Délibérations du Comité sénatorial permanent de
l'Agriculture et des forêts
Fascicule 34, Témoignages du 30 avril 2013
OTTAWA, le mardi 30 avril 2013
Le Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts se réunit aujourd'hui, à 18 h 13, pour examiner, afin d'en faire rapport, les efforts de recherche et d'innovation dans le secteur agricole (sujet : la commercialisation des recherches).
Le sénateur Percy Mockler (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président : Je vous souhaite la bienvenue au Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts.
[Français]
Mon nom est Percy Mockler et je préside le Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts. À ce moment-ci, je demanderais aux honorables sénateurs de se présenter.
[Traduction]
La sénatrice Callbeck : Catherine Callbeck, de l'Île-du-Prince-Édouard.
La sénatrice Merchant : Pana Merchant, de la Saskatchewan.
[Français]
La sénatrice Tardif : Claudette Tardif, de l'Alberta.
[Traduction]
La sénatrice Frum : Linda Frum, Ontario
La sénatrice Buth : JoAnne Buth, Manitoba.
Le sénateur Duffy : Mike Duffy, Île-du-Prince-Édouard.
La sénatrice Eaton : Nicki Eaton, Ontario.
[Français]
Le sénateur Maltais : Ghislain Maltais, du Québec.
Le sénateur Rivard : Michel Rivard, Les Laurentides, Québec.
[Traduction]
Le président : Monsieur Francis, je vous remercie de venir présenter vos points de vue et vos recommandations au Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts, alors qu'il examine les efforts de recherche et d'innovation qui sont déployés pour trouver de nouveaux marchés nationaux et internationaux, pour renforcer la durabilité de l'agriculture, pour améliorer la traçabilité des produits et pour accroître la diversité du secteur agricole.
Puisque vous représentez BioAlliance Inc., de l'Île-du-Prince-Édouard, je suis sûr que vous allez nous communiquer des informations très importantes.
Je vous invite à faire votre déclaration liminaire, après quoi les sénateurs vous poseront des questions.
Rory Francis, directeur exécutif, PEI BioAlliance Inc. : Merci beaucoup. Bonsoir à tous. Je suis très heureux d'être ici pour participer à cet important débat que vous avez entamé il y a plusieurs mois. C'est un honneur pour nous, qui venons de la plus petite province du Canada, de venir vous parler des mécanismes qui, d'après notre expérience, permettent de commercialiser efficacement les résultats de la recherche et d'ouvrir de nouveaux marchés.
Je vais parler autant des intangibles que des tangibles — et j'expliquerai tout à l'heure ce que j'entends par là — pour décrire un système d'innovation capable d'acheminer les nouvelles technologies vers les marchés. Nous savons qu'un grand nombre de technologies qui ont été mises au point intéressent le secteur agricole/agroalimentaire du Canada et du reste du monde. Le véritable enjeu est de réussir à les implanter sur les marchés afin que les recherches qu'elles ont nécessitées se traduisent par des retombées économiques et par des débouchés économiques.
Cela signifie qu'il faut mobiliser les diverses parties prenantes pour faire avancer la recherche, d'une part, et qu'il faut bien connaître les marchés, d'autre part. Nous avons appris un certain nombre de choses sur la façon de surmonter ces difficultés, et je vais vous en faire part.
Je porte trois casquettes ce soir, et peut-être même une quatrième.
J'occupe, moyennant salaire, le poste de directeur exécutif de Prince-Edward-Island Bio-Alliance. C'est une société privée à but non lucratif qui, depuis huit ans, coordonne un partenariat d'entreprises, d'organismes de recherche, d'universités et d'agences gouvernementales de notre province, dans le but de développer le secteur des biosciences. C'est un nouveau secteur de l'économie de notre province, et c'est un secteur en plein essor, mais j'y reviendrai tout à l'heure.
La deuxième casquette que je porte est celle de fondateur et membre d'AgriAlliance, de l'Île-du-Prince-Édouard. C'est une organisation qui a été créée il y a trois ans, avec une structure et une gouvernance semblables à celles de BioAlliance, en ce sens que c'est un partenariat privé de producteurs, de transformateurs, de centres de recherche et d'agences gouvernementales. Ce partenariat public-privé travaille essentiellement à la revitalisation des secteurs agricole et agroalimentaire de notre province.
La troisième casquette que je porte est celle de président de l'Eastern Canadian Oilseeds Development Alliance, qui est un rejeton, c'est le cas de le dire, d'AgriAlliance. C'est en 2010 que nous avons créé l'Eastern Canadian Oilseeds Development Alliance, qui est un partenariat de producteurs de canola et de soja de l'Est de l'Ontario. Nous avons également des transformateurs, des exportateurs et des chercheurs qui s'intéressent en priorité à ces cultures et à leur développement dans l'est du Canada.
Je suis aussi membre du conseil d'administration de l'Institut canadien des politiques agroalimentaires, ICPA, qui a son siège à Ottawa et qui joue un rôle important comme catalyseur du dialogue et du changement dans le secteur agroalimentaire, ce qui m'a permis de prendre la mesure d'un certain nombre d'enjeux propres à ce secteur, dans tout le Canada. Je crois que l'ICPA a comparu devant vous il y a à peu près un an, en la personne de notre président, David McInnes. J'aimerais dire quelques mots d'un des projets qui, me semble-t-il, illustre bien certains aspects de ce dont nous parlons ce soir.
Je vais vous donner un bref aperçu du secteur agroalimentaire et du secteur de la bioscience, car les deux sont liés dans notre province. En fait, nous estimons que ce lien est un avantage stratégique, pour le développement de ces deux secteurs.
Le secteur agroalimentaire est l'ancêtre de l'économie de l'Île-du-Prince-Édouard. Il existe depuis plus de 150 ans, depuis qu'on a commencé à défricher la terre et à planter des pommes de terre, et toute autre culture susceptible d'y pousser. La culture de la pomme de terre continue d'être la principale industrie de la province, avec un chiffre d'affaires de plus de 400 millions de dollars, auxquels il faut ajouter 3 millions de dollars pour la transformation des aliments. Environ 400 entreprises travaillent dans ce secteur, qui représente environ 10 p. 100 du PIB de la province, soit le pourcentage le plus important, après celui de la Saskatchewan, de toutes les provinces du pays. Le secteur emploie environ 7 000 personnes, qui sont réparties pour moitié entre la production primaire et la transformation.
Comme c'est le cas dans l'ensemble du Canada et aux États-Unis, la compétitivité de certains secteurs de la province se heurte à plusieurs défis. De nouveaux débouchés apparaissent, qui semblent prometteurs, mais comme c'est l'industrie la plus importante de la province, nous devons suivre de près sa croissance, son développement et son impact sur l'économie. Comme vous le savez, la pomme de terre reste la culture qui rapporte le plus au secteur de l'agroalimentaire.
Le secteur de la bioscience, lui, est beaucoup plus récent, puisqu'il n'a qu'une dizaine d'années. C'est en 2005, à peu près, que nous avons créé BioAlliance comme mécanisme de coordination. À l'époque, il y avait une dizaine d'entreprises qu'on disait « liées à la bioscience », et aujourd'hui, nous en comptons 38 dans la province, pour un chiffre d'affaires total d'environ 100 millions de dollars. Environ 1 million de personnes travaillent dans ce secteur, où 68 millions de dollars sont investis chaque année dans la R-D. On s'intéresse principalement aux composés bioactifs provenant de sources terrestres marines, y compris les sources agricoles, autrement dit des sources végétales de composés bioactifs qui peuvent servir dans diverses applications sanitaires, allant des ingrédients fonctionnels des aliments jusqu'aux ingrédients pharmaceutiques. C'est là-dessus que sont axées principalement les recherches. Vous voyez déjà, j'en suis sûr, le lien qui existe entre la bioindustrie, nos recherches et le secteur agricole la province.
Les entreprises du secteur fabriquent notamment des ingrédients cosmétiques, des ingrédients entrant dans la composition des aliments pour animaux, des produits sanitaires naturels, des produits de soins, des vaccins, des ingrédients pharmaceutiques, des diagnostics, et j'en passe. Comme je l'ai dit, la convergence des technologies et des débouchés économiques des secteurs de la bioscience et de l'agriculture est un créneau à exploiter. Le développement des technologies bioscientifiques ouvre des débouchés qui intéressent toute la chaîne d'approvisionnement, jusqu'aux producteurs primaires, ce qui permet de créer des emplois dans la transformation et la commercialisation des produits que nos producteurs, par exemple, n'auraient pas imaginés il y a encore cinq ans.
Dans les conseils d'administration d'AgriAlliance et de BioAlliance, on discute essentiellement des mêmes choses, en ce sens qu'on cherche à créer les meilleures conditions et le meilleur type de partenariat, tout au long des chaînes d'approvisionnement, pour stimuler la contribution économique de chacun de ces secteurs à l'économie de la province. Résultat des courses : les entreprises sont prospères, elles créent de l'emploi, et elles investissent dans la R-D, car c'est ce qui permet d'encourager la création de nouveaux produits pour de nouveaux marchés. L'objectif est donc de favoriser la prospérité des entreprises ainsi que l'application des résultats de la recherche à l'exploitation agricole, à d'autres partenaires de la chaîne de valeur et enfin au consommateur.
Nous avons un continuum des produits sanitaires, des produits alimentaires jusqu'aux produits pharmaceutiques.
Dans l'Île-du-Prince-Édouard, nous avons créé ce que nous considérons comme un système d'innovation au sein de notre biosecteur et, plus récemment, dans le secteur agroalimentaire, qui réunit à notre avis les principaux ingrédients d'un écosystème pour une bonne commercialisation des technologies. C'est ce que je disais au départ. L'enjeu consiste à réunir les éléments adéquats pour que la technologie puisse être commercialisée avec succès et pour que l'impact économique soit positif.
Les éléments de cet écosystème constituent ce que nous appelons le modèle des grappes. L'expression n'est pas de nous, c'est Michael Porter qui l'a inventée. Les composantes en sont assez bien connues. Il vous faut une plateforme scientifique pertinente et accessible; des travailleurs qualifiés; l'accès aux capitaux nécessaires, selon le niveau de développement de l'entreprise; et des installations et infrastructures à prix abordable. Il faut être capable de prendre sous son aile des petites et moyennes entreprises et de leur donner les services de mentorat dont elles ont besoin, et il faut l'aide de l'État.
C'est un peu comme lorsque vous préparez une soupe. Ce n'est pas parce que vous avez les ingrédients que votre soupe va nécessairement avoir bon goût. C'est un processus très dynamique. Il faut goûter la soupe, ajouter un peu de ci, un peu de ça, goûter à nouveau. C'est donc un processus permanent, parce que c'est un exercice dynamique.
Pour cette soupe, nous avons constaté qu'il était vraiment important d'utiliser ce qu'un certain Richard Bendis appelle « un intermédiaire en innovation », autrement dit un catalyseur qui réunit différents partenaires potentiels, à une idée précise de la mission de ce partenariat et crée un noyau au sein de cette grappe, qu'il s'agisse du secteur agroalimentaire ou du secteur bioscientifique. Avec un environnement commercial adéquat et un bon intermédiaire pour créer le partenariat au sein de la grappe, vous pouvez réussir à opérer le transfert de technologie qui doit se faire à partir du centre de recherche jusqu'aux entreprises, aux commerces et finalement aux marchés. Vous êtes alors en mesure d'attirer les entreprises parce que vous avez un environnement — un écosystème — attractif. Les gens constatent que, chez vous, les entreprises marchent bien, qu'elles sont rentables, qu'elles embauchent et qu'elles commercialisent leurs produits. Cela vous permet d'attirer les investissements. Quand on met en place un mécanisme coordonné entre des entreprises de l'agroalimentaire, avec des chaînes d'approvisionnement bien huilées et des relations qui fonctionnent, les entreprises veulent se joindre à vous. Les investisseurs préfèrent investir dans une grappe bien organisée plutôt que dans des entreprises qui fonctionnent en vase clos, sans les appuis et les réseaux dont elles auraient pourtant besoin pour survivre.
C'est aussi très important pour attirer et conserver la matière grise, car toutes ces entreprises fonctionnent essentiellement avec ça.
Ce que nous avons constaté, en créant les structures de coordination comme BioAlliance, AgriAlliance et ECODA, c'est qu'il faut que ça se fasse à l'initiative du secteur privé. Ça doit être indépendant du gouvernement, sinon, au bout de quatre ans, le gouvernement suivant risque de décider que ce n'était pas une bonne idée. Ce n'est pas une course de sprint, c'est un marathon. Il faut donc avoir une vision claire, cohérente et durable du cap que vous voulez suivre pour ce qui est du développement de ce secteur. Il faut être capable de créer des relations dans la chaîne de valeur et d'introduire les nouvelles technologies tout au long de la chaîne d'approvisionnement. Pour fonctionner efficacement, une chaîne d'approvisionnement a besoin d'innovation à chacun des jalons, car comme c'est ce que font les autres pays et les autres entreprises, il faut faire encore mieux qu'eux. C'est parfois problématique, car nous avons souvent des producteurs et des transformateurs qui se font concurrence sur les prix, qui ne s'entendent pas sur le prix raisonnable d'un produit, mais c'est ça le commerce.
Pour autant, il faut bien comprendre que ce genre de problème, le prix du produit en l'occurrence, va se poser inévitablement. Mais en attendant, l'essentiel est de collaborer pour créer de l'innovation, de se faire confiance, et d'introduire les nouvelles technologies dans nos installations de production primaire, de transformation, et cetera, pour être plus compétitifs sur le marché. Sinon, il n'y aura personne pour payer la facture.
Les structures de coordination, comme BioAlliance, permettent également d'aider les entreprises à se repérer dans les systèmes. Nous vivons dans un monde complexe, et beaucoup d'agences gouvernementales et autres ont des outils importants dans leur arsenal, que les entreprises ne savent pas toujours utiliser judicieusement. Nous pouvons les aider à naviguer là-dedans.
Il faut aussi savoir faire preuve de fermeté. À des plans d'entreprises qui ne tiennent pas la route, il faut savoir dire non et ne pas prendre de risques inutiles avec les capitaux publics et privés. Si le projet est voué à l'échec, il vaut mieux y mettre fin le plus tôt possible, pour limiter les dégâts.
Nous nous intéressons également à tout ce qui concerne les communications et le marquage des produits, afin de susciter de l'intérêt. Dans la bioindustrie, il n'est pas difficile de susciter de l'intérêt, car c'est un secteur excitant, nouveau, et les gens comprennent bien les nouvelles possibilités qui s'offrent.
L'agroalimentaire, en revanche, est souvent, pour moi, une source de frustration. Il est difficile d'intéresser les gens. Je suppose que c'est parce que c'est une industrie plus ancienne et que tout le monde connaît déjà la musique. Généralement, il est un peu plus difficile de les convaincre qu'un nouveau produit mérite notre attention. C'est dur de susciter de l'intérêt, ce qui n'est pas bon pour l'industrie, car ça signifie qu'il est difficile d'attirer des travailleurs de la nouvelle génération qui ne sont pas intéressés à y faire carrière. C'est un vrai problème.
J'ai parlé de l'Eastern Canadian Oilseeds Development Alliance, et j'aimerais dire quelques mots à ce sujet pour conclure. C'est aussi une structure de coordination qui réunit des partenaires de la chaîne d'approvisionnement, afin d'encourager l'introduction des résultats de la recherche et de l'innovation dans la chaîne d'approvisionnement. Cette alliance, qui rassemble sept universités canadiennes et cinq centres de recherche d'Agriculture Canada de l'Est du Canada, s'intéresse principalement au développement des industries du canola et du soja, surtout le secteur du soja à identité préservée, non-OGM et de qualité alimentaire. Les marchés visés sont principalement les marchés japonais, pour le lait de soja, le tofu, le miso et des applications spécialisées de soja de qualité alimentaire.
L'ECODA, qui est financée à 75 p. 100 par Agriculture Canada, a un programme de recherches impressionnant, qui a généré un certain nombre d'initiatives. Nous en avons géré deux et espérons en gérer une troisième, dans le cadre du programme Cultivons l'avenir 2. Voilà ce que permet une structure de coordination comme l'ECODA qui, même sans infrastructure importante, réussit à rassembler des producteurs, des transformateurs, des exportateurs et des chercheurs. C'est la magie de cette entreprise. Si vous ne réunissez pas les bons partenaires, ça ne marche pas. Il est toujours difficile de créer ce genre de partenariat avec les bonnes personnes, car il y en a toujours qui pensent que leur groupe est plus important que l'autre, d'où la nécessité d'avoir un arbitre indépendant pour engager le dialogue.
En conclusion, j'aimerais dire que les possibilités sont nombreuses, et que le plus difficile, c'est de canaliser les intérêts afin de créer des partenariats efficaces. Nous devons être capables d'introduire les produits de l'innovation dans les chaînes d'approvisionnement des marchés existants afin de conserver notre compétitivité et de trouver de nouveaux débouchés sur les marchés étrangers. Il faut pour cela avoir un réseau de relations efficace dans toutes les chaînes d'approvisionnement. Ce sont là les intangibles dont je parlais tout à l'heure, les relations humaines. La nature humaine est souvent notre plus gros défi dans ce genre d'initiative. D'où la nécessité d'avoir un intermédiaire efficace, qui sera capable d'établir la confiance, de canaliser les intérêts, et de mobiliser tout le monde.
Je vais m'arrêter là, monsieur le président.
Le président : Merci beaucoup de nous avoir présenté votre point de vue. Puisque vous venez de l'Île-du-Prince- Édouard, je vais commencer par donner la parole à l'honorable sénatrice Callbeck.
La sénatrice Callbeck : Je vous souhaite la bienvenue, monsieur Francis. C'est toujours un plaisir d'accueillir des témoins de l'Île-du-Prince-Édouard et de les écouter parler de ce qui se passe dans la province.
Comme vous l'avez dit, vous portez plusieurs casquettes, et vous jouez manifestement un rôle très dynamique dans ces secteurs de l'industrie. J'aimerais revenir sur cette grappe industrielle de la bioindustrie. Il serait intéressant que nous sachions qui sont les partenaires, combien il y en a et quel est leur rôle dans la recherche et le développement.
M. Francis : Merci, sénatrice.
La grappe industrielle de l'I.-P.-É. compte aujourd'hui 38 entreprises, ce qui a considérablement augmenté depuis huit ou 10 ans. Les gens sont agréablement surpris, en fait, lorsqu'ils découvrent que l'Île-du-Prince-Édouard a une grappe industrielle en bioscience. Ils ont tendance à penser que notre province est une région rurale et reculée du Canada, et c'est pour ça que nous devons constamment les encourager à venir constater eux-mêmes que ce n'est pas le cas. La qualité de l'infrastructure que nous avons mise en place, la plateforme scientifique, les entreprises, tout cela est vraiment hors pair.
Les entreprises jouent un rôle clé, c'est évident. Parmi les trois plus grandes, je citerai BioVectra, une entreprise locale créée par Regis Duffy il y a 40 ans, et Sekisui, un rejeton de BioVectra, qui appartient maintenant à une entreprise japonaise qui se développe à l'Île-du-Prince-Édouard. Novartis est une grande multinationale qui a créé un centre de recherche-développement sur la santé des poissons à Victoria, I.-P.-É., ainsi qu'un centre de fabrication de vaccins pour l'aquaculture à Charlottetown. L'entreprise emploie 115 personnes. BioVectra en emploie 200. On peut dire que ce sont des entreprises viables, en tout cas chez nous. Les autres entreprises sont plus petites, et ça va même jusqu'aux gens qui travaillent dans un laboratoire et qui font de la validation de concept.
Les autres partenaires scientifiques importants sont le Conseil national de recherches, anciennement l'Institut des sciences nutritionnelles et de la santé. Le CNRC a modifié sa stratégie, si bien que le nom de l'institut a disparu, mais le rôle important que joue le CNRC ne saurait être sous-estimée. Il a construit la plateforme technologique de développement des cultures et des ressources aquatiques, ce qui correspond exactement à ce que nous faisons. L'Université de l'Île-du-Prince-Édouard, surtout le Collège vétérinaire de l'Atlantique et la faculté des sciences, ont largement contribué, depuis 10 ans, à réorienter les efforts de l'institut vers la R-D.
Du côté culinaire, alimentaire et conception des produits alimentaires, nous avons des centres de recherche d'Agriculture et Agroalimentaire Canada, ainsi que Holland College, Canada's Smartest Kitchen et son Technology Access Centre, qui jouent un rôle très important aussi. Le BioFoodTech Centre est une société d'État provinciale. Les agences de financement sont notamment l'Agence de promotion économique du Canada atlantique et Innovation PEI, une société d'État provinciale. Le programme PARI du Conseil national de recherches est très important, surtout pour les petites entreprises. Il y a aussi le Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada, pour ne nommer que ceux-là. Nous avons aussi des partenaires régionaux, et même si notre territoire est limité, nous avons des réseaux qui nous permettent d'accéder à la technologie et à la matière grise dont nous avons besoin, le cas échéant.
Je vous ai mentionné quelques-uns des partenaires importants, et je peux vous dire que ça marche. Je me suis permis d'apporter deux documents. Le premier est le plan stratégique que BioAlliance a lancé en septembre; c'est le seul plan que nous avons arrêté, et il est appuyé par tous les partenaires. Notre conseil d'administration est représentatif de ce partenariat d'entreprises, d'organismes de recherche et d'agences gouvernementales, ce qui est unique. Le moteur de cette organisation, c'est la stratégie, et chacun laisse sa casquette à l'entrée afin de se concentrer sur le développement de la grappe industrielle, car c'est ce qui intéresse tout le monde, les universités, les gouvernements du Canada et de la province, les entreprises et les collectivités. C'est cette attitude qui imprègne toute la stratégie et qui nous permet de faire avancer les choses. Il n'y a pas de groupes qui ont des intérêts divergents et qui tirent sur la corde dans l'autre direction. Tout le monde est dans le même bateau et rame dans le même sens. Personne ne va à contre-courant.
La sénatrice Callbeck : Pourriez-vous nous donner l'exemple d'un nouveau débouché potentiel que vous avez repéré et des mesures que vous avez prises pour l'exploiter?
M. Francis : Ce sont surtout les entreprises qui repèrent les nouveaux débouchés potentiels, car il faut que ce soit une initiative commerciale. C'est la capacité de production de l'I.-P.-É. et le secteur agroalimentaire qui ont besoin de trouver un débouché ou un marché pour leurs produits. Pour cela, il faut un intermédiaire entre la capacité de production et le marché qui soit capable d'ajouter de la valeur et d'introduire le produit sur le marché. Les producteurs primaires vont rarement vendre eux-mêmes leurs produits sur les marchés, alors ils ont besoin de partenaires, même si parfois ils ne les acceptent qu'à contrecœur.
Nous réussissons assez bien à repérer les entreprises qui correspondent à ce que nous cherchons. J'en ai cité quelques-unes que nous avons attirées à l'Île-du-Prince-Édouard, dans le secteur agro-bio. Il y a aussi Technology Crops International, qui a construit une raffinerie de 10 millions de dollars à Kensington. C'est une raffinerie d'huiles oléagineuses, et les variétés qu'on demande aux agriculteurs de cultiver sont par exemple le chou marin, qui est une plante oléagineuse; la bourrache officinale; le souci officinal; l'écume des prés; et le colza à forte teneur en acide érucique, dont nos producteurs n'avaient jamais entendu parler il y a encore cinq ans. Les emblavures sont encore limitées — quelques milliers d'acres et certainement pas des centaines de milliers —, mais ce qui compte pour la durabilité des exploitations agricoles, c'est la valeur ajoutée de ces cultures et la possibilité de les alterner avec la pomme de terre. Technology Crops est une entreprise qui a son siège à Winston-Salem, en Caroline du Nord, et sa raffinerie de l'Île-du-Prince-Édouard est la seule qu'elle ait au monde. Ils font venir leurs graines oléagineuses d'autres régions d'Amérique du Nord et d'Europe pour les raffiner à Kensington, dans l'Île-du-Prince-Édouard. Ils produisent des ingrédients pour les cosmétiques, des huiles industrielles spécialisées, des produits nutraceutiques et des ingrédients pharmaceutiques, qui sont des produits à forte valeur ajoutée. C'est un superbe exemple. Le partenariat qui s'est constitué pour l'établissement de cette entreprise dans la province est impressionnant, et il a nécessité une coopération et une coordination tout à fait spéciales.
Sevita International est un autre exemple. Le siège social de Sevita se trouve à peu près à une heure au sud d'Ottawa, à Winchester, en Ontario. David Hendrick en est le PDG. C'est cette entreprise qui a consacré environ 14 ans à la mise au point de la variété de soja à identité préservée, non-OGM et de qualité alimentaire, pour le marché japonais. On pourrait croire que ce n'est qu'une autre variété de soja, mais ils ont fait énormément de travail au niveau de l'amélioration génétique et de la génomique pour pouvoir trouver les caractéristiques recherchées, parce que, pour les fabricants japonais, quand on fait du miso et du tofu, c'est comme quand on fait du bon vin. Pour les Japonais, c'est aussi pointu. C'est pour ça qu'il faut trouver exactement les caractéristiques qu'ils recherchent. Certains programmes de recherche portaient sur l'accroissement de l'avantage compétitif sur le marché japonais, par l'entremise de cette entreprise, et les producteurs qui cultivent cette variété ont dû apprendre à connaître l'empreinte phytochimique du soja pour satisfaire les exigences de certains fabricants japonais. C'est comme pour faire un cabernet sauvignon. C'est fascinant de voir jusqu'où ils peuvent aller dans la biologie moléculaire de la graine pour s'assurer qu'ils vont avoir un avantage sur le marché et que, par conséquent, les producteurs vont pouvoir approvisionner ce marché. Ce sont là deux exemples.
La sénatrice Buth : Je vous remercie de comparaître devant notre comité ce soir. Comment trouvez-vous des gens prêts à prendre des risques?
M. Francis : C'est vrai qu'il faut chercher. Les entrepreneurs sont des gens intéressants. Et on en est arrivé à un point où c'est eux qui commencent à venir nous voir. Si vous avez la réputation d'aider les entrepreneurs à trouver des débouchés, ils vont venir vous voir. C'est une question de relations. Grâce à vos réseaux et à vos contacts, vous entendez parler des jeunes pousses qui ont des technologies particulièrement intéressantes. Il faut pour cela avoir un solide réseau de contacts ainsi que des collaborateurs dynamiques, capables de déterminer si la commercialisation de telle ou telle technologie sera un succès.
La sénatrice Buth : Est-ce que ce sont les entreprises qui vous soumettent des idées, et vous les aidez ensuite pour la R-D? Dans le cas de Sevita, par exemple, qui a trouvé les composants?
M. Francis : C'est l'entreprise qui connaît le marché. Dans ce cas-là, c'est Sevita qui avait cette connaissance. Mais à partir du moment où l'entreprise fait partie de notre grappe industrielle, nous faisons un certain nombre de choses pour elle. Nous organisons des activités de partenariat et de réseautage entre membres de la bioindustrie, pour que les entreprises puissent rencontrer des chercheurs et établir avec eux des relations qui leur donneront de nouvelles idées pour de nouveaux produits qu'elles savent avoir des chances de commercialiser puisqu'elles connaissent le marché. Par exemple, il serait tout à fait intéressant d'étudier les implications de certains sous-produits de la fabrication et de la transformation du soja — l'huile, par exemple, pour l'aquaculture. Sevita ne sait peut-être pas tout ce qu'elle aurait besoin de savoir au sujet de l'industrie de l'aquaculture, par conséquent notre rôle consiste à mettre l'entreprise en contact avec des gens qui connaissent bien les ingrédients qui entrent dans la composition des aliments utilisés dans l'aquaculture. Sevita, qui connaît très bien son soja, peut alors déterminer s'il y a vraiment des débouchés dans ce secteur et si ça vaut la peine d'entreprendre des recherches.
La sénatrice Buth : C'est intéressant parce que d'autres chercheurs nous ont dit que c'était le chercheur qui devait trouver un partenaire commercial, et que, bien souvent, le produit de sa recherche disparaissait dans les limbes. Mais ce que vous dites est totalement différent; vous avez même parlé de la préparation d'une soupe.
M. Francis : Ce n'est absolument pas un processus linéaire. C'est une soupe, c'est vrai. Il faut favoriser les contacts entre les gens. C'est vrai que la fracture culturelle existe entre les chercheurs qui sont retranchés dans un camp, et les entreprises dans l'autre. Ce n'est pas une fracture institutionnelle, c'est une fracture culturelle. Nous devons donc favoriser les occasions de rencontres.
Springboard Atlantic, qui représente les bureaux de transfert technologique de 18 universités de la région, le CRSNG, notre organisation et d'autres groupes organisent des activités de réseautage dans des domaines précis pour permettre aux entreprises et aux chercheurs de se rencontrer dans la même salle, pendant une journée. Nous leur donnons cinq minutes pour présenter ce qu'ils font, leur mission et leurs activités commerciales et scientifiques. Ils présentent aussi les solutions qu'ils ont à offrir. Même si 90 p. 100 de ces contacts ne donnent rien, 10 p. 100 ont des chances, et rien que ça, ça vaut le coup. C'est ce que j'appelais tout à l'heure les intangibles. Ce sont les contacts et les occasions de rencontres que vous créez pour faire sortir les gens de leurs silos, de leurs laboratoires universitaires, et les amener à nouer des liens avec des entrepreneurs, ce que les universités n'aiment pas trop faire, bien souvent. Il faut reconnaître qu'il y a certains obstacles à la communication, et nous, nous essayons de créer des situations gagnant- gagnant.
La sénatrice Buth : Vous avez dit que ce qui vous intéressait, c'était les bonnes idées susceptibles d'être commercialisées. Est-ce que c'est vous qui allez chercher le financement?
M. Francis : Non. Nous pouvons faciliter certaines choses, mais ce sont les entreprises qui doivent trouver les capitaux dont elles ont besoin. Nous n'investissons pas comme Ag-West Bio, à Saskatoon. Nous ne faisons pas d'investissements, mais, en fonction de leur niveau de développement, nous mettons les entreprises en contact avec des investisseurs. Nous nous intéressons en effet plus particulièrement aux jeunes pousses, nous examinons avec elles leur plan d'entreprise pour voir si ça en vaut la peine. Pour cela, nous faisons venir des spécialistes financiers qui font une analyse FFPM de leur plan d'entreprise et qui leur disent parfois des choses qui ne leur font pas plaisir. Ils leur expliquent qu'elles auront du mal à commercialiser leurs produits avec ce genre d'approche, qu'il y a certaines choses qui manquent, qu'elles doivent renforcer leur stratégie de réglementation, améliorer leur analyse du marché, ou qu'elles n'ont pas assez réfléchi à toute la question, ou encore qu'elles devraient changer de PDG. Au début, il faut savoir leur parler franchement pour qu'elles puissent progresser par la suite. Certaines n'y parviendront pas, mais c'est ça le monde de l'entreprise.
Le président : Avant de donner la parole à la sénatrice Tardif, je vais laisser la sénatrice Merchant vous poser une question supplémentaire.
La sénatrice Merchant : Merci. J'aimerais savoir quel rôle joue le gouvernement dans ces réseaux de contacts, et je parle des gouvernements locaux, provinciaux ou fédéral.
M. Francis : Ils jouent un rôle très important, c'est sûr, mais ce n'est pas forcément un rôle de premier plan. Ça se situe surtout, en particulier pour les jeunes pousses, au niveau de l'accès aux capitaux. La plupart du temps, les investisseurs ordinaires, les investisseurs providentiels ou les bailleurs de capital-risque ne financent pas les premières étapes de développement d'une nouvelle technologie.
Le programme PARI est un outil très précieux, car il peut aider une entreprise à développer une nouvelle technologie dès l'étape de la validation de principe; le gouvernement fédéral a d'ailleurs élargi ce programme, qui est vraiment un outil très important.
L'Agence de promotion économique du Canada atlantique offre elle aussi quelques programmes très importants, notamment le programme de développement des entreprises, qui est un programme de prêts, ainsi que le Fonds d'innovation de l'Atlantique, qui est un programme très novateur et qui existe depuis une dizaine d'années. C'est un programme de prêts conditionnels, mais qui supprime les risques qui existent entre l'étape de la validation de principe et l'étape de la commercialisation. C'est important de pouvoir avoir accès à des capitaux dès le début. Comme ce ne sont pas des capitaux privés, mais des deniers publics, il faut que ce soit géré de façon appropriée. L'entreprise doit démontrer que les chances de commercialisation sont réelles.
Dans notre cas, le gouvernement provincial est toujours là pour combler les lacunes. Il y réussit très bien, sans doute parce que nous sommes une petite province. En pratique, si une entreprise nous soumet une proposition commerciale, nous réunissons dans une même salle des représentants du fédéral, du provincial, du Conseil national de recherches et d'Agriculture Canada, qui écoutent attentivement la proposition, examinent le plan d'entreprise, et ensuite donnent leur avis sur la façon de s'y prendre, dans la mesure du possible — parfois, ces programmes sont assortis de critères très précis, et il faut alors que l'entreprise corresponde exactement au profil; mais de façon générale, ils essayent de mettre davantage l'accent sur le plan d'entreprise plutôt que sur le programme lui-même, afin de voir, tous ensemble, comment il est possible de faire progresser les choses.
Notre rôle consiste en partie à encourager les rencontres entre partenaires potentiels, sans qu'aucun d'entre eux ne déborde de son mandat. En fait, chacun a plus de chances de s'acquitter de son mandat dans le cadre d'un effort collectif comme celui-ci, qui diminue les risques financiers à la fois pour les gouvernements et pour l'entreprise.
Voilà comment nous coordonnons le rôle des différents gouvernements. Tout le monde y trouve son compte. Dans les provinces plus importantes, les egos sont peut-être plus forts, les organisations un peu plus cloisonnées, si bien que l'entrepreneur doit lui-même frapper à de nombreuses portes avant de pouvoir rencontrer des partenaires potentiels. Le fait de s'adapter aux besoins des entreprises réduit considérablement le stress qu'elles éprouvent lorsqu'elles veulent commercialiser un produit.
La sénatrice Merchant : À une époque où les budgets et les économies se contractent, est-ce que vous en ressentez les effets ou bien est-ce que vous continuez de vous développer?
M. Francis : C'est toujours un problème. Il y a toujours plus de demandes que de ressources. Personnellement, je crois qu'il y a toujours plus d'argent que de bonnes idées. Autrement dit, si c'est une bonne idée et qu'elle est accompagnée d'un bon plan d'entreprise, on trouve toujours l'argent.
La sénatrice Tardif : Je vous remercie de votre excellent exposé. Je suis très impressionnée par ce que vous faites et par les résultats que vous obtenez. Existe-t-il au Canada une autre organisation qui offre les mêmes services dans le secteur de l'agriculture ou des biosciences?
M. Francis : Quand nous avons créé BioAlliance, j'ai volé plein d'idées à Ag-West Bio, car ce sont eux qui ont vraiment ouvert la voie dans les années 1980 et au début des années 1990 en s'inspirant du modèle des grappes industrielles. La Saskatchewan et l'Île-du-Prince-Édouard semblent avoir beaucoup de choses en commun.
La sénatrice Tardif : C'est peut-être parce que ce sont des provinces plus petites, avec des populations moins importantes.
M. Francis : Moi je pense que ça tient au fait que nous sommes des provinces avant tout rurales, et que nous avons les pieds sur terre. C'est peut-être ça. Qu'il s'agisse de soins de santé, de développement économique ou d'agriculture, on dirait que nous adoptons toujours les mêmes approches. En tout cas, c'est un exemple.
La société Bioenterprise, qui a son siège à Guelph, en Ontario, joue un rôle similaire en aidant les jeunes pousses et en créant des chaînes d'approvisionnement très efficaces. Les gens qui y travaillent, Gordon Surgeoner et d'autres, savent établir de bonnes relations avec les producteurs, les transformateurs et les chaînes d'approvisionnement.
Il y a aussi un groupe de l'Université Laval, au Québec, qui s'intéresse aux nutrisciences et à la santé, des gens très compétents qui ont de bons contacts avec l'industrie et qui facilitent l'activité économique dans ce domaine-là.
Du côté pharmaceutique, le groupe le plus important est MaRS, à Toronto. Il joue un rôle similaire, mais dans le secteur de la mise au point de nouveaux médicaments. Il y a d'autres exemples au Canada, avec chacun ses particularités.
La sénatrice Tardif : Qui, dans votre industrie, assume la plus grande part du fardeau de la recherche et des investissements en amont?
M. Francis : Le gouvernement fédéral, pour ce qui est des investissements initiaux dans la recherche. Je pense que c'est la même chose dans beaucoup de pays. Le secteur privé ne s'intéresse pas à la recherche en amont. Il faut donc avoir, d'une part, les installations nécessaires, grâce aux investissements publics consentis dans l'infrastructure, notamment dans les universités, et, d'autre part, des organismes de subventionnement comme le CRSNG, le CRSH et les IRSC. C'est vraiment le gouvernement fédéral qui encourage et qui finance cette recherche, et la province joue elle aussi un certain rôle.
La sénatrice Tardif : Votre plateforme permet-elle d'attirer des investissements privés dans la R-D?
M. Francis : Absolument, et des investissements commerciaux également. C'est un sujet dont on a parlé à l'occasion de la publication du rapport Jenkins, il y a quelques années, qui attribuait le déficit de productivité du Canada à l'insuffisance des investissements privés dans la R-D. Cela a suscité tout un débat, et je pense qu'il y a une part de vrai là-dedans. Nous avons constaté qu'ils ont beaucoup augmenté entre 2002 et 2010, qui est la dernière année pour laquelle nous avons des données de Statistique Canada. Les investissements privés dans la R-D et dans les entreprises ont triplé, voire quadruplé dans l'Île-du-Prince-Édouard. C'est une augmentation considérable, et nous voulons que cette tendance se maintienne, car nous avons besoin que le secteur privé investisse dans la R-D.
Outre les investissements des gouvernements — fédéral, provincial et autre —, l'autre critère de mesure de notre succès est l'investissement privé et le capital-risque qui sont injectés dans notre entreprise. Pour nous, c'est un précieux baromètre. Il ne faut pas que le gouvernement soit le seul à investir, il faut que le secteur privé le fasse lui aussi.
La sénatrice Tardif : Vous avez tout à fait raison. C'est une critique qu'on a souvent entendue, que le secteur privé n'investissait pas suffisamment dans la R-D au Canada, surtout par rapport à d'autres pays comme les États-Unis.
Quelle incidence votre plateforme a-t-elle sur les priorités de recherche des universités et autres centres de recherche de l'Île-du-Prince-Édouard?
M. Francis : Je peux vous dire, en ce qui concerne l'Université de l'I.-P.-É., que son ancien président, Wade MacLauchlan, et le président actuel ont une attitude très positive. Ils sont membres du conseil d'administration depuis la création de BioAlliance. Ils font vraiment ce qu'ils disent qu'ils vont faire : de nouvelles chaires de recherche, et des investissements dans des installations adaptées à certaines des priorités que nous avons énoncées dans des documents comme ceux que j'ai apportés ce soir.
C'est vraiment très important. Ils sont membres du conseil d'administration. Quand on discute de priorités, qu'on s'entend qu'il faut investir dans la plateforme scientifique et que rien ne se produit, il y a un problème. Mais ce n'est pas le cas. Nous avons eu la chance de traiter avec des gens très bien de l'université et du Holland College. Brian McMillan et le collège ont créé, il y a quelques années, un programme de technologie bioscientifique sur deux ans, qui acceptait des étudiants tous les deux ans. Maintenant, le programme accepte des étudiants tous les ans. Le programme s'est développé. Les diplômés qui en sortent sont immédiatement recrutés par le secteur privé, car ce sont d'excellents employés. La réaction de nos partenaires compte pour beaucoup dans notre succès.
Le Conseil national de recherches joue lui aussi un rôle important. À l'heure actuelle, cet organisme est en pleine mutation, mais fort heureusement, notre institut, qui était l'un des centres les plus récents du CNRC, avait déjà été structuré de façon à collaborer avec le secteur privé. Dès qu'ils se lèvent le matin, ces gens-là savent qu'ils vont travailler avec le secteur privé. Ça fait partie de leur schéma mental. Mais ce n'est pas nécessairement la même chose partout ailleurs au Canada, surtout dans les centres universitaires. Nous avons la chance d'avoir un groupe de gens dynamiques à Charlottetown. Ils sont bien sûr intégrés au programme national, mais je pense que ça nous donne accès à un plus vaste réseau d'expertise, et les entreprises ont elles aussi accès à un plus vaste réseau de contacts.
[Français]
Le sénateur Rivard : Le comité s'intéresse à la recherche, au développement et à l'innovation, tout cela dans le but de viser la conquête de nouveaux marchés, le renforcement du développement durable, l'amélioration de la diversité et la sécurité alimentaire.
Récemment, nous apprenions que l'industrie du bœuf s'apprêtait à demander au gouvernement fédéral la permission d'irradier la viande. On sait que cela se fait pour les pommes de terre, les oignons et les épices.
Devrait-on donner le feu vert sans études scientifiques, sachant qu'on exporte davantage de bœuf qu'on en consomme et que nous devons demeurer compétitifs sur les marchés. J'aimerais connaître votre opinion sur la question?
[Traduction]
M. Francis : Je ne suis pas expert en sécurité alimentaire ou en irradiation des aliments, et vous en savez probablement plus que moi là-dessus. Mais je vais quand même vous donner mon opinion, en exerçant la plus grande prudence.
J'ai l'impression que l'irradiation n'est pas un problème scientifique, mais essentiellement un problème de perception. Et c'est cette perception qui fait que les gens achèteront ou non tel ou tel produit. C'est donc un aspect important de la sécurité alimentaire et des autres dimensions de la question.
Ce sont sans doute des mesures proposées pour parer au risque du E. coli et pour accroître la sécurité alimentaire. Je suis sûr que les autorités réglementaires compétentes vont trouver une solution et s'assurer de la parfaite sécurité de la technologie. Mais ce seront sans doute les Canadiens qui, au bout du compte, décideront, avec leur portefeuille, si c'est la voie que le Canada doit choisir.
[Français]
Le sénateur Rivard : Vous l'avez dit, c'est pour éradiquer les épidémies d'E. coli. Et c'est la raison pour laquelle l'industrie du bœuf a demandé l'irradiation. Je comprends que vous n'ayez peut-être pas d'opinion comme telle, mais personnellement, je crains que les prix augmentent si on touche aux produits.
Par contre, si on élimine l'E. coli, c'est quelque chose de bien. Cela peut toutefois créer de l'inquiétude de la part des marchés étrangers. On parle présentement de libre-échange avec la communauté européenne. On négocie avec le Japon. Plus les prix sont élevés, moins nous sommes compétitifs.
[Traduction]
La sénatrice Eaton : Merci, monsieur Francis. J'ai lu les documents que vous avez apportés. Vous dites que le transfert des technologies est inadéquat et ne permet pas la mise en œuvre de pratiques exemplaires. Que voulez-vous dire?
M. Francis : Je pense que cette phrase s'applique en particulier au niveau du producteur, c'est-à-dire au transfert des résultats de la recherche à ce niveau-là. Par l'entremise de ses instituts de recherche, Agriculture Canada a dominé le secteur canadien de la recherche pendant de nombreuses années. Cette critique...
La sénatrice Eaton : Je ne le prends pas comme une critique. Je pense que c'est aussi ce qui se passe dans le reste du Canada.
M. Francis : C'est moi qui fais cette critique. C'est un reproche que je fais à Agriculture Canada, et je ne m'en cache pas. Les résultats des recherches ne sont pas suffisamment transférés au niveau de l'exploitation agricole, si bien que les producteurs ne profitent pas de ces innovations parfois très pointues.
Nous avons pris certaines initiatives dans notre province pour y remédier. Par exemple, nous avons un nouveau modèle de transfert technologique — peut-être pas nouveau pour d'autres pays mais nouveau pour nous. Il consiste à faire payer ce transfert au producteur. Un réseau de cultivateurs s'est abonné à un service agronomique. C'est une initiative du secteur privé. L'agronome qui gère le programme sélectionne les résultats de recherches qui lui semblent susceptibles d'avoir un intérêt économique pour une exploitation agricole donnée; il les teste au niveau commercial, en mesure les résultats dans l'exploitation agricole à la fin de l'année, et communique tout cela au cultivateur pour qu'il voit si cette pratique vaut la peine d'être adoptée.
La sénatrice Eaton : C'est un peu comme un consultant qui va rencontrer l'agriculteur pour lui conseiller de changer certaines choses afin d'augmenter ses niveaux de production, n'est-ce pas?
M. Francis : C'est plus que des conseils. Les agriculteurs veulent voir où le test a été fait. S'ils doivent le faire eux- mêmes, comme ils sont très occupés à la période des récoltes, ils oublient où se trouve le lot de recherche, et le produit qu'ils y ont fait pousser est mélangé avec les autres. L'application des résultats de recherches se fait donc sur place, dans les exploitations agricoles, de sorte que les agriculteurs peuvent en constater eux-mêmes les avantages économiques. Il s'agit de mesurer les avantages économiques de la nouvelle pratique, car c'est ça qui convaincra les agriculteurs de l'adopter ou pas. Vous savez, ces gens-là ne changent pas facilement leurs habitudes, et si vous n'avez pas des preuves concrètes à leur présenter, ils vont reprendre les pratiques de leurs parents. Autrement dit, l'innovation n'est pas acceptée, et après on se demande pourquoi il n'y a pas eu d'amélioration des niveaux de production, de la qualité ou de quoi que ce soit.
La sénatrice Eaton : Vous avez parlé d'innovation et de tout ce que fait votre organisation. Au cours de notre étude, nous avons constaté que la marque était devenue un facteur très important eu égard à la sécurité, à la fiabilité et à la qualité du produit. C'est important dans le contexte des accords de libre-échange. Nous sommes sur le point d'en signer un avec l'Union européenne, et nous regardons aussi du côté du PTP et bien sûr de l'Asie. Nous avons des échanges commerciaux permanents avec les États-Unis.
Si la pomme de terre est synonyme d'Île-du-Prince-Édouard, est-ce que vous faites du marquage pour qu'on sache que les pommes de terre de l'I.-P.-É. sont meilleures au goût que celles du Nouveau-Brunswick?
M. Francis : L'Île-du-Prince-Édouard possède une marque depuis bien longtemps, à la fois pour sa géographie et pour sa pomme de terre. Celle qu'on cultive à l'est de l'île est réputée pour sa qualité. La marque, c'est important. J'ai toujours pensé qu'on n'en faisait pas assez à ce niveau-là.
La sénatrice Eaton : Quand je pense à l'Île-du-Prince-Édouard, je pense à Anne aux pignons verts... c'est toute mon enfance. Pourquoi votre pomme de terre ne pourrait-elle pas être une marque?
M. Francis : C'est difficile à faire de nos jours, et je vais vous dire pourquoi. Il y a certaines choses dont on peut parler. Le marché du commerce au détail s'est beaucoup consolidé au Canada. Il ne reste qu'une poignée de grands détaillants, et les marques privées sont devenues le nerf de la guerre entre ces détaillants et face à leurs concurrents étrangers. Ils ne veulent donc pas nécessairement d'une marque géographique. Ils préfèrent avoir leur propre marque — et nous connaissons tous ces marques — sur les emballages. Par stratégie, les détaillants ne sont pas favorables à des marques géographiques, si vous voulez.
Cela a un peu changé ces dernières années, parce que les gens s'inquiètent de l'origine des aliments, suite aux problèmes de qualité de la viande de bœuf, entre autres. Et comme les gens veulent connaître l'origine des aliments, les marques qui correspondent à des lieux précis retrouvent une certaine faveur auprès des consommateurs. Les choses sont peut-être en train de changer radicalement à ce niveau-là.
En 1997, nous avons lancé l'initiative du Prince Edward Island Food Trust, qui concernait principalement les marques. Elle a permis d'introduire des normes de qualité plus sévères, un calibrage cohérent, et une présentation unique du produit sur le marché. L'objectif était en quelque sorte de créer, à un cran au-dessus, la marque I.-P.-É.
La sénatrice Eaton : Nous avons accueilli des femmes très intéressantes du Québec, la semaine dernière, qui nous ont parlé de la traçabilité des aliments, c'est-à-dire de la possibilité de retracer l'origine des produits. Je pense que ce serait extrêmement avantageux pour une province comme l'Île-du-Prince-Édouard.
M. Francis : Oui. On hésite souvent à faire certaines dépenses, et on ne comprend pas toujours que le marquage d'un produit permet d'accroître la marge de profit. C'est un préjugé culturel. Il n'y a pas que nos pommes de terre à marquer, il y a aussi nos moules, qui sont réputées à l'étranger. Mais pour marquer le bœuf de l'Île-du-Prince-Édouard, il faut avoir les outils de marquage chez soi, sinon, on perd le contrôle du marquage. C'est vrai que la qualité du bœuf de chez nous est exceptionnelle, mais on ne fait toujours pas de marquage.
La sénatrice Eaton : Merci.
Le sénateur Duffy : Monsieur Francis, comme les autres sénateurs, je suis ravi de vous voir. Vous êtes un innovateur depuis plus de 30 ans à l'Île-du-Prince-Édouard. Vous avez commencé jeune, et vous vous êtes fait un superbe curriculum vitae, tout en nous aidant à développer la province.
J'aimerais revenir sur certaines questions que vous a posées la sénatrice Tardif tout à l'heure. On parle beaucoup de pénurie de travailleurs qualifiés. Je sais que votre organisation, l'université et le Holland College travaillez en étroite collaboration. Est-ce que les jeunes ont tendance à préférer faire des études dans des technologies plus pointues? Est-ce que ce sont surtout des femmes? Je m'inquiète de voir que, dans notre coin de pays, le taux de décrochage des garçons, à l'école secondaire, est phénoménal. Pourtant, ce serait des emplois fantastiques pour eux, s'ils voulaient un tant soit peu persévérer.
M. Francis : C'est une question un peu compliquée. C'est vrai que les statistiques indiquent un taux de décrochage élevé, surtout chez les garçons. La plupart d'entre eux se trouvent aujourd'hui à Fort McMurray; quand ils grandissent, ils se retrouvent dans des emplois bien rémunérés dans le nord de la Saskatchewan ou de l'Alberta.
Le sénateur Duffy : Est-ce que les écoles et les collèges font ce qu'il faut pour former les gens dont vous avez besoin?
M. Francis : Non. Il y a certainement un paragraphe de notre stratégie qui dit — et ce n'est pas un phénomène propre à l'Île-du-Prince-Édouard — que la qualité de l'enseignement, de la maternelle à la 12e année, doit s'améliorer. Dans le Canada atlantique, les taux de litératie et de numératie sont insuffisants, et il faut absolument s'attaquer au problème. Nous perdons...
Le sénateur Duffy : C'est notre avenir.
M. Francis : Oui, c'est notre avenir que nous compromettons. Il s'agit de jeunes qui ne réalisent pas tout leur potentiel scolaire, et ça se répercute plus tard sur la formation technique ou universitaire. C'est un manque à gagner pour le système et pour notre population active. Comme vous le savez, le Canada atlantique n'attire pas suffisamment d'immigrants pour combler les pénuries de main-d'œuvre, et notre taux de natalité n'est pas suffisant non plus.
Le sénateur Duffy : À propos du cousin Regis, je sais que tous les habitants de la province sont vraiment fiers de ce que le Dr Regis Duffy a fait au cours des 40 dernières années. S'agissant de l'analyse de l'ADN, notre comité s'intéresse actuellement à toute la question de la sécurité et de la traçabilité des aliments, de l'exploitation agricole à la table à dîner. Il me semble que l'ADN pourrait aider à faire cette traçabilité, et on sait que le Dr Duffy a mis au point un kit d'analyse tout à fait novateur et fort populaire. Savez-vous si des chercheurs étudient actuellement la possibilité d'utiliser l'ADN pour la traçabilité des produits?
M. Francis : Le Centre for Aquaculture Technologies est une entreprise implantée dans ma ville natale de Fortune Bridge, à l'Île-du-Prince-Édouard. Elle a cette expertise, dont elle se sert pour l'amélioration génétique des poissons, en particulier. S'agissant du génotypage des produits alimentaires, elle a aussi toutes les compétences nécessaires pour faire ce genre de traçabilité. Par exemple, quand vous voyez du poisson blanc sur l'étal du magasin, vous vous demandez parfois si c'est de l'aiglefin, du flétan ou de la morue, mais avec le génotypage, vous avez la réponse. Voilà donc un exemple d'entreprise qui fait ce genre de travail.
Le sénateur Duffy : Je vais laisser la parole à ma collègue, non sans vous remercier d'être venu nous rencontrer. Vous nous avez présenté des perspectives très intéressantes. On nous dit souvent que le Canada rural — en l'occurrence, l'Île- du-Prince-Édouard — n'a pas d'avenir, mais je constate qu'il y a beaucoup de choses qui se passent chez vous et dont on n'entend pas assez parler. Je tiens à vous féliciter du leadership et du sens de l'innovation dont vous faites preuve.
La sénatrice Callbeck : Merci. En lisant la brochure que vous nous avez remise au sujet de la grappe industrielle dans la bioscience, je vois, à la page 9, que vous vous êtes fixé des cibles ambitieuses. Par exemple, vous dites que, d'ici à trois ans, le nombre d'emplois aura doublé, de même que les revenus du secteur privé. C'était en 2012, et nous ne sommes même pas à mi-chemin de ces objectifs. Pensez-vous qu'on va les atteindre?
M. Francis : Prenons-les un par un. En ce qui concerne le nombre d'emplois, c'est vrai que les progrès ne sont pas suffisants, jusqu'à présent. Nous avons affiché un bon taux de croissance, malgré le ralentissement économique. Nos grandes entreprises se sont beaucoup développées. Nous sommes à peu près à 30 p. 100 de notre objectif, et pas à 50 p. 100.
Par contre, les revenus du secteur privé ont enregistré une hausse de 200 millions de dollars, et là, les progrès sont en phase avec l'objectif fixé.
La sénatrice Callbeck : Pas possible?
M. Francis : Si, les chiffres sont excellents. Le secteur affiche une expansion considérable. Pour ce qui est des dépenses de R-D, elles se sont élevées à 70 millions de dollars en 2010. Pour atteindre 100 millions, il va falloir intensifier les efforts de commercialisation, car la R-D, est axée sur le marché. Ça ne va pas être facile, mais les chiffres servent justement à impulser notre stratégie.
La sénatrice Callbeck : Vous avez souligné l'importance de l'agriculture dans l'économie de la province, puisqu'elle représente plus de 10 p. 100 du PIB. Je crois qu'elle emploie plus de 7 000 personnes. Qu'est-ce qui vous préoccupe le plus dans l'agroalimentaire de la province et de l'ensemble du Canada?
M. Francis : À l'Île-du-Prince-Édouard, ce qui me préoccupe le plus, c'est que la prochaine génération de travailleurs intellectuels ne choisiront pas de faire carrière dans l'agriculture ou dans l'agroalimentaire. Comment les grandes exploitations qui ont actuellement un chiffre d'affaires de 3 ou 4 millions de dollars vont-elles opérer la transition? Comment la succession va-t-elle se faire? Ce sont des entreprises difficiles à gérer, il faut des gestionnaires compétents. Il va donc falloir réussir à attirer ces gens-là dans notre industrie. Nous en aurons bien besoin.
La sénatrice Callbeck : Merci beaucoup d'être venu nous rencontrer. Ça fait du bien d'entendre que ça bouge à l'Île- du-Prince-Édouard. Félicitations pour tout ce que vous réussissez à accomplir.
M. Francis : Je ne suis pas tout seul, nous sommes nombreux à y travailler.
Le président : Sénatrice Callbeck, merci beaucoup.
Monsieur Francis, nous vous remercions d'avoir témoigné devant notre comité.
(La séance est levée.)