Délibérations du Comité sénatorial permanent de
l'Agriculture et des forêts
Fascicule 32 -Témoignages du 16 avril 2013
OTTAWA, le mardi 16 avril 2013
Le Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts se réunit aujourd'hui, à 18 h 41, pour examiner, pour en faire rapport, les efforts de recherche et d'innovation dans le secteur agricole.
Le sénateur Percy Mockler (président) occupe le fauteuil.
[Français]
Le président : Je vous souhaite la bienvenue à cette réunion du Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts.
[Traduction]
Je souhaite la bienvenue à nos témoins, messieurs Fitzgerald et Dickson. J'invite d'abord les sénateurs à se présenter. Je m'appelle Percy Mockler; je suis un sénateur du Nouveau-Brunswick et je préside le comité.
Le sénateur Mercer : Je suis le sénateur Terry Mercer de la Nouvelle-Écosse.
Le sénateur Duffy : Je suis Mike Duffy de l'Île-du-Prince-Édouard.
[Français]
Le sénateur Dagenais : Je suis le sénateur Dagenais, du Québec.
Le sénateur Maltais : Sénateur Maltais, du Québec.
Le président : Le comité poursuit son étude sur les efforts de recherche et d'innovation dans le secteur agricole.
[Traduction]
Le comité a été autorisé à examiner les efforts de recherche et de développement dans le contexte de la recherche de nouveaux marchés intérieurs et internationaux, du renforcement du secteur agricole dans son ensemble, et de l'amélioration de la diversité et de la sécurité alimentaires. La traçabilité est certainement un facteur essentiel dans ce contexte.
Nous accueillons aujourd'hui deux témoins, M. Darcy Fitzgerald, directeur exécutif de Alberta Pork, et M. Andrew Dickson, directeur général de Manitoba Pork.
Le greffier me dit que c'est M. Fitzgerald qui va commencer, suivi de M. Dickson, après quoi nous entamerons une période de questions.
[Français]
Cela dit, monsieur Fitzgerald, la parole est à vous.
[Traduction]
Darcy Fitzgerald, directeur exécutif, Alberta Pork : Merci. Nous vous avons remis quelques notes d'allocution. Je vais essayer d'être bref afin de laisser plus de temps pour la période des questions.
L'industrie canadienne du porc est confrontée à un certain nombre de pressions, surtout depuis une dizaine d'années. Certaines sont particulièrement importantes du point de vue de la traçabilité. Nous avons eu certaines difficultés commerciales lorsque le virus H1N1 a été associé par erreur à l'élevage du porc. Nous avons eu aussi l'étiquetage du pays d'origine, qui cause encore aujourd'hui pour 2 milliards de dollars de problèmes à notre industrie.
Nous constatons l'absence d'accords commerciaux dans certaines régions — la Corée est un bon exemple — , ce qui représente environ 300 millions de dollars. Ce sera bientôt un marché perdu si nous ne réagissons pas. Nous sommes aujourd'hui confrontés à des difficultés sur le marché de la Russie, avec l'interdiction de la ractopamine, ce qui va nous causer des problèmes à très brève échéance.
Il y a aussi des questions de licence sociale, ainsi que des demandes croissantes de la part du public et aussi de petits groupes — pas du grand public, bien souvent. Cela cause certains problèmes de production que l'on se doit de résoudre, concernant aussi bien le bien-être des animaux que la salubrité des aliments, la protection de l'environnement et, ce qui est le thème de la séance d'aujourd'hui, la traçabilité.
Les changements de politiques et de programmes de soutien que nous avons constatés, surtout dans notre secteur, ont causé certains problèmes, et il y en a eu à la fois au Canada et aux États-Unis qui pourraient être reliés aux politiques concernant la production d'éthanol. Nous avons constaté une certaine inflexibilité dans les programmes de soutien de la gestion du risque, surtout pour notre secteur. Cela ne veut pas dire qu'il n'y a pas eu de programmes qui nous ont été bénéfiques, nous le savons fort bien.
Un certain manque de pouvoir de négociation sera probablement un gros problème pour l'avenir. Nous le constatons dans la structure même de la chaîne de valeur, ce qui affecte à la fois nos prix et notre accès au capital pour être vraiment autosuffisants.
La conjonction de ces pressions et l'absence de véritable politique agricole durable dans toute la chaîne de valeur ont forcé beaucoup de producteurs primaires à abandonner le secteur ces dernières années. Si l'on examine les chiffres des 12 dernières années en Alberta, on voit que le nombre de producteurs est tombé de 1 200 à environ 300 aujourd'hui. Certes, d'aucuns diront peut-être que ceux qui sont partis n'étaient pas efficients. Toutefois, le problème est que les producteurs de l'Ouest reçoivent les prix parmi les plus bas au monde mais tout en restant quand même les plus compétitifs mondialement. Il y a un problème dans le système.
Les producteurs canadiens sont vraiment devenus les producteurs à bas coût de protéines de grande qualité, et environ 67 p. 100 de leur production est vendue à l'étranger. Nous avons vendu environ 1,2 million de kilogrammes de produits frais et congelés à près de 143 pays, pour une valeur approximative de 3,2 milliards de dollars. En outre, nous avons vendu pour près de 350 millions de dollars d'animaux sur pied, soit 5,6 millions de têtes, essentiellement aux États-Unis, mais dans d'autres pays aussi, et nous sommes le troisième exportateur ou fournisseur au monde.
Il est dommage que les prix payés aux producteurs par rapport aux prix de détail offerts aux consommateurs débouchent sur un rendement négatif pour les producteurs. À l'heure actuelle, nous en sommes à environ 30 ou 35 $ par porc commercialisé, et la situation ne s'est pas améliorée depuis un certain temps, ce qui la rend très difficile pour les producteurs.
De même, malheureusement, il n'y a pas de différenciation des prix entre les marchés intérieurs à bas prix, où les consommateurs ne connaissent pas la valeur de ce qu'ils achètent, et le marché plus rentable de l'exportation. Si l'on examine certains des produits prédateurs importés sur notre marché, avec la politique correspondante de vente à perte qui semble exister avec les détaillants intérieurs, on constate une certaine distorsion du marché. Cela donne une idée erronée de la valeur réelle de la viande de porc pour les consommateurs canadiens. Dans la plupart des cas, les consommateurs ne connaissent pas l'origine ou la qualité des produits frais ou congelés qu'ils achètent, que ce soit dans les épiceries ou dans les restaurants. Bien que la chaîne de valeur utilise des processus dépassés pour fixer le prix intérieur du porc, l'industrie primaire décline petit à petit, tout comme les 13 milliards de dollars par an de moteurs économiques qu'elle crée.
Les producteurs de porc albertains et canadiens déploient beaucoup d'efforts pour répondre aux besoins du marché ainsi qu'aux attentes de la société et du gouvernement. Toutefois, si l'on examine les attentes auxquelles nous essayons de répondre, à la fois de la société et du gouvernement, nous devons nous assurer que les programmes gouvernementaux et le financement sont suffisamment souples pour répondre aux besoins immédiats et peuvent contribuer au développement de l'industrie. Il est nécessaire de trouver un juste équilibre entre le développement d'une industrie innovante et durable et la recherche. J'essaye de souligner qu'il y a un besoin réel d'innovation pour assurer l'expansion de l'industrie et qu'il ne faut pas tout consacrer seulement à la recherche fondamentale qui semble recevoir tellement d'argent.
Dans l'Ouest canadien, le seul programme gouvernemental qui semble actuellement offrir un certain soutien aux producteurs de porcs individuels semble être Cultivons l'avenir 2, qui permettra peut-être de faire un certain partage de coûts sur le volet de la demande sociétale inférieure, mais nous ne savons pas avec certitude où cela se situera. Dans une industrie où il n'y a pas beaucoup d'argent, il est difficile de participer à des programmes à coûts partagés.
Il importe que les stratégies d'innovation et de recherche agricoles du gouvernement fédéral soient formulées de manière équilibrée de façon à répondre aux besoins de recherche et de développement de l'industrie eu égard à la diversité de notre très vaste pays. Bien qu'il y ait quelques initiatives nationales importantes du gouvernement concernant le Conseil canadien de la santé porcine, le groupe de recherche Innovation Porc et Canada Porc International, nous devons aussi dans certains cas tenir compte des approches régionales qui peuvent être très bénéfiques.
L'utilisation du système de traçabilité national, PorcTracé Canada, fait de nous un chef de file par rapport à nos concurrents. C'est quelque chose qui nous aidera tous, toutes les provinces en conviennent. La flexibilité du système — l'Alberta travaille avec le programme national PorcTracé — montre qu'on peut travailler rapidement sur ces efficiences dans notre secteur.
Nous avons toutefois besoin du soutien financier du gouvernement fédéral pour mettre sur pied et mettre en œuvre un programme national qui assurera un rendement adéquat tout en renforçant la position de l'industrie, mondialement et nationalement. En décembre 2011, à la demande des producteurs de Alberta Pork, le gouvernement provincial a mis en œuvre son règlement sur les exigences de traçabilité concernant le transport provincial du porc, de la ferme jusqu'à l'abattoir. Le système repose sur un connaissement assurant le suivi des groupes en mouvement. Je souligne qu'il s'agit de groupes et non pas d'animaux individuels. Dans notre secteur, la préférence est d'assurer la traçabilité des groupes d'animaux.
Tout transport d'animaux sur les routes publiques exige un connaissement dont des copies sont conservées à la ferme. Le document accompagne l'animal jusqu'à sa destination finale.
Durant tout le processus, Alberta Pork a travaillé avec le gouvernement provincial pour élaborer des exigences régulières de l'industrie et de délégation de pouvoir permettant à Alberta Pork de fournir et de recueillir les données de traçabilité à l'échelle de la province. Cela fait de nous un cas assez particulier par rapport aux autres membres du système national. Je tiens cependant à souligner que nous travaillons ensemble. Comme je l'ai dit, les gouvernements provinciaux ont collaboré très étroitement avec PorcTracé lors de nombreuses réunions et conversations avec des représentants de notre industrie.
Nous avons également eu de nombreuses conversations avec l'ACIA pour assurer l'harmonisation avec le processus fédéral. L'équipement, le logiciel, les mises à jour pour la sécurité, la sauvegarde et la récupération des données sont en cours de finalisation et le système devrait être totalement sur pied en Alberta d'ici à l'été de 2013.
Le système est formulé pour faciliter le transport complet, ce qui couvrira tous les animaux sujets à la traçabilité d'ici à 2014. À ce moment-là, nous aurons aussi un connaissement électronique qui les accompagnera.
Le système global sera relié à PorcTracé Canada pour assurer sa conformité avec le système national. Jusqu'à présent, l'essentiel des fonds nécessaires pour élaborer le système en Alberta a été fourni par le gouvernement provincial. À l'avenir, cependant, nous aurons certainement besoin de ressources fédérales pour assurer l'existence d'un programme national efficace.
Bien que l'industrie porcine du Canada ait subi des pertes importantes ces dernières années, elle a déployé beaucoup d'efforts pour relever les défis par l'amélioration de l'efficience, la mise en œuvre d'un système national de salubrité alimentaire et de certification du bien-être des animaux, notre programme canadien d'assurance de la qualité, et l'élaboration de normes de bien-être dans un processus totalement transparent avec le Conseil national pour les soins aux animaux d'élevage. D'ailleurs, ces normes seront publiées en juin de cette année et seront présentées au public, qui aura alors 60 jours pour formuler ses commentaires.
Nous avons aussi attaché beaucoup d'importance au maintien d'un niveau élevé de santé et de biosécurité des troupeaux. Nous pouvons certainement affirmer que notre pays a l'un des meilleurs systèmes à cet égard.
L'élaboration du système national de traçabilité, PorcTracé Canada, rehaussera la valeur globale du système canadien et la qualité de nos produits.
Toutefois, les questions de changements structurels à l'intérieur de la chaîne de valeur et de prix équitables sur le marché sont toujours primordiales au Canada si nous voulons rester un chef de file mondial dans la production de la viande de porc.
Le Canada est un exportateur important sur un marché très complexe. Notre aptitude à rehausser la qualité durable de notre agriculture peut être améliorée grâce à la flexibilité des programmes, à la collaboration entre le gouvernement et l'industrie, et à l'adoption d'une démarche équilibrée pour assurer que tous les problèmes pertinents sont pris en compte.
Si nous devons investir des ressources publiques pour améliorer notre industrie, comme le font d'autres pays, il importe de le faire de manière plus efficiente de façon à obtenir des résultats ayant plus de sens pour notre industrie.
Le président : Merci beaucoup, monsieur Fitzgerald. Je donne maintenant la parole à M. Dickson.
Andrew Dickson, directeur général, Manitoba Pork : Merci de votre invitation, monsieur le président. Veuillez m'excuser, je n'ai pas préparé de mémoire. J'espérais le faire cet après-midi mais j'ai eu des problèmes d'avion. J'ai quand même réussi à arriver ici.
Je représente le Conseil du porc du Manitoba, petite organisation agricole fondée en vertu de la Loi sur la commercialisation des produits agricoles. Nous n'assurons pas la commercialisation des porcs mais détenons tous les pouvoirs relatifs aux produits réglementés au Manitoba. Autrement dit, le porc est réglementé dans la province de la même manière que les produits laitiers, les poulets, les œufs ou n'importe quel autre produit assujetti à cette loi. Cela nous autorise à percevoir une redevance obligatoire que nous employons chaque année pour recueillir environ 4 millions de dollars par an afin de gérer notre conseil.
Le conseil est un organisme élu par les producteurs, et nous avons toujours veillé à y assurer une représentation de toutes les branches de l'industrie. Ainsi, quiconque produit 300 000 $ de redevance, par exemple, détient un siège au conseil d'administration. Cela permet aux grandes entreprises comme Maple Leaf ou HyLife d'y être présentes. Cela garantit que tous les acteurs importants de l'industrie sont présents lorsque nous formulons des programmes ou des activités destinés à assurer la pérennité de l'industrie d'un point de vue aussi bien environnemental qu'économique.
Je vous remets un document en vous demandant d'en examiner la page 16. Je n'en ai pas de version française mais je m'arrangerai pour le faire traduire plus tard à votre intention. Vous voyez à la page 16 un graphique décrivant l'industrie et montrant très bien la complexité de la situation dans laquelle elle se trouve.
Nous avons essentiellement dans la province 300 000 truies qui produisent chaque année environ 4,2 millions de porcs de finition et environ 3,5 millions de porcelets sevrés. Tous les porcs de finition sont traités dans les deux principaux abattoirs inspectés par les autorités fédérales de Brandon et de Neepawa. Nous faisons aussi venir des porcs de finition de la Saskatchewan. Environ la moitié de la production de cette province vient au Manitoba pour y être transformée. À l'heure actuelle, nous exportons environ 3,5 millions de porcs aux États-Unis. Il s'agit généralement de porcelets de 12 livres environ — certains peuvent peser jusqu'à 40 livres — destinés à des porcheries de finition du Minnesota et de l'Iowa. Nous en exportions autrefois plus de 6 millions mais la quantité a été réduite à cause de l'étiquetage du pays d'origine, étant donné que les abattoirs américains ne voulaient pas instaurer de système d'étiquettes multiples. Nous exportions aussi autrefois aux États-Unis environ 1 million de porcs destinés à l'abattage mais ce chiffre a aussi diminué sensiblement.
La traçabilité est une question très complexe. On s'imagine parfois qu'il devrait être facile de retracer chaque côtelette de porc jusqu'à la porcherie où l'animal a été élevé mais ce n'est malheureusement pas facile du tout. Nous pourrions avoir recours à la technologie, à plus long terme, pour assurer cette traçabilité au moyen d'une analyse d'ADN, mais des expériences faites à ce sujet ont montré que ça coûterait très cher. Nous avons un système qui semble répondre aux besoins de nos consommateurs et des divers organismes de réglementation qui interviennent au sujet des autres questions dont je vais vous parler.
Notre conseil n'est qu'une petite organisation, d'une dizaine ou d'une douzaine d'employés. Nous exploitons cependant un large éventail de programmes que nous avons à toutes fins utiles en grande mesure résumés dans un plan environnementalement durable pour l'industrie. Nous produisons également des documents sur la manière dont on élève des porcs. Nous faisons du marketing de consommation. Nous contribuons financièrement à des travaux de recherche et de développement. Nous appuyons les organismes nationaux, comme le Conseil canadien du porc et Canada Porc International, pour faire du marketing international et représenter l'industrie au niveau national.
Nous avons commencé à nous intéresser à cette question de traçabilité en partie à cause de la crise de l'ESB au Canada, qui avait suscité des inquiétudes et des craintes par suite de ce qui s'était passé au Royaume-Uni avec l'ESB et la fièvre aphteuse. Nous ne voulions certainement pas subir les mêmes conséquences qu'avaient eues ces crises dans ce pays, et surtout en Europe, et avons pensé qu'il fallait limiter les problèmes éventuels ici et prévoir le rétablissement du secteur si jamais une crise éclatait.
En 2005, le conseil a engagé son propre spécialiste, Jeff Clark, en le chargeant de mettre sur pied un programme de traçabilité pour le Manitoba, en coopération avec les autres provinces et avec l'organisme national. Nous avons œuvré au sein de divers comités provinciaux et nationaux, et les deux paliers de gouvernement ont déployé des efforts considérables pour essayer de mettre sur pied un programme national de traçabilité. À un certain moment, on a envisagé d'instaurer un système unique pour les différentes catégories d'animaux, c'est-à-dire le bétail et le porc, mais on a finalement décidé d'y aller espèce par espèce. Dans ce contexte, je crois pouvoir dire que l'industrie porcine a été un chef de file pour les autres animaux.
Il existait déjà depuis un certain temps au Québec un système appelé ATQ. Il n'avait pas été mis sur pied pour le porc mais les responsables collaboraient étroitement pour tenter de l'appliquer à d'autres espèces et ils en avaient tiré de nombreuses leçons. De fait, il existe aujourd'hui au Québec un système très complexe et très bien structuré qui constitue à certains égards un modèle pour le reste du pays.
Notre conseil représente toute l'industrie. Nous avons un certain nombre de préoccupations au sujet de la traçabilité et de sa justification. Tout d'abord, il s'agit de limiter le plus possible l'incidence des maladies. Nous avons besoin d'informations cruciales sur les transports d'animaux afin d'assurer le contrôle et la gestion des maladies. Nous voulons tirer les leçons de l'Europe concernant la manière dont on y a réagi aux différentes maladies du porc. Nous savons que la fièvre aphteuse est endémique dans des régions comme l'Amérique du Sud, et nous avons des gens du Manitoba qui vont en Amérique du Sud. Il y a des liens entre les éleveurs. Comme une crise pourrait fort bien éclater dans le futur, nous devons mettre en place un système pour y réagir.
En ce qui concerne la salubrité des aliments, nous devons avoir un système pour retracer l'impact éventuel sur la santé publique de l'utilisation inappropriée dans un élevage d'un produit chimique, par exemple, ou d'un antibiotique. Si un problème quelconque apparaissait au sujet de la viande d'un animal entré dans un abattoir, il serait essentiel de pouvoir retracer l'origine de cet animal.
Du point de vue de la santé publique, beaucoup des maladies qui ont été mentionnées tout à l'heure, comme les maladies de type HxNx, sont des maladies zoonotiques. Autrement dit, elles peuvent être communes aux êtres humains, aux porcs et aux oiseaux, et il est essentiel que nous puissions y réagir du point de vue de santé publique. Si une maladie représentant une menace grave pour la santé publique devait apparaître mais qu'il n'y avait aucun problème du point de vue de la production agricole, il serait essentiel que nous puissions démontrer à nos collègues des organismes de santé comment nous gérons l'évolution de cette maladie dans nos élevages. En outre, nous devrions être en mesure de donner au public l'assurance que nous savons ce que nous faisons dans nos élevages. Autrement dit, nous devrions être capables de démontrer que nous ne sommes pas au Far-West et que nous gérons correctement la situation.
Quatrièmement, du point de vue de la commercialisation, le Manitoba exporte près de 90 p. 100 de sa production dans d'autres provinces ou pays. Nos clients exigent des systèmes de traçabilité. Sur le marché japonais, par exemple, on peut voir des photographies d'éleveurs sur les tablettes des boucheries. Cela est destiné à montrer au consommateur que le produit vient d'un éleveur japonais. Nous voulons être capables d'assurer à nos consommateurs japonais que nous avons la même capacité de retracer l'origine de nos produits.
Cela constitue d'ailleurs pour nous un avantage concurrentiel. Les États-Unis ont de grosses difficultés à mettre sur pied un système de traçabilité. Il y a toutes sortes de raisons à cela mais il n'en reste pas moins que nous jouirons d'un avantage concurrentiel si nous pouvons résoudre le problème chez nous et nous doter d'un système adéquat.
Certains marchés commencent à exiger des systèmes de traçabilité. Autrement dit, si nous voulons y vendre nos produits, nous devons absolument avoir mis en place un système adéquat.
Cinquièmement, en ce qui concerne le rétablissement en cas de crise, nous savons bien que des crises peuvent éclater, mais les secteurs qui réussissent sont ceux qui se sont dotés de plans de rétablissement pour minimiser l'incidence économique des crises. Autrement dit, on doit être en mesure de se remettre sur pied le plus rapidement possible de façon à minimiser les pertes financières résultant des crises.
En ce qui concerne la traçabilité, on doit avoir un système permettant d'identifier rapidement l'origine des problèmes. On doit aussi être à même de prendre des mesures de contrôle efficaces et de guider les agents de prévention des maladies quant aux mesures à prendre pour éviter la propagation des maladies.
Il y a actuellement dans la province et au sein de notre organisation un débat au sujet de l'industrie et des bienfaits publics. Les éleveurs de porcs du Manitoba n'ont actuellement pas les moyens financiers d'assumer tous les coûts d'un système de traçabilité. Je tiens à insister sur ce fait. Nous avons perdu des sommes importantes l'an dernier, environ 30 $ par animal, essentiellement à cause de la sécheresse aux États-Unis qui a fait exploser le prix des grains de provende. Mon collègue l'a mentionné tout à l'heure et c'est la même chose en Saskatchewan ou en Alberta.
Deuxièmement, à l'heure actuelle, le marché n'accorde pas de prime aux porcs qui sont dans un programme de traçabilité. Certains considèrent que c'est simplement la chose qu'il faut faire et que ça fait partie des activités normales d'un élevage de porcs.
La traçabilité ajoute cependant des coûts dans toute la chaîne de production alimentaire. On doit tenir des dossiers qu'il faut entreposer et analyser. Cela coûte de l'argent. Ça ne se fait pas tout seul. Certes, on peut essayer de minimiser les coûts, et notre objectif est d'essayer de concevoir un système de traçabilité exploitant les systèmes d'information existants, en lui donnant une double fonction. La première serait d'aider les entreprises dans leur gestion, et la deuxième, de répondre aux attentes du public en matière de gestion des maladies, de gestion des crises, de protection de la santé publique, et cetera.
Dans une petite province comme le Manitoba, une maladie catastrophique pourrait avoir une incidence considérable sur l'économie provinciale. Nous représentons 10 p. 100 du secteur manufacturier de la province. L'abattoir de Brandon est le plus grand établissement manufacturier de la province, avec plus de 2 300 employés. Nous représentons une part très importante des exportations provinciales vers le reste du Canada mais principalement vers les États-Unis et deux ou trois autres grands marchés. Nous avons des établissements qui sont parfaitement équipés pour l'exportation. Si une maladie contagieuse éclatait aujourd'hui en Iowa par exemple, notre industrie s'arrêterait totalement demain. Nous devrions donc être en mesure de nous remettre sur pied le plus rapidement possible. Notre industrie n'est pas intégrée à un système nord-américain de production porcine. Nos producteurs obtiennent essentiellement le même prix en Iowa que leurs homologues américains, après déduction des frais de transport et de certains autres coûts.
Le prix des provendes est un prix nord-américain. Ce n'est pas un prix canadien. Quand les gens disent que nous devrions adopter des programmes de traçabilité, cela veut dire que nos producteurs devront trouver le moyen de recouvrer le coût sur le marché ou qu'il y aura des subventions gouvernementales pour nous aider durant cette période.
En ce qui concerne les détails, nous avons investi pour aider notre organisme national à élaborer un système de gestion et à établir un arrangement contractuel avec le gouvernement fédéral afin d'essayer d'amener le programme de traçabilité à l'étape de la mise en œuvre. Nous participons à de nombreuses réunions avec l'ACIA et les autorités provinciales et fédérales pour essayer de régler tous les détails concernant la mise en œuvre au moyen d'un processus réglementaire. Nous avons consacré beaucoup de temps à l'éducation des producteurs et avons maintenant atteint un niveau de confiance très élevé. Nous avons réenregistré tous les établissements du Manitoba. Nous avons environ 1 600 élevages pouvant avoir deux ou trois porcheries qui ont tous dû être réenregistrés. Nous leur avons émis de nouveaux numéros d'identification et leur avons fourni aussi des numéros d'identification des animaux, c'est-à-dire des numéros qui peuvent être imprimés sur l'oreille du porcelet, avec tatouage sur le flanc ou étiquette d'oreille. Nous collaborons étroitement avec les sociétés de camionnage et avec les abattoirs pour mettre sur pied des systèmes d'information spécialisés, capables d'assurer l'enregistrement et la gestion des données.
De fait, l'un de nos employés a été détaché à PorcTracé Canada pour y devenir le directeur national, mais il est basé à Winnipeg. Nous avons délibérément pris cette décision pour veiller à ce que la personne qui essaye de mettre ce système sur pied soit présente sur le terrain et soit en contact direct avec les producteurs eux-mêmes afin de collaborer avec eux, au lieu d'être basée à notre bureau national d'Ottawa. Cela ne veut pas dire qu'il n'y a pas d'éleveurs de porcs dans la région d'Ottawa mais je pense qu'il y en a plus au Manitoba.
Nous avons aussi acheté une nouvelle base de données pour traiter cette information. Nous avons collaboré étroitement avec l'Alberta, qui l'avait conçue, et nous l'avons ensuite modifiée pour nos propres besoins.
Nous avons eu des contacts réguliers avec ATQ, de Montréal, qui a maintenant obtenu le contrat. C'est l'agence qui deviendra l'organisme national de gestion du programme national, décision avec laquelle nous sommes très à l'aise étant donné son expérience en la matière.
En ce qui concerne les défis qu'il faudra relever, je pense que le plus gros est certainement d'ordre financier. Nous ne pourrons pas gérer un programme national de traçabilité avec des ententes de financement de cinq ans. Ça n'aurait strictement aucun sens. Il s'agit d'un programme qui aura des répercussions énormes sur la santé publique. Il aura des répercussions énormes sur la pérennité de notre industrie. On fait de l'élevage de porc au Canada depuis la création du pays, et il y aura encore des élevages de porcs dans 100 ans. Notre but doit être de mettre sur pied un système adéquat en fonction de notre méthode normale de gouvernance, aux deux paliers, fédéral et provincial, plutôt que d'avoir un programme à financement aléatoire, revu tous les cinq ans.
Les entreprises investiront dans un système de traçabilité si elles estiment qu'il est financé pour durer.
En tant qu'industrie, nous n'avons pas la responsabilité officielle de protéger la santé publique. Autrement dit, si l'on a des préoccupations dans la profession médicale sur les répercussions de toutes ces maladies et sur la manière dont elles peuvent entrer dans un bassin génétique de l'industrie porcine, il faudra trouver un terrain d'entente sur la manière de financer le système.
Finalement — et j'admets que c'est l'une de mes marottes — , nous devons aussi mettre en place deux niveaux d'assurance. Nous avons besoin d'un programme d'assurance-catastrophe car, s'il y avait une épidémie de fièvre aphteuse ou quelque chose ce genre-là, nous ne voudrions pas que les élevages où la maladie s'est déclenchée aient les animaux ayant le plus de valeur au Manitoba car ce seraient les seuls élevages qui seraient indemnisés, en vertu de la législation actuelle, alors que les autres ne le seraient pas. Par contre, tous les abattoirs devraient fermer et les animaux devraient être détruits de manière humanitaire. Nous parlons ici de millions d'animaux qui devraient être abattus.
En matière d'indemnisation, nous ne voudrions pas revoir ce qui s'est passé au Royaume-Uni où des animaux étaient transportés d'une exploitation à une autre pour s'assurer que tous étaient infectés afin que les propriétaires soient indemnisés. Cela ne serait pas acceptable.
Deuxièmement, et je travaille là-dessus depuis six ou sept ans, il faudrait essayer de mettre sur pied un programme d'assurance-mortalité individuelle pour l'industrie porcine en vertu duquel les producteurs pourraient acquitter une prime, tout comme l'assurance-récolte est subventionnée par les gouvernements fédéral et provinciaux, de façon à être indemnisés en cas d'épidémie survenant dans leur élevage, mais en garantissant qu'ils auront ensuite assez d'argent pour reprendre leur activité.
Autrement dit, il ne faut pas qu'il y ait de maladies dans les élevages mais, s'il y en a, le producteur saura qu'il sera indemnisé de façon à pouvoir se rétablir rapidement, et il investira dans son élevage afin de minimiser le risque de maladie. Il y a un an et demi, nous avons lancé un programme important d'amélioration de la biosécurité et nous ne voudrions pas perdre le fruit de cet excellent travail.
Nous avons rencontré de grosses difficultés pour faire accepter la mise sur pied de programmes d'assurance par les deux paliers de gouvernement. Cela ne concerne d'ailleurs pas que l'industrie porcine puisque d'autres secteurs s'y intéressent aussi, comme ceux du bétail et du poulet.
La dernière chose que je voudrais dire à ce sujet, et je serai franc, est que j'ai l'impression que nous sommes en train de danser sur l'arête du Grand Canyon. Je suis toujours abasourdi quand je réalise que nous n'avons pas eu d'épidémie grave dans ce pays, ce qui prouve que ce que nous avons mis en place jusqu'à présent est efficace. Toutefois, je me souviens fort bien d'être revenu d'Europe au moment de l'épidémie d'ESB et d'avoir dû marcher sur un petit tapis en plastique imbibé d'une solution prophylactique, à l'aéroport. Je m'étais dit alors que c'était notre principale protection contre une épidémie de fièvre aphteuse. Certes, ce fut un exercice intéressant mais je ne suis pas certain que ce soit la méthode la plus scientifique ou la plus efficace pour lutter contre une maladie. Cela dit, l'exercice fut manifestement un succès puisque notre pays n'a pas été touché. Merci.
Le président : Merci beaucoup, monsieur Dickson. Merci d'avoir partagé ce document avec nous. Je l'ai remis au greffier pour qu'il se charge de le faire traduire à l'intention des honorables sénateurs.
Nous allons maintenant entamer la période des questions avec le sénateur Plett, du Manitoba, qui sera suivi du sénateur Mercer. Honorables sénateurs, nous avons sept sénateurs qui ont demandé...
[Français]
Le sénateur Robichaud : Le sénateur Mercer avait demandé la parole avant même le sénateur Plett et même avant qu'il n'arrive.
[Traduction]
Le sénateur Plett : Je pense que nous pourrions en discuter à huis clos, sénateur.
[Français]
Le sénateur Robichaud : Ce n'est pas quelque chose que nous devons faire à huis clos. Je dis tout simplement au président que le sénateur Mercer avait demandé la parole, même avant que le sénateur Plett n'arrive. Je ne sais pas quelle méthode on emploie pour favoriser un côté plus que l'autre. Je trouve que ce n'est pas acceptable.
[Traduction]
Le président : Je prends note des remarques du sénateur Robichaud. Cela dit, j'ai donné la parole au sénateur Plett, un sénateur de l'Ouest canadien, du Manitoba. Nous allons suivre la règle habituelle, c'est-à-dire alterner entre les deux partis. Cela dit, sénateur Robichaud, je prends bonne note de vos remarques et j'invite maintenant le sénateur Plett à ouvrir la période des questions. Il sera suivi des sénateurs Mercer, Buth et Merchant.
Le sénateur Plett : Merci, monsieur le président. Bonne nuit, sénateur Robichaud.
Le sénateur Robichaud : Nous en reparlerons car ce n'est pas de cette manière qu'on travaille en comité.
Le sénateur Plett : Je suis désolé, messieurs. Je partage certainement l'avis que vient d'exprimer le sénateur et je suis désolé que vous ayez dû assister à ces échanges.
Je vous présente aussi des excuses pour mon léger retard, qui fait que je n'ai pas entendu vos premières remarques, monsieur Fitzgerald. Je crois cependant avoir bien compris votre position générale. Étant donné l'heure, je vais me limiter à deux questions. J'aimerais pouvoir en poser d'autres et je pourrai peut-être le faire un peu plus tard.
Ma première question concerne la traçabilité, si nous avions l'argent. M. Dickson nous a présenté un tableau assez sombre en ce qui concerne l'argent. Je viens d'une province productrice de porcs et je pense que certains éleveurs ont été assez prospères au cours des années. Nous avons aussi des abattoirs qui s'en tirent très bien. Toutefois, si nous avions l'argent, nous serait-il possible de nous doter d'un système comme celui du Danemark? Il y a là-bas un système de traçabilité de la naissance jusqu'à la fourchette, ce qui n'est pas le cas chez nous. En 2002, si je me souviens bien, le Conseil canadien du porc avait demandé l'instauration d'un système de traçabilité de la naissance jusqu'à l'abattoir. Si nous avions l'argent, les ressources, nous serait-il possible d'instaurer la traçabilité de la naissance jusqu'à la fourchette?
M. Dickson : Nous pouvons suivre relativement facilement le parcours du porc de la ferme jusqu'à l'abattoir. C'est lorsque l'animal est abattu et dépecé, à l'abattoir, que le problème se pose. L'expression n'est peut-être pas idéale mais disons qu'il y a à ce moment-là une explosion de morceaux. L'animal est découpé en de nombreux morceaux qui entrent dans des systèmes différents, en termes de tapis roulants, pour être transformés en côtelettes, en saucisses, en jambon, en bacon, et cetera. Tous ces produits entrent ensuite dans le système de distribution. Si l'on découvre un problème dans un abattoir après le moment où l'animal est abattu — disons qu'on découvre un problème dans la préparation de côtelettes, même s'il y a eu continuellement des inspections — , la seule manière de connaître l'élevage d'origine est le moment où l'animal est arrivé à l'abattoir. En consultant les dossiers, on peut savoir quels porcs sont arrivés à un moment donné, et on peut ainsi déterminer que la côtelette provenait probablement de quatre ou cinq élevages possibles.
Au moyen de prises d'ADN, on a déjà réussi à retracer totalement l'origine d'animaux individuels. L'autre solution est d'apposer de petites étiquettes en plastique sur les différents morceaux de l'animal à mesure qu'ils avancent dans le système. Je pense que c'est ce qu'on fait au Danemark, si je me souviens bien. C'est complexe, et ça fait entrer dans le système de transformation un matériau qui n'est pas nécessairement souhaitable parce que les choses peuvent se perdre. Ce n'est pas impossible mais ça peut se faire.
M. Fitzgerald : J'aimerais ajouter deux choses à ce que M. Dickson vient de dire. Tout d'abord, quand on parle de traçabilité par l'ADN, nous avons eu un tel système en Alberta. Il y avait autrefois un abattoir qui s'appelait Sturgeon Valley Pork mais, malheureusement, à cause des prix d'éviction des Américains, il n'existe plus. Cet abattoir avait un système de suivi par l'ADN qui permettait de retracer toute la viande. En prélevant un morceau de viande dans votre assiette, on pouvait vous dire exactement de quelle ferme venait le porc en question. Certes, ce système n'était pas bon marché mais il existait.
M. Dickson a aussi parlé de l'acheminement des produits à l'abattoir. Il y a quelques années, dans un poste antérieur, j'ai eu l'occasion d'investir 1 million de dollars dans un système, dans un abattoir de bœuf en Alberta qui n'existe plus non plus car, encore une fois, nous n'avons pas pu résister à la concurrence des grosses entreprises. Dans ce petit abattoir, il y avait un système de tableaux mobiles. Ça existe aussi en Europe. On peut enregistrer chaque morceau de viande sur un tableau, ce qui permet d'en suivre l'acheminement dans tout l'abattoir. En bout de ligne, on appose un code-barres. Ça coûte cher, et on doit faire concurrence à d'autres abattoirs qui n'appliquent pas le même système. Aujourd'hui, la possibilité de suivre l'animal de la ferme jusqu'à l'abattoir est probablement l'une des plus grandes étapes. Une fois qu'on a fait ça dans l'abattoir, il y a des choses qui permettent de faciliter le retour en arrière, mais pas jusqu'au produit particulier qu'on pourrait acheter, à moins de faire des tests d'ADN.
Le sénateur Plett : Sur le même sujet, HyLife expédie probablement 90 p. 100 ou plus de sa production au Japon. Ce pays est-il beaucoup plus exigeant que d'autres auxquels le Manitoba vend aussi du porc?
M. Dickson : Pour l'information des autres sénateurs, HyLife est une entreprise totalement intégrée.
Le sénateur Plett : Notre comité a visité HyLife et je pense que nous sommes donc tous au courant.
M. Dickson : Le marché japonais est le plus exigeant au monde. Les Japonais payent les prix les plus élevés mais ils sont très exigeants. Selon le type de magasin auquel vous vendez votre produit, ou le type de système avec lequel vous travaillez, on exige l'information jusqu'au point de départ. Une entreprise comme HyLife est totalement intégrée : elle élève ses propres animaux, les nourrit, les finit et les expédie — parfois dans ses propres camions — pour les amener dans ses propres abattoirs où c'est son personnel qui fait la découpe et la mise en marché. Il lui est donc possible d'enregistrer les informations complètes sur ses produits et de les fournir au client japonais.
Il y a des clients qui ne demandent pas cette information. Je peux vous dire très franchement qu'il y a au Canada des détaillants qui sont très satisfaits de faire venir du produit américain. Nous avons même beaucoup de mal à leur faire mentionner sur l'emballage qu'il s'agit d'un « produit des États-Unis ». Les États-Unis ont probablement réussi à s'emparer de 25 à 30 p. 100 de notre marché intérieur, essentiellement à cause du prix.
Le sénateur Plett : Merci beaucoup.
Une dernière question. L'Alberta et le Manitoba emploient deux systèmes différents. J'ai lu dans les notes que l'Alberta emploie un système qui a été mis au point par Sunterra, Maple Leaf et le Western Hog Exchange. Maple Leaf occupe évidemment une position plus dominante au Manitoba que dans les autres provinces de l'Ouest, je crois.
Pourquoi ne parvient-on pas à appliquer un seul système dans tout le pays, qu'il s'agisse de celui de PorcTracé ou de celui de l'Alberta? L'Alberta pense-t-elle que son système est le meilleur? Le Manitoba pense-t-il que PorcTracé est meilleur? Si les deux réussissaient à collaborer, ça résoudrait peut-être certains de nos problèmes.
M. Fitzgerald : C'est une très bonne question, sénateur. En fait, nous collaborons déjà. Je dirais que les deux systèmes sont virtuellement identiques parce qu'ils sont basés sur ce que devrait être le système national.
Il n'y a qu'une seule différence entre l'Alberta et les autres provinces. Quand on parle de traçabilité, de maladies et de problèmes éventuels, et quand on songe à l'ESB, on est un peu paranoïaque sur tout ça. On se dit qu'on pourrait éviter tous ces problèmes en faisant un grand saut en avant avec un grand système de traçabilité.
Ce sont les producteurs de l'Alberta qui ont demandé à leur gouvernement provincial de les aider à aller de l'avant en adoptant un règlement en la matière. Nous avons un règlement qui exige une certaine traçabilité de tous les porcs quittant la ferme pour aller à l'abattoir.
Nous avons décidé que la meilleure chose était d'avoir un système sur papier, pour commencer, car il semblait raisonnable d'exiger un connaissement pour n'importe quel type de produit expédié. Cela donne un acte de vente et permet de faire le suivi. On a un morceau de papier et tout le monde peut avoir la même chose. Nous travaillons actuellement sur un connaissement électronique qui serait similaire dans chaque province.
Nous travaillons avec les différents abattoirs et autorisons certaines différences de l'un à l'autre. Toutefois, avec le temps, ils ont tendance à se ressembler et finissent par devenir la même chose. Il faut franchir ces petites étapes avec les sociétés privées pour les amener à adhérer au système, et c'est ce que nous avons fait.
Dans tout ce processus, même lors de nos discussions avec le gouvernement provincial, l'idée que nous avions en tête était que, si quelque chose arrive et que c'est universel dans tout le pays, nous allons nous y intégrer et nous assurer que tout est bien harmonisé et fonctionne de la même manière.
La manière dont nous fonctionnons aujourd'hui est similaire à ce qui se fait dans le reste du pays. Nous recueillons des informations et notre objectif est de les télécharger dans le système national sur une base quotidienne. Quelle que soit la province où vous vous trouvez, vous aurez toujours besoin d'un agent de livraison et d'un organisme de collecte de l'information. C'est un organisme ou une personne qui doit s'en charger.
C'est une base de données qui est mise sur pied. Nous devons nous assurer que l'information est communiquée à l'organisme central afin que l'ACIA et les vétérinaires provinciaux puissent en prendre connaissance si quelque chose arrive. Dans tout le système sur lequel nous avons travaillé, nous avons toujours collaboré et nous nous sommes toujours assurés que c'était notre objectif ultime.
Ça devient simplement un agent d'application du mécanisme national. C'est ce que nous voyons aujourd'hui.
Le sénateur Plett : Merci. Voulez-vous ajouter quelque chose, monsieur Dickson?
M. Dickson : Je veux seulement souligner que le Manitoba collabore étroitement avec PorcTracé, et nous voulons nous assurer que PorcTracé accepte les autres systèmes. Autrement dit, dans un monde informatisé, l'information doit pouvoir circuler d'un système à un autre, même légèrement différent. Par exemple, le Québec ou l'Alberta pourraient avoir des systèmes légèrement différents. Il faut tenir compte des besoins provinciaux.
Quoi qu'il en soit, l'information va dans un système qui l'accepte, après quoi elle est traitée de façon à nous donner l'information dont nous avons besoin pour pouvoir faire notre travail concernant la vente du produit ou la possibilité de réagir à des choses telles que des maladies en période de crise. Les ordinateurs et les systèmes de gestion des données sont aujourd'hui tellement avancés que nous pouvons faire cela en nous permettant d'avoir des approches relativement différentes.
Le sénateur Mercer : Il n'y a plus beaucoup de porcs dans ma province parce que c'est un secteur tellement difficile. Nous serions ravis d'avoir le même nombre d'employés dans ce secteur qu'au Manitoba et en Alberta.
Le sénateur Plett se demandait ce que nous pourrions faire si nous avions l'argent. Il y a cependant des circonstances dans lesquelles le fait de ne pas avoir d'argent ne pose aucun problème, comme lorsque nous avons eu l'ESB. Dans un cas semblable, les gouvernements et l'industrie agissent de conserve pour résoudre le problème. Vous avez tous les deux déclaré qu'il faut agir à l'avance et, bien sûr, essayer d'éviter les problèmes ou les crises. L'une des choses que j'apprécie dans vos déclarations concerne cette idée de résoudre le problème à l'avance. Si une crise éclate, le gouvernement devra intervenir. Le gouvernement devra trouver de l'argent à ce moment-là.
Je vais vous poser plusieurs questions pour faire mon éducation, et je pense qu'elles contribueront aussi à l'éducation de nos auditeurs.
L'un d'entre vous — je pense que c'était M. Dickson — a déclaré que, s'il y avait une épidémie en Iowa, ça fermerait l'industrie du Manitoba. Je n'ai pas compris pourquoi.
M. Dickson : Nous vendons directement quelque 2 millions de porcelets sevrés à l'Iowa. Nous en vendons environ 1 million au Minnesota et environ un demi-million aux autres États. S'il y avait une épidémie de fièvre aphteuse en Iowa, par exemple, il y aurait un risque qu'un camion d'une ferme de l'Iowa revenant au Canada transporte la maladie jusqu'au Manitoba. Les États-Unis essaient de mettre sur pied un système en vertu duquel chaque État serait fermé. Je ne sais pas comment ils agiraient en Iowa mais c'est potentiellement ce dont ils discutent.
Nos services vétérinaires et notre industrie se poseraient alors des questions telles que : « Quelle est la qualité du système? L'épidémie est-elle maîtrisée? S'ils n'ont pas de système de traçabilité, qu'allons-nous faire? » Ces camions reviennent chez nous.
Nous avons des cochonnets dans nos élevages. Nous ne pouvons les garder que cinq ou six jours avant de les expédier ailleurs. Il y a chaque semaine des pressions énormes pour les expédier. Si ce n'est pas possible, nous serons obligés d'en faire la destruction de manière humaine, et nous parlons ici de milliers d'animaux.
Nous entrons là dans l'inconnu total. Nous ne savons pas vraiment comment tout ça marcherait.
Nous avons un système en place, ou nous en avions un — il y a actuellement certaines questions de financement — , et, si une maladie apparaissait dans l'Ouest canadien, nous avions la possibilité de fermer le système ou de fermer la barrière à Falcon Lake. Nous pourrions fermer la frontière avec l'Ontario et arrêter l'envoi de camions dans les provinces de l'Est canadien. L'Est du Canada pourrait continuer à faire le commerce de porcs et l'épidémie serait circonscrite à l'Ouest canadien, par exemple, ou vice versa. Toutefois, il y aurait alors un certain nombre de semaines durant lesquelles la situation serait très difficile.
Nous avons déjà vécu cette expérience. Il y a quelques années, dans un abattoir de Hormel à Austin, au Minnesota, le vétérinaire fédéral américain qui inspectait les animaux pensait que certains des animaux venus du Manitoba avaient la fièvre aphteuse et il a donc fermé l'abattoir. C'est arrivé juste avant le Jour du travail aux États-Unis. L'abattoir, tous les camions et tout le matériel ont été immobilisés. Rien ne pouvait bouger. La production a été interrompue pendant trois jours, jusqu'à ce que la situation soit correctement analysée. En fin de compte, on a conclu que c'était une fausse alerte. On avait pensé que c'était la fièvre aphteuse mais ce n'était pas ça.
Quoi qu'il en soit, il y a eu une réaction majeure au Manitoba. Tout le monde était sur des charbons ardents et se demandait ce qu'il fallait faire : « Fermons-nous la frontière ou non? »
Le sénateur Mercer : L'avantage que je vois est que nous avons la frontière entre les États et les provinces. Nous n'avons pas d'autres mécanismes de contrôle, si ce n'est que, si vous allez en voiture sur l'île de Terre-Neuve, ou si vous en partez, vous devez faire laver le dessous de votre véhicule parce qu'il y a eu des problèmes de brûlure de la pomme de terre. C'est pour protéger les agriculteurs de l'Île-du-Prince-Édouard, du Nouveau-Brunswick, et cetera. C'est un problème intéressant.
Vous avez parlé d'assurance-catastrophe. Vous l'avez fait dans le contexte de l'épidémie de fièvre aphteuse en Grande Bretagne.
Une catastrophe serait en fait ce qui arriverait après le niveau d'une crise, si cela devait se produire dans l'Ouest canadien, si nous n'avions pas de système d'assurance qui soit juste et équitable et qui protège tous les agriculteurs, qu'il s'agisse des agriculteurs affectés par la maladie ou de ceux qui sont affectés parce qu'il y a une maladie dans le système. Y a-t-il une solution à ça? Y a-t-il une solution mise en œuvre par l'industrie ou est-ce une solution qui doit être mise en œuvre par l'industrie et le gouvernement? Est-il nécessaire que ce soit le gouvernement et l'industrie?
M. Dickson : Dans une vie antérieure, j'ai travaillé pour le gouvernement provincial, pendant 30 ans. J'ai passé beaucoup de temps à m'occuper de gérer trois grosses inondations. Il existe un système pour indemniser les gens en cas d'inondation. Ce qui m'avait frappé dans l'inondation de 1997, c'est qu'on ne savait pas quelle serait l'indemnisation accordée à beaucoup de gens, ce qui fait qu'ils ont déployé des efforts héroïques pour protéger leurs maisons avec des sacs de sable. Ils avaient aménagé des murs de sacs de sable de 12 pieds de haut autour de leurs maisons et avaient installé des pompes au cas où l'eau aurait quand même franchi les murs. Les gens ne savaient pas à combien monteraient les indemnités mais c'était dangereux.
J'ai toujours pensé que, si l'on sait à l'avance quel sera le montant de l'indemnisation, on travaillera avec les autorités pour gérer le problème. Avec les maladies, par exemple, quelle serait la situation si nous savions que ce n'étaient pas seulement les animaux sur les fermes qui étaient malades mais aussi comment nous indemniserons les producteurs dont les animaux sont détruits pour des raisons humaines? Les abattoirs sont fermés et on ne peut plus expédier les animaux. Sur nos fermes, nous ne pouvons avoir que sept jours de provendes en réserve. Nous pouvons conserver les animaux pendant une semaine à 10 jours avant d'être obligés de commencer à les abattre parce que les porcs deviennent de plus en plus gros et prennent de la place dans la porcherie. Certains d'entre eux devront être abattus.
S'il n'y a pas d'indemnisation, que ferez-vous? Nous ne voulons pas de situations dans lesquelles les agriculteurs amènent des animaux malades, ce qui ne ferait qu'aggraver la situation. Le but doit être de circonscrire la maladie, de la maîtriser et de s'en débarrasser pour remettre les élevages sur pied.
Deuxièmement, s'il y a de l'assurance individuelle, comme pour les récoltes, on encourage les producteurs à mieux gérer leur exploitation du point de vue de la biosécurité et de la gestion des maladies parce qu'il y a un avantage économique à ce faire. À l'heure actuelle, il n'y a strictement rien en place.
Le sénateur Mercer : Très juste. Ma dernière question vise encore à faire mon éducation. Nous sommes tous des néophytes en ce qui concerne la traçabilité. Ce n'est pas une chose que nous faisons depuis 100 ans, c'est quelque chose que nous faisons depuis quelques années. Ayant fait partie de ce comité lors de la crise de l'ESB, je suis surpris de voir que nous n'avons toujours pas trouvé de système parfaitement efficace de traçabilité. J'aimerais vous demander de comparer notre système à celui des Américains car, si je vous ai bien compris tous les deux, le système américain n'est pas meilleur que le nôtre, et il n'est peut-être même pas aussi bon.
M. Fitzgerald : Si l'on parle de traçabilité, depuis une centaine d'années, l'industrie du bœuf a eu un système. C'était le marquage au fer rouge. C'était simplement comme ça que ça fonctionnait, pour que l'éleveur sache que tel ou tel animal lui appartenait. Par contre, il ne savait peut-être pas, dans un troupeau de 300 bœufs, quel était celui qui s'appelait Bob.
Aujourd'hui, nous avons le même genre de système. C'est plus sophistiqué, avec un marquage électronique permettant de reconnaître les animaux individuellement mais, dans un système collectif comme l'élevage de porcs, ça marche mieux si l'animal porte un tatouage qu'il garde toujours. Nous avons un système permettant de fonctionner de cette manière, et les animaux sont transportés ensemble, collectivement. Ils ne sont pas vendus individuellement, un à la fois. On les met tous ensemble dans un camion et on les vend tous ensemble. Ils restent ensemble dans des étables et on les déplace ensemble d'une étable à une autre. C'est simplement la nature de cette activité. C'est de cette manière que les animaux se sentent le mieux.
À mesure qu'on s'éloigne de l'abattoir, je pense que les gens se mettent à penser qu'ils ne savent pas tout au sujet du produit qui circule dans l'établissement et qui se retrouve sur leur étagère mais, dans une grande mesure, tant que la découpe et les choses se font ensemble comme il faut jusqu'à la vente au détail, beaucoup de ces choses-là sont connues si l'on peut remonter jusqu'au jour où les animaux sont entrés dans le système. On trouve beaucoup de choses très rapidement. Ce n'est pas ce système lui-même, sans avoir à aller jusqu'à chaque morceau de viande individuel, qu'il soit étiqueté et tracé. Parfois, on en fait trop.
Les mesures que nous prenons aujourd'hui sont des mesures qui nous rassurent beaucoup, et qui donnent beaucoup confiance dans le système, parce qu'il y a d'autres choses qui sont intégrées là-dedans avec les programmes de certification et le système HACCP dans les abattoirs. Je pense que le public devrait avoir confiance que beaucoup de choses sont satisfaisantes. Ajouter un énorme système complexe à tout cela, on peut fort bien le faire, si le consommateur est prêt à en payer le prix. Sinon, il ne faut pas le faire.
En ce qui concerne notre système, je pense que nous sommes très proches, surtout dans l'industrie porcine. Nous négocions avec l'ACIA pour nous assurer que tout fonctionne bien. Je pense que nous avons gazetté au moins une fois pour avoir une législation au Canada. Nous avons une province comme l'Alberta qui a déjà adopté un règlement et pris des mesures. Nous voulons nous assurer que tout fonctionne bien et c'est ce que nous essayons de mettre sur pied. J'espère que nous aurons en 2014 un système que nous pourrons tous utiliser.
Pour l'avenir, si nous prenons les producteurs comme exemple, nous devrions avoir tous nos producteurs, mais la majorité entre de toute façon dans le système en remplissant des connaissements, dans la plupart des cas par voie électronique. Les grands abattoirs nous donnent cette information sur tous les transports par voie électronique. Cet été, nous envisagerons probablement de faire des vérifications du système pour nous assurer que tout fonctionne bien, et nous demanderons à notre chef vétérinaire provincial d'analyser les informations pour vérifier que tout va bien. Le service vétérinaire de notre province travaille avec l'ACIA pour s'assurer que tout le monde parle à tout le monde et que nous suivons les mêmes règles.
Cela se fait-il aux États-Unis? Je dirais que non. Vont-ils aussi vite que nous? Je dirais encore une fois que non, mais je pense que le système que nous essayons de bâtir actuellement sera vraiment bon. Je reviens sur la question du financement. Si nous avions tout l'argent au monde à notre disposition, nous pourrions probablement demander plus mais, dans le système que nous essayons de mettre sur pied, je pense que le financement qui est demandé est assez raisonnable, et ce qui compte avant tout, c'est le mécanisme d'application. Quelqu'un doit remplir un formulaire papier et introduire les données pour s'assurer que les choses avancent.
Dans l'état actuel de notre industrie, si nous lui demandons d'engager des gens pour faire ça et pour avancer, il faudra décider de renoncer à quelque chose. C'est un problème quand on a des programmes comme celui-là. On a tendance à adopter ce qui est tout nouveau, tout beau mais, quand autre chose arrive, on laisse tomber et on prend du retard sur beaucoup de questions sans progresser du tout.
La sénatrice Buth : Ma question porte moins sur la traçabilité que sur la viabilité de l'industrie. On entend dire que les producteurs canadiens reçoivent les prix les plus bas, que le prix des provendes n'a jamais été aussi élevé, que nous perdons 30 $ par animal, continuellement. Quelle est la viabilité de l'industrie, et pendant combien de temps les producteurs pourront-ils tenir?
M. Fitzgerald : Nous aimerions bien le savoir. On nous paierait beaucoup plus cher si nous avions la réponse. Dans ma déclaration liminaire, j'ai tenté d'aborder la question de la recherche et du développement dans l'industrie. On a tendance à consacrer l'argent aux choses qui sont plus faciles à mettre en boîte et à gérer. C'est le cas de la recherche. C'est aussi le cas des programmes de gestion du risque. Quand nous voulons développer l'industrie et voulons que les choses changent, nous semblons être très hésitants. Nous appelons ça du marketing ou de la publicité si ça ne marche pas immédiatement.
Je pense que nous pouvons tous convenir dans l'industrie que la chaîne de valeur est brisée. Quelqu'un gagne beaucoup d'argent et il y a des gens qui ne gagnent rien du tout, qui tombent dans le trou et qui quittent le secteur. Il faudra bien qu'on trouve un jour dans le système le prix qu'il faudrait payer au producteur. C'est ce que j'aime appeler du commerce équitable. Dans ce contexte, il faut se demander ce que reçoit le producteur, et nous avons un système qui doit être réparé. Nos relations, dans notre pays, doivent changer entre le producteur, l'abattoir et le détaillant, et il faut aussi que le consommateur y trouve sa place d'une manière ou d'une autre. Je fais une analogie avec le sel. Si on vous donne du sel tous les jours, continuellement, vous finissez par aimer le goût du sel puis, si on vous en prive d'un seul coup, vous voyez la différence.
Notre problème est que nous avons utilisé pendant tellement longtemps la viande de porc comme produit d'appel, au détail, qu'il y aura une réaction de tous les consommateurs si on change le prix du jour au lendemain. Ils diront : « Que se passe-t-il avec ces côtelettes? J'aimais bien la viande de porc quand elle ne coûtait rien, ou quand elle coûtait cinq dollars ou je ne sais quoi mais, maintenant, c'est beaucoup trop cher ». On ne voit pas la même chose avec d'autres produits, ce qui fait que ça devient un peu un problème, et nous devons changer lentement cette attitude afin d'obtenir le juste prix de notre produit.
C'est une chose de le vendre pour rien. Si je décide d'acheter un produit et de le donner à quelqu'un, c'est mon choix mais, si je décide que j'ai le pouvoir d'acheter votre produit pour rien et de le donner pour rien, nous allons alors mettre toute une industrie en faillite, et c'est en réalité ce à quoi nous faisons face actuellement avec la chaîne d'approvisionnement, la chaîne de valeur, et c'est ce que nous devons changer. Ce n'est pas tant le problème du gouvernement que le nôtre mais, parfois, nous avons besoin d'un soutien pour faire en sorte que le système fonctionne aussi bien que pour certains des autres problèmes auxquels nous faisons face.
La sénatrice Buth : À quoi ressemble ce soutien?
M. Fitzgerald : Personnellement, en travaillant dans ma propre province et en voyant certaines des choses que nous faisons, ce sont les moments où nous avons... Je prends l'an dernier comme exemple. Avec la sécheresse aux États- Unis, les prix de nos céréales ont soudainement explosé, et nous avons des programmes de gestion du risque qui n'aident pas nos producteurs. On nous demande de faire des réclamations. Nous avons des producteurs qui payent 3 000 $ à 5 000 $ pour demander à des comptables de préparer leur dossier et qui doivent payer des frais pour présenter leur réclamation afin de bénéficier de soutien de la gestion du risque, et ensuite leur demande est rejetée. Non seulement ils ont perdu l'argent, ils viennent juste d'en perdre encore plus pour essayer d'en obtenir, car bon leur avait dit que leur demande serait probablement acceptée s'ils la présentaient, mais elle a été rejetée. C'est un cercle vicieux dont on n'arrive pas à sortir.
Le système en place paiera ensuite quelqu'un d'autre qui fait des profits et qui ne perd qu'une toute petite somme pour pouvoir réclamer. Dans le cas de l'industrie céréalière qui gagne beaucoup d'argent, si le revenu du producteur baisse légèrement mais qu'il y a encore un profit, il peut en fait toucher quelque chose du système alors que, dans un autre secteur, comme celui du porc, qui perd de l'argent parce que les prix des céréales sont tellement élevés et que les prix du produit n'ont pas suivi la même tendance, nos demandes sont rejetées parce que nos marges de référence ne fonctionnent pas tout à fait de la même manière.
C'est un système compliqué, mais il pourrait fort bien ne pas l'être, et c'est là que nous devons envisager de la flexibilité dans l'application des programmes de gestion du risque et du type de choses que nous faisons dans Cultivons l'avenir pour aider tous les producteurs.
Si nous voulons que les producteurs changent et fassent une différence, parce que ce sont aussi des questions de société, nous devons être plus souples dans les programmes, alors que nous ne le sommes parfois pas. Parfois, nous examinons un programme et nous disons que c'est blanc et noir et qu'on ne peut rien y changer alors que nous devrions envisager des nuances de gris pour faire avancer l'industrie. Je sais que ma réponse n'est pas très structurée.
La sénatrice Buth : Considérant vos remarques, j'aimerais savoir si l'industrie a été consultée ou non en ce qui concerne les programmes de gestion du risque qui ont été mis en place?
M. Fitzgerald : Je pense que nous avons tous étés consultés au cours des ans. On nous demande ce que nous pensons qui serait le mieux. Nous fixons des marges et décidons comment les choses vont se passer mais nous n'avons aucun contrôle, comme le disent les producteurs, sur la météo, les marchés étrangers ou les politiques qui payent, et nous avons au Canada et aux États-Unis des politiques qui ont payé d'autres industries pour acheter le produit dont nous avons besoin, ce qui a ensuite permis aux prix des grains de provende de monter.
Si l'on prend l'éthanol comme exemple idéal, aux États-Unis aujourd'hui, je ne sais pas ce que nous ferons s'il y a une autre sécheresse là-bas, avec la quantité de maïs qu'on utilise pour l'éthanol. Le Canada utilise aussi beaucoup de grains de provende, notamment du blé de provende, pour produire de l'éthanol. C'est un concurrent et on prend des produits alimentaires pour les transformer en énergie.
En tant qu'Albertain, c'est un peu pénible de voir ça et de penser qu'il y a beaucoup dans le sous-sol, et qu'on prend des aliments pour produire de l'éthanol.
M. Dickson : Je sais que le tableau est sombre mais il faut être optimiste. Sinon, on peut aussi bien mettre la clé sous la porte. Il faut croire que l'avenir sera meilleur.
Historiquement, l'élevage du porc a été une activité rentable, et il le sera encore. Certes, nous avons de gros problèmes. Nous ne pouvons pas faire en sorte qu'une des pires sécheresses de l'histoire des États-Unis n'ait pas d'incidence au Canada. Ce n'est pas parce qu'il n'y a pas eu de grave sécheresse dans l'Ouest canadien que nous n'avons pas subi les effets de la sécheresse américaine. Vous ne pouvez pas retirer 4 milliards de boisseaux de maïs du marché sans que cela ait un impact sur le prix des grains de provende.
En fait, ce qui est étonnant au Manitoba, c'est que l'orge est devenue une culture spécialisée. Le canola, que le sénateur connaît très bien, est probablement notre principale culture dans la province actuellement, et c'est bon pour le producteur céréalier.
Nous allons sortir de cette passe difficile. Les Américains sont sur le point de planter la plus grosse quantité de maïs de leur histoire, probablement, et nous pouvons espérer que leur production retrouvera le niveau de 14 milliards de boisseaux.
Ce qui se passe actuellement, c'est que l'industrie fait face à une crise financière. Nous avons essentiellement une crise de liquidités. Nous avons conçu une ébauche de plan, au Manitoba, mais le gouvernement provincial nous a tourné le dos car je ne pense pas qu'il saisisse bien le problème. Le problème est le manque d'argent liquide. Nous n'avons pas assez d'argent pour acheter des grains de provende, pour acheter des cochons et pour payer leur personnel. On commence à manquer d'argent liquide. Les éleveurs ont déjà emprunté jusqu'à leur limite. Quand ils vont à la banque pour convertir leurs actifs actuels en prêts d'exploitation, ils sont essentiellement obligés de convertir certains de leurs prêts d'exploitation en prêts à terme. Le problème des prêts à terme est qu'on doit fournir une garantie. Si vous avez des rentrées de fonds négatives pendant plus d'un an, vos actifs ne valent rien car c'est fondé sur la valeur actuelle nette des actifs, ce qui pose un dilemme aux établissements financiers. Doivent-ils accorder plus de crédit sous forme de prêts à terme plutôt que de prêts d'exploitation?
Voilà le problème qu'il faut résoudre. Nous parlons d'une industrie dont les cycles sont quinquennaux. Nous n'avons pas mis en place de systèmes financiers adaptés à une industrie comme la nôtre. Ce n'est pas adéquat. Nous avons besoin de mécanismes différents.
Deuxièmement, nous avions un filet de sécurité avec le programme Agri-stabilité. Je me souviens fort bien d'être allé à une réunion à l'Assemblée législative du Manitoba où j'ai eu l'occasion d'écouter pendant près de deux heures le ministre provincial nous demander notre opinion du programme Agri-stabilité avant d'aller à une grosse réunion avec le gouvernement fédéral. Nous lui avons dit : « N'abandonnez pas le programme Agri-stabilité. » Devinez ce qui s'est passé : ils l'ont ramené de 85 p. 100 à 70 p. 100. C'était vraiment gentil. C'était probablement très bon pour l'industrie céréalière et pour toutes les autres mais c'était un très gros changement pour un programme dont nous avions besoin. Qu'allons-nous faire maintenant? Nous n'avons pas de filet de sécurité.
Nous allons nous sortir de cette mauvaise passe, d'une manière ou d'une autre, mais ce sera une industrie différente dans un an. Aujourd'hui, la tendance est d'exporter de plus en plus. Nous avons exporté de plus en plus de nos produits. Nos éleveurs estiment que si le client japonais est prêt à payer plus cher notre viande de porc que le consommateur d'Ottawa, nous allons l'expédier à la consommatrice japonaise ou au consommateur chinois de Hong Kong ou aux États-Unis. Nous expédions en fait beaucoup de viande de porc aux États-Unis. Je suis allé à Des Moines en Iowa où j'ai vu dans un supermarché un petit jambon marqué « Brandon, Manitoba ». L'Iowa produit 32 millions de porcs par an, plus que tout le Canada.
Nous allons nous en sortir mais nous avons besoin de l'aide du gouvernement pour franchir cette passe difficile.
La sénatrice Merchant : J'hésite à poser ma première question. Je ne veux faire perdre de temps à personne mais j'aimerais savoir si la viande de porc est une viande rouge, biologiquement? Est-elle classifiée de la même manière? Certaines personnes se posent la question.
M. Fitzgerald : Je pense que la confusion vient de la campagne de marketing des États-Unis où l'on disait « Le porc, l'autre viande blanche ». Je pense que les gens se sont mis à penser que c'était une manière brillante de le commercialiser en n'en parlant plus comme d'une viande rouge mais c'est en fait une viande rouge.
La sénatrice Merchant : Monsieur Dickson, vous avez dit quelque chose au sujet de l'étiquetage au supermarché en disant qu'il est parfois difficile d'indiquer que quelque chose est canadien. Je pense que vous avez dit cela. Avez-vous besoin d'une assistance législative pour qu'il vous soit plus facile de commercialiser un produit canadien au Canada?
M. Dickson : Il faut faire attention, ici. Nous venons tout juste de gagner une cause très importante devant l'Organisation mondiale du commerce au sujet de l'étiquetage du pays d'origine.
Il y a un programme volontaire au Canada et notre industrie a en fait fourni à divers supermarchés des étiquettes portant la mention « Produit du Canada ». Ces étiquettes sont apposées sur les produits que le supermarché sait provenir du Canada. Cette approche nous plaît. Ça marche bien.
Nous aimerions que la loi et les règlements soient resserrés afin que les produits américains vendus au Canada soient correctement identifiés, tout comme les nôtres sont soigneusement identifiés aux États-Unis. Les étiquettes dont je parle existent depuis plus de 20 ou 30 ans. Autrement dit, si le produit arrive déjà conditionné, comme des côtelettes arrivant des États-Unis en petits paquets de deux, prêtes à être vendues au détail — après avoir été découpées et emballées aux États-Unis — , l'étiquette devrait dire « Produit des États-Unis », tout comme lorsque nous expédions nos produits aux États-Unis. Tout ce que nous demandons, c'est que les pouvoirs publics s'en assurent.
À l'heure actuelle, on peut faire venir de très grosses quantités de côtelettes de porc. Si on les sort toutes de l'emballage, et même si celui-ci portait la mention « Produit des États-Unis », afin de les reconditionner dans des petits paquets, on n'est pas obligé d'inscrire cette mention sur ces paquets. Voilà le problème. Il y a certains détaillants qui importent de grosses quantités de produit américain. Parfois, l'étiquetage est satisfaisant, mais pas toujours.
La sénatrice Merchant : La traçabilité devrait-elle être obligatoire comme au Japon ou en Australie? Sinon, nous devrons décider que cela risque de causer des problèmes à l'avenir, si nous ne rendons pas ça obligatoire. C'est le degré de risque que nous devons être prêts à accepter.
M. Fitzgerald : Je pense que les producteurs ont accepté le fait que nous voulons la traçabilité. Nous sommes prêts à l'accepter et à aller de l'avant. Notre gros problème en ce moment est de trouver les fonds pour démarrer. Nous verrons bien comment les choses évoluent. Tous les producteurs voudraient laisser faire pendant au moins une génération afin qu'on puisse avoir le financement en place, et nous en avons eu une petite partie pour avancer et nous assurer que nous sommes capables de faire le suivi et de réunir les données et d'assurer la sécurité des informations de la bonne manière pour répondre aux besoins de l'ACIA ainsi que des vétérinaires provinciaux.
Pour ce qui est de rendre cela obligatoire, je pense que le processus est en cours. Ça l'est en Alberta. C'est obligatoire. On est obligé de remplir des formulaires et de s'assurer que le système est en place. À l'échelle nationale, tout avance dans le système actuellement. Comme nous l'avons dit, il serait fort bien que cela puisse être fait d'ici à 2014 et que nous puissions aller de l'avant, mais le gros problème est de savoir si l'on pourrait adopter une législation sans le financement, et maintenant nous avons créé ce problème où les producteurs sont un peu mécontents, c'est le moins qu'on puisse dire. Ils constatent qu'ils vont devoir payer pour ça. Nous allons devoir déterminer d'une manière ou d'une autre, comme l'a dit M. Dickson, si c'est dans l'intérêt du public ou dans l'intérêt de l'industrie. Je pense qu'il y a là un juste équilibre à trouver pour aller de l'avant, mais nous avançons maintenant vers un système obligatoire, dès qu'il y aura une loi.
La sénatrice Merchant : Y a-t-il un mouvement politique quelconque pour avancer vers un système de type génome ADN? Je sais que vous avez dit que ça coûte très cher. Où en sont les choses à cet égard?
M. Fitzgerald : Si l'on examine ce que nous avons aujourd'hui, le système sur lequel nous travaillons sera un bon système. C'est comme si tout le monde avait une BMW ou une Mercedes. Il y a de bonnes automobiles qui ne coûtent pas aussi cher. Si nous voulons que tout le monde ait ce qu'il y a de mieux, nous éliminerons la possibilité que le marché en assume le coût et le mette en place. Je pense que si nous maintenons le cap, nous donnons la possibilité aux différents groupes et aux différentes organisations de collaborer pour déterminer ce que seraient les coûts et pour les intégrer dans le coût de leurs produits. À terme, vous passez d'une place à une autre dans une suite logique, et vous faites des améliorations et vous avancez, mais vous donnez cette possibilité d'innovation à ceux qui peuvent mettre ça sur le marché aussi.
[Français]
Le sénateur Dagenais : Ma question s'adresse aux deux invités que je remercie pour leur témoignage. Ce qui m'inquiète relativement au domaine de la production du porc, c'est toujours l'éclosion d'une maladie; vous en avez parlé. Évidemment, l'éclosion d'une maladie présente un danger pour les consommateurs, mais souvent, la cause du danger provient du délai d'avis pour aviser les gens qu'il y a éclosion d'une maladie.
Avez-vous prévu quelque chose pour raccourcir les délais? On sait qu'il s'est passé quelque chose et on ne veut pas nommer la compagnie — Maple Leaf —, mais à un moment donné, entre le moment d'aviser le consommateur et l'éclosion de la maladie, a-t-on pensé à une solution pour raccourcir le délai d'avis des consommateurs? Parce que cela nuit aussi à la production et vous connaissez les conséquences qui s'ensuivent.
[Traduction]
M. Fitzgerald : Je pense que nous avons eu quelques bons exemples, et les problèmes de maladie ne sont pas les mêmes pour toutes les viandes. Je parle uniquement du porc. Si l'on analyse beaucoup des problèmes dont nous parlons au sujet du suivi des maladies, bon nombre sont d'ordre économique. Ce sont des maladies économiques. Ce ne sont pas tellement des questions de santé publique, bien que cela puisse arriver, mais surtout des questions d'ordre économique. Ainsi, la fièvre aphteuse pose un problème économique. Nous avons l'avantage de ne pas l'avoir sur notre territoire. Elle deviendrait un obstacle économique qui nous empêcherait d'exporter notre produit, ce qui fait que nous voudrions l'éradiquer très rapidement. Dans le système que nous avons aujourd'hui, nous avons vu il y a environ deux ans que les vétérinaires de l'ACIA soupçonnaient la présence d'une maladie dans un abattoir de l'Alberta. L'abattoir a arrêté toutes ses activités, tout a été fermé et tout mouvement a été interdit. On a effectué des tests et on a constaté que c'était une fausse alerte. Les activités ont pu reprendre.
Je pense que le plus gros problème, dans ces circonstances, est de s'assurer que les procédures des organismes de réglementation qui déterminent comment on ferme un abattoir et comment on autorise le transport des animaux fonctionnent bien avec l'industrie. Dans cette situation de l'Alberta, avec l'abattoir de Olymel, elles n'ont pas très bien fonctionné et cela a coûté des centaines de milliers de dollars à l'industrie. C'est Olymel qui en a assumé la plus grande partie. Dans la plupart des cas, Dieu merci, ce n'est pas le producteur qui est pénalisé financièrement mais d'autres organismes. Cela nous ramène à ce que disait M. Dickson sur l'indemnisation. S'il y a une maladie, le système paye des indemnités. S'il n'y en a pas, il n'y a pas d'indemnités. Si l'on a fait une erreur en pensant qu'il y en avait, il n'y a pas d'indemnités non plus. Il n'y a d'indemnités que si la présence d'une maladie est confirmée.
À l'heure actuelle, avec le système de traçabilité de l'industrie porcine, nous avons beaucoup d'inspecteurs, ce qui est une bonne chose. Le Canada jouit d'une très bonne réputation du point de vue de la qualité des inspections de l'ACIA. Si nous pouvons collaborer avec l'industrie et maintenir cette situation, je pense que nous pourrons éviter beaucoup de problèmes. Considérant la nature de notre système de traçabilité et la manière dont nous envoyons les animaux à l'abattoir, nous avons un taux de roulement rapide et le problème qui s'est posé à Red Deer il y a deux ans nous a montré que cela peut se faire rapidement. On a alors agi très vite.
M. Dickson : Il faut bien veiller à ne pas confondre les problèmes de salubrité des aliments avec la gestion des maladies. Il y a dans les élevages des maladies de production qui n'ont strictement aucune incidence sur la santé publique, qui ne représentent aucune menace pour l'être humain. Par exemple, certaines des maladies H1N1 affectent les poumons, entre autres, mais l'être humain ne mange pas les poumons, il mange des côtelettes de porc et des rôtis. On ne peut donc pas attraper ces maladies de cette manière. La question devient alors de savoir comment communiquer l'information au grand public, et il faut le faire avec prudence. Je pense qu'il y a certaines idées fausses sur la manière dont les animaux sont traités et sur le fait qu'ils ne souffrent pas beaucoup, mais il y a un potentiel d'impact humain. Il faut faire attention. Dans bien des cas, le problème vient plus des humains qui entrent en contact avec les animaux. Avec toutes ces histoires, il ne faut pas oublier que nous vivons à une époque où la nouvelle est instantanée. Des enfants tombent malade au Mexique, il y a une porcherie pas très loin, quelqu'un parle de grippe porcine et, soudainement, les porcs sont une menace grave à la santé publique. Nous devons tous faire très attention à la manière dont ces histoires sont diffusées.
La sénatrice Callbeck : Merci à tous les deux de vos témoignages. Je viens de l'Île-du-Prince-Édouard où nos producteurs de porcs ont traversé une passe très difficile. Au cours des deux dernières années, leur nombre a baissé de 50 p. 100, et peut-être même de 70 p. 100.
Monsieur Dickson, vous avez parlé de la santé des troupeaux en disant que le Canada est probablement en tête de liste à ce chapitre. Je crois c'est aussi le cas de ma province. Lorsque les animaux arrivent à l'Île-du-Prince-Édouard, si je ne me trompe pas, ils doivent être inspectés et être en bonne santé. Est-ce la même chose dans les autres provinces?
M. Fitzgerald : Je ne sais pas.
La sénatrice Callbeck : C'est ce que je pense.
M. Fitzgerald : Tout dépend de l'origine des animaux, surtout s'ils arrivent de l'extérieur du Canada, manifestement.
Le Manitoba et l'Alberta expédient des animaux dans les Prairies. En ce qui concerne l'industrie porcine, les animaux sont transportés de manière très efficiente de l'Alberta au Manitoba, et parfois aussi du Manitoba à l'Alberta. Les camions se croisent sur les routes. Nous faisons la même chose en Colombie-Britannique. Nous avons là-bas des abattoirs qui transforment des porcs provenant presque à 100 p. 100 de l'Alberta. Ils peuvent apprécier les beaux paysages des montagnes Rocheuses lorsqu'ils quittent l'Alberta pour être vendus. Je ne sais pas quelle est la situation pour l'Île-du-Prince-Édouard. C'est peut-être un peu différent.
La sénatrice Callbeck : PorcTracé est un programme volontaire, n'est-ce pas?
M. Fitzgerald : Exactement.
La sénatrice Callbeck : Lorsque le nouveau règlement a été présenté, en juillet dernier, je crois qu'on avait 30 jours pour faire des commentaires. Avec ce règlement, cela deviendra-t-il obligatoire?
M. Fitzgerald : Oui, c'est ce qui est prévu.
La sénatrice Callbeck : L'un ou l'autre d'entre vous a-t-il eu des problèmes avec ce règlement? Avez-vous fait des commentaires?
M. Fitzgerald : L'un des plus gros problèmes que nous ayons eus, et on verra bien comment la chose évolue, est que l'Alberta possède actuellement un processus. Nous demandons aux producteurs de remplir le connaissement. Cela peut se faire sur papier ou électroniquement mais il faut que ce soit le même format pour que ce soit toujours standardisé. Le connaissement doit accompagner les animaux. Qu'il soit électronique ou non, un document papier doit se trouver dans le camion qui transporte les animaux, quelle que soit leur destination. À la destination finale, le document papier ou le reçu électronique doit être renvoyé à l'organisme qui recueille les données. Nous demandons que ce soit le destinataire final qui renvoie l'information. Nous ne voulons pas que ce soit le producteur ou qui que ce soit d'autre qui le fasse car nous pourrions alors nous retrouver avec toutes sortes de données dans le système et il pourrait y avoir confusion.
Nous demandons que tout le monde ait l'information afin qu'on puisse la trouver en cas de vérification. Il y a d'autres manières de voir l'information : les vétérinaires provinciaux font des inspections pour vérifier les chiffres et le système de redevances, bien que nous ne souhaitions dire à personne que nous utilisons les deux pour les mettre en correspondance. On doit avoir le moyen de vérifier le système pour s'assurer que c'est le nombre exact d'animaux qui passent dans le système et qu'on le retrouve sur un connaissement ou dans le système de traçabilité. Cela se fait dans le système actuel. Ce sera obligatoire, comme ça l'est maintenant en Alberta. Idéalement, quand le projet de loi sera adopté, ça s'appliquera à tout le monde au palier national.
La sénatrice Callbeck : Ça dépendra de la province. Chaque province décidera si elle veut adopter cette initiative.
M. Fitzgerald : Nous sommes au point où c'est une question de portée nationale. Tout le secteur a décidé d'aller de l'avant à ce sujet. J'espère que nous aurons gain de cause pour les problèmes individuels dont nous avons parlé et qui ne sont pas insurmontables. Il n'y a que quelques problèmes que nous souhaitons régler. Pour nous, il s'agissait de nous assurer que, si nous n'avons pas de numéro unique sur un bout de papier qui va d'ici à là, on ne pourra pas faire concorder le bout de papier que l'individu envoie avec cet animal. Nous devons nous assurer que le système ne sera pas trop bureaucratique, qu'il fonctionnera de manière harmonieuse et que les gens n'auront pas le sentiment qu'on leur en demande trop. Si ça peut rester simple, les gens seront plus disposés à remplir les formulaires et à s'en servir. Si ça ne marche pas, on peut toujours changer la législation, je pense.
La sénatrice Callbeck : On n'a pas encore décidé qui va payer pour ça.
M. Fitzgerald : C'est exact.
[Français]
Le sénateur Rivard : Messieurs, merci de votre présence. Je ne sais pas si vous en avez eu connaissance, mais, dans le journal La Presse de samedi dernier il y avait un article de trois pages dont le titre était « Le succès de la production porcine », et, en grosses lettres, « sans subvention au Danemark ».
On nous y indiquait que le Danemark exporte 90 p. 100 de sa production. C'est le deuxième plus gros exportateur au monde, le premier étant les États-Unis. Jusque-là, je peux admettre que le Danemark est un pays beaucoup plus petit que le Canada, donc le niveau de production doit être plus faible; donc, 90 p. 100 d'un certain montant, c'est peut-être plus important pour nous en chiffres absolus.
Ce qui m'a quand même surpris dans l'article, outre le fait qu'il n'y a pas de subvention à l'industrie porcine, c'est qu'on indiquait qu'une truie du Danemark produisait 28,1 porcelets sevrés par année, alors qu'une truie au Canada ne produit que 22 porcelets sevrés par année, ce qui signifie une différence de 37 p. 100. Comment peut-on expliquer ça? Je suis persuadé que ça n'a pas rapport avec les subventions. Est-ce que ce sont les conditions d'élevage, la nourriture qu'on leur donne? Qu'est-ce qui explique un si grand écart entre la fécondité d'une truie au Danemark et celle d'une truie au Canada?
[Traduction]
M. Dickson : Le Danemark est un merveilleux modèle. Il a un secteur très intégré qui est dominé par un certain nombre d'acteurs clés. Il y a au Danemark des coopératives depuis une centaine d'années. Il n'y a qu'un seul pays et pas de provinces. Il approvisionne essentiellement l'Union européenne, qui est juste de l'autre côté de la frontière en Allemagne. Il fournit beaucoup de porcelets sevrés à l'Allemagne. Son industrie n'est pas aussi heureuse qu'elle voudrait l'être. Notre industrie étudie attentivement le Danemark. Nous avons toutes sortes de rapports sur les Danois et sur leur industrie. Il y a certains éléments que nous pouvons adapter à notre système nord-américain de production porcine, mais d'autres que nous ne pouvons pas.
Au Manitoba, et je ne sais pas ce qu'il en est dans les autres provinces, nos truies sont très productives. Nous obtenons en moyenne 25 porcelets sevrés par truie chaque année. Nous avons pour objectif d'atteindre la trentaine. Il y a au Dakota du Sud des élevages où la moyenne est de 30 porcelets sevrés par truie, et c'est le nouvel objectif de notre industrie. Cela rend notre secteur compétitif avec l'Iowa, sur le plan des coûts, pour environ 40 p. 100 à 50 p. 100 de notre industrie. L'Iowa possède le système de production porcine le plus compétitif au monde. Après la décantation des cinq dernières années, notre industrie espère que sa moyenne sera probablement beaucoup plus élevée.
Sur le plan de la transformation, Danish Crown et d'autres entreprises ont fait un travail extraordinaire. Nous connaissons les technologies et ils ne font rien que nous n'ayons pas vu ou que nous ne faisions pas au Canada. Nous allons continuer à surveiller notre concurrence. Nous avons l'intention de battre les Danois sur le marché mondial.
Le président : C'est ça la méthode canadienne.
M. Fitzgerald : Il y a un autre aspect à prendre en considération. Nous vous donnons des chiffres quand nous parlons de la situation de notre industrie et des marges négatives actuelles. Nous parlons d'un cochon. C'est juste pour donner à tout le monde l'idée qu'on a un cochon, qu'on peut le voir. Toutefois, nous sommes payés en fonction du nombre de kilos que nous vendons. Si je produis 28 porcelets et que je gagne moins d'argent qu'en en produisant 20, est-il plus intelligent d'en élever 20 que 28? La réalité que nous devons comprendre est qu'un producteur produit des kilogrammes de viande de porc. C'est comme ça qu'il est rémunéré. Si je peux obtenir plus en produisant moins, c'est plus intelligent.
Aujourd'hui, quand nous produisons 28 ou 30 porcs et que nous perdons 30 $ par porc, il serait peut-être plus intelligent de n'en produire que 15. Je ne dis pas que c'est ce qu'il faut faire mais il faut tenir compte des chiffres réels et de ce que ça rapporte.
[Français]
Le sénateur Rivard : J'aurais un commentaire pour finir sur cette question. Je n'ai pas l'impression que l'article de La Presse ait été repris dans les médias anglophones, mais je vous inviterai à en prendre connaissance et, même, à nous envoyer vos commentaires, car ce ne serait pas la première fois qu'un journaliste se trompe.
J'ai trouvé cet article choquant, surtout la productivité et le fait qu'ils n'ont pas de subvention comparativement à nous.
Monsieur le président, je vous fournirai l'article et j'aimerais recevoir les commentaires de notre témoin pour voir si les faits énoncés sont véridiques ou non.
Le président : Merci pour votre commentaire.
[Traduction]
Le sénateur Duffy : Merci d'être venus témoigner ce soir. Vous nous avez fait une présentation fascinante d'une partie importante de notre économie agricole.
M. Dickson disait tout à l'heure que nous étions sur l'arête du Grand Canyon. Je crains que les Canadiens qui suivent cette séance à la télévision pensent — et connaissant l'histoire du porc... Il a fallu beaucoup de temps pour que la viande de porc occupe la même place que les autres sur les étagères et sur le marché de la consommation. Avec l'aide du gouvernement, l'industrie a fait un grand et bel effort de marketing. Je pense que la viande de porc est aujourd'hui beaucoup plus populaire qu'elle ne l'a jamais été auprès des consommateurs canadiens.
Pourriez-vous en quelques instants nous exposer l'aspect positif de cette histoire, l'aspect de la sécurité, et le fait que la valeur que reçoit le consommateur pour son argent est tout à fait remarquable?
M. Fitzgerald : Je vais commencer, si vous me le permettez. Merci, sénateur. C'est une excellente question. Je pense que de plus en plus de gens achètent du porc. Le monde repose sur le porc comme protéine. C'est la source de protéine la plus consommée sur la planète. Pourtant, nous l'avons presque oublié dans notre pays, sauf peut-être au Québec qui a fait un excellent travail de maintien de la possibilité de cuire, de promouvoir le produit, de le célébrer dans les restaurants et de l'utiliser comme aliment.
S'il faut en rendre le crédit à qui que ce soit, ce doit être au Food Network. Les chefs sont les nouveaux super héros. Ce sont les nouvelles superstars. Les gens regardent et se disent que l'alimentation est une bonne chose, passionnelle. En Alberta, nous avons lancé une campagne appelée Passion for Pork. Elle est basée sur la passion pour l'alimentation et la famille, pour s'asseoir ensemble et apprécier. J'ai vu beaucoup de communications faites par des médecins et par des gens qui parlent des valeurs familiales et des choses qui marchent. Il y a des études montrant que les familles qui prennent les repas ensemble ont tendance à mieux communiquer, et que les enfants ont tendance à être mieux éduqués. Il y a toutes sortes de choses qui résultent de ça. Être ensemble, prendre des repas, comprendre d'où viennent les aliments.
Sur le plan nutritif, l'industrie alimentaire a la responsabilité de faire savoir que la valeur nutritive de la viande de porc est incomparable.
Le sénateur Duffy : Elle est vraiment très saine pour le cœur.
M. Fitzgerald : Absolument. Merci de le dire. On nous compare souvent au poulet. Je ne veux rien enlever au poulet mais on dit souvent que c'est une viande plus maigre et plus saine. Toutefois, tout dépend du morceau considéré. Le porc peut être tout aussi sain, et parfois même plus maigre.
Le plus gros facteur pour la viande de porc, aujourd'hui, c'est que les gens commencent peut-être à retourner là où étaient nos grands-parents, qui connaissaient la valeur de la viande de porc et savaient qu'elle est tellement polyvalente. On peut s'en servir de nombreuses manières différentes. Nous disons souvent que le porc est délicieux du groin jusqu'à la queue.
Le sénateur Duffy : Monsieur Dickson, tous nos témoins ont parlé de la salubrité des aliments. Quelle est votre opinion de la salubrité de notre système alimentaire par rapport à ceux d'autres pays, quand vous parlez aux consommateurs qui vont aller faire leur épicerie pour le reste de la semaine?
M. Dickson : J'ai voyagé dans beaucoup de pays et je dois vous dire que le système alimentaire canadien est probablement le meilleur au monde. La variété et la qualité des produits, les prix, le caractère abordable de nos aliments dans nos supermarchés et la sécurité sont phénoménaux. Nous sommes des chefs de file mondiaux dans ce domaine. Les gens qui viennent chez nous n'en reviennent pas de ce qu'ils voient. Regardez les taux de morbidité et de mortalité. Ils sont phénoménaux. On ne tombe plus malade à cause de l'alimentation comme il y a 50 ou 60 ans. La situation a complètement changé. Les inspecteurs de la santé publique pourront vous le confirmer.
Certes, la manière dont nous produisons l'alimentation est devenue plus « industrialisée », si je peux dire, mais voyez la gamme des produits que nous consommons aujourd'hui. On ne trouvait autrefois du prosciutto qu'en Europe. Aujourd'hui, on en trouve dans les supermarchés de Winnipeg. Je n'irai pas jusqu'à dire que Winnipeg est le centre épicurien de l'univers au même titre que Paris, Berlin ou Londres, mais je peux aller dans un supermarché et y trouver des produits du monde entier en sachant que les membres de ma famille pourront les consommer en toute sécurité et bien manger. En fait, nous mangeons probablement trop.
Du côté des importations, il y a un problème. Autrefois, on mettait une côtelette de porc dans la poêle, on la cuisait et elle était bonne. Ce que nous avons fait pour répondre à la demande des consommateurs, mais les gens l'oublient souvent, c'est que nous avons enlevé le plus possible de gras de la viande de porc. De fait, elle est probablement trop maigre aujourd'hui. Elle a probablement perdu un peu de goût parce que c'est le gras dans le tissu musculaire qui donne le goût. Aujourd'hui, nous nous demandons comment réintroduire un peu plus de gras dans la côtelette de porc, dans le rôti, dans le porc effiloché, et cetera, pour en relever un peu le goût. À mon avis, si vous voulez bien manger, et je sais que je ne suis pas totalement objectif à ce sujet, allez acheter du porc.
Le sénateur Mercer : C'était un message publicitaire au nom des producteurs de porc.
Le président : Les industries porcines du Manitoba et de l'Alberta ont fait un excellent travail. Nous vous remercions d'être venus partager vos commentaires et votre vision avec le Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts.
Sur ce, honorables sénateurs, la séance est levée.
(La séance est levée.)