Délibérations du Comité sénatorial permanent de
l'Agriculture et des forêts
Fascicule 24 -Témoignages du 23 octobre 2012
OTTAWA, le mardi 23 octobre 2012
Le Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts se réunit aujourd'hui, à 17 h 5, afin d'examiner, pour en faire rapport, les efforts de recherche et d'innovation dans le secteur agricole (sujets : l'innovation dans le système agricole et agroalimentaire de la perspective des producteurs agricoles ainsi que la coordination du financement fédéral-provincial et du secteur privé en agriculture et en agroalimentaire.)
[Traduction]
Le sénateur Percy Mockler (président) occupe le fauteuil.
Le président : Honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue à cette réunion du Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts.
Je suis le sénateur Percy Mockler, du Nouveau-Brunswick, président du comité. Avant que nous procédions à l'audition des témoins, je vais demander à tous les sénateurs de se présenter.
[Français]
Le sénateur Robichaud : Bonjour, je suis Fernand Robichaud, sénateur de Saint-Louis-de-Kent, au Nouveau- Brunswick.
Le sénateur Chaput : Bonjour, je suis Maria Chaput, sénateur du Manitoba.
[Traduction]
Le sénateur Callbeck : Je suis le sénateur Catherine Callbeck, de l'Île-du-Prince-Édouard.
Le sénateur Plett : Je suis le sénateur Don Plett, du Manitoba.
[Français]
Le sénateur Demers : Bonjour, je suis Jacques Demers, sénateur du Québec.
Le sénateur Verner : Bonjour, je suis Josée Verner, sénateur du Québec.
[Traduction]
Le sénateur Wallace : Je suis le sénateur John Wallace, du Nouveau-Brunswick.
Le président : Je remercie les honorables sénateurs.
Au nom de notre comité, j'aimerais saisir cette occasion pour remercier les témoins d'avoir accepté notre invitation à partager avec nous vos opinions, vos commentaires et vos idées concernant l'avenir de l'agriculture.
Aux termes du mandat qui lui a été confié par le Sénat du Canada, le Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts est autorisé à examiner, pour en faire rapport, les efforts de recherche et d'innovation dans le secteur agricole. Plus particulièrement, notre comité sera autorisé à se pencher sur les efforts de recherche et de développement dans le cadre...
[Français]
Premièrement, le développement de nouveaux marchés domestiques et internationaux et, deuxièmement, le renforcement du développement durable et agricole.
[Traduction]
Enfin, le renforcement la diversité et la sécurité alimentaire.
Cela étant dit, honorables sénateurs, notre comité aura le plaisir d'entendre deux témoins.
[Français]
Nous recevons M. Victor Santacruz, directeur exécutif de l'Association canadienne des pépiniéristes et des paysagistes.
[Traduction]
Nous entendrons aussi M. Kevin Schooley, directeur exécutif de l'Ontario Berry Growers Association.
Là encore, c'est un honneur pour nous d'écouter ce que vous avez à dire. J'invite maintenant M. Schooley à nous présenter son exposé, qui sera suivi de celui de M. Santacruz. Une fois vos exposés terminés, les sénateurs vous poseront des questions et vous pourrez nous donner votre avis indépendamment des déclarations déjà faites dans les exposés.
Kevin Schooley, directeur exécutif, Ontario Berry Growers Association : Je représente l'Ontario Berry Growers Association. Notre association regroupe des producteurs dont l'adhésion est facultative. Elle a principalement pour objet de faire de l'éducation, de la recherche et de la promotion. Nous administrons par ailleurs un programme de plantes propres qui met à la disposition des pépinières canadiennes, et d'un certain nombre de pépinières aux États- Unis, des variétés de plantes libres de toute maladie.
La première innovation dont je veux vous parler aujourd'hui est celle de l'allongement des saisons. Traditionnellement, les fraises faisaient l'objet d'une récolte en été pendant quelque trois à cinq semaines. Les producteurs agricoles ont fait appel à la recherche et à certaines techniques novatrices, notamment les minitunnels, les abris-serres et surtout, je crois savoir, la production indépendante de la durée du jour, que nous qualifions de préférence de production en toutes saisons.
La saison ne dure plus de trois à cinq semaines et nous avons maintenant de nombreux producteurs qui se rapprochent d'une saison de récolte de cinq mois, depuis la fin mai jusqu'à une date bien avancée en octobre si le temps le permet. Nous plantons les fraises en deux temps en été pour garantir la continuité des approvisionnements pendant tous les mois d'été. Cette innovation a eu une grande importance. C'est encore tout nouveau pour nombre de nos producteurs qui expérimentent cette façon de procéder, mais nous avons réussi à fournir un approvisionnement plus régulier en fraises.
Nous avons de la même manière prolongé la saison des framboises. Là aussi, la récolte se fait traditionnellement en juillet et dure de quatre à cinq semaines. Ces dernières années, on a vu apparaître les framboises d'automne ainsi que les abris-serres, ce qui a là encore repoussé en plein mois d'octobre la récolte de ces framboises d'automne qui commencent à donner vers le milieu où la fin du mois d'août.
L'autre grande récolte de petits fruits, celle des bleuets, a vu dernièrement l'apparition de cultivars nouveaux ou améliorés qui prolongent la saison.
Voilà pour ce qui est du prolongement des saisons de récolte. Le secteur des petits fruits est soumis de manière générale à une concurrence toujours plus grande des importations. Il est très courant d'importer des fraises et des framboises. C'est ainsi que sur l'ensemble de l'année, 84 p. 100 des ventes de fraises au Canada portent sur des produits importés.
Le sénateur Robichaud : Quatre-vingt-quatre pour cent?
M. Schooley : Oui, 84 p. 100. C'est ce qui explique en partie certaines de ces innovations; il s'agit de concurrencer les produits importés.
La production des bleuets en Ontario reste assez réduite. D'autres provinces, comme la Colombie-Britannique, ont étendu leur production et exportent beaucoup à l'extérieur de la province, tant au Canada qu'aux États-Unis. Ce n'a pas été le cas en Ontario et notre climat ne nous aide pas.
Il y a certaines préoccupations dans notre secteur. De manière générale, la recherche a diminué au Canada. L'exemple le plus frappant c'est que nous avions au début de l'année 2012 quatre phytogénéticiens au Canada et qu'il n'en restera plus qu'un en janvier 2013. Deux d'entre eux travaillaient à l'AAC et ont perdu leur poste et un autre prend sa retraite à l'Université de Guelph et nous croyons qu'il ne sera pas remplacé. C'est l'une de nos préoccupations.
Le financement de la promotion et de la recherche, notamment en ce qui concerne les activités de promotion, a lui aussi diminué. Nos groupes de produits au Canada envisagent de se doter de conseils nationaux de recherche et de promotion, un pour les framboises, un pour les bleuets et un pour les fraises. Pour les framboises, le conseil a été soumis à examen et nous comptons le faire en avril pour les fraises; c'est notre objectif.
Ces conseils nous donnent la possibilité de taxer aussi bien notre production intérieure que les produits importés. Nous pourrons ainsi augmenter les crédits affectés à la recherche et nous aurons aussi beaucoup d'argent à consacrer à la promotion. C'est un projet qui nous tient à cœur.
Nous avons la chance qu'au fil des années, Agriculture et Agroalimentaire Canada a consacré des crédits à l'innovation en matière de produits dans le cadre de plusieurs programmes. Le plus récent d'entre eux, auquel nous participons activement, est le Programme canadien d'adaptation agricole. L'Ontario Berry Growers Association s'est déjà servie de ces programmes par le passé, mais le plus difficile, pour notre organisation, c'est de trouver le financement de contrepartie afin d'être admis à bénéficier de ces programmes. Comme je vous l'ai dit, la participation à notre association est facultative et tous les producteurs de l'Ontario n'en sont donc pas membres.
Il existe d'autres programmes, les grappes de projets du programme Cultivons l'avenir, qui ont été administrés par le Conseil canadien de l'horticulture. Nous avons eu la chance insigne de bénéficier d'un projet pour nos trois produits : framboises, fraises et bleuets.
Le programme d'innovation agricole vient de prendre fin. Nous avons particulièrement aimé ce projet, ainsi que celui qui l'a précédé, notre secteur bénéficiant à ce titre de crédits que notre conseil d'administration pouvait affecter à sa guise en fonction des besoins immédiats. Il ne s'agissait pas de grosses sommes, mais elles se prêtaient bien à des projets à court terme. Nous espérons que le futur programme Cultivons l'avenir offrira les mêmes facilités que ce programme d'innovation agricole.
Il y a autre chose qui préoccupe nos groupes de produits et notre association, mais aussi d'autres intervenants en Ontario et dans d'autres régions du Canada, c'est le fait que traditionnellement la plupart des crédits étaient administrés par des conseils d'adaptation régionaux, et que les projets étaient revus et approuvés par les agriculteurs de la région concernée qui siégeaient au sein de ces conseils. Plus tôt cette année, il a été annoncé que cette responsabilité allait être centralisée en un seul point du pays. Nous pensons que ce sera à Ottawa, ce qui a été mal accueilli par nombre d'organisations de l'Ontario, car nous ne pourrons plus exercer la même influence que par le passé.
Globalement, nous considérons que les producteurs de petits fruits ont un grand avenir. Ces derniers temps, les consommateurs ont tendance à acheter de plus en plus des produits locaux, ce qui est très bénéfique pour nos producteurs. Il nous reste un certain nombre de défis à relever, mais nous pouvons être optimistes.
Le président : Je vous remercie, monsieur Schooley.
Nous allons maintenant passer à l'exposé de M. Santacruz.
Victor Santacruz, directeur exécutif, Association canadienne des pépiniéristes et des paysagistes : Nous vous remercions d'avoir donné à l'Association des pépiniéristes et des paysagistes l'occasion de venir témoigner aujourd'hui devant votre comité.
L'Association canadienne des pépiniéristes et des paysagistes est une association nationale qui compte neuf associations provinciales représentant les 10 provinces du Canada. Nous avons 3800 membres. Notre organisation, à but non lucratif, représente les secteurs des pépinières, de l'aménagement paysager, des jardineries, des serres et de tout ce qui relève en général de l'environnement paysager et de l'horticulture.
Notre organisation existe depuis longtemps, sa création date de 1922. En 1998, nous avons changé de nom pour mieux rendre compte des activités des pépiniéristes et des paysagistes qui sont nos membres.
Dans la suite de mon exposé et du mémoire que nous vous avons remis, nous parlons souvent d'« horticulture paysagée ». Je vous signale simplement que cette expression est synonyme d'horticulture en pépinière ou d'horticulture ornementale pour que vous puissiez bien comprendre le vocabulaire employé. Nous employons souvent l'expression « horticulture paysagée » pour que le public puisse mieux comprendre qu'il s'agit en l'occurrence des arbres, des fleurs et des buissons qui se trouvent dans l'environnement.
L'industrie canadienne de l'horticulture ornementale est une industrie verte qui a des répercussions positives sur l'économie, l'environnement et qui rehausse le bien-être et le style de vie des communautés. La création d'espaces verts est non seulement plaisant au point de vue esthétique, mais a aussi un côté pratique. Le bon placement de plantes peut protéger, réduire les coûts énergétiques et rehausser la qualité de vie; de plus, un aménagement paysager professionnel améliore la valeur immobilière des propriétés et leur attrait.
Nous disons souvent que notre secteur fait de l'horticulture environnementale. Nombre de nos produits et de nos services sont souvent utilisés pour réduire les frais d'infrastructure, qu'il s'agisse des aménagements contre les intempéries ou de ce que l'on appelle l'infrastructure verte.
Voici rapidement quelques statistiques concernant notre secteur. Nous employons plus de 200 000 personnes occupant plus de 135 000 emplois à plein temps et dont la rémunération collective était de 3,8 milliards de dollars en 2010. Nous sommes le deuxième plus grand employeur du secteur de la production primaire, juste après celui de l'élevage du bétail.
Le gouvernement du Canada prédit que dans la décennie en cours, les possibilités de travail dans notre industrie augmenteront tellement qu'il y aura plus d'emplois disponibles que d'employés qualifiés. C'est déjà le cas.
Les services d'horticulture ornementale constituent le segment qui connaît la croissance la plus rapide dans l'ensemble de notre industrie de l'horticulture avec un taux de croissance annuelle composé de 11,8 p. 100 lors des 10 dernières années.
Les ventes au détail de nos produits et services aux consommateurs ont atteint près de 6,3 milliards de dollars et par ailleurs celles des services d'aménagement paysager ont été de 1,8 milliard de dollars en 2007, avec des dépenses moyennes de 650 $ par ménage conformément aux prévisions, ce montant ayant d'ores et déjà augmenté selon nos estimations.
Pour ce qui est des retombées économiques directes, notre production paysagiste contribue au produit intérieur brut de chaque province. Nous avons effectivement des producteurs primaires dans chacune des provinces de notre pays. Près de 90 p. 100 des ventes sont réparties entre l'Ontario, la C.-B. et le Québec, mais la plus grande possibilité de croissance se trouve dans les provinces de l'Atlantique et c'est dans les Prairies qu'a été enregistrée la plus forte croissance ces cinq dernières années.
Selon les multiplicateurs provenant des tableaux de Statistique Canada, l'étude des répercussions économiques nous concernant — tel qu'il ressort des vérifications effectuées par Deloitte & Touche en 2009 — révèle que notre contribution économique totale au Canada est de 14,48 milliards de dollars, soit 6,98 milliards de dollars en extrants et 7,5 milliards de dollars en valeur ajoutée.
Comme je l'ai indiqué précédemment, nous versons 3,8 milliards de dollars pour rémunérer nos employés et en outre 820 millions de dollars au titre des taxes correspondant à la TPS et à la TVH.
Notre industrie continue à progresser, même si la conjoncture économique est bien difficile depuis ces dernières années. Nos membres ont enregistré dans leur ensemble un ralentissement de leurs activités, mais nous continuons à croître à un rythme de 2,1 p. 100 par an, déduction faite de l'inflation.
Quant à la recherche et à l'innovation, elles sont essentielles pour l'avenir de notre secteur. Nous nous efforçons de consacrer davantage de ressources à la recherche dans notre industrie parce que nous en avons déjà vu les effets. Nous les avons directement éprouvés. C'est l'une de nos grandes priorités et les résultats de cette recherche visent à créer le plus grand impact sur le secteur, notamment en assurant sa viabilité à long terme et en se concentrant sur les normes environnementales, les relations internationales, l'innovation et l'excellence de la gestion.
Nous avons fait appel à des alliances stratégiques et à des partenaires clés, comme le Centre de recherche et d'innovation de Vineland. Nous sommes très heureux que ces partenariats aient été relancés ces dernières années tant par le gouvernement fédéral que par le gouvernement provincial de l'Ontario. Ils ont joué un rôle clé dans nos recherches sur les pépinières et l'aménagement paysager. Nous avons investi, en grande partie par l'entremise de l'Alliance canadienne de l'horticulture ornementale, dans une grappe de projets de recherche et d'innovation dans le secteur. Il me semble que nous étions la plus petite des 18 grappes de projets de recherche pour un montant de 1,8 million de dollars. Nous aimerions bénéficier d'un meilleur financement à l'avenir, parce que nous considérons que notre industrie est bien intégrée, dynamique et prête à s'investir.
Cela dit, nous nous félicitons de ce que nous avons réalisé jusqu'à présent grâce à ces fonds, et l'Alliance canadienne de l'horticulture ornementale, dont nous faisons partie, est une alliance stratégique entre nous-mêmes, Fleurs Canada et la Fédération interdisciplinaire de l'horticulture ornementale du Québec.
Par ailleurs, nous participons à un projet de sélection de rosiers canadiens rustiques, dont je vous parlerai tout à l'heure, avec le Centre de recherche et d'innovation de Vineland. Il s'agit là d'une entreprise héritée de l'ancienne station de recherche de Morden au Manitoba et de la station de Saint-Jean au Québec.
Je vais vous faire part de quelques-uns de nos projets en matière d'innovation qui répondent à un certain nombre de nos priorités. Il y a tout d'abord les normes environnementales. La plupart des projets de recherche menés par l'intermédiaire de la Grappe de recherche et d'innovation en horticulture ornementale au Canada portent sur l'amélioration des pratiques environnementales dans notre secteur, et par ailleurs différents projets sont menés sur chacune des priorités de recherche, comme nous le verrons dans quelques instants.
Les questions environnementales ont pour nous une grande importance puisque, vous en êtes probablement très conscients, l'opinion publique dans notre pays est de plus en plus favorable à une bonne gestion de l'environnement, notamment dans le secteur ornemental, où de nombreux pesticides ont été interdits.
Notre avenir dépend en grande partie de notre capacité à adopter résolument cette saine gestion de l'environnement, que notre secteur se félicite de pratiquer depuis de nombreuses années.
L'un des projets de recherche qui fait partie de cette grappe de projets est celui des microclimats individuels de chaque plante en serriculture faisant appel à un contrôle climatique dynamique en serre pour conserver l'énergie et améliorer la qualité des cultures tout en réduisant la consommation de chaleur en serre durant l'hiver. C'est un grand pas en avant qui nous a permis de mieux respecter l'environnement tout en améliorant notre compétitivité sur le marché international.
Nous avons entrepris des travaux pour améliorer la diversité et l'efficacité des agents de contrôle des ravageurs et des mauvaises herbes et pour optimiser les pratiques de gestion visant à assurer le contrôle biologique des thrips et d'autres ravageurs importants des cultures ornementales, des serres et des pépinières. Nous avons mis au point des stratégies pour le contrôle biologique des pucerons en serres et dans les cultures ornementales, des agents de contrôle biologique pour les ravageurs de pelouses et des méthodes de substitution pour le contrôle des mauvaises herbes ainsi que des herbicides biologiques pour la production de gazon et en pépinière. Là encore, il s'agissait là de répondre aux préoccupations du public en matière d'environnement.
À titre de précision, l'interdiction des pesticides a été adoptée au départ à Halifax et depuis lors s'est propagée à de nombreuses régions du pays.
Notre troisième projet relevant des normes environnementales est celui des enquêtes et de l'application de la technologie à la réduction de l'usage de l'eau, notamment en ce qui a trait aux techniques de traitement de l'eau, à la suppression des pathogènes dans les substrats, à la réduction de l'usage de l'eau et à l'extension de l'adoption de technologies d'irrigation directe sur les plantes pour réduire l'usage d'eau en serriculture et dans la production des pépinières.
L'horticulture ornementale est le secteur qui utilise le moins d'eau en agriculture, mais nous n'en considérons pas moins qu'il s'agit là d'un facteur essentiel si nous voulons être plus efficaces et faire preuve d'une plus grande responsabilité dans l'utilisation de l'eau pour les besoins du public, là encore en tenant compte du fait que notre secteur relève de l'environnement. Cette question de l'eau a des incidences sur notre compétitivité, sur l'environnement et sur les impératifs d'une saine gestion.
Nous avons aussi entrepris des travaux concernant l'analyse et la réduction du ruissellement des nutriments et nous avons évalué l'impact du ruissellement des fertilisants des pelouses et des techniques de correction. Ce sont là des éléments très importants, non seulement du point de vue de la production primaire, mais aussi pour l'environnement urbain lorsqu'on se préoccupe de la conservation des milieux urbains.
Sur le plan des relations internationales, en tant qu'organisation nationale représentante de l'industrie de l'horticulture ornementale, il est primordial de maintenir et d'améliorer les relations internationales, notamment en ce qui a trait aux exportations. Quatre-vingt-dix-huit pour cent des échanges de notre secteur se font actuellement avec les États-Unis d'Amérique et nous avons le sentiment que de nombreux débouchés s'offrent à nous, notamment avec l'Europe, l'Asie et les anciens pays du bloc communiste.
Nous sommes les fermes partisans d'une multiplication des échanges au plan international et nous cherchons donc à importer et à exporter davantage le matériel végétal pour en faire profiter notre pays. Nous poursuivons trois projets de recherche qui ont trait à la santé et aux soins des plantes dans le processus d'expédition. Ils se rattachent directement à notre stratégie internationale à long terme, que nous avons mise au point avec l'aide du programme Agri-marketing et qui renvoie elle aussi à notre stratégie sur l'innovation et la recherche.
L'un des projets porte sur l'amélioration de la qualité du produit durant l'expédition et au point de vente faisant appel au traitement avant et après la récolte pour maintenir la qualité et le contrôle des maladies des espèces provenant de serres et de pépinières, au contrôle de la hauteur des plantes par le biais de la gestion des pratiques de nutrition, et à l'évaluation des nouveautés végétales à racines nues dans l'entreposage post-récolte. Cela est très important parce que l'on cherche à exporter nos produits vers d'autres marchés et que nombre d'entre eux n'acceptent pas les plantes avec de la terre. Vous n'ignorez pas que les plantes poussent dans le sol et qu'il nous est très difficile d'exporter des plantes devant parcourir un long trajet lors du transport. Nous faisons de la recherche et nous étudions les innovations, non seulement pour pouvoir acheminer nos produits sur de longues distances, mais aussi pour améliorer la qualité et la compétitivité de ces produits.
Note subsidiaire : Niagara Falls (Ontario) a été récemment sélectionné et agréé pour être l'hôte de Flora Niagara 2017. Ce sera le plus grand événement international célébrant l'horticulture au Canada et notre candidature a été retenue par l'Association internationale des producteurs de l'horticulture. Nous en sommes très fiers parce qu'il en résultera des retombées économiques de 600 millions de dollars pour la région au titre du tourisme, mais aussi parce que cela aidera la production primaire et mettra en valeur la recherche et l'innovation ainsi que l'ensemble de notre secteur. Je vous signale d'ailleurs que ces célébrations dureront 150 jours.
C'est très semblable à ce qui s'est passé récemment et à ce que l'on voit aux Pays-Bas avec les floralies. Notre secteur se retrouve pour la deuxième fois dans cette situation, 10 ans plus tard, et devrait profiter de cette expérience. C'est un événement passionnant.
C'est lors des Floralies internationales de Montréal, en 1980, que l'on a vu pour la dernière fois un tel événement au Canada. Ce fut un grand succès avec plus de 1,7 million de visiteurs et 24 pays participants. Nous devrions obtenir un plus grand succès encore. L'Europe a une longue tradition dans la tenue de ces événements, l'Asie une tradition plus récente et il est maintenant temps pour le Canada de briller lui aussi. Notre pays bénéficie d'un intérêt croissant et joue un rôle de plus en plus grand en matière d'horticulture ornementale et nous avons le grand plaisir de vous informer que ces deux dernières années c'est à une société membre de notre secteur que l'on a accordé le titre de producteur international de l'année.
En matière d'innovation, nous avons beaucoup travaillé pour adapter l'ancien programme de la station de recherche de Morden. Le gouvernement du Canada nous a autorisés à reprendre ce programme, car vous n'ignorez pas que bien des établissements, un peu partout, ont abandonné la recherche. C'est ce que nous avons fait. Avec l'aide du gouvernement, nous avons poursuivi la recherche sur les rosiers rustiques. Là encore, dans le cadre de notre collaboration avec Agri-marketing, nous avons constaté que de nombreux programmes de culture des roses en Europe reconnaissaient tout l'intérêt et la très grande rusticité des rosiers canadiens. À partir du moment où nous innovons et où nous étendons nos recherches sur place, nous estimons être en mesure d'améliorer grandement notre compétitivité au plan international.
J'ai une dernière observation à faire au sujet de l'innovation. Nous sommes partisans des crédits versés en faveur des activités de recherche scientifique et de développement expérimental (RS&DE). Nous nous félicitons de leur existence. Nos membres commencent à les utiliser et nous pensons que cela encouragera l'innovation. Malheureusement, ces crédits RS&DE ne sont pas bien adaptés à l'agriculture et aux producteurs primaires — c'est une question assez complexe — et les grands bénéficiaires de ce programme sont les comptables.
J'en viens finalement aux meilleures pratiques de gestion — j'ai presque fini et je vous remercie de votre patience —, nous avons œuvré avec le gouvernement à la création de l'Institut de certification des pépinières du Canada, qui se penche sur les meilleures pratiques de gestion et la mise en place de programmes de promotion des exportations. Ces saines pratiques de gestion nous aident aujourd'hui à lutter contre des maladies telles que C. buxicola, un champignon arrivé dans notre pays et aux États-Unis en provenance d'Europe et de l'Océanie. Nous faisons face aujourd'hui à cette grande menace, susceptible de remettre en cause 600 millions de dollars de production primaire dans notre pays.
Nous avons heureusement créé ces programmes de saine gestion et de certification pour essayer de les adapter, mais bien entendu ils font toujours appel à l'innovation, et nous avons besoin de votre appui et de l'aide du gouvernement pour que nos crédits aient un effet multiplicateur et que nous puissions étudier d'autres solutions contre les maladies et les ravageurs tout en envisageant les possibilités qui s'offrent à l'avenir.
Je conclurai en disant que notre secteur est résolument engagé en faveur de l'innovation et qu'il se félicite du travail qui est fait pour favoriser l'innovation dans le secteur primaire ainsi que dans l'ensemble de la chaîne de production.
Le sénateur Plett : Merci, messieurs, d'être venus ce soir. Nous vous en remercions. Merci pour vos exposés.
J'ai quelques petites questions à vous poser. Monsieur Schooley, ne nous avez-vous pas dit pour commencer que votre principal problème — je ne sais pas si « problème » est le bon mot, parlons de défi à relever — était celui de la courte saison de récolte?
M. Schooley : Traditionnellement, il en était ainsi. Au Canada en général et en Ontario en particulier, nous ne bénéficions que d'une courte saison pour cultiver et récolter les fruits, et c'est pourquoi nous avons fait appel à l'innovation pour produire sur une plus longue période parce qu'il y a une demande pour la production locale de petits fruits.
Le sénateur Plett : Je vous ai entendu dire que 84 p. 100 des petits fruits vendus étaient importés?
M. Schooley : Cela s'applique plus particulièrement aux fraises.
Le sénateur Plett : Et pour ce qui est des bleuets et des framboises?
M. Schooley : Il me semble que c'est environ 60 p. 100 pour les framboises et je ne sais pas exactement en ce qui concerne les bleuets. En Ontario, le secteur des bleuets est relativement peu étendu. En Colombie-Britannique, par exemple, il est nettement plus développé. Même pour les producteurs de bleuets en C.-B., la saison de récolte est courte. Les zones de production se sont agrandies en Californie et en Amérique du Sud.
Le sénateur Plett : Est-ce que nous exportons?
M. Schooley : Aucune province du Canada n'exporte beaucoup de fraises. Il y a probablement quelques exportations à partir de l'Ontario et du Québec et éventuellement des provinces maritimes, qui se trouvent près de la frontière.
Nous exportons par contre une certaine quantité de bleuets à partir de la Colombie-Britannique, des bleuets en Corymbe, et bien entendu des bleuets à feuilles étroites cultivés en Nouvelle-Écosse. Le Québec et le Nouveau- Brunswick exportent beaucoup, non seulement vers les États-Unis, mais aussi dans d'autres pays une fois le produit transformé.
Le sénateur Plett : Monsieur Santacruz, vous avez évoqué la quantité de nos échanges avec les États-Unis. Quel en est le montant?
M. Santacruz : Quatre-vingt-dix-huit pour cent de nos exportations vont vers les États-Unis.
Le sénateur Plett : Et pour ce qui est des importations?
M. Santacruz : Je ne connais pas en pourcentage le montant des importations, mais notre balance commerciale avec les États-Unis est positive. L'Ontario tend vers l'équilibre alors que la Colombie-Britannique est très exportatrice. Au Québec, c'est aussi équilibré.
Là encore, tout dépend de quoi on parle, et les chiffres que j'évoque concernent avant tout les pépinières et la production de gazon. Je n'ai pas les statistiques concernant plus particulièrement les serres et Fleurs Canada pourra éventuellement mieux répondre que moi à cette question. Les arbres de Noël concernent avant tout la région de l'Atlantique et le Québec. Nous sommes exportateurs dans ce secteur.
Le sénateur Plett : Je crois que vous nous avez dit que 90 p. 100 des ventes se faisaient dans trois provinces.
M. Santacruz : Il s'agit de la production.
Le sénateur Plett : Cela est-il dû au fait que ce sont les trois plus grosses provinces, où est-ce que le climat joue?
M. Santacruz : Les causes sont diverses. Le climat joue, bien sûr. La population aussi, mais tout dépend où les entreprises se sont établies. Le secteur de la production d'arbres de Noël a tendance à se trouver au Québec et en Nouvelle-Écosse et, dans une certaine mesure, au Nouveau-Brunswick. Ce n'est pas du tout la même chose dans le reste de l'horticulture ornementale. Tout dépend où se situent les terres convenant à ces activités et où les entreprises du secteur privé se sont installées pour les exercer.
Le sénateur Plett : Ma dernière question s'adresse aux deux intervenants. Vous avez évoqué très brièvement — et je vous remercie de l'avoir fait très rapidement — la question du financement, mais j'aimerais que vous me disiez à quel financement vous vous attendez. S'agit-il de partenariats entre le privé et le public? Faut-il des subventions? Comment concevez-vous le financement et qu'est-ce que vous aimeriez qu'on fasse — dans l'idéal, mais aussi en restant raisonnable?
M. Schooley : Notre secteur en particulier ne bénéficie pas de nombreux financements de contrepartie. Certains de nos projets de financement ont porté sur de petits montants, que nous pouvons cependant affecter dans les secteurs qui nous intéressent en particulier et, je vous le répète, sur de courtes durées, des projets de recherche sur deux ou trois ans répondant à des besoins immédiats. Ils se sont toujours révélés très profitables, mais il n'y en a eu que deux séries, sur une période de quelque six ans au total.
Nous sommes très satisfaits des groupes de projets que nous venons d'entreprendre. Ils viennent de s'étaler sur une première période. Il me semble qu'il nous a fallu apporter à ce titre une contribution financière d'environ 15 p. 100, soit des conditions assez favorables. Nombre d'autres programmes, par exemple les autres programmes d'adaptation, ont exigé une contribution de 50 p. 100 et plus.
Si nous pouvions établir dans notre secteur des conseils nationaux, nous serions au minimum un peu mieux placés pour trouver des crédits de démarrage, ce qui n'est pas le cas actuellement.
M. Santacruz : Notre secteur réussit à apporter 480 000 $, qui nous permettent de bénéficier en contrepartie de 1,8 million de dollars de crédits. Nous aimerions en faire davantage, mais le programme comporte des restrictions. Même s'il existe bien d'autres priorités que nous aimerions étudier et pour lesquelles nous souhaiterions trouver un financement, c'est tout simplement impossible parce que les crédits sont limités et que tous les secteurs cherchent à financer l'innovation.
Notre industrie a réussi à trouver des crédits, mais la situation est difficile pour nombre de nos groupes agricoles, y compris le nôtre dans une certaine mesure. À l'heure actuelle, dans le cadre du programme groupé, le rapport est de quatre pour un, et 1 $ versé au départ rapporte 4 $ de crédits. Il devient difficile pour de nombreux groupes agricoles d'accéder à la recherche et d'aller de l'avant, surtout compte tenu de la concurrence exercée par l'Europe et les États- Unis, qui investissent dans la recherche.
Cela dit, je considère qu'il est bon d'avoir un partenariat entre le gouvernement et le secteur privé pour faire en sorte que ce dernier prenne des initiatives et oriente la recherche. J'estime qu'en l'absence d'engagement et de participation directe, bien des tâches sont laissées à l'initiative des scientifiques. L'engagement des entreprises du secteur privé me paraît une très bonne chose.
Le sénateur Callbeck : Monsieur Schooley, vous représentez les producteurs de petits fruits de l'Ontario. Est-ce qu'il existe des organisations semblables dans d'autres provinces?
M. Schooley : Oui, je pense que neuf des 10 provinces ont une association qui les représente à un certain niveau.
Le sénateur Callbeck : Est-ce que vous vous communiquez les recherches?
M. Schooley : Il me semble que ces huit ou 10 dernières années la collaboration a augmenté. Le Conseil canadien de l'horticulture a mené à bien ces projets groupés en collaboration avec les provinces et nos conseils d'adaptation régionaux. Lorsque des projets devant bénéficier à plusieurs provinces se présentent, ils sont passés en revue. Ils sont soumis aux différentes provinces concernées et nous en connaissons les résultats à la fin du projet. Nous collaborons de plus en plus et je considère que les conseils nationaux que nous préconisons vont encore renforcer notre groupe.
Le sénateur Callbeck : Vous avez évoqué des conseils en mesure d'imposer le paiement de droits. Est-ce qu'il s'agit de vos conseils nationaux?
M. Schooley : Oui, c'est à l'échelle nationale.
Le sénateur Callbeck : Est-ce qu'une loi a été adoptée à ce sujet?
M. Schooley : Non, c'est quelque chose d'assez nouveau. Je pense que ce sont les conseils de commercialisation des produits agricoles au niveau fédéral qui accorderont ou non cette possibilité.
Le secteur de la viande bovine est le premier à l'avoir obtenu. Il a réussi à se doter d'un conseil national. Ce conseil est parvenu à imposer des droits à ses propres producteurs, mais pas encore en ce qui concerne les produits importés au Canada.
Nous suivons son exemple et il y a aussi d'autres groupes qui veulent se doter d'un conseil.
Le sénateur Callbeck : Est-ce qu'il faut une loi pour cela?
M. Schooley : Non, la loi existe déjà.
Le sénateur Callbeck : Il y a déjà une loi.
L'appartenance à votre association est facultative. Est-ce que vous faites payer une cotisation?
M. Schooley : Oui, les producteurs qui veulent devenir membres de notre association payent une cotisation de 150 $ par an.
Le sénateur Callbeck : Vous avez indiqué que 84 p. 100 des fraises vendues au Canada étaient importées.
M. Schooley : En effet.
Le sénateur Callbeck : Plus tôt dans votre exposé vous avez évoqué la possibilité de prolonger la saison jusqu'en octobre. Est-ce que cela a beaucoup augmenté votre production?
M. Schooley : Prenez l'exemple de ces 10 dernières années. La consommation de framboises a pratiquement doublé au Canada, avec une augmentation de 94 p. 100. Le marché était porteur, mais notre secteur n'a pratiquement pas progressé pendant cette même période. Cette évolution ou cette augmentation de la consommation a profité aux importations.
Le sénateur Callbeck : Il me semble qu'il y a beaucoup de recherche à faire dans ce domaine à partir du moment où nous importons 84 p. 100 de nos fraises, et pourtant les crédits de recherche sont en baisse.
M. Schooley : Effectivement, nos crédits et notre personnel de recherche sont en baisse. Traditionnellement, un financement de base nous était apporté par certaines organisations, ainsi l'Université de Guelph, qui était financée en partenariat avec le ministère de l'Agriculture de l'Ontario, et certains de ces crédits de base ont diminué et ont disparu.
Le sénateur Callbeck : Monsieur Santacruz, la Grappe de recherche et d'innovation en horticulture ornementale au Canada a été agréée en 2010. Elle se trouve où exactement?
M. Santacruz : Puisqu'il s'agit d'une grappe d'innovation, elle est dispersée. Elle est administrée à partir du Centre de recherche et d'innovation de Vineland à Lincoln, en Ontario, mais des recherches se font aussi à l'université Memorial, au Collège agricole de la Nouvelle-Écosse, à l'Université de Guelph, à l'université Kwantlen de la Colombie-Britannique et à Olds College, de sorte que cette grappe de recherche est disséminée dans tout le pays. Des intervenants du secteur y participent et financent même ce programme dans chaque province. Cette grappe de recherche cessera ses activités en mars prochain.
Le sénateur Callbeck : Est-ce que l'on peut penser que son mandat va être renouvelé?
M. Santacruz : Le gouvernement du Canada a fait savoir qu'il allait créer un autre programme de recherche et d'innovation à l'avenir et nous demanderons qu'une autre grappe de recherche soit constituée. Je crois savoir que d'autres crédits sont disponibles, mais bien d'autres organisations en ont besoin. Je ne suis pas certain que d'autres crédits seront investis dans notre industrie, du moins dans notre secteur.
Le sénateur Callbeck : Ce financement se compose de 75 p. 100 de crédits du gouvernement fédéral et de 25 p. 100 provenant du secteur. Faites-vous payer des cotisations ou d'où tirez-vous cet argent?
M. Santacruz : Oui. L'appartenance à notre organisation est facultative. Nous avons des cotisations. Notre structure est assez compliquée parce que nous sommes une fédération et, par conséquent, chacune de nos associations provinciales perçoit ses propres cotisations. Je vous signale en passant que notre association la plus récente est celle de l'Île-du-Prince-Édouard.
Le sénateur Callbeck : Très bien.
M. Santacruz : Elle n'existe que depuis l'année dernière. Elle perçoit des cotisations et nous reverse 135 $ à l'échelle nationale, mais les cotisations ne représentent que 20 p. 100 de notre budget d'exploitation. Nous tirons le reste de nos programmes et de la formation.
Le sénateur Callbeck : Quel est en gros le montant de votre budget?
M. Santacruz : Il est d'environ 2,2 millions de dollars par an.
Le sénateur Robichaud : Où se situe le Canada comparativement aux États-Unis et à l'Europe pour ce qui est des crédits consacrés par les pouvoirs publics à la recherche?
M. Santacruz : Je n'ai pas de chiffres précis, mais si j'en crois mon expérience en tant que directeur exécutif de l'International Garden Centre Association et que participant actif à l'International Growers Association, j'ai l'impression que nous sommes un peu à la traîne. Les Pays-Bas sont les leaders en matière d'innovation et c'est là que nous nous rendons pour la plupart. C'est indéniable; c'est une réalité. L'Allemagne est elle aussi très largement en avance. C'est peut-être en partie chez eux une obligation parce qu'ils ont moins de territoire, mais il est évident qu'ils sont en avance dans de nombreux domaines.
La plupart de nos sélections de cultivars sont importées d'Europe. Nous ne faisons pas cela au Canada. C'est une partie importante de la valeur ajoutée que nous abandonnons à d'autres pays alors que nous pourrions facilement assurer cette production au Canada si nous avions les techniques et les ressources pour le faire.
Cela dit, le Canada est un petit pays du point de vue de la population et nous n'en restons pas moins un des principaux intervenants en ce qui a trait à l'horticulture ornementale. Je considère que nous sommes bien placés par rapport à la concurrence, mais je ne suis pas sûr que nous réussirons à garder notre place. La concurrence est difficile face à l'Europe et même aux États-Unis. Ces pays ont éprouvé des difficultés économiques, mais ils conservent des atouts et consacrent beaucoup d'argent à la recherche, notamment en ce qui concerne les outils. Qu'il s'agisse des outils se rapportant aux pesticides agricoles, aux types d'engrais et aux diverses techniques, ils sont en avance sur nous. Les secteurs et les entreprises qui font de la recherche et du développement privé ne peuvent consacrer 10 p. 100 de leur argent à cette activité, contrairement à ce qui se fait aux États-Unis.
Le sénateur Robichaud : Quelle quantité de ressources vous faudrait-il pour pouvoir concurrencer les Pays-Bas et l'Allemagne, que vous venez de citer? J'aimerais que vous m'en donniez simplement une idée.
M. Santacruz : Si vous nous donniez 100 millions de dollars demain, je ne pense pas que cela nous aiderait davantage que l'augmentation progressive de nos crédits, car il faut pouvoir établir une assise pour s'y appuyer. Nous n'avons pas encore la capacité suffisante. Le Centre de recherche et d'innovation de Vineland est un bon point de départ pour que les secteurs de l'agriculture et de l'horticulture se dotent de cette assise. Jusqu'alors, nous n'avions rien dans le secteur privé. C'est la première organisation du secteur privé. Nous lui fournissons des crédits, et ce n'est pas notre seul outil d'intervention, mais les collèges et les universités ont eux aussi investi davantage dans la recherche, notamment la faculté d'agriculture de l'université Dalhousie, Kwantlen et Guelph, pour n'en citer que quelques-uns, de même que l'Université Memorial de Terre-Neuve.
Il faut que ça se fasse et ce n'est pas seulement dans le cadre des grappes de projets consacrés à la recherche et à l'innovation. Ça doit se faire aussi au niveau de l'université. Mon collègue ici présent, M. Schooley, a mentionné que les programmes agricoles avaient subi des compressions budgétaires et que le nombre de chaires de recherche avait diminué. C'est la réalité à laquelle nous devons faire face. Nous devons opérer sur plusieurs fronts et pas seulement au niveau des partenariats de recherche entre l'industrie et le gouvernement. Il faut aussi qu'interviennent les établissements d'enseignement et de recherche.
Le sénateur Robichaud : Monsieur Schooley, vous avez parlé de l'imposition de droits. Ces droits doivent être imposés d'abord à nos propres producteurs pour qu'on puisse ensuite justifier leur application aux importations. Est-ce que j'interprète bien vos propos?
M. Schooley : C'est exact. C'est pourquoi notre législation dispose à l'heure actuelle qu'avant de pouvoir imposer des droits à un importateur il faut imposer les mêmes droits au Canada.
Le sénateur Robichaud : Cela vous donnerait la possibilité de disposer de crédits de démarrage pour financer la recherche dont vous avez besoin.
M. Schooley : Oui. Comme vous pouvez l'imaginer, cet argent serait versé en grande partie par les importateurs, et il nous faudrait donc les associer à notre entreprise. Nous pourrions affecter de l'argent à différents secteurs, mais il nous faudrait aussi consacrer en général des crédits à la promotion et à la recherche qui profiteraient par ailleurs aux importateurs.
Le sénateur Robichaud : Que pensent vos membres du versement de ces droits? Se rendent-ils compte qu'il leur serait très profitable de collaborer parce qu'ils seraient les bénéficiaires de l'argent consacré à la recherche?
M. Schooley : Effectivement. Nous avons bénéficié d'un bon soutien. Les conseils sur les framboises et les bleuets ont été les premiers à être lancés. C'est la Colombie-Britannique qui en a pris l'initiative. Le conseil sur les framboises a été appuyé par toutes les provinces qui ont voté et celui sur les bleuets n'a pas été appuyé par la C.-B. dans son ensemble, mais c'est pourquoi un autre vote sera organisé à ce sujet.
Le conseil sur les fraises est en voie de création et c'est le Québec qui en prend l'initiative. Nous venons de nous réunir la semaine dernière pendant trois jours avec les responsables à Toronto. Ils ont un très bon programme et ont eu la chance de passer en dernier. Ils ont pu bénéficier de l'expérience des autres groupes. Leur programme est excellent. Je pense que nous allons bénéficier d'un excellent appui de la part de nos producteurs parce que cela aura des répercussions positives pour notre organisation et pour les provinces en général.
Le sénateur Robichaud : Quand cela pourra-t-il se traduire par l'imposition de ces droits et l'obtention des crédits correspondants?
M. Schooley : Nos partenaires du Québec sont très confiants et estiment que si tout se passe bien cela se fera dans un délai de 12 à 18 mois. Le plus important pour nous, c'est de pouvoir percevoir des droits sur les importations.
Le sénateur Robichaud : Je vous crois bien volontiers.
M. Schooley : Nous estimons, et d'autres avec nous, que dans l'idéal il faudrait que l'Agence des services frontaliers du Canada nous fournisse au moins des chiffres et d'autres informations parce que c'est par elle que passent toutes ces importations. Cela semble logique, mais elle va peut-être penser que cela ne relève pas de ses services.
Le sénateur Robichaud : Les choses ne se passent pas toujours comme prévu.
Vous avez indiqué que nous avions quatre phytogénéticiens dans le secteur public et qu'il n'en reste plus qu'un.
M. Schooley : En effet.
Le sénateur Robichaud : Je ne sais pas si cela a quelque chose à voir, mais nous avions à Bouctouche, au Nouveau- Brunswick, une ferme expérimentale consacrée à la recherche qui doit fermer. Je sais qu'elle collaborait avec les producteurs locaux de bleuets sur certains projets. Il me semble qu'elle travaillait aussi avec les producteurs de canneberges, qui sont nombreux dans la région dont je suis originaire.
M. Schooley : Nous avons travaillé en étroite collaboration avec un chercheur de Bouctouche. Ce n'était pas un phytogénéticien mais il faisait beaucoup de recherche sur la production. Il a produit d'excellents travaux qui ont été diffusés dans l'ensemble du pays. Ce n'était pas nécessairement un phytogénéticien, mais il s'agissait d'un très bon porte-parole et d'un excellent chercheur.
Le sénateur Robichaud : S'agissait-il de M. Privé?
M. Schooley : Oui.
Le sénateur Robichaud : Je sais qu'il a fait un excellent travail avec les producteurs locaux et qu'il avait de très bons rapports avec eux. Je ne sais pas s'il va continuer à collaborer avec les producteurs locaux, mais je suis sûr que ses travaux et l'exploitation agricole vont vous manquer.
M. Schooley : Oui, je suis d'accord avec vous.
Le sénateur Chaput : Ma première question s'adresse à M. Schooley. Vous avez évoqué la tendance à acheter des produits locaux. Je suis contente de l'entendre, car à partir du moment où cette tendance se fait jour, les économies locales et régionales en sortent renforcées. Où en est cette tendance en Ontario, par exemple? Quel est le pourcentage de produits achetés au plan local? Est-ce que vous le savez?
M. Schooley : Je ne peux pas vous donner les chiffres. Je sais que dans notre secteur nous avons décelé un plus grand intérêt. Il y a de plus en plus de marchés d'agriculteurs locaux et cela a ouvert des débouchés à nos producteurs. Nous avons aussi constaté que les grandes chaînes d'alimentation cherchaient de plus en plus à acheter des produits locaux. On voit apparaître de nombreuses campagnes faisant la publicité des « produits cultivés près de chez soi » et recourant à d'autres stratégies de ce type. Il y a un regain d'intérêt. Il était plus facile pour le consommateur de s'approvisionner auprès d'un fournisseur opérant pendant 10 ou 11 mois de l'année plutôt que de s'adresser à un fournisseur n'exerçant ses activités que pendant trois à cinq semaines. Je pense que les innovations que nous avons apportées ainsi que le rallongement de notre saison rendent notre produit un peu plus attractif, sans compter le fait qu'il est local.
Le sénateur Chaput : Estimez-vous qu'à l'heure actuelle les maraîchers et autres producteurs gagnent suffisamment d'argent pour bien vivre?
M. Schooley : Oui. Notre secteur en particulier, on le voit lorsque nous organisons des réunions, est ce que j'appellerais un secteur jeune. Lorsque les enfants reviennent ou restent à la ferme, cela prouve que le secteur est dynamique. Pour l'instant, c'est ce qui se passe dans notre secteur, et je pense par conséquent que les participants sont contents de ce qu'ils gagnent en travaillant.
Le sénateur Chaput : On fait donc la promotion des achats locaux, c'est bien ça?
M. Schooley : Oui, dans toute la mesure du possible.
Le sénateur Chaput : Je vais poser une question à M. Santacruz. Vous avez évoqué le travail que vous faites dans les écoles. Vous avez parlé de cours et de formation. Que pensent les jeunes de ce type de carrière, si je peux l'appeler ainsi? Quelle est la réaction des jeunes?
M. Santacruz : Il est bien difficile de répondre à cette question parce que notre secteur regroupe les métiers de l'aménagement paysager, qui en est dans sa 50e année d'attribution des sceaux rouges dans le cadre du Programme des normes interprovinciales. Nous avons aussi les pépinières, qui relèvent de la production primaire, ainsi que la vente au détail. Ce sujet est quelque peu délicat, mais, pour la majorité de nos employés, qui font de l'aménagement paysager ou travaillent dans les pépinières, ce ne sont pas des emplois très bien considérés, surtout par l'opinion publique. La paye est bonne, mais — et c'est la question que j'ai posée lors d'une audition précédente — qui souhaite que ses enfants fassent de l'aménagement paysager ou un métier manuel? C'est tout simplement mal vu même si ces métiers et ce secteur sont tout à fait respectables et intéressants. Il me semble que le grand public et que bien des gens ne s'en rendent tout simplement pas compte. Tout le monde veut avoir un diplôme universitaire. Pourtant, les employés de nos sociétés membres gagnent plus en moyenne qu'un diplômé universitaire. Si je devais recommencer, je souhaiterais faire de l'aménagement paysager.
Ce n'est pas facile, mais nous avons fait un gros travail d'information auprès de nombre d'universités et de collèges. Nous avons cherché, en collaboration avec 4-H Canada, à promouvoir notre secteur. Nous avons œuvré dans différentes provinces. En Alberta et en C.-B., nous sommes sur le point de mettre sur pied un diplôme spécialisé. Nous en avons déjà un en Ontario pour les pépinières et l'aménagement paysager et nous collaborons étroitement avec les collèges et les universités à la mise en place d'un bon programme d'horticulture dans ces secteurs. Nous nous efforçons aussi de créer à Guelph une nouvelle chaire d'agriculture parce que, là aussi, nous perdons des spécialistes dont le rôle est important.
Le sénateur Chaput : Y a-t-il des choses qui se font au Manitoba?
M. Santacruz : Oui. Nous collaborons étroitement avec le Red River College au sujet du programme d'apprentissage et du Programme Sceau rouge, et aussi avec l'université. Nous travaillons toujours de concert. Ils ont la réputation de dispenser d'excellents programmes d'architecture traitant de l'aménagement paysager. Nous avons une association provinciale dans chacune des provinces ou régions et nous collaborons avec tous les établissements d'enseignement postsecondaire qui ont des filières dans notre secteur.
Le sénateur Chaput : Je vous remercie.
Le sénateur Wallace : Il y a une chose que je comprends mal. Tous les producteurs qui sont membres de votre organisation sont des indépendants. J'ai l'impression que les avantages qu'ils retirent de chacune de vos associations ont trait avant tout à la recherche et, comme vous l'avez précisé en ce qui concerne les petits fruits, monsieur Schooley, au prolongement de la saison de récolte. Toutefois, comme pour toute entreprise, il s'agit avant tout de commercialiser vos produits, d'accroître vos débouchés. Il m'apparaît que pour chacun d'entre vous les produits importés vous font une forte concurrence. J'ai l'impression qu'au Canada le marché est avant tout contrôlé par les gros opérateurs, les grands magasins-entrepôts, que ce soit pour les petits fruits ou pour les arbustes ornementaux.
Que fait éventuellement votre association de ce point de vue pour que vos membres puissent accéder à des marchés qui leur seraient autrement fermés et pour faire en sorte qu'ils obtiennent le meilleur prix possible? Y a-t-il un effort commun ou est-ce que chacun, finalement, doit se débrouiller?
M. Schooley : Nos membres se sont largement associés au départ pour faire de la vente directe à partir de la ferme. Vous pouvez voir que la plupart des exploitations produisant des petits fruits se situent dans les régions peuplées, en périphérie des grandes villes. C'est là que se trouve la population. Nombre de ces exploitations pratiquent encore aujourd'hui des prix de détail à la ferme et bénéficient donc de bonnes conditions financières.
Nous sommes en relation avec certaines associations de mise en marché des produits. Nous cherchons le cas échéant à entrer en contact avec les chaînes de magasins lorsque des problèmes se posent, mais nous faisons avant tout de la sensibilisation. Nous organisons des réunions et nous parlons de nos réussites, de la commercialisation, et cetera. Je dirais que nous intervenons surtout en communiquant avec nos membres et en faisant de la sensibilisation.
Le sénateur Wallace : Chacun des producteurs individuels qui sont vos membres, lorsqu'il veut commercialiser ses produits chez Sobeys, Superstore ou Costco, doit se débrouiller tout seul pour avoir accès à ces marchés; il n'y a pas d'action groupée?
M. Schooley : Non. On en arrive maintenant à organiser des réunions de producteurs qui sont traditionnellement leurs fournisseurs, mais pour un nouveau producteur ce peut être plus difficile. La demande étant plus forte, un produit a plus de chances d'être ainsi commercialisé aujourd'hui que par le passé.
M. Santacruz : Dans notre secteur, les grands magasins-entrepôts ont une grande part du marché et, par conséquent, influent largement sur les prix. Cela dit, nombre de nos petits détaillants se sont regroupés pour constituer de plus gros groupes d'achat afin d'essayer d'être concurrentiels sur les prix, mais ils sont par ailleurs en concurrence avec leur propre secteur au niveau de la production primaire, ce qui est quelque peu gênant pour nous. Nos producteurs primaires ont bien sûr un avantage, qui est celui du climat. Ce qui dans d'autres secteurs pourrait être considéré comme un inconvénient est pour nous très bénéfique, parce qu'il peut arriver qu'en Floride on cultive une plante ornementale d'extérieur qui ne peut survivre dans aucune autre région du pays. Les plantes les plus rustiques dans notre secteur nous viennent du Manitoba et de la Saskatchewan. Il faut bien voir que personne ne peut les concurrencer sur le plan de la rusticité. Certains produits russes sont en mesure de le faire, mais notre problème c'est plutôt de commercialiser nos produits sur ce marché.
Nous faisons beaucoup de formation et de promotion des exportations. En collaboration avec le Conseil canadien pour les ressources humaines en agriculture, nous faisons de la formation pour promouvoir les exportations. Nous œuvrons de concert avec le programme Agri-marketing et nous avons des missions commerciales. Nous avons lancé plusieurs études de marché sur les principaux débouchés que nous avons recensés dans le cadre de notre stratégie internationale à long terme, de sorte qu'il y a effectivement une collaboration même si notre secteur est assez indépendant. Chacun vend individuellement aux grands magasins-entrepôts. Ces derniers représentent aujourd'hui plus de 50 p. 100 de nos ventes au Canada de produits ornementaux.
Le sénateur Wallace : J'ai l'impression que le prix est déterminé dans une large mesure par la concurrence exercée par les importations.
M. Santacruz : Cela joue évidemment, mais les prix sont surtout influencés par ce que les magasins, et non les importateurs, sont prêts à payer, parce que les importations ont sur nous des répercussions, surtout lorsque la conjoncture économique est mauvaise aux États-Unis et que le dollar américain baisse. Nos producteurs, surtout en C.- B. en ont souffert. En Ontario, les échanges sont assez équilibrés, mais la C.-B. est très axée sur les exportations. Lorsqu'il y a davantage d'importations en provenance des États-Unis, notre marché de la C.-B. souffre beaucoup.
Le sénateur Wallace : Il me semble que vous avez dit que les arbustes les plus rustiques du Canada poussaient au Manitoba et en Saskatchewan.
M. Santacruz : Oui.
Le sénateur Wallace : Vous nous avez dit cependant que c'est dans les provinces maritimes ou de l'Atlantique, dont le marché est relativement réduit, que l'on trouve le plus gros potentiel de croissance. À l'heure actuelle, ce sont la C.- B., l'Ontario et le Québec qui représentent 90 p. 100 de votre marché.
M. Santacruz : Pourquoi?
Le sénateur Wallace : Oui, pourquoi ne visez-vous pas les marchés du Manitoba et de la Saskatchewan?
M. Santacruz : Ils sont certainement visés et c'est là que nous avons enregistré la plus forte croissance. Ce sont eux qui ont le plus progressé — une véritable accélération a été notée ces dernières années — en raison de la bonne conjoncture économique, de l'accès aux centres de formation, et cetera.
La région du Canada atlantique n'a tout simplement pas bénéficié des investissements dans la formation et des installations de recherche du gouvernement ou du secteur privé. Il y a peu de producteurs et pourtant c'est un grand marché. De nombreux produits y sont importés des États-Unis ou d'autres pays étrangers. Les débouchés dans notre secteur se trouvent dans la région de l'Atlantique du Canada. La plus forte croissance a été enregistrée dans les Prairies. Ce n'a pas été sans mal, je vous l'avoue, mais ce fut plus facile que pour assurer la croissance du marché dans la région de l'Atlantique.
Pour différentes raisons, il y a bien sûr des disparités régionales dans notre secteur, mais effectivement c'est l'analyse qu'il faut faire.
Le sénateur Wallace : Bien, je vous remercie.
Le sénateur Mercer : Ma question a trait aux achats locaux. Monsieur Schooley, êtes-vous au courant du programme intitulé A Taste of Nova Scotia? C'est un programme qui encourage la vente à l'échelle de la province de produits cultivés et commercialisés en Nouvelle-Écosse.
M. Schooley : J'ai eu la chance de passer trois jours en août à visiter un certain nombre d'exploitations de petits fruits en Nouvelle-Écosse. On nous a bien familiarisés avec certains programmes et différentes initiatives de la Nouvelle-Écosse.
Le sénateur Mercer : Bien entendu, la Nouvelle-Écosse est la capitale des bleuets et des arbres de Noël au Canada.
Le sénateur Robichaud : Nous faisons notre part au Nouveau-Brunswick.
Le sénateur Mercer : Certains de ces petits fruits viennent du Nouveau-Brunswick.
Généralement, l'un des problèmes que posent les achats locaux dans le secteur agricole, c'est celui de la qualité du produit entre le moment où il quitte l'exploitation agricole et celui où il se retrouve en rayon. Certains agriculteurs évoquent la tendance qu'ont tous les grands magasins à centraliser leurs expéditions. Ainsi, une grande chaîne de magasins de la Nouvelle-Écosse a centralisé ses approvisionnements dans la périphérie de Truro. Les agriculteurs sont obligés de tout envoyer à Truro et de là les produits sont alors réexpédiés, dans certains cas à moins d'un kilomètre de l'exploitation qui les a cultivés. Bien évidemment, lorsque les produits sont arrivés à destination, leur qualité n'est plus la même.
Avez-vous cherché à aborder le problème avec les détaillants? Ce qui me préoccupe, moi qui suis celui qui fait le plus souvent les courses familiales, c'est la qualité. Toutefois, je m'efforce aussi d'acheter des produits locaux. Lorsque je vois un produit agricole qui manque de qualité alors que je sais qu'il était de qualité lorsqu'il est sorti de la ferme, je ne peux qu'en conclure que cette dégradation est due aux aléas du transport.
M. Schooley : Oui, il y a le problème de ces grands centres ou de ces entrepôts auxquels doit livrer le producteur. Vous avez raison, les produits sont transportés dans tous les sens. Cela nous crée des difficultés parce que nous sommes en concurrence avec d'autres régions de l'Amérique du Nord qui ont éventuellement un climat plus sec, ce qui abîme moins les petits fruits et leur permet de durer plus longtemps.
Nous nous sommes toujours flattés d'avoir des produits plus frais ayant un meilleur goût. C'est ce que nous pensons toujours parce que nos produits sont cueillis lorsqu'ils sont mûrs, contrairement à la production de la Californie, qui va éventuellement être ramassée quelques jours avant la date idéale pour des raisons de transport.
Oui, cela nous préoccupe en tant que producteurs primaires, mais compte tenu de la demande de produits locaux, on a remis en cause le système consistant à supprimer les ventes directes aux magasins. Étant donné les pressions qu'exercent les consommateurs canadiens pour avoir des produits locaux dans leurs magasins, on assiste en quelque sorte à un changement d'attitude de la part des chaînes d'alimentation. Elles autorisent les livraisons directes aux magasins dans certaines régions, pour certains articles.
Par contre, vous avez quand même raison; il faut parfois une journée pour que les produits arrivent dans un de ces entrepôts. Ils vont à l'occasion rester là pendant deux jours et subir un autre jour de transport avant d'être entreposés dans une arrière-boutique. Ce n'est vraiment pas l'idéal et nous avons rencontré les responsables des chaînes d'alimentation pour en discuter.
Le sénateur Mercer : Merci, monsieur le président.
Le sénateur Martin : Veuillez m'excuser d'être en retard. Je n'ai pas entendu vos exposés, mais le sujet est particulièrement intéressant et j'ai deux questions à vous poser. La première concerne le rôle et l'impact des médias. Les consommateurs ne savent plus quoi penser lorsqu'ils entendent dire que les aliments organiques ne sont pas plus nutritifs. Nous avons pris connaissance de différents rapports dans les médias. Il y a aussi en anglais la chaîne spécialisée dans l'alimentation, qui est très suivie par les enfants et qui va probablement orienter la prochaine génération vers certains secteurs.
Pouvez-vous nous parler du rôle joué par les médias au Canada? A-t-il été utile, pernicieux, ambigu ou tout cela à la fois?
M. Schooley : Probablement tout cela à la fois. Je dirai qu'il peut amener des confusions sur certaines questions. Il y a des gens qui ont certaines convictions et certains idéaux qu'ils veulent éventuellement imposer aux autres. Cela peut entraîner pour nous des difficultés. Nous nous efforçons de collaborer avec les médias dans toute la mesure du possible. Je sais que tant que tout va bien, on ne retient pas beaucoup l'attention des médias, mais que dès qu'il y a un problème ou une question qui se pose, on en entend habituellement parler.
Nous nous efforçons de collaborer le mieux possible avec les médias. Ainsi, nous sommes beaucoup intervenus dans les médias sociaux pour communiquer les bonnes nouvelles et donner de l'information au sujet de la production et des activités de nos producteurs et de nos membres. Cela nous a été bien plus bénéfique que je ne l'aurais pensé.
Le sénateur Martin : Je pense que c'est un rôle important.
J'ai une autre question à vous poser. Quel rôle a joué la technologie dans la formation de la nouvelle génération de travailleurs? En matière de technologie, d'installations, et cetera, nos programmes sont-ils meilleurs que ceux des autres pays? Est-ce que nous sommes au niveau? La technique est si avancée aujourd'hui et tout évolue si rapidement.
M. Santacruz : En matière de formation, le Canada se débrouille bien dans le secteur des techniques agricoles. Nombre de nos jeunes et des personnes qui se recyclent suivent des cours par télé-enseignement. Un grand nombre d'outils et d'équipements sont employés par de nombreux établissements dans le secteur agricole. Comparativement à bien d'autres pays, je ne crois pas que nous soyons en pointe en matière de haute technologie, mais nous réussissons assez bien au niveau de l'enseignement et de la formation. De nouveaux programmes sont mis en place et les vieilles techniques sont utilisées comme dans le cas de la formation sur le lieu de l'emploi dans la production primaire et le fait de privilégier la santé et la sécurité, ce qui représente ici une amélioration pour l'agriculture canadienne.
Le sénateur Plett : Que faites-vous finalement au Centre de recherche de Morden?
M. Santacruz : Nous faisions de la recherche, mais pas tellement. Nous avons hérité de ce que nous appelons le groupe de recherches du patrimoine. Nous avions le programme des arbustes ornementaux rustiques et celui des roses de grande taille, que dirigeait Campbell Davidson, et notre association a eu la grande chance de bénéficier du permis de recherche accordé en exclusivité par Agriculture Canada dans le domaine de la phytogénétique qui a permis de poursuivre les recherches sous l'égide du secteur privé. Nous poursuivons cette activité à l'heure actuelle. La plupart des travaux se font au Centre de recherche et d'innovation de Vineland. Ce ne sont encore que des essais. On ne peut les faire à Morden, mais ils ont lieu dans une ferme près de Portage la Prairie. Nous continuons à procéder à des essais sur les plantes existantes, et nous poursuivrons cette recherche.
Nous percevons en fait des redevances sur l'ancien matériel génétique qui continue à être vendu et nous réinvestissons ces crédits dans le développement de plantes ornementales rustiques, notamment pour ce qui est des Prairies.
Le président : Je remercie les témoins d'être venus nous faire part de leurs conceptions et de leurs projets.
Dans notre prochain groupe de témoins, nous allons accueillir Pierre Meulien, président et directeur général de Génome Canada; Dale Paterson, vice-président, Affaires extérieures, Génome Canada; Philip Sherman, directeur scientifique des Instituts en recherche de santé du Canada; et Paul Bélanger, directeur adjoint des Instituts en recherche de santé du Canada.
Je remercie les témoins d'avoir accepté, sur notre invitation, de nous faire part de leur avis, de leurs commentaires et de leurs conceptions en ce qui a trait à l'avenir du meilleur pays au monde pour y vivre et y développer l'agriculture. Le greffier me signale que c'est M. Sherman qui va prendre la parole en premier.
Philip M. Sherman, directeur scientifique, Instituts de recherche en santé du Canada : Sénateur Mockler, membres du comité, je vous remercie de m'offrir l'occasion de parler des contributions des Instituts de recherche en santé du Canada à la recherche et à l'innovation en alimentation et en agriculture concernant la santé humaine.
J'assume les fonctions de directeur scientifique de l'Institut de la nutrition, du métabolisme et du diabète. Je suis chercheur principal et gastro-entérologue à l'Hôpital pour enfants de Toronto, et je suis titulaire d'une chaire de recherche du Canada sur les maladies gastro-intestinales. Je suis également professeur de pédiatrie, de microbiologie et de dentisterie à l'Université de Toronto, ou je fais partie du corps professoral depuis 1984. Je suis ici aujourd'hui en ma qualité de directeur scientifique des IRSC.
L'avenir de notre système de soins de santé repose sur notre capacité d'innover, non seulement sur le plan des pratiques et des traitements, mais aussi sur celui des méthodes de promotion de la santé et de prestation des soins de santé. Nos efforts doivent être réorientés vers la protection de la santé et la prévention des maladies chroniques. Les innovations alimentaires et nutritionnelles peuvent être d'une grande utilité à cet égard.
L'Institut de la nutrition, du métabolisme et du diabète a pour mandat de soutenir la recherche visant à améliorer la santé dans ses aspects liés à l'alimentation, à la digestion, à l'excrétion et au métabolisme.
En 2009, nous avons organisé un vaste processus de planification stratégique auquel ont participé de nombreux partenaires, notamment des organismes gouvernementaux comme Agriculture et Agroalimentaire Canada, des partenaires externes comme des organismes de santé bénévoles, et des chercheurs. La recherche sur les aliments et la santé s'est imposée et a été largement approuvée comme priorité de recherche. D'ailleurs, l'Organisation mondiale de la santé reconnaît l'alimentation comme un déterminant important de la santé, car les carences nutritionnelles et en micronutriments sont encore très répandues dans le monde, surtout chez les femmes et les enfants.
De plus, ces carences coexistent avec l'obésité et les maladies chroniques liées au régime alimentaire, comme le diabète. Nous savons que le régime faible en nutriments et riche en gras saturés est associé aux maladies chroniques les plus courantes au Canada, dont le diabète de type 2, l'hypertension artérielle, les maladies cardiovasculaires et les AVC, et les cancers. Ainsi, les régimes alimentaires qui favorisent la santé et le bien-être des Canadiens sont plus importants que jamais.
Pour réduire efficacement le fardeau des maladies chroniques, il faut plus de recherche afin de mieux comprendre comment le régime interagit avec les facteurs biologiques chez les individus et les populations, et comment façonner les milieux physiques et socioculturels, dans le but d'aider les gens à choisir des aliments sains.
Or, les IRSC jouent un rôle clé dans le soutien à la recherche en alimentation et à l'innovation en agriculture d'intérêt pour la santé humaine. Les habitudes nutritionnelles et alimentaires propices à la santé et à la maladie, la sécurité alimentaire dans les foyers, l'accès aux aliments et la salubrité des aliments sont tous des champs de recherche cruciaux soutenus par les IRSC.
Depuis 2001, les IRSC ont investi environ 460 millions de dollars dans la recherche portant sur la nutrition, la salubrité des aliments, l'agriculture et la santé. Notre présentation écrite au comité contient des exemples de projets de recherche financés par les IRSC.
Il est important de noter que les autres organismes fédéraux de financement de la recherche — le Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie; Génome Canada, dont vous entendrez l'exposé par la suite; et enfin le Conseil de recherches en sciences humaines — appuient également la recherche en alimentation et en agriculture.
En novembre 2010, nous avons organisé un atelier national pour cerner les lacunes et les possibilités dans le domaine de la recherche sur les aliments et la santé. En nous inspirant des conclusions de cet atelier, nous avons lancé une possibilité de financement transformatrice afin d'appuyer des programmes de recherche complets sur les aliments et la santé. Cet investissement innovateur de 10 millions de dollars aura un effet catalyseur sur la recherche liée aux aliments et à la santé au Canada. Je suis heureux de souligner qu'Agriculture et Agroalimentaire Canada figure parmi les nombreux partenaires financiers publics et privés de notre initiative de recherche.
Cette initiative concorde avec les priorités de recherche sur les aliments et la santé du secteur canadien de l'agriculture et de l'agroalimentaire. Elle complète les efforts d'autres bailleurs de fonds qui soutiennent la recherche liée à la production et à la viabilité en agriculture, et à l'économie agricole.
Je crois fermement que les investissements des IRSC, tant présents que nouveaux, en recherche sur les aliments et la santé permettront d'améliorer la santé des Canadiens et contribueront à la solidité et à la viabilité du système de santé. Après l'exposé qui va suivre, je me ferai un plaisir de répondre à vos questions, à vos commentaires et à vos observations.
Le président : Merci, monsieur Sherman.
[Français]
Le président : Je demanderais maintenant à M. Meulien de bien vouloir faire sa présentation, s'il vous plaît.
Pierre Meulien, président et directeur général, Genome Canada : Bonjour, monsieur le président. Merci de votre accueil ce soir.
Je ferai ma présentation en anglais, mais je serai ravi de répondre aux questions en français si vous le souhaitez.
[Traduction]
Monsieur le président et mesdames et messieurs les membres du comité, je saisis avec plaisir cette occasion pour vous rappeler toute l'originalité d'un modèle canadien qui stimule et renforce les meilleurs projets de recherche et d'innovation dans le secteur de l'agriculture et de l'agroalimentaire. Génome Canada est une société à but non lucratif visant à développer et à appliquer la génomique pour améliorer les conditions économiques et sociales de la population canadienne. Nous opérons en partenariat avec nos six centres génomiques régionaux ainsi qu'avec le gouvernement, les universités et l'industrie. Ce réseau se présente sous la forme d'une entreprise canadienne de génomique.
Nous finançons et nous administrons de grands projets de recherche en axant nos découvertes sur de nouveaux marchés, de nouvelles technologies, des applications et des solutions dans des secteurs clés des sciences de la vie au sein de notre économie. Cela concerne les secteurs de la santé, de l'agriculture, de l'environnement, de l'énergie, des mines, des pêches et des forêts.
Depuis sa création, Génome Canada a bénéficié de plus d'un milliard de dollars de crédits du gouvernement du Canada, que nous avons fait passer à plus de 2 milliards de dollars grâce à des accords de cofinancement passés avec les provinces, les universités, les organisations industrielles et bien d'autres intervenants.
En agriculture, cette recherche donne lieu à des applications en matière de salubrité et de sécurité alimentaire, de surveillance et d'amélioration de la productivité agricole grâce à la mise au point de variétés plus rustiques et plus nutritives. Depuis l'an 2000, Génome Canada et ses partenaires ont investi plus de 150 millions de dollars dans chacun des secteurs de l'agriculture et des forêts.
À titre d'exemple, les secteurs de la production laitière et de la viande bovine ont mis en application les résultats du Projet international de séquençage du génome bovin pour améliorer la santé et la productivité des vaches. Ce projet de 53 millions de dollars a fait appel à des partenaires des secteurs publics et privés des États-Unis, de l'Australie, de la Nouvelle-Zélande et d'autres pays, et le Canada a joué un rôle de chef de file. La demande mondiale de protéines animales devrait doubler en 2050 et les améliorations apportées au cheptel canadien dans le cadre de ce projet ont un rôle essentiel à jouer pour aider les producteurs de bovins à répondre à cette demande.
Comme cela a été prouvé récemment, la population canadienne veut être rassurée et pouvoir être convaincue de la salubrité et de la sécurité de notre approvisionnement alimentaire. Plus que jamais, notre industrie agroalimentaire est menacée par des micro-organismes susceptibles de remettre en cause la santé de notre population. Les chercheurs canadiens ont réussi à élaborer et à mettre en application des techniques de pointe en matière d'analyse et de surveillance des produits alimentaires pour garantir leur sécurité.
Ainsi, nous participons en collaboration avec l'Agence canadienne d'inspection des aliments et l'Alberta Innovates Bio Solutions Fund à la mise au point de nouveaux outils permettant de déceler et de contrôler les formes de Listeria ayant remis en cause récemment la salubrité et la sécurité de l'alimentation. Nous participons aussi à des projets s'appliquant aux maladies virales des porcs qui influent sur la sécurité et la salubrité de la chaîne alimentaire.
Un certain nombre de ces projets sont menés à bien en partenariat avec l'Alberta Livestock and Meat Association, qui a activement contribué à les financer au départ et qui comprend tout l'intérêt que revêt la génomique dans son secteur. Nous sommes aussi associés avec le CNRC et Agriculture et Agroalimentaire Canada à la mise au point de nouvelles variétés de blé au bénéfice du Canada et du monde entier. À la base, ce programme s'appuie sur un projet de 10 millions de dollars sur la génomique du blé dont le siège est à Saskatoon et qui surtout s'inscrit dans le cadre du projet génomique international concernant le blé.
La politique agricole et agroalimentaire du Canada fait résolument appel à la technologie de la génomique dans les domaines qui s'appliquent particulièrement à la sécurité et à la salubrité des aliments. Ainsi, la mise en place de nouveaux moyens de lutte contre la Listeria et d'autres applications sont susceptibles de conférer au Canada un avantage concurrentiel sur le marché, attestant d'une appellation d'origine contrôlée de qualité supérieure, ce qui procurera de gros avantages en matière de traçabilité des aliments et d'amélioration des normes de qualité.
Nous envisageons aussi de mener à bien des projets concernant le canola pour améliorer la teneur en huile des graines et mieux comprendre le rôle joué par les abeilles, les questions liées à la mortalité dans les ruches, qui ont d'importantes répercussions sur la pollinisation des arbres fruitiers, des arbres portant des noix, et cetera.
Nous nous intéressons en priorité aujourd'hui à l'agriculture, mais je dois aussi vous préciser que la génomique donne lieu à des innovations dans le secteur forestier, qui fait aussi partie du mandat de votre comité. Nous avons investi près de 100 millions de dollars dans la recherche visant à identifier les gènes qui aident à protéger la forêt contre la prolifération des ravageurs et faire de meilleurs diagnostics concernant les organismes agresseurs en évaluant la qualité et les rythmes de croissance des bois. Grâce à ces procédés, nous pouvons par exemple déterminer des semis d'arbres qui poussent plus vite, produisent un meilleur bois et résistent mieux aux insectes. Pour transformer nos forêts, qui étaient jusque-là consacrées à l'industrie de la pâte et papier, en un produit ayant une plus grande valeur ajoutée, nous collaborons avec les chefs de file du secteur comme FPInnovations, et nous sommes totalement en phase sur ce plan.
En annonçant la mise en place de Cultivons l'avenir 2, l'accord-cadre prévu pour cinq ans par le Canada dans le secteur de l'agriculture, le ministre de l'Agriculture Gerry Ritz s'est engagé, au nom du gouvernement du Canada, à consacrer 3 milliards de dollars à l'innovation, à la compétitivité et au développement du marché.
L'entreprise menée en collaboration en matière de génomique au sein du Canada nous montre la voie et donne lieu à de nouvelles innovations dans le secteur de l'agriculture et de l'agroalimentaire et, bien entendu, dans celui des forêts. Cela fait partie de notre travail de développement et de la stratégie de notre secteur et nous orienterons notre agriculture en fonction des objectifs de Cultivons l'avenir 2 pour le plus grand bien de notre secteur.
Nous sommes toujours en discussion avec le gouvernement du Canada pour obtenir un financement pluriannuel. Plus précisément, nous demandons actuellement au gouvernement fédéral de s'engager à affecter 440 millions de dollars de crédits à la recherche et au développement de la génomique sur une période de quatre ans.
Étant donné que nous sommes en mesure d'exercer un effet de levier avec nos partenaires et d'appliquer nos découvertes afin qu'elles profitent véritablement à la population canadienne, cela apporterait au Canada un investissement net de 1,25 milliard de dollars consacrés à la recherche en génomique pendant les quatre prochaines années. Il en résulte un effet multiplicateur de deux pour un des crédits fédéraux.
Ces crédits seraient répartis dans nos différents centres génomiques régionaux et nous pourrions financer des projets de génomique d'un bout à l'autre du pays dans des secteurs revêtant une grande importance économique, notamment l'agriculture et les forêts. Ce financement à long terme, stable, efficace et sur plusieurs années est indispensable pour répondre aux engagements pris par le Canada concernant la nouvelle économie biologique. On verrait alors que l'innovation en matière de génomique est en mesure de préserver et de créer des emplois, d'encourager la productivité et de créer des débouchés en mettant au point des produits offrant une grande valeur ajoutée.
Le président : Messieurs, je vous remercie.
Le sénateur Plett : Merci, monsieur le président. Excusez-moi d'avoir dû sortir pendant quelques minutes. J'avais quelques affaires à régler.
Je vais juste vous poser une question. Monsieur Sherman, vous nous avez dit dans votre exposé que l'on continuait à enregistrer un déficit en éléments nutritifs et en micronutriments à l'échelle mondiale, notamment pour ce qui est des femmes et des enfants. J'avais toujours pensé que les femmes avaient une alimentation bien plus saine que celle des hommes et que c'est nous qui faisions mal les choses. Pourriez-vous m'expliquer pourquoi nous sommes dans cette situation?
M. Sherman : Au niveau mondial, c'est souvent un problème de manque de nourriture. On peut évoquer plus précisément les carences en fer et en vitamine A, qui jouent un rôle important dans la composition du sang, pour ce qui est du fer, et pour la vue, en ce qui concerne la vitamine A.
Il faut trouver les moyens de dispenser des aliments sains, mais aussi de fournir des micronutriments aux personnes les plus vulnérables, comme les femmes enceintes, les bébés nouveau-nés et les tout jeunes enfants dans la première ou la deuxième année de leur vie. Des produits fortifiants adaptés contenant des micronutriments précis, fer ou vitamine A par exemple, ont été mis au point par des chercheurs canadiens et se sont répandus dans le monde, car ils permettent d'apporter des micronutriments à de grandes populations à un très faible coût. On peut ainsi en faire bénéficier des personnes qui en ont grandement besoin, dans l'Afrique subsaharienne, en Asie du Sud et dans d'autres régions de l'Asie, par exemple. Il y a là un besoin et nous pouvons intervenir avec succès. Les Canadiens interviennent avec succès à l'heure actuelle.
Le programme auquel je pense en particulier est le programme Sprinkles — vous en avez peut-être entendu parler — qui est financé par le gouvernement canadien.
Le sénateur Mercer : Messieurs, nous avons apprécié vos exposés. J'aimerais vous parler un peu des abeilles. C'est une question que vous avez soulevée. Je m'interroge à l'issue d'une visite que nous avons faite dans une grande exploitation de serres au sud de Shawinigan, si je me souviens bien, un ensemble d'une superficie correspondant à environ cinq terrains de football canadien. C'était une magnifique exploitation, très intéressante et très novatrice, puisqu'elle recyclait par exemple le gaz méthane tiré d'une décharge municipale voisine.
C'est au sujet des abeilles que je veux vous interroger. Les exploitants se servaient des abeilles, bien entendu, pour la pollinisation, et ils nous ont dit à l'époque que tous les 15 jours ils devaient importer des abeilles, des Pays-Bas, je crois. Y a-t-il une pénurie d'abeilles au Canada? Dans l'affirmative, y a-t-il là un marché qui nous permettrait d'élever des abeilles pour les besoins d'exploitations comme celle que nous avons vue au Québec?
M. Meulien : Il y a une pénurie d'abeilles et, pour des raisons que nous ne comprenons pas bien, les populations d'abeilles diminuent de manière générale à un rythme alarmant, jusqu'à 90 p. 100 dans certaines régions.
Ainsi, la Californie, pour nous en tenir pour l'instant à un exemple nord-américain, produit environ 50 p. 100 des amandes que l'on consomme dans le monde. Le prix de ces amandes a beaucoup augmenté parce qu'il n'y a plus suffisamment de pollinisation. Les producteurs d'arbres et les agriculteurs de la Californie doivent importer des abeilles du Minnesota et d'autres régions des États-Unis à prix d'or parce qu'il n'y a tout simplement pas suffisamment d'abeilles pour en politiser les amandiers au moment prévu. Nous constatons les mêmes difficultés au Canada, dans l'Ouest.
Heureusement, nous avons la chance de pouvoir compter au Canada sur quelques-uns des meilleurs chercheurs au monde en biologie sur la question des abeilles et nous en finançons un certain nombre grâce à nos programmes. Ils cherchent à comprendre ce qui motive l'effondrement des colonies, puisque c'est ainsi que nous appelons le phénomène. Est-ce dû à une acariose, à un champignon, à un virus ou au changement climatique? Tous ces facteurs jouent probablement un rôle. Pouvons-nous trouver des populations d'abeilles résistant à ces attaques? Dans l'affirmative, il nous faudra mettre en place des programmes d'élevage des abeilles s'appuyant sur ces populations.
Vous nous dites que ce groupe importe des abeilles des Pays-Bas. C'est vrai. On en importe maintenant de Nouvelle- Zélande et d'autres pays encore. Il se fait énormément d'échanges de population d'abeilles. C'est à l'échelle mondiale.
Pour répondre à votre question, oui, la pollinisation revêt une importance économique énorme, bien plus que le simple fait de fabriquer un pot de miel, c'est d'un intérêt primordial pour le secteur agricole.
Le sénateur Mercer : Ceux d'entre nous qui ont visité ces exploitations reconnaissent toute l'importance des abeilles. C'était très intéressant. L'installation était si vaste qu'il y avait des abeilles au niveau de la serre et des guêpes au niveau supérieur. Les guêpes se chargeaient des autres insectes pendant que les abeilles faisaient leur travail. C'était passionnant pour ceux d'entre nous qui n'avaient jamais vu ça auparavant.
Vous avez par ailleurs précisé que depuis sa création, Génome Canada avait bénéficié de plus d'un milliard de crédits du gouvernement du Canada, et vous avez ajouté que cela lui avait permis d'atteindre un budget de plus de 2 milliards de dollars. Est-ce que cela s'est fait par l'intermédiaire de cofinancements et de partenariats? Est-ce que vous avez eu recours à ce que j'appellerais, en tant que leveur de fonds professionnel, à des campagnes de financement pour recueillir ce milliard de dollars supplémentaire? Il faut vous en féliciter. C'est une excellente façon de rentabiliser les crédits du gouvernement.
M. Meulien : Notre modèle de financement comporte six centres génomiques répartis dans tout le pays qui ont pour principal objectif de lever des fonds. Ils font des campagnes de financement dans les provinces, auprès des gouvernements provinciaux, des universités et des entreprises.
Nous opérons de manière à ce que Génome Canada ne fasse rien isolément. L'année dernière, nous avons créé un partenariat avec nos collègues des IRSC pour lancer un grand programme sur la santé personnalisée : 40 millions de dollars en ce qui nous concerne et 20 millions de dollars pour les IRSC. C'est grâce à ces mécanismes que les crédits du gouvernement fédéral ont un effet multiplicateur, un dollar en appelant un autre. Dans la pratique, nous ne considérons pas que les crédits des IRSC représentent un cofinancement à parité étant donné qu'il s'agit là aussi de crédits fédéraux.
Lorsque nous évoquons la somme d'un milliard de crédits versés, il s'agit d'un milliard de dollars de crédits non fédéraux que nous sommes allés chercher. Nous avons plusieurs centaines de partenaires dans cette entreprise.
Le sénateur Mercer : Je vous remercie.
J'ai débuté ma journée en écoutant l'exposé d'un autre intervenant représentant les IRSC et je finis donc par la médecine après avoir commencé par des essais cliniques.
Je m'intéresse aux 461 millions de dollars affectés précisément à la nutrition et à la sécurité alimentaire ainsi qu'à la recherche en agriculture et en santé que vous avez mentionnée. Y a-t-il des avancées précises que vous pouvez nous indiquer, des réussites dont on ne se rend peut-être pas compte précisément, mais dont les répercussions se font déjà sentir ou sont susceptibles de se faire sentir à l'avenir?
M. Meulien : Je vous remercie, sénateur. Il est très important de connaître les résultats tirés de la recherche.
Nous finançons la recherche biomédicale fondamentale ainsi que les interventions axées sur les patients, comme cela se fait dans les essais cliniques que vous avez mentionnés, de même que la recherche sur les politiques des services de santé et les interventions sanitaires au sein de la population. Les IRSC financent toute la gamme des recherches en matière de santé.
Il y a toute une série d'exemples, mais je m'en tiendrai ici à la question des origines du diabète et de l'obésité. Vous savez que le diabète de type 2 est source de grandes difficultés, notamment chez nos jeunes. Le problème ne se posait pas lorsque j'ai fait mes études médicales. Aujourd'hui, il est plus courant que le diabète de type 1 affectant les jeunes.
La question qui se pose est de savoir si de petites interventions peuvent faire une grande différence, et c'est en effet le cas. Prévoir un accès à des aliments plus sains dans les écoles, remplacer des boissons sucrées par des boissons non sucrées, est-ce que cela fait une différence? Les études qui sont actuellement publiées dans les meilleures revues nous disent que ça peut faire une différence.
Il ne s'agit pas de trouver une guérison à l'obésité et au diabète, mais d'intervenir de manière à ce que les gens prennent moins de poids, notamment les jeunes, et à encourager et à stabiliser les pertes de poids chez les personnes déjà trop grosses. Nous finançons tous ces secteurs, à titre d'exemple.
Le sénateur Mercer : J'ai bien peur que le sénateur Robichaud ait regardé vers moi lorsque vous avez parlé d'obésité et de diabète de type 2.
M. Meulien : Mon commentaire n'avait rien de personnel.
Le sénateur Mercer : Je sais que vous avez fait vos recherches et que je suis l'ancien directeur général de l'Association canadienne du diabète à Toronto. C'est pourquoi la chose a été mentionnée.
Le sénateur Demers : Je vais vous citer quatre domaines et vous pourrez peut-être répondre à ma question. Vous nous avez parlé de la recherche, de la salubrité, de la sécurité et de l'innovation. Où se situe le Canada par rapport à la concurrence en Amérique du Nord et dans le reste du monde? Avons-nous progressé au point d'être en mesure de concurrencer ces pays? Où en sommes-nous aujourd'hui? Avons-nous fait d'énormes progrès, notamment en matière de salubrité et de sécurité?
M. Sherman : Je vous remercie d'avoir posé cette question importante. Je me félicite de pouvoir vous répondre en toute confiance que les chercheurs canadiens sont largement à la hauteur sur le plan des crédits investis et de la production. Dans le monde, on considère que les chercheurs canadiens sont à la pointe de la technique, et cela englobe tous les domaines que vous avez cités, y compris l'innovation.
Sur la question de la sécurité alimentaire, qui est au centre de nos préoccupations — je vais faire ici un peu de publicité à notre pays —, le Canada a été à l'origine de la découverte que la bactérie E. coli 0157, associée à la maladie du hamburger, était responsable des insuffisances rénales, notamment chez l'enfant. Ce lien a été découvert par le Canada en 1983. Nous allons célébrer le 30e anniversaire de cette découverte en mars 2013 avec le chercheur canadien dont le nom figure dans le dossier que je vous ai fourni.
Dans le monde entier, on s'appuie sur les recherches effectuées au Canada. Cette recherche portant sur la bactérie E. coli, qui a permis de connaître l'organisme qui est cause de la maladie, a débouché sur l'élaboration d'un vaccin qui est désormais en cours d'essais. Ce n'est pas sur les gens, mais sur les vaches qu'il faut réduire la prolifération de cet organisme afin que la population humaine ne soit pas touchée par inadvertance. C'est là un exemple de projet visant à améliorer dans la pratique la santé de la population canadienne.
M. Meulien : Je serai un peu plus nuancé que M. Sherman quand il nous dit que les chercheurs, à tout point de vue, sont largement à la hauteur.
Le problème au Canada, à mon avis, est celui de l'innovation, puisqu'on a beaucoup parlé de notre incapacité relative à passer de la recherche à la commercialisation dans bien des domaines. Il y a quelques petites lacunes auxquelles il nous faut remédier lorsqu'on voit que les conditions qui entourent l'innovation sont bien plus favorables, par exemple, au sud de notre pays, les petites sociétés à capital de risque au Canada étant bien plus timides de sorte que nous éprouvons des difficultés à donner naissance à des PME suffisamment viables pour favoriser selon nos besoins la croissance économique de tous nos secteurs.
M. Sherman vient de nous donner de magnifiques exemples qui montrent bien toute la qualité de nos réalisations, mais je considère qu'en ce qui concerne le passage de la recherche à la commercialisation il nous reste des progrès à faire.
Le sénateur Demers : Je vous remercie tous deux de ces excellentes réponses.
Le sénateur Callbeck : Je vous remercie tous d'être venus. Monsieur Meulien, j'ai une ou deux questions à vous poser au sujet de Génome. Est-ce que c'est en 2000 que la société Génome a été fondée?
M. Meulien : Oui.
Le sénateur Callbeck : En 2011, on a financé 165 projets pour un montant de 2 milliards de dollars, soit environ 1 milliard de dollars en provenance du gouvernement fédéral et un autre milliard versé par vos partenaires. Je crois savoir que ces crédits ont été répartis entre six centres, et qu'il y en a un dans la région de l'Atlantique du Canada.
Avons-nous une idée de la façon dont se répartissent ces 2 milliards de dollars? Plus précisément, je m'intéresse en particulier à la région de l'Atlantique du Canada. Quelle est la part qu'elle va recevoir sur ce montant de 2 milliards de dollars?
M. Meulien : Je ne peux pas vous donner la répartition exacte, mais il est certain que l'on s'est retrouvé avec trois grands groupes de recherche situés en Colombie-Britannique, en Ontario et au Québec, et trois petits groupes en Alberta, dans les Prairies et dans la région de l'Atlantique. Nous n'avons absolument pas fait appel à une répartition géographique; nous nous sommes fiés exclusivement aux compétences scientifiques reconnues par le jugement des pairs au niveau international.
Il est vrai que la région de l'Atlantique du Canada compte bien moins de grands projets. Elle n'en compte pas moins d'excellents projets spécifiquement adaptés, deux en particulier sur les maladies rares, qui atteignent chacun les 10 millions de dollars — ce qui procure dès le départ 20 millions de dollars de crédits à la région de l'Atlantique du Canada — ainsi qu'un projet très important sur la génomique de la morue, qui a été développé et intégré aux programmes concernant les stocks de géniteurs dans la région de l'Atlantique du Canada.
Il me faudrait vérifier ces chiffres, mais je dirais que probablement 40 à 50 millions de dollars de crédits, sur ces 2 milliards de dollars, ont été affectés à la région de l'Atlantique du Canada pendant cette période.
Le sénateur Callbeck : Il s'agissait de la période allant de 2000 à 2011. Nous sommes maintenant en 2012. Qu'en est- il à l'heure actuelle?
M. Meulien : Nous avons actuellement des projets de santé personnalisée qui vont être passés en revue au moment où on se parle. Il s'agit là d'un programme de 130 millions de dollars et nous n'avons aucune idée de la répartition des projets à l'avenir.
Nous allons par ailleurs recevoir cette année 60 millions de dollars qui nous sont versés par le gouvernement du Canada, et nous envisageons à ce titre de mettre en place deux programmes. Le premier est surtout axé sur la technologie. La technologie de la génomique évolue rapidement et nous devons nous assurer que le Canada reste en pointe. Il y a un autre programme concernant les applications. Il est mis en œuvre au sein d'un partenariat avec l'industrie. Il s'adresse à plusieurs secteurs. Il y a beaucoup de pourparlers en cours dans la région de l'Atlantique dans les secteurs des biocarburants, de l'aquaculture et des forêts, et nous espérons que cette région bénéficiera d'un certain nombre de ces projets dans le cadre de ce programme.
Le sénateur Callbeck : Vous avez évoqué les crédits que vous réclamez pour les quatre prochaines années, soit 441 millions de dollars, ce qui vous permettra de consacrer 1,25 milliard de dollars à la recherche.
M. Meulien : Effectivement.
Le sénateur Callbeck : C'est un organisme qui doit se charger de la répartition dans l'ensemble de la région. C'est bien ça?
M. Meulien : Dans le cadre du modèle utilisé, des groupes de personnes se rassemblent pour élaborer des projets dans chacune des régions, et ils collaborent avec les centres pour faire en sorte que ces projets soient de la meilleure qualité possible. Les propositions remontent alors des centres jusqu'à Génome Canada. Voilà pourquoi c'est un modèle de répartition. Nos crédits, lorsque les projets sont acceptés, sont affectés aux centres, qui répartissent ainsi l'argent.
C'est un modèle très intéressant, car il permet aux parties prenantes et aux intervenants régionaux d'opérer en étroite collaboration. Là encore, il s'agit de gros projets, de 10 millions de dollars chacun. Il y a de nombreux intervenants et parties prenantes faisant appel aux entreprises, et il y a donc un gros travail de préparation qui doit être fait par les centres.
Ces derniers sont aussi chargés de superviser la mise en œuvre des projets une fois qu'ils ont été entérinés et, bien entendu, je vous l'ai dit au début de mon intervention, ils doivent trouver des financements en coparticipation pour chacun des projets.
Le sénateur Callbeck : Génome Canada a-t-il un conseil d'administration?
M. Meulien : Oui.
Le sénateur Callbeck : Les six centres y sont-ils représentés?
M. Meulien : Chacun d'entre eux est un organisme indépendant, et chacun possède un conseil d'administration.
Le sénateur Callbeck : Y a-t-il un organisme qui chapeaute le tout?
M. Meulien : Oui.
Le sénateur Callbeck : Comment est-il composé?
M. Meulien : L'organisme qui chapeaute Génome Canada?
Le sénateur Callbeck : Oui.
M. Meulien : Nous avons notre conseil d'administration. Il est présidé par Lorne Hepworth, qui est à la tête de CropLife et donc très axé sur l'agriculture. Nous avons aussi 14 membres du conseil qui viennent de tous les horizons. Certains d'entre eux sont des scientifiques de réputation mondiale spécialisés dans la génomique, d'autres sont des gens d'affaires et d'autres encore représentent des sociétés à capital de risque qui nous aident à mettre en place les projets. Robert Orr, de la région de l'Atlantique du Canada, siège au sein de ce conseil d'administration.
Le sénateur Callbeck : Vous avez évoqué les énormes avantages de la traçabilité des aliments et les améliorations apportées aux normes de qualité. Où se sert-on de la traçabilité des aliments à l'heure actuelle?
M. Meulien : Nous avons un projet intéressant qui concerne le réseau des codes à barres ADN. Nombre de groupes se servent des codes à barres ADN pour répertorier, par exemple, des espèces de poissons. Vous avez peut-être entendu parler d'une étude publiée par le New York Times nous révélant que certains restaurants de sushis faisaient passer le tilapia pour du thon. Le tilapia est le poisson le meilleur marché alors que le thon est le plus cher. Grâce aux codes à barres ADN, il est possible d'améliorer le contrôle de la qualité des produits commercialisés. Il est possible de retracer très facilement au-delà des frontières les poissons vendus sur les marchés en se servant rapidement des codes à barres ADN. Je suis convaincu que cette traçabilité renforcera le contrôle des appellations canadiennes parce que l'on pourra mettre des codes à barres sur la viande exportée pour indiquer aux consommateurs qu'elle provient de telle ou telle ferme en Alberta, par exemple, ou sur le poisson pêché au large de la côte de l'Atlantique. Je considère qu'il y a là une valeur ajoutée pour l'industrie alimentaire canadienne.
Le sénateur Callbeck : Est-ce que nous le faisons actuellement au Canada?
M. Meulien : C'est davantage pratiqué aux États-Unis qu'au Canada. La FDA se sert de ces codes à barres, qui sont une invention canadienne, pour effectuer certains contrôles. Je pense que le Canada va très bientôt se mettre à appliquer cette méthode.
Le sénateur Callbeck : Quelqu'un m'a dit dans un supermarché que pour que cette traçabilité soit mise en œuvre, il faut que le détaillant collabore, ce qui pose un problème.
M. Meulien : Bien entendu, il faut que le détaillant collabore. La technologie progresse si rapidement; elle est en pleine évolution. Je sais que dans mon pays d'origine, l'Irlande, une société appelée IdentiGEN utilise des étiquettes d'identification en alimentation que la plupart des détaillants ont adoptées. À terme, ils n'auront plus le choix, parce que je considère que le marché exigera de plus en plus la traçabilité des aliments à l'avenir; les événements récents en sont la meilleure preuve.
Le sénateur Callbeck : Considérez-vous que c'est dans les cinq prochaines années que ces pressions vont s'exercer?
M. Meulien : Oui, sur une période de cinq ans, je pense que c'est un bon délai pour nous permettre de mettre en place nombre de ces nouvelles techniques.
Le sénateur Callbeck : Je vous remercie.
[Français]
Le sénateur Verner : Merci, monsieur le président. Merci, messieurs. Je vais m'adresser à vous en français. Je ne suis pas membre du comité, alors mon intervention sera plus générale et portera sur les différentes sources de financement.
Je crois comprendre, à la lecture des notes qu'on m'a fournies, que plusieurs témoins se sont montrés désolés d'un manque de concertation au niveau des différents paliers de gouvernement; les intervenants de l'industrie, les chercheurs, les consommateurs. Un peu dans le même sens, Agriculture et agroalimentaire Canada a produit un rapport en juin 2011, qui démontrait qu'il y avait un problème de confusion dans les différents rôles des différents intervenants. J'aimerais avoir vos commentaires sur la question.
Quels seraient les facteurs qui feraient qu'on observe un manque de concertation entre le gouvernement fédéral, les provinces, les intervenants de l'industrie, les chercheurs et les consommateurs?
M. Meulien : Il y a certainement une perception de silo entre les différents départements gouvernementaux, les agences de financement pour la recherche, et cetera. Nous avons besoin de créer un environnement de collaboration beaucoup plus que dans le passé. Nous sommes avec les Instituts de recherche en santé du Canada, la Fondation canadienne pour l'innovation, l'Institut de recherche en santé du Canada et avec le Conseil national de recherches Canada. Nous sommes beaucoup plus proches aujourd'hui dans notre interrogation dans nos collaborations qu'il y a deux ans.
En ce qui a trait à l'interface entre l'académie, les agences de financement et l'industrie, cela reste une interface où on a besoin de créer encore plus un environnement de collaboration. C'est à nous, les financeurs de la recherche de créer des programmes qui forgent ces interfaces. On peut le faire, toutefois il y a beaucoup de travail à faire. Vos interrogations sont tout à fait justes. Nous avons besoin de créer une interface beaucoup plus productive que celle que nous avons aujourd'hui.
[Traduction]
M. Sherman : Je reviens à l'idée selon laquelle les différents bailleurs de fonds n'ont pas tous les mêmes points de vue et la même formation et que cela peut être un atout plutôt qu'un inconvénient. Ce que nous voulons éviter, ce sont les cloisonnements dont a parlé M. Meulien. Nous ne voulons pas faire chacun de notre côté des choses que nous pourrions faire ensemble. Nous savons que les synergies débouchent sur de meilleurs résultats.
La réduction de la consommation de sel est un excellent exemple. Nous savons que les Canadiens aiment bien manger salé. Il n'est pas bon de manger trop salé et il y a des moyens de réduire la consommation de sel. Toutefois, le sel se trouve dans les aliments pour certaines raisons, et par conséquent, lorsqu'on est associé à des représentants de l'agriculture et de l'industrie, ces derniers apportent un point de vue utile dans les discussions. Il n'y a pas une bonne et une mauvaise façon de faire les choses; il faut aborder les problèmes en tenant compte des différents points de vue.
Nous fixons souvent le cadre des premières recherches en organisant des ateliers regroupant des gens venus de tous les horizons, notamment des secteurs de l'agriculture, de l'entreprise privée et de la transformation des aliments, qui réfléchissent ensemble à la meilleure façon d'orienter les recherches pour combler certaines lacunes. Pour ce qui est du sel, je pense que nous sommes parvenus à de bons résultats. Ce n'est là qu'un exemple de l'utilité de la collaboration.
[Français]
Le sénateur Verner : On sait bien qu'au Canada il y a des compétences partagées en matière d'agriculture, mais est-ce que la situation est unique au Canada ou on voit cette tendance à oublier les autres partenaires et à travailler en silo ailleurs?
M. Meulien : Tout à fait. Le Canada n'est pas unique dans cette problématique. Je fais pas mal de travail avec l'Agence nationale de la recherche en France. Ils ont la même problématique. Ils ont du mal à créer une interface productive. Cela ne veut pas dire que tout est mauvais. Cela veut dire que nous avons besoin de travailler de beaucoup plus près, plus en collaboration.
Le Canada est un pays très collaboratif dans sa mentalité. On pourra arriver sans problème à le faire. L'exemple que je cite dans mon intervention était avec l'Agence canadienne d'inspection des aliments et l'industrie de la transformation alimentaire et Genome Canada et d'autres universités et une agence de financement en Alberta. Cette collaboration va certainement être productive, non seulement dans les résultats scientifiques, mais aussi dans l'habitude de collaborer entre l'académie, le gouvernement et l'industrie.
Le sénateur Robichaud : Monsieur Sherman, dans votre présentation vous dites qu'en novembre 2010, un atelier a été organisé pour cerner les lacunes et les possibilités dans le domaine de la recherche sur les aliments et la santé.
Vous continuez à dire qu'il y a des occasions de capitalisation transformatrice et que cet investissement innovateur de 10,24 millions de dollars aura un effet catalyseur sur la recherche liée aux aliments.
C'est plutôt vague. Pouvez-vous nous en dire plus?
[Traduction]
M. Sherman : Oui. Je vous remercie, sénateur. Nous suivons le modèle que je viens de vous décrire en rassemblant des gens venus de tout le pays et de tous les horizons. Nous avons d'excellents chercheurs appartenant aux milieux universitaires et au secteur privé. Nous avons réuni les responsables de Santé Canada et d'Agriculture Canada pour leur montrer nos points forts et leur demander quelles étaient nos lacunes face à l'avenir. Y a-t-il un moyen de faire mieux pour éviter les recherches qui font double emploi et faire en sorte que nos crédits soient mieux rentabilisés?
Ce n'est pas nous qui décidons de la meilleure façon de financer les recherches. Nous prenons conseil des gens venus de tout le pays, depuis le Grand Nord jusqu'aux collectivités rurales et éloignées. Ce qui est à la fois difficile à gérer et magnifique au sujet du Canada, c'est la grande diversité de ce pays, qui fait que l'on a des points de vue différents.
On en arrive alors à un consensus, c'est le but de l'atelier. Tout le monde peut prendre connaissance du compte rendu de l'atelier. On le trouve sur notre site Internet et nous sommes tout à fait disposés à vous en faire part. Nous lançons alors un projet de recherche dans le domaine en fonction des priorités répertoriées. Ce que nous disent entre autres les milieux de la recherche, et vous venez de l'entendre, c'est qu'il n'est pas bon de travailler chacun de son côté, que l'on fait un meilleur travail en équipe. La valeur ajoutée est plus grande lorsque les gens travaillent en groupe. On nous a dit qu'il ne fallait pas laisser de côté les jeunes chercheurs. La nouvelle génération a besoin d'être intégrée à ces groupes.
Nous avons institué des crédits de programmes permettant de mettre sur pied des groupes dans tout le pays. Ces recherches ne sont jamais faites à l'interne par les IRSC. Tout est fait par des chercheurs de l'extérieur. Nous sommes les bailleurs de fonds. Nous lançons des appels d'offres et c'est la qualité qui prime. Des pairs venus du monde entier se penchent sur nos offres de subventions et nous disent quels sont les projets les plus intéressants qui doivent être financés dans le cadre des budgets prévus. Nous versons alors les fonds. Ils portent sur une période de cinq ans. À la fin du projet on pose certaines questions : qu'avez-vous fait de cet argent? Quels sont les résultats que vous avez obtenus? Quelles sont les incidences sur la santé des Canadiens?
L'établissement des stratégies, la planification et le lancement des projets prennent un certain temps. Nous n'en sommes qu'à l'étape de l'examen des premières propositions. Nous avons reçu un grand nombre de soumissions, ce qui est une bonne chose, car cela signifie qu'il y a de nombreux bons chercheurs canadiens prêts à s'impliquer. Il est dommage que nous ne puissions pas tous les financer. Nous ne finançons que les meilleurs d'entre eux. Nous attendons que toutes les soumissions soient arrivées pour ne retenir que les tout meilleurs. Cela se fera pendant les six prochains mois et nous offrirons alors un financement pour les cinq prochaines années.
Le sénateur Robichaud : Cela permettra de combler les lacunes que nous avons décelées?
M. Sherman : Oui, c'est l'objectif. Il me faudra revenir vous voir dans cinq ans pour vous le dire avec certitude, mais il s'agit effectivement de combler les lacunes qui ont été décelées.
Le sénateur Mercer : Nous serons là.
Le sénateur Robichaud : Non, je serai parti à ce moment-là.
[Français]
Monsieur Meulien, vous parlez de coopération. Vous êtes impliqué dans plusieurs domaines de recherche. On a reçu à quelques reprises, en comité, des présentations sur la nanotechnologie. Pouvez-vous nous dire quelle implication vous avez dans ce domaine?
M. Meulien : Je pense que les technologies nouvelles sont en train de converger. Donc, vous avez des technologies en science des matières, les technologies en nanotechnologie, les technologies en nanoliquide, les technologies en génomique et les technologies informatiques. Toutes ces technologies sont en train de converger, et je pense que cette interface, en termes de collaboration, sera fantastique à voir dans les prochaines années. Je crois qu'il est très important que le Canada ait des outils de pointe dans tous ces domaines, et qu'on arrive à faire des interfaces productives dans tous ces domaines.
Le sénateur Robichaud : Parce que d'après ce qu'on a entendu, c'est prometteur en ce qui concerne l'agriculture et cela aura un effet direct sur l'environnement.
M. Meulien : Bien sûr.
Le sénateur Robichaud : J'ai lu que ce serait aussi le cas en médecine, où on parle de la livraison de médicaments à des points précis avec des façons d'identifier les différentes cellules. Il y a beaucoup de promesses là aussi.
M. Meulien : Bien sûr.
Le sénateur Robichaud : Vous avez aussi parlé de la recherche et vous avez mentionné une chose qu'on a entendue lorsqu'on a fait notre étude sur les forêts, soit la « vallée de la mort », entre la recherche et la commercialisation.
Et je reviens à ce que M. Sherman disait, vous avez un programme de recherche quinquennal. Mais on nous a dit que cinq ans, c'est à ce moment qu'on arrive à la « vallée de la mort ». Comment peut-on poursuivre et se rendre à la commercialisation?
M. Meulien : Comme M. Sherman l'a très bien décrit, au Canada, en général, nous avons une recherche de pointe qui est une des meilleures au monde.
Le sénateur Robichaud : Je n'en doute pas.
M. Meulien : La problématique vient après l'étape de recherche et entre celle de la recherche et de la commercialisation. Et là, nous avons besoin de financer un développement de prototype ou de preuve de concept, et cetera. Et nous n'avons pas suffisamment de fonds pour faire ces liens. Nous avons besoin de travailler ensemble avec les outils comme le Programme d'aide à la recherche industrielle du CNRC, par exemple, les outils comme la Banque de développement du Canada qui investit. Nous avons une culture de risque réticente au Canada. Nous devons travailler ensemble afin de changer cela et de prendre plus de risques afin de créer plus de petites et moyennes entreprises pour combler la « vallée de la mort ».
Le sénateur Robichaud : Je crois qu'on manque beaucoup d'occasions. On a déjà reçu quelqu'un à ce comité, et il nous a dit, à la fin de la séance, qu'il avait dû se tourner vers des intérêts américains afin de développer ce qui aurait pu être fait ici et dont on aurait pu retirer les bénéfices.
Est-ce qu'il serait de mise pour vous de faire une certaine recherche pour savoir comment on remplit cette lacune?
M. Meulien : Cela fait partie de mon travail.
Le sénateur Robichaud : Bravo. Merci.
[Traduction]
Le président : Je remercie les témoins d'être venus nous faire part de leurs idées. Honorables sénateurs, la séance est levée.
(La séance est levée.)