Délibérations du Comité sénatorial permanent de
l'Agriculture et des forêts
Fascicule 33, Témoignages du 25 avril 2013
OTTAWA, le jeudi 25 avril 2013
Le Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts se réunit aujourd'hui, à 8 h 4, pour examiner, pour en faire rapport, les efforts de recherche et d'innovation dans le secteur agricole (sujet : traçabilité).
Le sénateur Percy Mockler (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président : Mesdames et messieurs, j'aimerais régler une question avant de passer la parole à notre témoin, M. McAlpine des Aliments Maple Leaf.
[Français]
J'aimerais porter à votre attention et informer les honorables sénateurs du fait suivant.
[Traduction]
Je dois vous informer que le fauteuil du vice-président du comité est vacant. Il est de mon devoir de présider à l'élection à la vice-présidence. Je suis donc prêt à recevoir une motion à cette fin.
Y a-t-il des propositions pour le poste de vice-président?
La présidence donne la parole au sénateur Plett.
Le sénateur Plett : Merci, monsieur le président. Je propose que M. Terry Mercer soit élu vice-président.
Le président : Monsieur Mercer, acceptez-vous le poste de vice-président du Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts?
Le sénateur Mercer : Oui, monsieur le président, je l'accepte. Merci.
Le président : Merci, monsieur Mercer. Je tiens à remercier l'ancien vice-président, M. Robichaud, au nom de tous les sénateurs.
[Français]
J'aimerais le remercier de son intérêt particulier pour l'agriculture et les forêts.
[Traduction]
Vous plaît-il, mesdames et messieurs les sénateurs, d'adopter cette motion et les commentaires du président?
Des voix : D'accord.
Le président : Merci. Je déclare la motion adoptée.
[Français]
Nous accueillons ce matin M. Rory McAlpine.
[Traduction]
C'est le vice-président des relations gouvernementales et industrielles. Avant de vous présenter M. McAlpine officiellement, je tiens à le remercier d'avoir accepté notre invitation.
Je suis le sénateur Percy Mockler, du Nouveau-Brunswick, président du Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts. Je demanderais aux sénateurs de se présenter.
Le sénateur Mercer : Je suis Terry Mercer, de la Nouvelle-Écosse.
La sénatrice Merchant : Pana Merchant, de la Saskatchewan.
La sénatrice Callbeck : Catherine Callbeck, de l'Île-du-Prince-Édouard.
[Français]
La sénatrice Tardif : Bonjour. Je suis Claudette Tardif, de l'Alberta.
[Traduction]
Le sénateur Plett : Bonjour. Je suis Don Plett, du Manitoba.
La sénatrice Buth : JoAnne Buth, du Manitoba.
Le sénateur Black : Doug Black, de l'Alberta.
[Français]
Le sénateur Maltais : Ghislain Maltais.
[Traduction]
Le président : Monsieur McAlpine, dans l'ordre de renvoi du Sénat du Canada, le Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts a reçu l'autorisation d'examiner, pour en faire rapport, les efforts de recherche et d'innovation dans le secteur agricole. En particulier, le comité a reçu l'autorisation d'étudier les activités de recherche et de développement dans le contexte du développement de nouveaux marchés domestiques et internationaux, du renforcement du développement durable de l'agriculture et de l'amélioration de la diversité, de la sécurité et de la traçabilité des aliments.
Cela étant dit, mesdames et messieurs les sénateurs, M. McAlpine est vice-président des relations gouvernementales et industrielles des Aliments Maple Leaf. Je vous remercie, monsieur McAlpine. Vous direz à M. McCain que nous avons été bien reçus lors de notre visite de Canada Bread, à Saint John, qui fait partie du Groupe Maple Leaf. Les Aliments Maple Leaf est une société qui fabrique des produits alimentaires emballés destinés à la vente au détail. La société a des usines dans tout le Canada, ainsi qu'aux États-Unis, au Royaume-Uni, en Asie et au Mexique. Cette société multinationale est formée de trois principaux groupes, à savoir le Groupe des produits de viande, le Groupe des produits de boulangerie et le Groupe agroalimentaire (qui comprend des activités d'équarrissage, des activités de production de biodiésel, de même que la production de porcs).
Monsieur McAlpine, je vais vous inviter à présenter votre exposé. Les sénateurs vous poseront ensuite des questions. Nous savons que vous êtes très occupé. Grâce à vos commentaires, à votre vision et à vos recommandations, nous pourrons certainement avancer et continuer d'être les meilleurs en agriculture.
[Français]
La parole est à vous, monsieur.
[Traduction]
Rory McAlpine, vice-président, Relations gouvernementales et industrielles, Aliments Maple Leaf : Je vous remercie de me donner l'occasion de contribuer à votre étude.
[Français]
J'aimerais aussi vous remercier de votre travail sur le projet de loi S-11.
[Traduction]
C'est la Loi sur la salubrité des aliments au Canada.
[Français]
C'était le sujet de ma dernière visite.
[Traduction]
Je suis heureux de voir que vous avez réussi à mettre en œuvre cette loi, et je vous remercie de votre visite de la boulangerie Canada Bread. J'espère que vous en avez profité.
J'aimerais d'abord parler de la vision de Maple Leaf en matière de recherche et d'innovation. J'aborderai par la suite le sujet de la traçabilité, qui est la question principale du jour.
La Banque de développement du Canada définit l'innovation comme étant :
[...] une façon imaginative de faire face au changement. Il s'agit de susciter de nouvelles idées, d'effectuer de la recherche et du développement, d'améliorer les processus ou de renouveler les produits et services. À un autre niveau, l'innovation fait également référence à un état d'esprit dans votre entreprise; un état où votre personnel, qu'il œuvre dans les bureaux administratifs ou dans l'atelier, vise toujours l'amélioration continue et pense constamment à des solutions qui sortent des sentiers battus.
Je crois pouvoir dire franchement et modestement que la transformation actuelle des Aliments Maple Leaf illustre plutôt bien cette définition. J'aborderai d'abord la salubrité des aliments.
Comme vous le savez, nous avons connu une grande tragédie en 2008, pendant la crise de la listériose, lorsque nos produits ont été contaminés. Notre entreprise et notre culture ont par la suite subi des changements profonds. Dans l'esprit de la définition de la BDC, nous avons complètement redéfini notre leadership en matière de salubrité des aliments, notre stratégie, notre gestion du rendement, nos technologies liées aux processus et aux produits, notre analyse environnementale et notre certification par des tiers. Nous visons une amélioration continue de la salubrité des aliments.
Ensuite, nous procédons à la transformation de notre réseau de production au Canada. Pour ce faire, nous aurons dépensé 760 millions de dollars de 2010 à 2014. C'est probablement le plus important investissement jamais fait dans une entreprise agroalimentaire canadienne. Nous avons notamment construit une nouvelle boulangerie à la fine pointe de la technologie à Hamilton, et procédé à la restructuration de nos opérations relatives à la viande, notamment par l'entremise d'importants investissements à Saskatoon, à Winnipeg, à Hamilton et à Brampton. Nous avons restructuré et rationalisé la chaîne d'approvisionnement nationale, qui comprend moins d'unités de gestion de stock, un approvisionnement centralisé et de nouveaux centres de distribution à Saskatoon et à Aberfoyle, en Ontario.
Si vous doutez de l'ampleur de ces innovations, les installations de traitement des viandes qui sont en construction à Hamilton sauront vous convaincre. Elles sont phénoménales. Elles sont à moitié construites. Elles seront de la taille de 10 terrains de football. Elles abriteront des équipements à la fine pointe de la technologie et de l'automatisation : du système de cuisson et de refroidissement continu au début de la chaîne jusqu'aux robots d'emballage et de palettisation à la fin. Nombre de ces équipements n'ont encore jamais été utilisés au Canada, et ils nous permettront d'accroître notre productivité et notre capacité de production, de prolonger les postes de travail, de réduire les changements de quart, d'améliorer le rendement, de réduire les coûts directs et indirects et d'accroître l'efficacité de l'entreposage et de la distribution.
La création de nouveaux produits est un autre élément d'innovation. Bien sûr, c'est le plus visible pour les consommateurs. Nous avons d'abord investi dans le nouveau centre d'innovation ThinkFOOD!, une installation de 12 millions de dollars située à Mississauga, en Ontario, où nos experts en développement de produits, nos nutritionnistes, nos microbiologistes et autres étudient ensemble toutes les questions qui ont une incidence sur le choix des consommateurs.
Leur travail n'est pas sorcier. Il ne s'agit pas d'une science fondamentale, mais bien concrètement, d'innovation. Nous répondons aux demandes des Canadiens : nous offrons des viandes préparées avec des ingrédients entièrement naturels, des saucisses précuites plus sécuritaires grâce à un procédé de haute pression hydrostatique, du poulet et du bacon Schneiders emballés en portions individuelles, du pain blanc à valeur nutritive supérieure, des sauces à cuisson sans agents de conservation ni agents colorants ou aromatisants artificiels.
La réduction du sodium suscitant un immense intérêt; nous avons emboîté le pas. En fait, à l'heure actuelle, nous croyons que près de 25 p. 100 de nos produits de boulangerie et le tiers de nos produits de viande répondent aux lignes directrices de Santé Canada sur la réduction du sodium, et nous voulons atteindre cet objectif pour le plus grand nombre de produits possible d'ici 2016.
La durabilité est un autre domaine d'innovation important pour l'entreprise. Nous allons publier notre tout premier rapport sur la durabilité, ce que nous aurions probablement dû faire avant. Ce n'est pas que nous n'avons pas investi, nous n'avions tout simplement pas transmis ces renseignements au public. Le rapport fera état de 96 millions de dollars de capital et de 244 millions de dollars de frais d'exploitation associés aux programmes environnementaux depuis 2001. Nous avons éliminé 95 p. 100 des déchets des sites d'enfouissement de 40 installations. En fait, nous avons trois boulangeries au Royaume-Uni qui ne produisent aucun déchet. Rien ne va au site d'enfouissement; pas de matières organiques, pas de plastique.
Enfin, la mise en place d'un système SAP dans toute l'entreprise est faite à 80 p. 100. Le remplacement des 40 anciens systèmes coûtera 93 millions de dollars.
J'aimerais maintenant aborder la question des investissements publics dans la science et la technologie agroalimentaires. Je viens de vous parler d'innovation, non pas d'inventions, et je crois qu'il y a une différence importante entre les deux. Je crois qu'il faut parcourir le Canada et le monde pour trouver les meilleures idées, et les appliquer avec rigueur, en contrôlant les coûts. Mais à la base, il faut que les nouvelles idées voient le jour, et il faut que les secteurs public et privé investissent avant l'étape de la commercialisation. En d'autres termes, il faut favoriser la recherche, qui est justement le thème de votre étude.
En 2011, le Réseau de recherche sur l'innovation agricole au Canada a déterminé que chaque dollar investi dans la recherche et le développement en agriculture engendrait des retombées de 10 à 15 $. Les études réalisées sur le rendement des investissements placent la recherche en agroalimentaire en tête de liste, parmi tous les secteurs. Le département de l'agriculture des États-Unis a conclu que la recherche de base ou prétechnologique bénéficiant d'un soutien public offrait le meilleur rendement des investissements, suivie de la recherche publique appliquée puis de la recherche privée. Les investissements publics sont donc les plus rentables.
Est-ce à dire que le secteur agroalimentaire canadien est voué à la médiocrité si les investissements publics dans la recherche axée sur la découverte diminuent? Pour répondre à cette question, il faut comprendre la façon dont les investissements privés dans la recherche agricole et le contrôle privé des droits de propriété intellectuelle ont évolué, en particulier dans le domaine de la biotechnologie végétale. Il faut également se demander si le Canada doit à tout prix se fier à sa propre recherche alors que, par exemple, la Chine est un leader mondial dans le domaine de l'amélioration génétique du blé, le Brésil a cloné plus de 100 espèces animales et le Japon est un leader mondial dans le développement des produits nutraceutiques.
Toutefois, quel que soit l'équilibre optimal qu'il faille trouver entre la recherche publique et privée, la recherche de base et la recherche appliquée, en ne maintenant pas de plan stratégique bien financé en matière de recherche agroalimentaire, le Canada perdra sa capacité de faire valoir les caractéristiques uniques de ses produits en fonction de leur rendement, de leur qualité et de leur valeur nutritive supérieurs, il sacrifiera la durabilité de sa base de ressources, affaiblira l'efficacité économique de ses chaînes d'approvisionnement et ébranlera le système de réglementation fondé sur les connaissances scientifiques et nécessaire pour évaluer les risques et intervenir en conséquence.
Où en sommes-nous? Je vois des signes d'alerte. D'abord, pourquoi la Stratégie nationale des sciences et de la technologie de 2007 ne mentionne-t-elle même pas l'agroalimentaire? Comment avons-nous laissé cela passer? Pourquoi Agriculture et Agroalimentaire Canada a-t-il aujourd'hui 50 p. 100 moins de scientifiques qu'en 1992? Selon l'Institut international de recherche sur les politiques alimentaires, les investissements mondiaux dans la recherche et le développement sur l'agriculture ont augmenté de 22 p. 100 de 2000 à 2008. Au Canada, ils n'ont pas bougé, ce qui signifie en fait qu'ils ont diminué.
L'industrie agroalimentaire de l'Australie est très similaire à celle du Canada. Or, le financement public de la recherche dans ce secteur est deux fois plus important que celui du Canada, bien qu'il semble y avoir moins d'investissements privés dans la recherche agricole.
L'an dernier, le seul programme des centres d'excellence nationaux qui finançait la recherche sur les aliments et les biomatériaux — à l'Université de Guelph — a pris fin.
Bien sûr, vous connaissez le système de crédit d'impôt pour la recherche scientifique et le développement expérimental, qui peine à faire reconnaître les dépenses relatives à l'innovation et à l'alimentation, et à les rendre admissibles. Ce programme a été considérablement réduit pour toutes les entreprises.
Toutefois, le tableau n'est pas totalement sombre. On a annoncé le programme pour l'innovation en agroalimentaire en vertu du nouveau cadre stratégique quinquennal Cultivons l'avenir 2, financé à hauteur de 698 millions de dollars. Je suis par ailleurs heureux de faire partie du conseil d'administration d'un nouveau regroupement canadien pour l'innovation et la prospérité dans le domaine de l'alimentation.
Enfin, l'industrie de la transformation des aliments — et pas seulement celle qui s'occupe des groupes de produits — s'est réunie pour former une nouvelle entité juridique, afin de pouvoir obtenir des fonds pour favoriser l'innovation au- delà la production, jusqu'à la chaîne d'approvisionnement. Nous attendons de voir si notre demande de financement a été approuvée.
On ne peut toutefois pas nier le fait que le financement public dans la recherche agroalimentaire diminue. Aux États- Unis, le président Obama a fait valoir que :
réduire le déficit par la diminution des investissements dans l'innovation et l'éducation, ce serait comme alléger un avion surchargé en retirant son moteur. On aura peut-être l'impression de voler au début, mais on tombera assez rapidement.
Enfin, j'aimerais parler de la traçabilité. Les divers représentants de l'industrie comme le Conseil des viandes du Canada vous ont parlé de son importance pour gérer la salubrité des aliments et la santé animale. En tant que grande entreprise du secteur de la transformation des viandes, Maple Leaf peut confirmer que la traçabilité, fondée sur une bonne gestion de la chaîne d'approvisionnement, de bons dossiers électroniques, et ainsi de suite, est essentielle en cas de rappel des produits. Nous attribuons un code à tous nos produits, ce qui permet une identification et un suivi efficaces de certains produits et lots. Nous apprécions les importants investissements du gouvernement et de l'industrie dans les systèmes de traçabilité du bétail. Notre profil de risque pour la santé animale est beaucoup plus fort.
Toutefois, nous sommes du même avis que Jim Laws du Conseil des viandes du Canada, qui a dit qu'il reconnaissait l'importance de retracer la ferme d'origine d'une carcasse dans une chambre froide. Il croit toutefois qu'il n'est pas pratique ni nécessaire, ni économiquement faisable d'établir un système pour retracer l'animal ou la ferme d'origine à partir d'un emballage.
Tout simplement, nous n'estimons pas que la traçabilité des viandes emballées ou d'autres produits de consommation de la ferme à la fourchette rehausse grandement la compétitivité, la croissance du marché ou la profitabilité. En fait, la traçabilité obligatoire a le potentiel de provoquer la fragmentation du marché, une hausse du nombre d'UGS, ainsi qu'une augmentation des pertes sèches et de la complexité des chaînes d'approvisionnement en protéines, tant à l'échelle nationale qu'internationale. Peut-être qu'elle rassurera les consommateurs fortunés quant à la qualité et à l'origine des aliments qu'ils choisissent, mais elle ne contribuera pas à accroître le rendement, à réduire le gaspillage ou à accroître l'efficacité du système que nous tentons de gérer pour nourrir 9 milliards de personnes d'ici à 2050. Nous devons faire attention de ne pas permettre à un système de réglementation de la salubrité des aliments, de la santé animale et de la viabilité environnementale fondé sur des données scientifiques d'être miné par la fausse perception de supériorité que donnent les aliments dont on retrace l'origine par rapport à ceux pour lesquels on ne le fait pas.
En terminant, je vais faire une observation un tantinet politique dans ce secteur, si vous me le permettez. Il semblerait que l'une des applications les plus élémentaires et raisonnables de la traçabilité est de savoir quels sont les aliments qui sont importés et ceux qui sont produits au pays. Au Canada, nous avons à cet égard une série de règlements et de politiques d'application de la loi qui portent beaucoup à confusion. À une époque où les consommateurs se montrent de plus en plus intéressés par les aliments locaux et où les gouvernements offrent divers programmes pour faire en sorte qu'il soit plus facile d'en acheter, le marquage de divers aliments importés diffère beaucoup d'un segment du marché à l'autre, y compris en ce qui touche les produits réglementés comme la viande, le poisson et les produits laitiers, et les aliments emballés que vous trouvez au supermarché.
Un produit de viande emballé importé doit porter la mention « produit de X pays », mais si la viande est découpée et emballée dans un plateau à l'arrière du magasin, elle n'a pas à porter cette mention. Nous recommandons fortement que cette lacune soit comblée et prise en compte dans les dispositions relatives à l'étiquetage qui figureront dans le règlement d'application de la nouvelle Loi sur la salubrité des aliments offerts aux Canadiens.
Pour conclure, j'aimerais mentionner deux points essentiels. Les échanges commerciaux nets du Canada en produits alimentaires transformés à valeur ajoutée ont baissé, passant d'un déficit de 1 milliard de dollars en 2004 à un déficit de 6,3 milliards de dollars en 2011. Nos exportations de produits alimentaires transformés ont connu une croissance, mais les importations croissent beaucoup plus vite qu'elles. Depuis 2005, 54 usines de fabrication de produits alimentaires ont fermé leurs portes en Ontario et 8 000 personnes ont perdu leur emploi. Cela exclut l'usine de Christie Foods de Toronto qui fermera ses portes cette année et les 550 emplois qui seront perdus en conséquence.
Pour un pays doté de grandes capacités de production agricole, le Canada est confronté à une perte importante de compétitivité dans ses chaînes d'approvisionnement en produits alimentaires fabriqués en raison d'un manque d'intensité du capital, de croissance de la productivité et d'innovation. Maple Leaf est résolu à changer cette réalité en faisant des investissements d'échelle dans la technologie et la mise au point de nouveaux produits. La traçabilité a un rôle à jouer, mais tout petit. Pour moi, ce qui est le plus important, ce sont les soutiens que nous offrons à la recherche et au développement, aux politiques fiscales concurrentielles, à l'infrastructure bien développée et à la réglementation moderne.
Le président : Merci beaucoup, monsieur McAlpine.
Le sénateur Mercer : Merci, monsieur McAlpine, pour cet exposé approfondi. Vous avez couvert toute la gamme de questions pour nous.
Vous avez parlé d'un certain nombre d'innovations jamais vues au Canada que vous avez mises en place depuis les terribles problèmes que nous avons éprouvés il y a quelques années. D'où viennent-elles et où ont-elles été mises au point? Peut-être que cela nous donnera une idée de la direction qu'il faut suivre.
M. McAlpine : Dans les secteurs de l'équipement et la technologie du procédé ainsi que de la mise au point de produits, comme de nouveaux ingrédients, microorganismes et emballages, la plupart des innovations viennent des États-Unis ou d'Europe. Par exemple, l'un des principaux nouveaux éléments de l'usine de traitement des viandes que nous faisons construire à Hamilton est un système appelé Armor Inox. Il s'agit d'un système de cuisson-refroidissement continu qui vient remplacer le vieux processus de fumage de la viande fumée, et qui nous vient de France. Nous avons dans nos usines de nouveaux systèmes de robotique qui nous viennent du Japon. La plupart des ingrédients ou des innovations et des interventions au plan de la salubrité alimentaire ont tendance à venir des États-Unis.
Le sénateur Mercer : Qui a payé pour la mise au point de la pièce d'équipement française?
M. McAlpine : Je l'ignore. C'est une entreprise française, mais je ne sais pas si le gouvernement a investi dans cette innovation ou technologie.
Le sénateur Mercer : Vous avez parlé d'étiquetage et vous n'avez pas parlé de la mention du pays d'origine sur les étiquettes des produits exportés, ce qui pose problème à bien des gens. Vous pouvez vous prononcer là-dessus si vous voulez, mais ma principale question se rapporte aux importations. Vous avez dit que les importations préemballées doivent porter la mention « Produit de X pays ». Vous avez affirmé que vous vouliez que l'on règle la question des viandes découpées dans l'arrière-boutique des supermarchés ou des boucheries. Le marchand connaît-il toujours l'origine de la viande qu'il a achetée avant de la découper? Est-ce une dépense pour le détaillant d'ajouter cet étiquetage à ce stade? Il aura probablement de multiples étiquettes. Il aura du bœuf de l'Argentine et du porc d'un autre pays.
M. McAlpine : Selon une réglementation distincte, les produits importés préemballés comme les fruits de mer, la viande, les produits laitiers et les produits maraîchers doivent porter une étiquette contenant la mention « Produit de X pays ». Pour les céréales et autres produits d'épicerie secs, la seule exigence est que l'on indique qu'il s'agit d'un produit importé par ou pour, en général, une grande multinationale comme Kraft, Unilever ou autre, mais sans préciser le pays d'origine.
Pour répondre à votre question, tout produit importé en vrac qui sera ensuite transformé dans un magasin ou une installation pour être redistribué au Canada devrait porter la mention « Produit des États-Unis », par exemple. Nombre de ces produits arrivent dans un magasin dans des grands sacs Cryovac pour être découpés. Si l'on suit les règles, cet emballage mentionnera le pays d'origine. L'étiquetage en magasin est automatique. Il indique le poids et le prix. Le fait d'ajouter « Produit de X pays » et de le placer sur la barquette ne représente pas vraiment une étape ou un coût supplémentaire.
Nous avons eu des produits Maple Leaf sur le marché qui portaient la mention « Produit des États-Unis », ce qui est simplement erroné. Il y a toujours ce risque, car l'erreur est humaine, mais pour nous, il ne serait pas bien difficile de l'exiger.
Le sénateur Mercer : Merci.
Le sénateur Plett : Merci d'être venu, monsieur McAlpine. Ma première question est dans la même veine que celle du sénateur Mercer. S'agit-il d'un processus réciproque? Lorsque nous exportons, quelle information devons-nous mettre sur les étiquettes? Les mêmes règles s'appliquent-elles aux exportations qu'aux importations?
M. McAlpine : Je ne peux pas parler pour tous les pays du monde, mais je crois que tous les pays industrialisés doivent apposer la mention « Produit de X pays » sur les étiquettes des produits importés. Aux États-Unis, l'USDA réglemente la viande, les œufs et les fruits et légumes, tandis que la Food and Drug Administration réglemente tout le reste. Aux États-Unis, il faut absolument que l'origine de tout produit importé soit mentionnée sur l'étiquette.
Les États-Unis appliquent l'épouvantable règle obligatoire concernant la mention du pays d'origine sur l'étiquette, ce qui pose problème. Il n'est pas difficile d'identifier le pays d'origine sur l'emballage, mais la façon de déterminer l'origine en vertu de cette règle obligatoire est extrême et représente vraiment une restriction commerciale, et nous l'avons contestée à l'OMC, qui nous a donné raison. C'est un problème distinct.
Pour répondre à votre question, oui, si nous le faisions, nous appliquerions les mêmes règles à tous les produits alimentaires et nous nous conformerions aux exigences générales de tous les pays.
Le sénateur Plett : Merci. Vous avez laissé entendre que vous étiez d'accord avec le témoignage que nous avons entendu, comme moi, je crois, selon lequel il ne faut pas nécessairement faire la traçabilité des aliments de la ferme à la fourchette, que le fait de pouvoir retracer la ferme dont provient une carcasse devrait suffire. Cela dit, le Danemark est doté d'un système de traçabilité de la ferme à la fourchette. On nous a dit que c'était plus facile pour les Danois vu qu'ils vivent dans un petit pays. Pourquoi sont-ils aussi déterminés à en avoir un? Est-ce que leurs aliments sont plus salubres que les nôtres grâce à cela ou est-ce simplement que tout le monde se sent un peu plus en sécurité parce que le système permet de faire la traçabilité jusqu'à la fourchette?
M. McAlpine : Je suppose que je dirais, tout d'abord, que les problèmes de salubrité alimentaires n'ont pas manqué en Europe. Nous avons aussi eu des problèmes. Je ne crois vraiment pas que l'on devrait partir du principe qu'il s'agit précisément d'une question de salubrité alimentaire. Comme je l'ai dit, oui, la traçabilité est importante dans le contexte du repérage des produits, de leur traitement et, en cas de rappel, du besoin de connaître, si vous êtes exploitant, l'origine directe de ce que vous recevez et de ce que vous avez envoyé à un client. Pouvoir retracer les lots et disposer de dossiers électroniques à cet égard est crucial pour retrouver un produit en cas de problème.
Je dois dire que je ne connais pas le processus à fond, mais que l'Union européenne a une directive en matière de responsabilité qui impute plus clairement la responsabilité à la ferme si une substance est détectée dans, par exemple, un produit de viande contaminé qui se retrouve sur le marché. Je suppose que cette responsabilité a maintenant encouragé tous les maillons de la chaîne d'approvisionnement à opter pour la traçabilité obligatoire, car cela leur évite d'être tenus responsables. Ils peuvent dire « Oh, non, ce n'était pas moi; c'était lui » et continuer le long de la chaîne.
Pour en revenir à votre question, peut-être que les consommateurs danois sont plus disposés à payer. Là où je veux en venir, c'est que s'il y a un marché ou un attribut de ce produit qui rehausse sa valeur ou sa qualité et pour lequel le consommateur est prêt à payer, et si le marché récompense la traçabilité ou l'identification par l'intermédiaire de la traçabilité des conditions, par exemple, dans lesquelles ce produit a été créé ou les animaux sont traités, alors le secteur privé interviendrait et mettrait en place ce type de traçabilité axée sur les produits et les emballages. En ce moment, en Amérique du Nord, les gens sont à la recherche de protéines à faible prix, et nous ne constatons aucune demande des consommateurs pour ce type de système. Honnêtement, l'Europe perd des parts du marché mondial. Elle a imposé une grande partie des coûts de la réglementation à ses industries de la viande et du bétail, et celles-ci ont de la difficulté à survivre aux plans financier et économique. Je pense qu'il existe des coûts réels que nous devons mettre en balance avec les avantages.
Le sénateur Plett : Ma dernière question est de nature quelque peu personnelle. Vous entreprise était auparavant propriétaire d'une société ayant pour nom Landmark Nutrition, mais elle ne l'est plus après des transferts d'actifs, et cetera. J'avais l'impression que ce qu'on y faisait se prêtait à la traçabilité du porc. En raison du type de nourriture qu'ils utilisaient pour nourrir les animaux, le travail qu'ils faisaient se prêtait à la traçabilité. Ai-je raison?
M. McAlpine : Je pense que vous faites peut-être allusion à un projet que nous avions et dans lequel nous examinions la traçabilité fondée sur l'ADN; nous voulions voir si des tests d'ADN menés sur un morceau de viande pouvaient s'inscrire dans un système de traçabilité. Nous avons consacré des efforts à ce projet. Au bout du compte, il n'est pas allé plus loin, ou nous l'avons abandonné. Encore une fois, je n'en connais pas toutes les raisons. Je pense que, sur le plan scientifique, c'est possible, mais très coûteux. Encore une fois, la question qui se pose est la suivante : « Quelle est la valeur réelle de cet exercice? » Nous ne le faisons plus.
Le sénateur Plett : Vous avez tout à fait raison. Je pense que c'était exactement cela.
La sénatrice Merchant : Merci, et bonjour. Premièrement, j'aimerais vous poser des questions concernant votre usine de Saskatoon, car je suis originaire de la Saskatchewan. Vous avez parlé d'investissements publics-privés. Pouvez-vous me parler un peu de ce que vous faites de nouveau à Saskatoon? Est-ce que vous créez des emplois? Dans l'affirmative, quelle est la différence entre le nombre de personnes qui travaillaient pour vous auparavant et le nombre de personnes qui travaillent pour vous maintenant?
M. McAlpine : Merci d'avoir posé la question. Je ne me rappelle pas du nombre exact d'emplois mais, à Saskatoon, nous avons beaucoup investi dans l'accroissement de la capacité, l'automatisation et la modernisation de la fabrication des saucisses, en particulier, et d'autres produits de viande fraîchement préparés. Pour ce faire, il a fallu investir des millions de dollars de nouveaux capitaux et créer de nouveaux emplois. Nous ne parlons pas d'une quantité énorme, car le projet comprend beaucoup d'automatisation pour améliorer l'importance et l'efficacité de l'usine. C'est l'élément principal. Elle devient maintenant un centre d'excellence pour ces produits destinés à être distribués à l'échelle nationale. Nous avons aussi notre nouveau centre de distribution de l'Ouest à Saskatoon, qui compte un certain nombre d'employés pour gérer la distribution des produits dans l'Ouest canadien.
À un moment donné, comme vous le savez peut-être, il a été question de l'avenir de l'abattage de porcs en Saskatchewan. Nous faisons partie de ce potentiel mais, au bout du compte, comme vous le savez, nous avons fermé nos anciennes installations d'abattage. Il ne reste plus que les activités commerciales à valeur ajoutée. Nous devons aussi dire que, malheureusement, dans le cadre de cette rationalisation difficile, nous avons simplement fermé l'usine de transformation du bacon de North Battleford, en Saskatchewan. Cette production se fait maintenant à Winnipeg dans le contexte, encore une fois, d'un centre d'excellence de la fabrication de ces produits.
La sénatrice Merchant : Merci de ces réponses. Cela m'éclaire un peu. Je vis à Regina. Vous avez aussi mentionné notre lutte et notre victoire dans le dossier du pays d'origine, mais en quoi cela nous a-t-il aidés? Je ne crois pas que les États-Unis se conforment à la décision, n'est-ce pas?
M. McAlpine : Non. En fait, le 23 mai est leur date limite pour annoncer ou imposer cette règle qu'ils avaient rédigée et pour laquelle ils avaient tenu des consultations et reçu une condamnation quasi universelle. Le 23 mai est la date clé après laquelle, s'ils ne se sont pas conformés à la décision, le Mexique et le Canada auront la possibilité de renvoyer la question à l'OMC et de lancer un processus de représailles, si telle est la décision. Bien entendu, nous avons espoir de ne pas en venir à cela. Cependant, à ce stade, ce qu'ils ont proposé n'est pas satisfaisant, notamment pour les producteurs de bétail du Canada, et la bataille continuera.
La sénatrice Merchant : Puis-je poser une troisième question? Vous avez aussi parlé du commerce et du déficit commercial. Sur quels marchés vous concentrez-vous? Je sais que les États-Unis ont signé un nouvel accord avec la Corée, par exemple, et qu'il s'agit d'un marché que nous visons habituellement. Où en sommes-nous dans nos négociations avec eux, par exemple, et quels autres marchés asiatiques visez-vous et avec lesquels le gouvernement du Canada pourrait vous aider?
M. McAlpine : Le plus grand et plus important marché d'exportation de Maple Leaf est le Japon. En premier lieu, ce sont les États-Unis en fait de volume, mais, en fait de valeur et de rentabilité, l'Amérique du Nord fait de très bonnes affaires en vendant du porc au Japon. Nous jouons un rôle très important à cet égard.
La question de la Corée est très problématique. Nous perdons rapidement tous nos acquis dans ce pays car, pour en revenir à ce que vous disiez, les Coréens ont conclu des accords de libre-échange avec les États-Unis et l'Europe. Ces pays ont maintenant deux niveaux de réduction tarifaire d'avance sur nous, et nous avons réduit considérablement la taille de notre bureau de vente en Corée. Nous sommes en train d'être complètement éliminés du marché et c'est très dommage. C'était un marché énorme. En fait, les ventes totales de produits agroalimentaires pour le Canada se chiffraient à près d'un milliard de dollars. Les ventes de bœuf et de porc sont sérieusement menacées. Malheureusement, rien ne laisse entrevoir que nous sommes près de conclure un accord avec la Corée, malgré des efforts renouvelés l'an passé. C'est une question très préoccupante. Sinon, nous sommes très intéressés par les questions en jeu dans le contexte d'éventuels accords de libre-échange avec le Japon et l'Union européenne. Nous sommes très engagés dans ces discussions et le Partenariat transpacifique. Ce sont tous des accords qui importent au secteur de la viande et à d'autres secteurs agroalimentaires canadiens.
La sénatrice Buth : Merci beaucoup d'être là. J'aimerais revenir sur la déclaration de Mme Merchant au sujet des exportations. Divers témoins nous ont affirmé que les normes de traçabilité diffèrent d'un pays à l'autre. Cela crée un peu de confusion, car je pense que certains croient que le Japon demande une traçabilité intégrale alors que d'autres pays ne la demandent pas. Pouvez-vous nous parler un peu des exigences de traçabilité qui caractérisent les différents marchés?
M. McAlpine : La majeure partie de nos exportations de porc est destinée à la transformation et, ultimement, à des produits pour les consommateurs. C'est le cas de ce que nous exportons au Japon. C'est aussi vrai pour le gros de ce qui s'achemine vers les États-Unis, et, je crois, vers le Mexique et d'autres marchés. Par conséquent, notre porc aboutit dans un réseau où les intervenants doivent avoir une confiance absolue de la salubrité du produit, ce qui nécessite l'identification individuelle des lots. Il arrive qu'ils testent ces lots à la frontière ou à l'arrivée. Ensuite, le porc est soumis à un processus de transformation, et nous en perdons dès lors, en quelque sorte, la responsabilité. Voilà la dynamique.
Or, sur le plan des exportations, notre grand problème pour l'instant concerne l'accès au marché russe. En effet, la Russie a imposé des conditions très strictes pour s'assurer que la viande ne contienne pas de ractopamine, le stimulateur de croissance de la compagnie Paylean utilisé dans l'élevage des animaux d'où l'on tire la viande destinée au marché russe. Pour mettre cette exigence en place, les Russes ont serré la vis aux exportateurs et ils exigent maintenant un contrôle sévère s'appuyant sur la preuve que les porcs envoyés à l'abattoir ont été suivis et qu'ils sont exempts de ractopamine, et que les abattoirs eux-mêmes n'ont pas traité d'autres bêtes susceptibles d'avoir reçu ce stimulateur de croissance. C'est là un bon exemple d'une situation où la traçabilité devient une condition essentielle pour accéder à un marché, condition qui s'accompagne d'importantes dépenses et d'importants bouleversements. La ségrégation nécessaire pour en arriver là est très difficile à mettre en œuvre.
Outre ce type d'exigence client, il est plutôt rare qu'un marché exige un tel degré de traçabilité — jusqu'au lieu d'élevage — pour un produit de viande destiné à l'exportation.
La sénatrice Buth : Je crois savoir que la ractopamine est approuvée au Canada et aux États-Unis, ainsi que dans d'autres pays. Pourquoi la Russie la refuse-t-elle?
M. McAlpine : Malheureusement, la Russie, la Chine et l'Union européenne ont pris position contre les stimulateurs de croissance, malgré les données scientifiques — et, dans ce cas, la science est bien établie et le Codex a été approuvé — indiquant que la ractopamine est un médicament sécuritaire, pour peu qu'elle soit utilisée de façon appropriée, et qui indique que son retrait ne laisse aucune trace résiduelle chez l'animal. Bien entendu, pour certains de ces pays, le braquage est en partie motivé par le fait qu'ils s'efforcent de gérer leurs propres systèmes de médicaments, ce qui est assurément le cas de la Chine. Ainsi, s'ils disent oui aux exportations de produits utilisant ces médicaments, ils ne seront plus en mesure d'empêcher leurs propres industries de s'en servir. Or, le contexte particulier de ces pays rend très difficile le contrôle approprié de l'utilisation sécuritaire de ces médicaments. Il en résulte habituellement l'imposition de restrictions non scientifiques sur les importations, qui nuisent au commerce. Dans le cas de l'Europe, l'interdiction est plutôt attribuable à une vive opposition des consommateurs à l'endroit du recours aux hormones ou aux stimulateurs de croissance dans l'élevage du bétail. Cette question a été débattue devant l'OMC. Dans le cas de l'Union européenne, c'est un autre exemple de réaction non scientifique des consommateurs.
La sénatrice Buth : Qui se traduit par des barrières non tarifaires au commerce... comme celles qui vous nuisent à l'heure actuelle.
M. McAlpine : Exactement.
La sénatrice Buth : En ce qui concerne vos commentaires sur la recherche publique et la recherche privée, pouvez- vous nous dire où la transition devrait se faire de l'une à l'autre et comment vous établissez où elle devrait avoir lieu? Mon secteur d'attache, l'industrie du canola, s'appuyait fortement sur la recherche publique. Puis, au fur et à mesure que le secteur privé s'y est incrusté et qu'il en a finalement pris le contrôle, le gouvernement a cru plus prudent et plus responsable d'y diminuer son apport.
M. McAlpine : C'est une question intéressante. Je ne prétends pas être un expert sur la façon dont la recherche est gérée dans les différents volets de l'agroalimentaire. Cependant, pour revenir à ce que j'ai dit dans mon exposé, les fonds que l'État met initialement à la disposition de la recherche fondamentale — par exemple, le financement initial avancé pour le développement du canola, de certaines variétés de blé, et ainsi de suite —, peut donner lieu à des retombées remarquables qui, à leur tour, ouvriront la porte à une recherche et des investissements accrus du secteur privé. Dans le cas du canola, ce mécanisme a accouché d'une énorme industrie. Quoi qu'il en soit, cela commence comme un travail d'avant-garde, lorsque quelqu'un — un gouvernement, la plupart du temps — est disposé à assumer le coût et les risques de la recherche dans un domaine qui, à ce moment précis, ne semble pas particulièrement prometteur sur le plan de la rentabilité commerciale.
Par contre, cela n'est pas toujours le cas. En ce qui concerne le point que vous soulevez, j'ai dit qu'il ne fallait pas nécessairement que l'on revienne au niveau de financement qui était accordé à la recherche fondamentale en agriculture dans les années 1930 ou 1940. L'environnement économique est complètement différent. Les entreprises biotechniques, les entreprises alimentaires et les intervenants du commerce des denrées peuvent désormais assumer une partie de cette recherche. Je crois cependant que nous accordons maintenant trop de place au secteur privé. N'oubliez pas que cela comprend aussi les droits de propriété intellectuelle qui, avec la mise au point de nouvelles technologies en matière de génétique, sont maintenant contrôlés par une seule entité privée, ce qui signifie que la capacité d'utiliser ces avancées pour faire de nouvelles découvertes et faire progresser encore plus la science est, de toute évidence, limitée par l'existence de ces droits, et ainsi de suite.
Ce sont les questions qu'il faut se poser. En ce qui concerne l'industrie du bétail, si le secteur public ne fait pas beaucoup de recherche fondamentale en matière de génétique animale, j'ai bien peur qu'il n'y en aura pas du tout et que nous ne puissions pas profiter du même type d'avantage qu'avait occasionné, il y a quelques générations de cela, le développement des races animales au Canada.
La sénatrice Buth : Vous avez indiqué que vous disposez maintenant d'une organisation et que vous vous intéressez aux grappes scientifiques.
M. McAlpine : C'est exact.
La sénatrice Buth : En tant que membre de l'industrie de la fabrication alimentaire, avez-vous fait la liste détaillée des mesures à prendre sur le plan de la recherche publique?
M. McAlpine : Oui. Les thèmes de cette grappe — la base sur laquelle nous nous sommes appuyés pour cet appel de propositions en matière de recherche — concernent la salubrité des aliments. Selon nous, il y a un certain nombre d'enjeux non concurrentiels de science et de recherche dans lesquels nous devrions investir collectivement, lesquels pourront donner lieu à des intérêts commerciaux pour telle ou telle firme ou entreprise. Toutefois, au départ, nombre de ces enjeux seront ouverts à tous et pourront être étudiés dans une optique non commerciale. Outre la salubrité des aliments, les thèmes précis de cette grappe comprendraient la durabilité et l'amélioration de la valeur et de la qualité des produits alimentaires en général. Voilà le genre de thèmes qui, selon nous, mériteraient d'importants investissements publics en matière de recherche.
Le président : Monsieur Plett, avant de passer à Mme Callbeck, avez-vous une question supplémentaire?
Le sénateur Plett : Oui. Construisez-vous des usines susceptibles de répondre aux conditions spéciales imposées par la Russie? Vous avez dit que les porcs destinés à ce marché devaient quasiment être traités séparément. Est-ce que Maple Leaf a relevé ce défi?
M. McAlpine : Nous ne construisons pas de nouvelles usines, mais notre usine de Lethbridge, en Alberta, produit une quantité suffisante de porcs exempts de Paylean, ce qui nous permet de répondre à cette exigence russe. Le défi à cet égard est à notre usine de Brandon, au Manitoba, qui est beaucoup plus grosse et qui reçoit une variété beaucoup plus grande d'animaux. Nous arrivons toutefois à gérer la situation tant bien que mal et à prendre certaines décisions quant aux usines qui seront approuvées et celles qui ne le seront pas. Bien que nous ayons encore quelques hésitations, l'usine de Lethbridge est celle dont nous nous servons pour alimenter le marché russe.
La sénatrice Callbeck : Merci, monsieur McAlpine, de vous être joint à nous aujourd'hui. Cela nous est fort utile d'avoir le point de vue du vice-président d'une société multinationale.
J'aimerais vous questionner sur un sujet qui n'a pas encore été abordé. Vous avez parlé du centre ThinkFOOD! de Mississauga, en Ontario. Quels sont les types de renseignements que les consommateurs recherchent avant de prendre la décision d'acheter un produit?
M. McAlpine : Je vais me reporter à une note. Lorsque nous développons un produit, il y a six grandes tendances dont nous tenons compte. La première est d'ordre démographique. Il y a en effet aujourd'hui d'importants changements dans la composition ethnique et les groupes d'âge, ce qui a une grande incidence sur le marché des aliments. Sans l'ombre d'un doute, la santé et la nutrition sont des aspects omniprésents et constituent un enjeu clé. L'aspect commodité devient de plus en plus important; cette année est l'année des collations. L'ampleur de l'innovation pour la mise au point de nouveaux produits et la demande accrue des collations santé — que l'on semble privilégier de plus en plus au détriment des repas proprement dits — indiquent qu'il s'agit d'une tendance de fond. Vous ne pouvez toutefois pas négliger le goût et le besoin qu'ont les gens de se faire plaisir. Oui, nous souhaitons la santé, mais nous voulons aussi nous gâter. Il importe donc d'avoir l'œil sur cette tendance du marché.
Pour ce qui est de la promesse de valeur — récession oblige —, nous avons les paquets économiques et les points en prime pour attirer les clients à faible revenu. Nous avons de nombreuses autres marques maison et des soldes de produits vendus en vrac et en grandes quantités, ce qui est essentiel.
Le dernier élément est l'aspect écologique et, dans une certaine mesure, la provenance du produit, et la façon dont ceux-ci sont représentés dans l'emballage. Certains consommateurs se soucient de ce genre de choses.
Voilà les six grandes tendances à concilier. Nous avons des produits qui en ciblent une, d'autres, une autre. Les produits vont du « très santé » au « pas tellement santé », mais l'important est d'offrir des choix, et nous croyons que ce n'est pas notre rôle de dicter ces choix, c'est aux consommateurs de les faire. Les développeurs de produits travaillent donc sur des formulations, des stratégies de mise en marché et des emballages qui tiendront compte de tous ces aspects.
La sénatrice Callbeck : Il y a tellement d'information qui circule maintenant. Dans quelle mesure le consommateur prête-t-il attention à l'information qu'il reçoit par l'intermédiaire d'Internet, de Twitter, de Facebook et de tout le reste?
M. McAlpine : Le marketing électronique est devenu très important, et nous y participons aussi. Par exemple, Dempster's et Schneiders ont des sites web, des pages Facebook et des comptes dans les médias sociaux pour afficher de la publicité et ainsi de suite. De nombreux consommateurs emboîtent le pas. Ils n'ont peut-être pas le temps de lire l'étiquette au complet en magasin, mais quand ils reviennent à la maison, il se peut qu'ils aillent en ligne pour en savoir plus.
Nous pourrons probablement bientôt scanner un code QR sur une étiquette pour aller chercher de plus amples renseignements sur ce produit. Cet échange électronique avec le client a un potentiel énorme. Je ne suis pas certain que cela ait déjà dépassé la télévision ou la publicité imprimée, mais je sais que c'est rudement important.
La sénatrice Callbeck : Comment le centre s'y prend-il pour savoir ce qui touche vraiment les consommateurs? Je suis certaine que vous avez des groupes de consultation.
M. McAlpine : Oui.
La sénatrice Callbeck : Et quoi encore?
M. McAlpine : Il y a des cuisines d'essai, des laboratoires sensoriels et une cuisine maison où l'on peut observer, depuis une autre pièce séparée par une glace sans tain, comment les gens travaillent avec les aliments, comment ils ouvrent les emballages et ainsi de suite. C'est une combinaison de tous ces facteurs. Avant le lancement final d'un produit et pour nous assurer qu'il trouvera preneur, nous le faisons tester par des jurys de dégustation, tantôt avec des consommateurs moyens, tantôt avec des goûteurs professionnels. Toutes ces stratégies sont utilisées. Nous avons énormément recours à des analyses de données sur les tendances de consommation et nous tentons de tenir compte de ces résultats pour créer des produits qui répondent à ce que les consommateurs recherchent.
Dans une certaine mesure, il s'agit d'un processus d'essais et d'erreurs. J'aimerais croire que nous sommes meilleurs que la plupart de nos concurrents, mais, dans le secteur de l'alimentation, le nombre de produits lancés qui ratent la cible est très élevé, car il ne s'agit pas d'une science.
La sénatrice Callbeck : Vous avez parlé de l'achat de protéines à bon marché. Nous avons entendu des témoins dire que c'était le prix qui était déterminant. Selon vous, à quel pourcentage des consommateurs canadiens cela s'applique- t-il?
M. McAlpine : Les tendances pour les produits bon marché sont intéressantes. En Ontario, le créneau des détaillants à bon marché, c'est-à-dire Price Chopper, No Frills et autres chaînes du genre, connaît une croissance soutenue depuis plusieurs années. Durant cette même période, nous avons vu l'apparition de nouveaux magasins de la chaîne Whole Foods, qui font dans le détail de qualité. Les deux types de détaillants ont du succès. Bien sûr, nous voulons plus de traçabilité et un meilleur contrôle de la qualité, mais une partie importante de la population se préoccupe au premier chef de nourrir une famille, et la protéine est un élément central de l'alimentation que les gens doivent gérer. Nous sommes conscients de cela. Nous mettons en marché des produits très haut de gamme et chers, tels que des rôtis prêts pour la cuisson, mais nous avons aussi beaucoup de viandes économiques qui répondent à ce besoin. Je ne veux pas déformer les statistiques, mais il s'agit d'une importante tendance.
La sénatrice Callbeck : Combien de personnes travaillent au centre de Mississauga?
M. McAlpine : Le centre compte environ 60 employés, dont des développeurs de produits, des nutritionnistes, des diététiciens et des microbiologistes. Nous avons un excellent chef de cuisine. Le gros des activités porte sur la stratégie culinaire, et sur le travail auprès des détaillants, des consommateurs et des intervenants de l'industrie de la restauration. Par exemple, nous fournissons des produits à diverses chaînes du secteur de la restauration, alors nous travaillons avec des gens du milieu pour élaborer de nouvelles idées de menus pour, disons, Boston Pizza ou Tim Hortons. Nous élaborons le concept de A à Z, puis nous piochons sur ce que devrait être le produit, mais aussi sur la façon dont il pourra être préparé efficacement et économiquement dans leurs cuisines. Il s'agit donc d'une relation d'affaires où tout le monde trouve son compte. C'est ce que nous faisons.
[Français]
Le sénateur Rivard : Je vous remercie de votre présence. Vous avez répondu à plusieurs questions lors de votre présentation, mais je voudrais revenir sur un sujet en particulier. À la fin de votre présentation, vous avez dit qu'un produit, prenons l'exemple de fruits américains importés au Canada, doit être étiqueté « Produit des États-Unis ». Est- il possible que des producteurs américains exportateurs fassent également de l'importation? Supposons qu'il y a des fruits en provenance de l'Amérique centrale : du Panama, de la Colombie, du Nicaragua, du Costa-Rica ou encore de la Guyane, et cetera, s'ils exportaient des produits aux États-Unis et qu'après, les États-Unis nous les renvoient, y a-t-il une obligation de marquer une traçabilité, « cultivé au Nicaragua », « importé aux États-Unis » et finalement « exporté au Canada ». Est-ce possible?
M. McAlpine : Je ne suis pas bien au courant du fonctionnement en ce qui a trait aux fruits et légumes.
[Traduction]
Je suis pratiquement convaincu qu'il est impossible de falsifier la provenance d'un aliment brut importé au Canada. Si un melon venant du Nicaragua était importé aux États-Unis aux fins de redistribution — ce qui peut arriver, j'en suis certain —, l'exigence d'identifier ce produit comme étant originaire du Nicaragua s'appliquerait toujours. Mais je le répète, nous ne touchons pas à cela.
[Français]
Le sénateur Rivard : J'ai donné l'exemple des fruits et légumes, mais si c'était des produits de la viande? Je comprends qu'un pays d'Amérique du Sud ne peut être un important producteur de viande, mais si c'était le cas et que ces produits transitaient vers les États-Unis, y aurait-il une façon de savoir que le produit vient d'un animal élevé au Nicaragua, transité par les États-Unis vers le Canada? Y a-t-il une obligation?
M. McAlpine : Selon les règles des douanes, il s'agit d'une question de transformation, du niveau de transformation. En principe, normalement, c'est une transformation de 50 p. 100. Si l'importation de viande est transformée aux États- Unis et si la valeur ajoutée est au-delà de 50 p. 100, à ce moment-là, cela devient un produit des États-Unis.
En ce qui concerne la question de contrôle de la salubrité des aliments, dans ce contexte, il y aura obligation de la part des transformateurs américains de vérifier et d'avoir des contrôles suffisants pour assurer la salubrité de la viande qu'ils ont importée. Ensuite, c'est à l'Agence canadienne d'inspection des aliments de qualifier cet exportateur américain selon ses contrôles y compris le contrôle des ingrédients. Pour ce qui est de la question d'origine pour l'application des douanes, il s'agit là d'une question de transformation.
Le mandatory country-of-origin labelling est un problème aux États-Unis parce qu'ils refusent d'accepter ce principe de déterminer l'origine du produit. C'est un principe ou une règle qui va à l'encontre de ce principe.
Le sénateur Rivard : On espère être capable de signer un accord de libre-échange avec la communauté européenne avant les élections européennes de 2014. Nous sommes au courant que les négociations progressent, toutefois nous ne savons pas ce que renferme le traité. On l'apprendra en même temps que tout le monde lorsque le Canada répondra par l'affirmative à la communauté européenne.
Nous savons que l'Union européenne compte 27 pays, et la Croatie s'y ajoutera au mois d'août. La situation est différente entre les pays riches. En faisant une liste on se rend compte que le revenu per capita est à une fraction de ce que nous gagnons. On peut penser à la Roumanie, la Croatie, la Lettonie et à la Lituanie.
Devrait-on s'inquiéter que ces produits agricoles porteront une étiquette « Produit par la Communauté européenne »? Il est probable qu'on ne verra pas si le produit a été cultivé en Lituanie ou en Croatie, par exemple. Y voyez-vous un danger, ou avez-vous confiance que la communauté européenne mettra des critères comme les nôtres pour assurer la traçabilité et la salubrité?
M. McAlpine : C'est une bonne question. Il est vrai qu'il y a une grande variation des contrôles, des infrastructures et des compétences en ce qui concerne la santé animale et la salubrité des aliments à travers l'Union européenne. En même temps, pour la plupart, il s'agit d'un groupe de pays développés, avec un contrôle, des lois, des directives communes, un service d'inspection et des normes établies à Bruxelles qui s'appliquent à presque toute l'Union européenne.
La tâche n'est pas facile, mais j'ai confiance que les traités assureront des contrôles suffisants. En même temps, il y aura toujours cette obligation ou cette opportunité pour l'Agence canadienne d'inspection de faire les inspections elle- même des opérations dans tous les pays qui exportent au Canada. Il en va de même pour les autres pays d'où nous importons des viandes.
Le plus grand problème pour nous est celui des barrières tarifaires et les règlements sanitaires, phytosanitaires, qui créent des barrières techniques pour nous, pour avoir accès au marché européen. Nous nous préoccupons davantage de ces questions que de celles liées à la salubrité des produits européens importés.
[Traduction]
Le sénateur Black : J'ai trouvé vos commentaires absolument fascinants. L'exposé de ce matin était des plus intéressants. Je suis ici aujourd'hui à titre d'invité. J'aime apprendre, c'est tout.
Ma question porte sur ce que vous avez dit concernant le lien entre l'innovation, la compétitivité et la productivité. Vous avez fait des commentaires bien sentis sur l'état actuel des choses. Du point de vue de votre entreprise, si la situation devait rester comme vous l'avez décrite, quelles répercussions cela aurait-il sur elle?
M. McAlpine : Les conséquences seraient importantes. Je suppose que ce sont celles dont j'ai parlé lorsque j'ai mentionné que 50 ou 54 usines ontariennes de transformation des aliments avaient disparu au cours des six dernières années. Voilà la conséquence que nous avons observée lorsque les conditions et les coûts de production au Canada ne sont pas parfaitement identiques à ceux des États-Unis et que le dollar canadien est à parité avec le dollar américain. Le fait est qu'il est plus économique pour les grandes usines plus concurrentielles de transformer des aliments au sud de notre frontière et d'accéder ensuite à ce qui est essentiellement un marché assez limité. Voilà le problème. Dans notre univers, dans les segments de marché que nous desservons — et je ne soutiens pas que ce problème touche tous les intervenants de l'industrie alimentaire —, tout est lié à la dimension, car, bien que les gens puissent croire que Maple Leaf est une grande entreprise, nous sommes seulement la sixième ou septième société de transformation du porc en importance en Amérique du Nord. Il y a cinq ou six entreprises nord-américaines de transformation du porc qui sont plus grandes que la nôtre, et chacune d'elles est dotée d'une usine ultra-moderne de grande dimension et de pointe qui dispose de deux équipes et qui peut, à la fin d'un quart, transformer un peu plus de porc et offrir un produit donné à l'ensemble du Canada. Voilà notre réalité commerciale.
Grâce à la dépréciation de notre dollar, nous avons évité de faire face à cette réalité pendant un certain nombre d'années. Nous avons acheté des biens, et nous avons agrandi nos installations, mais nous nous sommes retrouvés avec un réseau d'usines sous-développé, inefficace et très fragmenté. Nous dépensons en ce moment 760 millions de dollars pour régler tous ces problèmes, et nous le faisons de ce côté-ci de la frontière, contrairement à un grand nombre de fabricants de produits alimentaires. Voilà ce qui est inquiétant, et le problème ne se limite pas uniquement aux emplois et au secteur manufacturier. Il touche également l'agriculture, car tous les intrants de l'industrie alimentaire proviennent des exploitations agricoles.
Nous pouvons continuer d'expédier des porcs vivants, du bétail et nos céréales aux États-Unis. Toutefois, nous aurions pensé que, dans un pays aussi riche, avancé et développé dans le domaine des intrants de ressources que le Canada l'est, les gens trouveraient une solution. Selon moi, si nous, les Canadiens, n'arrivons pas à résoudre le problème, chaque province en paiera le prix sur le plan du développement économique.
La sénatrice Buth : Quelle est l'obligation du gouvernement à cet égard? Chaque industrie affronte la concurrence sur le marché mondial. Lorsque vous examinez le secteur manufacturier, disons celui des vêtements, quelle obligation le gouvernement a-t-il de s'assurer que les fabriques demeurent au Canada, selon vous?
M. McAlpine : Tout d'abord, je dirais que ce n'est pas le problème du gouvernement. Il faut que les entreprises soient prêtes à prendre des risques, à obtenir le soutien de leurs actionnaires et à générer des capitaux, et qu'elles disposent des ressources nécessaires pour faire ces choix difficiles et risqués.
En même temps, nous exerçons nos activités dans un milieu des affaires qui est grandement touché par les politiques, les impôts, la réglementation et la fragmentation interprovinciale des exigences. En ce sens, un certain nombre de facteurs entrent en jeu. Notre environnement fiscal est très favorable et, par conséquent, il n'est pas vraiment problématique. Toutefois, je mentionne la question du soutien accordé à la recherche et au développement. C'est un rôle que seul le gouvernement peut assumer du point de vue de la recherche originale. Encore une fois, certains aspects sont positifs. Je pense que plus de fonds sont investis dans la recherche universitaire mais, d'une manière ou d'une autre, le secteur de l'agroalimentaire a été rayé de la liste de priorités. Si nous ne continuons pas d'investir dans ce secteur, cela nous mettra en danger.
Encore une fois, je mentionne la fragmentation. Votre comité a contribué à parrainer la Loi sur la salubrité des aliments au Canada. Nous sommes maintenant dotés d'une très bonne loi nationale en matière de salubrité des aliments. Toutefois, elle ne s'applique pas aux provinces ou au commerce interprovincial. Comment peut-on développer un marché national viable alors que la population est faible et fragmentée et que la réglementation est également fragmentée?
Le dernier argument que je ferai valoir est le suivant. Lorsqu'il s'agit d'aider les entreprises, que ce soit à l'aide de programmes de subventions fédéraux ou de programmes de subventions provinciaux, les gouvernements canadiens ont des préjugés contre les grandes entreprises. Nous comprenons évidemment les raisons qui motivent les gouvernements à donner un peu d'argent ici et là, et nous appuyons complètement les petites entreprises, car elles jouent un rôle très important dans notre économie. Toutefois, nous avons presque l'impression que nous ne pouvons pas gagner sans que les petites entreprises perdent, que des installations et des usines solides et de dimension nationale, desservant fièrement des marchés à l'échelle mondiale dans le cadre de leur mandat, ne peuvent coexister avec de petites entreprises. Je ne vois pas pourquoi ce serait le cas. Ce n'est certainement pas le cas dans le secteur de l'automobile, où des fabricants d'automobiles puissants et solides favorisent le développement de tout un réseau de fournisseurs de pièces d'automobiles. Et cela s'applique à de nombreux secteurs. Le marché s'étend à l'échelle mondiale; il n'y a donc pas de gagnants et de perdants, mais les politiques gouvernementales ont tendance à aborder la situation comme si c'était le cas et à favoriser les petites entreprises locales. Parfois, cela nuit aux intérêts des entreprises plus grandes et plus efficaces qui sont disposées à dépenser de larges sommes d'argent pour progresser.
[Français]
Le sénateur Maltais : Monsieur McAlpine, permettez-moi d'abord de vous féliciter pour votre français. Vous faites partie des oiseaux rares au Canada qui peuvent s'exprimer dans les deux langues officielles. C'est tout à votre honneur.
Je suis heureux d'apprendre que vous travaillez dans la restauration rapide, entre autres, avec Tim Horton. C'est une excellente idée. Je vois sur votre site Internet que vous traitez du poisson, en particulier le tilapia. Vous approvisionnez-vous chez les producteurs ontariens ou si vous l'importez?
M. McAlpine : Dans notre usine de Laval, au Québec, il y a une production de poissons prêts à manger. Je crois que c'est une importation de poissons surgelés pour la transformation et l'emballage, dans ce contexte. Franchement, je ne suis pas tout à fait au courant des chiffres d'affaires.
Le sénateur Maltais : Le tilapia, qui est élevé en Ontario, est un poisson de très bonne qualité, qui se vend à un prix compétitif par opposition à celui des pêcheurs de l'Atlantique, mais si jamais vous en importez de la Thaïlande, il faudra que vous reveniez nous voir. Je vous invite à vérifier cela, car le poisson qui est élevé au Canada, on est sûr de sa qualité, mais celui qui est élevé à l'extérieur, lorsqu'on s'informe de la façon dont il est nourri, on ne peut pas lui donner les qualités nutritives que vous donnez aux vôtres sur votre site Internet.
Au début du mémoire, vous dites qu'il y a un coût à la traçabilité. Maintenant, on est en 2013. Est-ce que, d'après vous, la majorité des Canadiens est plus tentée d'acheter une nourriture, des produits nutritifs dont on est sûr de la provenance, de la qualité et de la salubrité même si cela doit coûter un peu plus cher?
M. McAlpine : Ce n'est pas tout à fait évident. Comme je l'ai dit tantôt, il y a certainement des consommateurs qui sont prêts à payer pour avoir une telle traçabilité. C'est sûr que l'assurance de la qualité est très importante pour le consommateur, mais pour la plupart, c'est un lien entre cela et la marque de la compagnie, les informations, la promotion et l'histoire de confiance que les consommateurs ont avec une marque. Si en plus de la marque, il y a une traçabilité et des informations qui expliquent plus exactement l'origine, sans doute que c'est un incitatif, et il y a possibilité de demander plus au marché pour ce produit.
Dans d'autres circonstances, pour les consommateurs de viande, la marque est très importante. D'après moi, l'idée que c'est d'origine canadienne est importante. C'est une indication que cela vient d'un transformateur où il y a eu des inspections fédérales. Cela est important avec la marque d'inspection apposée. Au-delà de cela, on ne voit pas une grande demande de traçabilité.
Le sénateur Maltais : Je ne sais pas si vous avez lu les journaux ce matin, au Québec, on vient de saisir un stock de viande qui aurait été contaminé par des antibiotiques qui n'étaient pas destinés nécessairement à ces animaux. Ils ont peut-être été donnés par erreur. On n'a pas donné la provenance encore, mais cela vient du Canada. Est-ce que ce sont des choses qui peuvent arriver souvent ou si c'est exceptionnel?
M. McAlpine : C'est exceptionnel et cela arrive de temps en temps. En général, le contrôle des drogues vétérinaires est bien établi au Canada. Dans ces circonstances, la question importante à se poser, c'est si le produit est arrivé au marché comme cela chez les détaillants ou si cela a été découvert par des tests avant. Normalement, on espère que lorsqu'il y a un problème, les contrôles qui existent, par exemple, le contrôle de qualité de nos ingrédients, s'il y a un problème, on le retrouve à ce point. Mais cela est assez rare que c'est découvert au point où c'est déjà arrivé dans la maison du consommateur.
Le sénateur Maltais : C'est une situation exceptionnelle?
M. McAlpine : Oui.
Le sénateur Maltais : Merci.
[Traduction]
Le président : En ce qui a trait à l'allusion au tilapia, elle est probablement liée au fait que, dans votre déclaration préliminaire, vous avez mentionné qu'il était très important que les gens fassent la distinction entre aliments importés et ceux produits au Canada. Je tenais à le dire pour éviter toute ambiguïté.
M. McAlpine : C'est vrai.
Le président : Vos propos sont étroitement liés à cet enjeu, et si vous pouviez donner suite à la question relative à votre usine de Laval, nous vous en serions reconnaissants.
M. McAlpine : Bien sûr. Je peux le faire.
Le président : Au sujet de ce produit précis.
M. McAlpine : Oui.
Le sénateur Mercer : Je pensais que le sénateur Maltais se concentrerait sur le fait que vous commercez avec Tim Horton, son point de vente au détail préféré mais, au lieu, il a décidé de parler des poissons.
Je veux revenir sur l'observation que vous avez formulée, au cours de votre exposé, à propos du fait que vos boulangeries britanniques produisent sans gaspillage. J'aimerais en apprendre davantage sur la technologie, mais je ne crois pas que nous ayons le temps de le faire ici.
La technologie peut-elle être importée? Est-ce qu'une partie des 750 millions de dollars, que vous allez consacrer à la salubrité des aliments au cours des prochaines années, sera investie dans vos boulangeries, afin de réduire leurs déchets à zéro, comme vous l'avez fait au R.-U.?
M. McAlpine : Oui, nous nous employons à le faire. Je ne peux pas vous fournir beaucoup de détails à ce sujet, mais tout déchet organique a une valeur. En fait, comme cela a été mentionné, une part importante des activités de Maple Leaf sont liées à l'équarrissage. Nous recueillons des sous-produits d'origine organique — dont la majeure partie est d'origine animale —, non seulement dans nos installations, mais aussi auprès d'un grand nombre de fabriques de produits alimentaires et d'élevages de bétail. Ces sous-produits sont équarris et servent ensuite d'intrants à la production de biodiésel de notre usine de Montréal.
Nous prenons de vrais déchets, et nous les transformons en énergie. Voilà des activités réellement durables et le genre de débouchés dont il est question.
En ce qui concerne les boulangeries, je sais, par exemple, que la nouvelle boulangerie que nous avons construite à Hamilton est, encore une fois, à la fine pointe de la technologie et qu'elle a vraiment conféré une nouvelle dimension au contrôle des produits et à la gestion des déchets. De plus, elle a eu une incidence sur l'efficacité énergétique, car la fabrication d'aliments est une activité qui consomme beaucoup d'énergie, et tout ce qu'on peut faire pour économiser de l'énergie importe. C'est une importante partie de l'équation. L'eau est l'autre partie de l'équation.
[Français]
Le sénateur Rivard : Si je comprends bien ce que vous avez dit tantôt, pour ce qui est du porc Maple Leaf, vous abattez et transformez ou si vous faites également l'élevage?
M. McAlpine : Oui, on fait les trois. On a un élevage porcin au Manitoba. Récemment, on a acheté une entreprise en faillite, on a ajouté plus de production et on se sert d'à peu près 30 p. 100 de nos besoins pour les animaux qui proviennent de nos fermes au Manitoba. Pour le reste, on achète, on a des contrats avec des producteurs indépendants.
Le sénateur Rivard : Avez-vous pris connaissance des articles dans le journal La Presse? Les trois derniers samedis, il y avait deux pages complètes où on vantait le porc du Danemark produit à meilleur coût, sans subvention et élevé sans antibiotique ou hormone de croissance? Le Canada est un producteur et un exportateur et on se plaint que l'on n'a pas assez de marchés. On a importé l'année dernière du Danemark pour 12 millions de porc. Pourriez-vous commenter cela? Il y a des choses qu'on ne sait pas. Dans l'article, entre autres, on parlait de la qualité d'élevage. Le porc a plus d'espace.
M. McAlpine : Oui.
Le sénateur Maltais : Apparemment cela contribue au succès du Danemark. Mais à ma grande surprise, le Danemark est un très petit pays par rapport au Canada et ils peuvent se permettre d'exporter et le faire à meilleur coût. Je suis renversé de voir ça. Je veux avoir des réponses.
M. McAlpine : Cela reflète les éléments du marché. Le Danemark exporte au Canada des côtes de porc gelées. Et cela est souvent commandé dans les restaurants au Canada. Je ne peux pas expliquer comment les porcs sont élevés dans ce contexte, mais peut-être y a-t-il certains restaurants au Canada qui préfèrent un certain prix, car il est bon, et aussi à cause de la qualité ou de l'origine du produit.
Le sénateur Maltais : Mais comment se fait-il que maintenant on est toujours un grand exportateur de porc et qu'en même temps les exportations augmentent depuis les dernières années?
Au début de cette année, la quantité d'importation de porc des États-Unis au Canada est égale à celui des exportations. C'est incroyable, un pays exportateur, avec un avantage au plan des coûts énormes qui a grandi dans les dernières années et maintenant, on importe autant qu'on exporte aux États-Unis. Cela reflète la diminution de la production au Canada et on parle des coûts de production énormes et les pertes subies par les producteurs ces dernières années. C'est très inquiétant.
Le sénateur Rivard : On a vu avec les Américains, avant l'Accord de libre-échange, ce qu'on appelle du dumping, est- ce possible que le 12 millions d'exportations du Danemark soit exporté car ils ont des surplus et plutôt que de perdre leurs porcs, on les vende moins cher que ce que cela coûte à produire? Je suppose que dans l'accord de libre-échange, c'est pratique, si c'était le cas.
M. McAlpine : Je ne peux pas faire des accusations spécifiques dans ce contexte, mais on doit admettre que la production des produits alimentaires en Europe est très bien subventionnée et très protégée. Ils ont un système qui favorise la production de beaucoup de produits, surtout les viandes. Ils ont aussi des subventions à l'exportation pour certains marchés. En ce moment, selon ce que je comprends, il n'y a pas de subvention d'exportation pour les produits de viande vendus au Canada, mais ils ont un système général de subvention de production qui les favorise en général et on fait face à cette compétition sur les marchés en Asie, par exemple. C'est pour cela qu'il faut un accord au plan mondial pour baisser les subventions et harmoniser les niveaux de subvention, car certains pays, par exemple, les États- Unis et l'Europe ont un système qui les favorise et nous sommes plus à risque à cause de cela.
Le sénateur Rivard : Merci beaucoup.
[Traduction]
La sénatrice Buth : Je veux revenir sur vos observations relatives aux défis que l'industrie doit relever, en particulier dans le domaine de la production, et je présume que vous faisiez allusion aux coûts élevés des aliments pour animaux. Ai-je raison?
M. McAlpine : Oui.
La sénatrice Buth : Les États-Unis font face au même problème, alors je suis curieuse de savoir comment ils soutiennent la concurrence. Nous importons des produits américains. Cela nous ramène à la question de savoir pourquoi leurs entreprises sont plus concurrentielles que les nôtres.
M. McAlpine : Vous avez raison. Divers facteurs interviennent. Vous devez comprendre que les prix des porcs sont les mêmes partout en Amérique du Nord et qu'ils sont déterminés par l'offre et la demande aux États-Unis, tout comme le prix des aliments pour animaux et de la plupart des céréales fourragères, parce qu'il s'agit d'un environnement de libre-échange. Toutefois, l'industrie porcine canadienne a traversé des périodes difficiles. Pour commencer, je dirais que la devise a grandement contribué à élever les coûts et à nous placer dans une position vulnérable globalement. Deuxièmement, l'obligation d'indiquer le pays d'origine sur les étiquettes des produits a entraîné la fermeture de nombreux marchés américains où l'on expédiait des porcelets sevrés et des porcs d'engraissement. Ces ventes représentaient une partie importante du modèle d'affaires des producteurs de porcs. En ce qui concerne les aliments pour animaux, vous avez raison. Cependant, nous payons les céréales fourragères plus cher selon l'endroit où elles sont consommées. Plusieurs facteurs interviennent conjointement.
Il est vrai qu'à l'heure actuelle, les producteurs de porcs — et même ceux dont les activités sont intégrées et efficaces, comme celles Smithfield, qui est propriétaire d'un grand nombre d'exploitations — perdent de l'argent dans le cadre de leurs activités. Au Canada, nous sommes avantagés du point de vue biologique. Nous avons tendance à obtenir un meilleur rendement, un plus grand nombre de portées et un plus grand nombre de porcelets par portée, mais nos coûts fixes, nos coûts liés aux étables et nos coûts d'exploitation sont plus élevés que ceux des grands producteurs de porcs typiques des États-Unis. Selon l'endroit où nous sommes établis dans les Prairies, les coûts que nous devons assumer pour acheter des aliments pour animaux sont plus élevés. Avec un peu de chance, cela commencera à changer si les récoltes nord-américaines de maïs et d'autres céréales fourragères sont meilleures cette année.
Plusieurs facteurs entrent en jeu, mais nous avons certainement perdu l'avantage que nous donnait notre devise. Nous sommes très vulnérables et, parce que la plupart de nos exploitations sont plus petites et moins bien capitalisées, et que leurs coûts d'exploitation sont plus élevés, elles sont incapables de soutenir la concurrence et de croître de façon rentable. Il s'ensuit que nos entreprises bénéficient d'une offre de porcs réduite et, par conséquent, bon nombre d'industriels de la viande, qui ne sont pas aussi grands et efficaces que nous, sont moins concurrentiels à ce stade.
Le sénateur Plett : Pour reprendre la question de vos coûts liés aux aliments pour animaux, dans quelle mesure le fait qu'une partie du maïs soit utilisée pour produire du carburant plutôt que pour nourrir les animaux est-il problématique? Cela fait-il grimper substantiellement les coûts que vous devez assumer pour acheter des aliments pour animaux?
M. McAlpine : Eh bien, encore une fois, je pense que les économistes débattent de la question, et ce, depuis un certain temps. Je pense que c'est assurément un facteur parmi de nombreux autres. Le fait qu'une partie du maïs ou des céréales fourragères soit utilisée pour produire de l'éthanol a provoqué une réduction de l'offre, ce qui a, en fait, amplifié les circonstances. La sécheresse qu'a connue le Midwest américain en 2012 est la principale raison pour laquelle le prix des céréales fourragères a grimpé au cours des 12 derniers mois. Toutefois, j'ai lu qu'un certain nombre d'analystes affirmaient que la réaffectation du coussin, si vous voulez, qui pouvait avoir existé dans le passé a amplifié l'effet que les circonstances ont eu sur le prix des céréales fourragères. Oui, c'est un vrai problème. Nous appuyons la durabilité et, comme je l'ai dit, nous exerçons des activités de production de biodiésel. Nous bénéficions de notre mandat et de l'appui dont jouit la production de biodiésel, mais nous devons comprendre comment ces politiques peuvent avoir une incidence sur les coûts de production des animaux de ferme, en particulier.
La sénatrice Merchant : Merci beaucoup. Au cours de votre exposé, vous avez mentionné quelque chose à propos d'une réduction de la teneur en sel. J'ignore la raison pour laquelle vous procéderiez à cette réduction — et si vous répondez ainsi à une tendance ou si vous disposez de données scientifiques indiquant qu'une réduction du sodium est bénéfique pour la santé humaine — mais, lorsque vous décidez de prendre une mesure comme celle-ci, cette transition est-elle coûteuse?
Lorsque nous réduisions la teneur en sucre des produits, il nous fallait ajouter autre chose, car les gens recherchent un certain goût qu'ils préfèrent. Par conséquent, lorsque vous réduisez la teneur en sel d'un aliment, devez-vous faire quelque chose d'autre pour que celui-ci soit goûteux? Pour le sucre, par exemple, nous avons remarqué que les fabricants ajoutaient différentes sortes d'édulcorants non caloriques aux produits. Je ne crois pas que le gouvernement ait déjà ordonné cette réduction de la teneur en sel. L'a-t-il fait?
M. McAlpine : Non.
La sénatrice Merchant : Vous l'avez fait à l'avance. Quelles mesures prenez-vous lorsque vous décidez de suivre une tendance ou d'apporter un changement comme celui-ci?
M. McAlpine : La réduction du sodium constitue un grand défi à de nombreux égards. Il est évidemment très important de le faire d'une façon qui maintient la loyauté des consommateurs. On ne peut modifier radicalement les attributs ou le goût du produit sans risquer de perdre ses clients. Cependant, il y a également des réalités pratiques qui limitent ce qu'on peut faire, comme le nombre de succédanés disponibles. Je pense qu'un certain nombre de fabricants alimentaires envisagent d'utiliser de nouvelles combinaisons d'épices ou d'autres ingrédients qui modifieront la saveur, mais qui rendront le goût intéressant pour les consommateurs.
La question des coûts est importante, car, en vérité, le sel est un ingrédient très peu coûteux. Il existe divers succédanés de sel. En fait, de plus en plus de recherches portent sur ceux-ci. Cependant, ils ont tous tendance à occasionner de nombreux coûts supplémentaires.
Il y a aussi la question des délais occasionnés, car le lancement d'un nouveau produit exige beaucoup de temps. Même après son lancement, toutes les étapes qui ont été franchies pour élaborer son emballage et son étiquette sont mises en place, et l'on dresse un inventaire de tous ces intrants. Il faut attendre un cycle complet avant même d'être en mesure non seulement de déclencher une reformulation, mais aussi d'intégrer ensuite l'emballage et l'étiquetage, ainsi que tout ce qui s'y rattache.
L'une des questions que je mentionne est la réglementation car, encore une fois, le gouvernement a déclaré qu'il souhaitait qu'on réduise la teneur en sodium de nos produits. Comme je l'ai indiqué, nous nous employons à suivre les lignes directrices de Santé Canada, mais la réglementation entrave encore ce processus. Par exemple, en ce moment, elle exige une teneur en sodium minimale pour un certain nombre de produits de viande. Cette exigence est liée à la salubrité alimentaire, bien que cette marge de sécurité ait tendance à être plus élevée que ce qui s'impose ou à ne pas tenir compte des nouvelles mesures qui peuvent être prises pour assurer la salubrité des aliments, au lieu d'utiliser du sel. Le Règlement sur l'inspection des viandes prévoit des normes d'identité qui précisent des quantités limites de sel. On discute de cela depuis deux ans, et le gouvernement n'a même pas encore déposé des amendements qui régleraient ce problème. De plus, pour respecter les lignes directrices de Santé Canada relatives à l'étiquetage, il faut réduire la teneur en sodium d'un produit d'au moins 25 p. 100 avant de pouvoir le qualifier de produit à teneur réduite en sel. Vingt-cinq pour cent représentent un important écart. Nous aimerions être en mesure de promouvoir des réductions de 5 ou 10 p. 100 et d'aider ensuite les consommateurs à adopter progressivement des produits différents qui seraient beaucoup plus sains. Encore une fois, nous soutenons que les règlements relatifs à l'étiquetage, actuellement en vigueur, sont trop contraignants. Voilà des mesures que le gouvernement pourrait prendre pour nous aider, mais il ne l'a pas encore fait. À cet égard, il faut tenir compte de nombreuses données économiques et scientifiques, ainsi que de la réaction des consommateurs. Agriculture Canada a publié récemment un rapport, fondé sur des entrevues menées auprès de l'industrie, qui décrit le genre de difficultés qu'il faut surmonter. Ce document est intéressant à lire.
La sénatrice Merchant : Merci beaucoup. Il est intéressant de comprendre ce qui se passe.
[Français]
Le sénateur Maltais : Monsieur McAlpine, vous avez expliqué la réglementation pour baisser la teneur en sel dans les aliments, il y a une réglementation canadienne très sévère là-dessus. On a eu des témoins ici, et je pense en particulier aux producteurs de petits pois qui veulent rajouter quelques grains de sel dans leur contenant de petits pois et ils sont soumis à la même réglementation que vous, c'est-à-dire que l'agence de Santé Canada leur refuse ce droit ou cette nécessité, je ne sais pas pourquoi. Il y a une réglementation pour baisser la teneur en sel et une autre qui vous dit de ne pas augmenter la teneur en sel. Est-ce que c'est le cas?
M. McAlpine : Il n'y a pas de règlement qui nous oblige de réduire le sel dans nos produits. C'est un guide volontaire avec des niveaux ciblés d'ici 2016, mais pour certains produits, il y a des standards, des normes d'identité qui établissent des ingrédients, des quantités minimum de certains ingrédients d'un produit transformé. C'est le cas dans certains produits de vente. Pour les petits pois, je ne suis pas au courant des normes pour un tel produit. C'est difficile à imaginer qu'il y a un règlement qui limite le sel.
Le sénateur Maltais : C'est ce qu'ils sont venus nous dire ici. Cela les préoccupait beaucoup. Je vous remercie, c'est important de savoir que cela peut baisser et pour monter, il y a une réglementation.
M. McAlpine : Oui.
[Traduction]
Le président : Chers sénateurs, avant de conclure la séance, il y a trois points sur lesquels j'aimerais attirer l'attention de M. McAlpine.
Monsieur McAlpine, veuillez présenter nos salutations et nos remerciements sincères au groupe Maple Leaf et, en particulier, à M. Michael McCain qui dirige celui-ci de façon exceptionnelle. Il est reconnu, avec justesse, que les McCain ont toujours été des entrepreneurs altruistes ayant une conscience sociale. Cela étant dit, j'aimerais attirer votre attention sur trois enjeux sur lesquels nous aimerions obtenir des renseignements. Vous pouvez choisir de ne pas répondre à mes questions verbalement, mais plutôt par écrit. Nous vous en serions reconnaissants.
Premièrement, hier, j'ai participé à une séance de comité portant sur la propriété intellectuelle, la PI, et les difficultés liées à celle-ci, surtout dans le domaine de l'agriculture. Avez-vous des recommandations à formuler à cet égard quant à la prochaine étape que le comité devrait aborder? En ce qui concerne Cultivons l'avenir 2, quelles seraient les mesures à prendre ou à ne pas prendre, selon l'industrie?
Deuxièmement, Maple Leaf cherche à obtenir la certification de l'Initiative mondiale de la sécurité alimentaire (Global Food Safety Initiative). Pourquoi, malgré l'existence de systèmes nationaux de traçabilité, vous éprouvez le besoin d'adhérer à des normes internationales de traçabilité?
Troisièmement, voici l'expérience que j'ai vécue au cours des dernières semaines. Je vais répéter ce que j'ai dit à propos de la famille McCain, lorsque l'on pense à des entrepreneurs altruistes et à leurs agriculteurs ou producteurs. Ma question est la suivante : comme je viens d'une ville frontalière du Nouveau-Brunswick contiguë à l'État du Maine, j'ai fait cette expérience sur les marchés américains. Si l'on visite une succursale de Walmart ou même de Costco ou de Sam's, d'un côté ou de l'autre de la frontière, on aperçoit de plus en plus de produits cultivés localement dans les rayons d'épicerie. Est-ce que cela a une incidence? Certains témoins ont indiqué au comité que les produits cultivés localement n'étaient pas toujours présents dans de nombreux magasins ou pas toujours exposés en premier plan, sans pointer du doigt aucun des grands magasins d'alimentation. Avez-vous une idée de la façon dont nous pourrions mieux mettre en évidence les produits locaux dans les chaînes alimentaires du Canada?
Cela étant dit, si vous avez quelques dernières observations à formuler et si nous pouvons recevoir, par l'entremise du greffier, vos réponses aux trois dernières questions posées par la présidence, nous vous en serons reconnaissants.
Si vous avez d'autres observations à formuler, je vous demanderais de conclure votre témoignage. Ensuite, chers sénateurs, nous allons lever la séance. Avez-vous des observations à formuler?
[Français]
M. McAlpine : Je voudrais juste vous remercier pour cette occasion.
[Traduction]
C'est avec plaisir que je répondrai à vos questions. J'ai apporté des copies de notre nouveau rapport sur notre approche communautaire. Nous avons réuni dans le rapport toutes les histoires liées à notre participation à des groupes communautaires, des organismes de bienfaisance et d'autres organisations de ce genre établies partout au pays. J'ai quelques copies du rapport.
J'ai mentionné la durabilité. Comme je l'ai dit, nous sommes sur le point de publier notre premier rapport sur la durabilité. Par souci de durabilité, il sera offert sur notre site web dans quelques jours uniquement en version électronique. Le comité peut y avoir accès.
Le président : Merci. Lorsque nous parlons de la PI, j'aimerais que vous preniez en considération l'un des plus grands défis que nous devons relever relativement à la PI et aux contrats de location. Ces défis sur lesquels on a attiré notre attention hier sont le fait que, grâce à Internet, on peut facilement saisir des innovations et les introduire dans d'autres parties du monde. Cela a également une incidence sur la PI canadienne.
Cela étant dit, je vous remercie infiniment. Nous allons profiter de l'offre que vous avez faite de visiter votre centre d'innovation ThinkFOOD!, à Mississauga.
M. McAlpine : J'avais oublié. Je tiens absolument à m'assurer que vous apprécierez votre visite au centre d'innovation, si vous vous déplacez pour le voir. Nous serions ravis de vous accueillir là-bas, afin que vous puissiez comprendre de façon pratique et visuelle la façon dont nous nous attaquons à ces problèmes. Nous vous offrirons des échantillons alimentaires, et nous rendrons votre expérience très intéressante.
Le président : Monsieur McAlpine, je vous remercie infiniment.
(La séance est levée.)