Délibérations du Comité sénatorial permanent de
l'Agriculture et des forêts
Fascicule 33, Témoignages du 23 avril 2013
OTTAWA, le mardi 23 avril 2013
Le Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts se réunit aujourd'hui, à 18 h 3, pour examiner, pour en faire rapport, les efforts de recherche et d'innovation dans le secteur agricole (sujet : traçabilité).
Le sénateur Percy Mockler (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Honorables sénateurs, j'aimerais vous souhaiter la bienvenue à cette séance du Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts.
[Français]
Merci à nos témoins d'avoir accepté notre invitation.
Mon nom est Percy Mockler, sénateur du Nouveau-Brunswick et président du comité.
[Traduction]
J'aimerais que les sénateurs se présentent avant que nous ne présentions nos témoins.
La sénatrice Callbeck : Catherine Callbeck, Île-du-Prince-Édouard.
La sénatrice Merchant : Pana Merchant, de Regina en Saskatchewan.
La sénatrice Hubley : Elizabeth Hubley, de l'Île-du-Prince-Édouard.
La sénatrice Buth : JoAnne Buth, du Manitoba.
La sénatrice Eaton : Nicky Eaton, de l'Ontario.
Le sénateur Duffy : Mike Duffy, de l'Île-du-Prince-Édouard.
[Français]
Le sénateur Maltais : Ghislain Maltais, Québec.
Le sénateur Rivard : Michel Rivard, Les Laurentides, Québec.
Le président : Et immédiatement à ma gauche, la sénatrice Tardif, leader adjoint de l'opposition au Sénat.
La sénatrice Tardif : Claudette Tardif, de l'Alberta.
Le président : Le comité poursuit son étude sur les efforts de recherche et d'innovation dans le secteur agricole.
[Traduction]
L'ordre de renvoi du Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts tel qu'autorisé par le Sénat du Canada, est d'examiner les efforts de recherche et de développement dans le but premier de développer de nouveaux marchés au pays et à l'étranger, de renforcer le développement durable en agriculture et d'améliorer la diversité et la salubrité des aliments et leur traçabilité.
Nous souhaitons aujourd'hui la bienvenue à Agri-Traçabilité Québec.
[Français]
Nos témoins sont Mme Marie-Christine Talbot, directrice générale, et Mme Lyne Ravary, coordonnatrice, direction du développement et automatisation.
[Traduction]
Merci d'avoir accepté notre invitation à comparaître devant notre comité sénatorial.
[Français]
Je vous demanderai de faire votre présentation, qui sera suivie d'une période de questions par les sénateurs et sénatrices. Le greffier me signale que nous allons commencer par Mme Talbot, suivie de Mme Ravary. Je vous cède la parole.
Marie-Christine Talbot, directrice générale, Agri-Traçabilité Québec : Mme Ravary complètera au besoin. Tout d'abord, merci de votre invitation. Il nous fait plaisir de participer aux travaux de votre comité et de présenter, entre autres, Agri-Traçabilité Québec. Il y a une dizaine de jours, nous avons envoyé un document; je pense que vous l'avez reçu. L'idée, au cours de ma présentation, sera surtout de le survoler pour laisser plus de place aux questions.
Après une courte introduction je vais vous présenter ATQ et les enjeux que nous considérons importants dans le domaine de la traçabilité.
En guise d'introduction, il paraît probable que plusieurs personnes venues témoigner ici avant nous vous ont parlé des nombreuses crises majeures survenues dans le domaine de l'agriculture depuis une décennie. On peut être porté à croire, raisonnablement, que le nombre de ce type de crises ne diminuera pas dans le temps.
Pour n'en citer qu'une, en 2003, la crise de la vache folle avait engendré des pertes économiques de l'ordre de 7 milliards de dollars pour l'industrie canadienne. Ces incidents ont des impacts économiques importants pour les compagnies, mais surtout fragilisent la confiance des consommateurs vis-à-vis des aliments qu'ils consomment. L'objectif premier d'un système de traçabilité, de la ferme jusqu'au consommateur, est d'assurer une surveillance sanitaire afin de protéger la santé humaine d'une part, et la santé des animaux d'autre part. Un système d'identification et de traçabilité ne constitue pas en soi une mesure pour prévenir les maladies animales exotiques, ni les crises liées à la salubrité. Il s'agit plutôt d'un outil qui permet d'atténuer les impacts.
C'est dans la foulée de ces crises, survenues au cours des années 2000, qu'ATQ a vu le jour.
En 2001, au cours du Forum sur l'agriculture et l'agroalimentaire québécois, les représentants du gouvernement du Québec et de l'industrie ont convenu de développer et mettre en œuvre un système d'identification permanente et de traçabilité. C'est à ce moment qu'Agri-Traçabilité Québec a été créé. C'est un organisme autonome sans but lucratif. La mission d'ATQ est de développer, mettre en œuvre et opérer un système d'identification permanente de traçabilité des produits agricoles, et ce, tant du règne animal que végétal, afin de contribuer à l'amélioration de la salubrité alimentaire et à la capacité concurrentielle des producteurs agricoles.
Le système québécois de traçabilité repose sur la réglementation du Québec sur l'identification et la traçabilité de certains animaux; on appelle cette réglementation la P42. Essentiellement, la traçabilité qu'on fait au Québec est complète. Autrement dit, elle repose sur les trois piliers que sont : l'identification des animaux, l'identification des sites et les mouvements. Cette réglementation porte sur trois secteurs de production : le bovin, l'ovin et les cervidés.
Les particularités du système québécois sont la double identification de l'animal à partir de boucles RFID. Je vous ai amené des modèles et je vous dirai en quoi nous avons tenté de les faire évoluer au plan de l'innovation technologique. Nous avons de plus une base de données multisectorielle, multi-espèces. La traçabilité, avant toute chose, c'est une base de données. On y enregistre la déclaration des mouvements des animaux.
Nous avons au Québec une traçabilité complète, de la naissance de l'animal jusqu'à l'abattoir. À cet effet, on a différents intervenants stratégiques dans la filière. Les producteurs agricoles doivent déclarer la naissance de l'animal. Au cours de leur vie les animaux se déplacent et passent par des encans et des abattoirs. Au Québec, la majorité sinon la totalité sont entièrement automatisés, c'est ce qui leur permet, dans leurs opérations courantes, d'envoyer l'information à ATQ en temps réel, dans notre base de données. C'est un facteur très important, on pourra y revenir au moment de la période de question.
Nous avons développé un système, et c'est très important également, simple et efficace, basé sur des échanges d'informations à prédominance électronique. Donc, quand on parle d'automatisation, pour nous il s'agit d'échanges électroniques. Nous essayons de minimiser les transferts multiples; autrement dit, pour un producteur assuré, par exemple, auprès des assurances agricoles ou qui fonctionne avec une agence de vente, nous veillons à faire en sorte qu'il fasse une déclaration à un seul endroit pour minimiser la paperasse, car nous savons que ce n'est pas quelque chose qui nécessairement l'intéresse de prime abord.
Dans notre base de données, nous enregistrons annuellement 4,5 millions d'événements liés aux mouvements, et nous avons 19 000 producteurs inscrits dans les secteurs de production que je vous ai mentionnés.
Les réalisations d'ATQ au Québec : au-delà de la gestion de la base de données, nous travaillons beaucoup avec différents groupes, à mener des projets pilotes, des projets d'étude. Nous en avons mené une vingtaine au fil des années, dont ceux que nous avons cités ici, à savoir dans le secteur des œufs de consommation, où nous avons testé des équipements pour la codification des œufs et conduit des essais terrain avec des producteurs.
En 2010, nous avons travaillé à évaluer les identifiants et des méthodes de marquage du homard vivant.
Ensuite, en ce qui concerne la filière végétale, on fait des projets pilotes avec des producteurs pour amener la traçabilité jusqu'au producteur au niveau du champ et de la palette parce que, vous allez le voir, le marché le demande de plus en plus. Pour trouver les bons équipements et le type d'information, on travaille avec le secteur horticole. Dans le secteur bovin, nous sommes rendus à la phase deux d'un projet pilote qui vise à amener plus loin la traçabilité de l'abattoir au consommateur.
Donc, on travaille avec différents intervenants de la filière après l'abattoir pour voir quel type d'information doit être maintenu, harmonisé entre eux et quel type d'équipement doit être mis en place pour faciliter la communication en amont, en aval d'un intervenant dans la chaîne entre l'abattoir et le consommateur. On vient de démarrer la phase deux de ce projet.
On a aussi des réalisations à l'extérieur du Québec. On travaille avec le Conseil canadien du porc depuis plusieurs années. C'est nous qui avons développé l'application qui s'appelle PorcTracé — PigTrace — qui est utilisé pour la traçabilité complète du porc canadien. On travaille aussi avec eux, en fait, on héberge leurs données puis on offre un service à la clientèle bilingue à travers le Canada pour tous les producteurs.
On a travaillé aussi avec les producteurs et les éleveurs de bovins du Nouveau-Brunswick et le ministère de l'Agriculture du Nouveau-Brunswick afin de tester des outils d'automatisation un peu comme à l'image de ce qui se fait au Québec. Eux aussi veulent avancer dans la traçabilité et nous ont demandé notre expertise à ce niveau.
Depuis 2011, on travaille avec les producteurs laitiers du Canada. On les appuie pour développer un plan de mise en œuvre de la traçabilité dans le secteur laitier, considérant qu'ils ont certaines spécificités.
Depuis quelque temps, je dirais, on est impliqué dans la mise en place de STAC qui est le Service de traçabilité du Canada appelé CATS en anglais. Vous en avez peut-être entendu parler. Notre équivalent dans l'Ouest, à Calgary, c'est l'ACIB, l'Agence canadienne d'identification du bétail. Avec eux, on est à mettre en place une organisation qui va offrir des services de traçabilité au niveau canadien.
Agriculture Canada et l'Agence canadienne d'inspection des aliments sont aussi partis prenantes de ce projet, et nous avons convenu dans un premier temps de mettre en place une base de données unique multi-espèce canadienne au lieu que chaque secteur ait sa propre base de données. L'objectif principal est d'être plus efficace en cas de crise épidémiologique. Il y a aussi l'économie d'échelle qu'on obtient en se regroupant. Alors, vraiment, avec ce projet on est dans le vif de l'action, parce qu'on est à constituer le conseil d'administration au moment où je vous parle.
On intervient aussi quelquefois à l'international. Beaucoup de gens viennent vers nous, spontanément, parce qu'ils ont entendu parler de nous. On a été en contact plus particulièrement avec le Chili, le Maroc, l'Algérie, le Nicaragua. De façon encore plus spécifique, on suit le Chili depuis quelques années. On est allés faire un diagnostic de leur système de traçabilité il y a deux ans, avec des recommandations et des diagnostics. C'est intéressant parce qu'ils sont dans une dynamique d'exportation de viande bovine vers l'Europe et ils ont été audités par l'Union européenne. Ils voulaient faire progresser leur système de traçabilité pour pouvoir continuer à exporter sur le marché de l'Union européenne.
Voici maintenant les six enjeux importants que nous avons ciblés pour vous.
Premièrement, la protection de la santé humaine et animale; il y a une capacité de réagir immédiatement à un problème de maladie animale et d'innocuité des aliments dans le but de circonscrire et d'éliminer le plus rapidement possible. Cette question de gestion de crise est fondamentale et on énumère les avantages d'un système de traçabilité.
Deuxièmement, un autre enjeu important, c'est l'attente des consommateurs. En introduction, je vous ai parlé de nombreuses crises, et on constate de plus en plus, probablement vous-mêmes aussi, étant consommateurs, que les gens se questionnent de plus en plus sur la salubrité et la provenance de leurs produits alimentaires. La crise de la viande chevaline en Europe est un exemple où on a constaté comment le produit pouvait se promener entre différents intervenants. Le consommateur aussi veut connaître la provenance de son produit, comme je le disais. Il y a toute la question de l'enjeu au niveau de l'étiquetage et de la provenance des produits.
En ce qui concerne les produits de créneaux, on constate — et cela fait partie du projet qu'on fait dans la viande — que la traçabilité pourrait permettre de distinguer, tout au long d'une filière alimentaire, les produits conformes aux programmes de certification tels les produits biologiques ou organiques. Cela pourrait renforcer ces certifications, étant donné qu'on pourrait faire la démonstration, par exemple, qu'un animal n'est pas rentré dans un élevage avant l'abattage, juste à la fin de sa période de vie, mais bien tout au long, selon les cahiers des charges. Cela peut être une valeur ajoutée apportée par la traçabilité.
Autre enjeu : des produits alimentaires de plus en plus tracés. On le voit qu'un système de traçabilité efficient peut contribuer à conserver certains marchés en plus d'en ouvrir de nouveaux grâce à la plus-value et à l'assurance qu'il représente. Je vous parlais du Chili tantôt. Le dernier audit de l'Union européenne fait que le marché, pour le moment, leur est suspendu. Il peut vraiment y avoir des préjudices.
Un autre exemple : le secteur des fruits et légumes. Les Américains sont sur le point d'adopter, en 2014, un programme, le Produce Traceability Initiative, et ils devront se conformer à des règles de traçabilité.
En faisant une traçabilité complète, on trace l'animal depuis la naissance. Donc, les acheteurs peuvent avoir accès à la date de naissance de l'animal, parce que l'âge est de plus en plus un facteur important à cause de ce qu'on appelle les MRS, les matières résiduelles sensibles, et au-delà d'un certain âge, une partie de la carcasse doit être complètement éliminée. Pour les acheteurs et les vendeurs, cette information a une valeur.
Cargill est un des acheteurs qui porte beaucoup d'importance sur la question de l'âge. Lors de la fermeture des marchés, au Québec, les marchés se sont ouverts en premier parce qu'on a pu démontrer la traçabilité complète et la question de l'âge.
La traçabilité de la ferme à la table, donc on peut dire qu'à ce moment-là, on parle d'une pleine valorisation de la traçabilité. Le premier tronçon du producteur jusqu'à l'abattoir a été fait avec beaucoup d'efforts de la part des producteurs. Maintenant, lorsqu'on les écoute parler, à juste titre, on considère qu'il est essentiel que les intervenants qui sont situés après l'abattoir doivent faire leur effort pour mener la traçabilité jusqu'à la table, afin d'assurer une traçabilité complète qui répondra de mieux en mieux aux consommateurs.
En ce qui concerne la mise en marché des produits, on peut prétendre que la traçabilité offre une plus-value. On doit toutefois garder à l'esprit que tout système de traçabilité développé doit être crédible tant au niveau national qu'international et être disponible à des coûts comparables à ceux de nos principaux compétiteurs tant au niveau national qu'international.
Il y a eu du soutien financier, mais il doit continuer à y en avoir afin d'établir un système de traçabilité efficace, durable et reconnu.
Un autre point au sujet de l'innovation : je vous ai dit tantôt qu'il faut miser sur des systèmes automatisés pour que le plus possible l'information se collecte et se transfère de façon électronique. C'est plus rapide et il y a moins de risque d'erreurs et la gestion des entreprises peut être couplée à la traçabilité. À la limite, une entreprise pourrait faire de la traçabilité sans s'en apercevoir. Je vous dirais que c'est le cas des encans du Québec.
En termes d'innovation, la question des identifiants a sûrement été touchée par des témoins précédents. C'est un énorme irritant pour les producteurs et représente beaucoup de travail pour eux. Le coût n'est pas faramineux, mais le travail est considérable.
Nous travaillons étroitement avec la compagnie Allflex, un fournisseur qui a remporté le marché chez nous par appel d'offres. Au fil des ans, nous les avons amenés à faire évoluer leur identifiant pour ce qui est de la qualité du plastique et de la forme. Pour les non-initiés, la différence n'est peut-être pas importante, toutefois elle existe. C'était le premier identifiant de la sorte au monde. Aujourd'hui, les producteurs de lait, entre autres, à travers le Canada vont l'utiliser — la décision fut prise je crois cette semaine.
On travaille aussi en innovation au niveau du transport. On veut que les animaux, lorsqu'ils entrent dans les remorques, puissent être lus de façon automatique. Quand on parle de crise, tous les endroits où les animaux entrent en contact comportent des risques d'épidémie. La réglementation est prête pour les transporteurs du Québec, mais elle ne peut pas être mise en œuvre car on ne peut encore leur offrir de solutions technologiques et il serait très pénible pour eux de le faire. Nous travaillons depuis quelques années avec l'École de technologie supérieure, grâce à des fonds du Conseil national de recherche du Canada, pour développer cette porte d'arche qui pourra un jour lire les animaux.
Parlons du gouvernement et de la traçabilité. J'ai mentionné la question des fonds. Il est essentiel de prévoir un financement adéquat pour implanter la traçabilité dans de nouvelles filières agricoles, mais aussi pour poursuivre le travail amorcé avec les secteurs implantés. Il existe déjà une aide financière pour la mise en place du service de traçabilité agricole canadien. Il existe aussi des programmes d'acquisition d'équipements, ce qui est très apprécié et fort important.
Beaucoup d'efforts doivent être investis au niveau de la vulgarisation et de l'accompagnement dans le secteur, car les jeunes ne savent pas vraiment ce que veut dire la traçabilité. Lorsqu'on s'adresse aux producteurs agricoles, il leur faut beaucoup de temps pour comprendre ce que sera leur implication, car, au départ, c'est sur eux que repose le démarrage du système.
En conclusion, de nombreux défis ont été relevés en traçabilité depuis une décennie, mais il reste beaucoup à faire dans les années à venir. Je vous ai identifiés quelques défis, comme de mettre en place des services de traçabilité efficaces, intégrés et novateurs au niveau canadien, et poursuivre l'appui à la traçabilité dans les nouveaux secteurs de production. Il est essentiel que la traçabilité se rende jusqu'au consommateur. Il faut améliorer la valeur ajoutée de la traçabilité et donner des outils pour qu'elle soit couplée à la gestion de l'entreprise et qu'elle valorise l'âge de l'animal. La traçabilité ne se fait pas sans heurt ni effort de la part de ceux qui doivent en respecter les exigences. L'utilisation de solutions technologiques toujours plus innovatrices facilite le travail et diminue les risques d'erreurs lors de la saisie et la déclaration des données.
Le président : Madame Ravary, est-ce que vous désirez ajouter quelque chose?
Lyne Ravary, coordonnatrice, Direction du développement et automatisation, Agri-Traçabilité Québec : Pas pour le moment.
Le président : Nous allons commencer avec le sénateur Rivard. Il sera suivi de la sénatrice Callbeck.
Le sénateur Rivard : Merci d'avoir accepté notre invitation. Nous avons entendu, au cours des derniers mois, des représentants de plusieurs provinces. Je suis très heureux ce soir d'entendre des représentants de ma province du Québec.
On sait que la traçabilité assure la salubrité, donc la santé des consommateurs. Prochainement, les maraîchers exportateurs devront se conformer à ce qu'on appelle la Produce Traceability Initiative, développé avec l'Association des producteurs de fruits et légumes canadiens et le gouvernement américain dans le but de faciliter les exportations. Compte tenu des coûts reliés au développement de cette initiative au Canada, croyez-vous que l'on restera compétitif et que nous pourrons espérer continuer à augmenter nos ventes avec les États-Unis?
Mme Talbot : Je serais portée à croire que oui, car les recherches actuelles sont faites en ce sens. Je vous soulignais que c'était un enjeu important. Ce n'est pas tous les producteurs qui devront s'équiper, mais ceux qui exportent.
Ceux avec qui nous travaillons aujourd'hui et qui ont accepté d'être partie prenante au projet pilote ont déjà mesuré cet enjeu. Ce sont des entreprises d'assez grande taille qui peuvent absorber l'achat de ces équipements.
Le sénateur Rivard : A-t-on une idée approximative du coût des équipements que nous sommes en train de tester?
Mme Ravary : Nous n'avons aucune idée actuellement des coûts. Ils varient selon les organismes. Ils peuvent être intégrés à leur système d'exploitation d'inventaire et de facturation et comprennent les logiciels. De petits équipements peuvent être mis en place dépendant des systèmes. C'est souvent intégré à leur système de gestion d'inventaire et de facturation.
Le sénateur Rivard : Quand le système a été implanté et développé par l'ATQ vous avez été financé en grande partie par le ministère de l'Agriculture du Québec. Comment assumez-vous présentement les coûts d'opération pour l'entretien du système? Est-ce les producteurs qui assument les coûts ou vous avez des subventions récurrentes?
Mme Talbot : Nous avons des subventions récurrentes. L'entente conclue au départ entre les producteurs et le ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation du Québec faisait en sorte que les producteurs assumaient tout ce qui était lié aux identifiants et au travail à la ferme. Comme je vous le disais, il ne faut pas minimiser l'ampleur de la tâche. Le ministère de l'Agriculture donne une subvention à l'ATQ pour ce qui est de la gestion des opérations. Le personnel et les équipements sont donc assumés par le ministère.
Le sénateur Rivard : Avez-vous une idée de la proportion ou de la partie défrayée par le gouvernement du Québec? Ce que le Québec vous paie représente le tiers du coût, 50 p. 100, 75 p. 100? La grosse partie de l'opération est-elle subventionnée par le ministère de l'Agriculture ou est-ce les producteurs qui en assument la plus grande partie?
Mme Talbot : Si on inclut le prix du fameux identifiant, on en vend 600 000 par année.
Mme Ravary : Pour les bovins c'est 700 000 dollars.
Mme Talbot : Disons donc un million à 2,50 $ l'identifiant, et le gouvernement nous donne sensiblement la même chose. En fait, le gouvernement nous donne un peu plus. On parle de 2,5 M ou 3,5 M pour le gouvernement.
[Traduction]
La sénatrice Callbeck : Votre mémoire démontre clairement que vous avez réalisé beaucoup de choses à ce jour. Votre objectif est de passer de la ferme à l'assiette. Vous êtes déjà passé de la ferme à l'abattoir pour, sauf erreur, le bétail, les chèvres et le mouton. Qu'en est-il des cochons et des truies?
[Français]
Mme Talbot : Le ministère de l'Agriculture a décidé d'attendre la réglementation fédérale du porcin plutôt que de faire sa propre réglementation. À l'époque, ils ont fait leur propre réglementation dans les secteurs bovins, ovins et cervidés, car les discussions dans les autres provinces canadiennes n'allaient pas dans le sens d'une traçabilité complète. Le ministère de l'Agriculture du Québec voulait d'emblée démarrer avec une traçabilité complète.
Avec le temps, les choses ont évolué et ont changé. On s'est dit que l'on attendrait le secteur porcin et que l'on ne réglementerait pas, parce que les choses ont évolué et les gens sont davantage prêts à faire la traçabilité complète dans d'autres secteurs de production.
L'objectif au Québec est aussi d'en arriver à une traçabilité complète et comparable au niveau canadien. On a beau avoir un très bon système au Québec, quand il se produit une crise, c'est l'ensemble du pays qui est fermé. En ce sens, on travaille avec le service de traçabilité agricole canadien pour avoir une réglementation nationale dans tous les secteurs qui soit comparable et qui comporte les trois piliers.
[Traduction]
La sénatrice Callbeck : Suite aux règlements publiés dans la Gazette du Canada par, si je ne me trompe pas, par l'Agence canadienne d'inspection des aliments en juillet dernier, avez-vous fait des observations à ce sujet auprès de l'agence?
[Français]
Mme Talbot : Oui.
[Traduction]
La sénatrice Callbeck : Quand ils entreront en vigueur, ils entreront en vigueur au Québec, n'est-ce pas?
[Français]
Mme Talbot : Dans le secteur porcin. Tout à fait.
[Traduction]
La sénatrice Callbeck : Votre mémoire fait état de votre projet pilote sur la laitue en 2008. Comment cela s'est-il passé?
[Français]
Mme Talbot : En fait, on a étendu l'étude à d'autres secteurs de production susceptibles d'être exportés aux États- Unis et on a poussé plus loin l'étude aussi dans les autres secteurs, mais en ce qui concerne la technologie. Connaître la technologie, l'information qui devrait être colligée à l'échelle des entreprises. Actuellement, on fait les études dans le secteur de la fraise, de la pomme de terre et des tomates de serre. Et les études, on les pousse plus loin, mais c'est vraiment technique pour ce qui est des équipements car, essentiellement, c'est d'arriver à ramasser de l'information et de l'amener le plus précisément possible à l'échelon de l'entreprise, donc dans le cas qui nous occupe, on peut retracer une palette de laitue dans un champ de producteur.
Mme Ravary : Le projet laitue, le premier, car il y en a deux. Il y a le précédent et un autre, qui est présentement rendu à la phase deux. Le premier travaillait surtout sur les codes d'identification. Le GS1 sera exigé pour l'exportation vers les États-Unis, pour le maraîcher, mais pour les petits producteurs qui n'exportent pas, on a quand même testé d'autres modes d'identification qui pourraient convenir pour faire la traçabilité des produits maraîchers.
Donc, le premier projet allait jusqu'à l'échelle du producteur emballeur. Maintenant, pour le deuxième projet, on y va seulement avec le code GS1 pour répondre aux besoins des États-Unis, et là, on va du producteur emballeur au détaillant avec les moyens technologiques que Marie-Christine a mentionnés.
[Traduction]
La sénatrice Callbeck : C'est présentement en vigueur?
[Français]
Mme Ravary : Le deuxième projet est en cours pour les fraises, les tomates de serre et la pomme de terre
[Traduction]
La sénatrice Callbeck : Vous aviez un projet sur la laitue en 2008, et il se poursuit donc actuellement. Vous avez parlé d'exporter des produits vers les États-Unis.
[Français]
Mme Ravary : Non, c'était vraiment un test et il se poursuit actuellement dans un autre projet. Ce n'est pas effectif ni mis en place. Ceux qui exporteront devront s'y conformer en 2014 afin de pouvoir exporter aux États-Unis avec le code GS1 sur les étiquettes.
La sénatrice Eaton : Je vous remercie pour cette présentation fascinante.
[Traduction]
Dans quelle mesure accusons-nous du retard quant aux normes nationales?
[Français]
Mme Talbot : Dans les secteurs bovins et ovins, entre autres, on nous dit qu'il devrait y avoir cela, mais je ne parle pas à la place de l'Agence canadienne d'inspection des alimentations, car ils font la réglementation, mais à l'automne, on devrait avoir déjà les premiers éléments de la réglementation et cela pourrait être effectif pour 2016.
La sénatrice Eaton : Ce sera alors transcanadien?
Mme Talbot : Oui, dans les secteurs que je vous ai mentionnés.
La sénatrice Eaton : Exigeons-nous des pays d'où nous importons les mêmes règles de traçabilité qu'ils exigent de nous?
[Traduction]
L'Union européenne est très exigeante, et nous savons que les États-Unis le sont aussi. Nous sommes sur le point de ratifier ou de finaliser nos ententes de libre-échange avec l'Union européenne et nous allons conclure le Partenariat transpacifique avec la Corée. Allons-nous exiger les mêmes règlements sur la traçabilité qu'ils exigent de notre part?
[Français]
Mme Talbot : J'ai posé la question à l'agence et, pour le moment, ce n'est pas clairement dit. Actuellement, peu de pays l'exigent clairement dans les échanges, mais c'est une tendance qui viendra. Au moment où on se parle, la question du bien-être prime, mais on voit que les acheteurs l'exigent et ce ne serait pas surprenant que cette question, pour différentes raisons, devienne une exigence. Qui l'exigera en premier, je ne pourrais pas vous le dire, mais comme je donnais l'exemple du Chili, ils se sont fait fermer les portes du marché.
[Traduction]
La sénatrice Eaton : Allons-nous exiger la même chose?
[Français]
Mme Talbot : Il faudra le demander, c'est là qu'on pénalise nos producteurs en leur imposant des exigences, des hauts standards de qualité, de suivi et de salubrité. On parlait tantôt s'ils allaient demeurer compétitifs, l'inverse est vrai aussi. Il ne faut pas se laisser concurrencer sur nos propres marchés sans avoir les mêmes standards.
La sénatrice Eaton : Le sénateur Maltais a toujours une bonne question sur le tilapia, je le laisserai vous la poser.
La sénatrice Tardif : Merci de votre présence ici ce soir et aussi félicitations pour le rôle de leadership que vous jouez dans le domaine de la traçabilité.
Vous avez indiqué que vous aviez 10 000 producteurs inscrits dans votre système. Maintenant, est-ce sur une base volontaire ou est-ce obligatoire?
Vous avez indiqué aussi que vous commenciez la phase deux du système de traçabilité. Quelles sont les différences entre la phase un et la phase deux sur le plan de la mise en œuvre d'un système de traçabilité ou est-ce qu'il y a des différences en ce qui concerne les exigences pour la mise en œuvre?
Mme Talbot : Quant au nombre de producteurs, on se rapproche davantage de 19 000. Étant donné qu'il y a une réglementation, c'est donc obligatoire. Ils sont obligés de s'inscrire.
La sénatrice Tardif : C'est dans quel secteur?
Mme Talbot : Bovin, ovin et cervidé, donc le cerf rouge. Pour l'ovin, on parle du mouton et de l'agneau, et pour le bovin, c'est autant le boeuf de boucherie que la vache laitière ainsi que le veau laitier et le veau de grain. Ce sont 19 000 producteurs qui sont inscrits par obligation à cause de la réglementation.
La sénatrice Tardif : Est-ce que vous êtes la seule province ou une des seules provinces au Canada qui rend cela obligatoire?
Mme Talbot : Une réglementation sur la traçabilité complète? Oui, et l'Alberta sur l'identification.
Mme Ravary : Et la traçabilité, mais je ne la connais pas.
Mme Talbot : Nous avons démarré en 2001. Cela fait déjà onze ans.
La sénatrice Tardif : La deuxième question?
Mme Talbot : Pour ce qui est de la phase deux du projet, vous parlez de l'abattoir jusqu'à la table. On est en train de faire l'étude, mais il faut voir que cette traçabilité ne s'implantera pas du tout de la manière dont elle se fait, de la naissance à l'abattoir, par les producteurs. Car on est devant des entreprises privées qui ont de l'information des entreprises, et ils ont déjà des systèmes internes de gestion des stocks. Ils ne sont pas fervents, entre autres, à amener l'information dans une base de données, car si tous les mouvements de l'animal sont dans une base de données, donc après l'abattoir jusqu'au consommateur. Ce serait fort étonnant que ces informations soient dans une base de données. On parle d'une dimension complètement différente et, en ce sens, ce serait très étonnant qu'il y ait une réglementation qui oblige ces entrepreneurs à partager leur information.
Par contre, ils devront, et c'est ce que l'étude permettra de déceler, garder un type d'information qui permettra l'échange avec le fournisseur et l'acheteur afin qu'on puisse retracer le produit en cas de problème. C'est quand même deux dynamiques différentes où on ne jouera pas le même rôle. On sera davantage en appui-conseil à ces entreprises.
Autant l'aspect santé animal, épizootie a prévalu pour la première section, la phase un, autant, pour la deuxième, l'aspect commercial va prendre plus d'importance.
La sénatrice Tardif : Et ce sera mené davantage par les consommateurs, selon vous?
Mme Talbot : Il est certain que, dans la mesure où les consommateurs vont l'exiger, avoir le souci de savoir d'où vient leur produit et comment il a été fait, mettre de la pression sur les chaînes — et certaines doivent subir plus de pressions que d'autres —, il y en a qui voient là une opportunité de marché et qui décident de prendre les devants, et déjà de se positionner devant la concurrence. En ce sens, il s'agit d'entreprises, mais également, comme pays, on peut décider de se démarquer et d'être des leaders en matière de qualité, de salubrité et de tout ce qui vient autour de ces notions.
Le sénateur Maltais : Bienvenue mesdames, et merci beaucoup pour votre exposé. Avec la permission de notre président, j'aimerais que vous transmettiez à votre président, Pierre Lemieux, et à votre secrétaire adjoint, Charles- Félix Ross, toutes mes salutations.
Cela dit, je regarde notre mandat qui est d'examiner et de faire rapport sur les efforts de recherches et d'innovation dans le secteur agricole. Je pense que vous rentrez exactement dans le cadre de notre mandat.
Je vais continuer sur ce dont la sénatrice Eaton a parlé tout à l'heure. On sait qu'on est possiblement à la veille de signer une entente de libre-échange avec la communauté européenne. Cela m'inquiète, non pas pour les produits canadiens car l'Ouest est en train de s'installer, au Québec, c'est fait; on travaille avec le Nouveau-Brunswick et probablement avec l'Ontario aussi — la sénatrice Eaton pourrait certainement nous le confirmer. Mais en Europe, on dit qu'ils sont en avance sur tout, pourtant ils se sont retrouvés avec des fers à cheval dans leurs lasagnes. A-t-on retracé le propriétaire du cheval? Comment est-ce que cela fonctionne? Je ne voudrais pas que les produits européens nous arrivent de cette façon-là. Est-ce que leur système est aussi étanche qu'on veut bien nous le faire croire, d'après vous?
Mme Talbot : Je ferais, là encore, la distinction entre la traçabilité de l'animal jusqu'à l'abattoir, comme nous le faisons, et celle de l'abattoir jusqu'au consommateur. Pour le cas des lasagnes, c'était le pire cas. La carcasse est découpée, redécoupée et hachée avec plusieurs autres, et se retrouve dans les lasagnes. Dans ce cas, c'est le dépistage par ADN qui a permis de le déceler, ainsi que nous l'aurions très bien fait ici. Ils ont pu retracer d'où venait la viande, mais le système n'est pas aussi performant et rapide. Cela a pris quand même du temps.
Ce qui nous distingue par rapport à eux, entre autres, et j'ai beaucoup insisté sur cette question, c'est l'automatisation. Ils ont, entre autres en Belgique, un excellent système de traçabilité, mais beaucoup de choses reposent encore, comme en France, sur l'utilisation du papier. Ce qui fait que, en termes de crise, cela prend du temps avant d'avoir l'information.
Je ne suis pas une spécialiste des produits de l'Europe; il est vrai qu'on nous dit qu'on va entrer dans certaines chaînes et qu'on pourra même avoir la photo du producteur. Il y a des produits de créneau comme cela. Est-ce que c'est toute la production? J'en douterais. Je ne pense pas qu'il y ait beaucoup de pays pour lesquels l'ensemble de leur production est tracée. Lorsqu'on retrace l'origine d'un animal, cela peut se faire en quelques heures. Mais je sais que la collecte des données sur papier est très longue.
Le sénateur Maltais : C'est sans doute un élément dont votre association et les négociateurs du traité de libre- échange vont discuter fermement avec les Européens. Nous sommes quand même 35 millions de consommateurs au Canada, et nous avons des voisins qui sont 300 millions de consommateurs. On doit donc s'assurer que les produits qui entrent au Canada aient la même qualité que celle des produits que nous envoyons, au minimum.
Mme Talbot : C'est toute la question.
Le sénateur Maltais : Il s'agit là d'un domaine où vous avez dû innover au niveau technologique. Au cours des 10 prochaines années, vers quoi vous dirigez-vous au niveau de l'évolution de la traçabilité?
Mme Talbot : Je vous disais plus tôt que la traçabilité était une base de données. Nous venons de finaliser une nouvelle application qui est sur Internet, c'est notre application qui a été choisie pour le système canadien après une étude de Deloitte dans laquelle ils ont comparé ce qui se faisait en Australie, en Europe et ailleurs. Je le signale car cela vient d'être terminé et c'est une solution qui sera bonne pour les 10 à 15 prochaines années. Quand on voit le rythme auquel évolue la technologie, je dirais que c'est un gros volet de réglé.
Je vous ai parlé des portes d'arches, de lecture des animaux. Cela semble peut-être banal, mais dans le quotidien de la traçabilité, le jour où on aura une solution de lecture des animaux à partir du moment où ils sont embarqués dans les remorques, débarqués et rembarqués, en terme de santé animale et de crise, ce sera un grand pas. Nous avons résolu une partie du problème. Nous sommes en avance sur ce qu'une compagnie comme Allflex et les Américains font, grâce à l'école de technologie supérieure qui travaille avec l'armée canadienne qui avait des détecteurs. C'est là aussi un très gros enjeu.
Il y a aussi les fameux identifiants que je vous ai montrés; le nouvel identifiant est sur le marché depuis deux ans. C'est vraiment un irritant pour les producteurs. S'il y a quelque chose, aujourd'hui, dont on entend parler c'est de cela. C'est chez nous qu'on le teste le plus, car en obligeant les producteurs à identifier les animaux à la naissance, on leur demande une durée de vie de 10 à 15 ans, dans le chaud, dans le froid. Donc, on les soumet à des conditions qu'on trouve dans peu d'endroits dans le monde. Nous poussons les compagnies à ce niveau-là, car nous ne sommes pas des fabricants, à innover. On entend parler du UHF et de différents RFID, mais il n'y a pas encore de solution parfaite. C'est un moindre mal, qui évolue bien, mais il y a encore beaucoup d'efforts d'innovations à faire à ce niveau.
Le sénateur Maltais : Si on se fie à ce que vous avez fait depuis les six, sept dernières années, je suis convaincu que dans les six ou sept prochaines années vous allez arriver à une solution acceptable pour tous, et à des coûts acceptables également.
En terminant, je veux vous dire merci. Ne lâchez pas, vous faites un travail extraordinaire et vous faites avancer non seulement le Québec, mais tout le pays. Je pense que, pour rester leader, il ne faut pas arrêter d'innover.
[Traduction]
La sénatrice Hubley : Bienvenue au comité et merci pour votre exposé. Il était assez long, mais j'aimerais revenir au projet pilote que vous avez lancé en juin 2012. Il s'intitulait les Prochaines étapes de la traçabilité bovine dans les provinces sélectionnées. Il s'agissait d'un projet de 10 mois pour analyser et documenter l'infrastructure actuelle dans le secteur laitier en mesurant les lacunes qui doivent être comblées afin de mettre en œuvre un système de traçabilité comme celui du Québec.
Pouvez-vous nous dire quelles autres provinces ont été sélectionnées pour participer au projet pilote et comment celui-ci a été financé? Bien que ce projet vienne tout juste de se terminer, j'aimerais savoir si vous pouvez nous parler de certains résultats.
[Français]
Mme Ravary : En fait, c'est un projet qui se faisait avec les producteurs de lait canadiens, pour essayer de voir ce qui existait actuellement sur le terrain, et l'écart qu'ils devaient combler pour satisfaire aux exigences d'un futur système de traçabilité qui est semblable à celui du Québec, donc complet.
Pour ce qui est des provinces impliquées, ils ont visité à peu près toutes les provinces, Manitoba, Saskatchewan, les maritimes; ils ont été dans toutes les provinces canadiennes.
Le rapport est actuellement en révision, donc je n'ai malheureusement pas les conclusions finales, mais il vient d'être déposé auprès des producteurs laitiers pour révision avant d'être publié.
Est-ce que cela répond à vos questions?
[Traduction]
La sénatrice Hubley : Oui. Merci beaucoup.
La sénatrice Buth : Je suis ravie que vous soyez parmi nous ce soir parce que chacun des groupes qui est venu nous parler de traçabilité a dit que le Québec a un programme en ce sens et que vous êtes un chef de file.
J'aimerais que vous clarifiiez quelque chose. Je crois que les gens ont l'impression que la traçabilité est la même chose que la salubrité alimentaire. Vous avez dit que la traçabilité réduit les effets des conséquences négatives. Pourriez-vous nous parler des autres différences entre la traçabilité et la salubrité alimentaire?
[Français]
Mme Talbot : Dans le tronçon de la traçabilité de l'animal vivant, on parle plus de santé animale et de gestion d'une crise épidémiologique.
En ce sens, on ne parle pas de salubrité comme c'est le cas à partir du moment où l'animal est abattu ou à cause des équipements, par exemple des résidus dans l'équipement et tout. Il pourrait y avoir des bactéries et, à ce moment-là, on parlera davantage de salubrité. C'est la différence entre les deux.
Quand l'animal est vivant, des maladies infectieuses peuvent être transmises, d'où l'importance de pouvoir retracer le mouvement à partir du moment où un animal est déclaré malade afin de pouvoir circonscrire une zone pour éviter l'abattage massif de troupeaux, comme on l'a vu en Angleterre.
Après l'abattoir, c'est de la contamination par les équipements ou par contact d'aliments. Ce n'est pas le même type de maladies. Les aliments ne transmettront pas la maladie de l'un à l'autre. Là, on parle plus de salubrité. Au bout du compte, pour le consommateur, c'est un tout. Il ne voit pas nécessairement la distinction entre les deux.
[Traduction]
La sénatrice Buth : Je trouve que c'est intéressant parce qu'on peut se retrouver avec des aliments non salubres même si le système de traçabilité fonctionne bien. On croit à tort qu'un système de traçabilité entraîne automatiquement des aliments salubres.
[Français]
Mme Talbot : Non, pas du tout.
[Traduction]
La sénatrice Buth : Je voulais que nous clarifiions la question parce que les deux principes sont parfois confondus.
Vous dites dans votre document qu'il ne fait aucun doute que la traçabilité permet d'augmenter la valeur ajoutée pour la commercialisation des produits. Nous tenons pour acquis que les pays demandent toutes sortes de programmes de traçabilité, mais personne ne dit la même chose. On me dit que le Japon ne veut pas d'un système de traçabilité complète. La Corée n'en veut pas non plus. Les États-Unis ne demandent pas la traçabilité complète. Quand vous affirmez que la traçabilité permet d'améliorer la commercialisation des produits, quel avantage s'ajoute au système?
[Français]
Mme Talbot : Actuellement, la valeur qui est vraiment valorisée, c'est la question de l'âge. Sans traçabilité, ce serait très difficile de garantir l'âge de l'animal. Il y a une grosse différence entre un animal qui a moins de 30 mois et celui qui a plus de 30 mois. Cela représente une prime que le producteur recevra pour la carcasse de son animal et cela peut aussi vouloir dire que l'acheteur ne l'achètera pas du tout.
Même au niveau des équarrisseurs, nous avons été approchés par une entreprise du Québec qui peut mieux valoriser des carcasses déclassées dans les abattoirs en dessous de 30 mois. Ils vont lui donner une valeur et pourront payer une prime au producteur même si c'est un animal mort et déclassé. La question de l'âge au moment où on se parle, c'est vraiment une donnée reliée à la traçabilité, en fait au pourtour qui vient avec la traçabilité et qui est valorisé concrètement dans le marché.
Sinon, pour le reste, c'est vrai qu'on entend plein de choses, parce que les consommateurs confondent les aspects de la traçabilité exactement dans le sens de la question que vous avez posée concernant la traçabilité et la salubrité.
Mais au bout du compte, le consommateur le demande. Il a une inquiétude et il veut savoir d'où vient son produit et comment il a été produit. Les gens pensent que s'il y a une bonne traçabilité ils vont savoir que l'animal a été produit, par exemple, au fourrage sans antibiotiques et tout. Ce n'est pas vrai.
Mais par contre, ce que je disais, c'est que si la traçabilité vient renforcer des cahiers de charges, là on va donner encore plus de valeur ajoutée. La traçabilité prendra plus de valeur ajoutée, car ce ne sera pas que de la traçabilité pour une police d'assurance. Ce n'est pas la traçabilité qui définit que c'est un agneau du Québec ou un veau de Charlevoix, mais on peut renforcer des énoncés comme ceux-là. Et là, sur le marché, on peut valoriser ces appellations d'origine.
J'espère que je ne vous perds pas trop dans mes explications.
[Traduction]
La sénatrice Buth : Je vous écoute mais, en raison de l'interprétation, il y a bien entendu un décalage, de sorte que je réagis toujours trois à quatre secondes après que vous ayez fini de parler.
J'aimerais qu'on clarifie ceci. Quand vous parlez de l'âge des animaux, vous parlez du bœuf et de la question de l'ESB. L'âge doit être très précis.
[Français]
Mme Talbot : Oui.
[Traduction]
La sénatrice Buth : Merci beaucoup.
Le sénateur Duffy : J'ai toujours comparé la traçabilité à un gicleur dans un immeuble : on espère ne jamais avoir à l'utiliser, mais quand un feu est déclenché, le gicleur permet de limiter les dégâts.
Comme on vous l'a déjà dit, tous les témoins qui ont comparu devant nous à ce sujet nous ont dit que le Québec est le chef de file en la matière. L'industrie a-t-elle répondu à l'appel en si grand nombre parce que le programme est obligatoire? Les témoins précédents nous ont tous chanté le refrain des coûts trop élevés : « Oui, ce système comporte des avantages, mais nos secteurs sont si fragiles que nous ne pouvons pas nous le permettre. »
[Français]
Mme Talbot : Le fait qu'il y ait une réglementation, c'est le facteur essentiel et déterminant qui nous a permis de vraiment développer et mettre sur les rails la traçabilité de la façon dont nous l'expérimentons.
[Traduction]
Le sénateur Duffy : Vous avez rendu ce programme obligatoire, ce qui vous a permis de rassembler la masse critique pour le faire fonctionner. Je félicite les décideurs qui étaient en place il y a 12 ans et qui ont prédit qu'il y avait là une tendance à la hausse.
Ma collègue vous a posé des questions sur les produits laitiers et le bœuf, mais il y a aussi la question des légumes. L'Île-du-Prince-Édouard est un important producteur de pommes de terre. La majorité de nos agriculteurs sont fiers de leur produit et apposent leur propre étiquette agricole sur ces produits. Est-il question ici de caisses de laitue dans lesquelles chaque pomme de laitue pourrait être retracée? Quel est actuellement le degré de précision de votre système? Selon vous, que pourrait-il réaliser pour les très petites quantités?
[Français]
Mme Ravary : Ce qu'on teste concernant le secteur maraîcher, c'est vraiment l'identification des caisses de laitues. On n'ira pas jusqu'à la pomme de laitue. C'est ce qui est exigé actuellement dans le système américain, et on se colle donc sur ce qui est exigé au niveau américain.
[Traduction]
Le sénateur Duffy : Je suppose qu'il s'agit d'un code à barres?
[Français]
Mme Ravary : C'est le système d'identification GS1. C'est effectivement un code à barres avec les chiffres et toute la nomenclature exigée en ce qui touche de cette codification.
[Traduction]
Le sénateur Duffy : Merci beaucoup.
[Français]
Le sénateur Maltais : Je ne pourrais pas compléter sans faire une petite déviation. Vous avez dit au début de votre exposé que vous en étiez rendus au Nouveau-Brunswick à la traçabilité du homard. Cela veut dire que nous allons savoir d'où vient le homard du Nouveau-Brunswick.
Mme Talbot : Non, deux dossiers ont été mêlés. On travaille avec le Nouveau-Brunswick dans le secteur bovin, mais on a travaillé avec les producteurs des Îles-de-la-Madeleine et de la Gaspésie sur l'identification du homard. Donc, on sait d'où il provient.
Le sénateur Maltais : Quel est l'avantage de savoir d'où provient le homard?
Mme Talbot : Il y a deux aspects. Il y a un aspect très marketing là-dedans, parce que le consommateur veut savoir. L'identifiant que le homard a, si vous avez la chance d'en acheter au printemps, vous verrez, c'est un identifiant sur lequel il y a un numéro, et si vous allez sur le site d'Aliments Québec et inscrivez ce numéro, cela vous amène au producteur et à la zone de pêche.
Le sénateur Maltais : Pourrait-on l'étendre assez facilement aux provinces maritimes, à l'Ile-du-Prince-Édouard, en Nouvelle-Écosse?
Mme Talbot : Tout à fait.
Le sénateur Maltais : C'est fait?
Mme Talbot : Non. Cela peut se faire. Cela peut se faire à partir du moment où il y a une volonté du milieu.
Le sénateur Maltais : Maintenant, ma dernière question : au Québec et au Canada, au niveau de l'identification, on s'en va pas mal loin dans le domaine des pêches. Beaucoup d'aquaculture se fait au Canada, et tant mieux, parce qu'on a d'excellents produits. C'est surveillé par les gouvernements, autant fédéral que provincial. En ce qui concerne les produits importés, comment peut-on savoir si c'est un bon produit et comment il a été nourri? Je ne parle pas dans l'immédiat, mais à l'avenir. On retrouve présentement sur certaines tablettes un certain poisson appelé tilapia — c'est ma question fétiche — qui vient de la Thaïlande, et je ne crois pas savoir ce qu'il mange. Il vient faire compétition à nos pêcheurs, nos éleveurs dans le domaine de l'aquaculture au Canada. Je l'ai de travers, je ne l'aime pas, parce qu'on ne peut pas retracer comment il est nourri et élevé.
Mme Talbot : Retracer le poisson, c'est une chose. Savoir ce qu'il a mangé en est une autre.
Le sénateur Maltais : C'est une autre paire de manches. Je vous remercie infiniment. Je ne pouvais pas laisser passer l'occasion de vous poser la question.
Le président : Je dois dire aux témoins que je vais conseiller au sénateur Maltais de poser cette question au Comité des Pêches et Océans.
Mme Talbot : Exactement.
Le président : Nous remercions nos témoins d'avoir partagé leur expérience et leur vision avec nous.
Je déclare maintenant la séance levée.
(La séance est levée.)