Délibérations du Comité sénatorial permanent de
l'Agriculture et des forêts
Fascicule 29 -Témoignages du 14 février 2013
OTTAWA, le jeudi 14 février 2013
Le Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts se réunit aujourd'hui, à 8 h 5, pour examiner, afin d'en faire rapport, les efforts de recherche et d'innovation dans le secteur agricole (sujet : Cadre de réglementation : impact sur l'agriculture, l'agroalimentaire et la lutte antiparasitaire).
Le sénateur Percy Mockler (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président : Bienvenue à vous, chers collègues. Nous entendrons deux témoins, dans le cadre de deux panels distincts, car l'un des panels porte sur la lutte antiparasitaire dans l'agroalimentaire, et l'autre, sur la réglementation des aliments.
[Français]
Pour nos travaux, l'ordre de renvoi du Sénat spécifie l'étude des développements de nouveaux marchés domestiques et internationaux et le renforcement du développement durable de l'agriculture.
[Traduction]
Nous étudions aussi la diversité et la sécurité des aliments. Pour le premier panel, nous accueillons Marion Law. Avant de la présenter, je vais demander à tous les sénateurs de se présenter. Je suis Percy Mockler, sénateur du Nouveau-Brunswick et président du Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts.
Le sénateur Mercer : Je suis le sénateur Terry Mercer, du secteur nord d'Halifax.
[Français]
Le sénateur Robichaud : Fernand Robichaud, de l'Acadie, au Nouveau-Brunswick.
[Traduction]
La sénatrice Callbeck : Catherine Callbeck, de l'Île-du-Prince-Édouard.
[Français]
La sénatrice Tardif : Bonjour; Claudette Tardif, de l'Alberta.
[Traduction]
Le sénateur Plett : Mon nom est Don Plett, et je suis du Manitoba.
La sénatrice Buth : Je suis JoAnne Buth, du Manitoba.
La sénatrice Eaton : Bienvenue. Je suis Nicole Eaton, de l'Ontario.
[Français]
Le sénateur Maltais : Bonjour; Ghislain Maltais, Québec.
Le sénateur Rivard : Michel Rivard, Les Laurentides, Québec.
[Traduction]
Le président : Le comité poursuit son étude sur les efforts de recherche et d'innovation dans le secteur agricole. Nous recevons aujourd'hui Marion Law, chef de l'homologation et directrice générale, Agence de réglementation de la lutte antiparasitaire, à Santé Canada.
Madame Law, je vous remercie beaucoup d'avoir accepté notre invitation à venir nous faire profiter de votre expertise et de votre vision du secteur de l'agroalimentaire au Canada. Si le comité souhaite de l'information supplémentaire par la suite, notre greffier communiquera avec vous pour l'obtenir. Quand vous aurez fini de présenter votre exposé, les sénateurs vous poseront des questions. La parole est à vous.
Marion Law, chef de l'homologation et directrice générale, Agence de réglementation de la lutte antiparasitaire, Santé Canada : Bonjour, monsieur le président, mesdames et messieurs les sénateurs. Je m'appelle Marion Law et j'occupe le poste de chef de l'homologation à l'Agence de réglementation de la lutte antiparasitaire — l'ARLA — de Santé Canada. Je tiens à vous remercier de m'avoir invitée à témoigner devant le comité aujourd'hui. Je me réjouis d'avoir la possibilité de discuter du mandat et des responsabilités de l'ARLA, et de souligner son apport à l'innovation dans le secteur de l'agriculture.
[Français]
L'Agence de réglementation de la lutte antiparasitaire et la direction générale de Santé Canada, sont chargées de la réglementation des pesticides. Notre mandat aux termes de la Loi sur les produits antiparasitaires est de protéger la santé humaine et l'environnement contre tout risque inacceptable posé par l'utilisation de produits antiparasitaires et aussi de garantir qu'ils ont une valeur. Ces produits comprennent les produits chimiques agricoles classiques, les biopesticides, les produits chimiques destinés à un usage industriel et à un usage personnel. Seuls les pesticides homologués par L'ARLA peuvent être importés, vendus ou utilisés au pays.
[Traduction]
Au Canada, dans le cadre de la demande d'homologation relative à un produit antiparasitaire, l'ARLA mène une évaluation scientifique détaillée afin de garantir que les risques pour la santé et l'environnement sont acceptables.
[Français]
L'ARLA est très bien renseignée sur l'importance du rôle des produits destinés à la protection des cultures dans des contextes de concurrence et de production agricole. Aujourd'hui, j'aimerais vous faire part de certaines démarches innovatrices que L'ARLA explore dans le cadre de la réglementation des pesticides.
[Traduction]
Depuis les années 1990, l'ARLA collabore avec ses partenaires internationaux en matière de réglementation, à commencer par sa participation avec les États-Unis et le Mexique au sein du Groupe de travail technique de l'ALENA et, sur une base plus large, au sein du Groupe de travail de l'OCDE, où elle travaille en étroite collaboration avec de nombreux pays du monde. Nous avons pris avantage de ces deux forums pour établir les bases de démarches scientifiques harmonisées, notamment l'établissement de politiques scientifiques et d'exigences en matière de données, ainsi que l'élaboration de documents d'orientation et d'outils. Le succès de ces démarches est attribuable à la mise sur pied d'un programme d'examens scientifiques conjoints et de partage des tâches. Je suis heureuse de souligner que, l'année dernière, environ 75 p. 100 des nouveaux produits chimiques homologués au Canada pour un usage agricole l'ont été au terme d'un examen conjoint mené avec les États-Unis ou d'autres pays membres de l'OCDE.
[Français]
Cette démarche d'examen scientifique conjoint s'applique tant aux nouveaux produits chimiques agricoles classiques qu'aux nouvelles technologies comme les biopesticides.
[Traduction]
Les bienfaits de ce programme profitent à tous les intervenants, que ce soit nos partenaires internationaux en matière de réglementation, les producteurs canadiens ou l'industrie. La démarche retenue facilite les décisions d'homologation rendues simultanément à l'échelle internationale, ce qui peut donner l'occasion aux producteurs d'ici d'avoir accès aux nouvelles technologies en même temps que ceux d'autres pays. Il s'agit là d'un avantage extrêmement important dans un contexte concurrentiel. De plus, le fait de pouvoir présenter une seule demande renfermant le même dossier scientifique à tous les pays participants dans le cadre d'un examen conjoint donne lieu à des gains en efficacité, tant pour l'industrie, qui met sur pied le dossier scientifique, que pour les organismes de réglementation, qui l'examinent et produisent l'évaluation des risques en fonction de ces données. L'accès à l'information scientifique à l'échelle internationale s'en trouve également accru, ce qui mène à la prise de meilleures décisions.
[Français]
Ce mode de collaboration a bénéficié d'un appui solide de la part des intervenants. Nous continuons de renforcer la collaboration avec nos partenaires internationaux dans le cadre de nos travaux avec le conseil de coopération en matière de réglementation.
[Traduction]
Depuis janvier 2011, les représentants de l'ARLA et leurs homologues de la United States Environmental Protection Agency se sont engagés, dans le cadre de leurs travaux au sein du Conseil de coopération en matière de réglementation, à trouver des moyens novateurs susceptibles d'encourager les fabricants à présenter des demandes d'homologation de nouvelles technologies aux deux pays en même temps. Ces travaux contribueront également à offrir un nombre accru de produits destinés à la culture sur surfaces réduites et à l'horticulture, ainsi qu'à réduire le nombre d'obstacles potentiels au commerce, comme l'établissement d'une norme pour les résidus de pesticides sur les aliments.
Nous savons que l'établissement d'une norme utilisée par plusieurs pays concernant les résidus sur les denrées alimentaires peut se traduire par des obstacles au commerce, et même aller jusqu'à avoir un effet sur la nature des produits de protection des cultures que les producteurs canadiens peuvent utiliser. C'est pourquoi à l'ARLA, nous tentons de trouver des moyens d'atténuer les répercussions de ce problème en collaborant avec nos homologues des autres pays dans le cadre de nos travaux au sein de l'OCDE et de la Commission du Codex Alimentarius.
[Français]
Pour conclure, nous croyons que les avancées réalisées grâce à la collaboration sur la scène internationale se sont avérées utiles pour le secteur canadien de l'agriculture et profiteront à l'ensemble de la population du pays.
L'ARLA entend poursuivre son travail avec les intervenants à l'égard des démarches et pratiques réglementaires qui favorisent l'innovation dans le domaine de l'agriculture, tout en maintenant ses normes élevées en matière de protection de la santé humaine et de l'environnement.
Je vous remercie de m'avoir donné l'occasion de m'adresser au comité. Je suis maintenant prête à répondre à vos questions.
[Traduction]
Le président : Merci, madame Law.
Le sénateur Plett : Bienvenue au comité. Vous avez déjà brièvement répondu à ma première question. J'aimerais que vous nous en disiez davantage sur les moyens novateurs susceptibles d'encourager les fabricants à présenter des demandes d'homologation de nouvelles technologies aux deux pays en même temps. Selon une des critiques formulées, nous sommes parfois derrière les États-Unis quand il s'agit d'obtenir des approbations, ce qui nous fait perdre un peu de notre avantage concurrentiel. Pourriez-vous nous parler de ce que nous faisons pour garder le rythme de nos homologues à l'étranger?
Mme Law : Je suis d'accord. Les parties prenantes nous parlent depuis des années des inconvénients que les cultivateurs canadiens subissent parce qu'ils n'ont pas accès aux mêmes technologies, aux nouveaux pesticides et, même, aux produits qui existent depuis un certain temps. À l'ARLA, nous nous attaquons à ce problème sur deux fronts. Dans le cadre de notre programme d'examen conjoint international, nous travaillons activement en première ligne avec les autres organismes de réglementation et l'industrie pour nous assurer que le Canada acceptera en même temps le dossier relatif à toute demande d'homologation d'un pesticide qui est soumise à l'examen de chaque organisme de réglementation. Cela signifie que, dans le cadre de l'examen conjoint, nous travaillons en même temps à l'évaluation scientifique. Les décisions seront plus vraisemblablement harmonisées, compte tenu, bien sûr, de nos propres lois. Surtout, quand il est question d'offrir les produits aux producteurs canadiens, nous en arriverons à une décision en même temps étant donné que l'évaluation fait l'objet d'un plan de projet comportant un échéancier que chaque pays doit respecter pour réaliser le même plan.
Nous estimons que ce programme, qui a beaucoup de succès, permet efficacement d'empêcher que se creuse encore plus le fossé technologique. Les produits arrivent au Canada en même temps qu'aux États-Unis, par exemple. C'est en place, et cela empêchera le fossé technologique de se creuser davantage.
Pour ce qui est des produits qui existent depuis un certain temps et qui sont — nous le savons — très utiles aux producteurs et agriculteurs canadiens, nous avons un autre programme. Il comporte des critères que nous suivons si un produit a été homologué et qu'on lui attribue une valeur, et si l'évaluation des risques a été réalisée dans un pays dont le système de réglementation est digne de confiance et qui exige les mêmes données. Pour de tels produits, nous réalisons un examen accéléré et pouvons le rendre accessible plus rapidement aux producteurs canadiens. Ce qui encourage les détenteurs à soumettre l'information à l'Agence de réglementation de la lutte parasitaire pour que le produit puisse être mis en marché, c'est que l'évaluation prend nettement moins de temps parce que les données requises sont moins considérables, étant donné que le produit est déjà utilisé dans d'autres pays. Cela contribuera à combler le fossé technologique relatif à certains des produits qui existent depuis un certain temps et qui sont très utiles aux yeux des parties prenantes.
Le sénateur Plett : Vous avez parlé du temps nécessaire. Pourriez-vous nous parler de l'homologation conditionnelle des pesticides? Selon l'information que nous possédons, l'homologation conditionnelle ne doit prendre qu'environ trois ans, mais dans certains cas, elle exige de 10 à 20 ans. Pourquoi? Selon le commissaire à l'environnement et au développement durable, certains pesticides font l'objet d'une homologation temporaire depuis 10 à 20 ans, ce qui dépasse nettement la période requise de trois ans.
Mme Law : Nous savons que nous avons un certain nombre d'homologations conditionnelles pour lesquelles nous attendons toujours des données de confirmation. Il a fallu un peu plus de temps pour que cela soit soumis à l'examen de l'Agence de réglementation de la lutte parasitaire. Je vais vous expliquer cela.
L'homologation conditionnelle d'un pesticide est une homologation qui fait suite à une évaluation complète des risques. Nous avons l'assurance que les risques pour la santé humaine et l'environnement sont acceptables. L'homologation est conditionnelle parce que nous souhaitons ajouter des données de confirmation à notre base de données. Il peut s'agir de données sur l'efficacité du produit, ou sur l'entreposage du produit chimique. Le produit est offert aux producteurs, mais nous attendons des données de confirmation qui n'auront aucune incidence sur l'évaluation des risques du produit. Souvent, les détenteurs de l'homologation ont de la difficulté à produire les données rapidement. Nous savons que nous pourrions faire mieux en ce qui concerne la durée des homologations conditionnelles, et nous déployons des efforts pour veiller à obtenir les données requises dès le début.
J'aimerais ajouter que c'est l'un des avantages de l'examen conjoint international. Nous recevons un dossier très standard, et un ensemble de données très complet dès le début. Nous espérons réduire les données de confirmation à obtenir.
Le sénateur Plett : Merci. Je comprends. Je dirais que, si la période requise est de trois ans, 10 à 20 ans, ce n'est pas qu'un peu plus long, mais bien plus long.
Merci. Je pense que vous avez répondu à la question.
La sénatrice Callbeck : Merci beaucoup de votre présence. J'aimerais poursuivre sur la question de l'homologation conditionnelle. Combien de pesticides sont homologués au Canada, et combien font l'objet d'une homologation conditionnelle?
Mme Law : Je n'ai pas les chiffres précis. En général, nous avons en ce moment quelque 6 000 pesticides homologués au Canada, dont environ 60 p. 100 servent au secteur agricole. Je n'ai pas les chiffres, et je vais très certainement transmettre au comité le nombre de pesticides faisant l'objet d'une homologation conditionnelle, mais c'est un très faible pourcentage. L'homologation conditionnelle n'est pas très fréquente. Je m'excuse de ne pas avoir les chiffres. C'est une chose que nous évitons. Je le répète, il est question de données de confirmation à l'appui des données scientifiques que nous avons déjà.
La sénatrice Callbeck : Cela n'arrive pas souvent. Vous dites que 60 p. 100 des pesticides servent à l'agriculture. Vous occupez-vous seulement des pesticides qui servent à l'agriculture, ou de tous les pesticides?
Mme Law : Tous les produits pesticides qui servent à l'industrie et à des usages personnels.
La sénatrice Callbeck : Le pesticide qui a été mentionné en particulier devait être retiré graduellement en 2003. Il a par la suite fait l'objet d'une homologation conditionnelle en 2006, jusqu'en 2009. Vous avez dit qu'il y a une évaluation complète, alors cela se fait tous les trois ans?
Mme Law : Non, pas généralement. Selon le processus, une évaluation complète est menée au début, avant l'homologation du pesticide au Canada. Il y aura des évaluations subséquentes si le même produit chimique doit servir à d'autres fins, par exemple pour une autre culture ou un autre parasite. En pareil cas, on réaliserait un examen pertinent des données scientifiques à l'appui. Dans tous les cas, quand il est temps de réévaluer un produit chimique — la loi exige que tout produit chimique fasse l'objet d'une réévaluation tous les 15 ans —, nous lançons le processus de réévaluation. Il est possible qu'on étende l'utilisation d'un produit chimique existant au moment où il fait l'objet d'une évaluation, et nous devons en tenir compte dans notre évaluation des risques. Nous devons voir si l'information qui découle du processus de réévaluation peut nous amener à infirmer la décision initiale d'homologuer le produit.
La sénatrice Callbeck : En ce qui concerne le pesticide en question et l'homologation conditionnelle qui dure depuis des années — et on dit ici, je pense, jusqu'en 2009 —, ont-ils obtenu une autre homologation conditionnelle, ou est-ce que le produit a été retiré du marché?
Mme Law : Je ne sais pas si je peux répondre à cette question, car je ne connais pas le cas actif dont nous parlons. Je pourrais vous transmettre l'information à ce sujet.
La sénatrice Callbeck : Je viens de l'Île-du-Prince-Édouard, où l'agriculture constitue la principale industrie, et j'entends beaucoup parler de pesticides. Dans quelle mesure travaillez-vous avec les provinces? Pourriez-vous donner des exemples précis de la façon dont vous travaillez avec ma province, par exemple?
Mme Law : Nous estimons entretenir des liens très forts avec les provinces. Nous travaillons de très près avec les provinces — et, en réalité, c'est nécessaire —, parce qu'elles assument une part des responsabilités législatives en matière d'utilisation des pesticides au Canada. Certaines des responsabilités sont fédérales et d'autres, provinciales. Nous travaillons ensemble par l'intermédiaire de notre comité FPT. Pour ce qui est de tous nos autres programmes, nous entretenons des liens avec les provinces pour connaître leurs points de vue et répondre à leurs besoins.
Nous sommes très au fait des besoins particuliers de l'Île-du-Prince-Édouard. L'exemple qui me vient à l'esprit est celui de la façon dont nous travaillons avec la province concernant l'atténuation des risques liés au ruissellement des pesticides. Nous avons travaillé en très étroite collaboration avec nos collègues provinciaux pour veiller à ce que les étiquettes des pesticides donnent les directives pertinentes concernant les mesures d'atténuation. Nous travaillons aussi avec certains comités provinciaux à établir des pratiques exemplaires qui contribuent, encore une fois, à prévenir le ruissellement et qui travaillent à concevoir des barrières végétales convenant aux caractéristiques particulières du terrain à l'Île-du-Prince-Édouard, lesquelles peuvent être favorables au ruissellement des pesticides et faire mourir des organismes non visés. C'est un exemple qui me vient à l'esprit.
La sénatrice Buth : Merci beaucoup d'être venus ce matin. J'ai participé au tout premier examen conjoint avec l'ARLA il y a quelque temps déjà, et je suis donc très impressionnée de constater les 75 p. 100. L'industrie avait clairement indiqué que ce serait l'occasion de s'assurer de la salubrité des produits homologués.
J'aimerais vous poser quelques questions afin de mieux comprendre où nous en sommes dans le cadre des examens conjoints. Quelle est la différence entre le Canada et les États-Unis pour ce qui est des examens scientifiques? Existe-t-il des différences entre les procédures scientifiques utilisées par le Canada et les États-Unis dans le cadre de ces examens?
Mme Law : Au fil des ans, nous nous sommes rapprochés pour ce qui est des examens scientifiques. Ce rapprochement a été facilité par la recherche scientifique chapeautée par l'ALENA et l'OCDE, qui nous donne l'occasion de nous réunir et de discuter des approches qui seront utilisées pour examiner les résultats scientifiques. Par exemple, nous décidons d'une seule méthodologie pour calculer les statistiques de l'examen scientifique, c'est-à-dire les teneurs maximales en résidus. Nous procédons donc de la même façon. Tous ces efforts aident nos scientifiques à collaborer et à utiliser les mêmes méthodes.
En ce qui concerne la façon dont nous examinons les résultats scientifiques, puisque nous recevons les mêmes données dans le même format selon un modèle standard, nos scientifiques peuvent avancer ensemble et collaborer de très près en vue de mettre en commun leurs avis scientifiques.
À mon avis, il existe encore certains écarts entre les pays au niveau de la politique scientifique, ce qui est normalement attribuable aux différences entre les diverses lois. Nous constatons cependant que ce problème se présente de moins en moins. Grâce à notre cadre législatif moderne et souple, nous sommes en mesure de travailler ensemble de très près en vue d'harmoniser nos approches scientifiques et d'examiner certaines politiques.
Au Canada, cependant, il existe une différence et je crois que l'industrie vous en a déjà parlé. L'ARLA est mandatée par la loi d'exiger des renseignements sur la valeur des produits afin de déterminer si le produit représente une certaine valeur aux yeux de l'agriculteur canadien. Ce sont des renseignements que ne recueillent pas les États-Unis, ce qui ne nous empêche pas de collaborer pour autant. En fait, lorsqu'un produit chimique est soumis à une réévaluation au Canada et aux États-Unis, bien souvent les États-Unis cherchent à obtenir nos données sur la valeur et l'efficacité, afin de s'en servir. Bref, nous nous rapprochons de plus en plus en ce qui concerne les méthodes utilisées dans le cadre des examens scientifiques.
La sénatrice Buth : Je me trompe peut-être sur le chiffre, mais je me souviens que le Canada tenait compte d'un facteur sanitaire supplémentaire en ce qui concerne l'un des risques posés aux humains. Est-ce toujours le cas?
Mme Law : Cette décision est prise au cas par cas. Cela relève certainement des différences en matière de politique scientifique au chapitre des facteurs sanitaires. Les États-Unis ont également leurs propres politiques en la matière.
Permettez-moi de revenir sur le processus d'examen conjoint. Lorsque les deux pays travaillent parallèlement sur une évaluation scientifique et une évaluation des risques, il arrive bien souvent, en nous fondant sur les données dont nous disposons, que nous soyons en mesure de surmonter ces écarts de politique scientifique et de prendre une décision harmonisée. Ceci dit, cependant, nous respectons les normes canadiennes visant à protéger la santé des humains et l'environnement, et nous appliquons les critères sanitaires qui s'imposent.
La sénatrice Buth : Les agriculteurs disent souvent que l'assiette d'un consommateur canadien ressemble énormément à celle d'un consommateur américain. L'incidence sur les passants de l'application d'un pesticide serait essentiellement la même. Pourquoi ne pouvons-nous pas tout simplement accepter les produits qui sont homologués aux États-Unis?
Mme Law : Votre question est très intéressante, et on la pose souvent à l'ARLA, notamment par l'entremise du Conseil de coopération en matière de réglementation. Notre travail est assujetti aux lois canadiennes. Nous comprenons qu'il existe très peu de différences entre populations américaines et canadiennes. La grande similitude entre nos approches en matière d'évaluation des produits pour ce qui est des énoncés sur les étiquettes et de la distribution fait que nos décisions sont fortement harmonisées.
La sénatrice Buth : Je vais vous poser une question que j'aurais dû poser au tout début. Bon nombre de gens qui ne travaillent pas avec les pesticides, et peut-être les citadins, ne se rendent pas compte du travail nécessaire à l'évaluation des produits. Pouvez-vous nous décrire rapidement les facteurs dont vous tenez compte avant qu'un produit ne soit homologué au Canada?
Mme Law : Encore une fois, j'aimerais vous dire que je vous fournirai avec plaisir tout autre renseignement. Tout d'abord, nous cherchons à déterminer si le produit a une valeur aux yeux des agriculteurs canadiens, dans le cas d'un produit destiné au secteur agricole.
Nous effectuons ensuite une étude approfondie des propriétés chimiques des substances actives contenues dans le pesticide ainsi que du processus de fabrication. Nous cherchons notamment les impuretés que le processus de fabrication révélera ou non.
Nous étudions ensuite la toxicologie associée à ce produit, à la fois la toxicologie aiguë, c'est-à-dire les problèmes qui pourraient être causés immédiatement par le pesticide, mais également les problèmes chroniques et à long terme qui seraient engendrés par l'utilisation du produit.
Nous examinons également les risques alimentaires, car les cultures seront consommées et contiendront des résidus de pesticide. Nous devons nous assurer que ces résidus sont présents à un niveau acceptable, afin d'en assurer la salubrité pour la consommation humaine. Nous fixons ainsi les teneurs maximales en résidus.
Nous étudions aussi l'incidence sur la santé des passants. Ce facteur est particulièrement important dans un contexte urbain. Si un pesticide était appliqué, quelle en serait l'incidence pour les passants qui y seraient exposés? Nous examinerons également les données toxicologiques liées à l'application du produit pour ceux qui l'effectuent. À ce chapitre, nous travaillons de près avec les provinces qui ont également la compétence réglementaire en la matière.
Nous effectuons ensuite une évaluation environnementale. Nous examinons l'incidence des pesticides, c'est-à-dire l'infiltration, les endroits contaminés, la persistance dans le sol, ainsi que l'écotoxicologie de l'évaluation environnementale, notamment en ce qui concerne les effets du pesticide sur ce que nous appelons les organismes non ciblés. Il pourrait s'agir des poissons tués, par exemple.
La loi prévoit l'étiquetage, qui fournit des informations clés permettant l'utilisation correcte du produit. Nous passons donc beaucoup de temps avec les scientifiques et les fabricants afin de nous assurer que l'étiquette fournit les directives correctes en matière d'utilisation et d'atténuation des risques.
La sénatrice Buth : Diriez-vous que les produits homologués de nos jours présentent de meilleures caractéristiques en matière de salubrité et de respect de l'environnement? Si c'est bien le cas, pouvez-vous nous donner un exemple d'un produit qui serait considéré moins nocif que les produits homologués il y a 40 ans?
Mme Law : C'est une question qu'on nous pose souvent. Dans l'ensemble, je dirais que les nouveaux produits qui sont mis au point et soumis aux organismes de réglementation pour approbation présentent moins de risques aujourd'hui. On le remarque dans le taux d'application, qui est plus bas, dans le mode d'action et dans les produits chimiques qui sont utilisés. Les nouveaux produits semblent conçus pour s'attaquer à un animal ou à une plante nuisible en particulier, alors que les anciens produits avaient un rayon d'action très large et provoquaient souvent, de ce fait, plus de problèmes.
Dans l'ensemble, je dirais que les produits modernes comportent moins de risques. Les pesticides en général sont considérés comme étant moins dommageables pour l'environnement, et nous avons aussi, de plus, des produits non traditionnels. Le secteur des produits biologiques, par exemple, souhaite ardemment que ces produits soient homologués. Comme je le disais donc, ces produits comportent souvent moins de risques. Il faut toutefois examiner aussi le but recherché et son lieu d'utilisation.
Certains produits comporteront toujours des risques. Ils présentent des risques, bien sûr, et notre rôle consiste à nous assurer que ces risques demeurent acceptables lorsque le produit est utilisé selon ce qui est indiqué sur l'étiquette et en respectant les facteurs d'atténuation des risques que nous avons prévus pour l'environnement, comme les zones tampons, l'espace entre les zones où il est permis de l'utiliser et où il est interdit de le faire, ainsi que les types de sol où il peut être utilisé. Nous mettons en place des facteurs d'atténuation pour réduire le plus possible les risques pour l'environnement.
Le sénateur Mercer : Madame Law, je vous remercie de vous être déplacée. Comme je suis le plus ancien membre du comité, votre présence me comble de joie. Je suis l'un de ceux qui se plaignent depuis longtemps au comité de l'absence de coordination dans l'approbation des produits utilisés dans le secteur agricole. Je ne sais pas si c'est ce que la sénatrice Buth voulait dire, mais personnellement, je suis heureux de voir que le Canada procède à ses propres vérifications avant l'approbation d'un produit, et que nous ne nous contentons pas de la parole des autres.
Pourriez-vous me parler de la rapidité du processus d'approbation à l'heure actuelle? La durée a toujours été un problème. Nous avons des associations agricoles et industrielles qui nous disent lorsqu'elles viennent témoigner que le processus est beaucoup trop long. Quel est le temps nécessaire en moyenne pour faire approuver un produit?
Mme Law : Il y a différentes catégories de pesticides et ils sont soumis à des examens détaillés. Habituellement, pour une nouvelle composition chimique, le délai entre le moment où l'Agence de réglementation de la lutte antiparasitaire reçoit une demande et celui où elle rend sa décision est d'environ deux ans. Le point le plus important que j'aimerais faire valoir ici est que ce délai est comparable à celui des autres pays dans le monde, y compris les États-Unis. Nous avons fait de grands progrès de ce côté.
Encore une fois, si nous travaillons en partenariat avec d'autres pays, le temps d'approbation est moindre. Il peut être d'environ 18 mois. Six mois, cela peut sembler court, mais comme vous le savez, pour les agriculteurs, c'est la nouvelle saison qui compte et non pas le temps que cela prend. Il leur faut le produit pour la nouvelle saison. Lorsque nous collaborons avec d'autres pays, dans ce cas, nous avons réduit notre temps d'approbation à 18 mois.
Je suis donc très heureuse de vous dire que l'ARLA n'a pas d'arriérés et que son délai d'approbation se compare à celui des autres pays de l'OCDE, notamment les États-Unis. Nous nous efforçons de faire en sorte que cela continue.
Le sénateur Mercer : Ce sont d'excellentes nouvelles; nous vous encourageons à poursuivre vos efforts.
À titre d'information pour nous et pour ceux qui nous regardent à la maison, pourriez-vous nous donner deux exemples de produits soumis à l'ARLA, et nous expliquer le processus, uniquement du point de vue canadien. Comment cela fonctionne-t-il? Vous nous avez dit que la durée du processus était d'environ deux ans. Donnez-nous l'exemple d'un produit qui vous est soumis en même temps qu'il est soumis à un pays partenaire de l'OCDE ou aux États-Unis. Expliquez-nous les grandes lignes du processus.
Mme Law : En fait, le processus d'évaluation des risques est le même. Il s'agit du même dossier, et nous évaluerons les mêmes signes et les mêmes calculs. Le processus est le même.
S'il s'agit d'un produit canadien seulement, et c'est la grande différence, le processus sera un peu plus long. Bien sûr, tous les renseignements nous sont maintenant acheminés par voie électronique, et nous n'avons plus de dossiers papier. Les renseignements sont acheminés à nos scientifiques, qui évaluent d'abord le danger, puis les risques. Nous allons nous pencher aussi sur l'étiquette, et nous allons prendre une décision. L'ARLA travaillera uniquement en collaboration avec les provinces. Il s'agira donc d'une homologation nationale, et d'un processus lui aussi national.
Par ailleurs, si nous travaillons avec nos partenaires internationaux à un examen conjoint — et c'est de plus en plus souvent le cas pour les nouvelles compositions chimiques —, les données scientifiques que nous examinons sont à peu près les mêmes, mais dans ce cas, nous entreprendrons ce que nous appelons les discussions sur la composition chimique environ deux ans avant que les titulaires présentent leur dossier scientifique aux organismes de réglementation. Nous avons des réunions de planification pour les titulaires et les autorités de réglementation. Les titulaires vont nous expliquer certaines données scientifiques en lien avec leur nouveau pesticide et, en particulier, l'objectif du produit. C'est un aspect du processus qui diffère et qui est très important, car j'ai alors l'occasion — en tant que représentante du Canada — de dire aux titulaires : « Il vous reste encore deux ans avant de présenter votre demande. Vous avez encore beaucoup de données à produire. Au Canada, nous avons des producteurs dans tel secteur qui nous disent avoir besoin d'un produit particulier — un insecticide, par exemple — pour telle utilisation. Aimeriez-vous produire des données à cette fin? Vous pourriez ainsi présenter une demande pour cette utilisation au Canada également. »
Nous trouvons cette idée très emballante, car nous collaborons alors étroitement avec les intervenants au pays. Nous sommes au fait de leurs besoins. Nous ne défendons pas leurs intérêts, mais nous sommes au fait des besoins des différents secteurs et nous pouvons donc communiquer ces besoins aux titulaires à un stade précoce du processus.
Ensuite, nous collaborons simplement avec les autres pays, et nous nous répartissons les tâches liées à l'examen scientifique en vue de l'examen par les pairs. Puis, chaque pays prend ses propres décisions en fonction de l'examen des risques que nous faisons à la toute fin. Nous communiquons l'information aux intéressés, et nous publions ensuite les résultats pour que les Canadiens puissent en prendre connaissance.
Le sénateur Mercer : C'est excellent. Combien d'employés travaillent à l'ARLA et combien d'entre eux sont des scientifiques?
Mme Law : Nous sommes actuellement un peu plus de 400 employés. Je n'ai pas le nombre exact, mais ce sont pour la plupart des scientifiques. Ces sont des spécialistes en toxicologie, en environnement ou en agriculture, ou encore des chimistes.
La sénatrice Eaton : Madame Law, comme vous le savez, nous négocions actuellement un traité de libre-échange avec l'UE et aussi probablement avec les pays du PTP. Avez-vous, ou devez-vous avoir, un représentant à la table des négociations? Des questions comme les résidus de pesticides sont-elles soulevées dans le cadre de ces négociations?
Mme Law : Je ne participe pas à ces négociations. Je sais, par contre, que la direction des politiques fournit actuellement de l'information. Je suis convaincue que nos vues sont prises en considération. Je ne suis pas en mesure de répondre à votre question, mais je peux très certainement vous faire parvenir la réponse.
La sénatrice Eaton : Pourriez-vous nous faire parvenir une liste des obstacles liés à l'utilisation des pesticides auxquels se heurtent les producteurs canadiens? Je sais par exemple que l'UE ne veut pas acheter de bœuf et de porc traités aux hormones. Il serait intéressant de savoir si l'utilisation de certains pesticides pose problème également.
Avez-vous des liens avec les chercheurs dans les universités canadiennes? Travaillez-vous avec les universités canadiennes?
Mme Law : La recherche ne fait pas partie du mandat de l'ARLA essentiellement.
La sénatrice Eaton : Vous servez-vous de leurs recherches dans vos données?
Mme Law : Les données que nous utilisons proviennent principalement des titulaires qui nous les soumettent dans le cadre de leur demande d'homologation pour un produit antiparasitaire. Toutefois, pour ce qui est des travaux scientifiques, le meilleur exemple que je puisse vous donner à cet égard, c'est le projet « Toxicologie du XXIe siècle », dans le cadre duquel nous tentons de remplacer les études toxicologiques effectuées sur des animaux par des études réalisées dans un environnement in vitro. Dans ce dossier, nous travaillons en étroite collaboration avec diverses universités pour nous aider dans ces recherches.
Nous établissons des liens selon nos besoins, et c'est ainsi que nous travaillons en collaboration habituellement.
La sénatrice Eaton : Ma question est sans aucun doute stupide, mais j'aimerais simplement que vous me confirmiez quelque chose. Vous vous occupez probablement seulement des titulaires, mais savez-vous s'il y a un lien entre les semences transgéniques et les pesticides?
Mme Law : Je vous remercie encore une fois de poser la question. C'est habituellement l'Agence canadienne d'inspection des aliments qui s'occupe de cela. Nous n'avons pas vraiment un rôle important à jouer dans les politiques et la recherche scientifique qui touchent ce secteur.
[Français]
La sénatrice Tardif : Bonjour, madame Law. Dans votre présentation, vous avez mentionné la démarche scientifique conjointe pour l'utilisation de nouvelles technologies telles que les biopesticides. Est-ce que l'industrie des biopesticides est très développée, et est-ce que l'ARLA encourage l'utilisation des biopesticides?
Mme Law : Merci, madame, pour la question. Je voudrais répondre en anglais, si possible.
[Traduction]
Oui, l'ARLA encourage beaucoup l'innovation et la mise au point de nouveaux produits. Encore une fois, notre examen conjoint de divers biopesticides avec l'Agence de protection de l'environnement aux États-Unis a été couronné de succès. Nous constatons que c'est un secteur en pleine croissance. Par le passé, nous avons mis en place des incitatifs pour encourager les fabricants de biopesticides à faire homologuer leurs produits au Canada. Un de ces incitatifs consistait, par exemple, à les soustraire à la récupération des coûts. Nous ne voulions pas ériger d'obstacle. Je crois que c'est un incitatif qui a bien fonctionné, car nous avons homologué un grand nombre de biopesticides. Nous constatons que c'est un secteur en croissance. Nous travaillons en étroite collaboration avec les titulaires, bien sûr, et ils informent l'ARLA des nouveaux produits qu'ils ont l'intention de vendre sur le marché canadien, ce qui nous permet de préparer un plan de travail. Nous constatons même que des entreprises qui fabriquent des produits traditionnels, comme Bayer, se lancent elles aussi dans la fabrication de biopesticides. Nous pouvons en déduire, je crois, que l'industrie connaîtra une croissance, et je crois que l'ARLA est bien placée pour répondre aux besoins dans ce secteur également.
[Français]
La sénatrice Tardif : Avez-vous une idée du pourcentage des producteurs au Canada qui utilisent les biopesticides?
[Traduction]
Mme Law : Je ne sais pas. Nous croyons qu'il nous faudrait plus de renseignements à cet égard, si je peux dire. Nous avons un règlement qui exige des titulaires qu'ils nous fournissent l'information sur leurs ventes. C'est l'indicateur que nous utilisons pour mesurer les efforts dans l'homologation des produits, pour savoir s'ils sont utilisés et vendus au Canada. Comme les données datent toujours un peu, deux ou trois ans peut-être, nous n'avons pas des données précises sur le nombre ou la quantité de biopesticides utilisés au Canada.
Nous continuons de recevoir beaucoup de demandes et de demandes d'information au sujet de ces produits. On peut donc présumer qu'il y a un besoin, autrement, les titulaires ne viendraient pas au Canada. Je peux m'informer auprès de mes collègues à l'ARLA et vous faire parvenir l'information.
La sénatrice Tardif : Je vous en saurais gré.
[Français]
Une dernière question : vous avez indiqué qu'il y avait beaucoup de potentiel dans le secteur des biopesticides, mais croyez-vous que ces produits présentent moins de risques pour la santé et l'environnement?
[Traduction]
Mme Law : Les biopesticides sont généralement reconnus pour présenter moins de risques pour l'environnement. Ils présentent assurément moins de risques pour la santé humaine. Je dirais que les biopesticides sont un autre outil dans la boîte à outils, comme nous aimons à le dire. Les producteurs peuvent parfois utiliser un biopesticide pour un problème particulier, mais ils doivent parfois aussi avoir recours à un pesticide traditionnel pour un autre type de problème.
Ce que l'on sait des biopesticides, c'est qu'ils peuvent être utilisés seuls, mais qu'ils sont souvent utilisés comme un outil parmi d'autres pour lutter contre les parasites, et que leur place est très importante.
[Français]
Le sénateur Robichaud : Ce qui m'intéresse, madame Law, c'est la question des résidus. Lorsque vous faites l'évaluation d'un nouveau produit, je suis certain que vous examinez sa composition chimique ou biologique, et aussi les méthodes d'application. Peut-être que les méthodes d'application ont un effet sur les résidus qui peuvent demeurer après la récolte.
Quelle est votre méthode? Il faut avoir des outils pour mesurer les résidus, et cela fait partie de l'évaluation, n'est-ce pas?
[Traduction]
Mme Law : Oui, dans le cadre du processus d'évaluation environnementale, on examine le mode d'application du produit, ainsi que ses effets résiduels sur l'environnement, soit sa persistance d'activité dans le sol ou, si le produit est vaporisé, dans l'air. Nos scientifiques indiquent sur l'étiquette les mesures d'atténuation des risques à prendre, que les producteurs doivent respecter, pour minimiser les répercussions que les résidus peuvent avoir.
Là où nous avons besoin de plus d'information, c'est au sujet du suivi postérieur à l'application d'un pesticide, un suivi qui pourrait s'étirer même sur quelques années après l'approbation du produit au Canada. Notre évaluation ne porte que sur l'application sur une culture donnée, à un moment donné. Il est important pour nous de continuer à travailler avec les provinces pour effectuer un suivi afin de savoir si un produit a des effets persistants dans le sol, s'il se retrouve dans les eaux souterraines, et ce qu'il lui arrive ensuite.
[Français]
Le sénateur Robichaud : Ce qui m'inquiète, madame, ce sont les résidus qui se rendent jusqu'au consommateur. Je comprends que vous examinez l'utilisation, ce qui reste dans le sol, les écoulements et tout le reste. Mais la santé du consommateur me préoccupe aussi beaucoup. On importe beaucoup, par exemple, de raisins de l'Amérique du Sud. Quelqu'un me disait à propos de ceux-ci : « le temps qu'on s'aperçoive qu'il y a quelque chose, il est déjà trop tard, tout a été vendu. »
Est-ce qu'il y a des méthodes de contrôle de ces produits pour savoir s'ils contiennent des résidus de pesticides? Car sinon, on se fie seulement à des protocoles d'application et à des gens qu'on ne connaît pas.
[Traduction]
Existe-t-il des façons de savoir s'il se trouve des quantités excessives de résidus dans les aliments que nous consommons?
Mme Law : Nous établissons la quantité maximale de résidus dans le cadre de l'évaluation alimentaire. Nous pensons qu'après chaque application, il restera des résidus sur ou dans les récoltes. Le niveau maximal de résidus fera partie de l'évaluation des risques. Au moment de leur évaluation, tous les pays établissent ce niveau de résidus, qui repose toujours sur les paramètres du risque acceptable pour la santé humaine. Il y a diverses méthodes. En fait, la méthode utilisée de nos jours est tellement précise, comme je l'ai entendu dire dernièrement, qu'on mesure les pesticides en parties par billion. Les analyses peuvent être aussi précises que cela. Nous examinons ces données lorsque nous établissons la quantité maximale de résidus dans les récoltes.
Le sénateur Robichaud : Je comprends cette partie. Je comprends que vous vous en remettez aux utilisateurs pour appliquer le produit en suivant les indications.
Mme Law : Oui.
Le sénateur Robichaud : Lorsque le produit est sur les tablettes et même avant qu'il y soit, avez-vous une façon de déterminer le niveau de résidus?
Mme Law : Si je peux me permettre de préciser votre question, vous voulez savoir quel est le niveau de résidus après que le produit est utilisé, et si l'ARLA a un programme en place pour prélever des échantillons de la récolte et déterminer le niveau de résidus qui s'y trouve.
Le sénateur Robichaud : Oui, pour s'assurer que les niveaux de résidus acceptables établis sont respectés.
Mme Law : L'ARLA n'a pas un tel programme. C'est l'Agence canadienne d'inspection des aliments qui s'occuperait dans ce cas de prélever des échantillons, sans doute à la frontière. Je devrai vérifier pour savoir si les responsables de l'agence se rendraient sur place pour prélever des échantillons ou s'ils le feraient en réponse à une plainte. L'ARLA n'a pas de programme de ce genre.
Le président : Nous sommes allés visiter des intervenants dans le secteur de la transformation des viandes au Canada, et ils nous ont assuré qu'ils vont de l'avant et qu'un outil sera mis à la disposition des détaillants pour que les consommateurs puissent avoir divers renseignements sur l'étiquette, notamment la date de fabrication, le mode d'alimentation, et cetera. Si vous pouviez donner suite à la question du sénateur Robichaud, nous vous en saurions gré assurément.
Mme Law : Certainement.
Le président : Comme nous le savons tous, les agriculteurs, partout au pays, veulent être au fait des pratiques exemplaires en matière de gestion. Des témoins nous ont dit que la recherche a évolué à un point tel qu'il est maintenant possible d'utiliser la nanotechnologie pour produire des fertilisants qui pourront être appliqués en fonction des besoins de la plante, et non plus dans le cadre d'un arrosage général. C'est toute une révolution. Des témoins nous ont dit également que la loi ne permet pas toujours que des produits issus des nouvelles technologies ou de la nanotechnologie soient approuvés ou utilisés.
Vous pouvez répondre aux deux prochaines questions tout de suite ou par écrit. Existe-t-il des pesticides qui sont produits à partir de la nanotechnologie, et si oui, quel pourcentage? Que fait-on pour favoriser les produits de la nanotechnologie qui permettent de cibler les besoins des plantes au lieu d'avoir recours à ce qu'on appelle une application ordinaire? Je vous laisse le choix, madame Law.
Mme Law : Comme il s'agit de la nouvelle technologie pour la fabrication des pesticides, j'aimerais vous acheminer la réponse plus tard pour fournir au comité une réponse complète.
Le président : Merci beaucoup.
La sénatrice Callbeck : Vous avez mentionné que l'agence emploie environ 400 personnes. Le nombre est-il demeuré relativement stable au cours des cinq dernières années?
Mme Law : Non, le nombre a diminué, en fait, au cours des dernières années.
La sénatrice Callbeck : De combien? Avez-vous des chiffres?
Mme Law : Je pense que c'était un peu avant mon arrivée, mais l'agence a déjà compté plus de 500 employés.
La sénatrice Callbeck : Pourriez-vous trouver l'information pour les cinq dernières années, disons, et acheminer le tout au comité?
Mme Law : Oui.
La sénatrice Callbeck : Pour ce qui est du délai, vous avez parlé de deux ans et vous avez dit que cela était comparable aux États-Unis. Est-on satisfait de ce délai de deux ans, ou tente-t-on de l'améliorer?
Mme Law : L'agence tente toujours d'améliorer le processus. Nous savons que nous pouvons faire beaucoup de choses pour offrir des services au secteur agricole. Nous sommes très heureux, manifestement, de notre rendement à l'heure actuelle. En plus de réduire le temps nécessaire pour approuver un produit, nous voulons aussi nous concentrer sur la prévisibilité, car nous savons très bien que les produits sont en lien avec les saisons. Nous voulons affiner nos façons de faire. À titre d'exemple, lorsque des produits sont requis pour le printemps, nous pourrions les passer en priorité et décaler un peu ceux qui ne sont pas requis tout de suite. Les intervenants nous disent qu'ils aimeraient que nous nous concentrions un peu plus sur la prévisibilité, et nous pensons pouvoir apporter des améliorations de ce côté.
La sénatrice Callbeck : Vous dites que les résultats d'évaluation sont accessibles au public.
Mme Law : Oui, c'est exact.
La sénatrice Callbeck : Est-ce le cas pour toutes les évaluations, sans exception, peu importe si les résultats sont négatifs ou positifs?
Mme Law : Nous présentons des rapports d'évaluation sur les nouveaux produits chimiques dans notre registre public, peu importe la décision qui a été prise. Il y a une période de consultation au cours de laquelle les Canadiens peuvent examiner l'évaluation, et leurs observations sont prises en considération comme celles d'autres intervenants.
Le sénateur Robichaud : Vous dites que les renseignements sont accessibles et que le public peut donner son avis. Est- ce que beaucoup de gens le font lorsque ces renseignements sont publiés?
Mme Law : En général, non. Je pense que c'est un autre aspect à améliorer. Nous voulons leur faciliter les choses. Les rapports d'évaluation sont préparés par nos scientifiques. Puisqu'ils sont détaillés et qu'ils concernent spécifiquement les données scientifiques que nous avons examinées, il est peut-être difficile pour le public de s'y intéresser. C'est l'un des aspects que nous pourrions améliorer, car nous aimerions beaucoup avoir le point de vue des Canadiens.
La sénatrice Buth : J'ai une question sur les pesticides à usage limité. C'est un programme très important pour les producteurs qui ont des cultures dont l'industrie des pesticides ne reconnaît pas la valeur dans le processus d'homologation parce que les cultures sont plutôt petites. De quelle façon appuyez-vous le programme des pesticides à usage limité? Est-il pertinent?
Mme Law : Bien entendu, nous sommes conscients de son importance pour le secteur agricole, surtout l'horticulture, et nous collaborons très étroitement avec Agriculture et Agroalimentaire Canada. L'ARLA apporte sa contribution, car nous examinons les données sur les résidus, ce qui permet l'ajout de la culture sur surfaces réduites. C'est un programme distinct dans lequel il y a un certain nombre de ressources ciblées pour faire en sorte que les délais sont compétitifs. Nous prenons cela très au sérieux.
Si vous me le permettez, je veux revenir sur le processus d'examen conjoint. Il est vraiment utile pour l'ensemble du milieu agricole et l'homologation des produits. Encore une fois, lorsque nous parlons à des demandeurs un certain nombre d'années avant qu'ils présentent un produit, c'est à ce moment-là que nous pouvons parler de l'usage limité et nous assurer que nous obtenons une homologation pour usage limité du produit dès le début plutôt qu'il soit employé à quelques reprises lorsque la nouvelle technologie arrive et qu'on accroît son utilisation plus tard. Nous sommes d'avis que cela contribue beaucoup à l'usage limité. Bien entendu, la priorité du Conseil de coopération en matière de réglementation en ce qui concerne les produits antiparasitaires, c'est de régler le plus grand nombre de dossiers d'usage limité possible en même temps, de fixer la LMR à l'importation en même temps. J'espère que les gens du milieu agricole sentent que nous y contribuons grandement. Nous les écoutons toujours pour obtenir d'autres idées et les intégrer dans nos processus.
Le président : Je vous remercie de nous avoir donné votre point de vue et celui de Santé Canada.
Honorables sénateurs, nous accueillons M. Anatole Papadopoulos, qui est directeur du Bureau des politiques aux affaires réglementaires et gouvernementales de la Direction des aliments à la Direction générale des produits de santé et des aliments de Santé Canada.
Monsieur Papadopoulos, je vous remercie d'avoir accepté de nous donner votre point de vue sur les produits de santé de la Direction générale des produits de santé et des aliments, conformément à notre ordre de renvoi. Je vous demande de faire votre exposé, et les sénateurs vous poseront des questions par la suite.
Anatole Papadopoulos, directeur, Bureau des politiques, Affaires réglementaires et gouvernementales, Direction des aliments, Direction générale des produits de santé et des aliments, Santé Canada : Merci, monsieur le président et membres distingués du comité. Je tiens à vous remercier de me donner l'occasion de vous entretenir aujourd'hui au sujet des travaux de Santé Canada visant à actualiser et à rationaliser le système de réglementation des aliments.
Le marché mondial est en pleine évolution. Les consommateurs sont à la recherche de nouveaux produits sûrs, innovants et se renseignent davantage pour mieux gérer leur santé et leur bien-être. Avant de décrire les récentes améliorations qui ont été apportées à notre réglementation pour faire face à cette réalité, je voudrais profiter de l'occasion pour fournir brièvement aux membres du comité un aperçu du rôle de Santé Canada au sein du système canadien de réglementation alimentaire de renommée mondiale.
La mission de Santé Canada consiste à aider la population canadienne à maintenir et à améliorer son état de santé. Santé Canada veille à l'établissement des politiques, des règlements, des normes et des lignes directrices en matière de salubrité et de qualité nutritionnelle de tous les aliments vendus au Canada. Comme vous le savez, la responsabilité de s'assurer de la conformité avec ceux-ci et de leur mise à exécution revient à l'Agence canadienne d'inspection des aliments.
La majorité des produits alimentaires vendus au Canada sont régis en vertu des règles et des exigences édictées par la Loi sur les aliments et drogues et le règlement connexe. Cela signifie que les fabricants peuvent commercialiser les produits alimentaires qui sont conformes à ceux-ci. Par exemple, le règlement détermine quels aliments doivent ou peuvent contenir des vitamines et des minéraux nutritifs ainsi qu'en quelle quantité; il précise certaines allégations santé et nutritionnelles acceptables et comporte des normes établissant des critères microbiologiques et chimiques de même que des exigences d'étiquetage visant des centaines d'aliments.
[Français]
En consultant le règlement, les fabricants d'aliments savent ce qu'ils sont autorisés ou non à ajouter à leurs produits tout comme ce à quoi ils peuvent ou non les soumettre avant de les vendre. Dans ce contexte, le rôle de surveillance du gouvernement s'exerce en grande partie une fois que ces produits sont offerts sur le marché.
Santé Canada effectue une surveillance continue de l'information dans le but de demeurer au fait de tout renseignement pertinent qui pourrait faire en sorte que des modifications à ces règles deviennent nécessaires.
Par contre, en ce qui a trait à un nombre plus restreint de produits alimentaires que des fabricants souhaiteraient vendre au Canada, des exigences préalables à la mise en marché sont imposées, et cela, en raison du degré de risque plus élevé qu'ils pourraient comporter. Plus précisément, avant leur commercialisation, l'innocuité des additifs alimentaires, des aliments nouveaux et des préparations pour nourrissons doit être évaluée au cas par cas par Santé Canada.
Les fabricants désireux de vendre ces produits doivent présenter des renseignements scientifiques et techniques particuliers qui permettent à Santé Canada de mener une évaluation de leur innocuité. En élaborant des lignes directrices, par exemple sur la façon de préparer leurs demandes, le ministère aide les entreprises et d'autres demandeurs à comprendre ce que l'on attend d'eux.
Une fois les demandes reçues, elles sont soumises à une évaluation préalable à la mise en marché approfondie, laquelle est axée sur l'innocuité, mais en tenant aussi compte d'autres facteurs comme la qualité, l'efficacité et la comparabilité sur le plan international.
Bien sûr, un tel examen dans la perspective de la santé et de l'innocuité est aussi mené avant d'intégrer une règle d'application générale au règlement ou d'en modifier une qui y figure déjà, par exemple, permettre un nouveau type d'enrichissement alimentaire ou la modification d'une teneur déterminée en un nutriment dont l'adjonction est permise déjà. Si l'examen par Santé Canada confirme l'innocuité du produit ou le caractère adéquat de la règle, deux possibilités sont prévues.
Dans le cas des aliments nouveaux et des préparations pour nourrissons, le demandeur reçoit une lettre de non- opposition indiquant que le produit ne suscite aucune préoccupation en matière d'innocuité. Pour permettre la vente de ces produits, aucune modification au règlement n'est nécessaire. Dans ce cadre, l'approbation est accordée à l'égard d'un produit ou d'un processus particulier, soit sans qu'elle s'étende aux produits qui font l'objet de demandes à un moment ultérieur. Il ne s'agit donc pas d'une règle d'application générale.
Dans d'autres cas, par exemple lorsqu'il s'agit d'autoriser le recours à un nouvel additif alimentaire ou à certaines allégations nutritionnelles au sujet d'un aliment, une modification réglementaire est requise avant que l'additif soit commercialisé ou que les allégations en question soient diffusées. Une telle autorisation vaut pour tous les fabricants.
Comme l'a souligné la vice-présidente de Produits alimentaires et de consommation du Canada lors de sa comparution devant le comité le 15 mars 2012, c'est à cette étape que la mise en œuvre définitive de ces décisions était traditionnellement retardée par un processus réglementaire exigeant tant en matière de ressources que de temps.
C'est avec plaisir que je vous informe aujourd'hui que nous avons réglé ce problème. Nous visons la mise sur pied d'un système de réglementation des aliments plus efficace, transparent, de même que plus apte à réagir aux avancées en technologie alimentaire et à l'innovation en matière de conception de produits, que ce soit au pays ou ailleurs dans le monde, ce qui cadre avec le projet gouvernemental de réforme de la réglementation.
[Traduction]
En 2012, le gouvernement a franchi une étape cruciale dans cette direction en modernisant le cadre réglementaire des aliments, soit en jetant les fondations de réformes importantes au moyen de l'application de modifications ciblées à la Loi sur les aliments et drogues, laquelle constituait un volet du projet de loi C-38, intitulé Loi sur l'emploi, la croissance et la prospérité durable. Ces modifications auront pour effet de simplifier l'accès aux Canadiens à des produits alimentaires sûrs.
La première modification a entraîné la création d'un nouveau règlement ministériel, l'autorisation de mise en marché (AM), qui permet à la ministre de la Santé d'accélérer l'application de décisions en matière d'innocuité au sujet de substances présentes dans ou sur les aliments, par exemple des additifs alimentaires, et des allégations santé. La seule vocation des autorisations de mise en marché consiste à exempter des interdictions édictées par la loi ou le règlement. On ne peut y recourir pour établir de nouvelles interdictions. Pour ce faire, un règlement pris par le gouverneur en conseil est toujours nécessaire. En bref, ce nouvel outil permettra de réduire le temps avant que certains produits alimentaires puissent être commercialisés et les allégations santé diffusées sur le marché canadien. Il n'altère aucunement la surveillance scientifique ni la période de consultation requise auprès des Canadiens.
La seconde modification confère à la ministre ou au gouverneur en conseil le pouvoir d'incorporer par renvoi dans la réglementation régissant les aliments tout document, notamment ceux qui sont produits et gérés par Santé Canada, d'autres ministères fédéraux ou des tiers de confiance. Cela comprend des documents auxquels des modifications successives peuvent être appliquées. Il est possible d'incorporer ces documents dans une autorisation de mise en marché ou dans le Règlement sur les aliments et drogues au moyen d'un règlement pris par le gouverneur en conseil. De tels documents ont dès lors force de loi et deviennent, par conséquent, exécutoires.
C'est avec plaisir que je vous informe aujourd'hui que Santé Canada a déjà exercé ces nouveaux pouvoirs, ce qui a donné lieu à un processus de réglementation des additifs alimentaires moderne et simplifié.
Comme je l'ai mentionné précédemment, auparavant, une fois que l'innocuité d'un additif avait été déterminée par les scientifiques de Santé Canada, plusieurs années pouvaient s'écouler avant que la décision prenne effet au moyen d'une modification du Règlement sur les aliments et drogues. Non seulement ces délais limitaient-ils l'accès à des produits alimentaires innovants et sûrs, mais ils restreignaient l'aptitude de Santé Canada à réagir aux nouveaux renseignements scientifiques ou relatifs à l'innocuité. À présent, alors que la « mise à niveau » du système régissant les additifs alimentaires a été menée à bien, une fois l'évaluation scientifique achevée, le temps requis pour permettre le recours à un nouvel additif alimentaire a été réduit à six mois au maximum. Toutefois, il est important de souligner que ce nouveau processus n'altère aucunement la nature ni la rigueur de l'évaluation scientifique. De fait, c'est plutôt l'élimination du besoin de modifications réglementaires prises par le gouverneur en conseil qui explique le temps gagné grâce au nouveau processus.
Une fois que l'innocuité d'un additif alimentaire est déterminée par Santé Canada, que la période de consultation requise est terminée et que les avis sont transmis, il suffit d'actualiser une liste incorporée, laquelle est publiée sur le site Web de Santé Canada et accessible à tous. Je vous rappelle que ces listes incorporées ont force de loi.
En résumé, grâce aux nouveaux outils, le processus est abrégé, les lourdeurs administratives sont réduites, et la ministre, tout comme Santé Canada, sont en mesure d'agir plus rapidement afin de protéger la santé et la sécurité, le tout, en préservant l'intégrité des décisions scientifiques qui sont prises. En se fondant sur la modernisation dont a fait l'objet le processus entourant les additifs, l'application élargie de ces nouveaux pouvoirs soutiendra le programme de réforme réglementaire gouvernemental et renforcera Santé Canada dans sa position à titre d'organisme de réglementation contemporain, durable, efficace et de renommée mondiale en mesure de réagir plus adéquatement aux percées scientifiques et à l'innovation dans le domaine alimentaire ainsi qu'aux travaux réglementaires réalisés en collaboration.
[Français]
Je vous remercie et c'est avec intérêt que je répondrai à vos questions.
Le président : Merci beaucoup, monsieur Papadopoulos. Le premier sénateur à poser des questions sera le sénateur Plett, qui sera suivi du sénateur Mercer.
[Traduction]
Le sénateur Plett : Je vous remercie de votre présence et de votre exposé. Bien entendu, nous rivalisons constamment avec nos voisins au sud de la frontière. Bon nombre de Canadiens sont préoccupés par les avantages qu'ils ont. Afin de garantir la salubrité des aliments destinés à la consommation humaine, l'ACIA prend des mesures pour réduire les risques d'ESB. Par conséquent, une liste de matières à risque spécifiées, ou MRS, retirées des carcasses de bovins âgés de 30 mois ou plus a été établie. Les abattoirs canadiens estiment que les exigences du Canada en matière de gestion des MRS sont différentes de celles des États-Unis, ce qui fait grimper leurs coûts. Qu'en pensez-vous et que pouvons-nous faire pour être sur un même pied d'égalité avec eux?
M. Papadopoulos : Comme je l'ai dit dans ma déclaration préliminaire, la comparabilité sur le plan international est très importante pour le travail que nous faisons en matière de normalisation à Santé Canada. Je ne connais pas très bien les exigences précises dont vous parlez concernant notre principal partenaire, l'Agence canadienne d'inspection des aliments, qui joue un rôle essentiel et avec qui nous collaborons sur les questions de salubrité des aliments au Canada. Toutefois, il est fondamental pour nous d'examiner les exigences d'autres pays, dont les États-Unis, lorsque nous établissons des normes. Dans le cadre de nos propres évaluations de la salubrité des aliments, nous examinons toujours les normes qui ont été établies aux États-Unis et dans d'autres États comparables, et elles peuvent jouer un rôle déterminant pour les décisions que nous prenons. Cela fait déjà partie de notre processus d'évaluation scientifique.
L'ACIA et nous travaillons beaucoup au dossier de la coopération en matière de réglementation, notamment avec les États-Unis dans le cadre du Conseil de coopération en matière de réglementation, afin d'harmoniser le plus possible nos exigences en matière de salubrité des aliments et nos systèmes d'assurance de la salubrité des aliments.
Le sénateur Plett : Je pense que c'est ma collègue, la sénatrice Buth, qui a demandé à notre autre témoin pourquoi nous ne pouvons pas établir les mêmes règlements. Nous ne voulons pas simplement faire la même chose que les États- Unis. Nous avons vraiment besoin de nos propres règlements et lignes directrices. Cependant, il y a de fortes ressemblances entre les habitudes alimentaires et sociales du Canada et des États-Unis, et le gros de ce que nous faisons est semblable. Pourquoi ne pourrions-nous pas avoir des règlements semblables aux leurs ou vice versa? Il me semble que nous avons les mêmes préoccupations et que nos enjeux sont à peu près les mêmes.
M. Papadopoulos : C'est une bonne question. Je ne crois pas que nous pouvons dire qu'il est impossible d'harmoniser nos exigences ou même, dans certains cas, d'avoir exactement les mêmes. Par exemple, j'ai dit que la quantité d'additifs alimentaires dans les aliments autorisés serait la même au Canada et aux États-Unis, et même dans d'autres pays, comme des pays européens, l'Australie et la Nouvelle-Zélande. Dans certains cas, il n'est pas impossible d'avoir des exigences réglementaires similaires ou identiques. En même temps, des raisons peuvent expliquer ces différences. Il peut s'agir de différences sociétales sur le plan de l'établissement d'un cadre réglementaire, et dans le cas du processus de prise de décision scientifique, il peut y avoir des différences sur le plan du régime alimentaire dont il est important de tenir compte.
Le sénateur Mercer : Monsieur Papadopoulos, je voudrais une précision concernant ce qu'a dit le sénateur Plett au sujet de l'Agence canadienne d'inspection des aliments. Y a-t-il un lien entre le travail de l'ACIA et ce que vous faites en tant que directeur du Bureau des politiques, aux affaires réglementaires et gouvernementales de la Direction des aliments à la Direction générale des produits de santé et des aliments de Santé Canada?
M. Papadopoulos : Nos liens avec l'ACIA sont étroits, tant pour ce qui est de mon bureau, de la direction et du ministère en général. Nous sommes des partenaires et sommes sur la même longueur d'onde à bien des égards.
Pour ce qui est de nos rôles respectifs, en général, comme je l'ai dit dans ma déclaration préliminaire, Santé Canada est le normalisateur et l'ACIA a la responsabilité de s'assurer de la conformité avec les normes et de leur mise à exécution. Bien sûr, il y a de nombreux détails relatifs à la division de certaines responsabilités, mais nous collaborons très étroitement avec l'ACIA, notamment sur la coopération en matière de réglementation avec les États-Unis grâce au Conseil de coopération en matière de réglementation.
Le sénateur Mercer : Je suis ravi de constater que votre organisme et l'Agence de réglementation de la lutte antiparasitaire de Santé Canada ont donné suite à des rapports précédents de notre comité en ce qui concerne les délais d'approbation et le fait qu'ils posent un réel problème pour le milieu agricole, non seulement pour les agriculteurs, mais également les fournisseurs.
À la page 10, vous dites qu'alors que la « mise à niveau » du système régissant les additifs alimentaires a été menée à bien, une fois l'évaluation scientifique achevée, le temps requis pour permettre le recours à un nouvel additif alimentaire a été réduit à six mois au maximum. C'est une bonne nouvelle, mais combien cela nous coûte-t-il sur le plan du personnel? Le gouvernement nous a dit qu'il faudra continuer d'augmenter le nombre d'employés dans le volet de la protection des aliments, et cetera, et cela fait partie du réseau. Combien d'autres personnes devrons-nous embaucher pour respecter le délai de six mois?
M. Papadopoulos : En fait, cela n'a rien changé au nombre d'employés. Pour l'essentiel, c'est un changement dans le processus d'approbation. Comme je l'ai dit, une fois qu'une évaluation scientifique est terminée, il s'agit simplement par la suite d'un changement dans le processus; la façon dont nous mettons en œuvre le changement. Auparavant, il fallait qu'une modification réglementaire soit prise par le gouverneur en conseil, et maintenant, on fait une mise à jour des listes des additifs alimentaires autorisés qui se trouve sur le site web de Santé Canada. Je ne ferais pas de lien entre cela et une augmentation du nombre d'employés.
Le sénateur Mercer : Nous avons éliminé ce qui, à notre avis, était des étapes inutiles dans le processus d'approbation, et les activités scientifiques se poursuivent.
M. Papadopoulos : C'est exact. Absolument rien n'a changé en ce qui concerne les activités scientifiques, ni sur leur rigueur, ni leur nature.
Le sénateur Mercer : Une fois que les travaux scientifiques sont terminés, nous n'avons pas à demander l'approbation de tout un chacun; nous avons réduit le nombre à quelques personnes. Qui donne l'approbation finale?
M. Papadopoulos : Pour les additifs, c'est maintenant la haute direction de la Direction générale des produits de santé et des aliments.
Le sénateur Mercer : Cette personne relève-t-elle de la sous-ministre?
M. Papadopoulos : Elle relève du sous-ministre adjoint.
Le sénateur Mercer : C'est maintenant à un niveau plus élevé, au poste qui précède celui de sous-ministre.
Je n'ai pas d'autres questions à poser, monsieur le président, et je veux dire que je suis vraiment ravi que nous allions dans cette voie.
[Français]
Le sénateur Rivard : J'ai deux sujets à traiter. Je commencerai par le premier. Vous êtes directeur du bureau des politiques, donc votre travail est de vous assurer que la réglementation est respectée. Il doit probablement vous arriver que vous ayez à conseiller le ministre pour des améliorations. Je suppose que c'est dans votre mandat. Si c'est le cas, je voudrais vous faire remarquer que la semaine dernière, nous avons reçu un chercheur émérite qui nous a fait part qu'il existait un vaccin pour la bactérie E. coli, et il nous a dit que, étant donné qu'il n'était pas obligatoire de l'utiliser, les producteurs, lors de l'abattage, n'utilisaient pas le vaccin. Je lui ai posé des questions sur le coût du vaccin, mais il n'avait pas une idée exacte du coût ni de son impact sur la vente.
Ce problème vous a-t-il été déjà soumis? Pensez-vous que nous pourrions réglementer en ce sens et obliger les producteurs, lors de l'abattage, que le vaccin anti E. coli soit administré?
M. Papadopoulos : Oui, j'ai entendu parler de ce produit. C'est une question qui s'adresse davantage à nos collègues de la direction des drogues vétérinaires qu'à nous. Je peux faire un suivi si c'est demandé par le comité. Ce n'est pas ma responsabilité de m'occuper de cela. Il y a ici une dimension de l'innocuité des aliments, mais les vaccins ne sont pas une responsabilité de notre direction.
Le sénateur Rivard : Si vous voulez assurer le suivi, ce serait apprécié.
M. Papadopoulos : Oui.
Le sénateur Rivard : Un autre point : lorsqu'un produit alimentaire ou un produit de nettoyage est décelé par vous ou par le consommateur comme étant un produit qui doit être retiré, — naturellement, je ne peux pas comparer avec le problème de la vache folle que nous avons eu il y a quelques années et le problème qu'à connu la compagnie XL Food en Alberta. Les médias se sont emparés de l'affaire et cela a été presque un état de guerre. Je parle de produits que je pourrais qualifier de produits qui peuvent avoir peu d'impact. Par exemple, il y avait un cas du rappel d'un savon à main moussant contaminé par des bactéries. Lorsqu'une telle situation se produit, je suppose qu'au ministère, vous vous empressez d'aviser le fournisseur et le marchand qui le vend pour qu'il le retire dans un premier temps. Puis vous faites des avis publics dans les médias.
Lorsque cette situation se produit, est-ce votre ministère qui décide de l'ampleur de l'avis? Est-ce à la page 58, deux lignes dans La Presse? Dans ce cas-ci, c'était à Montréal. Comment prenez-vous une décision pour juger de l'importance et du choix des médias? Est-ce que les coûts sont partagés avec celui qui a produit ou avec les magasins de distribution? Pouvez-vous m'éclairer un peu à ce sujet?
[Traduction]
M. Papadopoulos : Dans ce contexte, la décision de retirer des produits du marché revient à l'Agence canadienne d'inspection des aliments, en sa qualité d'organisme d'exécution. L'ACIA fait appel à Santé Canada pour l'évaluation des risques pour la santé et des conseils scientifiques concernant la nature, la portée et l'ampleur d'un danger pour la santé et la sécurité des Canadiens. L'ACIA s'appuie sur cette information pour déterminer l'approche à adopter à l'égard de la gestion des risques, à savoir s'il est nécessaire de rappeler les produits ou si d'autres mesures doivent être prises.
Dans certains cas, on peut décider de diffuser de l'information. Selon la nature des renseignements à transmettre, ce sera à Santé Canada, à l'Agence canadienne d'inspection des aliments ou à l'Agence de la santé publique du Canada de s'en charger. Il arrive que Santé Canada publie des avis, par exemple sur la manipulation sécuritaire de certains aliments. Les coûts varient selon la situation. De la même façon, l'information à diffuser et le moyen choisi pour le faire dépendent de l'ampleur du problème en question.
Un risque ayant une portée plus vaste, par exemple pour un produit distribué à grande échelle, ne nécessite pas la même approche qu'un risque contenu ou détecté avant la mise en marché du produit, qui est toujours en entrepôt. C'est ce qui déterminerait les mesures à prendre.
Il arrive que des avis soient diffusés comme mesure de suivi pour éviter que le problème se reproduise. Par exemple, des avis sur la manipulation sécuritaire de la viande peut s'avérer très importants pour informer les Canadiens à l'égard d'un produit en particulier ou d'un lot de produits retirés du marché, mais aussi pour les aider à protéger leur santé et leur sécurité à long terme.
[Français]
Le sénateur Rivard : Ma seule inquiétude concernait la qualité ou l'importance de l'avis dans les médias. Pour un savon à main, je ne pense pas qu'on puisse mourir si le savon à main n'est pas adéquat, mais il reste quand même que la population doit le savoir. On a porté à mon attention que l'avis n'avait pas l'importance qu'il devrait avoir et que votre organisme aurait été poursuivi à cause des gens qui ont eu une maladie à cause que l'avis n'était pas suffisant.
Bien sûr, les gens ne s'attendent pas que cela sorte sur la une du journal. Mais ce n'est peut-être pas suffisant pour le consommateur en général qu'il y ait deux ou trois lignes à la fin d'un cahier. Je comprends que des coûts sont associés à cela. Il y a aussi l'importance du problème. Dans le cas de XL Foods, tous les Canadiens étaient aptes à acheter ce produit tandis que dans le cas d'un savon à main à Montréal, il n'était pas disponible probablement à Vancouver. Je suppose que vous pesez tous ces facteurs.
M. Papadopoulos : Oui, ce sont tous des facteurs très importants dans ces décisions. Je dirais en fait que, pour nous et pour notre partenariat au fédéral, notre priorité est toujours la sécurité et la santé des Canadiens. Nous allons préparer une réponse proportionnelle aux risques scientifiques et nous agissons de cette manière, en plus de fournir l'information nécessaire pour protéger les Canadiens. Dans certains cas on travaille certainement avec les membres de l'industrie, par exemple, pour développer des réponses efficaces. Parfois, nous avons de l'information importante pour l'industrie, pour qu'elle puisse prendre les actions nécessaires dans leurs opérations pour améliorer la situation.
Le sénateur Rivard : Je terminerai avec une courte question. Dans l'avis que vous publiez, c'est toujours un vendeur ou un producteur qui est en défaut. Est-ce que vous lui imposez des frais pour l'avis public ou si c'est absorbé totalement par le ministère de la Santé ou encore par les différentes parties?
[Traduction]
M. Papadopoulos : Si des frais sont imposés pour les avis publics que nous émettons, je ne suis pas au courant.
[Français]
Le sénateur Robichaud : Monsieur Papadopoulos, je lis dans votre présentation qu'une fois que vous recevez des demandes, elles sont soumises à une évaluation préalable, à la mise en marché approfondie, laquelle est axée sur l'innocuité et on continue et on tient compte d'autres facteurs comme la qualité et l'efficacité.
Pouvez-vous expliquer ce que vous entendez par cela? Vous donnez un exemple, la margarine, on dit qu'il y a un supplément ou quelque chose qui fait qu'il y a de l'omega-3. Lorsque vous regardez ce produit, est-ce que vous regardez tout simplement l'innocuité ou si vous dites qu'il y a vraiment un effet positif sur la santé de la personne qui consomme le produit. Voyez-vous où je veux en venir?
M. Papadopoulos : Il y a des différences entre les types de produits et les allégations que nous devons approuver. Il y a des considérations parfois qui ne sont pas seulement l'innocuité. Pour donner des exemples, dans le cas d'un additif alimentaire, il faut que nous examinions l'efficacité de l'additif parce que les principes de l'approbation et de l'utilisation des additifs, c'est qu'ils ont une fonction technique dans le produit, ils doivent faire quelque chose comme ajouter une couleur. Nous allons évaluer pas seulement l'innocuité, mais que le produit va fournir un effet désiré à ce niveau et que c'est le niveau qui a été demandé pour approbation et qui est nécessaire pour atteindre cet objectif et cette fonction technique. C'est un exemple du côté de l'efficacité.
Si on considère, par contre, les allégations, il y a beaucoup d'allégations qui ne doivent pas être soumises à Santé Canada pour approbation, mais il y a certaines allégations qui sont associées à des conditions très sérieuses, la santé du cardiaque par exemple, qui doivent être approuvées avant d'être utilisés dans les produits alimentaires.
Dans ce cas, nous allons évaluer encore la validité dans les faits de l'allégation qu'un producteur, un fabricant, fait concernant son produit. Je ne sais pas si ça répond à la question.
Le sénateur Robichaud : Oui, mais je voudrais savoir, par exemple, si je prends le cas de certaines petites pilules dont on nous dit que, si vous en prenez deux ou quatre par jour, vous êtes beaucoup moins sujet à attraper un rhume ou une grippe; est-ce que vous vérifiez vraiment si ça a réellement cet effet-là?
[Traduction]
M. Papadopoulos : Non. Pour ce qui est des allégations relatives aux effets sur la santé, seules quelques-unes sont assujetties à un examen obligatoire avant la mise en marché. C'est le cas pour les allégations concernant l'apport nutritionnel des aliments, de même que les allégations de réduction du risque de maladies graves, en particulier celles associées aux maladies figurant à l'annexe A de la Loi sur les aliments et drogues. Ce serait, par exemple, les allégations concernant les maladies cardiovasculaires, mais pas celles sur un simple rhume.
Le sénateur Robichaud : Est-ce que les produits contenant des omégas-3 seraient examinés de cette façon?
M. Papadopoulos : Si on alléguait qu'ils permettent de réduire les risques d'une des maladies graves énoncées à l'annexe A, alors oui. Si on disait entre autres que les omégas-3 peuvent réduire les risques de maladies cardiovasculaires, alors on procéderait à un examen. Si par contre on alléguait qu'ils diminuent les risques de rhume, Santé Canada ne ferait pas d'examen obligatoire avant la mise en marché. La loi contient des dispositions portant sur ce genre d'allégations, qui doivent être véridiques et non trompeuses, et qui doivent donc être documentées, mais elles ne sont pas assujetties à un examen obligatoire préalable à la mise en marché.
La sénatrice Eaton : On a tous entendu parler du scandale de la viande chevaline en Europe. Est-ce que cela pourrait aussi arriver au Canada?
M. Papadopoulos : Le système de réglementation des aliments et le système d'assurance de la salubrité des aliments du Canada, de même que les mécanismes d'assurance de la conformité et d'application de la loi, sont des systèmes d'avant-garde. Il est difficile de prévoir les situations qui peuvent se produire et quels sont les risques que cela arrive ici, mais nous avons des systèmes très rigoureux de réglementation des aliments, et Santé Canada et l'Agence canadienne d'inspection des aliments appliquent tous deux des exigences strictes. Les normes prévues par le Règlement sur les aliments et drogues couvrent les questions de la fraude et des allégations trompeuses à l'égard des aliments et de ce qu'ils contiennent, et l'Agence canadienne d'inspection des aliments est responsable de mener les inspections requises et de prendre des mesures correctives en conséquence.
La sénatrice Eaton : Procède-t-on à des tests aléatoires dans l'industrie des aliments transformés? C'est devenu un très grand secteur manufacturier au Canada, et il continue à prendre de l'expansion.
M. Papadopoulos : Je ne suis pas au courant du régime de vérification appliqué pour les aliments transformés ni à quel moment l'agence effectue des tests aléatoires.
La sénatrice Eaton : Pensez-vous que ce qui fait notre force, par rapport à l'Union européenne, c'est que nous sommes davantage centralisés?
M. Papadopoulos : Le marché de l'Union européenne comporte de multiples facettes et regroupe plusieurs pays. Une partie de son système de réglementation est centralisée. Il est certain qu'avoir une seule autorité fédérale responsable de la conformité et de l'application de la loi permet une approche très uniforme à l'égard de ces activités.
J'ajouterais que dans l'ensemble de notre travail et de celui de l'Agence canadienne d'inspection des aliments, on déploie tous les efforts possibles pour affecter des ressources aux secteurs qui doivent être ciblés, de même que pour cerner les secteurs à risque élevé et leur accorder l'attention nécessaire. Une autre façon d'assurer l'innocuité des aliments est de tenter de cerner ces priorités.
La sénatrice Eaton : Si nous concluons cet accord commercial avec l'Union européenne, ce que nous ferons sous peu, j'espère, et que nous signons aussi l'accord du Partenariat transpacifique, comment allons-nous réglementer les aliments transformés qui seront exportés chez nous? Participez-vous d'une façon ou d'une autre aux négociations techniques ou commerciales?
M. Papadopoulos : Pas moi personnellement, mais Santé Canada et l'Agence canadienne d'inspection des aliments sont certainement mis à contribution pour les volets pertinents des discussions entourant l'accord commercial, notamment en ce qui a trait aux mesures sanitaires et phytosanitaires. Nous avons donc notre mot à dire à l'égard des chapitres qui portent sur l'innocuité alimentaire et les considérations sanitaires. Je souligne que les aliments importés au Canada sont assujettis aux règlements canadiens, et c'est essentiellement ce qui guide l'établissement des normes et la mise en application de la réglementation. Les aliments importés au Canada doivent être conformes aux normes canadiennes de salubrité alimentaire.
La sénatrice Eaton : Vous ne pouvez pas me dire s'il y a des tests effectués au hasard, n'est-ce pas?
M. Papadopoulos : Vous voulez savoir si les aliments importés sont inspectés? Je ne pourrais pas vous donner de détails sur ce régime. Je sais qu'il y a des vérifications, mais je ne connais pas ce régime d'inspection en détail. Cela ne fait pas partie de mon champ de spécialité.
La sénatrice Eaton : Est-ce que cela relève de votre ministère?
M. Papadopoulos : Non, cela revient à l'Agence canadienne d'inspection des aliments, et l'Agence canadienne des services frontaliers a bien sûr un rôle à jouer à cet égard également, en assurant le contrôle à la frontière des aliments importés au Canada.
La sénatrice Callbeck : Le sénateur Robichaud a abordé le sujet, mais je veux qu'on parle des produits vendus dans les magasins d'aliments naturels. J'aimerais savoir quelle est votre responsabilité pour ce qui est de l'étiquetage, du contenu, des ingrédients et des allégations accompagnant le produit. Vous avez parlé de la réduction des risques de maladies cardiovasculaires. Est-ce que vous vérifiez si le produit fait bien ce qui est promis sur l'étiquette? J'aimerais savoir quelle est votre responsabilité à ce sujet.
M. Papadopoulos : Je vais commencer par nos responsabilités générales, parce que vous avez parlé précisément des magasins d'aliments naturels. Nous sommes responsables des produits alimentaires, et une autre division de la Direction générale des produits de santé et des aliments de Santé Canada s'occupe des produits de santé naturels, donc d'une autre gamme de produits.
À un moment donné, certains produits se sont retrouvés en quelque sorte à l'intersection du cadre de réglementation des aliments et du cadre de réglementation des produits de santé naturels. La mise en marché de certains produits s'est faite conformément au cadre de réglementation des produits de santé naturels, mais on les connaît en tant que produits consommés et utilisés comme des aliments au Canada. On s'est efforcé récemment d'assujettir ces produits au cadre de réglementation des produits alimentaires — par exemple les boissons énergisantes contenant de la caféine —, de façon à ce qu'ils soient assujettis à toutes les règles, normes et lignes directrices du cadre de réglementation des aliments. Puisque les Canadiens les perçoivent comme des aliments et qu'ils les utilisent comme tels, il est très important qu'ils soient aussi réglementés comme des aliments, tant pour assurer la sécurité des Canadiens que pour les informer adéquatement. Cela signifie, par exemple, que leur étiquette doit indiquer l'information nutritionnelle standard et que les produits doivent être assujettis aux règlements sur les aliments en ce qui concerne les allégations liées aux effets sur la santé.
Pour répondre à votre question concernant les allégations, madame la sénatrice, je dirais que cela dépend de la nature des allégations. Les allégations concernant la valeur nutritive, comme celles indiquant la teneur en matière grasse ou en telle ou telle chose, sont régies par le Règlement sur les aliments et les drogues, comme c'est le cas pour tous les aliments. Comme je l'indiquais dans ma déclaration liminaire, tout changement doit passer par un amendement réglementaire.
Puis il y a les allégations santé, c'est-à-dire celles associées aux effets d'un produit sur la santé et le bien-être. Si on prétend qu'un produit réduit les risques d'une maladie grave énoncée à l'annexe A, il y aura un examen préalable à la mise en marché. Le fabricant ne peut pas apposer une telle indication sur un produit à moins que le produit n'ait été examiné par Santé Canada et qu'un amendement réglementaire n'ait été effectué en conséquence.
Les autres allégations doivent être véridiques et non trompeuses, et il faut qu'elles soient documentées; mais les fabricants n'ont pas à les soumettre à Santé Canada à des fins d'examen. C'est ainsi que fonctionne notre politique actuelle sur les allégations santé.
Le sénateur Robichaud : Vous avez parlé d'allégations associées à une maladie « grave »? Qu'est-ce qu'on considère une maladie grave?
M. Papadopoulos : L'annexe A énonce une liste précise de maladies, comme les maladies cardiovasculaires. Si on prétend qu'un produit réduit les risques d'une telle maladie, il y aura un examen préalable à la mise en marché. C'est une exigence obligatoire rattachée aux maladies prévues à l'annexe A.
La sénatrice Callbeck : Vous dites qu'une allégation doit être véridique et non trompeuse. L'étiquette d'un produit peut indiquer qu'il s'agit d'un produit énergisant, alors que ce n'est pas du tout le cas. Qui s'occupe de vérifier ces choses-là?
M. Papadopoulos : C'est l'Agence canadienne d'inspection des aliments qui s'occupe des règles entourant l'étiquetage et les allégations, de même que des autres règles en matière de salubrité alimentaire et de qualité nutritionnelle. Il est certain qu'elle peut faire appel aux conseils de Santé Canada dans certains cas, notamment en ce qui a trait aux allégations. Si un consommateur se rend compte qu'un produit ne remplit pas ses promesses, il signale la chose à l'Agence canadienne d'inspection des aliments, qui examinera les allégations faites à l'égard de ce produit.
La sénatrice Callbeck : Comment l'ACIA s'en aperçoit-elle? Est-ce qu'elle attend que quelqu'un dépose une plainte?
M. Papadopoulos : C'est un mélange des deux. Je suis mal placé pour vous parler des activités de l'Agence canadienne d'inspection des aliments. Toutefois, de façon générale, je peux vous dire qu'il y a deux façons de faire : repérer les problèmes de façon proactive, et répondre aux plaintes formulées. C'est généralement ainsi qu'on procède à l'ACIA et au gouvernement à l'égard de la salubrité alimentaire. Tout dépend de la situation. Il est évident que l'agence va faire enquête si elle reçoit une plainte.
La sénatrice Callbeck : Elle envoie des inspecteurs dans les magasins.
M. Papadopoulos : Je ne saurais vous dire exactement comment sont menées les activités d'application de la loi dans ces établissements. L'Agence canadienne d'inspection des aliments se concentre toutefois sur les produits alimentaires, et pas sur les produits de santé naturels. Les produits de santé naturels sont assujettis à un régime d'inspection différent, dirigé par Santé Canada.
La sénatrice Callbeck : À la page 8, vous dites que la première modification a entraîné la création d'un nouveau règlement sur l'autorisation de mise en marché, qui permet de réduire le temps d'attente à six mois maximum. En général, quel est le temps d'attente actuellement?
M. Papadopoulos : Avant l'entrée en vigueur du règlement sur les additifs alimentaires, il fallait attendre environ 18 mois, et parfois beaucoup plus longtemps. Pour certains additifs, y compris ceux comportant d'importants bienfaits en matière d'innocuité, par exemple ceux qui préviennent les dangers microbiens, il fallait attendre entre trois et quatre ans avant de pouvoir les mettre en marché.
La sénatrice Callbeck : Avec ce nouveau règlement sur l'autorisation de mise en marché, qu'en est-il de la période de consultation auprès des Canadiens, dont vous parlez à la page 8 de votre présentation? À quel type de consultation procédez-vous? Est-ce une consultation effectuée au moyen du site web seulement? Quelle période prévoit-on pour cela?
M. Papadopoulos : Le règlement sur l'autorisation de mise en marché est de compétence ministérielle, mais un règlement pris par le gouverneur en conseil est tout de même nécessaire, et on serait tenu de procéder à une consultation auprès des intervenants et du public. Il y a aussi des considérations internationales à prendre en compte. L'Organisation mondiale du commerce nous oblige à publier des avis internationaux. Ce serait une consultation publique.
La consultation web est certainement une facette très importante de notre processus de consultation aujourd'hui. Les consultations peuvent être adaptées, en quelque sorte, selon la portée de la question examinée. L'approche peut varier, mais les publications sur notre site web sont actuellement au centre de nos processus de consultation.
La sénatrice Callbeck : Vous parlez d'un délai de six mois maximum pour l'ajout d'un nouvel additif. Je veux savoir ce qui en est pour une consultation auprès des Canadiens.
M. Papadopoulos : Pour ce qui est des additifs alimentaires précisément, un document de référence est incorporé à l'autorisation de mise en marché. C'est inclus dans le processus de six mois. Cet avis signifiant l'intention de modifier le règlement sur les additifs alimentaires serait affiché sur notre site web pour une période de deux mois pour permettre au public et aux intervenants de formuler des commentaires.
La sénatrice Callbeck : C'est une période de deux mois.
M. Papadopoulos : Oui.
La sénatrice Callbeck : Vous avez dit que les fabricants devaient fournir des informations techniques précises pour que Santé Canada puisse effectuer une évaluation des risques, et que le ministère pouvait aider les entreprises. Comment le ministère aide-t-il les entreprises? Leur fournit-il des brochures ou une liste de choses à faire sur le site web? Est-ce que quelqu'un les aide à franchir les étapes du processus réglementaire?
M. Papadopoulos : Nous faisons les deux. Nous offrons des documents d'orientation détaillés sur le site web de Santé Canada pour aider les entrepreneurs à comprendre le régime et le processus de présentation d'une demande. Quand c'est nécessaire, nous pouvons travailler avec un demandeur pour veiller à ce qu'il soumette les informations requises, afin que nous puissions effectuer une évaluation scientifique adéquate.
[Français]
Le sénateur Maltais : Monsieur Papadopoulos, dans votre mémoire, à la page 2, je crois, vous indiquez que le Canada veille à l'établissement des politiques, règlements et normes directrices en matière de salubrité et de qualité nutritionnelle de tous les aliments vendus au Canada. Nous sommes bien d'accord avec cela, mais qu'en est-il des poissons qui nous viennent de l'extérieur?
Vous êtes relativement jeune, mais j'aimerais vous rappeler que, dans un autre Parlement, j'ai fait adopter une loi qui touchait particulièrement le crabe des neiges du Québec et du Nouveau-Brunswick, pour le différencier de la goberge parce qu'il y avait une très grande compagnie qui avait décidé de faire du simili crabe, mais le vendait comme de la goberge. C'était injuste par rapport aux pêcheurs.
On vit encore la même chose au Canada avec un poisson appelé le tilapia qui nous vient de l'Asie, qui fait concurrence à la sole de l'Est du Canada et au flétan qui sont en excellente santé puisqu'ils ont le phoque comme prédateur. J'ai fait des recherches sur la nourriture du tilapia et, sans entrer dans les détails, si je vous expliquais la façon dont ils sont nourris, puisque c'est un poisson d'aquaculture, je ne suis pas certain que vous en mangeriez et je ne suis pas sûr que les Canadiens en mangeraient si on mettait une petite pancarte « nutrition du Tilapia ». Ce poisson, sans entrer dans les détails, sans être nécessairement nocif pour la santé, ne contient pas beaucoup de nutriments.
J'aimerais connaître votre opinion sur la qualité de ce poisson qui fait une injuste compétition à nos pêcheurs.
M. Papadopoulos : Je ne suis pas familier avec ce cas ou avec la situation que vous décrivez, sénateur. Je ne suis pas bien placé pour parler de la qualité des poissons.
Notre responsabilité, encore une fois, se limite à la sécurité pour la santé et l'innocuité des aliments pour les Canadiens. Ce que je peux vous dire, c'est que les poissons de l'extérieur sont soumis aux mêmes règles et au même système réglementaire en vigueur au Canada.
Le sénateur Maltais : J'ai demandé à tous les témoins qui ont comparu à notre comité, qu'ils soient du ministère de la Santé ou d'un autre ministère — il ne me reste qu'à parler au concierge —, si quelqu'un, quelque part savait si ce poisson était sécuritaire pour la santé des Canadiens. J'aimerais le savoir. Il est sur toutes les étagères des poissonneries des grands marchés, et sa production fait une sérieuse concurrence à nos pêcheurs. Est-ce que quelqu'un au ministère de la Santé, vous ou un autre, pourrait me répondre? Ce poisson, sur le plan nutritif, est-il dangereux pour la santé des Canadiens qui en consomment? Si vous n'avez pas la réponse, pourriez-vous nous la faire parvenir par écrit au greffier du comité?
Le président : Pourriez-vous faire un suivi sur cette question, monsieur Papadopoulos?
M. Papadopoulos : Oui.
[Traduction]
Le président : Honorables sénateurs, nous avons dépassé le temps qui nous était alloué.
Monsieur Papadopoulos, merci beaucoup de vous être joint à nous. Si vous pouviez faire parvenir les réponses manquantes au greffier du comité à titre d'information, nous vous en serions très reconnaissants.
(La séance est levée.)