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AGFO - Comité permanent

Agriculture et forêts

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent de
l'Agriculture et des forêts

Fascicule 19 - Témoignages du 7 juin 2012


OTTAWA, le jeudi 7 juin 2012

Le Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts se réunit aujourd'hui à 8 h 2 afin d'examiner, pour en faire rapport, les efforts de recherche et d'innovation dans le secteur agricole (sujets : étudier les résultats des recherches faites dans le but de moderniser le système agricole et agroalimentaire canadien; et, société civile et innovation et recherche dans le secteur agricole et agroalimentaire).

Le sénateur Percy Mockler (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Je vous souhaite la bienvenue à cette réunion du Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts. Je suis le sénateur Percy Mockler du Nouveau-Brunswick, président du comité. J'aimerais tout d'abord demander aux sénateurs de se présenter.

[Français]

Le sénateur Robichaud : Fernand Robichaud, Saint-Louis-de-Kent au Nouveau-Brunswick. Bonjour.

[Traduction]

Le sénateur Mahovlich : Frank Mahovlich de Toronto, Ontario.

Le sénateur Buth : Bonjour. Je m'appelle JoAnne Buth, et je viens du Manitoba.

Le sénateur Eaton : Nicole Eaton, de Toronto.

[Français]

Le sénateur Maltais : Bonjour, professeur. Ghislain Maltais, Québec.

Le sénateur Rivard : Michel Rivard des Laurentides, Québec.

[Traduction]

Le président : Monsieur Moccia, merci d'avoir accepté notre invitation et d'être venu pour nous faire part de vos commentaires, de vos opinions et de vos recommandations. Le comité continue son étude sur les efforts de recherche et d'innovation dans le secteur agricole. Aujourd'hui, nous allons avoir deux groupes de témoins. L'objet du premier groupe est d'étudier les résultats des recherches faites dans le but de moderniser le système agricole et agroalimentaire canadien.

[Français]

Pour le deuxième panel, le sujet sera la société civile, l'innovation et la recherche dans le secteur agricole et agroalimentaire.

[Traduction]

Le Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts est autorisé à examiner, pour en faire rapport, les efforts de recherche et d'innovation dans le secteur agricole. Le comité est autorisé, en particulier, à examiner les efforts en matière de recherche et de développement en ce qui concerne le développement de nouveaux marchés nationaux et internationaux, le renforcement du développement durable de l'agriculture et l'amélioration de la diversité et de la sécurité alimentaires.

Ce matin, honorables sénateurs, nous accueillons M. Richard Moccia, vice-président associé, Recherche, Partenariats stratégiques, du Département des sciences du bétail et de la volaille de l'Université de Guelph.

Monsieur Moccia, au nom du comité, je vous remercie d'avoir accepté notre invitation. Vous aurez l'occasion de faire vos remarques liminaires, et ensuite, on passera aux questions des sénateurs. Comme on dit en Acadie, au Nouveau-Brunswick :

[Français]

La parole est à vous.

[Traduction]

Richard D. Moccia, vice-président associé, Recherche (Partenariats stratégiques), Université de Guelph : Merci infiniment. Bonjour, honorables sénateurs. Je suis ravi de pouvoir vous entretenir ce matin d'un sujet qui est très important pour le Canada et pour chacune de nos provinces.

Comme vous le savez, le secteur agroalimentaire canadien a depuis très longtemps contribué à l'essor économique des zones rurales et maintenant des régions urbaines de notre pays. Le secteur génère une richesse économique primaire qui se chiffre à au moins 150 milliards de dollars. En Ontario, il s'agit de l'une de nos deux plus importantes industries. Moi qui suis de l'Université de Guelph, la principale université agroalimentaire au Canada, je suis ravi de pouvoir dialoguer avec vous aujourd'hui.

Comme nous n'avons pas beaucoup de temps, je passerai directement à mes recommandations, m'inspirerai de ces dernières pour faire des commentaires et, je l'espère, vous donnerai matière à réflexion à la fin de mon exposé de façon à susciter une période de questions intéressante.

Ma première recommandation à l'attention du gouvernement du Canada serait la suivante : recenser les stratégies qui permettraient le regroupement d'activités et les investissements partagés en ce qui a trait à nos capacités et notre infrastructure intellectuelles dans les universités à l'échelle du pays. Comme vous le savez, dans le passé, dans les années 1960 et 1970, il y avait une meilleure intégration entre les capacités de recherche fédérales, provinciales et institutionnelles. Il y avait des fonctionnaires qui travaillaient physiquement dans les infrastructures universitaires et, par conséquent, les services étaient dans une large mesure regroupés. Mais la situation a changé au cours des années 1980 et 1990. On s'est ainsi retrouvé face à deux secteurs d'activité distincts, les universités se transformant en établissements insulaires et les installations de recherche gouvernementale faisant cavalier seul.

Ce phénomène s'est traduit, dans une certaine mesure, par l'éclatement de notre capacité intellectuelle et beaucoup des partenariats, qui pourtant existaient depuis toujours, ont commencé à se détériorer. Plusieurs raisons expliquent ce phénomène, mais on ne peut pas dire que cela a permis à nos installations de recherche d'être efficaces à long terme. Maintenant, petit à petit, nous tentons de recréer cet esprit de collaboration. À titre d'exemple, sachez qu'il y a des scientifiques d'Agriculture et Agroalimentaire Canada qui travaillent à l'heure actuelle à notre département de phytoagriculture, dans le cadre d'un programme à longue échéance sur la sélection de variétés de haricots. Ces fonctionnaires interagissent directement avec nos chercheurs et nos étudiants, participent à la formation de notre personnel hautement qualifié et de nos étudiants des cycles supérieurs, et même des étudiants de premier cycle.

Ma première recommandation est donc qu'il nous faut stimuler de façon dynamique les occasions de co-occupation et de cofinancement entre les gouvernements fédéral et provinciaux et les universités.

Voici maintenant ma deuxième recommandation : il nous faut améliorer les partenariats entre les organismes provinciaux et fédéraux et le secteur universitaire en ce qui a trait à la rénovation et à la création d'infrastructures de recherche. Les universitaires qui travaillent dans le secteur agroalimentaire depuis au moins 20 ans savent pertinemment que les infrastructures se sont détériorées de façon significative avec le temps. L'heure est critique : nous devons mettre à niveau les infrastructures existantes, tout en en construisant de nouvelles qui nous permettront d'entreprendre les recherches qui se feront au cours des 30 à 40 prochaines années. Récemment, nous avons été témoins de l'apparition d'infrastructures d'envergure indépendantes au Canada, sans que les publics cibles principaux soient consultés, à savoir les gouvernements provinciaux, les universités et le secteur privé. J'exhorte donc les gouvernements fédéral et provinciaux et les universités à repenser leurs modèles de collaboration en ce qui a trait aux infrastructures.

Passons maintenant à ma troisième recommandation : il s'agit en quelque sorte d'un retour aux sources. Il me semble que nous devrions améliorer notre système d'établissement de priorités dans le domaine de la recherche agroalimentaire, à l'échelle fédérale et provinciale. Il y a 20 ans, nous avions un système qui permettait à chacune des provinces d'établir ses priorités en matière de recherche et de services de façon à ce qu'elles cadrent avec les programmes fédéraux. Il existait à l'époque une bonne coordination entre les grands contributeurs à nos efforts de recherche, mais cela s'est perdu depuis. Nous avons assisté au démantèlement de certains de nos mécanismes d'établissement de priorités, et il nous faut maintenant améliorer notre système d'établissement de priorités, en sollicitant le secteur privé, le secteur public et les experts universitaires, pour ensuite mettre en place des programmes pertinents et gérer la distribution des ressources en fonction de ces priorités.

Comme nous le savons, les ressources par habitant mises à la disposition de la recherche diminuent, et par conséquent, nous devons cibler nos investissements de façon rigoureuse pour vraiment répondre aux besoins contemporains du secteur de l'agroalimentaire de manière à passer à l'étape de la commercialisation plus rapidement que par le passé et d'en assurer la croissance économique.

Mon message principal serait de repenser en profondeur la façon dont nous établissons les priorités au provincial et au fédéral en matière de soutien à la recherche et à l'industrie, puis de nous en servir aux fins de coordination et de mise en œuvre de nos programmes de recherche et d'affectation des ressources partout au pays.

Ma quatrième recommandation aux sénateurs serait de reconnaître l'importance de la santé publique comme moteur clé de nos systèmes alimentaires au Canada, et d'appuyer la recherche et d'améliorer la coordination entre les organismes de financement en médecine, en santé et dans le domaine agroalimentaire, tout en concevant des produits innovateurs à valeur ajoutée grâce à la recherche bioéconomique et bio-industrielle.

À l'Université de Guelph, par exemple, nous avons un projet qui utilise des plantes génétiquement modifiées pour produire des médicaments pour lutter contre le cancer, pour traiter le cancer du sein chez les humains, et qui permet de faire en sorte que le secteur agroalimentaire passe en quelque sorte de l'industrie alimentaire à une industrie pharmaceutique pour produire des médicaments à un coût moindre et plus efficacement que par l'utilisation d'autres mécanismes.

Voilà un exemple de réseau créé entre les organismes de financement en santé et le secteur agroalimentaire qui exploite notre capacité de production agroalimentaire, car il faut produire ces plantes, et qui exploite de surcroît nos connaissances dans l'industrie pharmaceutique et celle de la santé pour mieux servir la population du Canada.

À ce propos, j'en appelle à une meilleure coordination des dépenses au sein des ministères de la Santé en lien avec le secteur agroalimentaire.

Ma cinquième recommandation aux sénateurs serait d'envisager des modèles bien établis qui ont fait leurs preuves en matière de partenariat à grande échelle entre les secteurs public et universitaire. Je cite en exemple un partenariat qui a duré quelques décennies entre le ministère de l'Agriculture, de l'Alimentation et des Affaires rurales de l'Ontario et l'Université de Guelph. Nous avons un partenariat de co-investissement à long terme qui dure depuis quelques décennies en recherche, en formation et en éducation vétérinaire et agroalimentaire, ainsi que la prestation de services de soutien et d'innocuité alimentaire analytiques pour l'industrie et la province. C'est un investissement très important par la province à hauteur d'environ 100 millions de dollars par année à l'Université de Guelph. Cela nous a permis d'être un des instituts par excellence dans le domaine agroalimentaire et cela démontre concrètement les avantages de vrais partenariats, non pas ceux qui durent seulement trois, quatre ou cinq ans, mais ceux qui ont une vision à long terme de la co-exécution de systèmes.

Il y a beaucoup de possibilités partout au Canada en ce sens parmi les ministères au provincial et au fédéral et les universités qui ont des grands systèmes de prestation qui appuient le secteur agroalimentaire. J'estime que c'est une possibilité importante qui peut être rapidement exploitée, surtout lorsqu'on pense aux organisations telles qu'Agriculture et Agroalimentaire Canada qui ont subi ou subiront une restructuration considérable dans les cinq prochaines années. Comme on a établi une nouvelle division en recherche et en technologie, c'est l'occasion par excellence d'étudier ce genre de partenariat prolongé.

Ma sixième recommandation aux sénateurs serait d'envisager sérieusement l'investissement dans les nouvelles sciences de transfert et d'application des connaissances, les sciences connues sous le nom de mobilisation des connaissances, afin de les intégrer dès le départ dans nos programmes de recherche et de les rendre essentielles à la recherche elle-même. À titre d'exemple, je pourrais vous montrer, si j'étais plus près de vous, une application conçue pour les téléphones intelligents, les iPhone et les BlackBerry qui permet aux agriculteurs d'obtenir de l'information en temps réel sur les niveaux d'infestation de pucerons dans leurs cultures qui leur permet de prendre de meilleures décisions quant au moment d'appliquer des pesticides. Le projet comme tel n'était pas un projet de recherche, mais plutôt un projet de mobilisation des connaissances qui prend les données de recherche recueillies sur le terrain et les transfère à une application de téléphone intelligent qui permet aux agriculteurs modernes de prendre connaissance en temps réel de cette information importante en matière de production.

Ma dernière recommandation porte sur l'importance de créer des groupes de travail afin de réviser et d'harmoniser notre approche concernant la protection et la gestion de la propriété intellectuelle qui provient de la recherche collaborative. La propriété intellectuelle est gérée d'au moins cinq façons différentes dans le secteur public et universitaire. Mon travail consiste notamment à surveiller notre bureau de développement commercial. Cela veut donc dire que je supervise la gestion des brevets de propriété intellectuelle et l'octroi des licences, et que j'interagis avec le secteur privé qui a recours à ces technologies. Nous passons presque autant de temps à essayer de rédiger des documents juridiques pour faire face aux problèmes de la propriété intellectuelle dans les cas de recherche collaborative que nous passons à faire de la recherche.

Il existe des solutions assez simples à ce problème. Elles pourraient être mises en œuvre pour accélérer la protection de la propriété intellectuelle et la déplacer dans la sphère commerciale, ce qui permettrait au secteur privé de s'en occuper, d'améliorer sa compétitivité et de faire des profits grâce aux technologies avancées que nous développons dans nos laboratoires.

Ces sept recommandations terminent la partie officielle de mon exposé. En toile de fond, je vous dirais que, à partir du moment où j'ai terminé l'université, j'ai toujours travaillé dans le domaine agroalimentaire. Il s'agit d'une industrie importante pour le Canada, même si elle passe de plus en plus inaperçue auprès des Canadiens moyens, dont 90 p. 100 vivent, à l'heure actuelle, dans des centres urbains. Nous devons remettre en valeur l'importance de l'agroalimentaire et souligner à quel point cette industrie contribue à l'économie du Canada, à la création d'emploi et, grâce aux nouvelles technologies, représente une occasion de compétitivité mondiale.

Nous avons été un chef de file mondial dans le domaine et nous devons reconquérir notre réputation internationale en matière de technologie agroalimentaire.

Merci de m'avoir donné l'occasion de prendre la parole.

Le sénateur Eaton : Inversons donc un peu les choses. Vous avez parlé de l'intégration entre le gouvernement et les universités et entre les universités elles-mêmes. Êtes-vous en train de faire quelque chose à partir de la base? Y a-t-il ou a-t-il déjà existé un processus qui commençait par le bas? Avez-vous des relations avec d'autres universités qui font des recherches similaires? Est-ce que vous avez envisagé de rencontrer les joueurs principaux du secteur agroalimentaire et d'ensuite venir voir le gouvernement pour lui dire : « Voici nos priorités, pouvez-vous nous aider? »

M. Moccia : Merci, madame le sénateur. Oui, au cours des 10 dernières années, nous avons tenté de mettre en œuvre ces types de programmes de coordination. Nous avons un conseil des doyens de facultés d'agriculture et de médecine vétérinaire qui se rencontrent sur une base régulière au Canada afin de discuter de thèmes et préoccupations communs.

Nous avons également tenté, avec plus de succès dans certaines provinces que d'autres, de proposer des priorités grâce à une séance de discussion collaborative. Par exemple, en Ontario, nous avons recours à un processus de négociation tripartite dans le cadre duquel des représentants du secteur public et du secteur privé et des universitaires s'assoient ensemble pour déterminer les priorités de recherche et de service. Nous tentons ensuite de les acheminer aux principaux organismes de financement dans la province, en leur demandant de les utiliser pour la création de programmes et la répartition de ressources.

Le défi a été — et il s'agit d'un problème au sein de tous nos organismes fédéraux — qu'il est difficile d'avoir une planification nationale qui tienne également compte des enjeux provinciaux et régionaux, qui sont aussi importants. Je vous dirais que nous avons eu beaucoup moins de succès lorsqu'il s'agissait d'interagir avec le gouvernement fédéral au sujet du mécanisme de priorisation de la recherche. C'est pour cela que je recommande aujourd'hui que l'on réexamine ce processus afin de l'améliorer.

Le sénateur Eaton : Il s'agit donc véritablement de problèmes à l'échelle fédérale. Vous interagissez tous entre vous et vous interagissez avec la province. Serait-il juste de dire que le problème se trouve vraiment à l'échelle fédérale?

M. Moccia : Je ne dirais pas que c'est exclusif au palier fédéral, mais plutôt que c'est plus difficile d'y arriver à ce niveau- là. Au cours des deux dernières années, en particulier, nous avons beaucoup travaillé à l'amélioration de nos partenariats avec le ministère de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire et celui de l'Environnement. En ce qui a trait à Agriculture et Agroalimentaire Canada, au cours des 18 derniers mois, nous avons réussi à bien faire avancer les choses en matière d'accord de co-occupation, d'initiatives de co-investissement et d'établissement de nos priorités.

Par contre, on ne procède pas de façon suffisamment systématique. Ainsi, il nous faudrait mettre en place une structure plus officielle qui permettrait à tout le monde de suivre un processus systématique d'échange d'information. Je pense qu'en faisant de petites modifications, l'efficacité des échanges d'information pourrait être grandement améliorée, à l'échelle provinciale comme fédérale.

Le sénateur Eaton : Dans les deux sens.

Pour ce qui est de la commercialisation, vos collègues nous ont parlé de la création de médicaments à base de plantes, ce qui est fascinant, mais ce qu'ils ont dit nous a rappelé ce qu'on a entendu dans le cadre de notre étude portant sur les forêts : la commercialisation se fait difficilement. Au Canada, il n'est pas facile d'avoir accès au capital- risque. Comment faudrait-il faire pour rendre la commercialisation plus facile?

M. Moccia : Ce qui est intéressant, c'est qu'à Guelph, il y a trois ans, nous nous sommes rendu compte qu'au sein de notre propre établissement, nous ne mettions pas suffisamment l'accent sur la commercialisation et le réseautage, et nous avons donc complètement restructuré notre bureau de développement commercial, qui s'appelle maintenant le Catalyst Centre. Nous avons tenté d'améliorer les choses de deux façons différentes. Ainsi, nous avons mis en place un programme sectoriel de liaison, qui nous permet de solliciter activement l'appui des secteurs privé et philanthropique, ainsi que des investisseurs providentiels, tôt dans le processus. Nous faisons également appel au secteur des gros investissements en capital, dès que nos projets de recherche démarrent. D'emblée, nous sollicitons l'appui du secteur pharmaceutique, pour qu'il puisse nous aider à démontrer le potentiel de nos projets, et ça, c'est vraiment le point critique, en ce sens que c'est la démonstration du potentiel des projets qui suscite l'intérêt des gros investisseurs.

Nous avons tiré pleinement profit du programme sectoriel de liaison. Je dirais même que c'est là l'occasion pour toutes les universités et tous les organismes gouvernementaux d'établir des programmes de réseautage plus officiels avec le secteur privé. Il est clair qu'au Canada, il est difficile de convaincre les investisseurs de s'intéresser à ce type de travail. En général, les investissements proviennent de l'étranger, ce qui veut dire que la propriété intellectuelle quitte en grande partie le Canada; on achète le droit d'importer nos connaissances, et c'est quelqu'un d'autre donc qui tire profit de nos nouvelles connaissances. Ce n'est pas quelque chose qui se règlera facilement.

Il a été très difficile d'obtenir suffisamment de financement pour aller au-delà de la recherche en laboratoire, et par conséquent, il est également difficile de financer la démonstration du potentiel de nos projets. L'argent ne provient pas du secteur privé et très peu provient du gouvernement. Par contre, en Ontario, nous avons collectivement fait appel à la province, ce qui a permis la mise en place d'un petit fonds qui finance la démonstration du potentiel des projets, de façon assez efficace.

Le sénateur Eaton : Il serait donc utile d'avoir un fonds consacré à la démonstration du potentiel des projets, alors?

Le sénateur Robichaud : Monsieur Moccia, dans une de vos recommandations, vous parlez d'un mécanisme d'établissement de priorités pour l'octroi des subventions de recherche. Comment peut-on faire pour améliorer la situation? Ce n'est pas la première fois qu'on nous parle de problèmes d'accès à Agriculture et Agroalimentaire Canada, qui n'est pas très présent au sein des organes subventionnaires.

M. Moccia : Tout à fait, surtout quand on compare la situation à celle des autres groupes qui reçoivent beaucoup de financement, comme la santé. Une grande part des investissements accordés à la recherche en santé permet de financer l'amélioration des denrées alimentaires. Et pourtant, parmi ceux qui accordent le financement, le secteur de l'agroalimentaire n'est que très mal représenté, et nous savons que les experts en la matière se trouvent en général au sein des universités.

Par contre, il y a des modèles émergents qui commencent à voir le jour. Loin de moi l'idée de prêcher pour ma paroisse, mais sachez qu'en Ontario, nous nous intéressons à l'élaboration d'un modèle qui permettrait à l'ensemble des grands organismes subventionnaires de se réunir avec les comités directeurs et de planification pour examiner les façons de démultiplier le financement de chaque organisme et d'élaborer des priorités de haut niveau qui guideraient les grands projets de recherche visant à résoudre les problèmes dans les secteurs de l'agroalimentaire et de la santé. Voilà pourquoi j'ai voulu élaborer une recommandation soulignant le rôle important de la santé publique dans le cadre de la recherche agroalimentaire. C'est un nouveau concept pour bien des gens. Nous savons tous que pour être en santé il faut bien manger, mais nous avons récemment découvert que la consommation d'aliments fonctionnels peut améliorer notre santé. Le secteur nutraceutique utilise des produits dérivés de plantes et d'animaux pour traiter les problèmes médicaux et améliorer la santé humaine.

Pour répondre à votre question, je dirais que nous devrions mettre en place des mécanismes de haut niveau qui permettraient une meilleure collaboration entre les organismes subventionnaires dans les secteurs de la santé et de l'agroalimentaire, et recenser les grandes priorités qui guideraient la répartition des subventions.

Le sénateur Robichaud : Vous avez parlé d'un modèle que vous élaborez en Ontario. Pourriez-vous nous en dire davantage? S'il est efficace, il pourrait sans doute être utilisé ailleurs. Le modèle est-il bien avancé?

M. Moccia : Il en est toujours à ses balbutiements. En fait, ce n'est qu'au cours des prochains mois qu'auront lieu les premières rencontres officielles.

L'idée, c'est de regrouper des représentants des secteurs de la santé, de l'environnement et de l'agriculture et du secteur privé afin de recenser les domaines que nous devrions cibler dans le cadre de nos recherches et déterminer s'il est possible d'établir des priorités de recherche communes. Alors, il nous sera possible de dire : « Le financement sera partagé entre la santé, l'environnement et l'agriculture; finançons un partenariat d'envergure à long terme entre, disons, une faculté de médecine et une faculté de l'agroalimentaire ». Par exemple, on pense établir un partenariat entre les Universités de Guelph et McMaster, parmi d'autres, pour regrouper les recherches médicales et agroalimentaires. Pour l'instant, nous agissons sur une base individuelle, c'est-à-dire au niveau des chercheurs, mais il nous faut aller plus loin, c'est-à-dire officialiser des engagements entre les établissements universitaires et les gouvernements pour assurer l'aide et la collaboration nécessaires afin de trouver des solutions aux problèmes communs. D'une certaine façon, monsieur le sénateur, il nous faut prendre un peu de recul pour trouver les moyens d'améliorer la coordination du financement et des solutions.

Le sénateur Robichaud : Les secteurs médicaux et de la santé s'opposent-ils au modèle que vous tentez de mettre en place?

M. Moccia : Je pense qu'il est préférable de laver son linge sale en famille.

Le sénateur Robichaud : Nous ne divulguerons pas votre secret, bien que cette séance soit publique.

M. Moccia : Il est peut-être prématuré de parler du niveau d'objections, mais je peux tout de même prédire qu'il y en aura beaucoup. Par exemple, je ne sais pas dans quelle mesure le secteur de la santé acceptera que des investissements destinés à la recherche médicale soient accordés à une université agricole.

Inversement, nous faisons face à une menace importante pour ce qui est de la recherche agroalimentaire, car il se pourrait que notre budget, qui est relativement petit, soit entièrement consacré à la recherche médicale. Nous risquons donc de perdre entièrement notre financement agroalimentaire, au profit des programmes de recherche médicale dirigée. Mais, dans les deux cas, ce serait un échec monumental.

Monsieur le sénateur, vous avez démontré votre perspicacité en posant votre question sur les objections, parce que je pense qu'il y en aura effectivement.

Le sénateur Buth : Merci infiniment, monsieur Moccia, d'avoir accepté notre invitation aujourd'hui. Je m'intéresse à divers aspects. L'Université de Guelph a-t-elle participé aux grappes scientifiques mises en place par le gouvernement fédéral? Dans l'affirmative, qu'auriez-vous à nous dire à ce sujet?

M. Moccia : Oui, nous y avons participé. Nous avons toujours été invités à participer, et nous avons participé activement à l'élaboration du programme Développement de produits agricoles innovateurs, des programmes de grappe, et cetera.

Par contre, un des problèmes, et c'est un problème qui est inhérent à toutes les formes de collecte d'informations et de communications, c'est qu'il y a beaucoup d'informations recueillies, mais on n'est pas vraiment en mesure de bien gérer ces informations, en les triant en fonction de leur importance puis en s'en servant pour guider le financement des programmes et l'établissement de partenariats.

Cela dit, certains programmes ont été bien utiles. En effet, certains des programmes de Cultivons l'avenir et de Développement de produits agricoles innovateurs reposaient sur de bons fondements, même si l'application ne s'est pas toujours très bien passée.

Au cours des dernières années, je me suis notamment occupé de la gestion des contrats dans notre bureau de recherche. Nous avons eu beaucoup de mal à nous acquitter des fonctions administratives et de vérification de façon à obtenir le financement dont nous avons besoin, et du côté du secteur privé, et du côté du gouvernement fédéral.

Donc, en ce qui a trait à la communication et à la collecte d'informations, tout se passe très bien, mais en ce qui a trait à la mise en œuvre et aux aspects procéduraux, on a bien du mal à se sortir d'affaire.

Il faut tout de même se réjouir de la collaboration qui a caractérisé les ateliers et les programmes qui ont été organisés afin de susciter de bonnes idées. Ça faisait longtemps qu'on n'avait pas eu l'occasion de se retrouver collectivement pour discuter, alors il faut reconnaître que ça, ç'a très bien fonctionné. Par contre, en raison de difficultés de mise en œuvre et procédurales, notre efficacité a souffert.

Le sénateur Buth : J'aimerais savoir ce que vous pensez des coûts indirects dans les universités. J'ai cru comprendre que certains groupes qui avaient touché du financement en vertu des grappes scientifiques ont dû arrêter leurs activités en raison de problèmes contractuels parce que les coûts indirects étaient trop élevés et que le gouvernement fédéral, bien évidemment, ne voulait pas les assumer.

M. Moccia : Vous avez tout à fait raison. Nous devrions commencer à parler candidement de ce que coûte réellement la recherche, notamment sur le plan des infrastructures et des capacités. Beaucoup d'études ont été faites à l'étranger et même au Canada; elles démontrent que les coûts indirects découlant des activités de recherche peuvent se chiffrer à 40 p. 100, voire 65 ou 70 p. 100, dépendamment de la plate-forme de recherche en question. Une des difficultés pour les universités, c'est qu'elles doivent de plus en plus solliciter du financement pour assumer les coûts indirects des efforts de recherche. En effet, ça coûte cher de solliciter de l'argent puis de s'en servir.

Récemment, nous avons reçu un don de 4 millions de dollars. Pour pouvoir nous servir de cet argent, il fallait que nous assumions des coûts indirects de 1 million de dollars, ce qui a fait passer les coûts totaux du projet à 6 millions de dollars — 5 millions de dollars en investissement et 1 million de dollars en coûts indirects. Nous avons eu beaucoup de mal à trouver les 1 million de dollars pour assumer les coûts indirects.

Certains des projets qui sont en cours actuellement sont assujettis au même type de problème. En effet, le secteur désire maintenir une partie de la propriété intellectuelle, il y a des exigences non négligeables à respecter en matière de vérification financière et de reddition de comptes. Tout cela alourdit les coûts indirects associés aux projets de recherche.

L'heure est venue pour les organismes subventionnaires fédéraux, les organismes provinciaux et les universités de parler candidement de ces coûts indirects pour en déterminer la source, pour savoir qui devrait les financer et pour déterminer combien ça coûte réellement de faire de la recherche au Canada. La recherche portant sur les animaux et les cultures est particulièrement dispendieuse. Par exemple, ça coûte très cher d'assurer le bon fonctionnement d'installations de recherche dans le secteur laitier. Un projet de recherche laitier de 10 000 $ portant sur quelques vaches laitières pourrait fort bien générer des coûts supplémentaires de 200 000 $ pour l'alimentation, l'entretien et le nettoyage. Nous utilisons nos budgets de coûts indirects pour ce genre de choses.

Nous comprenons les préoccupations du secteur privé. Par exemple, nous avons tenu de longues discussions avec des intervenants du secteur des céréales de la province pour tenter de déterminer ce qui constituait des coûts indirects raisonnables et de savoir qui devrait les assumer. Je suis content de pouvoir répondre à votre question sur ce sujet, parce qu'aucun d'entre nous n'a de solution simple à proposer.

Le sénateur Buth : Je sais que c'était un véritable défi pour certains groupes sectoriels.

Vous avez beaucoup parlé de partenariats avec la province et le gouvernement fédéral. Vous avez mentionné le secteur parfois. Je ne sais pas si vous englobez dans cette catégorie les producteurs. Vous savez que de plus en plus ces derniers financent la recherche par l'entremise de leurs contributions. Vous savez, les groupements de producteurs spécialisés sont la pierre angulaire du Programme de grappes scientifiques. Quel genre de rapports entretenez-vous avec les agriculteurs?

M. Moccia : Il me semble avoir mentionné les universitaires, le secteur public et le secteur privé.

Le sénateur Buth : C'est exact.

M. Moccia : Pour moi, le secteur privé comprend les producteurs du privé, de l'agriculteur au détaillant alimentaire, ainsi que tous les intermédiaires. Pour moi il s'agit du vrai secteur privé.

Les producteurs constituent un maillon de l'industrie agroalimentaire. En effet, une grande partie de la richesse générée au Canada provient des étapes de postproduction, c'est-à-dire de ce qui se passe après que le produit a quitté la ferme, après que le produit a été récolté. Imaginez une pyramide dont la base serait constituée du secteur de la production. On ne peut pas produire de fromage sans lait, et pour avoir du lait, il faut avoir une vache quelque part. Pour moi, ça ne se résume pas qu'aux producteurs qui ne représentent qu'un petit sous-ensemble du secteur privé.

Loin de moi l'idée de minimiser l'importance des producteurs. À mon avis, ils représentent un aspect du partenariat tripartite du secteur privé. Nous avons reconnu l'importance de cette relation tripartite, entre le secteur privé, le secteur public et les universités, et nous sommes en train de moderniser beaucoup de nos systèmes de gouvernance à l'heure actuelle pour tirer profit de ce mécanisme à trois volets afin de générer du financement, de tirer pleinement profit des co- investissements et de répartir le financement de la meilleure façon qui soit. Vous avez entièrement raison.

Le sénateur Buth : Monsieur le président, j'aimerais poser une question de suivi pendant la deuxième ronde de questions, si vous le permettez.

Le sénateur Mahovlich : Avez-vous connu une époque à l'université où les gouvernements fédéral et provinciaux travaillaient en collaboration et où il n'y avait pas de problème de financement?

M. Moccia : Votre question en comprend plusieurs. Y a-t-il eu une époque où il existait un partenariat tripartite à long terme? Je vous répondrais que non.

L'Université de Guelph collabore depuis longtemps avec la province de l'Ontario et le ministère de l'Agriculture. Avec le temps, nous avons vu passer de nombreux programmes fédéraux qui nous ont permis d'établir des partenariats sur cinq, voire sept ans, mais rien n'a duré aussi longtemps que les rapports que nous avons avec la province. Pour ce qui est des programmes à proprement parler, nous avons vu s'établir de très bons partenariats avec le gouvernement fédéral, le gouvernement provincial et le secteur privé, mais ils ne perduraient pas au-delà de la fin du programme. En fait, il y avait quelque chose qui était mis en place pendant trois, quatre, voire cinq ans, puis il fallait tout recommencer.

Cette approche est problématique, évidemment, parce que pour assurer la survie du secteur tout entier, il faut que les capacités soient développées à long terme. Nous avons des programmes de recherche sur les caractéristiques génétiques du soja, par exemple, qui existent depuis 25 ans, et c'est vrai pour d'autres types de cultures et de bétail et ce type de programmes ne pourraient même pas voir le jour si on ne consentait qu'à des accords sur cinq ou trois ans.

Ce que je vous disais au début, c'est que nous devons avoir plus de co-occupations et de co-investissements en faisant un virage et en s'écartant des programmes ou des projets qui ne durent que trois ans financés par différentes parties pour dire : « Écoutez, on va décider que l'université, l'organisme ou le consortium X sera notre centre d'expertise pour les prochaines décennies ». C'est comme ça qu'on pourra exploiter notre plein potentiel. Il faudra faire les investissements nécessaires. Permettez-moi, mesdames et messieurs les sénateurs, de faire une petite comparaison. C'est comme un mariage, qui se veut à long terme où les conjoints ont des objectifs et des visions en commun et où ils s'engagent l'un envers l'autre jusqu'à la fin de leurs jours, plutôt qu'un couple qui se mettrait ensemble pendant trois ou quatre ans pour ensuite se quitter et recommencer. Collectivement, on n'a pas encore réussi à aborder la question sous cet angle.

Le sénateur Mahovlich : Je comprends tout à fait les contraintes de temps. Quand je jouais au hockey, chaque minute comptait. C'était difficile.

M. Moccia : En effet.

Le sénateur Mahovlich : Quand je pense à Guelph, je pense à son collège vétérinaire, qui était de renommée mondiale. Bénéficiez-vous de l'appui de centres hippiques comme le Jockey Club de Toronto ou encore les hippodromes des différentes régions du pays? Accordent-ils leur soutien à l'université? Je suis sûr qu'ils se servent de ses installations de temps en temps.

M. Moccia : Ah, oui, tout à fait. Pour ce qui est des chevaux, en particulier, il existe un partenariat robuste entre les secteurs privé et public au sein de notre collège vétérinaire. Les programmes vétérinaires sont toujours de renommée mondiale. En fait, nous cherchons à rétablir notre statut de chef de file dans un certain nombre de domaines : nous construisons à l'heure actuelle un centre de cancérologie pour traiter les animaux de compagnie — notre école vétérinaire sera la première à posséder un tel centre —, une clinique de services de soins primaires, et des installations de formation visant la performance chevaline. Comme vous le savez, le secteur équin a connu beaucoup de changements et il est possible que les nouvelles politiques visant le partage des recettes des machines à sous changent la donne.

Le sénateur Mahovlich : Vous avez parlé des agriculteurs qui se servent de leur BlackBerry pour trouver des informations sur les pucerons. J'ai toujours eu des pucerons dans mes lauriers roses. J'ai dû y introduire des coccinelles pour me débarrasser des pucerons, mais ma femme s'est mise à se plaindre parce qu'il y en avait trop. Le public a-t-il accès à ces informations?

M. Moccia : Oui. Nous tentons d'accorder beaucoup d'importance au rayonnement de notre établissement. Nous tirons profit de programmes bien établis. Par exemple, un Canadien pourrait nous appeler et nous envoyer un échantillon d'une plante nous demandant d'identifier l'organisme nuisible en question et de lui dire quoi faire pour s'en débarrasser. Nous faisions ce genre de chose à une époque, mais bien évidemment, les petites sommes qu'on demandait ne suffisaient pas à assurer le service. On ne pouvait le faire que quand le gouvernement assumait les coûts du service.

Nous réinvestissons maintenant dans ce que nous appelons le transfert des connaissances. En fait, nous avons versé 5 millions de dollars en financement provincial, en collaboration avec le ministère de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire, à l'élaboration d'un nouveau programme de mobilisation des connaissances. Nous avons repensé à notre façon d'éduquer le public, les médecins en ce qui a trait à nos recherches en santé, le jardinier récréatif en ce qui a trait à la lutte antiparasitaire et aux méthodes de production biologiques, les agriculteurs urbains relativement à la culture à petite échelle, par exemple. Mais nous faisons affaire aussi avec les exploitations agricoles industrielles de grande taille. C'est ce dont je parlais dans ma sixième recommandation qui portait sur l'inclusion de toutes les composantes de la mobilisation des connaissances dans les efforts de recherche pour qu'ils deviennent, distinctement, des objectifs à proprement parler.

Le sénateur Mahovlich : J'aimerais vous poser une dernière question sur la sélection des variétés de haricots. Verra-t- on sur le marché le haricot parfait?

M. Moccia : Oui, tout à fait. Vous savez, on consacre énormément de temps à l'élaboration de différentes variétés de haricots, pour les sauces ou les pâtes, et les différentes variétés de haricots communs et de haricots blancs qui se retrouvent dans divers aliments, sans parler des haricots à forte teneur en fibre qui sont bons pour la santé, qui font baisser vos taux de cholestérol et qui améliorent votre digestion. Souvenez-vous du vieil adage selon lequel les haricots contribuent à la santé cardiovasculaire, et cetera. Il s'agit d'un programme important.

En fait, c'est un exemple qui illustre la collaboration financière du gouvernement fédéral par l'entremise d'Agriculture et Agroalimentaire Canada, qui assume certains coûts d'exploitation et le salaire de notre phytogénéticien expert en haricots, un type génial qui travaille pour notre département de phytoagriculture, du gouvernement provincial, qui fournit les installations et les infrastructures de recherche, les semences pour tester les différentes variétés de haricots, les programmes de génétique, et qui investit dans notre département de science alimentaire, qui examine le haricot produit, en analyse la composition et tente de déterminer comment rajouter de la valeur à la matière première, c'est-à-dire au haricot fraîchement récolté. Il s'agit là d'un véritable succès et nous espérons que ce partenariat entre le gouvernement fédéral et le gouvernement provincial, l'université et le secteur privé durera longtemps.

Le sénateur Mahovlich : Merci. Je serais ravi de pouvoir y goûter.

[Français]

Le sénateur Maltais : Merci, monsieur Moccia, d'être présent par vidéoconférence. J'ai écouté attentivement vos recommandations et je suis presque en totalité d'accord avec vous, en particulier en ce qui concerne la propriété intellectuelle. Cependant, il y a une huitième recommandation que vous devriez inclure dans votre mémoire, celle de la concertation.

Un certain nombre de représentants universitaires sont venus témoigner, et suite à ces témoignages, on a l'impression qu'il n'y a pas de chimie entre les universités qui font de la recherche. Vous parlez de recherche sur le plan de la production laitière. Au Québec, il y a un très grand centre de recherche sur la génétique et sur le lait. Il y en a également sur les plantes. On les a même visités.

Pourquoi ne pas avoir un conseil interuniversitaire de recherche? Vous pourriez vous regrouper et faire front au gouvernement fédéral afin de ne pas avoir 300 ou 500 demandes de différentes sortes. Ce conseil interuniversitaire de recherche pourrait s'asseoir avec le gouvernement fédéral et présenter ses visées pour les dix prochaines années. Ce serait beaucoup plus facile pour les gouvernements provinciaux et fédéral de s'enligner et de vous allouer les sommes nécessaires qui profiteraient à l'ensemble de l'agriculture. Pourquoi continuer à aller chacun de son côté?

Vous parlez de soja. On sait qu'à Winnipeg, ils font beaucoup de recherche sur le soja; vous en faites aussi, peut-être d'autres, je ne sais pas. Il y aurait peut-être moyen de joindre un conseil universitaire de recherche qui serait responsable de dire au gouvernement fédéral, aux gouvernements provinciaux et aux entreprises privées : « Voici où on s'en va et voici ce qu'il nous faut. » Ce serait beaucoup plus facile pour tout le monde.

[Traduction]

M. Moccia : Merci, monsieur le sénateur. Je prends bonne note de votre commentaire. En fait, vous venez de me donner une bonne idée : il faudrait qu'on fasse un effort pour intégrer les grandes universités de recherche agroalimentaire au Canada dans le cadre de certaines de ces initiatives.

Ce qui se produit traditionnellement, c'est qu'un chercheur collabore avec un chercheur qui travaille à un autre projet. Nos chercheurs qui s'intéressent à la reproduction dans le secteur laitier travaillent avec les experts de Laval et d'autres universités partout au Canada, mais il n'existe pas de système d'intégration de haut niveau qui permettrait aux universités de recherche agroalimentaire de monter un dossier visant la planification à long terme et les investissements en matière d'infrastructures auprès du gouvernement fédéral.

Pour l'instant, nous n'avons qu'un seul mécanisme, à savoir notre conseil des doyens qui regroupe les doyens des facultés d'agriculture et de médecine vétérinaire. Par contre, en général, ils s'en tiennent à des discussions portant sur les problèmes, et cetera. On n'est jamais passé à la vitesse supérieure pour former un comité de coordination. La seule nouveauté des deux dernières années, ce sont les discussions qui ont eu lieu entre trois ou quatre vice-présidents relativement à l'élaboration conjointe de programmes regroupant les universités et le secteur privé, dans le but d'établir des partenariats avec le gouvernement.

Nous travaillons avec l'Alberta, la Saskatchewan et la Colombie-Britannique pour tenter de mettre en commun des capacités de recherche. En fait, nous travaillons avec les provinces du Québec et de l'Ontario pour lancer avec elles un programme d'investissement en recherche pour forcer l'intégration entre les secteurs universitaires institutionnels.

Compte tenu de vos commentaires à la séance de ce matin, je me dis que je devrais peut-être organiser une réunion avec les présidents des principales universités pour parler de la façon d'y arriver. Il s'agit d'une excellente suggestion. Je vous remercie, monsieur le sénateur.

[Français]

Le sénateur Rivard : Monsieur Moccia, la plupart des invités qui ont eu à faire une présentation devant ce comité, nous ont fait part des gros problèmes de financement que vous aviez, comme institution publique, et vous parliez également des difficultés du secteur privé. Nous vivons actuellement une crise économique, une crise financière — on peut penser à l'euro, à la Grèce ou aux banques espagnoles. Toutefois, il faut se souvenir que, au début des années 1980, les emprunts coutaient jusqu'à 20 p. 100 et l'inflation était d'environ 15 p. 100. Vous vous imaginez comment il était difficile pour les entreprises d'aller chercher un financement.

Le gouvernement du Québec a eu une merveilleuse idée, au début des années 1980, durant cette crise, et a mis sur pied le programme Régie d'épargne-actions. Cela permettait à un contribuable d'acheter une action, disons de 100 $, et dans son rapport d'impôt il avait une déduction fiscale de 150 p. 100. S'il gardait l'action pendant deux ans, il n'avait pas à rembourser l'exemption fiscale. S'il réalisait un gain en capital, il était imposé selon les normes. Dans le cas d'une perte, c'était différent. Cela a eu pour effet de remettre sur pied beaucoup d'entreprises. On devait investir dans des entreprises qui avaient une capitalisation inférieure à 200 millions. Cette initiative a permis à des compagnies, comme Bombardier et Canam Manac, de prendre un essor qui est encore là aujourd'hui.

Toutefois, l'exemple de la compagnie de recherche BioChem Pharma me vient en tête, qui n'existe plus aujourd'hui sous ce nom et a été vendue à une multinationale. BioChem Pharma, grâce à cette levée de fonds, a pu développer un médicament contre le SIDA, du nom de AZT, et ce, grâce au programme d'épargne-actions.

Un tel programme pourrait-il palier à l'insuffisance de fonds de capital de risque? Le programme pourrait être à l'échelle nationale et ne se limiterait pas nécessairement au Québec.

[Traduction]

M. Moccia : Il s'agit d'une proposition très intéressante qui mériterait qu'on y réfléchisse. Il est difficile de dire si aujourd'hui, nous pourrions avoir un programme semblable à un programme de contribution de charité visant des investissements en capital. Au bout du compte, quelqu'un doit avoir droit à la propriété intellectuelle, n'est-ce pas? C'est un concept intéressant d'investissement par les contribuables motivés par un crédit d'impôt, d'après ce que j'ai compris. Ultimement, quelqu'un du secteur privé détiendrait la propriété intellectuelle afin de commercialiser le produit pour qu'il soit offert sur le marché.

C'est intéressant. Il serait possible de générer du capital de cette façon, mais je me demande si la difficulté ne proviendrait pas de la façon d'évaluer qui aurait droit à la propriété intellectuelle.

J'aimerais savoir comment on a procédé au Québec lorsque l'argent a été affecté au secteur privé, et qui est devenu propriétaire de la propriété intellectuelle au bout du compte.

[Français]

Le sénateur Rivard : Si ma mémoire est bonne, BioChem Pharma a gardé sa propriété intellectuelle. Elle fut vendue plus tard à une multinationale.

Plus tôt, dans votre réponse, vous avez parlé d'un don. Or, il ne s'agit pas d'un don. Un contribuable achète une action dans BioChem Pharma, disons de 100 $. Il avait une déduction de 150 p. 100, soit de 150 $. Puis, si on décidait de liquider au bout de cinq ou six ans, par exemple, dans le cas De BioChem Pharma, la valeur avait drôlement apprécié. Ainsi, le contribuable a bénéficié d'un avantage fiscal et un gain en capital appréciable.

Il ne s'agit pas d'un don, mais de prendre des actions de capital de risque, qui s'appelaient à l'époque le Programme de Régie d'épargne-actions.

Pour ce qui est de la propriété intellectuelle, si ma mémoire est fidèle, elle demeurait. Vous étiez actionnaire de la compagnie. C'est la compagnie qui détenait de sa propriété intellectuelle.

[Traduction]

M. Moccia : C'est intéressant. Je peux vous dire que le sujet sera abordé à notre Catalyst Centre, notre bureau de développement commercial. Nous songerons à la possibilité d'établir un petit programme pour tâter le terrain. C'est une idée intéressante. Je vous remercie, monsieur le sénateur.

[Français]

Le président : Le sénateur Eaton a demandé de poser une question complémentaire.

[Traduction]

Le sénateur Eaton : Monsieur Moccia, à titre de suivi à la proposition de mon collègue, est-ce que le Catalyst Centre s'est penché sur la commercialisation de MaRS? Voyez-vous des possibilités en matière de recherche dans le secteur agricole comme ce que fait cet organisme dans le secteur de la recherche médicale? La commercialisation?

M. Moccia : Nous avons travaillé avec MaRS et suivons cet organisme de très près. Nous avons en fait eu un petit service de type MaRS appelé MaRS Landing à Guelph pendant un certain nombre d'années qui a tenté d'imiter l'approche MaRS. Je dirais que oui, nous nous en servons comme modèle.

Le problème en est un d'argent. Il n'y a simplement pas assez d'investissements en capital du secteur privé pour soutenir ce genre de projets d'envergure.

Le sénateur Eaton : Eh bien, comment l'ont-ils trouvé ou comment le trouvent-ils?

M. Moccia : L'argent provient des entreprises pharmaceutiques et de santé qui ont beaucoup de ressources pour l'investissement. Une bonne partie de la recherche médicale était motivée par des idées qui avaient un énorme potentiel de rentabilité pour les grandes entreprises.

Le problème en agroalimentaire actuellement, c'est qu'à l'exception du développement de certains produits — pour lesquels il est difficile de garder la propriété intellectuelle; on ne peut pas demander de brevet pour beaucoup de choses — il y a eu une réelle réticence même de la part des grandes entreprises d'agroalimentaire pour ce qui est d'investir des montants considérables. Ces entreprises n'y voient pas de potentiel de rentabilité suffisant à long terme.

Il y a toujours un potentiel dans le domaine pharmaceutique, mais je peux vous dire qu'il y a les mêmes discussions au sujet des frais indirects de 25 ou 40 p. 100 pour un projet pharmaceutique de la part d'une entreprise qui fait des milliards de dollars : elle ne veut pas payer des frais indirects de 25 p. 100 pour faire la recherche. Même les grandes entreprises pharmaceutiques sont difficiles à convaincre en matière de recherche agricole.

[Français]

Le sénateur Maltais : On a parlé tantôt de l'infestation de puces dans les plantes ainsi que de la surpopulation des coccinelles. Des gens seraient-ils intéressés à investir dans la propriété intellectuelle de telles recherches, parce que plusieurs personnes vivent ces problèmes?

[Traduction]

M. Moccia : Oui, certainement.

Le président : Monsieur Moccia, on ne peut pas conclure une entente publique au cours de nos discussions.

M. Moccia : D'accord, je suis désolé.

Le sénateur Buth : Votre septième recommandation porte sur la propriété intellectuelle. Vous avez dit que vous aviez cinq façons différentes de gérer la propriété intellectuelle et qu'il s'agissait d'une question qui était complexe et qui prenait beaucoup de temps; puis vous avez dit que vous aviez une solution simple. J'aimerais que vous m'expliquiez cette solution simple.

M. Moccia : Dans le secteur public, il faut rendre possible le transfert de la propriété intellectuelle à l'inventeur, qui serait libre de se charger de la commercialisation et du développement. C'est la façon dont fonctionnent maintenant les établissements d'enseignement. Auparavant, ces établissements étaient propriétaires de la propriété intellectuelle principalement, alors l'Université de Guelph était titulaire de la propriété intellectuelle. Nous avons en fait maintenant transféré la propriété intellectuelle aux inventeurs. Nous estimons que cette pratique stimule davantage le transfert des technologies parce que, évidemment, il y a une motivation liée au profit pour les gens qui travaillent de manière audacieuse à la commercialisation et à l'établissement de relations.

La difficulté découle du fait que le gouvernement détient la propriété intellectuelle. Dans certaines provinces, la province en détient une partie puis en délègue l'autre partie à l'établissement d'enseignement. Nous avons encore certains établissements d'enseignement au Canada qui détiennent la propriété intellectuelle et d'autres, comme la plupart en Ontario, où l'inventeur est titulaire de la propriété intellectuelle. Lorsque le secteur privé entre en jeu, il veut évidemment détenir la propriété intellectuelle en entier. La situation est difficile lorsqu'il y a quatre parties : le gouvernement provincial, le gouvernement fédéral, les inventeurs des universités et le secteur privé. Un avocat spécialisé en contrats deviendrait fou parce que les parties ne peuvent pas s'entendre sur la propriété intellectuelle et sur la façon de partager les profits.

Tous les contrats que nous négocions sont uniques. Nous prenons le temps de négocier la propriété intellectuelle. On pourrait régler le problème en établissant une approche quelque peu différente en matière de propriété intellectuelle.

Ce qui est difficile pour le gouvernement, c'est d'expliquer aux contribuables qu'il donne à un inventeur payé par ceux-ci la propriété intellectuelle; mais c'est ce que nous tentons maintenant de faire ici. Peut-être qu'il suffirait d'être plus créatif dans notre façon de faire.

Je peux vous dire que l'étape qui nous cause le plus de problèmes au Catalyst Centre, c'est la dernière étape, où l'on tente de mettre la dernière main à l'entente et de s'entendre sur la propriété intellectuelle dans le cadre d'investissements conjoints.

Le sénateur Buth : C'est la dernière étape avant l'étape de la commercialisation. On ne peut pas commercialiser sans avoir une entente. Je crois que vous avez bien décrit la situation du gouvernement fédéral; il s'agit de l'argent des contribuables. J'aimerais discuter de cette question davantage avec certains autres groupes.

Le président : Je vous remercie, monsieur Moccia. Il ne fait aucun doute que vous nous avez éclairés. Votre témoignage nous a beaucoup renseignés. Vos recommandations sont intéressantes. Avez-vous des commentaires à faire avant que nous terminions?

M. Moccia : Je tiens à vous remercier. C'est une bonne occasion de vous parler d'enjeux qui sont très importants partout au pays, et pour cette province et l'université. Je vous remercie de votre temps.

Ensuite, je ne veux donner à qui que ce soit l'impression que je critique les échecs de nos divers partenariats du passé, mais je souhaite plutôt que nous regardions en arrière pour apprendre de ces expériences et améliorer notre façon d'entreprendre de nouveaux partenariats à long terme faisant intervenir ces trois groupes importants — le secteur public, le secteur privé et nos établissements d'enseignement. J'aimerais que vous voyiez mes commentaires comme étant très positifs; je regarde vers l'avenir et je tente d'améliorer la situation plutôt que de critiquer les tentatives du passé.

Le président : Il ne fait aucun doute, monsieur, que vous avez sensibilisé le comité.

Nous allons maintenant entendre notre deuxième groupe de témoins, composé d'Elizabeth Nielsen, membre du conseil d'administration du Consumers Council of Canada, et de Bruce Cran, président de l'Association des consommateurs du Canada.

Le greffier me dit que Mme Nielsen commencera, suivie de M. Cran. Ensuite nous allons passer aux questions des sénateurs.

Madame Nielsen, allez-y; vous pouvez faire votre exposé.

Elizabeth Nielsen, membre du conseil d'administration, Consumers Council of Canada : Monsieur le président, honorables sénateurs, bonjour. Je tiens à vous remercier d'avoir invité le Consumers Council of Canada à participer aux audiences. Je suis ravie d'être ici ce matin pour discuter de recherche et d'innovation dans le secteur agroalimentaire et agricole, selon la perspective du consommateur. Ce que j'ai à dire sera peut-être différent de ce que vous avez déjà entendu.

Avant de commencer, j'aimerais vous donner un bref aperçu du Consumers Council of Canada. Il s'agit d'un organisme qui plaide en faveur de la mise en œuvre d'une charte internationale des droits des consommateurs. Le conseil s'efforce de travailler de concert avec les consommateurs, les entreprises et le gouvernement à l'appui des droits et des responsabilités des consommateurs.

Ce matin, je vais discuter de l'importance de la relation entre les consommateurs et l'industrie agroalimentaire, ainsi que des questions qui préoccupent les consommateurs concernant la salubrité des aliments et les nouvelles technologies, comme la nanotechnologie.

Le conseil a à cœur la salubrité des aliments consommés par les Canadiens. Il appuie les efforts déployés par l'industrie agroalimentaire pour ce qui est d'améliorer la salubrité des aliments par l'élaboration et la mise en œuvre de programmes de gestion de la salubrité alimentaire comme les Bonnes pratiques agricoles et l'Initiative mondiale de la sécurité alimentaire des détaillants.

La relation entre les consommateurs canadiens et le secteur agricole et agroalimentaire est importante pour les deux parties. Les consommateurs achètent les produits du secteur, et les agriculteurs et l'industrie alimentaire offrent aux consommateurs la nourriture dont ils ont besoin pour survivre. Selon Agriculture et Agroalimentaire Canada, en 2005 — il s'agit des derniers chiffres disponibles, malheureusement —, les consommateurs canadiens ont dépensé un peu plus de 131 milliards de dollars en nourriture et boissons dans les magasins de détail et les restaurants.

On peut dire en général que le Canada s'est doté d'un excellent système de salubrité des aliments, mais ce système n'est pas infaillible. Il s'est produit de nombreux incidents graves de salubrité alimentaire, ces dernières années. L'Agence de la santé publique du Canada estime que 11 millions de Canadiens souffrent de maladies d'origine alimentaire chaque année. La majorité de ces cas sont mineurs, mais il y en a eu de plus graves, comme la listériose qui a causé 22 décès.

Selon des études, les consommateurs sont surtout préoccupés par la présence d'antibiotiques et d'hormones de croissance dans le bétail, la contamination microbienne attribuable aux pratiques de manipulation insalubre des aliments pouvant se propager dans la chaîne d'approvisionnement, les maladies animales et l'exposition aux pesticides, aux additifs chimiques et aux préservatifs.

Les consommateurs se disent aussi préoccupés de ce que 70 p. 100 des aliments et produits canadiens sont importés de 190 pays ayant divers niveaux de contrôle de la salubrité des aliments. Bien que l'ACIA ait l'intention de présenter une nouvelle réglementation pour mieux contrôler les produits importés, les consommateurs ne croient pas en la capacité du gouvernement de surveiller la sécurité de ces produits. Cette préoccupation s'explique en partie par la priorité que le gouvernement accorde à la certification des aliments à l'exportation plutôt qu'à la salubrité des aliments au Canada. La certification des exportations est obligatoire en vertu de la loi, et des pressions en matière de certification sont appliquées par des marchés exportateurs importants, comme les États-Unis et les entreprises qui font affaire dans le domaine de l'exportation des produits alimentaires.

Les préoccupations exprimées par les consommateurs ont été confirmées le mois dernier par une étude des Laboratoires des assureurs du Canada. L'étude a confirmé les constatations des études faites au Canada, soit que 74 p. 100 des Canadiens sont préoccupés par la salubrité alimentaire et que 70 p. 100 des consommateurs ne croient pas que les fabricants de produits alimentaires font suffisamment de tests avant d'introduire de nouveaux produits sur le marché.

Les Canadiens veulent connaître la provenance des aliments, avoir de l'information sur la salubrité du produit et savoir comment le produit a été fabriqué et modifié. Malheureusement, les étiquettes alimentaires actuelles sèment la confusion chez les consommateurs, lesquels se retrouvent mal informés. De plus, la majorité des consommateurs font peu confiance à l'information fournie par l'industrie agroalimentaire.

Les consommateurs craignent aussi que l'étiquetage ne soit pas une priorité pour le gouvernement qui perçoit cette question comme étant non reliée à la santé et à la sécurité. Malheureusement, les consommateurs n'ont pas la capacité de déterminer si l'information nutritionnelle qui figure sur un emballage est juste ou fiable.

Les répercussions des nouvelles technologies comme la nanotechnologie sont directement liées à l'innovation. À l'échelle mondiale, l'industrie agroalimentaire dépense des millions de dollars pour appliquer la nanotechnologie aux aliments aux fins du suivi des produits alimentaires, des aliments comme tels, des additifs alimentaires, de l'emballage, et cetera.

La mesure dans laquelle on réussira à appliquer les technologies dans ce secteur, à les gérer et à les faire accepter dépendra beaucoup de la confiance qu'elles inspirent aux consommateurs. Compte tenu des leçons tirées du débat sur les OGM, il est important que les avantages et les risques de la nanotechnologie soient cernés et discutés ouvertement avec le public.

La relation spéciale qu'entretiennent les êtres humains avec la nourriture, tant du point de vue culturel que personnel, fait en sorte que le recours à cette technologie dans le domaine alimentaire dépend beaucoup plus de la réaction des consommateurs que dans d'autres domaines, comme celui de la fabrication des bâtons de hockey, par exemple. En fait, de nombreux consommateurs et organismes environnementaux ont demandé que les nanomatériaux ne soient pas utilisés dans les aliments ou dans les emballages alimentaires jusqu'à ce qu'on ait prouvé qu'ils sont sécuritaires, et que les produits contenant des nanomatériaux soient étiquetés afin que les consommateurs puissent faire des achats informés.

En ce qui concerne l'acceptation par les consommateurs de la nanotechnologie dans le secteur de l'alimentation, les enjeux sont importants et le défi est de taille pour le gouvernement et l'industrie. Les consommateurs ont tendance à faire preuve de précaution dans leurs pratiques de consommation s'il y a un produit avec lequel ils ne sont pas à l'aise. Il est important que les avantages potentiels de cette technologie dans le domaine de la salubrité alimentaire ne soient pas perdus en raison de risques mal cernés ou gérés.

Dans le cadre de son mandat, le comité doit se demander ce qui peut être fait en matière de recherche et d'innovation pour régler certaines de ces préoccupations. Il faut faire participer les consommateurs et veiller à ce que l'information transmise sur la salubrité des produits alimentaires et la nouvelle technologie soient fiables. Autrement, les consommateurs vont se renseigner auprès de sources qui ne sont pas nécessairement fiables, ce qui causera des problèmes. Il faut que l'information qui atteint les consommateurs soit compréhensible, claire et accessible.

L'industrie doit participer à la recherche sur les meilleures façons d'informer les consommateurs et de les éveiller aux enjeux comme l'utilisation des pesticides, les pratiques actuelles de manipulation des aliments, le traitement des animaux et les nouvelles technologies. Dans le domaine de la nanotechnologie, la recherche à ce jour était surtout axée sur le développement et l'application de nanomatériaux à des produits. Il faut mener des recherches pour répondre aux questions des consommateurs sur les répercussions de ces matériaux sur leur santé et l'environnement, et sur la façon de gérer les risques possibles.

Il faut aussi faire de la recherche sur la détection rapide des agents pathogènes, sur l'efficacité de la surveillance continue ou intermittente des produits que le gouvernement exerce et sur les conséquences des changements climatiques sur les pratiques agricoles, les maladies animales et les organismes nuisibles. Il est difficile pour ceux qui représentent les intérêts des consommateurs de faire de la recherche en vue de préciser des positions de principe sur des questions agroalimentaires. Il n'est pas facile d'obtenir des fonds du gouvernement ou de l'industrie pour mener à bien ce genre d'analyse ou pour obtenir d'une université qu'elle fasse la recherche nécessaire.

Des consommateurs qui ont une vision négative ou qui sont mal renseignés cesseront d'acheter les produits, ce qui aura de graves conséquences pour le secteur. Nous aimerions attirer l'attention du comité sur l'importance d'investir continuellement dans la recherche à long terme — et non pas que dans la recherche ponctuelle, comme le veut la tendance au gouvernement — de sorte que les gouvernements et les entreprises puissent se pencher sur les aspects relatifs aux consommateurs.

Je vous remercie beaucoup de m'avoir écoutée. J'attends avec impatience de répondre à vos questions.

Le président : Je vous remercie, madame Nielsen.

Monsieur Cran, je vous demanderais de présenter votre exposé, s'il vous plaît.

Bruce Cran, président, Association des consommateurs du Canada : Bonjour, mesdames et messieurs les sénateurs. Je vous remercie de me recevoir.

Je représente l'Association des consommateurs du Canada. Notre organisme a 65 ans. Depuis tout ce temps, nous faisons au Canada tout ce qu'il faut pour les consommateurs : entre autres, nous discutons avec le gouvernement, nous intervenons dans les dossiers agricoles et sur presque tout ce qui peut intéresser les consommateurs, et à ce titre, nous avons saisi la Cour suprême du Canada de nombreux dossiers. Je vais limiter mes propos aux positions des consommateurs sur la salubrité alimentaire.

En tant que consommateurs, nous accueillons évidemment l'innovation, et nous voyons pour la plupart l'innovation comme de la recherche et du développement. Au Canada, nous faisons du très bon travail de recherche, mais on ne peut pas en dire autant pour le développement. Nous inventons des choses au Canada que nous perdons de vue parce que nous ne les utilisons jamais. Nous inventons des choses qui sont vendues à des entreprises commerciales et transférées ailleurs, puis qui nous reviennent à un moment donné pour nous être revendues, à prix fort, quand en fait nous avons déjà payé.

En ce moment, nous n'estimons pas que la salubrité alimentaire se limite aux produits agroalimentaires cultivés au Canada; il y a aussi ce qui vient après, jusqu'au jour où le produit arrive à nos portes, au magasin ou ailleurs. Presque à chaque mois, l'année dernière — et sans doute l'année d'avant, et chaque année de la dernière décennie — un produit alimentaire a été problématique au point de causer des malaises, la maladie et, parfois, la mort.

Il y a 30 ans, le Canada a consacré environ 86 millions de dollars au développement de l'irradiation. Avec le temps, cette technologie a été mise de côté; elle ne semblait pas très populaire et a été vendue à une autre entreprise. Une des entreprises qui a participé à l'achat était une entreprise canadienne appelée Iatron. J'imagine que leur intention était de se servir de cette technologie à des fins alimentaires, mais ce n'était pas le cas. Cette entreprise est aujourd'hui en affaires, entre autres dans le domaine du matériel médical, mais pas dans le domaine alimentaire.

Iatron, l'entreprise qui a payé 86 millions de dollars le travail de développement que nous avions réalisé en matière d'irradiation, a récemment ouvert une usine aux États-Unis et a virtuellement recréé celle qu'elle avait. L'usine là-bas a maintenant commencé à produire des aliments irradiés. Si les aliments irradiés avaient été à la disposition des Canadiens, et si ceux-ci avaient choisi de les acheter, on aurait évité de nombreux problèmes, dont celui de la listériose.

Nous venons de réaliser un sondage à ce sujet. Si je me souviens bien, nous savons maintenant que 67 p. 100 des Canadiens aimeraient avoir cette option. Nous ne disons pas que toute la nourriture devrait être irradiée. Les autres aliments devraient porter le symbole d'ionisation Radura qui doit figurer sur tous les aliments irradiés. Nous n'avons jamais fait de suivi à ce sujet, même si c'est la loi au Canada. Il y a deux groupes : ceux qui voudraient peut-être acheter ces produits et ceux qui veulent savoir que contient l'emballage. Rien de tout cela ne se produit en ce moment.

Le secteur de la technologie alimentaire qui fabrique la nourriture estime la production d'aliments irradiés comme étant trop difficile pour justifier les dépenses. La difficulté relève du mode d'obtention de la certification, si j'ai bien compris. Je crois que cette pratique devrait être simplifiée. J'ai déjà fait des déclarations publiques à ce sujet.

Je trouve triste qu'un procédé pour lequel nous avons dépensé 86 millions de dollars il y a environ 30 ans ne serve à rien. Cette technologie est à notre disposition maintenant et constitue selon moi la façon la plus évidente d'améliorer les produits alimentaires d'origine agricole au Canada.

Il y a un autre domaine où nous n'avons pas fait beaucoup de travail : nous n'avons pas renseigné les gens sur des procédés comme l'irradiation et sur l'utilisation d'autres denrées alimentaires produites au Canada. Mme Nielsen a raison lorsqu'elle dit que 70 p. 100 des denrées comestibles sont fournies au Canada par des fournisseurs étrangers. Je crois que les normes appliquées à ces produits sont inférieures à celles imposées aux aliments que nous produisons.

Les Canadiens veulent acheter des aliments d'origine canadienne, il n'y a aucun doute là-dessus. Mon organisme a travaillé à la promotion de l'étiquette « fait au Canada ». Nous nous sommes battus pendant de nombreuses années. J'ai trouvé surprenant que l'Association des consommateurs du Canada doive s'en mêler. Nous avons défendu l'idée lorsque le pourcentage était établi à 97 p. 100, je crois, et que les fabricants voulaient réduire le pourcentage à 80 p. 100.

Je voulais vous parler du programme Cultivons l'avenir, d'abord et avant tout, parce que nous y avons joué un rôle important. Nous avons appuyé de nombreuses demandes de financement de l'industrie dans le cadre du programme. Ce programme a connu beaucoup de succès, et je crois qu'il pourrait en être de même pour Cultivons l'avenir 2. J'aimerais que les consommateurs y contribuent davantage, car cela manquait dans le cadre de Cultivons l'avenir 1. Bien que je siège à de nombreux comités dans diverses provinces, ici et là, que j'examine ces programmes et que dans certains cas je contribue à diriger ces programmes, je suis surtout intéressé par ce qui touche les aliments canadiens. Ce sont les aliments canadiens que nous tentons de commercialiser de façon sécuritaire.

J'ai eu quatre ou cinq réunions avec des représentants provinciaux, récemment, et le mot « consommateur » n'a jamais été prononcé. C'est la Colombie-Britannique, je crois, qui a en ce moment le comité sur la salubrité alimentaire le plus avancé, mais dans l'expression de ses intentions relatives aux produits de l'avenir, il n'est pas question des « consommateurs » non plus.

Je presse les sénateurs d'y regarder de plus près. Les consommateurs sont là aussi. Au bout du compte, nous payons le salaire de tous, tout comme vous. Chacun, ici, est un consommateur.

Je suis venu aujourd'hui pour vous présenter un exposé de sept minutes, et voilà ce sur quoi je voulais faire mes observations. J'ai en tête les réponses à toutes sortes de questions et je serai heureux de répondre aux vôtres. Merci beaucoup.

Le président : Merci, monsieur Cran.

[Français]

Le sénateur Rivard : Merci de votre présentation. Je suis surpris de voir le pourcentage de consommateurs inquiets face aux produits importés. À l'heure actuelle, on importe et on exporte un certain nombre de produits, mais on sait que le Canada ne cesse, dans l'intérêt des Canadiens, de signer des ententes avec d'autres pays, en plus de l'ALENA, dont des pays d'Amérique centrale et d'Amérique du Sud. De plus, nous aurons bientôt un accord de libre-échange avec l'Union européenne. Cela veut dire que de plus en plus de produits agricoles de l'extérieur risquent d'envahir le marché canadien. Si on se fie aux statistiques présentes, les consommateurs devraient être encore plus inquiets.

Que suggérez-vous que l'on fasse pour rassurer ces consommateurs? D'autant plus que les fonctionnaires fédéraux à l'agriculture ont l'expérience pour s'assurer de la qualité, mais on ne peut jamais empêcher un consommateur d'avoir des craintes.

Auriez-vous des suggestions à faire au gouvernement pour rassurer le consommateur pour que le niveau d'inquiétude puisse baisser à un niveau raisonnable?

[Traduction]

M. Cran : Nous avons certaines préoccupations générales concernant les aliments importés, mais c'est l'Agence canadienne d'inspection des aliments qui en est responsable. Elle fonctionne selon le principe de la gestion des risques. À l'heure actuelle, je pense que c'est essentiellement acceptable. La gestion des risques n'est pas une façon aisée de gérer les aliments. On peut facilement avoir recours à la gestion des risques pour gérer l'argent; personne n'en mourra ou n'en subira de conséquences, mais si vous faites une erreur lorsque vous évaluez les risques liés aux produits alimentaires importés au Canada, des personnes peuvent devenir très malades, voire mourir.

L'ACIA vient tout juste d'annoncer un nouveau programme qui représente d'énormes changements; en fait, je m'y rends cet après-midi pour participer à son lancement. J'ai parcouru ces changements et je ne suis ni confiant, ni inquiet. Je veux voir comment le tout sera appliqué. Je pense que la meilleure chose que nous puissions faire est de prendre du recul et de voir comment le plan de l'ACIA sera mis en œuvre. Par la suite, nous avons l'intention d'agir au besoin en formulant des critiques ou en proposant des ajustements. Je pense que c'est un pas dans la bonne direction.

Monsieur le sénateur, vous parlez essentiellement de produits alimentaires importés. Pour moi, les produits importés et ceux qui sont produits au Canada sont tout à fait différents. Nous recevons de nombreuses plaintes sur les produits alimentaires canadiens. Il s'agit essentiellement de plaintes qui portent sur la disponibilité d'aliments produits localement. Certains groupes dans le monde aiment faire valoir le principe du régime des 160 kilomètres à la ronde et préconisent de ne rien acheter qui ait été produit à plus de 160 kilomètres de chez soi. Si vous le faites au Canada, vous allez mourir de faim. Je ne connais aucun endroit au Canada qui peut fournir des aliments à l'année. Ces principes ne soulèvent pas tellement l'enthousiasme de mon organisation. C'est formidable en Californie, mais c'est impossible ici. Nous sommes très intéressés par la salubrité des aliments, et j'espère que ce que l'ACIA s'apprête à faire rassurera les Canadiens.

Mme Nielsen : J'ai participé à la consultation sur la modernisation des activités d'inspection de l'ACIA et je pense que mon expérience en dit beaucoup sur les raisons pour lesquelles les consommateurs sont préoccupés. J'étais la seule consommatrice à la table — il n'y en avait pas d'autres —, et j'ai senti que le processus était une vaste manipulation, que les décisions avaient été prises avant la consultation et qu'il n'y avait véritablement pas de possibilités d'élaborer une politique, de faire une analyse ou de présenter le point de vue des consommateurs dans le cadre de ce processus.

Compte tenu de toutes les décisions que le gouvernement prend à l'heure actuelle concernant entre autres des accords avec d'autres pays, j'aimerais savoir combien de gens représentent les consommateurs à la table de discussion. Parallèlement à la recherche et au travail à exécuter, il faut entre autres inclure les consommateurs, susciter leur intérêt et veiller à ce qu'ils soient présents à la table.

Les gens se mobilisent, et ils sont préoccupés par les produits alimentaires importés. Il suffit de penser aux légumes frais en provenance du Mexique, où les normes environnementales ne sont pas les mêmes. Bien sûr, ils ont des normes sur papier, mais ils ne les mettent pas en pratique en ce qui a trait aux pesticides. Nous importons de la laitue mexicaine. Savez-vous combien de semaines sont nécessaires pour faire les analyses qui permettront de déterminer quels produits chimiques se retrouvent dans ce produit? Il faudra des mois avant que l'analyse soit faite par l'ACIA et qu'ils en fassent rapport. Le produit s'est retrouvé sur nos tablettes et a été consommé. Voilà le genre de choses qui préoccupent les consommateurs.

[Français]

Le sénateur Rivard : Comment des représentants de consommateurs peuvent juger la qualité d'un produit importé? C'est plus des spécialistes, des agronomes, des chercheurs qui ont la compétence que les simples consommateurs. J'étais comptable de formation et j'ai été homme d'affaires. Je me demande quelle compétence j'aurais pour représenter les consommateurs pour juger d'un produit agricole importé du Mexique ou du Chili.

[Traduction]

Mme Nielsen : Je suis d'accord avec vous. Il faut des experts qui soient capables de mener cette analyse. Et l'analyse doit être faite en laboratoire, où l'on peut vérifier la présence de produits chimiques. Il faut leur préciser les produits chimiques à rechercher. Lorsque je parle des consommateurs, je veux dire qu'ils doivent participer au processus dans son ensemble. Il ne faut pas s'attendre à ce qu'ils fassent des analyses exactes, parce que c'est impossible pour eux. Ils ne disposent pas des laboratoires nécessaires pour le faire. Je dis plutôt qu'ils doivent contribuer au processus et aux discussions, et il faut faire en sorte que l'ACIA se penche sur leurs préoccupations. Ils sont préoccupés parce qu'ils voient la façon dont on change les protocoles d'inspection et ils ont la perception, en raison de ce qu'ils voient dans les journaux, qu'une bonne partie des activités d'inspection seront supprimées. Des systèmes de gestion de la qualité comme l'analyse des risques et la maîtrise des points critiques c'est très bien, mais comme pour toute autre chose, des données inexactes mèneront à des résultats erronés.

M. Cran : Monsieur le sénateur, j'ai été membre du Conseil consultatif des sciences, qui fait partie d'Agroalimentaire Canada. Je pense que j'y ai siégé pendant 7, 8, ou peut-être même 10 ans. Les autres personnes qui siègent à ce conseil sont essentiellement des conseillers scientifiques de toutes sortes. Je n'ai qu'un rôle à jouer, et c'est celui de faire valoir le point de vue et les préoccupations des consommateurs à ce conseil. Dans bien des cas, je suis content d'y avoir été. Je pense avoir un rôle à jouer, sinon je quitterais ce conseil. Ma femme est comptable. Je ne voudrais pas qu'elle s'occupe d'examiner ce qui se passe avec les aliments. Elle est excellente pour compter des boutons et des haricots très bien. Dites-moi, elle ne recevra pas copie de ce que je dis?

Le président : C'est une séance publique.

M. Cran : J'ai un diplôme en agriculture. Je ne m'en sers pas vraiment. Je ne m'en suis jamais servi. Je comprends bien le domaine de l'agriculture, mais je siège à ce conseil seulement parce que j'ai 40 ans d'expérience dans le domaine de la défense des droits des consommateurs et c'est pour cette raison que je participe à ce genre de choses. Je suis certain qu'il en va de même pour Mme Nielsen. Je me donne constamment à ce genre de choses. Je ne sais pas comment j'ai pu rater la discussion où elle s'est retrouvée seule pour représenter les consommateurs. Je vous aurais appuyée, madame Nielsen, si j'avais su.

Mme Nielsen : C'était à Ottawa, en janvier.

M. Cran : Ah oui, je me souviens. J'étais pris ailleurs.

Le point de vue des consommateurs est extrêmement intéressant. Certains de mes associés au Conseil consultatif des sciences sont venus me voir après des réunions pour me dire : « Nous n'aurions jamais pensé à cela ». La nanotechnologie, dont on a discuté un peu plus tôt, est un sujet d'actualité. L'industrie voudrait en inonder le marché. Je pense que si nous n'étions pas présents, cela se produirait sans discussion. L'universitaire qui faisait partie du groupe de témoins précédents, le professeur, a mentionné trois groupes. Et les consommateurs n'en faisaient pas partie. Il est très important que les défenseurs des droits des consommateurs participent à ce genre de choses.

L'une des choses qui me désespèrent toujours, c'est que lorsque quelqu'un veut avoir un représentant des consommateurs, il va sur la rue Yonge et aborde la première personne qu'il rencontre. « Avez-vous acheté quelque chose récemment? Très bien, vous êtes un consommateur. Vous pourrez agir comme représentant ». Cela se produit constamment. Il y a une grande différence lorsqu'on fait affaire avec quelqu'un comme nous, au sein d'un conseil consultatif — quelqu'un qui a accumulé des connaissances sur une quarantaine d'années et qui a également la force, quelques fois, d'aller un peu à l'encontre des politiques publiques lorsqu'il sait qu'il faut tenir compte de l'ensemble alors que la plupart des gens examinent les choses à l'échelle microscopique.

[Français]

Le sénateur Rivard : J'ai beaucoup apprécié cette mise au point. Merci beaucoup.

Le sénateur Robichaud : Je crois que les représentants des consommateurs ont un rôle à jouer si ce n'est que de faire le lien entre les consommateurs et les différents groupes qui prennent les décisions. Je croirais que ce serait une question d'information.

[Traduction]

Monsieur Cran, vous parlez beaucoup d'irradiation. Vous avez dit que les consommateurs accepteraient cette façon de faire, car cela les rassurerait sur la salubrité des aliments s'ils connaissaient le processus. N'avez-vous pas dit qu'un grand pourcentage des consommateurs serait d'accord avec cette méthode?

M. Cran : Nous en sommes presque à 70 p. 100 des gens qui seraient prêts à choisir cette option, oui. Ce processus, le rayonnement par faisceau, est la seule méthode que je connaisse qui éliminera toutes ces bibittes — ou appelez-les comme vous le voulez. Je parle de bibittes, car les mouches des fruits figurent parmi les nombreux organismes que l'irradiation peut supprimer, mais pour tous les autres organismes, il n'y a rien d'autre. Nous disposons d'énormément de données scientifiques sur ce processus. En fait, je ne connais personne qui parle contre l'irradiation à l'heure actuelle.

Nous disons que l'option devrait être offerte. Si vous voulez vous en servir, c'est très bien. Sinon, ça va aussi. Nous disons aussi que pour toutes les autres choses qui sont irradiées, mais non étiquetées ici au Canada — parce que c'est la loi ici — il faudrait également le faire. Il y a donc deux volets.

Monsieur le sénateur, achetez-vous des mangues?

Le sénateur Robichaud : Oui, ma femme en achète. C'est elle qui fait l'épicerie.

M. Cran : Des ananas et d'autres fruits tropicaux?

Le sénateur Robichaud : Oui. J'en vois sur la table.

M. Cran : Allez donc faire un tour à Costco, à un moment donné, et vous verrez des mangues du Brésil et du Mexique, et elles sont en parfait état. Lorsque j'étais jeune, ma famille cultivait des mangues. Mon père était toujours à la recherche d'une voiture de course pour apporter les mangues au marché avant qu'elles se gâtent. Mais celles du Costco sont en parfait état. Eh bien, j'ai mes doutes, mais en fait, c'est plus que des doutes : ces fruits sont tous irradiés.

J'ai déposé une requête auprès de l'ACIA. Je sais qu'elle ne fait pas de vérification, mais je lui demande quand même de vérifier. Il n'y a aucun test que l'on peut faire au Canada, de sorte que les représentants de l'ACIA devront s'adresser à ces pays pour leur poser des questions.

J'ai beaucoup d'expérience. Je sais qu'il est impossible de cultiver des mangues et de les expédier par avion, par bateau ou par quelque moyen de transport que ce soit, et qu'elles arrivent en parfait état comme celles qu'on peut retrouver au Canada à moins qu'elles aient été irradiées. Par conséquent, l'irradiation est utilisée à l'heure actuelle. Il faudrait en être sûr également. Ce que nous voulons, c'est une ouverture à cet égard.

Connaissez-vous des gens qui s'opposent à l'irradiation des aliments? Je n'en ai pas rencontré beaucoup récemment. Nous avons fait faire un sondage par Ipsos Reid, qui est publié sur notre site Web. Tout le monde peut y accéder. Je pourrais le transmettre au greffier qui le fera circuler.

Le sénateur Robichaud : C'est tout simplement qu'on n'en a pas entendu parler. Il y a longtemps que j'ai entendu parler du traitement par irradiation. Je ne pensais pas qu'une décision avait été prise sur cette question.

M. Cran : Je ne sais pas si on délibère, mais ce n'est pas interdit par la loi au Canada. C'est tout simplement que...

Le sénateur Robichaud : Non, non. Je dis tout simplement cela du point de vue des consommateurs.

M. Cran : J'en parle depuis plus d'un an et je figure dans les journaux presque tous les mois sur cette question. C'est vraiment une question d'actualité.

Des Canadiens disent qu'ils préféreraient faire irradier les aliments plutôt que de courir le risque de mourir ou de tomber malade à cause d'une infection à l'E. coli ou à la listeria, deux organismes qui sont détruits par l'irradiation. Il existe de bons articles. J'en ai quelques-uns que je peux vous transmettre.

Le sénateur Robichaud : Pourriez-vous le faire par l'entremise du greffier?

M. Cran : Certainement.

Par ailleurs, il y a plus de 30 ans, les gens pensaient qu'il fallait prendre un morceau de quelque chose et le passer au- dessus des produits. Mais ça, c'était il y a 30 ans. Les jeunes Canadiens ne connaissent rien à ce sujet et c'est un peu triste parce que le gouvernement du Canada aurait dû informer les gens.

Nous ne disons pas que chaque aliment qui entre au Canada doit être irradié. Ce n'est pas du tout ce que nous préconisons. Nous voulons tout simplement qu'il y ait un choix. Nous voulons que cela se produise, et je fais tout ce que je peux pour que cela se réalise. Je vais vous transmettre ce que j'ai.

Le sénateur Robichaud : Madame Nielsen, vous avez parlé de laitue importée du Mexique. Oui, nous avons des traités sur l'utilisation de pesticides et de produits de ce genre. Toutefois, vous dites que, dans certains pays, la surveillance n'est pas aussi rigoureuse et que les aliments qui en sont importés ne font l'objet d'aucune analyse qui permettrait de détecter ces pesticides. Ne font-ils pas des vérifications ponctuelles de temps en temps?

Mme Nielsen : Oui. Je n'ai pas dit qu'il n'y avait pas d'analyse. Le problème consiste plutôt à faire le type d'analyse qui est requis. D'abord, il faut établir quelle sorte de produits chimiques on veut vérifier. Le produit est envoyé dans un laboratoire. Il faut une ou deux semaines pour faire l'analyse. Et avant que l'analyse soit faite, le produit a déjà été placé sur les tablettes, vendu et consommé.

Le sénateur Robichaud : Oui, je comprends cela.

Mme Nielsen : Je n'ai pas dit qu'il n'y avait pas d'analyse. Je dis tout simplement qu'il faut beaucoup de temps pour obtenir l'information qui est importante.

Le sénateur Robichaud : Toutefois, pour ce qui est des produits qui arriveraient après l'obtention des résultats des tests, n'y aurait-il pas une sorte d'avertissement disant que ce produit ne répond pas aux exigences des consommateurs canadiens?

Mme Nielsen : Il devrait y en avoir, mais le fait est que l'ACIA publie un rapport environ un mois ou deux après l'analyse, et à ce moment-là, ce n'est plus pertinent. Les nouveaux produits qui seraient importés présenteraient des résultats très différents. Il y a un manque d'inspecteurs pour faire ce travail. Je pense que, la plupart du temps, ils se fient au département de l'agriculture des États-Unis parce qu'on y réalise de nombreux tests.

Le sénateur Robichaud : Je trouve difficile de comprendre le bien-fondé d'une analyse qui n'aboutit à rien de concret.

Mme Nielsen : Je ne comprends pas pourquoi non plus, monsieur.

M. Cran : Si vous étiez à ma place, vous verriez ce genre de choses constamment. Vous souvenez-vous du problème du jus de carotte qui est survenu il y a quelques années, à Toronto? Est-ce que quelqu'un s'en souvient?

Ce jus de carotte était importé au Canada et, à ce moment-là, nous étions toujours soumis à l'ancienne Loi sur les produits dangereux, qui a été remplacée récemment. Toutefois, on avait affiché quelque chose sur le site Web de l'ACIA, ainsi que sur celui de Santé Canada. Il s'agissait d'un rappel en quelque sorte. Nous avons fait des analyses une première semaine, une deuxième semaine, une troisième semaine, une sixième semaine, et ces produits se trouvaient toujours sur les étagères. Il n'y avait aucune disposition à cet égard. Le rappel était essentiellement sur une base volontaire.

Même si de la laitue était trouvée impropre à la consommation, il était impossible de les faire retirer le jour même. Le système actuel le permettrait peut-être. Je ne sais pas s'ils peuvent le faire maintenant, avant que les gens les consomment.

Mme Nielsen : Non, ce n'est pas possible.

M. Cran : C'est ce que dit Mme Nielsen. C'est pour cette raison que je ne lis pas cette section. Je ne veux pas lire au sujet d'une laitue que j'ai peut-être mangée la veille et qui avait été trouvée impropre à la consommation. Lorsqu'on découvre un aliment contaminé, il n'y a pas de suivi, à ma connaissance; il n'y a pas de rappel, ni aucun autre mécanisme, de sorte que cela passe entre les mailles du filet.

J'espère que le nouveau système permettra de réagir. Le tout est basé sur la gestion des risques, et je comprends ce qu'ils veulent faire. Ils font certaines analyses. Il y a également la fois où l'on a trouvé du vert malachite dans le pangasius importé du Vietnam et de ce genre d'endroit. Les consommateurs allaient au magasin s'acheter du poisson sans savoir que la teneur en vert malachite se situait à des niveaux quelque 120 fois plus élevés qu'ils n'auraient dû l'être, ce qui est énorme. À cette époque, il y a quelques années, l'ACIA se dépêchait d'échantillonner cinq ou six poissons dans un contenant de 20 tonnes et d'en faire l'analyse. Ils pouvaient en tirer cinq ou six poissons tout à fait sains; je ne sais pas. Peut-être aussi que quelqu'un leur refile le poisson devant être analysé.

Ils ont ensuite réglé le problème. Nous sommes allés acheter 10 autres poissons pour les faire analyser. Encore une fois, ils étaient pleins de vert malachite. Finalement, le problème a été corrigé, mais ça n'a pas été facile.

Le sénateur Buth : Je vais essayer d'obtenir une réponse rapide à ma première question. Comment êtes-vous financés?

M. Cran : Personne en particulier ne nous finance. Nous comptons sur des contributions volontaires.

Le sénateur Buth : C'est du financement, mais je me demande comment vous bouclez votre budget.

M. Cran : Nous avons un petit budget. Notre financement est médiocre. Nous sommes l'un des derniers groupes bénévoles. Nous avons 65 bénévoles qui travaillent pour nous. Lorsque je partirai, je serai peut-être le dernier. Je ne sais pas.

Le sénateur Buth : Très bien, mais il y a des gens qui paient une cotisation?

M. Cran : C'est un montant insignifiant.

Le sénateur Buth : Très bien, merci.

Mme Nielsen : Nous sommes financés à peu près de la même manière. Nous n'obtenons pas beaucoup de fonds pour faire l'analyse de politiques. C'est un des problèmes que le gouvernement constatera, nous l'espérons : s'il veut obtenir une contribution de la part des consommateurs ou du public, il devra envisager de financer cela, parce que nous n'avons tout simplement pas les fonds pour le faire. L'ensemble du travail est accompli par des bénévoles. Même notre directeur général n'est payé qu'à temps partiel. Nous n'avons tout simplement pas de personnel pour le faire. C'est grâce aux contributions individuelles, ou aux contrats que nous obtenons pour la réalisation de projets particuliers.

Le sénateur Buth : J'aimerais revenir à quelques-unes de vos observations, madame Nielsen. Vous dites que vous estimez que le système alimentaire canadien est relativement sûr.

Mme Nielsen : Oui.

Mme Buth : Mais nous finissons par parler d'exemples qui font en sorte que le public croit qu'il y a toutes sortes de problèmes qui existent. J'aimerais tout simplement confirmer quelques impressions que j'ai eues au fil des ans.

L'une de ces impressions, c'est que les risques de maladies d'origine alimentaire sont principalement liés à la façon dont les consommateurs manipulent les produits à la maison. Lorsque j'ai examiné l'information du Centre for Disease Control des États-Unis ou de l'Agence de santé publique du Canada — et vous avez dit que 11 millions de personnes ont des maladies d'origine alimentaire —, j'ai constaté que la plupart des maladies d'origine alimentaire sont causées par ce que le consommateur devrait faire avec la nourriture, une fois à la maison, mais qu'il ne fait pas. Je me demande si c'est toujours le cas. Que faites-vous pour informer les consommateurs sur la manipulation des aliments?

Mme Nielsen : C'est très vrai. Environ 20 p. 100 des problèmes sont causés par autre chose que la manipulation, mais une grande partie des cas d'intoxication découle de la manipulation des aliments, à la maison ou dans les restaurants. Toutefois, nous ne faisons pas grand-chose pour informer les gens parce que nous n'en avons tout simplement pas les moyens. C'est l'un des problèmes. Tout ce que nous pouvons faire, c'est essayer d'encourager des organismes comme l'ACIA et Santé Canada à faire ce travail, et ils transmettent effectivement une partie de cette information.

Malheureusement, dans bien des cas, pour bien des sujets de préoccupation, ils ne s'adressent pas aux consommateurs. En réponse à un de nos sondages, nous avons reçu comme commentaire : « silence assourdissant du côté du gouvernement ».

Le sénateur Buth : Quelle est la principale préoccupation des consommateurs concernant la salubrité des aliments, selon les sondages que vous avez vus ou que vous avez réalisés?

Mme Nielsen : Le sondage auquel j'ai participé ne portait pas directement sur la salubrité des aliments. Il s'agissait de préoccupations liées à la nanotechnologie. C'est celui auquel j'ai participé.

Le sénateur Buth : C'était un sondage bien précis.

Mme Nielsen : Il était très précis. C'était un sujet de préoccupation parce qu'ils n'en savaient rien. En général, les gens se préoccupent de la salubrité des aliments qu'ils consomment, mais je n'ai pas fait de sondage là-dessus.

Le sénateur Buth : Je m'en préoccupe également.

Mme Nielsen : Ils s'inquiètent aussi des produits importés.

Dans bien des cas, il s'agit de perceptions, et c'est un des problèmes majeurs. Selon nos analyses, si on ne communique pas avec les consommateurs, ils obtiendront principalement l'information des médias parce qu'ils n'ont pas le temps d'examiner ou d'analyser des aspects complexes.

M. Cran : Je dirais que ce qui fait le plus peur, c'est la crainte d'une vaste contamination. À l'heure actuelle, nous avons été très chanceux, mais quand on tient compte de tous les articles qu'on peut lire chaque semaine, on sait bien qu'un de ces jours, une contamination tuera 1 000 personnes et en rendra 5 000 autres malades. Voilà ce qui nous préoccupe le plus dans mon organisation. C'est l'information que nous obtenons des gens qui communiquent avec nous. Si nous faisons un sondage, c'est tout simplement pour confirmer ce que nous savons déjà.

Le sénateur Buth : J'essaie de soulever une question dont on parle constamment, c'est-à-dire l'éducation du consommateur.

M. Cran : Nous ne faisons pas d'éducation des consommateurs. Nous avions l'habitude de le faire.

Le sénateur Buth : Je comprends que vous ne le faites pas. Je dis simplement que nous parlons de la nécessité d'éduquer le consommateur, mais qu'il obtient de l'information des journaux et d'Internet, ce qui lui permet de nos jours d'accéder à toutes sortes d'information — une partie est valable, tandis que l'autre est inexacte.

Auriez-vous des idées pour la conception d'un programme qui chercherait à faire passer un message pas très séduisant aux consommateurs tout en attirant leur attention?

Mme Nielsen : Je ne suis pas experte en sensibilisation, et il faut le dire, mais il y a d'excellents exemples. En Europe tout particulièrement, on a éveillé l'intérêt des consommateurs pour la nanotechnologie. Je vais parler de la nanotechnologie parce que j'ai fait de la recherche sur la question. Les consommateurs se sont intéressés ainsi à une question très complexe et très peu séduisante. Par exemple, nanoAlberta a un excellent programme qui cible les jeunes à l'école, de la première à la douzième année, et qui leur parle très efficacement de nanotechnologie. Ils ont produit beaucoup de vidéos intéressantes, et ils sont capables de le faire.

Il existe d'autres exemples. La province de l'Île-du-Prince-Édouard fait de l'excellent travail dans le domaine de l'efficacité énergétique et fait très bien passer ce genre de messages aux consommateurs. On pourrait se servir de ces exemples.

Il ne s'agit pas juste de fournir de l'information sur un site Web. Il y a plusieurs années, le secrétariat de l'alphabétisation qui existait à l'époque a entrepris une étude qui a révélé qu'à peu près 35 p. 100 des Canadiens étaient analphabètes, en français ou en anglais. Ce n'est pas tout le monde qui a un ordinateur. Nous espérons qu'Industrie Canada s'assurera de l'accès aux bibliothèques et aux ordinateurs, parce que les gens n'ont pas toujours des ordinateurs chez eux. Néanmoins, l'information sur un site Web, ce n'est pas suffisant; les gens n'ont pas le temps d'aller faire des recherches sur chaque petite question.

Le sénateur Buth : Ce sont des exemples intéressants. Merci beaucoup.

Le sénateur Mahovlich : Nous importons les produits de 190 pays.

Mme Nielsen : Selon Agriculture et Agroalimentaire Canada.

Le sénateur Mahovlich : En tant que conseil, évaluez-vous les pays en fonction de la salubrité des aliments? Y a-t-il une cote? Si je vais au magasin, faudrait-il un drapeau rouge qui me signalerait qu'un produit vient du Mexique?

M. Cran : Quelqu'un viendrait nous tuer si on faisait ça.

Le sénateur Mahovlich : Ah, oui?

M. Cran : Ne dites pas que j'ai fait une erreur. Je me suis attaqué à la question il y a quelques années, plutôt sérieusement. Et j'ai reçu des appels haineux pendant six mois après ça. J'ai reçu une lettre de l'un des ministères du gouvernement me disant que je ne pouvais pas en parler ainsi, mais ça ne m'a pas empêché de le faire.

Le sénateur Mahovlich : De temps en temps, je vais faire des achats moi-même. Devant un produit Del Monte ou Chiquita, je me sens tout à fait en sécurité. J'en consomme avec plaisir depuis toujours. Parfois, si je ne trouve pas ce produit au magasin, mais qu'il y a un autre fruit dont je ne peux connaître la provenance, c'est difficile. Rien n'est indiqué, mais on sait qu'il n'y a pas l'étiquette Del Monte ou Chiquita dessus.

M. Cran : Connaissez-vous les tomates de serre de la Colombie-Britannique? On les trouvait partout à une époque. Pour une raison ou une autre, ils ont commencé à faire pousser des tomates au Mexique et ont utilisé le nom de marque de ces tomates de serre de la Colombie-Britannique. Un jour, une petite dame m'a appelé, puis un petit oiseau m'a dit ce qui s'était passé.

Le sénateur Mahovlich : Ah oui, je vois.

M. Cran : J'ai donc rendu l'affaire publique.

Le sénateur Mahovlich : Publicité trompeuse.

M. Cran : C'était de la publicité trompeuse. Quoi qu'il en soit, le Bureau de la concurrence n'a rien fait.

Lorsque ça s'est su, les représentants des tomates de serre de la Colombie-Britannique m'ont appelé. C'était eux les propriétaires, et ils ont capitulé. Maintenant, les tomates viennent du Mexique ou d'ailleurs.

Nous produisons d'excellents produits ici, au Canada, et si nous les étiquetons, il faudrait que cela ait de la valeur. Je n'ai jamais réalisé de sondage là-dessus, mais je sais que les Canadiens nous disent qu'ils sont prêts à payer plus pour un bon produit du Canada.

Le sénateur Mahovlich : Nous avons visité une usine de tomates au Québec, Saputo. J'ai trouvé les produits, et ils sont très bons.

M. Cran : Comment pouvons-nous ne pas être d'accord? C'est ce qu'il y a de meilleur au monde. On est toujours en train de me critiquer. Les gens m'appellent et me disent que je suis en train de leur dire de traverser la frontière et d'acheter là-bas. Je ne dis jamais ça. Je dis qu'il faut connaître le prix de l'autre côté de la frontière. C'est la même chose avec les fruits. Il faut savoir d'où ils viennent. Vous êtes très sages. Vous ne devriez pas acheter de produits sans marque, et il faut faire très attention. La différence peut être énorme. Parfois, vous achetez de grosses pommes de terre, et lorsque vous les coupez, elles sont brunes au milieu. Je déteste cela. Si vous trouvez la marque, rayez-la de votre liste.

Mme Nielsen : En ce qui concerne Del Monte et les grosses entreprises, rappelez-vous qu'elles veulent protéger leur marque, et c'est souvent assez pour les motiver à s'assurer de vendre des produits salubres. Les détaillants commencent à prendre des mesures de gestion afin de veiller à ce que les produits qu'ils vendent respectent des normes de salubrité très élevées. Lorsque j'ai participé à une réunion sur les nouvelles inspections avec des représentants de l'industrie, on me disait que parfois, leurs propres systèmes étaient plus détaillés et plus rigoureux que le système de réglementation canadien.

Le sénateur Eaton : J'ai un commentaire et ensuite une question. Nous devrions peut-être recommander dans notre rapport que l'industrie elle-même soit responsable de la sensibilisation. Avant l'Action de grâce, les producteurs de dinde sont toujours en train de rappeler aux gens de se laver les mains et de bien frotter. Peut-être que les vendeurs de bœuf et de fruits de mer devraient intégrer cela dans la publicité de leurs produits.

Nous allons entamer des négociations de libre-échange avec le Japon, la Corée et l'Union européenne, pour n'en nommer que quelques-uns, et il est question aussi du partenariat transpacifique. Ils sont très exigeants en ce qui a trait à nos industries laitières et ovocoles, et nos OMG. Est-ce que nous devrions aussi être exigeants et déclarer que nous n'importerons pas et n'utiliserons pas de produits qui contiennent des antibiotiques ou des hormones? Est-ce que nous le faisons maintenant, et est-ce que nous devrions le faire?

M. Cran : Personnellement, j'appuie le libre-échange, et mon organisme aussi. Je ne crois pas que nous devrions faire cela. Il est très difficile de parler du secteur laitier et du secteur ovocole. Je l'ai déjà soulevé plusieurs fois, indépendamment des autres questions.

Le sénateur Eaton : Je ne parle pas de notre position de négociation. Je demande ce que nous devrions demander en retour.

M. Cran : Nous commençons à exiger d'eux des certificats de salubrité. Je crois qu'on pourrait commencer par cela et, ensuite, même si ce n'est pas tout de suite, si cette approche échoue, on pourrait exiger la pasteurisation ou le type de radiation que nous effectuons ici au Canada, pour que vous sachiez ce qui se passe. Tout le monde fait ce qu'il veut. Ils font toutes sortes de choses.

Le sénateur Eaton : Les transformateurs nous ont dit que le système de réglementation au Canada est onéreux. Le processus d'approbation d'un nouveau produit prend de quatre à six ans, ce qui, selon eux, est trop exigeant; cela les met dans une position de désavantage concurrentiel comparé aux produits américains. Êtes-vous d'accord avec cet avis, ou pensez-vous que ce n'est pas bien fait? Que pensez-vous de notre système de réglementation?

M. Cran : J'en ai déjà entendu parler, mais je n'ai jamais vu moi-même le genre de cauchemar qui dure six ans. Cela dépend du produit. Si c'est un médicament ou un produit semblable, c'est peut-être le cas, mais pas pour les produits alimentaires courants.

Le sénateur Eaton : Non, ça prend jusqu'à quatre ans.

M. Cran : Quatre ans? C'est ridicule.

Mme Nielsen : De quel genre de produits alimentaires parlez-vous?

Le sénateur Eaton : Les aliments transformés, pas seulement...

Mme Nielsen : Comme un aliment nouveau, par exemple?

Le sénateur Eaton : Je pense que oui.

Mme Nielsen : Avec un additif alimentaire approuvé par Santé Canada, oui.

M. Cran : On se penche là-dessus actuellement. Ça prend 42 mois pour modifier deux ou trois mots dans la réglementation. Et c'est sans compter le dépôt devant la Chambre. Nous nous penchons sur tout cela actuellement. Quatre ans, c'est vraiment beaucoup.

Le sénateur Eaton : Oui, et selon eux, ça les met dans une position de désavantage concurrentiel.

Mme Nielsen : Je crois qu'il faut faire très attention. En ce qui a trait au secteur des médicaments, l'industrie s'est plainte du temps que le processus d'approbation des médicaments exige au Canada. Cependant, la FDA commence à compter le délai beaucoup plus tard dans le processus. Ils font beaucoup de travail préliminaire; on a donc l'impression que le processus d'approbation est plus court, mais ça ne l'est pas. Je crois qu'il faut faire attention. Grâce à la Commission sur la réduction de la paperasse, et grâce au travail accompli dans le cadre de cette initiative sur la réduction de la paperasse, espérons qu'il y aura beaucoup moins de cauchemars administratifs.

Le président : J'aimerais souligner aux témoins et au public qui nous écoute que, selon le site Web de l'Agence canadienne de l'inspection des aliments, l'irradiation des aliments est acceptable et, actuellement, les aliments qui peuvent être irradiés sont les oignons, les pommes de terre, la farine de blé, la farine de blé entier et les épices entières ou moulues. Les assaisonnements déshydratés peuvent aussi être irradiés et vendus au Canada.

J'aimerais remercier les témoins de nous avoir fait part de leurs points de vue et de leurs commentaires.

(La séance est levée.)


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