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AGFO - Comité permanent

Agriculture et forêts

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent de
l'Agriculture et des forêts

Fascicule 36, Témoignages du 4 juin 2013


OTTAWA, le mardi 4 juin 2013

Le Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts se réunit aujourd'hui, à 18 h 15, pour examiner, pour en faire rapport, les efforts de recherche et d'innovation dans le secteur agricole.

Le sénateur Percy Mockler (président) occupe le fauteuil.

[Français]

Le président : Je vous souhaite la bienvenue à cette réunion du Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts.

[Traduction]

Je souhaite la bienvenue à nos témoins et ferai dans quelques instants les présentations.

Je suis le sénateur Percy Mockler, du Nouveau-Brunswick, président du comité. Je vais maintenant demander aux sénateurs de se présenter. Je commence par le sénateur assis à ma gauche.

Le sénateur Mercer : Je suis le sénateur Terry Mercer, de la Nouvelle-Écosse, vice-président de ce comité.

Le sénateur Plett : Je suis le sénateur Don Plett, du Manitoba.

La sénatrice Buth : JoAnne Buth, du Manitoba.

La sénatrice Eaton : Nicky Eaton, de l'Ontario.

[Français]

Le sénateur Maltais : Ghislain Maltais, de la province de Québec.

[Traduction]

Le président : Le comité continue son étude sur les efforts de recherche et d'innovation dans le secteur agricole. Aujourd'hui, l'objet de la réunion est de comprendre l'innovation dans l'agriculture et l'agroalimentaire du point de vue de l'offre et de la bioéconomie.

Je précise à l'intention de nos témoins qu'aux termes de notre ordre de renvoi, nous sommes autorisés à examiner les efforts en matière de recherche et développement, notamment en ce qui concerne le développement de nouveaux marchés intérieurs et internationaux, le renforcement du développement durable de l'agriculture et l'amélioration de la diversité, de la sécurité et de la traçabilité alimentaires.

Honorables sénateurs, aujourd'hui nous avons le plaisir d'accueillir les représentants de Monsanto Canada, en l'occurrence, M. Mike McGuire, son président.

Monsieur McGuire, nous vous remercions d'avoir accepté notre invitation à comparaître. Nous sommes tous conscients de l'important rôle que vous jouez, vous, votre entreprise et vos équipes, dans l'avancement de l'agriculture canadienne.

M. McGuire est accompagné de Trish Jordan, vice-présidente, Affaires publiques et corporatives, et de Brian K. Treacy, vice-président, Affaires réglementaires.

Le greffier du comité m'indique que M. McGuire entend nous présenter un exposé.

Après votre exposé, monsieur, nous passerons aux questions des sénateurs.

Mike McGuire, président, Monsanto Canada : Merci, monsieur le président et mesdames et messieurs membres du comité sénatorial. Je vous remercie de cette occasion de prendre la parole devant vous sur l'importante question des investissements et de l'innovation dans l'agriculture. Je m'appelle Mike McGuire et je suis président et directeur général de Monsanto Canada. Notre siège social se trouve à Winnipeg, au Manitoba.

Canadien, j'ai été élevé en Ontario. J'ai occupé, au cours des 26 dernières années, divers postes de responsabilité au sein de Monsanto Canada, ou au siège de l'entreprise, à St. Louis, aux États-Unis. J'ai assumé mes actuelles fonctions de directeur de nos activités au Canada, en juillet 2011.

Monsanto est une entreprise spécialisée dans le domaine agricole. Notre clientèle est entièrement constituée d'agriculteurs et l'entreprise s'est donnée pour mission d'offrir, tant aux petits cultivateurs qu'aux grandes exploitations, un peu partout dans le monde, les moyens d'accroître les rendements tout en conservant une part croissante des ressources naturelles mondiales telles que l'eau, la terre et l'énergie. Notre but est, en somme, d'aider les agriculteurs à produire davantage, à conserver davantage et améliorer leur existence et la vie de tous ceux qui, dans les diverses régions du monde, comptent sur l'agriculture.

Je voudrais, dans le temps qui m'est imparti aujourd'hui, vous dire quelques mots de l'activité de Monsanto au Canada, pour évoquer les défis auxquels font face les agriculteurs puisqu'il s'agit de nourrir une population mondiale en augmentation constante, et vous expliquer en quelques mots en quoi la science, l'innovation et la technologie contribuent à améliorer l'agriculture, à la rendre plus durable et à fournir aux cultivateurs les outils leur permettant d'obtenir de bons résultats.

J'évoquerai également l'importance que revêt une réglementation basée sur la science lorsqu'il s'agit d'attirer des investissements et de faire en sorte que les agriculteurs aient les outils qu'il leur faut pour affronter la concurrence des marchés agricoles internationaux.

Monsanto Canada emploie environ 280 personnes, à plein temps ou à temps partiel, dans ses 15 établissements au Canada. Outre notre siège social canadien, et notre centre d'intégration des caractéristiques, à Winnipeg, nous avons également, pour la région de l'est, un bureau à Guelph, en Ontario, et un bureau chargé des affaires gouvernementales et réglementaires à Ottawa, ainsi qu'un centre de fabrication des semences à Lethbridge, des fermes de recherche à Saskatoon, à Yorkton et à Edmonton, des établissements d'amélioration des plantes à Carman et à Oakville, au Manitoba, à Guelph et à London, en Ontario, et une unité de production de semences à Cranbrook, en Colombie- Britannique.

C'est dans ces établissements que nous menons nos recherches sur l'amélioration du plasma germinal des semences, et les travaux permettant d'introduire les caractéristiques les plus désirables dans des cultures telles que le maïs, le soja et le canola. C'est également là que nous mettons à l'essai les produits commerciaux issus de nos nombreuses recherches.

Il s'agit, essentiellement, d'accroître leur résistance aux mauvaises herbes et aux insectes ravageurs et d'améliorer les rendements et la résistance aux stress tels que la sécheresse. Ces innovations sont, pour les agriculteurs, d'une grande importance, car elles leur permettent d'accroître les rendements et la rentabilité de leurs exploitations. Leur potentiel est en outre important pour l'avenir de la production agricole. Les agriculteurs nous disent quelles sont les innovations dont ils ont besoin.

Le principal défi est de parvenir à nourrir, à alimenter sur le plan énergétique et à vêtir une population qui devrait, d'ici 2050, atteindre neuf milliards de personnes. S'agissant d'aider en cela les agriculteurs, Monsanto n'a jamais misé uniquement sur une approche, et n'a jamais cherché une solution qui répondrait à la fois à tous les problèmes. Nous sommes connus pour les progrès que nous avons accomplis dans le domaine des biotechnologies et, depuis 1996, les agriculteurs utilisent nos semences transgéniques pour accroître les rendements de cultures essentielles telles que le maïs, le soja et le canola.

Les agriculteurs canadiens sont parmi les partisans les plus enthousiastes des biotechnologies, mais dans des pays tels que l'Inde, la Chine, les Philippines et certaines régions de l'Afrique, les petits exploitants, des fermiers dotés de ressources insuffisantes, sont de plus en plus nombreux à adopter les semences transgéniques. Il y a actuellement, dans le monde, 17,3 millions d'agriculteurs qui ont choisi de cultiver la terre à l'aide des biotechnologies.

Le secteur des biotechnologies n'est, je le précise, qu'un volet de nos activités. Pour améliorer l'agriculture, nous avons aussi recours à d'autres innovations, dont la découverte de nouveaux moyens de faire progresser la phytogénétique traditionnelle en se servant des avancés de la science pour accélérer les efforts qui, depuis toujours, visent à améliorer les plantes en sélectionnant, parmi les espèces existantes, les caractéristiques les plus désirables. Les technologies les plus en pointe n'ont en effet guère d'utilité pour les fermiers si elles ne permettent pas de renforcer le plasma germinal des semences. À l'aide d'outils tels que les marqueurs moléculaires, nous identifions, dans les plantes, les caractéristiques les plus désirables et nous parvenons, plus rapidement que jamais, à en faire profiter les agriculteurs.

Nous offrons, en outre, aux agriculteurs, des solutions agronomiques fondées sur des procédés chimiques et biologiques ainsi que sur les progrès accomplis au niveau des équipements agricoles. Monsanto consacre 3,8 millions de dollars par jour à la recherche. Au Canada, chaque année, nous investissons 15 millions de dollars dans la recherche sur le maïs, le soja et le canola, pour pouvoir fournir aux agriculteurs les outils dont ils ont besoin pour obtenir les résultats voulus. Il s'agit, pour nous, d'analyser les problèmes et les difficultés qui se posent dans le domaine agricole, de parvenir à des solutions innovatrices et d'offrir, en matière de cultures, de nouveaux choix aux fermiers. Nous contribuons ainsi à la vigueur et au succès de l'agriculture.

Pour que les agriculteurs puissent bénéficier des caractéristiques transgéniques que nous avons introduits depuis 1996, et des caractéristiques sur lesquelles nous travaillons actuellement, il nous faut pouvoir, à la fois en laboratoire et en plein champ, procéder aux recherches permettant de confirmer les avantages que cela peut procurer aux agriculteurs, sur le plan économique et au niveau de l'environnement, certes, mais également sur le plan de la santé des êtres humains et des animaux. Les actuelles politiques réglementaires basées sur la science facilitent le commerce, favorisent les investissements et le respect de la propriété intellectuelle. C'est cela qui permet aux agriculteurs canadiens de disposer des outils qu'il leur faut pour affronter la concurrence agricole des autres pays. Je tiens donc à saluer les efforts du gouvernement du Canada dans sa défense du principe d'une réglementation fondée sur la science. Ce n'est pas toujours chose facile étant donné que des régions telles que l'Europe continuent à appliquer un régime réglementaire dysfonctionnel qui fait parfois obstacle à l'exportation de produits agricoles canadiens pourtant avantageux. C'est en raison de ce régime réglementaire fondé sur la science que, dans le domaine de la recherche et de l'innovation biotechnologiques, le Canada compte parmi les pays les plus avancés. Monsanto et notre clientèle d'agriculteurs sont entièrement acquises à cette approche.

Vous avez, je crois, entendu les représentants de groupes tels que CropLife Canada et d'autres organisations du secteur agricole qui sont du même avis. Ce qui importe encore plus, c'est que cette approche axée sur la science a également l'appui d'une grande majorité des fermiers canadiens et des organisations de produits agricoles. Notre système est cité en exemple dans d'autres régions du monde. Il a permis au Canada d'attirer, pour l'agriculteur et la recherche, des investissements considérables.

Il est, d'après nous, important que les organismes fédéraux de réglementation continuent à veiller, en matière d'aliments, de fourrage et d'environnement, à la sécurité et à la salubrité de tous les produits biotechnologiques. Le gouvernement devrait, selon nous, défendre publiquement le système qu'il applique, et expliquer aux Canadiens comment cela permet d'assurer leur sécurité. Le Canada est parvenu à assurer la salubrité des produits agricoles destinés à l'alimentation des êtres humains et des bêtes et leur innocuité environnementale et nous ne devrions pas hésiter à défendre notre système. Ce système permet en effet à nos agriculteurs de produire des aliments qui sont parmi les plus sains au monde, et, en outre, le consommateur y trouve son compte puisqu'il peut se procurer en abondance et à un prix abordable des aliments sains et de qualité. Selon CropLife Canada, l'agriculture moderne permet aux familles canadiennes d'épargner 50 p. 100 sur leur note d'épicerie.

Nous sommes inquiets de voir les autorités provinciales et municipales tenter d'imposer un palier de réglementation supplémentaire aux semences et technologies agricoles dont l'innocuité est pourtant attestée par des organismes fédéraux. Il suffit de constater l'interdiction des pesticides décrétée par certaines autorités provinciales et municipales pour voir qu'il y a là un problème. Récemment, les OGM ont été interdits sur l'île de Vancouver. De telles mesures déprécient le travail important et sérieux auquel vous vous livrez et ne tiennent aucun compte de tout un faisceau de données scientifiques qui attestent l'innocuité des innovations découlant des sciences végétales. Ce qui est plus grave encore c'est que de telles mesures risquent de priver les agriculteurs canadiens de technologies agricoles avantageuses.

Le gouvernement fédéral devrait prendre des initiatives et faire comprendre aux divers ressorts que les principes axés sur la science assurent la prévisibilité des résultats pour l'ensemble du Canada, et lui évitent de voir les investissements s'orienter vers d'autres pays. Les fermiers doivent pouvoir conserver l'accès à des technologies sûres et avantageuses. Il leur faut, et ils veulent la liberté de pouvoir continuer à opter pour les outils qui sont pour eux le moyen de prospérer et de voir prospérer leurs familles et les collectivités au sein desquelles ils vivent.

Depuis l'introduction des OGM en 1996, plus de deux billions de repas contenant des ingrédients végétaux issus des biotechnologies ont été consommés sans que l'on puisse relever un seul cas avéré de nocivité pour les êtres humains ou les bêtes. Les contrôles exercés, dans le cadre d'un système fondé sur la science, continuent à s'appliquer à ces technologies pour assurer la salubrité des aliments et des fourrages et la sécurité de l'environnement. Cela fait savoir à nos clients des autres pays que l'agriculture canadienne est ouverte à l'innovation et que les fruits de ces nouvelles technologies font l'objet de contrôles qui permettent d'en assurer l'innocuité.

En tant que directeur de Monsanto Canada, je défends, chaque jour, les intérêts du Canada et de ses agriculteurs, m'attachant à attirer les investissements nécessaires alors que mes collègues d'autres pays en font autant et luttent, eux aussi, afin d'obtenir des investissements pour les agriculteurs du Brésil, d'Argentine, de Chine ou d'Inde. Je suis canadien et je souhaite attirer ces investissements vers le Canada dans l'intérêt de nos agriculteurs et de notre économie agricole, mais c'est de plus en plus difficile.

Cette année, Monsanto a investi dans la recherche et développement plus de 1 milliard de dollars et demeure, dans le secteur, le numéro un en matière de nouveaux produits. Dans diverses régions du monde, nos chercheurs s'attachent à découvrir, développer et commercialiser une nouvelle génération de produits agricoles afin que les agriculteurs puissent augmenter le rendement de chaque surface cultivable tout en réduisant l'impact de leurs activités sur la planète.

Les surfaces cultivables ne peuvent pas augmenter de plus de 8 à 10 p. 100. Les ressources en terre et en eau se raréfient et il nous faut donc fournir aux agriculteurs les outils leur permettant à la fois d'augmenter la production et de réduire les intrants.

Notre clientèle agricole a dit très clairement ce qu'elle attend de Monsanto. Elle veut que nous continuions à investir dans la recherche et développement afin de pouvoir bénéficier des innovations. Elle veut pouvoir, dans toutes les régions du pays, employer les semences assurant le meilleur rendement et possédant les caractéristiques les plus désirables et, être, pour cela, à même de choisir pour l'ensemble de leurs cultures, parmi un vaste éventail de produits.

Nous savons que notre entreprise ne peut se maintenir qu'en proposant à ses clients des produits qui ajoutent de la valeur à leurs activités agricoles. Depuis le milieu des années 1980, les OGM ont fait, dans 45 pays, l'objet de plus de 50 000 essais en plein champ. Les OGM sont, de toutes les nouvelles technologies agricoles, celles qui ont été adoptées le plus rapidement. Après des évaluations de la sécurité qui ont pris des années, plus de 580 millions d'acres de cultures commerciales ont été emblavés en Amérique du Nord, en Amérique du Sud, en Afrique, en Asie, en Australie et en Europe. Les êtres humains et les bêtes ont jusqu'ici consommé environ 600 millions de tonnes de cultures génétiquement modifiées.

Voilà, en quelques mots, pourquoi Monsanto continue à investir dans l'agriculture au Canada et à collaborer avec ce secteur d'activité dans la recherche d'innovations techniques avantageuses introduites de manière responsable dans le respect des choix exprimés par les agriculteurs.

Les recherches que nous avons menées à l'interne, avec la collaboration d'universitaires et de chercheurs indépendants, afin de découvrir de nouvelles caractéristiques transgéniques pouvant être introduites dans des cultures telles que le maïs, le canola, le soja, la luzerne, la betterave à sucre, le blé et les légumes, démontrent que les agriculteurs canadiens veulent être en mesure d'opter pour des solutions nouvelles plus économiques et plus durables afin d'améliorer le rendement et la rentabilité de leurs exploitations.

Les cultures issues de la biotechnologie et les techniques modernes de sélection n'ont pas eu de mal à trouver preneur auprès des agriculteurs en raison de l'efficacité des produits, de l'amélioration du rendement, de la simplicité, de la conservation des sols, de grains plus nets, d'une plus grande latitude au niveau des cultures et d'une sécurité environnementale amplement démontrée.

Le Canada doit maintenir en matière agricole sa position de leader et défendre son système de réglementation fondé sur la science en contestant les obstacles tarifaires injustifiés et contraires aux règles de l'OMC. Nous sommes encouragés par les réactions des agriculteurs du Canada et des diverses régions du monde. Nous sommes pleinement décidés à continuer à œuvrer de concert avec l'industrie et le gouvernement à la recherche de solutions efficaces et gérables permettant de procurer les avantages de la biotechnologie non seulement aux agriculteurs, mais également aux autres industries et aux consommateurs.

Je tiens à remercier le comité d'avoir pris le temps de se pencher sur notre secteur d'activité et de poser des questions qui l'aideront à conserver son dynamisme. Le développement de la recherche dans le domaine des technologies agricoles et les investissements nécessaires revêtent une importance manifeste pour l'économie canadienne et pour les agriculteurs, et nous nous attacherons à collaborer avec les agriculteurs et nos collègues du secteur et à continuer d'offrir, à l'ensemble du secteur agricole de notre pays, des produits innovateurs et avantageux.

Le président : Merci, monsieur McGuire.

Le sénateur Mercer : Merci d'avoir répondu à notre invitation. Votre témoignage va nous être des plus utiles. Le rôle que votre entreprise joue au sein du secteur agricole est bien connu. Vous avez rappelé que d'ici 2050, la population mondiale atteindra neuf milliards, soulignant que les surfaces cultivables ne vont pouvoir augmenter que de 8 à 10 p. 100. Si nous voulons être en mesure de nourrir neuf milliards de personnes, il nous faut trouver de nouveaux moyens et il est clair que les biotechnologies vont contribuer à cela.

L'opposition des pays européens aux aliments génétiquement modifiés reste pour vous un sujet de préoccupation. Voyez-vous des progrès au plan de l'acceptation des OGM en Europe? Vous suivez manifestement la situation de près et voudriez bien prendre pied sur ce marché.

M. McGuire : Oui, effectivement. Nous considérons que le marché européen est à la recherche de nouvelles solutions. Étant donné le refus actuellement opposé à la biotechnologie, nous avons accru nos efforts en matière de phytogénétique traditionnelle là où, en Europe, les cultivateurs n'ont pas accès aux biotechnologies.

Nous sommes engagés à fournir aux cultivateurs de toutes les régions les outils dont ils peuvent faire usage. En Europe, nous nous concentrons sur la phytogénétique traditionnelle et, là aussi, nous avons fait de grands progrès. Nous pensons que l'adoption des biotechnologies serait dans l'intérêt des cultivateurs européens, que cela leur procurerait certains des avantages dont bénéficient déjà les agriculteurs d'autres régions du monde. Nous pensons que cela finira bien par se faire, mais pour l'instant le mieux est d'employer les moyens acceptés dans la région.

Le sénateur Mercer : Je vais vous demander de faire mon éducation sur un point que bon nombre de nos téléspectateurs doivent déjà connaître. Vous avez dit tout à l'heure que les technologies les plus avancées ne seraient guère utiles aux agriculteurs si elles ne procurent pas une amélioration du plasma germinal des semences, amélioration que l'on recherche à l'aide de marqueurs moléculaires. Pourriez-vous nous expliquer ce qu'est un marqueur moléculaire, et à quoi cela sert?

M. McGuire : Je vais vous offrir un début de réponse, puis passer la parole à M. Treacy en ce qui concerne les questions scientifiques.

Les connaissances en ce domaine ont évolué et nous avons maintenant recours à des techniques qui permettent au regard de pénétrer dans la plante d'une manière qui n'était pas possible dans le passé. Je n'ai pas moi-même de formation scientifique et j'ai entamé ma carrière dans l'agriculture il y a 26 ans, à une époque où les biotechnologies avançaient à petits pas. Les sélectionneurs examinaient les plantes visuellement. Ils rinçaient les épis et procédaient à toutes sortes d'essais afin d'obtenir la plante idéale, mais procédaient essentiellement à vue. Or, nous avons progressé depuis et disposons maintenant de nouveaux outils qui permettent d'accélérer les recherches. Les marqueurs moléculaires sont un de ces outils, mais, pour l'aspect scientifique de la question, je vais m'en remettre à M. Treacy.

Brian K. Treacy, vice-président, Affaires réglementaires, Monsanto Canada : C'est une question intéressante, et je crois que M. McGuire a bien expliqué la phytosélection et la manière dont ce domaine a évolué.

Il a parfaitement raison. On cherche depuis longtemps à faire avancer l'agriculture par une sélection visuelle des phénotypes. On entend par phénotype un trait observable, la taille de la plante, par exemple, ou le rendement supérieur qu'elle donne. Les phénotypes sont tous fondés sur les gènes et les caractéristiques qui constituent, ensemble, le génotype. Or, nous pouvons maintenant, en laboratoire, déceler le lien entre une amélioration que l'on peut constater visuellement et un gène ou trait précis. On peut maintenant, en quelque sorte, répertorier les phénotypes. Il n'est plus nécessaire d'amener la plante à maturité, car on peut maintenant, en laboratoire, en une année, tester plusieurs générations et accomplir de grands progrès en reliant et en enrichissant, à l'aide des technologies de l'information, toutes les caractéristiques désirables de la plante.

M. McGuire : Une autre manière d'envisager la question, d'un point de vue non scientifique, serait de dire qu'après tant de progrès, nous comprenons maintenant, qu'il s'agisse d'un génotype humain ou d'un génotype végétal, quelles sont les fonctions des divers gènes de la plante. Cette compréhension des fonctions génétiques nous permet d'identifier les gènes qui contribuent à un meilleur rendement et il n'est par conséquent plus nécessaire de faire des essais en plein champ. Cette connaissance des gènes nous permet d'augmenter les chances d'insérer dans la plante les caractéristiques les plus désirables et d'obtenir une variété végétale améliorée.

Le sénateur Mercer : J'aimerais en savoir davantage sur cette interdiction des OGM décrétée sur l'île de Vancouver. Est-elle compatible avec l'activité de certains secteurs? Il existe sur l'île une industrie vinicole et la récolte du raisin augmente d'année en année. Certains de ces raisins sont sans aucun doute génétiquement modifiés.

Trish Jordan, vice-présidente, Affaires publiques et corporatives, Monsanto Canada : D'après ce qu'on a pu voir récemment, certaines municipalités de moindre envergure, enfin des municipalités relevant des compétences provinciales, envisagent la question d'un point de vue social plus que d'un point de vue scientifique et la question a revêtu une dimension très politique. À partir du moment où le mouvement a pris une certaine ampleur, la question acquiert une importance quasi symbolique qui porte les gens à décider que les OGM n'ont pas leur place dans la région.

Comme vous le disiez, cette position ne tient aucunement compte du fait que les agriculteurs, ou d'autres secteurs de la région, profitent peut-être déjà des bienfaits de la technologie en cause. La question revêt d'après moi une importance essentiellement symbolique, car il n'y a pas le moindre dialogue avec les agriculteurs. Il sera intéressant de voir si ces mesures ont une incidence sur la production agricole dans les municipalités en cause.

M. McGuire : S'il s'agissait de production laitière, il est clair que les exploitants n'auraient pas eu cette possibilité.

Le sénateur Mercer : J'imagine tout de même que la culture emblématique de la Colombie-Britannique, la marijuana, a subi certaines modifications génétiques.

Le sénateur Plett : Le sénateur Mercer et moi avons appris, sur le raisin de la Colombie-Britannique, des choses que nous ne savions pas il y a seulement une semaine. Ce déplacement a été très intéressant.

Ma première question concernait les OGM et l'attitude manifestée à leur égard en Europe, et la seconde concernait ce truc moléculaire. Je crois donc pouvoir dire que le sénateur Mercer a jeté un coup d'œil sur mes notes. Je vais par conséquent passer à un autre sujet.

Je tiens, d'abord, à vous remercier de votre présence. Je suis heureux de me trouver en présence d'autres Manitobains. Ça me fait plaisir.

Vous avez parlé de ce qui se fait actuellement à l'échelle internationale, et de ce qu'il nous faudrait faire pour améliorer la situation des agriculteurs. Pour améliorer leur situation localement, il nous faut en faire davantage au niveau international. J'aimerais savoir, par conséquent, ce que nous faisons, effectivement, à l'échelle internationale et ce que le gouvernement pourrait faire au niveau de l'innovation technologique pour permettre au Canada d'élargir son rôle. Par rapport à certains des pays que vous avez mentionnés, quelle place occupons-nous à l'échelle mondiale?

M. McGuire : Le Canada est connu comme un pays où les producteurs apprécient les avantages que leur procurent les biotechnologies. En tant que Canadien travaillant pour une entreprise canadienne, je peux dire que nous voulons que nos produits soient mis en marché au Canada aussi rapidement qu'ils le sont ailleurs. Ça me fait mal lorsque les producteurs américains ont accès à une technologie que les producteurs canadiens n'ont pas encore. C'est notre point de vue, à Monsanto. Nous tenons à tout prix à ce que nos producteurs disposent des mêmes moyens que leurs concurrents sur les marchés mondiaux. C'est comme cela que nous voyons les choses. Cela a jusqu'ici donné de bons résultats, car le système réglementaire en vigueur crée une situation prévisible qui nous permet de préparer sans tarder le lancement de nouveaux produits.

Le régime canadien de réglementation nous a permis, au cours des six dernières années, de lancer les nouvelles technologies au Canada en même temps qu'aux États-Unis. Nos équipes n'ont pas la même envergure, nos collaborateurs ne sont pas aussi nombreux et donc, pour nous, c'est un peu plus dur. Cela dit, nous procurons aussi rapidement aux producteurs canadiens les avantages assurés aux producteurs américains qui, de manière générale, sont les premiers à les recevoir. Ça, c'était il y a près de deux ans. Avant cela, de nombreux gouvernements sud-américains étaient plutôt lents à réagir. Au Brésil, les autorisations nécessaires prenaient un temps considérable.

Cependant, le Brésil s'est dynamisé et a renforcé son régime de réglementation. Il dispose maintenant des effectifs et des ressources dont il avait besoin, et le processus d'homologation est maintenant un peu plus rapide qu'au Canada. Les cultivateurs d'autres pays vont désormais pouvoir mettre les nouvelles technologies en œuvre un peu plus tôt que les Canadiens. C'est de cela que je parlais lorsque j'ai dit qu'il me faut me rendre à St. Louis, aux États-Unis où est situé le siège de notre entreprise, et solliciter des investissements pour le Canada. Maintenant, on me répond : « Peut-être allons-nous pouvoir commercialiser plus vite au Brésil. » C'est dire que j'ai, en matière de financement, une concurrence au sein même de l'entreprise.

Nous avons, jusqu'ici, toujours été les premiers à commercialiser mais, maintenant, il y a davantage de pression.

Avez-vous, monsieur Treacy, quelque chose à ajouter à cela?

M. Treacy : Oui, je tiens, d'abord, à féliciter le gouvernement canadien de ce qu'il fait pour favoriser l'innovation. Son système de réglementation basé sur la science favorise l'innovation et, selon M. McGuire, c'est pour cela que le Canada appartient au peloton de tête. Mes collègues de Bruxelles ou de Corée du Sud me disent que là où ils travaillent, la situation est tout autre. Les résultats sont imprévisibles. Les processus d'homologation ne sont pas basés sur la science, mais revêtent une caractéristique hautement politique. Ces procédures sont conçues comme des barrières commerciales, ou comme des outils pouvant servir de barrière tarifaire. Je dirais donc que le système canadien de réglementation est le meilleur au monde. Je m'empresse cependant d'ajouter que, comme le disait M. McGuire, le Brésil et l'Argentine progressent rapidement, et réagissent maintenant un peu plus vite que ne le fait le Canada.

J'appelle donc le gouvernement canadien à maintenir son système de réglementation fondé sur la science et, aussi, de poursuivre ses efforts au niveau de l'élaboration des politiques. D'après moi, le Canada est un des pays en pointe sur le plan des politiques officielles, comme il l'est sur le plan du renforcement des capacités. J'en prends pour exemple ce qui se fait actuellement en Chine et dans des pays africains en développement. Il contribue également à l'élaboration d'une politique internationale — je ne sais pas si vous êtes au courant — concernant la présence de faibles quantités d'OGM. C'est un domaine où le Canada a pris une position en pointe et les autres pays suivent avec intérêt ce qu'il fait. Le Canada est, au niveau mondial, respecté en tant qu'intermédiaire de bonne foi et il lui faut poursuivre ses efforts en ce sens.

Le sénateur Plett : Je tiens, moi aussi, à féliciter le gouvernement du Canada. Nous sommes, il est clair, du même bord.

Vous m'avez un peu surpris lorsque vous avez évoqué les problèmes que nous éprouvons vis-à-vis de certains gouvernements provinciaux et municipaux.

Qu'est-ce que le gouvernement du Canada peut faire pour atténuer certaines des difficultés que vous éprouvez? Mon gouvernement vous pose-t-il, au Manitoba, de grandes difficultés?

M. McGuire : Permettez-moi de répondre en premier.

Le sénateur Plett : Vous allez lui laisser la question difficile.

M. McGuire : Mme Jordan a siégé à certains comités provinciaux sur l'interdiction des pesticides.

Nous éprouvons une grande satisfaction lorsqu'un produit, dont l'innocuité est attestée par un organisme fédéral, a accès au marché partout au Canada. J'en reviens à ce que je disais tout à l'heure au sujet des visites que je rends à St. Louis, aux États-Unis, au siège de l'entreprise pour leur dire que j'ai besoin d'argent pour pouvoir investir, et qu'on me répond qu'on veut d'abord s'assurer que les produits dont l'innocuité est attestée pourront être offerts à la vente partout au Canada, les marchés étant à la fois prévisibles et ouverts. Ce deuxième palier d'autorisation, auquel se heurtent des produits dont l'innocuité est attestée, me gêne lorsque j'essaie d'attirer au Canada les investissements nécessaires. C'est pour cela que cette situation nous préoccupe.

Mme Jordan va peut-être maintenant nous en dire un peu plus au sujet de la situation au Manitoba et dans d'autres ressorts.

M. Treacy : Avant qu'elle n'intervienne, je voudrais ajouter quelque chose.

Je voudrais en effet dire un mot au sujet de la différence d'optique entre les provinces et le gouvernement fédéral. De mon point de vue, qui est celui des affaires réglementaires, le fait que l'on obtienne, au niveau fédéral, l'homologation d'un produit destiné à l'alimentation ou au fourrage ou l'enregistrement d'un procédé chimique qui est néanmoins susceptible d'être interdit par les autorités provinciales, nuit selon nous à la confiance qu'inspire notre système de réglementation. Les gens commencent à s'interroger. La confiance est quelque chose de fragile et il ne faudrait pas semer le doute dans l'esprit du public.

M. McGuire : Au niveau fédéral, 300 scientifiques unissent leurs efforts en vue de l'amélioration des produits. Le fait que des autorités locales puissent décider, pour des motifs essentiellement politiques, de ne tenir aucun compte de ces efforts déprécie leur travail.

Mme Jordan : À l'échelon provincial, et au Manitoba en particulier, nous avons beaucoup fait pour engager, avec le gouvernement provincial, un dialogue sur l'utilisation des biotechnologies et des pesticides.

Les autorités de la province envisagent actuellement d'interdire les pesticides destinés à un usage dit cosmétique. Or, pour nous, l'usage cosmétique des pesticides n'existe tout simplement pas. Ces produits sont employés par les agriculteurs et les citadins, pour des raisons très précises, en l'occurrence pour se débarrasser des insectes qui cherchent à s'installer chez eux, et pour débarrasser leur gazon des mauvaises herbes.

Je ne peux pas dire que lors de pourparlers avec le gouvernement provincial du Manitoba nous ayons fait beaucoup de progrès. Il est persuadé, en effet, du bien-fondé de l'interdiction des pesticides. Ce qui nous inquiète, encore une fois, c'est qu'il ne tienne aucun compte des recherches effectuées à cet égard par Santé Canada. Il invoque, à l'appui de sa position, des arguments qu'on peut appeler quasi ou pseudo scientifiques. Nous avons récemment eu l'occasion de nous entretenir à nouveau avec eux, de leur faire part de nos préoccupations et de leur poser des questions au sujet des mesures envisagées.

Nous nous sommes également entretenus avec le ministre de l'Agriculture au sujet de la position de la province en matière de biotechnologies. Le gouvernement hésite toujours à apporter aux biotechnologies son plein soutien, ce qui est surprenant, compte tenu des nombreux types de cultures transgéniques adoptées au Manitoba, où l'on fait pousser du maïs, du canola et du soja. Au Manitoba, en effet, le soja occupe maintenant une place considérable. Les agriculteurs ont clairement exprimé leur volonté sur ce point et partagent notre inquiétude de voir une décision municipale avoir une telle incidence sur le secteur agricole.

Le sénateur Plett : Je vous remercie. J'aurais une ou deux autres questions à poser, si toutefois on a le temps pour une seconde série.

La sénatrice Tardif : Bonsoir. Dans de nombreuses régions du monde, la sécurité alimentaire pose problème et, comme vous l'avez dit dans votre exposé, les surfaces cultivables ne vont pouvoir être augmentées que de 8 à 10 p. 100. Quels sont les critères que vous utilisez pour décider du poids à accorder à la rentabilité de vos produits environnementaux, par rapport aux facteurs sociaux ou environnementaux?

M. McGuire : Nous nous sommes aperçus que, parmi les technologies que nous offrons à l'agriculture à grande échelle, beaucoup conviennent aussi aux petites exploitations. Permettez-moi de vous citer un exemple. Vous n'avez pas oublié que, l'année dernière, dans les États du Midwest américain, l'été a été particulièrement chaud et sec, ce qui a énormément nui aux récoltes. Cette année, nous lançons sur le marché une nouvelle technologie qui va, dans une certaine mesure, permettre de protéger les récoltes contre les sécheresses telles que celles qu'il y a eu l'année dernière. Cette technologie a une grande valeur commerciale pour nous et pour les producteurs, mais elle assure en outre la sécurité alimentaire. Nous avons fait don de cette technologie à la Fondation Bill Gates.

Nous lui en avons fait don. Nos sélectionneurs travaillent, de concert avec la Fondation Bill Gates, afin de transférer cette technologie en Afrique pour en faire bénéficier les petits exploitants de pays en développement. Ces fermiers ne pratiquent pas une agriculture commerciale, mais une agriculture de subsistance et cela est pour nous d'une extrême importance. La plupart des technologies que nous développons peuvent être ainsi transférées, car elles se prêtent à un double usage. Je viens de vous citer un exemple de cela. La technologie en question sera, je crois, lancée en Afrique l'année prochaine.

M. Treacy : Dans trois ans environ.

M. McGuire : Nous procédons actuellement, par des essais en plein champ, au développement de diverses variétés. Nous constatons avec satisfaction que parmi les technologies destinées à l'agriculture à grande échelle, bon nombre sont également adaptées aux petites exploitations et, à nos yeux, l'essentiel est qu'on peut en faire profiter les fermiers qui n'entendent pas commercialiser leur récolte, mais simplement se nourrir, eux et leur famille.

La sénatrice Tardif : Je sais que la production de luzerne transgénique a beaucoup progressé au Canada depuis 2005, mais je crois savoir que, pour des motifs essentiellement commerciaux, elle n'a pas été enregistrée auprès de l'Agence canadienne d'inspection des aliments. La luzerne « Roundup Ready » a été homologuée aux États-Unis en 2011, mais de nombreuses organisations canadiennes telles que le Syndicat national des cultivateurs et le Canadian Biotechnology Action Network s'inquiètent d'un éventuel enregistrement au Canada, car elles craignent que la luzerne « Roundup Ready », entraîne une contamination de leurs cultures biologiques. Ces craintes sont-elles, d'après vous, justifiées?

M. McGuire : Permettez-moi d'abord de dire ce qu'il en a été de nos efforts de commercialisation.

Lorsque la luzerne « Roundup Ready » a été initialement homologuée au Canada, nous n'étions pas sûrs que ce produit répondait à un besoin commercial, ou qu'il trouverait acheteur. C'est pour cela que nous ne l'avons pas immédiatement mis en marché. Nous avons, quelque temps après, constaté que les producteurs souhaitaient avoir accès à cette technologie. Nous l'avons donc commercialisée aux États-Unis, et les producteurs ont pu constater qu'elle leur offrait une plus-value. Nous avons à nouveau étudié la situation au Canada, décidé de préparer sa mise en marché et complété les dernières formalités d'homologation. Nous avons en cela adopté une approche mesurée.

Cette approche comportait deux volets. Il y a, en effet, le marché de l'est du Canada, qui est essentiellement un marché du foin. Et puis, il y a également le marché de l'ouest du pays, où sont cultivées les semences de luzerne. Nous avons décidé de nous intéresser d'abord au marché de l'est du pays où la culture de la luzerne est destinée au fourrage, la production de semences étant quasi inexistante. Le problème auquel vous avez fait allusion n'existe donc pas en réalité, car la culture de la luzerne et la production de semences appartiennent à des régions différentes. Nous envisageons de lancer ce produit dans l'est du pays et je crois pouvoir dire que la première variété a récemment été enregistrée auprès de l'ACIA. Nous ne l'avons pas encore mise en marché, mais nous collaborons actuellement avec des organisations telles que l'Association canadienne du commerce des semences, qui regroupe les semenciers, y compris de petites entreprises produisant des semences biologiques, et nous nous attachons à élaborer, de concert avec elles, des lignes directrices afin de faciliter la coexistence. Nous nous sommes engagés à ne pas lancer notre produit avant d'avoir consulté les parties intéressées et réuni les avis et les pratiques exemplaires nous permettant de commercialiser notre produit de manière responsable.

Voilà où nous en sommes. En ce qui concerne maintenant la migration éventuelle du pollen, et la manière précise dont cela se produit et comment réagissent les cultures, je vais m'en remettre à M. Treacy.

M. Treacy : J'ai eu, il y a quelques semaines, le plaisir de rencontrer l'honorable Wayne Easter dans le cadre du dialogue de printemps organisé par CropLife et il m'a à cette occasion posé la même question. Nous nous sommes entretenus de diverses choses dont je vais aujourd'hui vous faire part.

M. Easter estimait que le produit en question n'avait pas fait l'objet d'un dialogue suffisant, et cela m'a un peu surpris. Nous avons parlé alors de transparence et je lui ai indiqué que, par l'intermédiaire de l'Association canadienne du commerce des semences, depuis 10 ans, nous faisons, une ou deux fois par an, une mise à jour à l'occasion de laquelle nous recueillons les avis et les opinions.

Nous avons également évoqué la question de la coexistence, et du plan mis en place aux États-Unis pour soutenir la production commerciale de ces semences. Je lui ai également dit que nous sommes en train d'élaborer le même type de plan au Canada. Nous y travaillons actuellement dans le cadre d'un groupe de travail organisé au sein de l'Association canadienne du commerce des semences afin de l'adapter à la situation canadienne. Je crois que nous en discuterons davantage lors de la réunion qui doit avoir lieu à Québec en juillet.

Nous avons également parlé de la production de ce produit aux États-Unis. Le semencier que nous avons retenu est la société Forage Genetics International. Nous avons inséré dans la luzerne le gène Roundup Ready. Ce gène est à la plante un peu ce que la puce Intel est à l'ordinateur.

Ainsi qu'elle l'a fait savoir à l'Association canadienne du commerce des semences, FGI dessert le marché de la luzerne conventionnelle, le marché de la luzerne « Roundup Ready », ainsi que celui de la luzerne biologique. En raison du plan de coexistence qui a été mis en place, cela ne présente aucun problème.

Pour revenir, maintenant, à ce que M. McGuire disait tout à l'heure au sujet de la migration du pollen, l'immense majorité des surfaces plantées de luzerne, plus de 99 p. 100 d'entre elles, appartiennent à la société Forage. Or, pour obtenir un maximum de valeur nutritive, un maximum de protéines, la récolte se fait au moment où environ 10 p. 100 du champ est en fleur, ce qui réduit radicalement les chances de dispersion du pollen.

C'est ce que démontrent les recherches menées, ces 25 dernières années, tant par des établissements privés que par des institutions publiques, sur la dispersion du pollen de la luzerne. On a constaté, effectivement, que ce n'est pas le vent qui répand le pollen, mais les abeilles. Or, ce ne sont pas toutes les abeilles qui le font, mais uniquement les mégachiles spécialement introduites dans les champs afin d'assurer la pollinisation des cultures.

Je crois donc que les programmes d'intendance, le plan de coexistence et les mesures que M. McGuire vient d'évoquer, ainsi que la distinction est-ouest concernant les régions de production des semences et les régions de culture de la luzerne, vont permettre de commercialiser ce produit si la clientèle en fait la demande.

M. McGuire : Lorsque nous avons envisagé sa mise en vente, nous avons réfléchi à nouveau à la compétitivité de nos producteurs par rapport aux producteurs américains. Nous avons bien vu que les producteurs travaillant aux États- Unis pour Forage allaient bénéficier d'un avantage non seulement immédiat, mais aussi à l'avenir puisque, pour ce qui est de la luzerne, de nouvelles technologies sont d'ores et déjà en développement.

Après la commercialisation de la luzerne « Roundup Ready », on envisage de commercialiser une nouvelle technologie à faible teneur en lignine, qui la rend plus digeste. Tous ceux qui nourrissent leur bétail à la luzerne auraient intérêt à adopter cette nouvelle variété. Nous avons donc pensé que si nous ne proposions pas dès maintenant cette nouvelle variété de luzerne, les producteurs laitiers et éleveurs de bovins canadiens seraient désavantagés.

La sénatrice Eaton : Je vous remercie de votre présence ici. Vous faites, il est clair, de l'excellent travail, et il est certain que les Canadiens ne savent pas toujours faire leur publicité.

J'habite Toronto, ville où, comme vous le savez, les pesticides sont interdits, comme ils le sont à Vancouver. Nous n'avons pas évoqué aujourd'hui un sujet dont nous avons pourtant beaucoup discuté au sein du comité. J'entends par cela les accords de libre-échange qui pourraient être signés avec l'Union européenne, le Japon, la Corée ou d'autres pays.

Je ne me souviens pas d'avoir vu Monsanto faire de la publicité. Bon nombre des écomilitants habitent dans l'est du pays et, lors d'entretiens avec des responsables de l'industrie des sables bitumineux, je me souviens de leur avoir dit combien de fausses idées se répandaient. Ils m'ont répondu : « Oui, en effet, nous faisons de la publicité à Calgary. » Je veux bien, mais les militants sont en grande partie financés par des organisations installées dans l'est.

Lancez-vous des campagnes? Lorsque Vancouver, par exemple, tente de mettre un terme à vos activités, publiez- vous des annonces expliquant que votre activité repose sur des données scientifiques? Je vois que l'industrie des sables bitumineux a finalement pris conscience du problème, mais c'est presque trop tard. Ce secteur commence à expliquer les bienfaits de son action.

Faites-vous la même chose? Vous rendez-vous dans les écoles pour expliquer ça aux enfants, à un âge où ils sont encore ouverts aux données de la science?

M. McGuire : Il est intéressant de noter qu'avant d'être finalement persuadée qu'elle pourrait y arriver, Monsanto a consacré à la biotechnologie, presque 1 milliard de dollars. Dans les années 1980, Monsanto a en effet consenti d'énormes investissements, s'efforçant de développer des produits dont la création pourrait finalement se révéler impossible. On y est parvenu, cependant, et cette vision nous a donné des années d'avance par rapport au reste de l'industrie. C'est pour ça que nous sommes la tête d'affiche du secteur des biotechnologies, car nous avons été les premiers, nous avons été à la pointe de l'innovation. Depuis lors, de nombreuses autres entreprises se sont lancées. Je parle là de DuPont, de BSF ou de Bayer. Vous allez auditionner de nombreux autres acteurs du secteur des biotechnologies.

La sénatrice Eaton : Sans doute, mais votre nom est celui qui est le plus souvent cité.

M. McGuire : Nous faisons un peu figure de paratonnerre. Nous sommes très actifs, mais cela ne veut pas dire que nous nous présentions en tant que porte-parole du secteur des biotechnologies. Je vais demander à Mme Jordan de vous expliquer quelle est notre approche à cet égard.

Mme Jordan : Excellente question. En tant que chargée des affaires publiques, c'est une question qui retient chaque jour mon attention, puisqu'elle concerne également l'attitude des clients éventuels.

J'estime devoir collaborer en cela avec les associations qui regroupent les acteurs du secteur, car de nombreuses entreprises font exactement ce que fait Monsanto. J'estime que nous sommes crédibles même si nous ne sommes pas perçus ainsi par une opinion publique montée contre nous. Nous ne cesserons de défendre la science et de défendre nos produits, car nous savons qu'ils ne comportent aucun danger.

Nous entendons également défendre le droit des agriculteurs à utiliser ces produits. Nous tentons de faire comprendre que la question n'est pas aussi simple que cela, et que des arguments peuvent être invoqués de part et d'autre. Nous avons, pour cela, engagé les efforts de groupes d'agriculteurs et d'autres acteurs du secteur qui voient du même œil que nous ces nouvelles technologies.

En ce qui concerne ce que vous avez dit au sujet des questions et des préoccupations concernant Monsanto en particulier, nous savons qu'il existe un groupe de militants antibiotechnologies, qui a lancé, contre nous, une campagne multinationale très bien orchestrée. Ce groupe dispose d'un budget d'environ 2,4 milliards de dollars américains qu'il peut utiliser pour jouer sur les craintes et les inquiétudes et répandre de faux renseignements. Nous allons tout de même faire quelques dépenses pour les contrer, mais nous préférons consacrer notre argent au développement de produits utiles aux agriculteurs. Nous ne sommes pas en mesure de les concurrencer sur le plan de l'opinion publique.

La sénatrice Eaton : Il ne faut pas négliger l'aspect politique du problème. Souvent, les entreprises font, comme vous, d'excellentes choses, mais négligent l'aspect politique d'une situation. C'est ainsi qu'à Vancouver, ou à Toronto, les électeurs, les consommateurs vont se prononcer en toute ignorance, croyant ce qu'on leur raconte sans avoir même entendu les arguments qui vont en sens contraire.

Mme Jordan : J'en conviens, et tiendrai compte de vos conseils.

En ce qui concerne la deuxième partie de votre question, je peux dire que nous avons, avec nos partenaires, lancé un certain nombre d'initiatives. Nous travaillons avec plusieurs associations regroupées sous l'appellation L'agriculture dans les classes. Il s'agit, sans s'en tenir aux seules biotechnologies, de faire comprendre aux enfants de la première à la douzième année ce qu'est l'agriculture moderne, de les initier à ses différents aspects, en passant par la culture biologique, les fruits, la culture des céréales et, aussi, les avantages que procurent les biotechnologies.

Nous soutenons de nombreux programmes d'initiation aux sciences et à l'agriculture. Nous cherchons à contacter les groupes et les organisations déjà actifs en ce domaine et nous leur demandons si nous pouvons les aider, et comment. Nous tentons actuellement de faire s'exprimer les autres opinions.

Nous envisageons également de faire, par l'intermédiaire d'une organisation nord-américaine dénommée BIO, un peu ce que McDonalds a fait sur son site web. Je ne sais pas si vous êtes au courant. Il s'agit, essentiellement, d'ouvrir nos kimonos, d'afficher une entière transparence et de dire : « C'est avec plaisir que nous allons répondre à vos questions. » Il s'agit d'initiatives que nous allons lancer vraisemblablement dans les six prochains mois, pour faire savoir que nous n'avons rien à cacher. Nous sommes fiers de nos produits. Les agriculteurs y ont recours en raison des avantages qu'ils leur procurent. Nous sommes tout à fait disposés à répondre à vos questions.

Dans le cadre de ce programme, nous allons nous montrer davantage proactifs et essayer de répondre aux préoccupations qui se manifestent.

M. Treacy : Nous avons, au sein de la compagnie, un département des affaires scientifiques et, comme Mme Jordan le disait tout à l'heure, bien que nous tentions d'expliquer nos technologies et d'en exposer les avantages, nous ne semblons avoir, au sein des médias sociaux aucune crédibilité. Notre département des affaires scientifiques va donc s'adresser essentiellement aux universitaires et aux principaux scientifiques du monde. Nous collaborons également avec les services gouvernementaux de vulgarisation. Nous appuyons l'action en ce sens des universitaires et des services gouvernementaux, mais nous prenons nous aussi la défense de nos activités. Tous les chercheurs ne veulent pas se faire les avocats des biotechnologies, ou s'exprimer publiquement, mais on constate les débuts d'une tendance. Ça, c'est mon premier point.

Il y a, en outre, un conseil consultatif des cultivateurs. Ce conseil réunit 12 à 15 des principaux producteurs du Canada, représentant tous les secteurs de l'agriculture. Nous les tenons au courant des nouveaux produits qui vont résulter de nos recherches. Nous sollicitons leur avis quant à la meilleure manière de les présenter.

La sénatrice Eaton : Je siège au comité de l'agriculture depuis mon entrée au Sénat en 2009. Jamais dans mon bureau je n'ai accueilli de représentant de Monsanto. J'ai pourtant reçu des pompiers, des docteurs, enfin des porte-parole de tous les secteurs d'activité.

Cherchez-vous à rencontrer des parlementaires? Avez-vous contacté des parlementaires de l'UE? Vous entretenez- vous avec de telles personnes?

Je regrette, mais j'estime que vous avez de bons arguments à faire valoir mais que vous ne les présentez pas. Je vous remercie.

Le président : Des commentaires pertinents.

La sénatrice Merchant : Ma question est en fait une question supplémentaire au sujet de la luzerne. Je viens de la Saskatchewan où la question suscite d'importantes préoccupations, notamment en ce qui concerne la contamination des récoltes. Je veux bien que vous ayez décidé de commencer par l'Ontario, mais comme vous le savez, au Canada, 87 p. 100 de la luzerne est cultivée dans l'Ouest. Vous devriez, avant de prendre de telles décisions, consulter les agriculteurs de l'Ouest. Je crois savoir, par ailleurs, que le pollen peut également être disséminé par des abeilles mellifères.

Les agriculteurs de l'Ouest s'inquiètent beaucoup de cela. Le Syndicat national des cultivateurs et le Canadian Biotechnology Action Network, qui s'opposent à la luzerne transgénique, sont-elles de grandes ou de petites organisations?

Mme Jordan : Le Canadian Biotechnology Action Network est radicalement opposé, quelle que soit la culture en question, à l'influence de la science et de la biotechnologie en agriculture. D'après moi, il s'agit d'un simple parti pris.

Le Syndicat national des cultivateurs représente un tout petit groupe de fermiers. D'après moi, cette organisation n'est pas du tout représentative des agriculteurs de notre pays, et ses prises de position ne sont pas conformes à leurs intérêts. Les Producteurs de grains du Canada représentent un nombre sensiblement plus élevé d'agriculteurs. Nous sommes cependant parfaitement disposés à dialoguer avec des groupes tels que le Syndicat national des cultivateurs pour discuter de cultures biologiques, conventionnelles ou transgéniques. Le SNC a, de manière générale, adopté des politiques contraires aux biotechnologies et nous respectons entièrement le droit qu'ils ont de choisir ce qui correspond le mieux aux besoins de leurs exploitations. Nous estimons pour notre part que les deux types de cultures peuvent coexister. Il n'est pas nécessaire d'en exclure une pour choisir l'autre, car on peut avoir les deux en même temps.

M. McGuire : Aux États-Unis, nous avons démontré qu'il est possible de faire ce que, depuis plusieurs années déjà, nous envisageons de faire en Saskatchewan. Une même entreprise produit, en effet, des semences biologiques, des semences conventionnelles et des semences transgéniques. L'activité de cette entreprise montre bien que cela peut se faire de manière responsable et efficace. Si le dialogue s'engage dans un esprit de respect réciproque, nous sommes tout à fait disposés à y participer, mais nous avons du mal à nous adapter à une attitude de refus catégorique.

La sénatrice Merchant : Je vous remercie. Nous attachons beaucoup d'importance à vos réponses, car nous avons été contactés par les représentants de l'autre bord. Ils ont, eux aussi, des arguments à faire valoir. Vos réponses sont donc très utiles.

La sénatrice Buth : Je vous remercie de votre présence ici. Je voudrais revenir à ce que le sénateur Plett disait au sujet de l'activité des entreprises, et des difficultés auxquelles vous vous heurtez parfois lorsqu'il s'agit d'attirer au Canada de nouveaux investissements.

Vous avez évoqué l'importance de systèmes de réglementation fondés sur la science. Vous avez également, monsieur Treacy, évoqué l'importance du rôle que joue le Canada dans l'élaboration d'une politique mondiale, notamment en ce qui concerne la présence accidentelle ou réduite d'OGM.

Pourriez-vous nous dire quelque chose de l'UPOV 1991, et de son adoption. S'agit-il, en ce qui vous concerne, de quelque chose d'important? D'autres témoins ont évoqué la question devant le comité. Pourriez-vous également nous dire quelque chose des autres programmes mis en place par le gouvernement?

Je siège également au Comité des finances nationales, et nous avons, ce matin, auditionné des représentants de l'Association canadienne de l'industrie de la chimie. Ils nous ont entretenus de RS—DE et de la déduction pour amortissement accéléré. Pourriez-vous nous dire quelque chose à ce sujet? Nous aimerions savoir si ces programmes vous sont utiles.

M. McGuire : Je pourrais parler de l'UPOV, mais c'est une question qui concerne davantage la protection de la propriété intellectuelle. Dans un secteur d'activité tel que le nôtre, nous consacrons de vastes investissements à la recherche et développement et il nous faut savoir que nos découvertes seront bien gérées et que nous pourrons en tirer correctement profit.

Il importe donc que nous puissions, comme cela se fait dans d'autres pays, bénéficier des mesures de protection les plus récentes. Le fait que les conditions de concurrence ne soient pas égales pour tout le monde est un argument que l'on va m'opposer lorsque je pars aux États-Unis à la recherche d'investissements.

Il est clair que plus vous avez d'arguments à faire valoir, plus vous avez de chances d'attirer au Canada les investissements nécessaires. Il s'agit d'un sujet dont nous avons discuté car nous souhaitons que, dans ce domaine, le Canada ne soit pas à la traîne des autres pays. Il nous faut donc agir en conséquence.

Votre deuxième question concernait, je crois, les autres possibilités offertes. C'est effectivement une question intéressante car, il existe peut-être des possibilités auxquelles, en tant qu'entreprise privée, nous n'avons pas pensé. Nous avons donc tout récemment commencé à examiner les programmes qui ont été mis en place et dans le cadre desquels nous pourrions peut-être obtenir des fonds de contrepartie. Des programmes assez innovateurs semblent récemment avoir été lancés, programmes qui pourraient permettre à une entreprise comme la nôtre d'investir davantage au Canada.

C'est pour nous quelque chose de nouveau. Jusqu'ici, nous avons toujours été portés à agir par nos propres moyens, mais, pour certains des produits que nous sommes en train de développer, cela nous permettrait peut-être d'accélérer les choses. Je pourrais ainsi obtenir une certaine somme d'argent du siège social à St. Louis, et obtenir ici un financement complémentaire qui permettrait d'accélérer les progrès. Nous n'y avions pas songé avant, mais il existe aussi, sans doute, de nouvelles sources de financement.

La sénatrice Buth : En ce qui concerne maintenant les délais de développement de diverses variétés végétales, vous disiez tout à l'heure qu'en Europe, vous vous en tenez aux techniques traditionnelles d'amélioration des plantes. Bien que l'on puisse maintenant améliorer la sélection à l'aide de marqueurs moléculaires, il est clair que vous êtes des spécialistes non seulement des biotechnologies, mais aussi des techniques conventionnelles. Pourriez-vous nous dire le temps qu'il faut, selon qu'on utilise une ou l'autre technique, pour parvenir à l'étape de la commercialisation?

M. McGuire : En matière de phytogénétique, que l'on ait recours aux biotechnologies ou aux techniques traditionnelles, le temps nécessaire est à peu près le même. Même avec les nouveaux instruments, il faut de sept à 10 ans avant de pouvoir lancer sur le marché une nouvelle variété. Ça prend de 7 à 10 ans pour insérer une nouvelle caractéristique biotechnologique telle que la résistance à un nouveau parasite.

Nous travaillons en parallèle en même temps que nous développons une caractéristique biotechnique, nous travaillons au développement de la variété de plantes dans laquelle ce trait pourra être inséré, accordant aux deux voies un financement à peu près égal. À l'issue des travaux, nous réunissons les deux, à Winnipeg, où est situé notre établissement d'intégration des caractéristiques. C'est là que l'on prend le nouveau trait génétique et qu'on l'introduit dans la plante. Il est intéressant de voir que les deux processus prennent à peu près le même temps.

La sénatrice Callbeck : Je vous remercie de votre présence ici.

J'aurais une question simple à vous poser. On entend souvent dire que les semences Monsanto ne durent qu'un an, et qu'elles ne peuvent pas être replantées. Est-ce exact?

M. McGuire : Je vais commencer par répondre à votre question. Lorsque Monsanto a introduit le concept de biotechnologies, nous avons en même temps introduit l'idée que le cultivateur paierait chaque année pour leur emploi. Les nouvelles semences constituant un progrès, le cultivateur pouvait décider d'acheter ces semences améliorées, de les utiliser pendant un an, et puis, s'il le voulait, en racheter l'année suivante.

Les semences sont utilisables pendant plus d'un an. Il n'est pas vrai qu'elles sont incapables de se reproduire. Cela dit, nous avons rédigé un contrat en vertu duquel le cultivateur convient de n'utiliser nos semences que pour une seule saison et, s'il est satisfait des résultats, il peut toujours revenir et en racheter l'année suivante. Cela ne veut donc pas dire que les semences ne pourraient pas être utilisées l'année d'après, mais au début de chaque saison, le cultivateur décide, en connaissance de cause, de se réapprovisionner.

M. Treacy : Je voudrais apporter à cette réponse une petite précision technique. J'ajoute qu'il s'agit de vigueur hybride. La souche parentale A et la souche parentale B vous donnent un hybride dont le rendement est plus élevé que le rendement de A et le rendement B réunis. M. McGuire a raison : vous pourriez, effectivement, conserver les semences et les utiliser l'année d'après, mais l'expérience démontre qu'à la deuxième génération, la plante a perdu cette vigueur hybride et que le rendement n'est donc plus le même.

M. McGuire : C'était déjà comme cela avant la découverte des biotechnologies.

La sénatrice Callbeck : Qu'en est-il au juste? Selon vous, le rendement n'est pas le même, mais quelle serait, à peu près, la différence?

M. Treacy : Il me faudra vous obtenir le chiffre exact.

M. McGuire : Je peux vous dire ce qu'il en est du maïs. Avec une variété hybride améliorée, le cultivateur peut récolter 200 boisseaux de maïs l'acre. En plantant la semence provenant de cette récolte, compte tenu de la perte de vigueur hybride, on obtiendrait entre 40 et 60 boisseaux l'acre. Voilà ce que nous a appris la science du développement des hybrides.

Le maïs hybride a été développé dans les années 1920, et à cet égard rien n'a changé depuis. On constate le même écart depuis les premiers hybrides.

La sénatrice Callbeck : La semaine dernière, en Oregon, je crois, un fermier a retrouvé dans son champ une variété non homologuée de votre blé transgénique. Or, les derniers essais portant sur cette variété remontaient à 2001. D'où a pu venir ce blé?

M. McGuire : La nouvelle est tout à fait récente puisque cela s'est produit la semaine dernière. Ce qu'il faut savoir c'est que le Département américain de l'agriculture nous a demandé de coopérer et de lui fournir les moyens d'analyse permettant de savoir s'il s'agissait de blé « Roundup Ready », ce que nous avons fait. Le ministère maintient qu'il s'agissait effectivement de blé Roundup Ready.

Mais l'essentiel, c'est qu'il s'agit d'une variété dont l'innocuité alimentaire est attestée, et que ce produit ne présente donc aucun danger. Nous ne l'avions pas commercialisé, mais c'est un produit sain.

Nous avions, neuf ans plus tôt, mis un terme à ce programme. Je crois savoir qu'à l'époque 500 millions d'acres avaient été emblavés et il semblerait que ce soit, dans ce petit champ de 80 acres, la première fois que certaines plantes aient survécu. L'enquête se poursuit. Nous tentons de comprendre ce qui s'est passé et pourquoi. Il est trop tôt pour conclure, car l'enquête est en cours.

La sénatrice Callbeck : Ce produit n'a-t-il jamais fait l'objet d'essais au Canada?

Mme Jordan : Oui, de 1998 à 2004, nous avons mis à l'essai le blé Roundup Ready dans sa variété de blé de printemps. Mais le cas que vous venez de citer concerne le blé d'hiver. Nous n'avons, au Canada, jamais fait d'essais de culture du blé d'hiver.

M. McGuire : Ce produit, ce blé d'hiver découvert en Oregon, n'a jamais été mis à l'essai au Canada.

La sénatrice Callbeck : Le fait qu'on ait retrouvé cette variété dans un champ a eu des incidences commerciales étant donné la manière dont certains pays ont réagi. Qu'entendez-vous faire à cet égard?

Mme Jordan : Le marché a réagi, effectivement, même s'il n'y a pas le moindre motif d'inquiétude au plan de la sécurité alimentaire. Nous avons envoyé des tests spécifiques aux pays importateurs qui font, en ce domaine, preuve d'une extrême prudence. Le Japon, par exemple, se dit très préoccupé. La Corée du Sud et la Chine également. Ils ont pu, à l'aide des tests en question, constater qu'il n'y avait, dans les commandes dont ils ont récemment pris livraison, aucune trace de cette caractéristique, ce qui est, bien sûr, encourageant. Des réactions immédiates ont été marquées par la prudence. Le temps nous dira si cela a une incidence à long terme sur le plan commercial.

[Français]

Le sénateur Maltais : En principe, est-il vrai de dire qu'il n'y a pas de blé modifié aux OGM vendu à des fins de consommation humaine?

[Traduction]

M. Treacy : C'est exact. Actuellement, aucun blé transgénique n'est commercialisé.

[Français]

Le sénateur Maltais : J'aimerais revenir à ce que la sénatrice Callbeck a exploré avec vous. Ce qui est arrivé dans l'Oregon, était-ce parce que votre produit n'était pas homologué?

[Traduction]

Mme Jordan : Est-ce parce que cette variété n'était pas autorisée à la vente que la clientèle s'est inquiétée? Oui. Je précise que ce blé avait reçu toutes les autorisations réglementaires.

[Français]

Le sénateur Maltais : Si j'ai bien compris, votre produit n'était pas homologué.

[Traduction]

Mme Jordan : Il n'était pas homologué en vue de sa mise en marché.

[Français]

Le sénateur Maltais : Pourquoi a-t-il été nécessaire que le gouvernement américain adopte une législation qui permettait la mise en culture des plantes génétiquement modifiées non homologuées, spécialement pour vous, ce qu'on a appelé la Monsanto Protection Act?

[Traduction]

M. McGuire : Les travaux qui ont été effectués avaient un caractère précommercial, c'est-à-dire qu'il s'agissait, dans le cadre d'une gestion contrôlée et conforme aux lignes directrices édictées par le gouvernement, de s'assurer de son innocuité et de vérifier les avantages qu'il présentait. Cette variété n'était pas destinée à la vente. Il s'agissait de travaux préparatoires. Monsanto a décidé de ne pas commercialiser ce produit, et elle a mis un terme à ses travaux en respectant les lignes directrices du ministère américain de l'Agriculture en ce qui concerne l'arrêt du programme, la destruction des champs et des semences produites lors des travaux d'évaluation de cette technologie. Nous étudions actuellement la documentation, mais nous avons géré l'arrêt de ce programme de développement conformément aux lignes directrices du gouvernement. Nous n'avons jamais demandé que cette variété soit homologuée en vue de sa mise en marché, mais le produit avait été déclaré propre à la consommation.

[Français]

Le sénateur Maltais : Monsieur Treacy, vous avez indiqué plus tôt, concernant la luzerne, que le pollen n'était pas transporté par le vent, mais bien par une sorte d'abeilles. Puis-je savoir quelle sorte d'abeilles?

[Traduction]

M. Treacy : Vous avez raison. Selon les gens qui étudient la dispersion du pollen dans les champs de luzerne, il s'agit d'un type d'abeille très précis, la mégachile ou abeille coupeuse de feuilles. Je crois savoir que des apiculteurs cultivent les mégachiles et les introduisent dans les champs pour faciliter la pollinisation des récoltes. Il s'agit bien de mégachiles. Une partie du travail est accomplie par les abeilles mellifères, mais dans les champs de luzerne la pollinisation est essentiellement le fait des mégachiles.

M. McGuire : Les abeilles mellifères ne sont pas adaptées à cette plante.

[Français]

Le sénateur Maltais : Ce que vous dites est important, car certaines personnes consomment du miel et, sans le savoir, ils le consomment avec des produits génétiquement modifiés. Cette abeille à ciseau fait du miel. Le miel est commercialisé avec des produits génétiquement modifiés. Est-ce le cas?

[Traduction]

M. Treacy : Du pollen transgénique se retrouvait dans le miel. Vous ai-je bien compris? Pour que cela se produise, il faudrait que le champ dans lequel les abeilles sont lâchées pour la pollinisation nécessaire à la production de semences se trouve à proximité d'un apiculteur qui, lui, fait du miel. Les abeilles mellifères ne pénètrent pas dans les champs de luzerne et ne jouent aucun rôle dans la pollinisation. C'est dire qu'il s'agit là de deux choses distinctes. Ce qu'il faudrait savoir c'est si les abeilles mégachiles peuvent être employées pour faire du miel. Sur ce point, je ne peux pas vous répondre. À ma connaissance, elles ne servent qu'à la pollinisation.

M. McGuire : Elles servent à la pollinisation, et non à la production de miel.

[Français]

Le sénateur Maltais : Alors elles ne produisent pas de miel.

M. Treacy : En effet.

Le sénateur Maltais : Ce sont donc des abeilles qui ne produisent pas de miel?

M. Treacy : En effet.

[Traduction]

M. McGuire : Pas à des fins commerciales.

[Français]

Le sénateur Maltais : Ont-elles un nom?

[Traduction]

M. Treacy : Les mégachiles.

Le président : Je vous remercie de cette précision. J'allais vous demander de revenir à ce que vous disiez au début, monsieur McGuire, concernant la prééminence de votre entreprise et les principes scientifiques qui permettent de répondre à cette question, mais la réponse est maintenant claire.

Je vous remercie, monsieur McGuire, vous et vos collaborateurs, des propos que vous nous avez livrés aujourd'hui. Nous vous encourageons à continuer, en collaboration avec tous les intervenants du secteur agricole, pour assurer au Canada la première place en ce domaine. Je vous remercie.

M. Treacy : Monsieur le président, nous vous remercions de l'occasion qui nous a été donnée de prendre la parole devant vous. J'ai apporté quelques brochures simplement aux fins d'information. Je regrette que nous ne les ayons qu'en version anglaise. Si vous le voulez bien, je les remettrai au greffier du comité qui pourra les distribuer à ceux que cela intéresserait.

Le président : C'est entendu. Nous allons bientôt entamer la rédaction du rapport qui sera distribué aux divers paliers de gouvernement et aux parties intéressées. Si vous souhaitez intervenir où nous faire un complément d'information, sachez que vous pouvez le faire jusqu'à la fin du mois de septembre.

La séance est levée.

(La séance est levée.)


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