Délibérations du Comité sénatorial permanent de
l'Agriculture et des forêts
Fascicule 36, Témoignages du 6 juin 2013
OTTAWA, le jeudi 6 juin 2013
Le Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts se réunit aujourd'hui, à 8 h 35, pour examiner, pour en faire rapport, les efforts de recherche et d'innovation dans le secteur agricole. (sujet : Rôle des droits de propriété intellectuelle pour l'innovation en agriculture.)
Le sénateur Percy Mockler (président) occupe le fauteuil.
[Français]
Le président : Je vous souhaite la bienvenue au Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts.
[Traduction]
Mesdames et messieurs les sénateurs, avant de vous présenter officiellement notre témoin, j'aimerais que nous prenions le temps de nous présenter.
Je suis le sénateur Percy Mockler, du Nouveau-Brunswick, et je suis le président du comité. Maintenant, au tour de mes collègues.
Le sénateur Mercer : Je suis le sénateur Terry Mercer. Je suis le vice-président du comité, et je viens de la Nouvelle- Écosse.
La sénatrice Callbeck : Catherine Callbeck, de l'Île-du-Prince-Édouard.
La sénatrice Merchant : Pana Merchant, de la Saskatchewan. Soyez le bienvenu.
Le sénateur Plett : Bonjour. Je suis Don Plett, du Manitoba.
La sénatrice Buth : JoAnne Buth, du Manitoba.
La sénatrice Eaton : Nicky Eaton, de l'Ontario.
[Français]
Le sénateur Maltais : Bonjour, je m'appelle Ghislain Maltais, sénateur de la province de Québec.
Le sénateur Rivard : Bonjour, je suis Michel Rivard, sénateur de la province de Québec.
Le président : Le comité poursuit son étude sur les efforts de recherche et d'innovation dans le secteur agricole.
[Traduction]
Le comité poursuit son étude des efforts de recherche et d'innovation dans le secteur agricole. Nous examinons tout particulièrement le rôle des droits de propriété intellectuelle pour l'innovation en agriculture.
L'ordre de renvoi a été donné par le Sénat du Canada au Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts, l'autorisant à examiner les efforts déployés pour la recherche et le développement dans le contexte du développement de nouveaux marchés au Canada et à l'étranger, du renforcement de la viabilité de l'agriculture ainsi que de l'amélioration de la diversité et de la sécurité alimentaires.
Mesdames et messieurs les sénateurs, nous recevons ce matin M. Jim Wispinski, qui est le président de Dow AgroSciences Canada.
Monsieur Wispinski, merci beaucoup d'avoir accepté notre invitation à communiquer vos vues, vos commentaires et vos recommandations au Comité sénatorial sur l'agriculture, afin que le secteur agricole canadien puisse continuer à progresser.
Le greffier me dit que vous avez préparé un exposé à notre intention. Une fois l'exposé terminé, les sénateurs auront le loisir de vous poser des questions.
Jim Wispinski, président, Dow AgroSciences Canada : Merci beaucoup, monsieur le président. Mesdames et messieurs, bonjour. Je suis très heureux d'être ici ce matin pour vous parler de Dow AgroSciences et vous exposer notre point de vue sur l'importance de l'innovation et de la propriété intellectuelle dans le secteur de l'agriculture et de l'agroalimentaire au Canada.
D'entrée de jeu, je tiens à vous féliciter tous de prendre le temps qu'il faut pour vous pencher sur ces importants enjeux. L'innovation en agriculture n'a jamais été aussi importante pour le Canada, et jamais les occasions d'innover n'ont été aussi nombreuses qu'aujourd'hui. Le besoin d'innover est énorme.
Dow AgroSciences est une filiale à part entière de la Dow Chemical Company. Nous sommes l'une des principales sociétés agricoles au monde. La raison d'être de Dow AgroSciences se marie parfaitement au thème d'aujourd'hui puisque notre objectif est de mettre au point des technologies novatrices qui répondent aux besoins d'un monde en croissance. La société se targue de joindre des marchés très diversifiés, d'offrir les marques les plus en vue dans certains secteurs et d'appuyer l'agriculture dans les régions développées et en émergence.
Comme vous le savez, c'est une époque formidable pour l'agriculture, et je suis fier de faire partie de Dow AgroSciences pour vivre cette époque, puisque nous connaissons actuellement une expansion rapide dans le monde entier. Nous avons des installations dans plus de 40 pays et nos produits sont écoulés dans plus de 130.
Nous sommes au Canada depuis environ 70 ans. Je suis fier d'être aux commandes de l'organisation, qui emploie 250 personnes hautement qualifiées en sol canadien, à travers tout le pays, à toutes sortes de fonctions, des affaires aux opérations en passant par la recherche et le développement. Ils ont tous très à cœur de dynamiser l'innovation au Canada.
Notre station numéro un de par le monde pour la recherche sur le canola et l'amélioration génétique de ce dernier est située à Saskatoon, en Saskatchewan. Nous avons aussi des stations expérimentales et des stations de recherche à Blenheim et St. Marys, en Ontario, qui travaillent principalement à l'amélioration génétique du maïs et du soya, à la mise à l'essai des nouvelles essences et à la recherche.
Je souhaite aussi souligner que Dow AgroSciences dirige la seule installation privée de l'est du Canada pour la recherche et l'amélioration génétique en matière de céréales. L'installation située à Nairn, en Ontario, a été reconstruite intégralement en 2012 pour en faire l'installation de pointe qu'elle est maintenant. L'objectif principal des activités qui s'y déroulent est de mettre au point des variétés de blé qui présentent les améliorations agronomiques que les agriculteurs canadiens recherchent, et l'installation dispose pour ce faire, des techniques les plus avancées pour l'amélioration génétique. L'amélioration des rendements, l'amélioration de la résistance à la verse et la tolérance génétique à la maladie sont les principales améliorations agronomiques sur lesquelles nous travaillons à cet endroit.
Maintenant que j'ai campé le décor, je suis ravi de pouvoir vous en dire un peu plus long sur la façon dont Dow AgroSciences investit pour mettre au point des solutions chimiques et biotechniques novatrices qui aideront les producteurs à répondre aux besoins de la planète en matière de nourriture, de fourrage, de fibres et de carburant.
Mais d'abord, je ne pourrai jamais insister assez sur le fait que tout ceci ne peut se faire sans de rigoureuses politiques réglementaires fondées sur la science. Celles-ci doivent être appuyées par un programme solide en matière d'innovation et par des positions fermes quant à la protection de la propriété intellectuelle. Au fur et à mesure que nous continuons à investir et à faire avancer les technologies existantes — et à en élaborer de nouvelles —, nous constatons que la protection des cultures et le marché des semences comportent certains aspects névralgiques.
Laissez-moi vous donner deux exemples en lien avec les technologies. Le système Enlist pour la lutte aux mauvaises herbes a récemment été approuvé au Canada. Il s'agit d'un système cultural résistant aux herbicides qui allie des caractères nouveaux à de nouvelles découvertes technologiques en matière d'herbicides. Le système Enlist est un nouvel outil dont les agriculteurs peuvent de servir pour continuer à utiliser des pratiques agricoles durables, dont le travail réduit du sol et la réduction des intrants. Le système permet donc de faire cela tout en apportant une solution à l'urgent besoin de lutter contre les mauvaises herbes, à la fois pour le maïs et le soya.
Nos activités en recherche et développement visent aussi à créer de nouveaux caractères agronomiques pour les intrants et les extrants. Personne ici n'a besoin qu'on lui rappelle la réalité de la croissance de la population mondiale, mais la question ne se limite pas à cette simple croissance. S'ajoute à cela la transformation des régimes alimentaires des populations qui force sur la demande en protéines, laquelle accentue toujours davantage le besoin d'avoir des cultures plus productives et le besoin de continuer à innover.
De plus, la hausse des niveaux de vie à l'échelle planétaire et le vieillissement des populations font en sorte que, dans de nombreux pays, l'on accorde de plus en plus d'importance à la santé et à la nutrition. Nous constatons donc, en tant que compagnie, une multiplication des débouchés que stimulent la croissance de la demande et le besoin de bien-être, et c'est pourquoi nos activités ciblent ces deux aspects.
En ce qui concerne les caractéristiques des extrants, nous avons cherché à travailler certains produits particuliers, comme les huiles saines. L'exemple que je vais donner porte sur l'huile de canola oméga-9, qui est tirée d'une marque de canola que nous avons mise au point et que nous vendons. L'huile de canola oméga-9 est utilisée par les grandes entreprises alimentaires. La conversion de ces dernières à cette huile a permis de retirer un milliard de livres de gras trans de la diète des consommateurs nord-américains. C'est un changement qui a eu un effet bénéfique réel sur la santé des populations et qui a ouvert des portes pour le canola sur les marchés nord-américains.
Le canola Nexera jouit aussi d'excellents débouchés sur les marchés asiatiques, ce qui augmente les retombées pour les producteurs canadiens, un avantage bien tangible. C'est l'un des produits phares que nous citons en exemple lorsque nous parlons des innovations que notre entreprise met au point au Canada. Nous entrevoyons de nombreuses autres possibilités d'innovation en agriculture, toujours dans l'optique d'une amélioration de la santé et de la nutrition.
Pour en revenir aux caractéristiques des intrants, nous nous efforçons d'augmenter les rendements en travaillant sur l'amélioration des gènes et la tolérance au stress, et en prêtant main-forte pour rendre plus efficace la lutte aux mauvaises herbes et aux insectes.
Les innovations alliant la biotechnologie et les techniques de pointe en matière d'amélioration des plantes permettent de créer des semences hybrides et des variétés avec un meilleur potentiel de rendement et des améliorations agronomiques. Or, pour permettre aux agriculteurs de profiter le plus tôt possible de ces nouvelles variétés et de ces hybrides, et pour stimuler les investissements dans l'amélioration des plantes, nous sommes d'avis que la modernisation du processus d'enregistrement des variétés devrait être une priorité. Pour certaines cultures, comme le maïs, le système du Canada fonctionne très bien. Pour les cultures phares, comme le soya et le blé, des améliorations au processus d'enregistrement des variétés seraient les bienvenues.
Comme vous le savez, on estime à 70 milliards de dollars la valeur du secteur agricole canadien, ce qui représente plus de 8,8 p. 100 du PIB du pays. En outre, l'agriculture emploie deux millions de personnes à l'échelle du pays. Il est vrai que le gouvernement fournit une aide et des subsides très précieux à ce secteur. Je crois cependant que les choses pourraient être améliorées en ce qui concerne l'établissement d'une vision et d'une orientation claires pour les politiques du Canada en matière d'agriculture et pour appuyer encore davantage le rôle que le Canada devrait jouer en tant que leader mondial de l'innovation en agriculture.
Dans cette optique, l'accent devrait être mis sur deux aspects. Premièrement, il importe de continuer à faire des gains quant à l'efficacité de la réglementation et à l'harmonisation des systèmes d'approbation. Deuxièmement, il faut faire en sorte que les Canadiens comprennent mieux le rôle et l'importance de l'innovation en agriculture. À vrai dire, tous les intervenants du secteur agricole ont un rôle à jouer à cet égard.
De plus, le gouvernement devrait en faire davantage pour renforcer la crédibilité de notre système de réglementation auprès du public. Il faut lui dire que notre système est l'un des plus rigoureux au monde et insister sur le fait que les investissements du secteur privé s'appuient sur des droits robustes en matière de propriété intellectuelle.
Il est essentiel que le Canada ait des politiques, des stratégies gouvernementales et des droits de propriété intellectuelle appropriés, car ces attributs encouragent les entreprises comme Dow AgroSciences à investir dans la recherche. Qu'ils soient faits directement au Canada ou dans des cultures qui sont capitales pour le succès du pays, ces investissements sont ceux que nous devons chercher à attirer au Canada, pour le bienfait de l'agriculture canadienne.
Pour le bien de la recherche et de l'innovation en agriculture, le Canada se doit de maintenir en place un système de réglementation fondé sur la science prévisible et solide.
Je veux profiter de l'occasion pour donner quelques exemples illustrant à la fois comment le système de réglementation du Canada excelle et en quoi il pourrait être amélioré.
Même avec un budget de fonctionnement réduit, l'Agence de réglementation de la lutte antiparasitaire, ou ARLA, du ministère de la Santé a un site web informatif, des exigences claires en matière de données, un ensemble de processus d'examen, des délais de livraison clairement établis et une politique de communication ouverte pour les titulaires. L'harmonisation des examens conjoints fonctionne très bien, les délais d'homologation sont parmi les plus courts au monde et les évaluations globales sont parmi les plus rigoureuses qui soient. L'ARLA est passée aux présentations électroniques, et celles-ci se sont avérées très efficaces. L'organisme est ouvert aux consultations lorsqu'il s'agit de façons nouvelles et novatrices d'améliorer l'efficacité de l'examen des données — par exemple, le recours à l'historique de la réglementation axé sur la valeur et à des jeux de données simplifiés lorsque cela est justifié. Continuons de tabler sur ces forces du système canadien de réglementation et d'encourager d'autres partenaires de commerce importants à rationaliser et à proposer des présentations — notamment en ce qui a trait aux limites maximales des résidus et aux limites de tolérance — plus rapidement par le biais de ce système, pour que le Canada en tire un avantage commercial. Cela permettra aux agriculteurs canadiens d'avoir plus rapidement accès aux nouvelles technologies et de faciliter les échanges commerciaux qui sont si importants pour l'agriculture canadienne.
L'ARLA fait actuellement l'objet d'un exercice de recouvrement des coûts. En tant que joueurs de l'industrie, nous savons pertinemment que les frais ne resteront pas les mêmes, mais nous souhaiterions tout de même que toute augmentation potentielle s'accompagne de gains d'efficacité et d'engagements à l'égard des délais d'examen. C'est le type d'approche qui fera en sorte que le Canada restera concurrentiel sur la scène internationale.
Nous avons remarqué que l'Agence canadienne d'inspection des aliments, autre organisme de réglementation de grande importance, fait aussi de gros efforts pour rendre la réglementation plus efficace dans le domaine des engrais, par le biais d'une mise à jour et d'une simplification de son approche en la matière.
Nous voulons aussi féliciter l'ACIA pour les gains d'efficacité opérationnelle réalisés par le biais de son Bureau d'enregistrement des variétés, qui s'est doté de processus et de délais de livraison — on peut par exemple penser au processus d'homologation d'une variété de canola.
Toujours sous la rubrique des éloges, l'ACIA peut être fière de son Bureau de biotechnologie végétale, où les examens des permis d'importation et d'essais de recherche au champ en conditions confinées ont des normes claires de délivrance, lesquelles sont systématiquement respectées.
Je veux aussi prendre un moment pour mettre en relief certains domaines où nous avons travaillé avec l'ACIA — de concert avec nos partenaires industriels — dans le but de réaliser des gains d'efficience pour l'ensemble des divisions de l'Agence. Dow AgroSciences présente ces initiatives conjointes au comité aux fins d'information, bien sûr, mais aussi pour solliciter son aide afin d'en concrétiser les objectifs.
D'abord, nous demandons que des améliorations soient apportées aux présentations portant sur des végétaux ayant des caractères nouveaux dont les examens et les résultats doivent faire consensus auprès de l'ACIA et de l'ARLA.
De plus, comme cela a été souligné, certains bureaux de l'ACIA, tels que ceux qui sont chargés de l'enregistrement des variétés d'engrais et de la délivrance des permis en biotechnologie, travaillent en fonction de délais établis en ce qui concerne l'exécution des examens. Ces délais ne s'appliquent cependant pas aux examens de l'ACIA qui portent sur des végétaux qui ont des caractères nouveaux. Or, comme vous pouvez l'imaginer, cela a une incidence importante sur la prévisibilité et sur nos processus de planification des activités. L'établissement de délais pour les examens serait une façon d'améliorer encore plus ce que nous considérons déjà comme un système de réglementation de calibre mondial pour les végétaux présentant des caractères nouveaux.
Comme vous le savez, l'agriculture fonctionne désormais dans un contexte d'affaires mondial. Nous avons besoin d'une communication ouverte avec le gouvernement et d'une volonté de sa part d'interagir avec le secteur des affaires de façon transparente et prévisible. Sans un système de réglementation cohérent et axé sur la science, le Canada ne pourra pas tenir sa place sur l'échiquier mondial.
Pour terminer, les conversations que vous et moi pouvons avoir avec les agriculteurs canadiens et les constatations qu'il nous est possible de faire dans n'importe quel supermarché du pays nous permettent de voir clairement toutes les avancées durables qui ont été faites dans la productivité agricole, ainsi que dans la production et la qualité des aliments. Nous avons de quoi être fiers. Les consommateurs canadiens ont été très bien servis par leurs agriculteurs, qui se sont emparés de cette technologie pour leur en faire profiter.
Monsieur le président, mesdames, messieurs, le besoin d'innover n'a jamais été aussi pressant. Les prévisions sur la croissance de la population mondiale indiquent que la production de nourriture globale devra être augmentée de 70 p. 100 au cours des 40 prochaines années. Même si les ressources naturelles du Canada sont limitées, son potentiel de progrès dans le secteur agricole ne l'est pas. Tout ce que nous faisons se fonde sur la mise à contribution du pouvoir qu'a la science de servir ce monde en croissance et en transformation. Nous sommes ravis à l'idée de travailler en collaboration avec le gouvernement canadien, avec les agriculteurs et avec d'autres intervenants afin de libérer le vrai potentiel de tout ce que l'agriculture canadienne peut apporter au monde.
Encore une fois, je vous remercie de m'avoir donné la chance de vous parler aujourd'hui de ce très important sujet. Inutile de dire que je serai heureux de répondre à toutes vos questions.
Le sénateur Mercer : Monsieur Wispinski, votre exposé a évoqué plusieurs fois la protection de la propriété intellectuelle, mais sans jamais donner de détails. Pouvez-vous nous faire part de problèmes précis qui vous préoccupent à ce chapitre? Nous avons de toute évidence entendu parler de ces questions auparavant, mais pourriez- vous donner des précisions sur ce qui ne fonctionne pas ou sur ce qui manque par rapport à ce que nous avons maintenant?
M. Wispinski : Le Canada est en fait un environnement assez favorable et raisonnable concurrentiel sur le plan de la propriété intellectuelle. Je dirais que certaines personnes qui ont témoigné antérieurement ont fait ressortir la nécessité de moderniser les droits de propriété de nos phytogénéticiens et de soulever la question auprès de l'UPOV afin qu'elle mette à jour la version la plus récente de sa convention, soit celle de 1991. Il s'agit là d'une question cruciale qui doit être réglée.
Le sénateur Mercer : J'ai été impressionné par les chiffres que vous avez cités concernant les omégas 9 et le milliard de livres de gras trans qui a été retiré des produits alimentaires nord-américains. Avez-vous atteint votre plein potentiel à cet égard? Est-il possible d'accroître l'utilisation des omégas 9 de manière à faire passer le milliard de livres à un chiffre substantiellement plus élevé?
M. Wispinski : Nous continuons de travailler intensément avec les entreprises alimentaires du monde entier et, en particulier, celles d'Amérique du Nord et d'Asie afin qu'elles continuent d'adopter les omégas 9. Nous croyons qu'il est possible d'accroître encore plus leur utilisation en incitant ces entreprises à le faire, d'éliminer ainsi les gras trans et de réduire la teneur en graisse saturée de nombreux produits, ce qui a des avantages tangibles pour la santé. De plus, nous sommes en train d'élaborer d'autres innovations, dont des omégas 3 à base de plante et une huile de tournesol sans graisse saturée, qui représentera une autre de nos avancées technologiques. Nous croyons que la possibilité d'engendrer certains changements dans les macro-ingrédients alimentaires et de nettement modifier les régimes alimentaires est un secteur d'intérêt important, et nous investissons dans celui-ci.
Le sénateur Plett : Je vous remercie d'être ici ce matin. J'ai deux questions assez fondamentales à vous poser. D'après ce que j'ai lu dans certains des documents dont nous disposons, il y a essentiellement quatre principaux acteurs nord-américains dans le domaine de l'innovation et de la technologie. Les fabricants de produits chimiques sont Monsanto, Syngenta — dont je n'avais jamais entendu parler auparavant — Dow et Dupont. Que pensez-vous de cette affirmation? Est-il vrai qu'il n'y a réellement que quatre principaux acteurs, et est-il bon qu'il y ait aussi peu de grandes entreprises exerçant les mêmes activités que votre entreprise?
M. Wispinski : Vous avez raison de dire qu'il n'y a qu'un nombre relativement restreint de gens qui investissent vraiment dans la recherche agrochimique. J'ajouterais toutefois quelques noms à votre liste. Cela tient en partie au fait que les enjeux de la recherche agrochimique sont très élevés. Pour mettre en marché de nouveaux produits à l'échelle mondiale, il faut investir 256 millions de dollars. Par conséquent, on doit disposer d'une masse critique de fonds pour être en mesure de le faire. Je travaille dans cette industrie depuis 28 ans aujourd'hui et, même si le nombre d'acteurs est relativement restreint, la concurrence, selon moi, est plus intense que jamais.
Le sénateur Plett : Je suppose que la concurrence est une bonne chose.
M. Wispinski : Oui, c'est une bonne chose. Elle nous rend tous meilleurs.
Le sénateur Plett : Exactement. Nous avons également entendu dire — et vous l'avez déjà mentionné dans votre exposé, comme cela se produit chaque fois que quelqu'un témoigne devant nous — que nous allons devoir alimenter neuf milliards de personnes. Bien entendu, nous devons aussi faire face au changement climatique, qui est plus grave selon certaines personnes que selon d'autres, mais qui représente néanmoins un facteur. Nous traversons des périodes de sécheresse et de crue. Que faites-vous pour améliorer les cultures génétiquement modifiées afin de vous assurer qu'elles résistent davantage aux sécheresses et qu'elles peuvent tolérer des précipitations encore plus abondantes et des problèmes d'inondation plus importants?
M. Wispinski : Sénateur, vous avez absolument raison. Quel que soit le point de vue des gens concernant la question du changement climatique, il faudra innover pour nous adapter à celui-ci ainsi qu'aux variations climatiques. Nous investissons à la fois dans la biotechnologie et la phytogénétique avancée non seulement pour rendre les plantes plus résistantes à la sécheresse et au stress, mais aussi pour rendre les variétés végétales et les cultivars hybrides plus en mesure de s'adapter à un vaste éventail d'environnements. Nous nous soucions énormément que les plantes soient en mesure de donner de bons rendements dans une multitude d'environnements, d'emplacements géographiques et de conditions atmosphériques. Cela représente un secteur d'intérêt clé pour nous et pour d'autres membres de l'industrie.
La sénatrice Callbeck : Je vous remercie infiniment de votre exposé. Vous êtes le président de Dow AgroSciences Canada mais, dans votre exposé, vous n'avez pas fait allusion à Dow AgroSciences Canada; vous avez simplement mentionné Dow AgroSciences. Dow AgroSciences Canada est-elle une filiale?
M. Wispinski : Oui, sénatrice. Nous sommes affiliés à Dow AgroSciences LLC, qui est une organisation internationale. Sur le plan de la recherche et du développement, nous nous reposons sur une approche à plusieurs volets. Nos laboratoires de recherche travaillent surtout à l'échelle mondiale, mais de nombreuses recherches sont effectuées au Canada. J'ai signalé le centre canadien de recherche sur le canola de Saskatoon, dont les résultats ne sont pas utilisés exclusivement au Canada. Nous prenons les résultats des recherches effectuées au Canada, et nous les exploitons dans d'autres parties du monde où le canola revêt une grande importance. Je suis désolé s'il y a eu un malentendu, mais ce système est intégré.
La sénatrice Callbeck : Vous avez parlé des recherches qui sont effectuées au Canada et du fait qu'il se pouvait que vous les utilisiez dans d'autres pays. Qu'en est-il des droits de propriété intellectuelle liés aux découvertes que font les chercheurs canadiens? Qui détient ces droits?
M. Wispinski : Les découvertes faites par tout chercheur employé par notre entreprise appartiennent à celle-ci.
La sénatrice Callbeck : Donc, il s'agit de la société Dow Chemical?
M. Wispinski : Oui.
La sénatrice Callbeck : Où se trouve son siège social?
M. Wispinski : Le bureau central du secteur agricole se trouve à Indianapolis, dans l'Indiana, et le siège social de Dow Chemical est à Midland mais, évidemment, nous avons des entités juridiques partout dans le monde, dont Dow AgroSciences Canada au Canada.
La sénatrice Callbeck : Je crois que vous possédez plusieurs entreprises de semences. J'ai aperçu une liste de celles-ci il y a de cela une minute. Est-ce que certaines de ces semences sont produites au Canada?
M. Wispinski : Oui, nous produisons des semences de canola au Canada. Nous produisons aussi des semences de maïs, de soya et de blé pour les producteurs canadiens. Nous exportons certaines de ces semences aux États-Unis, et nous en importons quelques-unes de d'autres pays.
La sénatrice Callbeck : Des représentants de Monsanto étaient ici l'autre jour. Ils ont mentionné que, pour ce qui est des producteurs qui achètent leurs semences, il valait mieux qu'ils les achètent tous les ans, parce que leurs récoltes allaient être bien meilleures s'ils utilisaient leurs semences que s'ils replantaient les semences récoltées. Est-ce aussi le cas de vos semences?
M. Wispinski : Oui. Je dirais que les semences hybrides ne peuvent être utilisées qu'une seule fois. Nous investissons tous les ans dans la phytogénétique, afin d'être en mesure de développer de nouvelles variétés et de les lancer sur le marché ainsi que de nouveaux hybrides. Pour que ces investissements substantiels se poursuivent annuellement, il faut que nos semences soient utilisées.
Il faut que l'investissement du développeur donne un bon rendement, et cela fait partie du système, mais l'agriculteur profite également de celui-ci. Les agriculteurs sont les meilleures gens d'affaires du monde entier. Ils achètent des produits seulement s'ils sont avantageux pour eux et pour leurs exploitations agricoles.
La sénatrice Callbeck : Dans votre exposé, vous avez mentionné qu'il y avait place à l'amélioration en ce qui concerne l'établissement d'une vision claire et l'orientation des politiques agricoles canadiennes pour appuyer le rôle du Canada en tant que chef de file mondiale de l'innovation agricole.
En second lieu, vous avez dit qu'il fallait s'efforcer d'améliorer la compréhension que les Canadiens ont du rôle de l'innovation agricole et de son importance. Comment proposeriez-vous de faire cela?
M. Wispinski : Ensuite, j'ai dit que nous avions tous un rôle à jouer et, à mon avis, nous devons établir des partenariats pour vraiment améliorer la compréhension de l'agriculture au Canada. Je pense que le gouvernement pourrait jouer un plus grand rôle à cet égard. Nous, les membres de l'industrie, collaborons avec les associations commerciales pour contribuer à l'atteinte de cet objectif. Nous devons entamer, à titre individuel, des conversations en vue d'aider le Canada à comprendre l'agriculture.
La société vit très en marge des producteurs primaires. Nous devons nouer le dialogue avec ceux-ci afin de contribuer à améliorer la compréhension que les consommateurs ont de l'agriculture. C'est vraiment un enjeu très important.
La sénatrice Callbeck : Oui. Qui devrait assumer un rôle de premier plan à cet égard?
M. Wispinski : Encore une fois, je ne sais pas si je recommanderais qu'une personne ou une organisation en particulier assume ce rôle. Je pense que nous devons tous mettre la main à la pâte et faire avancer les choses.
La sénatrice Callbeck : En général, rien ne se produit, à moins que quelqu'un prenne l'initiative.
M. Wispinski : Je pense que le gouvernement pourrait jouer davantage un rôle de chef de file et contribuer assurément à faire bouger les choses. Nous les membres de l'industrie tentons d'atteindre cet objectif, mais certaines contraintes restreignent nos efforts. Nous sommes perçus comme ayant un intérêt dans cet enjeu et un parti pris.
Les groupes d'agriculteurs commencent à assumer un rôle de chef de file dans ce domaine. Comment pouvons-nous nous assurer que les actions de toutes les parties concernées sont coordonnées de manière appropriée? Peut-être que le gouvernement pourrait contribuer à l'atteinte de cet objectif.
La sénatrice Eaton : Dans votre exposé, vous avez parlé des améliorations agronomiques que les agriculteurs canadiens recherchaient, à savoir la résistance à la verse, une résistance génétique naturelle aux maladies et une amélioration du rendement. Avec un peu de chance, nous devrions conclure des accords de libre-échange avec l'UE et certaines nations du Pacifique, comme l'Inde et la Chine. Si nous continuons d'exporter notre blé, savez-vous quelles caractéristiques précises ces pays pourraient souhaiter ou exiger?
M. Wispinski : Nous examinons assurément le profil de toutes les différentes variétés, et nous nous attendons à ce que les produits canadiens engendrent de nouveaux marchés.
Notre huile de canola aux omégas 9 en est un excellent exemple. Elle présente un avantage pour la santé. Nous avons été en mesure d'accroître notre part du marché américain, en raison de ce profil, et de contribuer à enrichir l'industrie du canola. Chaque pays aura des exigences précises par rapport à chaque culture. Il est important que nous continuions de faire des innovations qui rendent nos cultures plus concurrentielles à l'échelle mondiale.
La sénatrice Eaton : Y a-t-il des produits auxquels vous travaillez en ce moment qui font l'objet d'essais et qui pourraient avoir des propriétés différentes?
M. Wispinski : Je vais vous donner un autre exemple. Nous nous employons en ce moment à accroître la valeur de la farine de canola afin qu'elle acquière une plus grande valeur aux yeux des utilisateurs d'aliments pour animaux.
Voilà un autre exemple d'innovation que nous espérons mettre en marché en 2015-2016 afin de contribuer réellement à la valeur de l'agriculture canadienne.
La sénatrice Eaton : Allons dans une autre direction. Vous avez tenu à dire que vous ne pouviez pas insister suffisamment sur le fait que nous ne pourrions nous passer de politiques de réglementation fondées sur des données scientifiques fiables qui appuient une stratégie solide d'innovation.
Avez-vous fait valoir cet argument parce que vous avez l'impression que ces politiques sont menacées en ce moment?
M. Wispinski : Elles sont constamment remises en cause, si je peux m'exprimer ainsi. Il est très important que la règlementation continue d'être fondée sur des données scientifiques solides. Il est très facile de plaider la cause de certains groupes en se fondant sur la peur et, pour être franc, cela remet en cause les règlements fondés sur des données scientifiques fiables.
La sénatrice Eaton : Pensez-vous au fait que Vancouver et Toronto n'autorisent pas l'application de pesticides, par exemple, et à la crainte que certaines personnes ressentent à l'égard des OGM?
M. Wispinski : Je pense que, peu importe l'endroit où cela se produit ou l'ordre de gouvernement qui intervient, lorsqu'on remet en question une réglementation fondée sur des données scientifiques fiables en interdisant l'utilisation de pesticides dans un milieu urbain, par exemple, les gens ont le sentiment que cette décision a été prise pour des raisons de sécurité, même si l'ARLA a examiné ces pesticides sur le pan de la sécurité.
Ma principale préoccupation à ce sujet est la suivante : comment seront perçus nos agriculteurs qui utilisent ces pesticides pour produire des aliments, alors que ces pesticides sont sécuritaires et absolument indispensables à la production alimentaire? Oui, certaines de ces remises en question ont lieu.
La sénatrice Eaton : Je vais vous poser la même question que j'ai posée hier aux représentants de Monsanto. Lorsqu'un événement de ce genre se produit, disons à Vancouver ou à Toronto — vous êtes trop diplomatique pour les mentionner, mais ce n'est pas mon cas —, et que l'on interdit l'utilisation de pesticides génétiquement modifiés, tentez- vous d'éduquer le public? Vous manifestez-vous, tentez-vous de promouvoir une agriculture fondée sur des données scientifiques, et combattez-vous ces tendances d'une manière ou d'une autre?
M. Wispinski : Nous tentons effectivement de promouvoir une agriculture et une réglementation fondée sur la science, et nous les défendons chaque fois que nous en avons l'occasion. Il est très difficile pour une seule entreprise ou même pour l'industrie de parvenir à communiquer ce message à une vaste population.
Nous ne cessons de nous améliorer à cet égard, de mieux communiquer la science sur laquelle reposent nos produits. Toutefois, il est difficile d'expliquer la science au grand public. Il s'agit d'un art dans lequel nous nous perfectionnons mais, manifestement, il nous reste encore beaucoup de travail à faire.
La sénatrice Eaton : Oui, merci.
La sénatrice Merchant : Corrigez-moi si j'ai tort, mais les pesticides et les herbicides ne sont-ils pas un peu comme le vaccin contre la grippe? Les insectes se transforment et s'adaptent aux pesticides. Faut-il que vous modifiiez constamment leur composition pour conserver une longueur d'avance?
Cela inquiète certaines personnes, car ces composantes pénètrent dans le sol. Se décomposent-elles tôt ou tard, ou s'accumulent-elles? Qu'advient-il? Nous utilisons de plus en plus de pesticides et d'herbicides. Certaines personnes s'en inquiètent.
M. Wispinski : Je sais.
La sénatrice Merchant : Elles s'infiltrent dans l'eau potable ou les nappes aquifères. Peut-être pourriez-vous nous expliquer ce qu'il en est?
M. Wispinski : Permettez-moi de répondre à vos questions en deux temps. Premièrement, les mauvaises herbes et les insectes peuvent-ils développer une résistance à certains pesticides? Assurément, ils l'ont fait. C'est une possibilité.
Nous recommandons et faisons la promotion de pratiques de gérance semblables à l'analogie que vous avez établie avec l'industrie médicale : établissez une rotation des produits que vous utilisez pour lutter contre les parasites, afin de prévenir le début de la résistance. Il s'agit là d'une pratique cruciale.
Oui, nous devons effectivement continuer d'innover afin de pouvoir devancer les difficultés occasionnées par la résistance que les mauvaises herbes et les insectes peuvent développer. J'espère que cela répond à la première partie de votre question.
En ce qui concerne la deuxième partie de votre question, lorsque ces produits sont examinés par l'Agence de réglementation de la lutte antiparasitaire ou par des organismes de réglementation du monde entier, leurs membres étudient tous les aspects de l'examen, dont leur impact sur l'environnement et leurs cycles de dégradation dans l'environnement, et ces parties de l'examen sont très importantes. Comme je l'ai indiqué, l'examen réglementaire canadien est l'un des plus stricts du monde, et nous devrions en être très fiers.
La sénatrice Merchant : Qu'arrive-t-il à ces composantes qui pénètrent dans le sol? Se décomposent-elles?
M. Wispinski : Elles se décomposent assurément dans l'environnement, et une partie de l'examen consiste à s'assurer que c'est le cas.
La sénatrice Merchant : Il y a un mouvement vers les produits biologiques, et certaines personnes achètent seulement ceux-ci à présent. Comment les agriculteurs biologiques se débrouillent-ils sans produit chimique et mesure de ce genre? Se débrouillent-ils parce qu'ils sont peu nombreux et leur marché est restreint? Comment cultivent-ils leurs produits sans utiliser de produits chimiques et de pesticides?
M. Wispinski : Il est bon que les consommateurs puissent choisir des produits qui leur conviennent. En général, les agriculteurs biologiques produisent à une plus petite échelle, quoique certains d'entre eux fonctionnent maintenant à une plus grande échelle et cultivent leurs produits d'une manière généralement plus intensive. Par conséquent, leurs coûts de production sont plus élevés. Comme vous l'avez remarqué dans les épiceries, ils sont, pour cette raison, habituellement vendus à des prix plus élevés.
Des innovations sont absolument essentielles au plan des produits chimiques agricoles, des produits de protection des cultures et de la biotechnologie. Elles sont cruciales pour que nous soyons en mesure de nourrir le monde. C'est une bonne chose que les gens aient des choix à la portée de leur bourse.
La sénatrice Merchant : Pourquoi les choses ne sont-elles pas plus coûteuses lorsque les produits chimiques doivent être chers? Même si je crois comprendre que la concurrence est féroce, encore une fois, pour vous donner un exemple, lorsqu'il n'y a que trois ou quatre entreprises — je pense par exemple aux entreprises importantes qui vendent de l'essence. Il y en a trois, quatre ou cinq, mais le prix est le même partout; il ne semble pas y avoir de concurrence.
Comment encouragez-vous la concurrence lorsque vous avez des joueurs aussi importants dans le marché? De l'extérieur, il ne semble pas y avoir de concurrence.
M. Wispinski : De mon point de vue, comme je l'ai dit en réponse à une autre question, j'estime que les principaux joueurs se livrent une très forte concurrence.
Les intrants agricoles sont primordiaux pour les cultures agricoles, et ils ont un coût. Comme je l'ai mentionné, les agriculteurs sont des gens d'affaires solides et ils achètent les produits les mieux adaptés à leurs besoins. Ces produits leur donnent le meilleur retour sur leur investissement dans les intrants. Ils choisissent d'utiliser ces produits parce qu'ils leur offrent un rendement et les aident à produire des aliments, et nos agriculteurs se classent parmi les meilleurs au monde. Je les sais entièrement capables de prendre ces décisions d'ordre économique.
La sénatrice Merchant : Merci.
La sénatrice Buth : Merci d'être venu ce matin, monsieur Wispinski. Franchement, c'est bien que quelqu'un parle de l'huile riche en oméga-9, car c'est un exemple de réussite remarquable.
M. Wispinski : Merci.
La sénatrice Buth : Pouvez-vous vous prononcer sur la façon dont les agriculteurs tirent parti du système?
M. Wispinski : Les entreprises qui produisent des aliments paient l'huile à prix d'or, pour les avantages qu'elle offre côté stabilité et santé. En fait, ce sont des avantages qui sont transférés aux producteurs qui, en moyenne, obtiennent un meilleur rendement du canola Nexera que de tout autre canola. Selon les données dont nous disposons, il leur procure un réel avantage, soit environ 35 $ de plus par acre dans leurs opérations agricoles.
La sénatrice Buth : Qu'est-ce que cela représenterait, environ, en fait de pourcentage?
M. Wispinski : Entre 5 et 10 p. 100 de hausse sur le rendement.
La sénatrice Buth : Merci. Pouvez-vous nous dire si vous avez collaboré par le passé ou si vous collaborez maintenant avec les universités canadiennes et les chercheurs d'Agriculture Canada? Sur quels plans collaborez-vous?
M. Wispinski : Merci, madame la sénatrice. Nous avons entrepris un certain nombre de projets en collaboration avec des établissements de recherche au Canada, comme Agriculture et Agroalimentaire Canada et l'Institut de biotechnologie des plantes, qui fait partie du Conseil national de recherches. Nous avons annoncé une collaboration la semaine dernière ou la précédente avec le gouvernement de la Saskatchewan et le Centre de développement des cultures de l'Université de la Saskatchewan et pour des travaux de recherches sur le blé à l'Université de l'Alberta et l'Université de Lethbridge. Je vais en oublier et j'espère ne pas offenser les organismes que je n'aurai pas mentionnés.
Ils sont importants. Dans certains cas, il s'agit de collaboration scientifique de base, de collaboration au plan des essais, ou encore de développement conjoint de produits; ce sont des initiatives de recherche et des investissements dans la recherche très importants pour nous.
La sénatrice Buth : Comment traitez-vous les questions de propriété intellectuelle qui découlent de ces collaborations?
M. Wispinski : Normalement, ils sont négociés d'avance. Il est très important de les clarifier. Les collaborations réussies supposent habituellement un partage des avantages, ce qui est inhérent aux collaborations, et dans certains cas, il s'agit de structures fondées sur les redevances. Dans certains cas, ce n'est que nous qui investissons pour réaliser des parties précises de la recherche, mais dans d'autres cas, il s'agit aussi de structures fondées sur les redevances.
La sénatrice Buth : Merci.
Le président : J'aimerais mentionner que j'ai eu l'occasion, à titre de président du comité, d'être invité à me joindre à une délégation chinoise, et il a entre autres été question d'agriculture, alors sénateur Oh, merci de vous joindre au comité.
Le sénateur Oh : Merci. Bienvenue. C'est un sujet très intéressant, monsieur Wispinski.
Au dernier paragraphe de vos remarques, vous mentionnez que nous devons accroître la production agricole de 70 p. 100 au cours des 40 prochaines années. Sur la côte du Pacifique, dans les pays d'Asie et d'Asie du Sud-Est comme la Chine et l'Inde, les populations sont énormes et, au fur et à mesure qu'elles s'accroissent, le nombre de terres arables diminue. De plus, chaque année, ils subissent de nombreuses catastrophes naturelles qui nuisent à la production agricole.
Envisageons-nous un plan spécial ou stratégique afin de travailler avec ces gouvernements dans le secteur agricole? Lorsque vous examinez la situation, ce serait bon pour les agriculteurs canadiens, car ces pays auront d'énormes marchés pendant les 40 prochaines années. La population des pays de l'ANASE est, à elle seule, comparable à celle de l'Inde.
M. Wispinski : Sénateur, vous avez soulevé deux ou trois points très importants. Nous avons des opérations commerciales dans les pays asiatiques qui jouent des rôles semblables à ce que nous faisons ici au Canada, comme celui de prendre les innovations et, soit de les développer à l'échelle locale, soit de les projeter à l'échelle mondiale pour les aider à prendre vie à ces endroits.
C'est aussi une occasion extraordinaire pour des pays exportateurs comme le Canada, puisque la demande augmentera sensiblement. Nous avons l'occasion et l'obligation de stimuler l'innovation pour aider à y répondre, et nous avons chez nous une excellente structure agricole et des producteurs géniaux pour tirer parti des possibilités que nous offrent ces marchés.
Le sénateur Oh : Merci.
[Français]
Le sénateur Rivard : On sait que l'émission d'un brevet ne garantit pas à son détenteur l'exclusivité. On sait que vous pouvez également faire face à des poursuites judiciaires coûteuses et, très souvent, trop longues, et ça se traduit par du sous-investissement. Comment vous et les chercheurs pouvez, pour ce qui est de la recherche, vous prémunir contre ce danger de contestation de validité d'un brevet?
[Traduction]
M. Wispinski : Les contestations de brevets entrent en ligne de compte et sont une réalité des affaires. Lorsque nous préparons des brevets, nous passons beaucoup de temps à faire en sorte qu'ils soient bien rédigés afin qu'ils montrent bien toute la nouveauté de l'invention. Lorsqu'ils sont ainsi rédigés, nous pouvons ensuite naviguer le système judiciaire pour nous défendre contre les contestations. Il est important que les gens puissent contester les brevets. Cela n'a pas toujours l'heur de nous plaire, mais je pense que cela fait partie des mesures à prendre pour faire en sorte que le système soit équilibré.
[Français]
Le sénateur Rivard : J'aimerais poursuivre sur les possibilités d'ententes commerciales avec l'Europe sur lesquelles la sénatrice Eaton a posé des questions.
Votre compagnie est déjà établie dans certains pays européens. Vous ne seriez donc pas affecté par une possible entente commerciale entre le Canada et l'Union européenne au sens où on ne fermerait pas des usines en Europe parce que le Canada peut produire à meilleur coût. Le fait que vous ayez des tentacules partout dans le monde, explique-t-il que vous ne soyez pas ou très peu affecté par des ententes de libre-échange avec d'autres pays ou, au contraire, croyez- vous que les échanges entre le Canada et l'Union européenne peuvent être très avantageux pour votre compagnie, pour ce qui est des installations canadiennes bien sûr?
[Traduction]
M. Wispinski : J'aurais une réponse en deux volets. Nous sommes très favorables aux accords de libre-échange. Ils aident nos produits agricoles à créer des marchés dans d'autres lieux géographiques. Nous avons une occasion en or, et nous sommes une nation exportatrice au plan agricole, alors ces accords de libre-échange qui facilitent nos exportations sont utiles aux producteurs canadiens et avantageux pour nos entreprises. Parallèlement, nous investirons dans des technologies pour divers lieux géographiques. Nous investissons dans l'avancement de la sélection des plantes dans le marché européen. Nous investissons dans la biotechnologie pour le marché des Amériques en raison d'une partie des critères d'acceptation.
J'applaudis à l'initiative du gouvernement du Canada d'être un chef de file en matière de politiques sur la présence de faible quantité d'impuretés pour faciliter le commerce. Dans mes remarques liminaires, j'ai fait valoir la nécessité de continuer à hâter les efforts pour harmoniser les limites maximales de résidus afin de faciliter le commerce et de faire en sorte que les agriculteurs canadiens aient accès à la technologie. Il s'agit d'initiatives très importantes. Dans la mesure où elles peuvent faire l'objet de discussions dans le cadre des accords de libre-échange que le gouvernement a conclus, je pense que cela est avantageux pour nos agriculteurs.
La sénatrice Callbeck : J'essaie de tirer tout cela au clair. Je crois comprendre que lorsque l'un de vos concurrents, Monsanto, vend des semences, vous devez utiliser leur herbicide, c'est bien cela?
M. Wispinski : Dans bien des cas, vous utiliseriez l'herbicide adapté aux caractéristiques d'une semence donnée, tandis que dans d'autres cas, vous utiliseriez l'herbicide de cette entreprise, mais pas toujours.
La sénatrice Callbeck : Je sais que dans votre cas, vous ne le faites pas. Vous produisez des semences pour lesquelles il est possible d'utiliser les herbicides d'autres entreprises, mais je pensais qu'avec Monsanto, ce n'était pas le cas. Ai-je tort?
M. Wispinski : Je ne peux probablement pas me prononcer entièrement sur toutes les technologies de Monsanto, et il ne conviendrait pas non plus que je le fasse. Dans certains cas, lorsque l'utilisation de l'herbicide se fait en fonction des caractéristiques des semences, il y aurait des brevets. Il existe habituellement des solutions de rechange dans bien des cas. Lorsque les brevets arrivent à échéance, il est alors possible d'utiliser d'autres herbicides. À d'autres occasions, l'herbicide ne fonctionne qu'avec la caractéristique propre à la semence. L'autre point important, madame la sénatrice, est que les producteurs ont le choix des semences et des caractéristiques qu'ils achètent. Une partie de la concurrence réside dans le fait qu'ils font ces choix selon une approche systémique globale. J'espère avoir bien exprimé cette idée.
La sénatrice Callbeck : Vous vendez certains herbicides adaptés à vos semences, mais vous en vendez aussi d'autres sortes qui pourraient être utilisés avec les semences de Monsanto ou d'autres...
M. Wispinski : Par exemple, nous pourrions vendre un type de glyphosate pouvant être utilisé sur les variétés Roundup Ready aujourd'hui, qu'il s'agisse de nos semences ou de celles de Monsanto, et cela se fait, ou d'autres herbicides qui peuvent être utilisés sur ces cultures. Nous avons l'intention de vendre un herbicide qui pourra être utilisé pour lutter contre les mauvaises herbes en partie parce que nous avons réalisé des avancées pour ce qui est de réduire la volatilité et la dérive de la pulvérisation de l'herbicide afin d'en améliorer l'intendance, alors nous recommanderions fortement l'usage de cet herbicide pour lutter contre les mauvaises herbes ainsi que les semences qui y correspondent. Cependant, les agriculteurs pourraient aussi utiliser d'autres herbicides à cette fin.
La sénatrice Callbeck : S'ils veulent obtenir les meilleurs résultats, ils auraient intérêt à acheter les produits que vous recommandez.
M. Wispinski : C'est ce que nous ferions valoir, tout à fait.
La sénatrice Callbeck : Oui. Merci.
La sénatrice Eaton : Pour le rapport que nous compilons, je pense qu'il est important que nous parlions de réglementation et d'innovation. Vous parlez précisément de plantes dotées de caractéristiques nouvelles et de la façon dont le système de réglementation n'est plus à jour. Le représentant de Monsanto nous a dit hier que l'Argentine et le Brésil ont accéléré leur processus réglementaire et que nous allons commencer à suivre leur exemple.
Qu'aimeriez-vous voir se produire? Quel point très précis pouvons-nous mettre dans notre rapport pour modifier cette réglementation, en particulier en ce qui touche les nouveaux produits végétaux?
M. Wispinski : Le Canada a de quoi être fier lorsqu'il est question de l'enregistrement des végétaux dotés de nouvelles caractéristiques. Il sert de modèle de réglementation dans le monde entier. Je pense que la chose la plus importante que nous puissions faire serait de fixer des normes de services à échéances prédéterminées pour procéder à l'examen des végétaux dotés de nouvelles caractéristiques.
La sénatrice Eaton : Pourquoi ne faisons-nous pas un bon travail en ce qui concerne les végétaux dotés de caractéristiques nouvelles? Ont-ils des attributs particuliers? Qu'entend-on par végétaux dotés de caractéristiques nouvelles? S'agit-il de blé à teneur plus élevée en protéines ou quelque chose du genre?
M. Wispinski : Au Canada, cela peut signifier un certain nombre de choses. Il s'agit d'une réglementation dans le contexte de laquelle une caractéristique biotechnique est aussi adoptée. Si je prends la définition plus étroite, elle est examinée par divers départements de l'ACIA et, dans certains cas, par l'ARLA. Si nous pouvons déterminer le temps nécessaire pour mener à bien l'examen et obtenir une approbation, une approbation modifiée ou une non-approbation dans le système, cela nous permet ensuite de faire des plans commerciaux en fonction des délais. Il nous importe de pouvoir faire en coulisses les investissements qui nous permettent de commercialiser rapidement ce produit.
La sénatrice Eaton : C'est ce volet particulier que nous devrions tenter d'accélérer.
M. Wispinski : Oui.
[Français]
Le sénateur Maltais : Votre entreprise fait des affaires un peu partout dans le monde, particulièrement aux États- Unis, au Canada et un peu en Europe. Vous est-il arrivé d'avoir des ratées, par exemple, comme ce qui s'est passé avec d'autres entreprises qui ont laissé s'échapper dans l'air certains produits qui ont altéré des productions de grains, comme le maïs, le blé, le soya ou d'autres?
[Traduction]
M. Wispinski : Nous avons eu des incidents sur lesquels nous avons enquêté et que nous avons réglés, mais aucun qui ait perturbé le commerce. Nous nous efforçons de suivre tous les protocoles et de mettre en place des pratiques d'intendance supérieures à celles que prévoit la réglementation fédérale. Chaque fois qu'un incident survient dans une autre entreprise ou ailleurs dans le monde, nous révisons tous nos protocoles pour les renforcer davantage.
C'est une question importante mais, encore une fois, j'insisterais sur un point vraiment crucial, celui que l'on a recours à la biotechnologie depuis plus d'une décennie, qu'elle a été utilisée sur des millions et des millions d'hectares dans le monde, et qu'il n'y a jamais eu d'incident lié à la salubrité des aliments.
Les protocoles ont été mis en place; oui, il s'agit de questions très importantes. L'on prend énormément de mesures d'intendance pour faire en sorte que cette question soit traitée. Les innovations sont sécuritaires et elles sont vraiment très nécessaires.
[Français]
Le sénateur Maltais : Est-ce que les règles de sécurité que vous appliquez dans les cultures en général au Canada et aux États-Unis le sont également au Mexique?
[Traduction]
M. Wispinski : Je ne suis pas certain d'être qualifié pour répondre à des questions concernant les règles de sécurité précises du Mexique. Nous partons du principe qu'il est de notre devoir de suivre nos protocoles, de respecter les normes du pays ou nos protocoles, en fonction des mesures les plus strictes. Notre entreprise suit pas mal les mêmes protocoles dans le monde entier. Je ne suis pas en position de parler de règles précises au Mexique, mais je pourrais obtenir cette information et vous la transmettre par la suite, sénateur.
Le président : Si vous pouviez le faire, cela nous serait utile.
En terminant, il y a une question du personnel de recherche que j'aimerais porter à l'attention du président. Nous savons qu'il y a plus de 17,3 millions d'agriculteurs dans le monde. Nous savons qu'il y a un peu plus de 290 000 agriculteurs dans tout le Canada. Compte tenu de son expérience dans le monde, le Canada reçoit régulièrement des demandes de transfert de technologie. Nous savons le rôle que vous jouez à cet égard.
Les droits de propriété intellectuelle ont parfois une trop grande portée; il leur arrive de nuire à l'innovation et de coûter trop cher aux acheteurs du produit en particulier. Monsieur Wispinski, compte tenu de votre expérience et de celle de votre entreprise dans le secteur biotechnologique agricole, croyez-vous que le régime actuel de propriété intellectuelle du Canada stimule ou freine l'innovation?
M. Wispinski : Les lois canadiennes en matière de propriété intellectuelle stimulent l'innovation. Il est important que nous continuions de veiller à ce qu'elles soient concurrentielles à l'échelle mondiale. Nous travaillons fort, je travaille fort, pour tenter d'attirer au Canada la recherche provenant de notre organisation mondiale et de faire en sorte qu'elle s'attache aux cultures qui importent au Canada. Il est primordial que notre régime de propriété intellectuelle soit concurrentiel.
Dans bien des cas, il l'est; dans certains secteurs, je pense qu'il y a place à l'amélioration, par exemple dans celui des semences, et nous devons continuer de l'examiner régulièrement pour faire en sorte qu'il nous permette de rester concurrentiels.
Le président : Avez-vous des remarques à faire en terminant?
M. Wispinski : J'aimerais réitérer ce que j'ai dit dans mes remarques liminaires. Je vous félicite, monsieur le président, ainsi que tous les sénateurs, de vous pencher sur la question de l'innovation. Il s'agit manifestement d'un sujet qui me tient beaucoup à cœur et qui me passionne car, comme je l'ai dit, l'innovation en agriculture n'a jamais été aussi nécessaire qu'à l'heure actuelle et, grâce aux avancées scientifiques, les occasions n'ont jamais été plus nombreuses qu'aujourd'hui.
Merci beaucoup de m'avoir donné l'occasion de m'adresser à vous.
Le président : Le comité vous remercie d'être venu aujourd'hui.
(La séance est levée.)