Aller au contenu
AGFO - Comité permanent

Agriculture et forêts

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent de
l'Agriculture et des forêts

Fascicule 23 -Témoignages du 16 octobre 2012


OTTAWA, le mardi 16 octobre 2012

Le Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts se réunit aujourd'hui, à 17 h 6 afin d'examiner, pour en faire rapport, les efforts de recherche et d'innovation dans le secteur agricole (sujets : les nanotechnologies et les défis liés à la recherche appliquée dans le secteur agricole; et les débouchés dans le secteur de l'énergie renouvelable et leurs répercussions sur l'innovation en agriculture).

Le sénateur Percy Mockler (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Permettez-moi d'abord de souhaiter la bienvenue aux témoins, que je présenterai officiellement un peu plus tard.

Bienvenue à cette séance du Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts. Je m'appelle Percy Mockler, je représente le Nouveau-Brunswick et suis président du comité. J'aimerais maintenant demander à mes collègues de bien vouloir se présenter.

Le sénateur Merchant : Pana Merchant, de la Saskatchewan.

[Français]

Le sénateur Robichaud : Fernand Robichaud, Saint-Louis-de-Kent au Nouveau-Brunswick.

[Traduction]

Le sénateur Mahovlich : Frank Mahovlich, de l'Ontario.

Le sénateur Callbeck : Catherine Callbeck, de l'Île-du-Prince-Édouard.

Le sénateur Plett : Don Plett, du Manitoba.

Le sénateur Buth : JoAnne Buth, du Manitoba.

Le sénateur Eaton : Nicole Eaton, de l'Ontario.

Le sénateur Duffy : Mike Duffy, de l'Île-du-Prince-Édouard.

[Français]

Le sénateur Maltais : Ghislain Maltais, Québec.

Le sénateur Rivard : Michel Rivard, Les Laurentides, Québec.

[Traduction]

Le sénateur Mercer : Terry Mercer, de la Nouvelle-Écosse.

Le président : Merci, sénateurs.

[Français]

Comme vous le savez, l'ordre de renvoi au comité spécifie ceci :

Le comité sera autorisé à examiner les efforts en matière de recherche et de développement, notamment en ce qui concerne le développement de nouveaux marchés domestiques et internationaux.

[Traduction]

Nous examinons aussi les moyens à mettre en œuvre pour favoriser le développement durable en agriculture. Notre ordre de renvoi nous confie un autre mandat, celui de l'amélioration de la diversité et de la sécurité alimentaires.

Le comité poursuit son étude sur les efforts de recherche et d'innovation dans le secteur agricole.

Nous recevons aujourd'hui deux groupes de témoins. Nos premiers témoins nous parleront de nanotechnologie et des défis liés à la recherche appliquée dans le secteur agricole. Les témoins du second groupe traiteront des débouchés dans le secteur de l'énergie renouvelable et de leurs répercussions sur l'innovation en agriculture.

Honorables sénateurs, je souhaite avant tout remercier les témoins d'avoir accepté notre invitation et de bien vouloir nous faire part de leurs opinions, de leurs recommandations et de leurs visions quant aux prochaines étapes en agriculture.

[Français]

Nous recevons Mme Maria Derosa, professeure agrégée de chimie à l'Université Carleton.

[Traduction]

Madame DeRosa, merci d'avoir accepté notre invitation.

Nous accueillons également, Suresh Neethirajan, du laboratoire BioNano de l'Université de Guelph.

J'invite maintenant les témoins à faire leurs exposés. Le greffier m'informe que c'est M. Neethirajan qui va commencer.

Suresh Neethirajan,Laboratoire BioNano, Université de Guelph : Bonjour, monsieur le président et honorables sénateurs. Merci de me donner l'occasion de comparaître devant le comité permanent.

Je m'appelle Suresh Neethirajan et je suis professeur adjoint à l'Université de Guelph. Je suis un Canadien qui a fait ses études à l'Université du Manitoba avant de se spécialiser en nanotechnologie à l'Université d'Oxford, en Grande- Bretagne. Avant mon poste actuel, j'ai travaillé comme scientifique à l'organisation nationale de recherche sur l'agriculture et l'alimentation à Tsukuba, au Japon, et comme ingénieur de recherche au Oak Ridge National Laboratory du département de l'Énergie des États-Unis.

En cette Journée mondiale de l'alimentation, le moment ne saurait être mieux choisi pour parler des applications et des implications de la nanotechnologie pour l'agriculture canadienne. Il va de soi que les nanotechnologies offrent d'énormes avantages par rapport aux technologies agricoles plus conventionnelles.

Le laboratoire de bionanotechnologie de l'Université de Guelph s'emploie à étudier les différents aspects des systèmes biologiques à l'échelle nano et à créer des applications pour les systèmes agricoles. Le laboratoire part de recherches dictées par la simple curiosité scientifique pour passer à des recherches appliquées visant la création de solutions novatrices pour les secteurs agricole et agroalimentaire. Citons parmi les produits de recherche du laboratoire des surfaces intelligentes améliorées par micro/nano ingénierie pour la prévention et le contrôle de l'encrassement biologique dans le secteur alimentaire; des capteurs de surveillance de la qualité des grains au moyen des nanoparticules; et de nouveaux systèmes microfluidiques pour le diagnostic de maladies.

J'aimerais vous parler aujourd'hui de financement gouvernemental, de gestion du risque et d'acceptation de la nanotechnologie par la population. Ce sont les trois grands défis à relever actuellement dans le secteur de la recherche appliquée à l'agriculture.

Le Canada a moins de chercheurs en nanotechnologie que des pays plus peuplés, comme les États-Unis et la Chine, mais nos chercheurs sont plus productifs quant au nombre moyen d'articles publiés. L'annulation de programmes de financement comme le Programme de subventions d'outils et d'instruments de recherche et de grandes sources de soutien comme le CRSNG au niveau fédéral, et le Programme d'excellence en recherche du Fonds pour la recherche en Ontario au niveau provincial sont des coups durs qui freineront grandement l'élan du programme de recherche en nanotechnologie et nuiront à la capacité d'innover. Il est grand temps d'agir en créant des conditions favorables pour inciter les chercheurs à poursuivre sur leur lancée.

La recherche requiert beaucoup de temps. Pour passer d'une idée à une innovation, puis à un produit, il faut pouvoir compter sur un financement continu. L'incertitude entourant les droits et la réglementation en matière de propriété intellectuelle peut également être problématique. Il est essentiel que le gouvernement maintienne son investissement dans la recherche fondamentale et appliquée. Certains de nos collaborateurs du secteur privé sont disposés à fournir des contributions, non financières uniquement, pour appuyer nos projets. De plus, les grandes industries, surtout dans le secteur agricole et alimentaire, ne sont pas prêtes à collaborer ouvertement si la proposition de projet comporte le mot « nano », car elles craignent pour leur réputation.

Nous avons obtenu un brevet américain pour un capteur à nanoparticules permettant de contrôler la qualité d'aliments entreposés. Il s'agit maintenant de voir comme nous pouvons faire de cette invention un produit commercial. À mon avis, la plupart des industries canadiennes appuient les avancées d'inspiration technologique, plutôt que les innovations dictées par le marché. En fait, les agriculteurs canadiens s'en remettent à un simple câble à thermocouple pour contrôler la qualité du grain. C'est une méthode plutôt inefficace pour la surveillance de la qualité, car le grain est mauvais conducteur de chaleur. Notre système de détection breveté utilise le dioxyde de carbone, d'autres molécules, l'odeur et d'autres biomarqueurs connexes pour contrôler efficacement la qualité du système d'entreposage des grains. Bien qu'il y ait une forte demande pour ce système de surveillance de la qualité basée sur des nanoparticules et des matières nano, les entreprises canadiennes semblent agir davantage en fonction de considérations purement technologiques.

N'oublions pas qu'il y a, il faut le reconnaître, des déficiences dans la réglementation s'appliquant actuellement à la nanotechnologie. Il y a en outre des lacunes importantes en matière de sensibilisation et d'information du public quant aux impacts de la nanotechnologie pour l'agriculture et le conditionnement des aliments. Il serait bon que le gouvernement et l'organisme de réglementation adoptent une approche proactive, afin d'éviter tout risque imprévisible pour la santé en créant une réglementation adaptée aux nanoproduits.

Ces lignes directrices sont d'autant plus essentielles qu'elles favoriseront la croissance du secteur agricole à long terme tout en contribuant à éliminer les risques pour la santé. Ces lignes directrices influeront par ailleurs sur la recherche en nanotechnologie en l'axant davantage vers la sécurité et la toxicologie. Les entreprises seront contraintes d'utiliser un étiquetage indiquant clairement les ingrédients présents sous forme de nanoparticules. Les sociétés de produits chimiques à usage agricole et le secteur de la transformation des aliments pourraient être tenus d'effectuer une évaluation des risques avant de mettre un produit sur le marché. Il n'existe pas de protocole homologué pour tester les nanomatériaux. Des recherches à venir sur l'exposition humaine aux nanomatériaux, leur toxicologie et leur biocinétique pourraient rendre la démarche scientifique encore plus complexe. Bien que la réglementation gouvernementale puisse sembler néfaste à l'innovation fondée sur la nanotechnologie, j'y vois plutôt une force motrice pour la promotion de la nanotechnologie dans le domaine agricole.

Il n'y a pas de consensus parmi les chercheurs en nanotechnologie quant à la définition du terme « nano », et plus particulièrement de la taille. On s'entend généralement sur une fourchette de 1 à 200 nanomètres pour une nanoparticule, mais les particules de 150 nanomètres et plus n'ont peut-être pas de répercussions aussi graves en ce qui concerne les risques pour la santé. Les définitions et la fourchette de 1 et 100 nanomètres proposées par la National Nanotechnology Initiative des États-Unis se basent avant tout sur les produits non alimentaires et non agricoles de la nanoscience. En l'absence d'une définition claire officiellement reconnue partout dans le monde pour le mot « nano » et d'une fourchette de taille acceptée pour ce terme, la mise en œuvre d'une nouvelle réglementation gouvernementale en la matière pourrait poser un véritable défi du point de vue stratégique et technique.

Outre les mandats de divulgation volontaire pour les secteurs industriels, l'agence de réglementation du gouvernement pourrait peut-être établir une plateforme ou une source web pour informer la population des nanoproduits disponibles sur le marché canadien. Il faut faire mieux connaître et, partant, mieux accepter les nanoproduits issus de la recherche agroalimentaire si on veut en assurer la commercialisation réussie. Les nouvelles mesures législatives devraient comporter des dispositions explicites concernant différents nanomatériaux. La réglementation pourrait, par exemple, établir une liste de substances autorisées pouvant servir de composantes aux fins d'un conditionnement intelligent et actif des emballages et des surfaces pour les applications visant à prévenir l'encrassement biologique.

Il conviendrait d'établir au Canada un réseau de centres d'excellence en nanotechnologie pour l'innovation agroalimentaire. Un tel pôle voué à l'agriculture pourrait assurer au Canada une infrastructure durable permettant d'accélérer le développement de la nanotechnologie agricole. La création d'un tel pôle de recherche et développement facilitera les partenariats entre les universités, le secteur privé et les laboratoires de recherche gouvernementaux.

Pour sensibiliser la population, le gouvernement pourrait créer des plateformes de communication préalables à la commercialisation, à même de constituer un fondement pour l'innovation. La participation de la population à tous les stades du processus de recherche et d'innovation est essentielle pour l'aspect sociétal de l'adoption des nanotechnologies. L'éducation et la recherche vont de pair. Je crois que l'Université de Guelph et l'Université de Waterloo sont les deux seules institutions dans tout le pays à proposer des programmes spécialisés, à savoir des baccalauréats en nanosciences et en génie nanotechnologique. Il faut davantage de programmes semblables, de préférence aux mineures en nanotechnologie. J'ai toute une liste de recommandations à vous faire.

Merci.

Maria DeRosa, professeure agrégée, Chimie, Université Carleton : Merci de m'avoir invitée une autre fois à comparaître devant votre comité. Nous parlons aujourd'hui de nanotechnologie et d'agriculture. Je pense que l'on vient de vous présenter un survol intéressant des défis propres à la nanotechnologie en plus de quelques points de vue d'ordre général. J'aimerais mettre en lumière l'application de la nanotechnologie au cas particulier des engrais, un domaine que j'ai appris à bien connaître dans le cadre de mes travaux de recherche.

Je suis professeure de chimie à l'Université Carleton, où j'effectue des recherches. Soit dit en passant, Carleton offre elle aussi, comme Guelph et Waterloo un baccalauréat en nanosciences. J'enseigne la nanotechnologie et je fais des recherches en la matière.

Mes travaux portent sur l'utilisation de l'ADN comme base pour la nanotechnologie. J'expliquerai ce que cela veut dire dans un moment, mais je voudrais d'abord vous parler des façons dont la nanotechnologie sera peut-être en mesure de résoudre certains des problèmes liés à la production alimentaire. Je traiterai notamment de l'utilisation de la nanotechnologie pour l'engrais et les autres intrants de la production agricole.

En 2009, j'ai préparé un examen prospectif du recours à la nanotechnologie pour les engrais, destiné au Bureau sur la sécurité des engrais de l'ACIA. J'ai aussi publié un article à ce sujet dans la revue Nature Nanotechnology, en 2010.

Vous le savez sans doute, vu le travail effectué par votre comité, que l'agriculture va devoir affronter d'énormes défis, au Canada et dans le monde. Il va falloir notamment trouver des façons de répondre à une demande de plus en plus forte, de façon économique et sans nuire à l'environnement. C'est un grand défi.

En 2007, le directeur général de l'Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture a fait la déclaration suivante : « Il n'est pas possible de nourrir 6 milliards de personnes aujourd'hui, et 9 milliards en 2050, sans une utilisation judicieuse des engrais chimiques. » Je souligne le mot « judicieuse ». Il faut que nous utilisions des engrais, mais de façon prudente. Si les engrais sont nécessaires à la productivité agricole, pourquoi alors s'en inquiéter? Pourquoi les engrais ont-ils si mauvaise presse?

Les engrais présentent des avantages, mais ils entraînent également des coûts : des coûts économiques pour l'agriculteur, qui doit payer l'engrais; et un coût environnemental. Nous le savons. Quel est le problème principal? Le véritable problème en ce qui concerne les engrais n'est pas leur utilisation comme nutriment pour les récoltes — ils sont faits pour cela. Ils sont conçus pour fournir des nutriments permettant aux récoltes de croître et d'ainsi augmenter les rendements aux fins de notre approvisionnement alimentaire.

Le problème, c'est le manque d'efficacité des engrais. Je vais parler essentiellement des engrais azotés, parce que c'est avec ceux-là que nous travaillons. De 50 à 70 p. 100 de l'azote des engrais appliqués aux terres agricoles ne sont pas capturés comme azote par la récolte. Cet azote se disperse plutôt dans l'eau, dans l'air ou reste coincé dans le sol. Tout ce gaspillage d'engrais est coûteux pour les agriculteurs. Environ 1 milliard de dollars par année est ainsi perdu, emporté par les eaux. Cela constitue également un problème environnemental. Il faut l'admettre. Si l'engrais finit dans l'eau, il peut entraîner des zones mortes. S'il finit dans l'air, il produit des gaz à effet de serre. C'est un problème dans un cas comme dans l'autre.

Mais le problème n'est pas dû à l'engrais; il est dû à son terrible manque d'efficacité. Comment résoudre ce problème? Il nous faut des engrais pour améliorer le rendement des cultures, mais les engrais sont une mauvaise chose quand ils finissent au mauvais endroit. Alors, que faire? Il faut arriver à en faire plus avec moins.

C'est là que pourrait intervenir la nanotechnologie. Qui dit nanotechnologie, dit forcément en faire plus avec moins. Si nous pouvons améliorer l'efficacité des engrais, nous pouvons en maximiser les avantages tout en minimisant les effets néfastes.

Vous avez déjà entendu une bonne définition de la nanotechnologie : de 1 à 100 nanomètres. Je n'y reviendrai pas. Mais je voudrais souligner que les nanoparticules et les nanomatériaux sont différents non seulement parce qu'ils sont petits, mais du fait également de propriétés très particulières. C'est en bonne part à cause de leur dimension, mais aussi pour des raisons électroniques que ces différences existent. Être différent peut être utile, mais aussi nocif, ne le perdons pas de vue.

Revenons au problème. Si nos nutriments pouvaient accéder plus efficacement à la récolte, ils ne seraient pas gaspillés. Or, la surface des plantes est couverte de pores de taille micro et nano. De ce fait, si l'engrais et les pores étaient bien appariés question taille, le transfert des nutriments serait peut-être plus efficace.

J'ai trouvé dans des articles et des brevets des exemples de cas où la stratégie avait fonctionné. Dans un de ces exemples, on avait ajouté des nanotubes de carbone à des plants de tomate hydroponiques. On avait constaté une augmentation du rendement de la culture pour les tomates où les nanotubes étaient présents. On en concluait que c'était peut-être à cause de l'interaction des nanoparticules avec la surface de la graine, les nanopores, qui permettaient à plus d'eau et de nutriments de pénétrer dans les pores. Cela reviendrait à mon concept de tout à l'heure, en appariant la taille, on permet une absorption plus efficace des nutriments.

Transformer un engrais en nanoparticules ne réglera pas pour autant tous les problèmes. Il faut rendre les engrais non seulement plus petits, mais aussi plus intelligents. On vous a parlé un peu tantôt des matériaux intelligents. C'est très important. Un engrais, un pesticide ou un herbicide idéal répondrait aux besoins de la plante cultivée. Comment? Par exemple en livrant de l'engrais seulement quand la plante cultivée en a besoin. Il s'avère que les plantes émettent constamment des signaux chimiques dans le sol environnant. On les appelle des exsudats. M. Carlos Monreal, d'Agriculture et Agroalimentaire Canada, qui est notre collaborateur, travaille à décoder ces signaux afin de déterminer lequel de ces messages dit : « J'ai besoin de nutriments ». Avec cette information, il amène notre équipe de chercheurs à élaborer un engrais intelligent, capable de reconnaître ces signaux précis et de répondre en se diffusant dans l'environnement.

C'est à ce point qu'intervient notre recherche. Comment créer un engrais capable de reconnaître ces signaux? Nous utilisons à cet effet l'aptamère ADN, un produit de la bionanotechnologie. Il s'agit simplement d'un morceau d'ADN synthétique que nous fabriquons en laboratoire et qui peut se plier et interagir avec n'importe quelle cible. Ces cibles pourraient être des médicaments, des toxines, des virus, ce que vous voulez. On peut imaginer trouver un aptamère pouvant se fixer sur l'un de ces signaux et c'est ce que nous avons fait.

Ensuite, nous en avons fait des pellicules formant des capsules. Nous nous employons maintenant à remplir ces capsules d'un nutriment. La paroi de cette capsule contient des aptamères qui pourraient reconnaître un signal précis émis par les racines. Quand ce signal entre en contact avec l'aptamère dans la paroi de la capsule, l'aptamère le reconnaît et permet à la pellicule de devenir plus poreuse, ce qui permet à l'engrais d'être diffusé. Ainsi, l'engrais intelligent sera en mesure de comprendre les besoins de la plante et d'y répondre, en se diffusant au moment approprié.

Nous avons effectué des tests et avons été en mesure de montrer que, quand l'aptamère se fixe effectivement à l'exsudat voulu, on peut multiplier par cinq la perméabilité des pellicules en question. Ces tests portaient sur la diffusion de colorant. Nous transposons maintenant le tout dans des serres pour faire des essais sur de véritables engrais azotés et les choses se déroulent bien.

Il faut étendre nos travaux à d'autres nutriments pour les récoltes, comme le phosphore, le potassium, les micronutriments, voire les pesticides et les herbicides. Imaginez donc une récolte, une plante attaquée, qui émettrait des signaux dans son environnement afin que l'on se porte à sa défense. Cela fait partie des possibilités à exploiter.

Dans notre travail comme dans d'autres situations où la nanotechnologie est utilisée pour l'agriculture et les engrais, il y a encore beaucoup de questions auxquelles il faut répondre. Comment ces nanomatériaux interagiront-ils avec le sol? Quels en seront les effets sur l'environnement et sur la santé? Sous quelle forme se retrouveront ces nanoparticules dans notre alimentation? Nous avons des années et des années de travail devant nous. Nous devrons confirmer que nos pellicules sont biocompatibles et biodégradables. Nous devrons effectuer des recherches sur les nouveaux signaux des plantes, afin d'adapter nos engrais à différentes cultures et de maximiser leur efficacité.

Voilà autant d'éléments qui plaident en faveur de la nanotechnologie. Grâce à notre travail et à celui d'autres chercheurs, je peux m'imaginer le moment où les agriculteurs n'auront plus qu'à saupoudrer leur culture d'engrais ou ajouter à leurs semences une simple pilule d'engrais, de nutriment, de pesticide et d'herbicide, si bien qu'ils en obtiendront beaucoup plus avec beaucoup moins.

Sur ce, je vous remercie et je serai heureuse de répondre à vos questions.

[Français]

Le sénateur Maltais : Merci beaucoup, monsieur le président. La nanotechnologie est quand même assez récente. On n'a pas beaucoup d'expérience encore. On ne peut pas dire que cela date de plusieurs années, mais il s'en fait beaucoup au Canada. Le Québec fait 39 p. 100 de la recherche, l'Ontario 31 p. 100, l'Alberta 15 p. 100 et la Colombie- Britannique 14 p. 100.

Êtes-vous au courant qu'on est en train de créer, à Montréal, l'Association canadienne des industries de nanotechnologie qui a un volet agricole? Vous avez parlé de Waterloo et de l'autre université. L'Université de Sherbrooke fait également de la nanotechnologie agricole, le Cégep de Thetford Mines également, l'Université de Montréal ainsi que l'Université McGill ont des spécialistes fort intéressants. Ils regardent l'ensemble de la nanotechnologie et ont un volet agricole.

Madame Derosa, vous avez beaucoup parlé des engrais. C'est sans doute très important. C'est à partir de l'engrais qu'on produit un fruit, une plante, un légume, et cetera. Toutefois, je ne vous ai pas entendue parler des bienfaits de la nanotechnologie sur la conservation, la traçabilité des aliments, de la détection des bactéries et tout cela. Je crois qu'il s'agit là d'une science qui deviendrait fort intéressante pour l'ensemble des consommateurs canadiens. On peut détecter semble-t-il de façon instantanée, et sans attendre les rapports pendant trois ans, si le produit est bon ou non. C'est quand même un pas extraordinaire dans le monde de la science, et ce, grâce à des chercheurs comme vous. J'aimerais avoir vos commentaires à ce propos en particulier.

[Traduction]

Mme DeRosa : Vous avez parfaitement raison : le développement de la nanotechnologie est un effort pancanadien et international. Le Canada est un chef de file. Nous pouvons être fiers de la recherche effectuée dans nos établissements.

Vous soulignez les applications pour la salubrité alimentaire, comme la possibilité de déterminer si une viande est propre à la consommation, et c'est effectivement très important. Nous menons tous deux des recherches semblables comme bien d'autres de nos collègues au Canada. Je pense qu'il s'agit du même type de défis.

Vous avez toutefois raison : il pourrait y avoir des répercussions plus directes pour les consommateurs. Quand je dis que je travaille sur une nanotechnologie qui va améliorer l'efficacité des engrais, je suppose que les Canadiens que cela peut intéresser sont rares, hormis peut-être chez les agriculteurs. Par contre, si un chercheur peut dire que sa recherche va permettre d'éviter à l'avenir tout rappel de viande contaminée par E. coli, parce qu'un nanocapteur détectera une concentration d'E. coli dès qu'elle est supérieure à un certain niveau, il retiendra l'attention de la plupart des Canadiens et des Canadiennes.

Je pense que vous avez raison, mais les efforts en ce sens se poursuivent, notamment dans le cadre de travaux menés parallèlement aux nôtres.

[Français]

Le sénateur Maltais : Les chercheurs et les universitaires avec qui j'ai discuté ont soulevé des points importants. J'aimerais savoir si vos points de vue se croisent. Cela me surprendrait que vous soyez en désaccord avec eux, mais ils demandent encore plus d'argent en recherche et développement. Je n'ai jamais rencontré un chercheur qui avait trop d'argent. Est-ce un problème?

[Traduction]

Mme DeRosa : Oui, je pense que c'est un problème. Il y a moins d'argent pour les recherches de toutes sortes. En tant que chercheurs, nous comprenons cela. Cependant, il faudrait peut-être que ces applications à risque élevé, mais susceptibles de procurer des avantages considérables soient financées directement. C'est une question sur laquelle nous pourrions tous les deux être d'accord. À première vue, la recherche en nanotechnologie peut ressembler à de la science- fiction. Les premières fois que M. Monreal et moi avons proposé ces idées, les gens trouvaient cela incroyable. C'est difficile de trouver de l'argent pour ce genre d'idées, mais ce sont justement celles qui pourraient mener à une véritable transformation.

Le manque d'argent pour la recherche est un problème, mais peut-être qu'il serait vraiment utile de prévoir un financement direct bien senti.

[Français]

Le président : M. Neethirajan aurait des commentaires à ajouter.

[Traduction]

M. Neethirajan : Pour en revenir à notre sujet, je sais effectivement ce qui se fait à l'Université de Sherbrooke. En outre, j'ai des collaborateurs au département de génie chimique de l'Université Laval, au département de génie des bioressources et parmi d'autres professeurs de l'Université McGill. Nous nous rencontrons souvent lors de conférences et nous discutons de divers projets de nanotechnologie.

Guelph est un centre névralgique de la recherche alimentaire au Canada. Il y a environ 55 des meilleurs scientifiques qui travaillent à la détection des bactéries dans trois institutions importantes — Agriculture et Agroalimentaire Canada, le Guelph Food Technology Centre, ainsi que les départements de génie des aliments et de science des aliments de l'Université de Guelph, qui étudient les questions liées à la salubrité des aliments et aux bactéries..

Ma subvention à la découverte du CRSNG me permet d'étudier les biofilms au moyen de systèmes microfluidiques. Nous avons également mis au point une technologie novatrice que nous appelons « surfaces intelligentes » à laquelle les bactéries ne pourront pas s'attacher. À l'aide de la nanotechnologie et de la microtechnologie, nous pouvons améliorer les surfaces au moyen d'un processus photolithographique qui ne nécessite aucun nanomatériau. Il suffit de faire onduler la surface; on peut en faire décrocher les bactéries. Ces surfaces peuvent être utilisées dans l'industrie alimentaire. Il y a une forte demande dans ce secteur, particulièrement en Ontario.

[Français]

Le sénateur Maltais : Les autres points soulevés concernaient les fabricants. Une fois la recherche terminée, il faut fabriquer le produit. On me dit que le défi vient de la commercialisation pour la simple et bonne raison que les processus réglementaires canadiens ne sont pas encore rendus à cette étape de donner une certification. Ce sont de gros investissements pour les entreprises de fabriquer puis de commercialiser. Une fois qu'ils ont fabriqué le produit, ils veulent le vendre, et pour ce faire, il faut qu'ils soient approuvés par le gouvernement. On me dit que c'est un problème réel. Comment voyez-vous cela? C'est beau votre recherche pour les nouveaux engrais, mais si personne n'en fabrique, ils resteront sur les tablettes.

Quant à ce que vous disiez, professeure, oui, l'Université de Guelph est la plus reconnue au Canada au plan agroalimentaire. Je vous assure que nous avons reçu plusieurs témoins depuis un an, et chaque fois ce fut extraordinaire de les rencontrer. De plus, ce sont des chercheurs exceptionnels qui travaillent très fort pour l'avancement de l'agriculture au Canada. On doit les féliciter et surtout les encourager.

[Traduction]

Mme DeRosa : Au sujet de la commercialisation et de la réglementation, je pense que la réglementation des nanomatériaux est un enjeu planétaire. M. Neethirajan n'est peut-être pas d'accord avec moi. Le problème n'existe pas seulement au Canada. Mes collègues, notamment ceux d'Environnement Canada, travaillent sur la scène mondiale pour essayer de trouver des réponses à certains de ces problèmes. Par exemple, quelle est la définition de « nanotechnologie »? Comment allons-nous désigner les nanoproduits et les réglementer? C'est un défi pour les Canadiens. De toute évidence, l'industrie profiterait, pas nécessairement de règles laxistes, mais de règles claires. L'industrie doit savoir clairement quelles normes elle doit respecter et elle les respectera. C'est le défi qui se pose à l'heure actuelle, mais ce n'est pas un problème seulement au Canada.

Puisque le commerce est maintenant mondial, l'une des choses que j'ai constatées en préparant mon rapport pour l'ACIA, c'est que bon nombre des produits actuellement disponibles et qui comportent des éléments nanotechnologiques ne sont pas conçus ici — ils viennent d'ailleurs—, mais nous pouvons les importer au Canada. C'est un problème mondial. La réglementation des produits est un enjeu mondial et nous devons travailler ensemble.

[Français]

Le sénateur Maltais : Ils sont mondiaux, mais ils ne sont pas réglementés nulle part.

[Traduction]

Le sénateur Mercer : Je ne vais pas prétendre comprendre quoi que ce soit à cette technologie que vous nous avez décrite ce soir. J'espère que mes connaissances s'enrichiront au fil de notre étude. Cependant, je comprends le problème.

Madame DeRosa, vous avez cité les Nations Unies concernant notre incapacité à nourrir 6 milliards de personnes aujourd'hui et 9 milliards en 2050 à moins d'utiliser judicieusement les engrais chimiques. Je ne pense pas que nous y arriverons sans recours à de nouvelles technologies — dont la nanotechnologie, peu importe le nom qu'on lui donne ou la définition qu'on en fait. Cependant, l'utilisation d'organismes génétiquement modifiés (OGM) pose un problème dans certaines régions du monde.

À mesure que nous développons la nanotechnologie sous quelque forme que ce soit, allons-nous nous heurter aux mêmes opposants qui rejetteront le tout en bloc? J'espère que lorsque les gens commenceront à souffrir de la faim autour d'eux, ces opposants se rendront compte que c'est parce qu'ils n'ont pas voulu envisager l'utilisation des OGM ou de la nanotechnologie.

Y a-t-il de la résistance? Je ne pense pas qu'il y ait un mouvement structuré, mais est-ce que vos travaux suscitent de la résistance?

Mme DeRosa : Absolument. Je crois que ceux qui se sont opposés aux OGM ont la même réticence face à la nanotechnologie. L'une des choses que les chercheurs en nanotechnologie et même les gouvernements qui veulent mettre en place des politiques ont constatées, c'est que lorsque nous parlons de nanotechnologie, les opposants utilisent les OGM comme exemple de ce qu'il ne faut pas faire avec la technologie. Il est donc il est important, du moins pour le public, de montrer que l'on maîtrise la technologie, qu'on la connaît, qu'on la comprend et qu'on la réglemente avant qu'elle ne soit trop avancée.

Il y a eu un certain décalage par rapport aux OGM — et je ne prétends pas être une experte en OGM — et l'idée que la nanotechnologie suivra la même voie et que le public la rejettera parce qu'il croit que le gouvernement n'y prête pas assez attention et ne la prend pas assez au sérieux. Les chercheurs en nanotechnologie et les décideurs politiques en sont conscients, mais c'est certainement un problème.

Je pense que mon collègue y a fait allusion lorsqu'il a dit que la recherche doit s'accompagner d'éducation. Nous devons expliquer la nanotechnologie pour que les gens soient au courant des travaux effectués et du fait que nous voulons en étudier les effets et mener nos recherches de manière responsable. Ainsi, on sera peut-être davantage porté à l'accepter.

M. Neethirajan : Les chercheurs en nanotechnologie examinent les différents cas et scénarios concernant les OGM.

L'Union européenne a proposé un règlement sur l'utilisation des nanomatériaux dans les secteurs de l'alimentation et de l'agriculture. C'était il y a deux ans.

En avril 2012, la Food and Drug Administration (FDA) des États-Unis a élaboré des règlements et des lignes directrices pour l'utilisation de nanomatériaux pour l'emballage des aliments et d'autres usages connexes. La différence entre la réglementation européenne et celle de la FDA, c'est que cette dernière s'applique essentiellement sur une base volontaire. À mon avis, l'Union européenne est plutôt conservatrice dans l'adoption de nouvelles technologies comparativement à l'Amérique du Nord, c'est-à-dire aux États-Unis et au Canada.

Le sénateur Mercer : Il me semble que nous devons prendre les devants. Nous en sommes aux premières étapes, et nous devons éviter ce qui est arrivé avec les OGM. Lorsque nous passerons de 6 à 9 milliards d'êtres humains, si nous pouvions en envoyer 3 milliards vers les pays qui s'opposent aux OGM, ils changeraient peut-être d'avis.

Madame DeRosa, vous avez parlé d'applications à risque élevé pouvant procurer d'importants avantages, mais je pense qu'il ne faut pas oublier ce grave problème.

Mme DeRosa : En effet, vous avez raison.

Le sénateur Mercer : Les risques sont peut-être élevés et les avantages seront peut-être importants, mais nous faisons face à un problème qui ne va pas disparaître. Il y a aujourd'hui des gens qui meurent de faim dans le monde, probablement à cause d'une mauvaise distribution, plutôt qu'une production insuffisante, mais lorsque nous serons 3 milliards de plus sur cette planète, nous serons un peu à l'étroit. Je suis allé au début de l'année en Inde, un pays déjà fortement surpeuplé, et la situation ne pourra que s'aggraver.

Pour trouver l'argent nécessaire à la recherche, il faut notamment réussir à mettre sur le marché les produits issus de vos laboratoires.

Est-ce qu'il y a des gens à l'extérieur de vos universités — de bonnes universités — qui examinent la situation dans une optique pancanadienne? Mon collègue a mentionné ce qui se fait au Québec. Est-ce que nous avons une perspective nationale? Des travaux sont en cours dans toutes les régions. Est-ce que nous pourrons coordonner la recherche qui se fait à Carleton et à Guelph ainsi qu'à l'Université de Sherbrooke et envisager ainsi certains progrès? Il faut qu'il y ait de la concurrence entre les chercheurs, car c'est ce qui vous motive. Chacun veut être le premier à y arriver. Mais est-ce que quelqu'un quelque part fait valoir qu'il faut mettre en commun tous ces travaux.

Mme DeRosa : Je pense que c'est ce qui se fait à la base. Les chercheurs savent comment trouver les meilleurs alliés parmi leurs homologues et collaborer avec eux pour atteindre leurs objectifs, mais je ne sais pas s'il y a quelqu'un qui coordonne le tout. Je ne le crois pas, et peut-être que ce serait une bonne chose.

M. Neethirajan : Il devrait y avoir un mécanisme à l'échelle nationale qui viserait en priorité la commercialisation de la nanotechnologie. Par exemple, nous avons un brevet pour un nanomatériau. Il s'agit d'un polymère conjugué qui se comporte d'une manière entièrement différente. Nous pouvons ajuster les paramètres de détection en fonction de nos besoins. Il s'agit de donner l'alerte dès le stade initial d'altération des aliments entreposés, plutôt que de détecter les aliments déjà entièrement gâtés. Dès que l'altération commence, le capteur pourra en informer l'agriculteur ou le gestionnaire du système d'entreposage des aliments.

Nous avons obtenu un brevet de génie chimique puisqu'il n'y a pas de tel mécanisme pour la nanotechnologie ou pour la plateforme facilitant l'utilisation d'un produit de la nanotechnologie dans notre société.

Le sénateur Eaton : C'est fascinant. Je ne sais pas si vous l'avez vu, mais il y avait en fin de semaine un bon article sur la salubrité des aliments dans le Wall Street Journal. De quelle manière pourrons-nous mettre à contribution la nanotechnologie lorsqu'il nous faudra accroître considérablement notre production alimentaire? Il était question de faire pousser des choses simplement en accrochant les racines dans les airs et en les pulvérisant de manière à pouvoir produire des aliments sans pesticide ni herbicide; sans même avoir besoin du sol en fait. La nanotechnologie a-t-elle un rôle à jouer dans ce genre de projet?

Mme DeRosa : Je crois que oui. Par exemple, les nutriments pulvérisés pourraient se trouver sous forme de nanogouttelettes. La nanotechnologie faciliterait probablement la réalisation de certaines de ces idées visant à produire des aliments dans des espaces restreints où les ressources sont limitées. Je pense qu'elle aura certainement un rôle à jouer.

Le sénateur Eaton : Votre recherche est-elle axée sur l'avenir ou est-ce que vous travaillez à résoudre les problèmes d'aujourd'hui au fur et à mesure qu'ils se posent?

Mme DeRosa : C'est un peu des deux. On a aussi parlé de la recherche axée sur la découverte, où nous essayons de jeter les bases du développement futur. Bien entendu, nous brassons aussi des idées pour voir où nous en serons dans 20 ans, quels seront alors les grands enjeux et en quoi notre travail actuel sera pertinent. Il se peut en effet que l'on doive attendre aussi longtemps pour que les idées actuelles soient mises en application. Nous devons donc nous poser ces questions-là pour essayer de voir notamment quels produits deviendront réalité, où en sera le monde et quelle forme prendra l'agriculture dans 10 ou 20 ans.

Le sénateur Eaton : Ne devriez-vous pas être des chefs de file en agriculture? N'y a-t-il pas toujours des délais d'exécution? Il faut prévoir ces délais et le temps nécessaire à l'éducation.

M. Neethirajan : Nous disons toujours que les recherches d'aujourd'hui sont la réalité de demain.

Il y a deux aspects à cette question. D'abord, la sécurité alimentaire. Si, au lieu de produire davantage d'aliments, on peut les entreposer plus longtemps en augmentant leur durée de conservation grâce à la nanotechnologie, nous pourrons alors nourrir plus de gens. D'après les statistiques, pour toutes nos cultures, il y a 50 p. 100 de pertes pendant l'entreposage en Chine, en Inde et dans les autres pays en développement.

Le sénateur Eaton : Et ici, quel est ce pourcentage?

M. Neethirajan : C'est 9 p. 100, pour l'Amérique du Nord. Nous sommes un pays industrialisé, mais 9 p. 100, c'est encore énorme. Si au lieu de faire pousser toujours plus de blé, on peut en améliorer la conservation grâce à la technologie, chaque grain de blé comptera vraiment, et nous pouvons résoudre complètement le problème de la sécurité alimentaire. Nous n'aurions plus besoin de toujours plus de produits chimiques et autres pour produire davantage d'aliments, et nous n'aurions plus à exploiter encore plus de terres. Rien qu'en ciblant les pertes après récolte, pendant l'entreposage, on pourrait peut-être régler ce problème.

Il faut par ailleurs se demander si la recherche doit être menée dans une perspective à court ou à long terme. Nous nous concentrons toujours sur le long terme. Ainsi, je collabore avec un scientifique du Centre canadien de rayonnement synchrotron, de Saskatoon. Nous voulons créer un système d'imagerie dont le capteur tiendra dans la main. Nous espérons que dans 10 ou 15 ans, un agriculteur pourra prendre cet appareil ressemblant à un téléphone intelligent pour analyser sa récolte. Les banques de données de cet appareil permettront une comparaison automatique de la composition chromosomique du produit. À partir des aberrations chromosomiques et de la composition énergétique des chromosomes, l'appareil pourra immédiatement déterminer l'état de la récolte. Grâce au programme d'imagerie et d'analyse, ce sera comme prendre une photo pour obtenir immédiatement un résultat.

Le sénateur Eaton : Un jour, les agriculteurs auront cela dans leur tracteur ou leur téléphone intelligent, comme pour le GPS, actuellement, pour savoir combien il y a de semences par acre. Il y aura des applications nanotechnologiques de ce genre. C'est fascinant. Je pense que vous n'avez qu'à aller en parler aux jeunes dans les écoles pour que les gens soient convaincus.

M. Neethirajan : Voilà qui soulève une autre question importante. Au niveau national, notre pays doit en faire plus pour conscientiser les jeunes dès le secondaire. Au secondaire, il faut montrer aux jeunes ce que sont les nanotechnologies. Cela ne touche pas qu'une discipline, mais plusieurs dont les mathématiques, la physique, la chimie, le génie et différents aspects de la biologie. Une fois que la sensibilisation sera faite au secondaire, la prochaine génération pourra être renseignée d'une manière bien plus intelligente.

Le sénateur Eaton : Quelles seraient vos trois priorités en matière de recherche? Ne me parlez pas de financement, car nous ne pouvons malheureusement rien faire pour vous à ce chapitre.

Mme DeRosa : Je pense en avoir glissé un mot. Parlez-vous d'agriculture et de nanotechnologie?

Le sénateur Eaton : Oui.

Mme DeRosa : Il nous faut certainement travailler à des applications relatives à la salubrité alimentaire.

Le sénateur Eaton : Vous pensez à des choses précises? Voulez-vous qu'elles soient consignées au compte rendu? Vous pouvez nous les envoyer, pour que nous envisagions de les intégrer au rapport. Avez-vous des recommandations particulières relatives à la recherche?

Mme DeRosa : Oui, certainement.

Le sénateur Eaton : Quelle serait leur utilité? Serait-ce pour la diversité alimentaire, la traçabilité ou le développement durable?

Mme De Rosa : Bien. Nous avons déjà parlé de développement durable et ce serait vraiment pertinent.

Le sénateur Eaton : Merci.

Le président : Le greffier vous enverra une copie de la question et vous pourrez nous transmettre votre réponse.

Le sénateur Merchant : Puisque la salubrité des aliments est primordiale pour les consommateurs actuellement, dites-nous si votre technologie pourrait leur permettre d'analyser un peu de la même manière les produits dans les supermarchés en les scannant vous dirais-je, faute d'un terme mieux approprié. On veut que chacun puisse prendre en charge sa propre santé, d'une manière éclairée. Nous rapprochons-nous du moment où je pourrai, dans un supermarché, savoir si les produits sont frais ou si je dois les éviter?

Mme DeRosa : Je pense que nous nous en approchons. Mon collègue a sans doute de nombreux exemples de son côté, mais je peux vous dire que nous travaillons à la conception d'un outil qui ressemble à un test de grossesse pour la détection du norovirus associé à l'infection de Norwalk, une forme de gastroentérite. Vous pourriez ainsi tester votre viande. À la maison, vous pourriez l'analyser pour voir si elle est propre à la consommation. C'est l'objectif.

M. Neethirajan : Nous voulons employer des emballages qui changent de couleur. Si vous conservez de la salade pendant plus de quatre jours, la couleur changera automatiquement, passant du rouge à l'orange. Vous saurez alors qu'il faut la jeter. On peut améliorer le conditionnement. Beaucoup de pistes de recherche fascinantes sont suivies à l'Université de Guelph à l'égard de questions semblables.

Le sénateur Callbeck : Madame DeRosa, vous avez dit à la fin de votre allocution que les agriculteurs pourraient un jour en arriver, grâce à la nanotechnologie, à saupoudrer leurs engrais sur leurs récoltes ou à semer de petites pilules de nutriments. Sommes-nous loin de cet objectif, à votre avis?

Mme DeRosa : C'est une très bonne question, mais il est toujours difficile de prévoir ce genre de choses. Nous sommes partis d'une simple idée il y a cinq ans, et nous en sommes aux essais en serre. Je présume qu'avec les ressources actuelles, avec le même nombre de personnes, nous pourrions passer à la commercialisation dans cinq ans d'ici. Avec plus de ressources, plus de personnel, ce serait plus rapide. C'est toujours la difficulté.

M. Neethirajan : Voilà qui nous ramène à la continuité dans le financement. Pour passer de l'idée au produit fini, il faut plus que quelques mois ou quelques années. Pour mettre au point un produit commercialisable, il faut compter de cinq à dix ans. Le gouvernement doit intervenir en offrant un financement continu pour favoriser l'innovation en augmentant le nombre de chercheurs.

Mme DeRosa : Une grande partie des fonds consacrés à la recherche sont désormais affectés à des partenariats avec l'industrie, ce qui est une bonne chose. Cependant, il n'est pas toujours facile d'obtenir du financement suivant cette formule. Vous seriez étonnés. On penserait que l'idée d'un engrais intelligent serait automatiquement attrayante pour un partenaire. Nous avons réussi à trouver des partenaires dans l'industrie, mais il faut être prudent parce qu'en y réfléchissant bien, certaines entreprises font des profits en misant sur des technologies inefficientes, et c'est vrai dans divers secteurs.

Si nous voulons que l'industrie nous aide à développer ce produit, nous pourrions nous trouver dans une situation où notre technologie se ferait brevetée, puis mettre au rencart, parce que des entreprises ne veulent pas perdre les recettes tirées des technologies inefficientes qu'elles mettent sur le marché. Il faut de la recherche axée sur l'industrie, mais il faut aussi de la recherche complémentaire, dont le financement provient d'autres sources.

Le sénateur Callbeck : Vous nous avez parlé ce soir de nombreux avantages de la nanotechnologie pour le secteur alimentaire. J'ai lu ici quelque part que beaucoup de préoccupations sont formulées au sujet des applications relatives à l'innocuité pour les consommateurs. J'aimerais que tous les deux vous nous en parliez davantage.

Mme DeRosa : Oui, vous avez raison. Nous l'avons déjà dit à quelques reprises, comme tout cela est nouveau, nous n'avons pas encore toutes les réponses et elles se feront encore attendre. Nous ne savons pas quels seront les effets de certaines de ces découvertes sur l'environnement et la santé. Le problème, c'est que la technologie a progressé plus vite que la réglementation. En nanotechnologie, on trouve maintenant partout des produits antibactériens composés notamment de nanoparticules d'argent. Il y a même des chaussettes antibactériennes sans odeur. Les gens ont de ces chaussettes chez eux, et elles peuvent être composées de nanoparticules d'argent, mais nous ne comprenons pas à 100 p. 100 ce qui arrive à ces nanoparticules d'argent lorsqu'elles sont lessivées, et qu'elles quittent les chaussettes pour se retrouver dans un lac ou ailleurs.

C'est assurément notre ignorance qui est problématique. En cherchant à innover, on oublie parfois ces questions qui risquent de nous forcer à revenir en arrière. C'est le grand problème, actuellement.

M. Neethirajan : Je crois que les gens, les consommateurs, doivent participer à chacune des étapes du processus, de l'idée jusqu'au développement d'un produit tout à fait fonctionnel.

Je crois aussi que les consommateurs adopteront plus facilement les produits alimentaires si les nanoparticules ne retrouvent pas dans les aliments, et s'ils n'ont pas l'impression que les aliments ont été modifiés. Il y a une différence entre les aliments et leur emballage, ainsi qu'avec les mécanismes et procédés entourant l'élaboration du produit alimentaire. Les consommateurs font la distinction entre ces deux volets.

Pour relever ces défis, il faut conscientiser les gens, les éduquer. On peut en dire autant des effets toxicologiques. Il n'y a pas de nomenclature mondiale. Si je vais acheter un appareil électronique, il est complètement normalisé. Il a un certain nombre de broches de connexion et son alimentation respecte un certain voltage. Mais il n'y a pas de nomenclature, de norme ou de protocole mondial pour les effets toxicologiques. Il devrait y avoir un mécanisme. Le Canada pourrait jouer un rôle de chef de file dans ce domaine aussi.

Le sénateur Callbeck : Vous avez dit plus tôt que le Canada est un leader en nanotechnologie.

Mme DeRosa : Oui, c'est ce que j'ai dit.

Le sénateur Callbeck : En 2000, quand Bill Clinton était président des États-Unis, on a lancé une grande initiative dont la croissance a, semble-t-il, été phénoménale. Est-ce qu'au Canada, nous avons eu une pareille croissance ou est-ce que les États-Unis nous devancent?

Mme DeRosa : Je pense que nous en faisons plus qu'on s'y attendrait. Nous avons un peu parlé de nos publications et de l'incidence de nos travaux. Je crois qu'il est délicat de nous comparer aux États-Unis. Les investissements sont bien plus grands là-bas et il y a davantage d'institutions axées sur la recherche.

M. Neethirajan : Je peux vous donner rapidement des statistiques réalistes, en espérant qu'elles ne vous chagrinent nullement. Des 17 pays qui font de la recherche en nanotechnologie, nous sommes au 14e rang. C'est d'après une étude internationale qui prenait en compte le PIB et les résultats produits par la recherche.

Quant à la productivité et au nombre de travaux publiés, nous sommes très bien cotés. Mais, au cours des 12 dernières années, soit depuis l'an 2000, nous n'avons pas quitté la catégorie D alors que la Finlande, par exemple, est passée l'an dernier de D à C. Le Danemark est dans la catégorie B. Le Canada est donc dans la catégorie D, au 14e rang sur 17 pays.

Le sénateur Callbeck : Et où se situent les États-Unis?

M. Neethirajan : Au premier rang. Les États-Unis sont suivis par le Japon, la Chine et la Corée.

Le sénateur Buth : Pour gagner du temps, je vais vous poser une question, mais vous pouvez transmettre votre réponse au greffier plus tard.

Vous avez parlé de réglementation et de certains défis relatifs à la définition de certains concepts ou à l'absence de normalisation pour les tests. Pouvez-vous nous donner vos cinq principales recommandations sur ce qu'on doit faire du point de vue réglementaire. Pourriez-vous les envoyer au greffier, s'il vous plaît. J'aimerais que vos observations soient très précises de manière que nous puissions envisager leur intégration à notre rapport final. Merci.

Le président : À ce sujet, pourriez-vous aussi nous parler des défis relatifs à la propriété intellectuelle pour le secteur de la nanotechnologie.

[Français]

Le sénateur Robichaud : Je suis émerveillé devant vos découvertes et la recherche que vous faites. Vous travaillez à l'échelle moléculaire et cela m'intrigue énormément.

Sur le plan pratique, madame Derosa, vous travaillez surtout avec les engrais. Avez-vous un estimé de la quantité par acre, dans le cas où vous feriez appel à la nanotechnologie où on applique près de la graine plutôt que d'étendre sur tout le champ?

[Traduction]

Mme DeRosa : Je n'ai pas en main tous les chiffres, mais j'ai dit que pour chaque élément nutritif, c'est différent. Pour l'azote, on pense à une amélioration de l'efficience de 20 p. 100. Actuellement, de 50 à 70 p. 100 de l'azote est perdu. Une augmentation de 20 p. 100 de l'efficacité ferait épargner des millions aux agriculteurs et améliorerait la productivité, entre autres avantages.

Pour ce qui est de la quantité à l'acre, je n'ai pas les chiffres, mais je peux vous les trouver, et les envoyer.

Le sénateur Robichaud : Nous voulons épargner de l'argent, être plus efficaces, mais cela a aussi un effet sur l'environnement, sur nos rivières et les poissons qui y vivent, notamment.

Mme DeRosa : Absolument. L'azote est un problème évident à cause du manque d'efficacité des épandages, mais c'est certainement le cas aussi pour le phosphore. Si on parle des herbicides et des pesticides, pour beaucoup, si seulement 1 p. 100 du composé atteint son objectif, on considère que c'est très efficace. Il est certes possible d'améliorer les choses et on pourrait ainsi économiser énormément, tout en protégeant l'environnement.

Le sénateur Robichaud : Pour autant que l'on puisse produire cette nanoparticule de manière efficiente.

Mme DeRosa : C'est exact. Nous ne voulons pas causer de nouveaux problèmes. Il faut donc faire de la recherche et en déterminer les effets. Nous devons nous assurer que nous ne sommes pas en train de résoudre un problème tout en en créant un autre.

Le sénateur Robichaud : Monsieur, vous avez parlé de l'emballage. Des recherches ont indiqué que, si on utilise un certain type d'emballage, on peut détecter si un aliment se dégrade. Est-ce que, dans ce cas, l'emballage toucherait l'aliment en question ou s'agirait-il plutôt tout simplement d'un marqueur? Comme vous l'avez dit, si les nanoparticules ne se retrouvent pas dans l'aliment lui-même et jouent un autre rôle, le consommateur pourrait les accepter plus volontiers.

M. Neethirajan : La dégradation des aliments peut être détectée de différentes manières. Par exemple, si l'on entrepose une pomme et qu'elle commence à pourrir, nous ne sommes pas obligés de la toucher pour comprendre. On peut en faire le constat par une analyse immédiate, en en prenant une photo et en utilisant nos sens visuels, ou en détectant la quantité de produits chimiques libérés par l'aliment en question. Il s'agit dans ces cas-là de biomarqueurs, de métabolites volatiles d'eau. Grâce au caractère volatil de ces transformations, même de petites modifications à la teneur moléculaire peuvent être facilement décelées par l'emballage.

Le domaine des emballages modifiés est très vaste. Il existe également des matériaux d'emballage qui augmentent la durée de vie. On les appelle des membranes semi-perméables. Elles permettent uniquement à certains gaz de passer et empêchent les autres de le faire. Par exemple, si vous voulez entreposer une bière, l'emballage ne permettra pas au dioxyde de carbone d'être libéré à l'extérieur du contenant.

Les divers matériaux se comportent de différentes façons. La détection peut se faire via contact avec les surfaces, ou encore sans contact direct en repérant la source de la détérioration.

Le sénateur Robichaud : Est-ce que cette technologie d'emballage est largement utilisée dans d'autres régions du monde?

M. Neethirajan : Je pense qu'il y a quelques entreprises aux États-Unis qui utilisent déjà ces matériaux d'emballage. En règle générale, nous en sommes encore au stade de la recherche et du développement, soit à l'étape à la distribution de ces produits dans la société.

Le président : Monsieur Neethirajan, vous avez indiqué dans votre conclusion que vous aviez une liste de recommandations. Auriez-vous l'obligeance, en plus de répondre aux questions des sénateurs, de fournir au greffier une liste des recommandations que vous aimeriez formuler?

M. Neethirajan : Oui. Absolument.

Le président : Merci beaucoup.

Sur ce, au nom du comité, je vous remercie sincèrement tous les deux de nous avoir fait part de vos opinions, recommandations et visions.

Notre deuxième groupe de témoins, honorables sénateurs, est constitué de Henry VanAnkum, président des Producteurs de grains de l'Ontario; Terry Daynard, conseiller, Producteurs de grains de l'Ontario; Scott Thurlow, président, Association canadienne des carburants renouvelables; et Malcolm West, vice-président, Finances et chef des finances pour Greenfield Ethanol.

M. Pittman, le greffier du comité, vient de m'aviser que M. VanAnkum fera d'abord son exposé, suivi de M. Thurlow puis de M. West.

Alors, sans plus tarder, monsieur VanAnkum, veuillez faire votre déclaration préliminaire.

Henry VanAnkum, président, Producteurs de grains de l'Ontario : Bonsoir, honorables sénateurs. J'aimerais vous remercier, monsieur le président et chers membres du comité, d'offrir aux producteurs de grains de l'Ontario l'occasion de vous parler d'innovation, l'un des sujets les plus importants pour l'agriculture.

Je m'appelle Henry VanAnkum. J'ai une ferme près d'Almonte, en Ontario, au nord de Guelph. Je suis président des Producteurs de grains de l'Ontario.

Les Producteurs de grains de l'Ontario représentent 28 000 producteurs de maïs, de fèves de soja et de blé, dont les exploitations s'étendent de Windsor à Hawkesbury, sans oublier Thunder Bay, au nord de la province. Nos membres produisent plus de 9 millions de tonnes de grains sur plus de 5 millions d'acres. Notre production génère 3,3 milliards de dollars de revenus pour les entreprises agricoles, des extrants économiques se chiffrant à 6 milliards de dollars et plus de 50 000 emplois au Canada.

Ces ventes de 9,3 milliards de dollars font de l'Ontario la plus grande province agricole au Canada. Pour ce qui est de la production céréalière, nous sommes au troisième rang derrière l'Alberta et la Saskatchewan. Je suis accompagné de M. Terry Daynard, qui a connu une carrière fructueuse dans le secteur à titre de professeur à l'Université de Guelph et de dirigeant d'organisations agricoles, en particulier en tant que directeur général de l'Association des producteurs de maïs de l'Ontario, poste qu'il a occupé pendant 19 ans.

Il y a un an, M. Daynard a terminé une recension des écrits et un examen de notre organisation relativement aux effets des biocarburants et des bioproduits sur l'environnement, le prix des récoltes et des aliments et la faim dans le monde. La plupart des informations colligées peuvent s'inscrire dans la discussion portant sur les innovations agricoles, en particulier les innovations pour les cultures ne se limitant pas aux aliments et la façon dont ces découvertes influent sur notre capacité à nourrir la population mondiale.

Dans un contexte de besoins alimentaires en pleine croissance à l'échelle planétaire, on s'est beaucoup interrogé dernièrement de la pertinence de produire de l'éthanol à partir du maïs. On prévoit que la population mondiale va augmenter, quoiqu'à un taux relatif plus faible, pour atteindre un sommet prévu d'environ 9 milliards de personnes d'ici 2050.

Comme les régimes alimentaires de nombreux pays comprennent de plus en plus de viande, la demande en ingrédients alimentaires, surtout en céréales et en oléagineuses, devrait augmenter à un rythme d'au moins 1 p. 100 par année.

Nous sommes tous au fait de la prévision de l'Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture suivant laquelle la capacité alimentaire mondiale devra avoir augmenté de 70 p. 100 entre l'an 2000 et l'an 2050, ce qui représente un accroissement annuel de 1,1 p. 100.

Il faut se demander si nous pouvons continuer à nourrir la planète et à cultiver des bioproduits comme l'éthanol, le biodiesel et les bioplastiques sur les terres agricoles actuelles. Dans les faits, la production céréalière mondiale a crû au rythme approximatif de 1,5 p. 100 par année de 1961 à 2008. Ainsi, le maintien d'un taux de croissance moyen de 1,1 p. 100 ou plus n'est pas un défi impossible à relever.

De plus, nombre d'études démontrent que la production d'éthanol en Amérique du Nord a eu un effet limité sur l'apport alimentaire dans le tiers-monde puisque le maïs jaune denté cultivé ici et servant à la production de l'éthanol est utilisé en quantité limitée à des fins alimentaires dans les pays en développement.

D'excellentes études de l'Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture, du département de l'Agriculture des États-Unis et d'autres organisations ont démontré que le monde, et surtout le tiers-monde, sera tout à fait en mesure de répondre aux besoins alimentaires d'une population de plus de 9 milliards de personnes d'ici 2050, en exploitant de nouvelles terres agricoles et en multipliant le rendement des cultures. Ce rendement amélioré atténuera les craintes quant aux cultures génétiquement modifiées et aux autres avancées technologiques qui permettent d'améliorer les récoltes.

Afin de répondre aux besoins alimentaires du tiers-monde, il faudra d'abord améliorer la production agricole et alimentaire dans ces pays, et non pas augmenter l'expédition de céréales bon marché du monde occidental. La Chine, le Malawi et le Ghana ont prouvé que l'apport alimentaire peut augmenter si les gouvernements font de l'agriculture leur priorité. On peut donc s'attendre que, au cours des prochaines années, les exportations de céréales et d'oléagineuses du Canada vers les pays en développement demeurent stables, voire diminuent, et ce, même si le rendement des récoltes continuera à croître.

Quelles en seront les conséquences pour le Canada? Nous croyons qu'il faudra davantage innover au pays pour utiliser l'excédent de capacité, éviter une nouvelle ère de prix lamentables pour les récoltes et de diminution du revenu agricole. La quantité de maïs cultivé au Canada a augmenté plus rapidement que l'utilisation du maïs pour l'éthanol, surtout si on tient compte du fait qu'une proportion représentant au moins 30 p. 100 du poids sec du maïs servant à la production d'éthanol retourne dans l'alimentation du bétail sous forme de drêche sèche de distillerie.

Le potentiel pour un rendement accru des cultures est énorme. Les biocarburants représentaient une façon d'accroître les débouchés et les rendements à la ferme, tout en protégeant l'environnement et en réduisant la dépendance à l'égard des énergies fossiles, des résultats bénéfiques pour l'ensemble des Canadiens. L'industrie des carburants renouvelables au Canada connaît une croissance rapide, fruit de la collaboration entre l'industrie, le gouvernement et les agriculteurs.

Au total, 2,3 milliards de dollars ont été investis dans la construction d'usines de production de carburant renouvelable partout au pays, ce qui a généré 2 milliards de litres par an de biocarburants produits ici. Ces installations achètent plus de 200 millions de boisseaux de céréales canadiennes chaque année pour produire de l'éthanol et ont rapporté 50 millions de dollars par année en nouveaux revenus aux agriculteurs canadiens.

Pour illustrer la valeur de la production de carburant renouvelable pour les agriculteurs, disons que l'on a acheté en 2011 près de 450 millions de dollars en maïs ontarien pour fabriquer de l'éthanol. Au fil des ans, l'industrie de l'éthanol a modestement fait augmenter les prix du maïs local de 10 à 25 cents le boisseau, selon l'année et selon l'emplacement de l'exploitation. Il n'y a pas que les agriculteurs qui tirent parti de la valeur accrue des céréales; cette stabilité de revenu pour les producteurs de céréales canadiens se traduit en argent dépensé dans nos communautés rurales. Cela donne également une économie canadienne plus robuste et plus viable, où 50 000 emplois dans la chaîne d'approvisionnement dépendent de notre production céréalière.

L'histoire est la même pour la production de biodiesel. La stratégie du gouvernement du Canada sur les carburants renouvelables, annoncée au début de 2011, indique que le carburant diesel doit contenir un minimum de 2 p. 100 de diesel renouvelable, ce qui signifie une demande de 500 millions de litres par an de diesel renouvelable partout au Canada. Cela va donner un coup de fouet à la demande locale et renforcer les prix du soja et du canola.

Il y a 12 usines de production de biodiesel en opération ou sur le point de l'être au Canada et il existe beaucoup d'autres occasions d'investir davantage pour répondre à la demande. Tout récemment, Great Lakes Biodiesel, une entreprise basée à Welland, en Ontario, a annoncé qu'elle allait produire 170 millions de litres de biodiesel cette année, en débutant la production dès cet automne. Great Lakes Biodiesel a bénéficié du programme écoÉNERGIE du gouvernement du Canada et deviendra un important acheteur d'huile de soja locale pour les besoins de ce qui sera la plus grande usine de production de biodiesel au Canada.

En plus des avantages pour les collectivités rurales, ces investissements novateurs dans l'industrie du carburant renouvelable sont extrêmement bénéfiques pour l'environnement et pour les familles canadiennes. L'éthanol a d'abord été introduit dans l'essence à titre de solution sûre pour remplacer le plomb et d'autres composés dangereux dont on se servait traditionnellement pour augmenter l'indice d'octane. Si l'on ajoute 10 p. 100 d'éthanol à l'essence, il s'ensuit une incidence positive majeure sur l'environnement, car cela réduit les émissions nettes de gaz à effet de serre de 62 p. 100. Compte tenu de la quantité de litres consommés, cela équivaut à retirer de la circulation 440 000 voitures par année. L'éthanol canadien renferme 1,6 fois plus d'énergie combustible que l'on en utilise pour sa production et il devrait en contenir plus du double d'ici 2015.

Et la liste des avantages continue. L'éthanol permet de réduire la facture des familles canadiennes pour l'achat d'essence d'environ 100 à 150 $ par an. Cela dépasse de beaucoup la hausse des prix des aliments de 35 à 50 $ par année que doit absorber la famille canadienne moyenne, en raison de la valeur plus élevée du maïs occasionnée par les biocarburants.

Au-delà des biocarburants, la valeur du marché américain des produits chimiques biosourcés devrait, selon l'USDA, atteindre 614 milliards de dollars en 2025, et la demande mondiale en bioplastique devrait augmenter de plus de 30 p. 100 par an. L'élaboration de bioproduits est une avenue particulièrement intéressante pour les agriculteurs céréaliers et oléagineux canadiens, étant donné l'expérience que nous avons déjà dans la culture pour les marchés non alimentaires et dans la culture de plantes à plus haute valeur ajoutée et à identité préservée pour les marchés de spécialité.

En Ontario, l'expertise de nos agriculteurs cadre bien avec l'existence d'un important secteur manufacturier et la volonté des entreprises manufacturières et du gouvernement de réduire leur dépendance à l'égard des hydrocarbures importés tout en s'efforçant d'améliorer la qualité de l'environnement.

Comme vous pouvez le voir, le marché des bioproduits représente une occasion inestimable pour les agriculteurs céréaliers de l'Ontario qui sont prêts à répondre à la demande en misant sur l'apport incessant de nouvelles technologies agricoles qui permettent des gains d'efficience et une augmentation du rendement. Pour le gouvernement du Canada, la meilleure façon d'appuyer notre secteur c'est de continuer à favoriser les investissements au moyen de programmes comme écoÉNERGIE et de poursuivre des initiatives publiques de recherche visant l'amélioration de la productivité agricole grâce aux progrès génétiques et à la lutte contre les mauvaises herbes et les maladies.

Pour conclure, je vous remercie de m'avoir donné la possibilité de m'exprimer devant vous aujourd'hui. Nous pensons que l'abondance de céréales cultivées par des agriculteurs du monde entier et ici au Canada peut à la fois protéger l'environnement tout en nourrissant la population.

W. Scott Thurlow, président, Association canadienne des carburants renouvelables : Honorables sénateurs, merci beaucoup de m'avoir donné la possibilité de comparaître devant votre comité afin de vous parler d'innovation en agriculture, une question importante qui est étroitement liée à la mise en valeur des biocarburants au Canada. Je suis le président de l'Association canadienne des carburants renouvelables. Aujourd'hui, je partagerai mon temps de parole avec l'un des membres de mon conseil d'administration, M. Malcolm West, vice-président des finances et directeur général de Greenfield Ethanol.

Fondée en 1984, l'Association canadienne des carburants renouvelables s'efforce de faire la promotion de la production et de l'utilisation de carburant renouvelable pour le secteur des transports et du carburant au Canada. La production de carburant renouvelable au Canada contribue à renforcer notre économie, préserve la qualité de l'air que nous respirons et joue un rôle crucial dans la planification d'un avenir énergétique sûr et diversifié. C'est aussi un secteur qui témoigne bien de l'importance de l'innovation continue en agriculture au Canada.

Les membres de l'ACCR produisent une gamme de carburants novateurs, qui comprennent, sans pour autant s'y limiter, l'éthanol conventionnel dérivé du maïs, le biodiesel fabriqué à base d'huile de cuisson et de résidus animaux et le biodiesel à base de canola ainsi que l'éthanol cellulosique, qui peut être obtenu sans recourir à des matières premières agricoles, mais qui peut comprendre les résidus alimentaires, la biomasse forestière et les résidus municipaux solides recyclés. Parallèlement, nos membres continuent d'améliorer le rendement énergétique de la production d'éthanol et de biodiesel de première génération en mettant au point de nouveaux processus ainsi que des coproduits à valeur ajoutée qui permettront au Canada de progresser au sein de la bioéconomie émergente.

L'ACCR appuie les initiatives gouvernementales visant à favoriser et promouvoir l'innovation dans le secteur agricole canadien. Après tout, l'innovation agricole et le renforcement de notre secteur des carburants renouvelables vont de pair.

Par exemple, les gains incroyables de rendement que nous avons pu observer pour des cultures comme le maïs et le canola signifient que nos agriculteurs produisent davantage de produits de haute qualité que nous utilisons, ce qui rend possibles des pratiques plus efficientes et la réduction du gaspillage. Pour les agriculteurs, une production accrue de biocarburants au Canada est synonyme de revenus agricoles supérieurs, de meilleurs prix à la ferme et d'un marché plus important et plus diversifié pour leurs cultures. Les carburants renouvelables demeurent un outil important de gestion du risque pour les agriculteurs. Mon collègue ici présent aujourd'hui pourra certainement vous en dire plus sur ce point.

Le rôle de leader que le gouvernement fédéral a joué en établissant la norme sur les carburants renouvelables (NCR) pour les véhicules légers et le biodiesel, permettant de s'assurer que 5 p. 100 de l'essence et 2 p. 100 du diesel vendu au Canada proviennent d'une source renouvelable, a déjà permis aux carburants renouvelables de laisser leur empreinte dans le bouquet énergétique canadien. Cependant, afin de pleinement mettre en valeur le secteur des biocarburants au Canada, il faut en faire davantage. Je suis là pour vous dire que si les bonnes conditions sont en place pour favoriser les investissements dans l'innovation, nous pourrons en faire encore davantage. Si nous pouvons compter sur l'appui du gouvernement et l'orientation stratégique voulue, de nombreuses nouvelles possibilités pourraient s'offrir à nous dans un avenir rapproché.

Comme je l'ai dit, le programme écoÉNERGIE du gouvernement a beaucoup contribué à créer au Canada une industrie de production de biocarburants à la fois dynamique et concurrentielle. Nous sommes positionnés pour nous tailler une bonne place dans la prochaine génération de la bioéconomie. Nous continuons à travailler avec Agroalimentaire Canada et Ressources naturelles Canada pour tirer parti des fonds consacrés au programme spécialement conçu pour le biocarburant. Nous croyons qu'en apportant des modifications mineures au programme, on générerait plus de 1 milliard de dollars supplémentaires de retombées économiques pour le Canada, en créant plus de 1 300 nouveaux emplois et en remettant au gouvernement fédéral sous forme d'impôt plus de 100 millions de dollars de son investissement.

Pour ce faire, nous adressons les propositions suivantes au gouvernement : rouvrir le programme écoÉNERGIE pour les biocarburants aux nouveaux projets portant sur le diesel renouvelable; demander aux promoteurs de projets pour lesquels la production n'a pas commencé ou la construction n'est pas terminée de faire une nouvelle demande; offrir rapidement et en toute transparence une nouvelle période pendant laquelle on pourra sélectionner et approuver de nouvelles demandes.

Le Canada est doublement privilégié. Nous avons une grande réserve de biomasse et de produits biochimiques, et nous avons aussi la technologie et l'esprit d'innovation nécessaires pour tirer de ces réserves la prochaine génération de carburants renouvelables. La construction de deux nouvelles installations sera bientôt achevée : celle dont on a parlé tout à l'heure, en Ontario, et l'autre située en Alberta, où on transformera en biodiesel l'huile de canola produite au Canada. L'essor de l'industrie canadienne des biocarburants crée des emplois et des retombées environnementales dont tous les Canadiens profiteront. Voilà pourquoi le gouvernement doit veiller à la mise en place de conditions propices à l'innovation et aux investissements créateurs d'emplois au Canada, notamment grâce à des mesures comme le programme écoÉNERGIE pour les biocarburants et le Fonds d'appui technologique au développement durable axé sur la prochaine génération de biocarburants.

Fort heureusement, ces programmes se sont révélés très efficaces pour ce qui est de favoriser l'essor industriel et la création d'emplois. Toutefois, nous croyons que le gouvernement peut prendre des mesures pour les actualiser et améliorer leur efficacité, par exemple en gardant les critères d'admissibilité actuels pour les demandes adressées au Fonds de la prochaine génération de biocarburants relevant du Fonds d'appui technologique au développement durable. Il faut savoir également que la quasi-totalité de ces fonds sont déjà engagés et prêts à être versés, c'est pourquoi nous demandons que les paramètres de financement actuels soient maintenus.

Par ailleurs, quoi qu'en disent d'autres intervenants, ce fonds n'est pas inactif. Personne n'oserait prétendre qu'un sprinteur immobile sur le bloc de départ juste avant une compétition olympique est inactif. Il est prêt à se lancer dans la course, et c'est également le cas de ce fonds. L'argent du fonds n'est pas inactif parce qu'il sert à remplir les engagements pris.

En décembre, notre association tiendra son neuvième sommet annuel sur le carburant renouvelable à Ottawa. Je crois que le thème de cette année est extrêmement pertinent pour tous les Canadiens : une énergie durable, sûre et diverse DÈS MAINTENANT!

Honorables sénateurs, je m'emballe lorsque je pense à notre industrie et à ce que l'avenir lui réserve. Ensemble, nous pouvons bâtir dès maintenant un avenir innovateur et écologique.

Malcolm West, vice-président, Finances et directeur financier, Greenfield Ethanol : Merci de me donner l'occasion de vous expliquer comment, chez Greenfield Ethanol, nous misons sur l'innovation. Je suis le chef des finances de Greenfield, le plus gros producteur d'éthanol du Canada; nous produisons quelque 500 millions de litres par année, ce qui représente environ 25 p. 100 de l'éthanol de fabrication canadienne.

Comme je travaille dans le secteur depuis une vingtaine d'années, je l'ai vu évoluer du stade embryonnaire jusqu'à son état actuel. Son formidable essor est en bonne partie attribuable à la politique intelligente et visionnaire du gouvernement fédéral. Sa stratégie sur les carburants renouvelables a établi la norme de carburants renouvelables permettant l'accès au marché, d'une part, et créer le programme d'écoÉNERGIE pour les biocarburants, d'autre part, pour permettre aux usines d'obtenir du financement.

Aujourd'hui, la production canadienne atteint quelque 2 milliards de litres d'éthanol, ce qui répond à environ 85 p. 100 de la demande. Nous nous rapprochons donc sensiblement de l'autonomie complète en la matière.

On peut dire que l'éthanol canadien est produit plus souvent qu'autrement de façon conventionnelle, c'est-à-dire par broyage à sec des céréales. En fait, vous insérez une tonne de maïs et vous obtenez à la sortie un tiers de tonne d'éthanol, un tiers de tonne de CO2 et un tiers de tonne de grains de distillerie. C'est la façon traditionnelle de procéder.

À mon avis, nous sommes très près d'assister à la fin de la croissance de l'éthanol première génération. À Greenfield, nous ne cherchons pas à ouvrir d'autres usines de production conventionnelle d'éthanol à base de maïs broyé à sec. Nous nous sommes plutôt donné un programme ambitieux qui vise à mettre à profit nos plateformes de production et notre savoir-faire en misant sur les nouvelles technologies émergentes. Ces technologies vont nous permettre de créer de nouveaux produits à valeur ajoutée, à partir du maïs que nous produisons, ce qui pourra ouvrir la porte à l'utilisation de la prochaine génération de matières premières telles que les résidus agricoles, les déchets forestiers et les nouvelles cultures énergétiques.

Nous nous efforçons continuellement de tirer le meilleur rendement possible de nos quatre usines d'éthanol. Aujourd'hui, nous obtenons environ 10 p. 100 d'éthanol en plus à partir d'un boisseau de maïs. C'est énorme, si l'on considère que le maïs représente 80 p. 100 de nos coûts de production. Ce sont les avancées scientifiques qui nous permettent de le faire; de nouvelles enzymes et de nouvelles levures, ainsi que de nouvelles pratiques d'exploitation. Ces enzymes améliorées et le recours aux technologies joueront un rôle crucial pour libérer le potentiel de l'éthanol cellulosique en ouvrant l'accès aux déchets forestiers, aux déchets agricoles et à des cultures spéciales comme le panic raide, le miscanthus, le sorgho et d'autres cultures qui peuvent non seulement générer des biocarburants, mais aussi nous aider à rétablir et à améliorer l'état des sols qui ont été appauvris par l'agriculture conventionnelle.

Peu importe l'efficacité de ces nouvelles levures et enzymes, elles ne vous mèneront pas bien loin si vous ne pouvez pas décomposer et prétraiter comme il se doit la biomasse, un aspect auquel Greenfield consacre la plus grande partie de son temps et de ses efforts en matière de recherche et développement. À Chatham, nous disposons d'une équipe talentueuse de chercheurs et d'ingénieurs en processus qui ont mis sur pied un procédé de prétraitement de la biomasse qui pourrait changer complètement la donne. Notre procédé génère de la cellulose pure et de la cellulose lourde grâce à l'apport novateur d'une extrudeuse à double vis. Au moyen de l'hydrolyse, de la fermentation et de la distillation, ces sources pures de sucre C5 et C6 peuvent être rapidement transformées en éthanol et en autres produits chimiques verts comme l'isobutanol et l'acide succinique, notamment.

Notre travail à Chatham est soutenu par le fonds d'appui de TDDC ainsi que par le Centre for Research and Innovation in the Bio-economy, aussi connu sous le nom de CRIBE. En fin de compte, nous cherchons à intégrer la technologie de l'éthanol cellulosique à nos plateformes de première génération, car nous jugeons une telle intégration essentielle au succès économique et à la concrétisation de ces projets, surtout dans les premières étapes.

Si l'on veut commercialiser ces nouvelles technologies, la difficulté résidera davantage dans la cueillette, l'entreposage, la manipulation et le traitement de la biomasse que dans la science et les procédés eux-mêmes, car j'estime que nous avons pas mal réglé ces questions-là. Ainsi, alors que pour l'éthanol à base de maïs, nous pouvons nous arrimer à des infrastructures mises en place au fil des 100 dernières années, notamment avec les silos commerciaux et les systèmes de livraison et d'entreposage, il faudra réinventer tout cela pour les biocarburants de la prochaine génération. Il nous faudra y investir et gérer toute la chaîne d'approvisionnement, ce qui représente un défi de taille. À cet égard, les gouvernements peuvent jouer un rôle important en créant des programmes pour soutenir les secteurs de l'agriculture et de la foresterie dans leurs efforts visant à mettre au point de la chaîne d'approvisionnement en matières premières de la biomasse.

Pour les biocarburants de la prochaine génération, il y a deux chemins que l'on peut prendre du côté de l'éthanol. J'en ai déjà mentionné un, le chemin biologique passant par l'hydrolyse et la fermentation des matières cellulosiques. Nous nous sommes également engagés sur l'autre chemin, soit l'avenue thermochimique. Nous participons à un projet conjoint avec une entreprise québécoise, Enerkem Inc., qui a mis au point une technologie thermique novatrice permettant de convertir en éthanol les déchets inorganiques triés industriels et municipaux, ce qui éviterait la mise en décharge de ces déchets tout en les transformant en biocarburants de prochaine génération.

Les choses vont bon train et nous allons lancer un projet de 100 millions de dollars qui sera réalisé à notre usine de Varennes, au Québec. Cette usine produit 40 millions de litres par an, avec l'appui du Fonds de biocarburants ProGen de TDDC, ainsi que du gouvernement du Québec. Nous espérons que ce projet sera opérationnel en 2014.

Outre nos efforts pour la création de biocarburants de prochaine génération, nous explorons diverses possibilités pour la mise au point de nouveaux produits à partir de notre plateforme existante. Je pourrais vous donner plus de détails lors de la période de questions, mais citons à titre d'exemple l'hydrogène vert et les produits chimiques verts fabriqués à partir de l'extraction d'huile de maïs. Il y a donc bel et bien des possibilités d'innovation.

En conclusion, j'aimerais vous laisser avec l'idée que nous disposons d'un atout extraordinaire que nous avons su développer au cours des cinq à sept dernières années au Canada : l'éthanol de première génération. Il nous procure un fondement dynamique, propice à l'innovation et à la transition de nos activités existantes vers la plateforme bioéconomique.

Nous pouvons faire notre part en ajoutant de la valeur à des produits agricoles et forestiers, mais nous aurons besoin d'aide en cours de route. On aura besoin d'un financement continu pour l'innovation afin d'appuyer les investissements du secteur privé dans ces technologies émergentes et, à cet égard, le secteur du carburant renouvelable se réjouit de pouvoir miser sur son partenariat avec le gouvernement fédéral au cours des années à venir.

Le sénateur Buth : Merci pour vos exposés. C'est très intéressant et cela tombe à point.

Vous avez mentionné le nombre d'usines d'éthanol par opposition au biodiesel. Où en sommes-nous en termes de biodiesel? Pourriez-vous me donner plus de détails sur le programme écoÉNERGIE pour les biocarburants? De quoi avons-nous besoin pour le biodiesel?

M. Thurlow : Nos membres représentent deux usines en activité. Nous avons une troisième usine, comme l'a mentionné le représentant des Producteurs de grains de l'Ontario, qui entrera très prochainement en service pour produire 175 millions de litres. Une quatrième usine sera construite en Alberta par Archer Daniel Midlands Company et elle aura une capacité de 235 millions de litres. Aujourd'hui, nous sommes bien en deçà de l'objectif de 600 millions de litres de carburant renouvelable, dont 2 p. 100 pour le diesel renouvelable. Nous appuyons le programme écoÉNERGIE pour les biocarburants que nous estimons primordial pour répondre aux besoins en biocarburants de notre pays. Le développement n'a pas été aussi senti que pour le Programme d'expansion du marché de l'éthanol et il y a plusieurs raisons qui expliquent cela. En fin de compte, le programme a été supprimé, mais nous aimerions qu'il puisse accueillir à nouveau des demandes de telle sorte que les projets qui s'ensuivront nous permettent d'atteindre la cible de 600 millions de litres établie par le gouvernement. Il faut malheureusement constater que le programme actuel n'a permis la construction que d'une seule nouvelle installation pour le biodiesel admissible au financement.

Le sénateur Buth : Pour ce qui est des sommes disponibles, s'agit-il de fonds supplémentaires?

M. Thurlow : Non, ces fonds étaient engagés dans des budgets précédents. Nous ne sommes pas en train de demander de nouveaux crédits. Nous ne demandons aucunement de nouvelles sommes. Nous demandons que l'argent déjà engagé par le gouvernement du Canada soit débloqué à nouveau afin que les nouveaux demandeurs et les anciens demandeurs puissent soumettre leurs propositions. Nous souhaiterions toutefois que le programme soit assorti de conditions, y compris un dépôt pour s'assurer que les gens qui reçoivent cet argent vont jusqu'au bout et que leurs projets voient le jour. Nous avons des projets prêts à aller de l'avant qui viennent de nos membres et pour lesquels nous aimerions présenter des demandes. Comme je l'ai précisé dans mon exposé, ces projets pourraient permettre la création de plus de 1 300 nouveaux emplois.

Le sénateur Buth : Ma prochaine question porte sur l'équilibre entre la première génération et la prochaine. Le représentant des Producteurs de grains de l'Ontario nous a dit que le développement a bénéficié à son organisation en lui procurant des revenus accrus, une meilleure stabilité rurale et des avantages pour l'environnement. Monsieur West, vous parlez de la technologie de la prochaine génération. À l'avenir, où se trouvera l'équilibre entre la première génération et la prochaine? Quand la technologie de la prochaine génération apparaîtra-t-elle? Quand sera-t-elle assez répandue sur le plan commercial?

M. West : Depuis 20 ans, des gens nous disent que ce sera fait dans cinq ans. L'éthanol provenant du maïs et des céréales ne va pas disparaître. Les mêmes plateformes seront nécessaires pour commercialiser la production cellulosique. Au départ, la production cellulosique représentera probablement 20 p. 100 de la production totale des installations, et cette proportion ira croissante. Partout dans le monde, six projets à petite échelle commerciale sont en évolution dans le secteur de l'éthanol cellulosique. Il s'agit de la première vague, de la première phase de mise en œuvre. Notre projet avec RNCan au Québec sera l'un des premiers au Canada. Cela représentera 40 millions de litres en comparaison avec une usine d'éthanol actuellement en service qui en produit environ 170 millions. Cela vous donne une idée des proportions en début du projet. Notre objectif est d'en arriver à un ratio de 50/50. Les céréales ne suffisent plus à la demande de matière première pour la production conventionnelle, et c'est pour cette raison que les États-Unis se sont dotés d'une norme équilibrée pour les carburants renouvelables. Nous essayons entre autres d'adapter les modules de production pour l'éthanol cellulosique de manière à ce qu'ils puissent absorber les déchets agricoles sur les plateformes déjà utilisées à proximité des récoltes de maïs. Nous croyons que nous parviendrons à un équilibre acceptable d'ici 15 à 20 ans.

Le sénateur Mercer : Monsieur Thurlow, je suis ici depuis neuf ans et vous êtes la première personne à comparaître devant notre comité qui nous dit qu'elle ne veut pas avoir davantage d'argent.

M. Thurlow : Je suis désolé, mais ce n'est pas ce que j'ai dit.

Le sénateur Mercer : C'est ce qu'ils ont entendu.

Monsieur VanAnkum, je n'ai pas compris si c'était de 10 à 25 cents par boisseau ou qu'il y avait de 10 à 25 cents en plus par boisseau grâce à l'éthanol.

M. VanAnkum : C'est un montant estimatif modeste de 10 à 25 cents par boisseau.

Le sénateur Mercer : Combien se vend un boisseau présentement?

M. VanAnkum : 6,50 $.

Le sénateur Mercer : Sinon, un boisseau coûterait 6,25 $. C'est un montant considérable pour les entreprises agricoles. Je sais que vous ne représentez que l'Ontario. Avons-nous atteint le rendement maximal pour les récoltes pouvant entrer dans la production de l'éthanol sans compromettre la production de denrées alimentaires?

M. VanAnkum : Non, et nous en sommes encore loin. M. Daynard peut vous répondre à ce sujet.

Terry Daynard, conseiller, Producteurs de grains de l'Ontario : Je suis ravi que vous posiez la question parce que les propos qu'on entend dans les médias me rendent complètement dingue. Je vais essayer de ne pas m'éterniser. Au fil des ans, j'ai comparu à maintes reprises devant les comités sénatoriaux. On y parle quasiment toujours de l'excédent de la production de céréales, de la diminution du revenu des agriculteurs et de la façon dont on peut aider les agriculteurs. En fin de compte, on a passé des années à décourager la production agricole. Nous avons payé des gens pour qu'ils ne cultivent pas leurs terres. Les Européens ont toujours des programmes de mise de côté de terres pour empêcher qu'on y fasse de la culture. Malgré le fait que nous n'ayons jamais investi à ce chapitre, notre productivité continue à augmenter. Les producteurs de maïs américains disent qu'ils ont connu la pire sécheresse depuis 1956 et que leurs récoltes ne dépasseront pas 124 boisseaux l'acre. Ce chiffre est aussi élevé que ceux des meilleures années de récolte des États-Unis avant la dernière décennie; leur dernière mauvaise année remonte à 1956 et ils avaient récolté 49 boisseaux l'acre à l'époque. Au fil des dernières années, il y avait des signes de découragement malgré la production.

J'ai aussi fait de la recherche pendant un certain temps. On pouvait obtenir des fonds pour à peu près tout sauf la production. La dernière chose que voulait quelque gouvernement que ce soit était d'encourager la production parce qu'il y en avait trop. On a fait la même chose partout dans le monde. Je ne connais pas les chiffres canadiens, mais les États-Unis ont dépensé 25 p. 100 de leur budget consacré à l'aide étrangère en 1980 à l'agriculture. Les derniers chiffres que j'ai vus étaient de 2 p. 100. Les chiffres canadiens sont mieux cachés, donc je ne peux les obtenir aussi facilement. Malgré cela, la productivité continue d'augmenter.

Je suis agriculteur et ma principale source de revenu est mon exploitation agricole. Tous les producteurs céréaliers du monde tentent de trouver un moyen de cultiver plus de céréales en se demandant s'il y aura sécheresse l'année suivante. Je suis inquiet du fait que ça pourrait être l'inverse. Qu'allons-nous faire de la production de céréales excédentaire? La plus grande inquiétude que j'ai, c'est que nous allons faire ce que nous avons fait pendant 20 ans et exporter cette production à des prix excessivement bas vers le tiers-monde et détruire leur agriculture — la subventionner et la faire s'effondrer.

La réponse, c'est que nous ne sommes même pas proches de ce que nous pourrions réaliser en matière de productivité agricole. Les grosses céréales issues de la biotechnologie ne sont pas même pas encore là. On s'intéresse à la résistance aux sécheresses et tout un tas d'autres choses semblables. Tout ce que nous avons pour le moment, c'est une certaine résistance aux maladies et aux insectes. Je suis inquiet, en tant que Canadien. Je pense que nous serons de retour dans deux ans pour parler avec des sénateurs des mesures à prendre pour résoudre les questions de chute des prix des céréales, de surplus de production et de revenus agricoles.

Le sénateur Mercer : D'après ce que nous ont dit MM. Thurlow et West, ils seraient intéressés à utiliser le produit que vous et M. VanAnkum produisez. Je n'ai entendu personne dire que nous avons optimisé les bénéfices à tirer de la demande d'éthanol. La demande d'énergie renouvelable continue d'augmenter. J'aimerais reprendre ce que vous avez dit et m'adresser à MM. West et Thurlow. M. Daynard parle de possibilités encore plus importantes de cultiver des céréales et du maïs qui peuvent être utilisés par vos membres, monsieur Thurlow. S'ils peuvent augmenter la production, serez-vous en mesure d'acheter le produit à un tarif concurrentiel?

M. Thurlow : C'est là que le bât blesse. La première chose que je dirais au comité, comme je l'ai indiqué plus tôt, est que nous importons encore un peu d'éthanol afin de répondre aux exigences de notre quantité normalisée de carburant renouvelable. Comme M. West peut l'expliquer, la conjonction de plusieurs facteurs influe sur le prix. Il y a un autre facteur qui aura des répercussions sur la disponibilité de l'éthanol, et c'est l'obstacle que représentent les règles de composition de l'essence aux États-Unis. À l'heure actuelle, il y a un excédent d'éthanol aux États-Unis, car la teneur en éthanol de l'essence ne peut pas dépasser 10 p. 100.

Le sénateur Mercer : Le font-ils par obligation ou par choix?

M. West : Je pense que les automobiles peuvent rouler avec de l'essence contenant 10 p. 100 d'éthanol.

Le sénateur Mercer : Vous avez utilisé le verbe « pouvoir ».

M. West : Oui.

Le sénateur Mercer : Si ma mémoire est bonne, le pourcentage est plus élevé pour les automobiles au Brésil. Je pense que les automobiles brésiliennes sont équipées des mêmes moteurs à combustion que les automobiles américaines.

M. West : Il suffit de faire quelques modifications mineures pour faire d'une automobile normale nord-américaine un véhicule polycarburant, capable de fonctionner avec de l'essence comprenant jusqu'à 85 voire 100 p. 100 d'éthanol. Il s'agit surtout de remplacer certains joints et certains conduits en utilisant des matériaux différents. Il en coûterait peut-être une centaine de dollars pour permettre à ce type de véhicule d'être véritablement polycarburant.

Pour revenir à votre question concernant la demande canadienne totale, elle dépasse sans doute 40 milliards de litres par an. Nous pourrions facilement atteindre 10 p. 100, soit 4 milliards de litres — deux fois la capacité actuelle de l'industrie — sans rien changer à quoi que ce soit. Nous disposons de toute la marge voulue pour accroître cette capacité.

Le sénateur Mercer : Nous sommes ici présents afin d'examiner les efforts de recherche et d'innovation dans le secteur agricole en vue d'en faire rapport. Nous discutons avec vous d'une technologie actuellement disponible qui existe depuis un certain temps. En effet, certains perfectionnements peuvent être apportés pour rendre plus rentables la culture, la production et l'utilisation, mais parlons plutôt de l'étape suivante. Qu'en est-il de la suite? C'est ce qui nous intéresse ici. Quelle est la prochaine technologie que nous n'utilisons pas encore? Voilà des années que j'entends parler ici de panic raide pour assurer la production, mais je n'ai pas encore parlé à quelqu'un qui a utilisé de grandes quantités de panic raide dans ses cultures. Quelle est la prochaine technologie que nous devrions envisager et comment pouvons- nous nous rendre à cette étape?

M. West : Je vous donnerai une réponse à deux volets. La première partie de ma réponse traitera de la question du panic raide et des raisons pour lesquelles cette technologie n'a pas décollé. Pourquoi la technologie de la société Iogen, qui existe depuis 10 ans, a pris si longtemps à être mise au point pour ne jamais être menée à terme?

La réponse à cela nous ramène à ce qui nous intéresse, à savoir le prétraitement de la biomasse. Jusqu'à tout récemment, toutes les technologies avaient recours à une grande quantité d'acide minéral afin de décomposer la biomasse, la cellulose. La nature donne aux arbres beaucoup de résistance, ce qui explique la raison pour laquelle ils vivent aussi longtemps. Il est très difficile de décomposer cette matière. Au début, les pionniers pensaient qu'ils pouvaient la décomposer à l'aide d'acide afin de rendre la conversion de la cellulose possible. Le problème, c'est quoi faire de cet acide, car il empoisonne la levure en aval et il faut s'en débarrasser. Le seul moyen d'y parvenir c'est d'utiliser une énorme quantité d'eau, ce qui exige des investissements en capital de 10 à 20 fois plus élevés que pour une usine d'éthanol de première génération. Cela ne fonctionne tout simplement pas. C'est la raison pour laquelle la technologie du type de celle mise au point par Iogen n'a pas fonctionné. Si vous trouvez un moyen intelligent de traiter la biomasse et d'extraire tous les inhibiteurs afin d'en obtenir que des flux de sucre pur, cela facilitera l'application des nouvelles enzymes, la fermentation entraînée par les levures et la distillation.

Nous avons mis à l'essai le miscanthus. Nous en tirons 380 litres d'éthanol par tonne grâce à cette méthode de nettoyage. Il faut adopter une méthode intelligente d'utilisation du capital. Je viens du milieu de la finance. J'envisage cette question du point de vue de sa viabilité sur le plan commercial. Ne me dites pas que vous êtes capable d'en produire un litre pour une séance de photos. Cela va-t-il fonctionner dans le cadre d'une usine d'envergure commerciale? Ce n'est qu'au cours des quelques dernières années que des entreprises comme la nôtre ont résolu ce problème en rendant les sucres prêts au traitement.

Vous vouliez aussi savoir ce que nous faisons d'autre en matière d'innovation. Nous pouvons faire un certain nombre de choses dans nos usines existantes d'éthanol de maïs comme extraire l'huile du maïs. Nous avons commencé à le faire cette année à notre usine de Chatham. Plutôt que d'avoir simplement trois produits, nous en avons maintenant quatre. Nous pouvons raffiner cette huile pour en faire du biodiesel. Nous pouvons aussi la traiter différemment et en faire des esters éthyliques ou butyliques ou des glycérols à forte teneur. Il y a beaucoup de produits de raffinage d'huile de maïs, toute une série. Tout comme dans une raffinerie pétrochimique, nous pouvons appliquer différents processus de type digestion anaérobie ou de « transestérification », qui peuvent créer des produits qui se vendent peut-être 10 fois plus cher que la drêche de distillerie que nous vendons pour l'alimentation animale.

Nous avons un autre projet qui consiste à extraire le son et le germe des grains de maïs en recourant à un processus de broyage humide modifié au moyen d'une ozonisation très légère. Le résultat est légèrement grillé et nous pouvons le vendre à Kellogg ou à Kashi pour être substitué aux arachides dans les goûters préparés. Nous sommes en train de créer un autre produit qui va valoir davantage au poids que l'éthanol et qui servira d'ingrédient très nutritif dans la composition de barres énergétiques et de goûters préparés.

Nous pouvons récupérer l'hydrogène des résidus de distillation de notre procédé afin de constituer un produit chimique écologique qui peut servir d'hydrogène pour les piles à combustible. Nous avons un projet de 40 millions de dollars au Québec visant à installer un gigantesque digesteur anaérobie qui va pouvoir traiter 100 000 tonnes de déchets municipaux des municipalités de la Rive-Sud de Montréal. La digestion anaérobie permet de produire du méthane qui est utilisé pour déloger le gaz naturel que nous utilisons pour produire de la vapeur à notre usine d'éthanol. Par la même occasion, nous éviterons l'acheminement de 100 000 tonnes de déchets organiques vers des sites d'enfouissement.

Ce genre d'initiative est tout à fait bénéfique sur le plan économique et au titre des politiques, mais cela ne peut se faire sans un programme. C'est là le secret.

Le sénateur Mercer : Je voudrais faire un lien avec notre étude précédente sur les forêts. Cette étude ne m'a pas révélé de surprises. Je suis de la Nouvelle-Écosse où l'on vient de fermer deux usines de pâtes à papier si bien qu'il n'en reste plus qu'une en exploitation. C'est dévastateur pour les localités où elles étaient installées. Au moment de notre étude sur les forêts, on nous a dit que l'on pouvait utiliser la cellulose produite par ces usines pour créer non seulement de l'énergie, mais aussi d'autres sous-produits comme des succédanés de textile ou encore un matériau qui ressemble à du plastique, mais qui est en fait de la cellulose.

Vous avez mis l'accent sur un véritable problème, à savoir le coût des infrastructures. La situation ne se limite pas à ma seule province; il y a des usines de pâtes à papier ailleurs au Canada qui ont cessé de produire. Quelqu'un pourrait trouver la technologie nécessaire pour qu'elles redémarrent. Vous avez parlé de la solidité des arbres, mais on a déjà abattu les arbres. Si vous pouvez trouver un moyen d'en extraire quelque chose, nous serions ravis que l'étude actuelle puisse déboucher sur une innovation semblable.

M. West : C'est précisément la raison pour laquelle nous avons un partenariat avec des organisations comme le Centre pour la recherche et l'innovation en bio-économie, dont le mandat est de financer des projets d'innovation et de trouver des débouchés pour la commercialisation de produits forestiers. Grâce à la participation du centre au projet expérimental à Chatham, nous sommes en train de construire un module d'extraction de la lignine qui intervient au début du processus afin que nous puissions extraire les lignines en même temps que nous nous débarrassons des impuretés.

Vous avez raison. Tout le secteur des usines de pâtes à papier nous offre de nombreuses plateformes et infrastructures de fabrication à exploiter. Il nous faut tout simplement trouver des moyens d'ajouter de la valeur aux produits traditionnels en recourant à des technologies qui s'imbriquent. La technologie de la cellulose s'applique parfaitement aux biocarburants, mais elle est aussi en partie essentielle pour les produits forestiers. Nous avons travaillé pendant des années avec Frank Dottori de Tembec, car il était notre directeur de la recherche jusqu'à il y a quelques années. Il avait un petit faible pour les forêts et nous examinons comment nous pourrions trouver un débouché commercial, qu'il s'agisse de biocarburants, de produits chimiques ou encore de technologies nanocristallines pour les lignines. Nous explorons différents débouchés possibles avec nos collaborateurs.

M. Daynard : Vous avez posé une question plus tôt à propos de ce que sera la prochaine technologie. Je ne saurais vous répondre dans le cas de la foresterie, mais je peux certes le faire pour le secteur agricole. Si nous nous intéressons maintenant aux biocombustibles, l'avenir appartiendra aux bioplastiques et à toutes sortes de bioproduits. Il est important de se rendre compte qu'il y a beaucoup de choses qui se passent au Canada en ce moment au plan commercial. Woodbridge Foam est une compagnie privée qui n'est pas très bien connue, mais elle est le plus grand manufacturier au monde de mousse destinée au secteur automobile. Son siège social est situé à Mississauga. Suivant une progression systématique, on remplace les sièges, les dossiers, les garnitures de toit et toutes les composantes d'une voiture qui ne sont pas en métal ou en verre par des produits maison en polyuréthane à base d'huile de soya.

Canadian General Tower à Cambridge existe depuis 150 ans. Pour vous dire, au départ, on fabriquait des calèches. L'entreprise confectionne maintenant entre 80 et 90 p. 100 de tous les revêtements de siège en vinyle au monde. Cela comprend les sièges en cuir. Si vous prenez place dans une voiture avec des sièges en cuir, vous êtes assis sur du cuir. Toutefois, tout ce qui se trouve autour de ce cuir est en faux cuir; c'est synthétique. Là aussi, la démarche est systématique; on remplace les différentes composantes par de l'huile végétale, en partie parce qu'ils croient que c'est novateur, mais aussi parce que cela réduit les coûts.

Magna est une énorme installation de recherche à Concord au nord de Toronto financée par le CNRC et beaucoup de la recherche qui s'y fait porte sur les bioplastiques. GM et Ford investissent beaucoup d'argent dans ces recherches; et Toyota le fait également ailleurs dans le monde. Les fabricants d'automobiles sont à l'avant-garde dans ce domaine, mais beaucoup de travail se fait aussi ailleurs.

Lorsque les prix des céréales diminuent, et en fait nous croyons qu'ils vont diminuer encore beaucoup, nous voyons ça comme une bonne occasion. La valeur du marché mondial pour le plastique atteint 2 billions de dollars par année et nous aimerions bien en obtenir une part.

Le sénateur Mahovlich : Est-ce que le public verra le prix de l'essence pour les voitures redescendre à 60 cents?

M. Thurlow : Je ne peux pas faire de commentaires à ce sujet, mais je peux vous dire que l'utilisation de l'éthanol va diminuer de beaucoup le prix de votre essence. Actuellement, l'éthanol se vend beaucoup moins cher que le prix à la rampe de l'essence. Augmenter l'utilisation de l'éthanol contribuera à faire diminuer le prix de l'essence.

Le sénateur Robichaud : Question supplémentaire : quand verrons-nous cela?

M. Daynard : Vous le voyez actuellement. Vous pensez que 1,30 $ le litre c'est cher, mais les calculs qui ont été faits indiquent que le prix de l'essence serait probablement 10 à 15 cents plus élevé si ce n'était de l'éthanol. Les Américains ont cité des chiffres provenant de Iowa State University. Souvenez-vous qu'ils mettent 10 p. 100 d'éthanol dans leur essence en moyenne tandis que nous en mettons 5 p. 100. Ils ont donné un chiffre de 1 $ le gallon comme incidence de l'utilisation de l'éthanol. Il est difficile d'expliquer cela aux consommateurs parce que ce n'est pas que l'essence soit bon marché; c'est qu'elle serait encore plus chère sans l'éthanol.

Le président : C'est très intéressant. J'aimerais poser une question ou revenir sur celle que vient de poser le sénateur Mahovlich. Sans nommer d'entreprise, pourquoi nos stations-services annoncent-elles qu'il n'y a pas d'éthanol dans leurs combustibles? Pourquoi annoncer cela?

M. Thurlow : Je pense que vous devriez plutôt adresser cette question aux gens du secteur pétrolier.

Au Canada, la teneur du combustible en éthanol ne peut pas dépasser 5 p. 100 en moyenne. C'est ce que les entreprises du secteur doivent livrer aux consommateurs en fonction de leur production annuelle totale. À mon avis, il vaut mieux leur poser la question directement.

Le président : Merci bien.

[Français]

Le sénateur Rivard : On sait que le Canada s'apprête à signer un traité de libre-échange avec l'Union européenne, ce qui représente un potentiel de 27 pays. Avez-vous déjà calculé la valeur que représentera nos exportations en biocarburant sur une base annuelle?

[Traduction]

M. Thurlow : La première réponse à votre question serait qu'en Amérique du Nord, le marché des carburants est libre. Tandis que nous importons à l'heure actuelle un peu d'éthanol pour nous permettre de remplir notre mandat national de 200 millions de litres, il y a aussi du carburant canadien qui traverse la frontière vers les États-Unis.

Au mois de mai, on m'a posé la question au sujet de l'Union européenne et on m'a demandé ce que pensait notre association de cette entente commerciale particulière. Nous avons exprimé notre soutien pour cette entente. Il va sans dire que l'Union européenne pourrait devenir un marché d'exportation important pour le canola ainsi que pour d'autres carburants à base de céréales.

De nos jours, nous cherchons d'abord et avant tout à remplir notre mandat national. Cela s'applique tant à l'éthanol qu'au biodiesel. Nous pourrions éventuellement accroître nos exportations, mais il faut tout d'abord que nous remplissions notre mandat national.

[Français]

Le sénateur Rivard : J'ai une dernière question pour M. West sur le projet pilote d'ÉnerCan au Québec.

Est-ce que vous avez une idée du nombre d'emplois qui vont être créés ou du chiffre d'affaires annuel qui devrait se faire, si cela se développe comme on l'espère?

[Traduction]

M. West : Cette question porte sur l'entreprise conjointe avec Ressources naturelles Canada. Nous pensons pouvoir créer environ 25 emplois directs. Il s'agit d'un processus compliqué; les emplois opérationnels axés sur les processus et exigeant une main-d'œuvre hautement spécialisée y sont associés. Je n'ai pas les chiffres en main quant au nombre d'heures de travail en construction et quant aux emplois en construction, mais il s'agit d'un projet d'investissement s'élevant à 100 millions de dollars.

Quant à la production, le chiffre d'affaires serait fondé sur la valeur marchande de l'éthanol produit, mais il serait juste de dire que le chiffre de vente global se situerait autour de 35 millions de dollars par année, seulement pour l'éthanol cellulosique.

[Français]

Le sénateur Rivard : Il faut penser aussi que Varennes, bien sûr, c'est la région de Montréal. Si l'entreprise connaît du succès, on pourra faire des petits dans d'autres régions au Québec, car toutes les municipalités produisent des résidus urbains, donc cela peut être très prometteur, votre nouvelle technologie.

[Traduction]

M. West : Il est souvent plus difficile de faire construire la première installation en son genre. Nous avons déjà établi une relation plus globale avec le fournisseur de technologie nous assurant une certaine exclusivité aux fins du développement conjoint d'autres usines d'éthanol thermochimique. Il s'agit de pouvoir bien organiser une chaîne d'approvisionnement structurée pour les déchets municipaux, qui sont disponibles à des fins d'exploitation dans tout centre métropolitain si l'on s'y prend suffisamment à l'avance. À l'heure actuelle, nous étudions différents emplacements au Canada et aux États-Unis en collaboration avec Ressources naturelles Canada.

[Français]

Le sénateur Rivard : Un dernier point : lorsque vous parlez de déchets urbains, vous incluez bien sûr les ordures ménagères, n'est-ce pas?

[Traduction]

M. West : Cette technologie thermochimique utilise les déchets inorganiques. Il ne s'agit que de déchets organiques comme les pelures de banane, que l'on achemine vers le digesteur. De concert avec Ressources naturelles Canada, nous débutons notre première phase avec les déchets industriels et de bois de construction, qui seront mélangés aux déchets municipaux triés et traités pendant la deuxième phase. On en viendra effectivement un jour à pouvoir transformer en biocarburant tout ce qui est inorganique — les sacs en plastique, le bois, le papier, les déchets de papier, tout ce qui est ramassé en bordure de rue.

M. Thurlow : C'est-à-dire tout ce qui contient du carbone.

Le sénateur Callbeck : Je sais que nous manquons de temps, alors mes questions seront brèves.

Plusieurs d'entre vous ont mentionné les drêches de distillerie. Peut-on s'en servir pour nourrir les animaux, et cela permettrait-il au producteur de réduire ses coûts?

M. Daynard : On s'en sert effectivement pour nourrir le bétail. C'est une vieille expression qui remonte au temps où les distillateurs les utilisaient. C'est un sous-produit qui entre dans la fabrication de l'éthanol, et c'est en principe tout ce qui reste dans le grain, une fois la fécule extraite. Les céréales à distillerie ont un teneur en protéine très élevée et elles contiennent beaucoup d'autres bonnes choses. Les bêtes aiment bien ces céréales qui ne leur causent aucun problème dans 99 p. 100 des cas. Le taux de fibre est plus élevé et certains animaux ne les digèrent pas bien, mais au bout du compte, c'est comme un supplément protéiné.

Le sénateur Callbeck : Vous dites que certains animaux les digèrent mal, mais à part cela, il n'y a pas vraiment de problème?

M. Daynard : C'est ça. Les animaux qui les digèrent le mieux sont les ruminants, soit les bovins à viande, les bovins laitiers et les moutons. On peut leur donner des céréales à distillerie, et certains éleveurs ne leur donnent que cela à manger. Quant aux poulets, il ne faut pas leur donner trop de fibres. Tout ce qui se trouve dans un grain de maïs est sous forme concentrée, y compris le taux de fibre.

Mais il y a des limites. On peut aller jusqu'à 25 ou 30 p. 100, mais la demande dépasse l'offre.

M. Thurlow : À l'heure actuelle, nous importons des drêches sèches de distillerie au Canada. Aux États-Unis, les médias ont rapporté qu'il y a pénurie de drêches sèches de distillerie, et que certaines bêtes les préfèrent à cause de leur teneur élevée en protéine.

Le sénateur Callbeck : Qu'en est-il du coût?

M. Daynard : Le produit qui fait le plus concurrence à ces drêches est le tourteau de soja. Le tourteau de soja et la farine de canola sont les aliments protéinés qu'on donne le plus souvent au bétail. Le prix dépend donc de celui du tourteau de soja ou de la farine de canola.

M. VanAnkum : C'est un équivalent acceptable.

Le sénateur Duffy : J'aimerais revenir au mélange d'éthanol dans l'essence, et aux distinctions entre le Canada et les États-Unis à cet égard.

Monsieur VanAnkum, il y a quelques années, j'avais été surpris de constater l'importance non seulement du secteur agricole ontarien dans son ensemble, mais aussi de la production céréalière dans cette province. Je crois que les Canadiens ont l'impression que c'est seulement dans l'Ouest du pays qu'on cultive des céréales, et qu'en Ontario, c'est l'industrie automobile qui occupe toute la place, avec un peu d'agriculture. Pouvez-vous nous dire à quel point le secteur agricole est important en Ontario, tout comme il l'est à l'Île-du-Prince-Édouard, d'où je viens?

M. VanAnkum : Si vous combinez production alimentaire et transformation des aliments, vous obtenez le secteur économique le plus important en Ontario aujourd'hui. Les statistiques démontrent que l'Ontario est la troisième province en importance pour la culture des céréales, derrière l'Alberta et la Saskatchewan. L'Ontario à elle seule, produit plus de 9 millions de tonnes de céréales cultivées sur 5 millions d'acres.

Le sénateur Duffy : Ce que vous nous dites aujourd'hui est que ces chiffres vont augmenter au fur et à mesure que nous trouverons d'autres façons d'utiliser nos diverses cultures.

Et finalement, si les États-Unis produisent 10 p. 100 d'énergie verte, s'ils mettent de l'éthanol dans leur essence, pourquoi est-ce qu'on se limiterait, nous, à 5 p. 100? Dans les provinces maritimes, n'y a-t-il pas une option de 9 ou 10 p. 100?

M. Thurlow : Il y a deux façons de répondre à votre question. Quand le gouvernement a décidé de lancer son initiative sur les carburants renouvelables, il s'est fixé des cibles à 5 p. 100 et à 2 p. 100. Nous appuyions ces cibles à l'époque et nous le faisons toujours. Nous n'avons pas encore atteint la cible de 5 p. 100 qui est exigée en vertu de la norme sur les carburants renouvelables. Comme je l'ai dit plus tôt, nous devons d'abord et avant tout déployer tous les efforts nécessaires pour atteindre cette cible.

Le sénateur Duffy : Pourquoi n'avons-nous pas atteint l'objectif? Je suis désolé de vous couper la parole, mais il ne nous reste pas beaucoup de temps. Est-ce l'industrie qui n'est pas encore prête? Est-ce les compagnies pétrolières qui hésitent? Si une voiture peut rouler avec 10 p. 100 d'éthanol à Détroit, nous pouvons certainement la faire rouler avec la même proportion d'éthanol à Windsor.

M. West : Là où l'éthanol est mélangé, c'est toujours dans une proportion de 10 p. 100. Ce n'est pas comme si on l'intègre dans une proportion de 5 p. 100.

Le sénateur Duffy : Les 5 p. 100 dont vous parlez, c'est par rapport au volume total d'éthanol qui est utilisé au pays?

M. West : C'est ça.

Le sénateur Duffy : Comment pourrait-on augmenter ce volume?

M. West : La meilleure façon de le faire serait de le rendre obligatoire. Cela ne se passera pas sans mandat, mais il faudra que nous trouvions un équilibre dans l'application progressive parce que nous voulons avoir un plan de développement raisonnable. Beaucoup de capitaux sont consacrés au développement des usines d'éthanol. Nous ne voulions trop nous devancer avec la première génération afin de voir ce que nous amènerait la technologie de deuxième génération, parce que nous ne voulions pas perdre l'occasion d'utiliser la meilleure technologie pour la suite des choses.

C'est une bonne question, mais on ne pourra modifier le taux d'inclusion moyen à l'échelle nationale que par la voie législative.

Le sénateur Duffy : Puis-je donc en déduire que le développement des autres produits comme le panic raide — à propos duquel nous avons entendu des témoignages, et nous sommes nombreux à nous intéresser à ces cultures de remplacement et aux débouchés qu'elles ouvrent — sera également lié à l'expansion de leur utilisation?

M. West : Effectivement. Il faut nous assurer qu'il y ait assez de places pour toutes les différentes technologies.

Le sénateur Duffy : Merci beaucoup. C'est vraiment matière à réflexion intéressante.

Le président : Sénateur Robichaud, avant de vous laisser poser votre question supplémentaire, nous allons écouter le commentaire de M. Daynard.

M. Daynard : J'ai travaillé avec les producteurs de maïs en tentant de garder l'industrie à l'écart des discussions. En fait, pendant un certain temps j'ai été président de l'Association canadienne des carburants renouvelables quand c'était une association beaucoup plus petite.

Les motivations étaient différentes au Canada. Aux États-Unis, on voulait seulement quelque chose pour remplacer le plomb en tant qu'additif améliorant l'indice d'octane. C'est ainsi que l'éthanol a été mélangé à l'essence au départ; l'éthanol a un indice d'octane de 115, ce qui n'est pas négligeable.

Les États-Unis sont un pays importateur de pétrole et nous sommes un pays exportateur de pétrole, ce qui a toujours été la principale différence de motivation entre les deux pays, et ça continue de l'être.

En même temps, j'aimerais signaler un phénomène qui revient sans arrêt concernant l'éthanol. Certains détracteurs de l'éthanol pour ce qui est des questions environnementales utilisent toujours des données américaines et ne citent pas les études canadiennes. Cela s'explique par le fait que les chiffres américains sont beaucoup moins bons que les nôtres. Ils utilisent beaucoup plus d'énergie pour la production de leurs récoltes. Ils utilisent beaucoup plus d'azote et d'irrigation là-bas. De plus, plusieurs de leurs usines d'éthanol sont alimentées au charbon, alors que les nôtres fonctionnent pratiquement toutes au gaz naturel. Nous avons une plus grande efficacité énergétique, et cetera. Donc, si vous rencontrez des gens qui sont contre l'éthanol, demandez-leur d'où proviennent leurs données. Ce sera probablement de la Californie.

Le président : Merci beaucoup.

Le sénateur Robichaud va conclure.

Le sénateur Robichaud : Nous en sommes donc à 5 p. 100 d'intégration. Si nous devions passer par exemple à 10 p. 100, combien nous faudrait-il de temps pour produire l'éthanol nécessaire sans avoir à en importer des États-Unis comme nous le faisons actuellement?

M. West : Voulez-vous que je réponde?

M. Thurlow : S'il vous plaît.

M. West : Il s'agirait ici de produire deux milliards de litres d'éthanol en plus, en combinant de l'éthanol traditionnel issu des céréales et les nouvelles technologies. Il va falloir sans doute attendre une autre décennie avant d'approcher du milliard de litres d'éthanol cellulosique ou thermochimique. Il faut être réaliste. Au départ, ces modules seront plutôt petits; ils accroîtront en dimension et en nombre au fil des ans.

Je crois que l'on vous induirait en erreur en affirmant pouvoir augmenter notre production de 5 à 10 p. 100 au cours des cinq prochaines années grâce à l'éthanol cellulosique. Cela ne va pas se faire.

Des programmes ont été mis en place pour encourager la production des deux premiers milliards de litres d'éthanol, des programmes qui étaient absolument essentiels pour le financement de ces usines. Le développement se fera beaucoup plus lentement à moins que le gouvernement décide de créer un autre volet du programme écoÉNERGIE pour les biocarburants afin d'offrir un soutien semblable.

Le président : Merci beaucoup. Je tiens à dire aux témoins que cette séance est parmi les plus longues que nous ayons tenues jusqu'à maintenant et c'est sans doute en raison de la qualité de vos témoignages fort instructifs et intéressants.

Je vous remercie d'avoir accepté notre invitation.

(La séance est levée.)


Haut de page