre vision et d'éclairer le comité dans son étude. Auriez-vous des observations finales à faire avant que je ne lève la séance, monsieur Pauls?

M. Pauls : Je remercie le comité sénatorial de nous avoir demandé notre apport. Il y a beaucoup de potentiel dans les diverses technologies axées sur l'utilisation de ce que nous aimons appeler les plantes transgéniques, les plantes qui expriment des gènes nouveaux pour l'agriculture classique, mais aussi dans ces domaines de très haute technologie. C'est un domaine de haute technologie. Nous espérons qu'à l'avenir, le grand public deviendra intrigué par les possibilités et sera en mesure de soupeser ces possibilités en fonction du niveau approprié de gestion et de risque en ce qui a trait à un domaine de pointe tel que celui-là. Merci beaucoup.

Le président : Merci, monsieur.

(La séance est levée.)


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