Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Peuples autochtones
Fascicule 2 - Témoignages du 4 octobre 2011
OTTAWA, le mardi 4 octobre 2011
Le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones se réunit aujourd'hui, à 9 h 30, pour examiner les responsabilités constitutionnelles, conventionnelles, politiques et juridiques du gouvernement fédéral à l'égard des Premières nations, des Inuits et des Métis et d'autres questions générales relatives aux peuples autochtones du Canada (sujet : questions concernant l'éducation des Premières nations).
Le sénateur Gerry St. Germain (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président : Bonjour. Je souhaite la bienvenue aux honorables sénateurs et aux membres du public qui suivent cette réunion du Comité sénatorial permanent des peuples autochtones sur CPAC ou sur le web. Je suis le sénateur Gerry St. Germain, de la Colombie-Britannique, et j'ai l'honneur de présider le comité.
Le comité a pour mandat d'examiner les projets de loi ainsi que toute autre question générale intéressant les peuples autochtones du Canada. Compte tenu de ce mandat, le comité a entamé une étude des stratégies qui pourraient permettre de réformer l'éducation primaire et secondaire des Premières nations en vue d'améliorer les résultats scolaires. L'étude porte entre autres sur les ententes tripartites en matière d'éducation, les structures de gouvernance et de prestation de services et les mesures législatives qui pourraient être adoptées.
Ce matin, nous accueillons quatre témoins : l'Association of Iroquois and Allied Indians, la First Nation Education Initiative Inc., le Grand conseil de Prince Albert et la Commission des relations découlant des traités du Manitoba.
[Français]
Avant d'entendre nos témoins, j'aimerais présenter les membres du comité qui sont présents ce matin.
[Traduction]
Nous avons le sénateur Moore, de la Nouvelle-Écosse, le sénateur Dyck, de Saskatchewan, qui est en outre vice- présidente de notre comité, le sénateur Sibbeston, des Territoires du Nord-Ouest, le sénateur Lovelace Nicholas, du Nouveau-Brunswick, le sénateur Brazeau, du Québec, le sénateur Meredith, de l'Ontario, et la dernière mais non la moindre, le sénateur Raine, de la Colombie-Britannique.
Je demande à mes honorables collègues du comité d'accueillir avec moi nos témoins. De l'Association of Iroquois and Allied Indians, nous entendrons le grand chef par intérim, Mme Denise Stonefish, et la coordonnatrice de l'éducation, Mme Gina McGahey, puis M. Bob Atwin, de la First Nation Education Initiative Inc., M. Keith Frame, directeur adjoint à l'éducation pour le Grand conseil de Prince Albert, et le commissaire aux traités du Manitoba, M. James B. Wilson, de la Commission des relations découlant des traités du Manitoba. J'ajouterai qu'avant de devenir commissaire, M. Wilson était directeur de l'éducation pour l'autorité scolaire d'Opaskwayak.
Je précise à l'intention des témoins que notre étude tire à sa fin, mais tous les témoignages présentés au comité sont importants. Je vous rappelle qu'il faut être brefs et précis — je crois que la greffière vous l'a déjà demandé —, pour que les sénateurs aient le temps de poser leurs questions. Par la suite, nous essayerons de rédiger un rapport qui, nous l'espérons, aura un impact sensible sur les décisions du gouvernement. Je donne d'abord la parole à l'Association of Iroquois and Allied Indians. Est-ce vous, madame Stonefish, qui présentez l'exposé?
Denise Stonefish, grand chef par intérim, Association of Iroquois and Allied Indians : Oui, monsieur. Bonjour à tous. Merci de nous avoir invités. Je serai très brève, car je crois que nous vous avons fait parvenir un rapport qui décrit un certain nombre des préoccupations dont vous parlez.
Notre association représente huit Premières nations d'un peu partout dans la province. Nous comptons des collectivités du Sud, de l'Est et du Nord de l'Ontario. Nous ne sommes que huit membres, mais nous sommes tous très différents. Il y a des Mohawks, des Delaware, des Potawatomi, des Onéidas et des Ojibways. Chacun de nos membres a sa propre culture, ses traditions et ses façons de faire. Toutefois, nous nous rejoignons sur certaines questions. L'association défend les intérêts politiques de ses membres, notamment en matière d'éducation.
Comme je l'ai dit précédemment, nos structures de gouvernance sont très variées. Nous avons des collectivités gérées conjointement avec le AINC, et des collectivités qui ont un conseil scolaire élu ou un comité de l'éducation ou encore qui confient la supervision de l'éducation au conseil lui-même. Même la façon dont les services sont assurés est différente. Certaines collectivités ont des écoles des Premières nations et d'autres envoient leurs enfants par autobus dans des écoles provinciales ou des écoles privées.
Nous sommes ici au nom de l'association et des nations qui en sont membres pour exposer notre position et affirmer la compétence des Premières nations dans le domaine de l'éducation. Selon nous, les systèmes devraient être axés sur les élèves et la collectivité.
Je le dis parce que suivant nos traditions et notre culture, il n'y a pas qu'un segment de la population qui s'occupe de l'éducation de nos enfants. Tous les membres de la collectivité — les grands-parents, les parents, les tantes et les oncles — y participent. C'est pourquoi nous disons qu'il faut axer l'enseignement sur les élèves et la collectivité.
Les services devraient comprendre le soutien à l'éducation permanente, des systèmes de soutien communautaires pour répondre aux besoins des élèves et des parents, une reconnaissance communautaire de la réussite, un appui et une aide pour faciliter la transition vers d'autres écoles.
Nous croyons également que la structure de gouvernance doit permettre une diversité qui est contrôlée et régie par les Premières nations. Selon nous, cela habiliterait les Premières nations qui pourraient alors élaborer leurs propres lois et leurs propres politiques, gérer leurs écoles, conclure des ententes de partenariat, défendre leurs positions, adopter des stratégies de mobilisation parentales, élaborer des programmes locaux, mettre en œuvre des initiatives linguistiques et culturelles.
Nous croyons que la réforme de l'éducation doit venir de la base et habiliter la population, qui doit avoir le droit de faire des choix, de prendre des décisions qui répondent aux besoins et de définir les idéaux à viser. Nous croyons que c'est un droit inhérent, et que cette habilitation dans la réforme de l'éducation se fait au niveau de la base.
Dans le cadre des ententes tripartites en matière d'éducation, les membres de l'association appuient les ententes de partenariat à condition qu'elles ne limitent pas les compétences des Premières nations. Compte tenu de notre diversité, les ententes devraient être variées, et pourraient comprendre des ententes de partenariat officieuses et officielles, des arrangements officieux pour la prestation de services de deuxième niveau avec la Coalition autochtone pour l'éducation — à laquelle participent nos membres —, et nous devrions envisager une entente formelle sur les droits de scolarité.
Actuellement, l'association tente d'établir un partenariat avec le ministère de l'Éducation et AINC au sujet de la stratégie régionale de réussite scolaire.
Les nations membres de l'association sont disposées à conclure des ententes de partenariat qui définissent clairement les compétences, les rôles, les responsabilités, les attentes et les obligations redditionnelles.
Nous insistons pour que les ententes de partenariat comportent un volet de responsabilisation ainsi qu'une déclaration affirmant la compétence des Premières nations, y compris le pouvoir de formuler des lois et des politiques relativement à la gouvernance et à la prestation de services aux Premières nations. Je le répète, les partenariats de service de soutien de deuxième niveau doivent viser les services indirects aux Premières nations, et les partenariats régionaux tripartites et bilatéraux assortis de principes directeurs traiteront des questions plus générales. L'entente devrait reposer sur les relations et la confiance et pourrait comprendre une consultation égale, les communications, la reconnaissance de la réussite, les obligations redditionnelles et les objectifs communs.
Nous croyons que la responsabilisation doit être un partenariat partagé, et nous sommes prêts à contribuer à améliorer la responsabilisation d'Affaires autochtones et Développement du Nord — c'est difficile quand vous avez l'habitude de parler d'AINC. Affaires autochtones doit être ouvert et transparent avec les Premières nations pour commencer à élaborer et à concevoir toute entente de partenariat.
Quant aux dispositions législatives, nous croyons qu'il ne faudrait pas inclure de loi sur l'éducation nationale ou provinciale ni de dispositions qui pourraient empiéter sur les compétences des Premières nations. Il ne faut pas prévoir de transférer aux provinces des responsabilités fédérales.
Nous aimerions que le volet législatif englobe l'affirmation des droits issus de traités dans le domaine de l'éducation; l'affirmation des responsabilités financières du gouvernement fédéral; une entente exclusive donnant aux Premières nations le pouvoir d'adopter des lois et des politiques en matière d'éducation et de conclure des ententes de partenariat au besoin; la reconnaissance d'une vision de l'apprentissage axée sur l'élève et de l'éducation permanente; des principes directeurs permettant de maintenir la diversité et de reconnaître les enseignements tribaux, culturels et linguistiques.
Affaires autochtones devrait avoir des rôles et des responsabilités clairs. Il devrait y avoir des responsabilités claires pour toutes les parties, et un processus d'appel. Il devrait y avoir un processus de règlement des différends et, enfin, un engagement équitable et comparable pour le financement, comme c'est le cas des provinces.
Il faut consulter les Premières nations au sujet des dispositions législatives à adopter dès l'étape de la conception, ne pas attendre d'avoir une ébauche à leur proposer. Nous croyons que nous devrions participer à toutes les étapes du processus pour faire en sorte que nos besoins soient comblés. On nous a souvent présenté les projets après coup, et cela ne donne pas de bons résultats. Nous sommes toujours forcés de nous adapter. Je crois que si nous étions présents dès le départ, tout irait beaucoup mieux. Nous pouvons nous réunir, discuter et régler ces questions pour nous entendre en tant que partenariat, en tant que groupe.
Pour ce qui est du sous-financement, les élèves ont besoin d'outils pour apprendre, et le financement est un outil pour les élèves. Un financement inadéquat crée un contexte d'apprentissage limité, et ce contexte limité est une cause d'échec pour les élèves.
Je le répète, à la fin de l'étude l'association veut que le gouvernement fédéral alloue plus de fonds pour faire en sorte que l'éducation soit plus équitable, plus comparable, plus semblable à ce qui est offert à tous les enfants canadiens — nous n'avons pas besoin d'un autre rapport qui finira sur les tablettes.
Certaines de nos Premières nations — surtout les nôtres — accordent une telle importance à l'éducation qu'elles veulent un taux d'obtention de diplôme de 100 p. 100 dans leurs écoles secondaires. Nous croyons que nos élèves, le groupe qui accuse la plus forte démographique au pays, devraient pouvoir devenir des membres utiles de la société canadienne. Nous croyons que c'est incontournable et que tout avantage offert aux enfants des Premières nations sera un avantage pour le reste du Canada.
Il nous faut relever les taux d'obtention de diplôme dans les écoles secondaires des Premières nations, qui sont actuellement de 36 p. 100. Ce projet traduit la volonté de nos membres d'aider les élèves à s'épanouir pleinement. Divers documents et rapports ont été déposés, notamment un document intitulé « La maîtrise indienne de l'éducation indienne ». Ce document traite de tout ce qu'il faut aux enfants pour pouvoir profiter de la vie : ils doivent être fiers d'eux-mêmes; ils doivent comprendre les autres; ils doivent vivre en harmonie avec la nature.
Nous sommes au XXIe siècle, et les enfants doivent être fiers de ce qu'ils sont, être reconnus et encouragés pour leurs talents et leurs habilités et être des citoyens productifs de notre mère la Terre.
Pour terminer, je dirais que les enfants doivent baigner dans leur identité culturelle et qu'ils ont besoin de financement, d'outils et de systèmes de soutien pour réussir.
Le président : Merci, madame Stonefish.
Bob Atwin, directeur général, First Nation Education Initiative Inc. : Monsieur le président, mesdames et messieurs les sénateurs, c'est un honneur pour moi d'être ici aujourd'hui pour parler des questions touchant le fossé qui existe dans les taux de réussite et d'obtention de diplôme des Premières nations de tout le pays et ceux de nos camarades.
Je commencerai mon exposé par une citation du chef Dan George, qui reflète parfaitement l'esprit d'aujourd'hui. Ces mots seront toujours pertinents. Effectivement, je peux les prononcer sans hésitation, « le cœur des miens », les parents, les enseignants et les enfants micmacs et malécites du Nouveau-Brunswick, « soupire après ce qui pourrait assurer leur survivance », et c'est l'éducation.
Les jeunes de ma nation désirent ardemment les savoir-faire qui leur donnent à eux et à leur peuple dignité et résolution.
Le rôle de l'éducation pour satisfaire ce désir n'a jamais été surestimé.
Je remercie tous ceux qui m'ont permis de continuer le travail auquel j'ai consacré ma vie, afin d'améliorer le niveau d'instruction des enfants des Premières nations du Nouveau-Brunswick. Je remercie en particulier ma mère et mon père, dont la volonté, la sagesse, la détermination et l'esprit inextinguible m'ont guidé au fil d'années marquées par le doute et l'incertitude. Grâce au courage qu'ils m'ont inspiré, j'ai pu puiser à même les compétences que j'avais pour poursuivre mes études secondaires, universitaires et supérieures, pour chercher sans cesse à améliorer les possibilités d'instruction pour mon peuple.
La First Nation Education Initiative Inc. est une organisation de gestion régionale composée de sept Premières nations micmaques et de cinq Premières nations malécites du Nouveau-Brunswick. Quatre de ces collectivités ont des écoles de bande. Les enfants des huit autres collectivités fréquentent la maternelle pour les quatre ans dans leurs collectivités d'attache et les plus âgés fréquentent les écoles provinciales jusqu'à la 12e année.
Je ne veux pas m'étendre sur les atrocités qu'ont connues les Premières nations au Canada au fil des ans. Ces expériences seront documentées ailleurs.
Ici, je vais m'écarter de mon texte. Lorsqu'on nous a demandé un exposé concernant les lacunes dont souffrent nos peuples, j'ai rédigé un texte un peu plus général que ce à quoi le comité sénatorial s'intéresse actuellement. Lorsqu'il s'agit de parler des préoccupations concernant ce fossé, je peux improviser.
Au Nouveau-Brunswick, nous avons un protocole d'entente entre le Nouveau-Brunswick, les membres des Premières nations de la province et le ministère des Affaires indiennes pour examiner collectivement les solutions à ce fossé en matière d'éducation chez les Premières nations.
Dans son rapport de 2004, la vérificatrice générale explique clairement les écarts que présente notre situation. Le protocole d'entente qui a été signé constitue un effort concerté des trois parties, y compris les 15 Premières nations de la province, pour régler ces questions. Il manifeste clairement la détermination de tous ceux qui l'ont signé et illustre la ferme volonté de corriger les écarts qui existent au Nouveau-Brunswick.
Il n'a pas été facile pour nous, les Premières nations, de comprendre que nous sommes en mesure d'examiner et de régler nos préoccupations de façon très consciente. Parallèlement, nous sommes convaincus que nous avons la capacité de régler nos propres problèmes. Il nous faut des partenaires pour progresser. Nous traitons de systèmes sur lesquels nous avons nécessairement une autorité. Nous voulons renforcer la capacité de notre organisation et appuyer l'élaboration d'initiatives stratégiques qui sont actuellement gérées par l'entremise du Programme des partenariats en éducation, le PPE, et du Programme de réussite scolaire des étudiants des Premières nations, le PRSEPN. Ces initiatives ont connu un certain succès parce que nous avons sérieusement réfléchi à l'envergure de ce que nous voulions réaliser à long terme.
Je ne saurais trop insister sur l'importance du partenariat pour progresser. Nos ententes avec le Nouveau-Brunswick énoncent clairement que la province, principal fournisseur de services éducatifs, a une responsabilité à l'égard non seulement des Premières nations, mais aussi de la population en général. Par l'entremise de nos ententes, nous avons établi ce que je considère être une solide mesure de responsabilisation, car les surintendants, en vertu des ententes, des plans ou des concepts, au niveau du district, doivent présenter au cabinet un rapport annuel sur ce que le réinvestissement découlant du protocole d'entente a permis d'obtenir comme résultat d'éducation pour les Premières nations de la province.
C'est un projet en devenir, je crois, pour ce qui est de la législation. Il est évident au Nouveau-Brunswick que les dirigeants des Premières nations se sont engagés et cherchent à établir une entente tripartite pour couvrir tous les aspects, y compris l'éducation. Il semble bien que le droit de légiférer soit vraiment un droit communautaire des Premières nations et non pas un droit du gouvernement fédéral ou du gouvernement provincial pour imposer des solutions ou travailler pour essayer de régler ce que je considère être les problèmes de l'heure. Cette idée de prescription dans les relations avec les Premières nations a fait son temps. Mes collègues et moi croyons fermement que l'époque des prescriptions est dépassée. Je crois sincèrement que nous avons un noyau de membres des Premières nations qui ont une vision, une passion et certainement la volonté de faire changer les choses pour leur population. Au bout du compte, je crois que nous pourrons laisser derrière nous des années et des générations de négligence, d'abus et de toutes ces misères auxquelles nous avons dû faire face au fil des ans.
Je vous ai donné dans mon exposé quelques statistiques qui montrent clairement que nous faisons des progrès. Cette année — et je n'ai pas pu l'insérer dans mon exposé —, des ressources ont été allouées à la numératie et à la littératie dans les quatre écoles des Premières nations que nous représentons et que nous appuyons, et cela a vraiment fait une différence. Dans nos quatre écoles, 90 p. 100 des élèves obtiennent maintenant de bons résultats en littératie et en numératie, des résultats supérieurs à la moyenne provinciale. Nous en sommes très fiers.
Quant à l'avenir, il est clair que nous avons fait les premiers pas vers le renouveau, un renouveau fondé sur un protocole d'entente et sur une entente améliorée qui appuieront le réinvestissement de fonds et, surtout, les mesures destinées à exiger que toutes les parties rendent des comptes essentiels à la réussite de tous.
Je m'arrête ici, monsieur le président. J'aimerais continuer, mais je ne crois pas que vous voulez m'écouter pendant une heure et demie, alors je vous remercie.
Le président : Cela était très intéressant, monsieur. Nous vous poserons certainement des questions.
Passons maintenant à M. Keith Frame, du Grand conseil de Prince Albert.
Keith Frame, directeur adjoint de l'éducation, Grand conseil de Prince Albert : Merci de cette invitation. Quand je l'ai reçue, je me suis demandé quel était le sujet de l'heure — les défis dans le domaine de l'éducation des Premières nations — et comment il convenait de le traiter. J'ai travaillé au sein de collectivités de la province, surtout chez les Premières nations, et j'ai œuvré dans le domaine de l'éducation chez les Premières nations pendant 25 ans. C'est un immense sujet à couvrir en cinq minutes, mais je vais essayer de m'en tenir au niveau communautaire.
Mes collègues ont déjà parlé de certaines des questions relatives à l'éducation dans les collectivités des Premières nations. En 2002 et en 2004, la vérificatrice générale a décrit le contexte global du sous-financement des programmes et les difficultés qui se présentent, en termes communautaires et géographiques, lorsqu'on veut offrir une éducation de qualité égale dans les petites écoles des collectivités isolées, et même les problèmes de santé chroniques que nous éprouvons et qui influent sur les résultats en éducation et les taux de fréquentation dans les collectivités. Nous sommes bien conscients des nombreux problèmes économiques qui nuisent à nos collectivités.
De nombreuses études sérieuses décrivant les problèmes de financement, même celle de la vérificatrice générale en 2002, ont fait valoir que la formule de financement était déjà vieille de 15 ans. Il existe des documents internes qui expliquent que la formule de financement de l'éducation est archaïque, et des études universitaires, ces dernières années, qui estiment que le manque à gagner s'élève à 1,2 milliard de dollars pour le financement de l'éducation des enfants dans les écoles des Premières nations au cours des cinq prochaines années. Nombre de ces études sont bien connues. Je les ai apportées sur une clé USB pour vous et vos collègues, pour que vous puissiez les examiner. L'un des grands problèmes de tous ces documents, c'est que nous posons les mêmes questions depuis quelque temps déjà.
Je reviens au niveau de la collectivité pour parler de certains des problèmes que nous avons au Grand conseil. Au Grand conseil, il y a probablement 35 000 membres. Nous administrons 28 écoles où 6 500 élèves sont inscrits et nous offrons des services de deuxième niveau. C'est une grande organisation, mais elle éprouve de nombreuses difficultés, souvent depuis longtemps. Certains problèmes sont nouveaux, mais nous en avons connu d'autres avant, et certains de mes collègues pourront vous parler, par exemple, de Nouveau sentier, de Rassembler nos forces et de tous les programmes qui se sont succédé. L'un des problèmes que nous avons actuellement, c'est qu'il a été question de partenariats lorsque j'ai parlé avec vos collègues qui m'ont invité. Au Grand conseil de Prince Albert, nous nous méfions des partenariats. Nos dirigeants refusent d'utiliser le terme « tripartite ». Nous ne parlons pas de partenariats. Nous avons un partenariat en éducation avec le gouvernement fédéral, et ce partenariat n'a toujours pas rempli ses promesses. L'éducation est un droit issu des traités.
Nous assurons les services de deuxième niveau dans nos 28 écoles. Nos Premières nations sont nos membres. Les 12 Premières nations que nous représentons croient au contrôle indien de l'éducation indienne. Être partenaire, cela signifie former le tiers d'un groupe représentatif. Nous collaborons déjà avec le gouvernement fédéral, et ces droits issus de traités n'ont pas été respectés.
Actuellement, il est très bien documenté que les écoles provinciales — certainement en Saskatchewan — ont de la difficulté à instruire les élèves des Premières nations dans leurs systèmes. Il est étonnant qu'ils continuent de se poser comme les spécialistes de l'éducation des Premières nations alors qu'ils ont tant de difficulté. Ils ont eu quelque deux cents ans pour découvrir comment s'y prendre. La majorité de nos collectivités y travaillent depuis 30 ou 35 ans.
Nous craignons également que le financement soit un moyen de nous intégrer aux écoles provinciales. Chaque fois que nous parlons de financement et des difficultés que nous avons dans nos écoles, quelqu'un fait toujours un lien avec la province. Nos écoles ne veulent pas être des écoles provinciales, c'est le défi que nous avons et c'est la raison pour laquelle nous refusons de discuter de partenariat, d'entente tripartite et, certainement, de dispositions législatives.
Quant aux programmes offerts par voie d'appel de propositions, le PRSEPN par exemple, c'est vraiment une façon de reconnaître la carence de crédits votés au niveau communautaire pour appuyer l'éducation. Le problème avec ces programmes, c'est que d'abord vous devez être capable de rédiger une proposition très complète. Sinon, le comité risque de ne pas reconnaître votre proposition et vos besoins de financement, ce qui est intéressant puisque cela s'appelle le PRSEPN. Si vous ne savez pas rédiger, vos élèves n'auront pas la chance de connaître le succès.
Dans ma province, certaines écoles des Premières nations sont financées, mais d'autres écoles qui se trouvent 10 kilomètres plus loin ne le sont pas. Pourquoi certains de nos enfants méritent-ils d'apprendre et pas les autres? J'ai posé la question, mais je n'ai pas eu de réponse.
Dans notre organisation, on nous a arbitrairement retiré un financement de 2 millions de dollars, et personne ne nous a expliqué pourquoi. Nous avons demandé des explications, mais personne ne nous a répondu. Le PRSEPN est un programme permanent, mais il faut faire une nouvelle demande tous les trois ans. À l'étape de la demande, vous n'êtes pas certain que vos enfants auront accès à cet argent pour réussir.
À l'heure actuelle, nous avons très peu d'argent pour réussir. Une partie nous est enlevée pour financer d'autres programmes. Le projet de Système d'information sur l'éducation doit être mis sur pied. Il faut de l'argent, et cet argent viendra des programmes de promotion de la réussite scolaire.
Il est donc très difficile pour les Premières nations d'élaborer des programmes d'éducation à long terme et d'encourager la réussite scolaire au moyen de programmes offerts par voie d'appel de propositions qui sont sous- financés, non garantis et participatifs. Comment pouvez-vous planifier pour trois ans si vous ne savez pas de combien vous disposez? Comment pouvez-vous planifier pour trois ans si vos fonds peuvent vous être retirés sans explication? J'ai été enseignant et directeur d'école; j'ignore comment on peut faire. J'aimerais que quelqu'un me l'explique; cela m'intéresserait.
Le gouvernement fédéral dépensera 27 millions de dollars au cours des deux ou trois prochaines années pour mettre sur pied le Système d'information sur l'éducation, en septembre 2012. La majorité de ce système est punitive par nature : ou vous participez ou vous n'avez pas d'argent. C'est un peu comme le plan de réussite scolaire, qui faisait miroiter des ressources, de l'argent devant les écoles. Elles ont dû accepter. Elles étaient sous-financées. Qu'auriez-vous fait?
Quant au système qui sera élaboré, la vérificatrice générale elle-même a déclaré qu'AINC ne pourrait pas mettre en œuvre des indicateurs de rendement et des résultats appropriés et qu'en l'absence d'indicateurs valables, le ministère n'était pas en mesure d'évaluer les rapports sur le rendement et les résultats obtenus en éducation.
En 2003, le Grand conseil de Prince Albert a publié ses rapports sur les « indicateurs ». Je vous ai apporté les deux sur une clé USB. Ils portent sur les programmes de la maternelle à la douzième. Ils sont à l'origine des politiques, des initiatives et des programmes scolaires au niveau communautaire. Ils nous ont permis d'offrir de l'éducation à distance, de regarnir nos bibliothèques et de rétablir une organisation de gestion régionale, une OGR, pour l'éducation spéciale. C'était un travail qui ne nécessitait pas de mesures punitives visant 27 millions de dollars. Il s'agissait de programmes qui pouvaient être exécutés au niveau communautaire. Comme l'un de mes collègues l'a expliqué, il y a bien des spécialistes au niveau communautaire, des gens qui travaillent et qui vivent dans la collectivité et qui savent ce qu'il faut réussir à faire. Il n'est pas nécessaire que quelqu'un de Regina ou d'Ottawa vienne nous dire ce qui convient pour la collectivité de Cumberland House.
Le gouvernement fédéral élabore un système de données, mais il n'a pas encore réussi à nous l'expliquer en détail. J'ai souvent posé la question, parce que je siège à ce comité depuis deux ans. Pouvez-vous m'expliquer ce que vous ferez de l'information que vous allez recueillir sur l'éducation? Je précise ma pensée. Lorsque vous aurez réuni toutes les notes des élèves de quatrième année et que vous les aurez compilées pour la Saskatchewan ou pour l'ensemble du Canada, qu'est-ce que vous ferez de ce chiffre pour améliorer les programmes, pour aider les élèves à réussir? Je n'ai jamais obtenu de réponse.
Quant aux stratégies au niveau communautaire, ces deux dernières années nous avons réalisé des études pour mieux comprendre la petite enfance. Ce sont des programmes offerts dans tout le Canada avec des instruments de développement de la petite enfance. Au Grand conseil, nous avons constaté que 50 p. 100 de nos enfants qui arrivent à la maternelle sont vulnérables, en comparaison de 25 p. 100 dans l'ensemble du Canada.
Comme je l'ai dit au début de mon exposé en parlant de la vérificatrice générale et de tous les attributs qui touchent les collectivités à la base, nous pouvons commencer à voir les effets avant que les élèves ne s'inscrivent aux programmes offerts par voie d'appel de propositions, qui sont sous-financés.
Je vous remercie de me permettre de répondre à cette question au sujet des défis et des réformes. Je crois que nous savons tous ce que sont les défis; nous le savons depuis des années. J'aimerais simplement que l'on reconnaisse que, comme mon collègue l'a dit, nous avons des spécialistes dans la collectivité, des gens qui travaillent dans l'enseignement depuis longtemps et qui ont un baccalauréat en éducation, une maîtrise ou un doctorat. Ils connaissent les programmes et ils connaissent les collectivités, les enfants, les parents. Ce n'est pas une question de nouveaux livres ou de pupitres; il faut simplement nous allouer les ressources dont nous avons besoin, parce que cela est bien documenté depuis des années.
Je le répète, je travaille dans ce système depuis 25 ans. C'est difficile de travailler en juin et en juillet et tout à coup de recevoir une lettre qui vous dit : « Désolé, votre plan de réussite a été coupé. » Comment pouvez-vous faire cela? Réfléchissez-y. Vous définissez un programme et vous l'appelez Réussite scolaire. Vous octroyez à un système scolaire sous-financé de l'argent pour réussir, à condition que l'école rédige bien sa proposition, mais alors vous retirez le tiers des ressources demandées et vous dites : « Arrangez-vous pour que vos élèves réussissent quand même. »
J'ai un autre message que je tiens à communiquer : cessez de penser en termes d'argent. Lorsque vous parlez de 200 $, c'est un ordinateur dans une classe du primaire. Lorsque vous parlez de 200 000 $, ce sont des bibliothèques scolaires. Souvent, lorsque je parle d'argent à mes collègues, je dis qu'il faut remplacer le terme argent par le terme « ressources ». Ce sont des ressources qui sont tirées directement des classes, des décisions prises par des adultes au détriment des enfants.
James B. Wilson, commissaire aux traités du Manitoba, Commission des relations découlant des traités du Manitoba : Mesdames et messieurs les sénateurs, merci de m'avoir invité à témoigner devant vous.
Je complète rapidement ma biographie : j'ai environ 13 ans d'expérience comme éducateur dans le système public, le système des réserves et un système d'école à charte aux États-Unis. J'ai été enseignant et administrateur. Vous avez certainement déjà entendu une partie de ce que j'ai à vous dire.
Au Canada, l'éducation dans les réserves souffre principalement de deux problèmes : le sous-financement et le manque de responsabilisation. Si ces problèmes étaient réglés dans le respect de la relation de traité qui a été établie lorsque le Canada a été créé, les Canadiens seraient beaucoup plus près de régler nos pires problèmes sociaux.
L'éducation au Canada est généralement du ressort des provinces, sauf pour les élèves des réserves, qui relèvent du gouvernement fédéral. Prenons le Manitoba comme exemple. Les élèves sont assujettis à la Loi sur les écoles publiques. Au Manitoba, il y a la Loi sur les écoles publiques et la Loi sur l'administration scolaire. Voici une copie des lois pertinentes au Manitoba, elles font plus de 150 pages, et c'est uniquement la version anglaise.
Les élèves des réserves au Manitoba sont assujettis à la Loi sur les Indiens, où les articles pertinents occupent seulement trois pages. Je pense que c'est de là que vient l'inégalité.
À l'heure actuelle, les résultats scolaires dans les réserves sont très inférieurs aux normes canadiennes, et aucune loi ne régit l'éducation dans les réserves. Le financement et le soutien y sont très inégaux, l'infrastructure est lacunaire et il n'y a aucune mesure de réussite commune. Les taux d'obtention de diplôme dans certaines provinces atteignent à peine 29 p. 100.
Les systèmes d'éducation des Premières nations dans les réserves au Canada reçoivent entre 2 000 et 9 000 $ de moins par élève que les écoles provinciales. Prenez le rapport intitulé Financial Reporting and Accounting in Manitoba Education, le rapport FRAME. Vous constaterez que l'écart de financement avec les écoles qui offrent un enseignement à des populations similaires à celle des écoles des réserves se situe plutôt aux environs de 9 000 $. Je ferai parvenir ce rapport à la greffière.
En raison de cet écart, les ratios élèves enseignants sont plus élevés, les cours sont moins nombreux, les enseignants sont moins bien rémunérés et les systèmes scolaires sont moins en mesure de se tenir au courant et de suivre les changements et les améliorations des programmes. L'absence de loi régissant l'éducation dans les réserves aggrave le problème du financement. L'éducation au Canada est de compétence provinciale, sauf dans les réserves, qui relèvent toujours du fédéral.
Tous les élèves au Canada, sauf ceux des Premières nations, sont assujettis à une quelconque loi provinciale sur les écoles publiques qui régit, entre autres, le nombre minimal de journées d'enseignement, l'accréditation des enseignants et la gouvernance des conseils scolaires. Tout est traité dans la Loi sur les écoles publiques, y compris les critères applicables aux besoins spéciaux et aux ressources.
Je le répète, aucune loi ne régit les systèmes scolaires des Premières nations, lesquelles ne sont soumises qu'aux huit articles de la Loi sur les Indiens qui portent sur les écoles. Il faut remplacer ces articles par une loi sur l'éducation, et ce, dans le respect des relations établies par les traités et compte tenu de l'égalité des chances que les chefs des Premières nations voulaient assurer à leurs descendants quand ils ont consenti les droits d'accès à la terre.
Certains pourraient soutenir que ce processus mine le droit à l'éducation prévu dans les traités, et il a été question du groupe national et du droit à l'éducation inscrit dans les traités. Les critiques ont raison de considérer les traités comme sacrés, mais leurs craintes portent sur une éventuelle confusion entre les traités et la Loi sur les Indiens.
De nombreux traités ont été signés entre les Premières nations et le gouvernement, plus de 70 traités en tout, dans tout le Canada. La Loi sur les Indiens a été instaurée en partie pour tenter de créer un régime où certaines obligations issues de traités pourraient être mises en œuvre. Autrement dit, Loi sur les Indiens est en partie le résultat des traités, et non pas l'inverse. L'abrogation de la Loi sur les Indiens ou de certains articles ne diminuerait pas les traités, car ceux-ci précèdent la loi. Les traités sont des partenariats qui ont été créés et négociés mutuellement. La Loi sur les Indiens, elle, a été décidée unilatéralement; elle vient du gouvernement et elle nous a essentiellement été imposée.
Est-ce que l'élimination de la Loi sur les Indiens modifierait les relations du gouvernement fédéral et les responsabilités qu'il partage avec les Premières nations aux termes des traités? Pas du tout. L'élimination des articles pertinents — ou plus précisément sans pertinence — de la Loi sur les Indiens mettrait l'accent sur l'application pratique des relations de traité et sur une autonomie accrue des Premières nations.
La Loi sur les Indiens est une simple loi. Par leur nature, les lois du Parlement peuvent être modifiées ou abolies; elles ne sont pas éternelles. Les traités, par contre, sont des ententes solennelles entre les Premières nations et la Couronne, et ils doivent durer toujours. Ils établissent les conditions dans lesquelles les Premières nations sont entrées dans la Confédération. Je signale que les traités sont protégés par la Constitution — par les articles 25 et 35 de la Loi constitutionnelle de 1982 —, alors que la Loi sur les Indiens ne l'est pas.
Qu'est-ce qui pourrait remplacer la Loi sur les Indiens, si elle était abrogée, tout en honorant le droit à l'éducation issu de traités?
Les Premières nations du Manitoba ont défini une solution de rechange qui répond aux besoins administratifs du Canada et assure une plus grande autonomie. Plus de 10 000 personnes ont été consultées pour créer un modèle de système d'éducation des Premières nations au Manitoba. De 1990 à 1994, l'entente-cadre sur l'éducation a commencé à soustraire les Premières nations du Manitoba au contrôle d'AADNC, qui s'appelait alors AINC. Entre 1994 et 2000, cette entente a été combinée à l'Initiative sur l'Entente-cadre. Ce modèle éducatif a été combiné pour produire une stratégie de réforme pour l'ensemble du système.
L'adoption d'un tel système d'éducation des Premières nations dans l'ensemble du Manitoba nécessitait la mise en œuvre de lois pour garantir la réussite scolaire, et ce, d'une façon qui affirmait le contrôle des Premières nations sur leur éducation. En normalisant et en amalgamant des services comme les ressources humaines, l'élaboration de programmes et l'évaluation, les Premières nations peuvent aussi créer des écoles qui reflètent leur particularité culturelle et linguistique tout en répondant aux besoins modernes de portabilité. Cela devait permettre aux Premières nations de dépasser les normes fixées par les provinces.
Par exemple, la majorité des provinces fixent le nombre minimal de jours d'enseignement à environ 195 ou 196. Grâce à nos propres lois, à nos propres systèmes de gouvernance de l'éducation, les écoles des Premières nations pourraient adopter une année de 225 à 250 jours d'enseignement. Rien n'empêche les écoles des Premières nations d'aller bien plus loin que les normes provinciales et de créer des programmes qui tirent parti de notre relation particulière à la terre.
Il est temps d'abolir le contrôle sur notre éducation et d'en assumer la responsabilité. Il s'agit d'améliorer l'éducation dans les réserves et il faut échapper à la dépendance inhérente établie par la Loi sur les Indiens pour assurer, à long terme, l'autonomie que les traités envisageaient et équilibrer la relation entre les Premières nations et le Canada. Un système d'éducation administré par les Premières nations et adéquatement financé pourrait ouvrir la voie à la rigueur dans l'enseignement et au renouveau culturel nécessaires pour sortir les Premières nations de la dépendance vis-à-vis d'AADNC et revenir au partenariat intrinsèque garanti par les traités.
Le président : Merci.
Je me trompe peut-être, mais certains d'entre vous semblent en faveur d'une entente tripartite avec les provinces. Je crois que c'est vous, monsieur Atwin. Cela a fait ses preuves en Nouvelle-Écosse, dans le cadre d'une entente avec les Mi'kmaq. D'autres hésitent toutefois beaucoup à s'engager ainsi avec les provinces. Est-ce parce que vous croyez que le gouvernement fédéral essaie de se délester de ses responsabilités fiduciaires ou est-ce que parce que vous pensez qu'il faut plutôt insister sur les ententes fondées sur les traités? Pour l'instant, et AINC l'admet parfaitement, le ministère est un bailleur de fonds. Monsieur Wilson, je crois que vous avez dit qu'il y avait huit articles dans la Loi sur les Indiens, les articles 114 à 122, qui traitent de l'éducation, alors que la loi sur l'éducation du Manitoba est une véritable brique.
Le fait est que dans certaines régions, notamment dans la province d'où je viens, la Colombie-Britannique, certaines Premières nations essaient de collaborer avec la province. Les provinces sont les responsables de l'éducation, elles ont l'infrastructure et les outils nécessaires pour assurer des services d'éducation à d'autres groupes. De nombreuses Premières nations semblent énormément hésiter à même s'engager dans cette voie, à collaborer avec les provinces et à utiliser les installations et le savoir-faire qu'elles possèdent.
Je ne dis pas que vous devriez renoncer à vos droits culturels et linguistiques, ou quoi que ce soit, mais j'aimerais quand même mieux comprendre — et je pense que le comité le souhaite aussi — les raisons d'une telle hésitation. Est-ce parce que vous pensez que le fédéral essaie d'évacuer ses responsabilités de fiduciaire, ou craignez-vous que cela affaiblisse vos droits issus de traités? Pourriez-vous m'en parler?
M. Wilson : Je vais essayer de vous répondre. À strictement parler, il n'y a pas d'entente tripartite entre l'Assemblée des chefs du Manitoba, la province et le fédéral. J'étais directeur de l'éducation pour la nation crie d'Opaskwayak lorsque l'entente est entrée en vigueur et j'ai immédiatement vu des résultats. Avant l'entente, la province ne venait pas sur la réserve. Nous demandions à la province un spécialiste de l'évaluation et on nous répondait qu'il était impossible d'offrir de la formation dans la réserve. Nous contournions le problème en nous adressant à l'école publique d'à côté. Elle faisait la demande et nous lui envoyions nos enseignants.
Lorsque l'entente est entrée en vigueur, nous avons demandé des spécialistes de l'évaluation et ils sont immédiatement venus en avion. Ils ont passé deux jours dans la réserve, dans notre collectivité. Il s'agissait des mêmes spécialistes de l'éducation spéciale, mais il y avait maintenant une entente avec le Manitoba, et en tant que directeur de l'éducation j'ai vu immédiatement les avantages qu'elle offrait.
Par contre, l'entente devait aussi reconnaître les questions de compétence liées à la responsabilité de l'éducation dans la réserve.
Le sénateur Lovelace Nicholas : J'ai de nombreuses questions à poser, mais je sais que nous n'avons pas beaucoup de temps. J'ai une question pour Mme Stonefish et M. Atwin. Y a-t-il une limite du financement de l'éducation dans les collectivités?
Mme Stonefish : Je vais laisser Mme McGahey répondre à votre question.
Gina McGahey, coordonnatrice de l'éducation, Association of Iroquois and Allied Indians : Oui, il y a un écart de financement pour l'éducation.
Le sénateur Lovelace Nicholas : Est-ce qu'il y a un « plafond » du financement?
Mme McGahey : J'ai été éducatrice et je travaille depuis des années avec la formule, et je dirais qu'il y en a probablement un. Ce plafond est en place depuis plus de 15 ans. La formule n'a pas changé pour les écoles administrées par les bandes, l'éducation spéciale, l'entretien des écoles des Premières nations, elle n'a pas augmenté. Oui, en réalité il y a un plafond. Si vous ne touchez aucune augmentation, vous devez essayer de fonctionner avec ce que vous avez, et ce, malgré la hausse des inscriptions.
Qu'on me comprenne bien. Lorsque nous parlons de plafond, le plus triste c'est que ceux qui en souffrent le plus sont les élèves. Je lance un appel au nom des élèves de l'éducation spéciale, pour lesquels il n'y a aucune augmentation à l'horizon, et les Premières nations doivent déterminer ce qui sera financé. Nous ne devrions pas faire porter ce fardeau aux élèves de l'éducation spéciale. Ce sont les plus vulnérables et nous devons répondre à leurs besoins.
M. Atwin : Pour répondre à votre question, il y a certainement un écart, et ce, depuis 1989. Par exemple, la formule de financement des écoles des bandes n'a pratiquement pas augmenté. Nous recevons annuellement moins de 2 p. 100. Le financement va de 5 400 à 5 900 $ par élève dans la province et au Canada atlantique. Par comparaison, ce serait entre 1 700 $ et 7 700 $, cela ne correspond pas aux frais de scolarité actuellement dans la province.
Cette situation crée certaines difficultés. Dans une large mesure, c'est parce que nous, les Premières nations, nous ne pouvons pas recruter et retenir de personnel enseignant qualifié, qu'il s'agisse de membres des Premières nations ou non. Nous ne pouvons pas offrir de régime de pension qui se compare à ce que prévoient les conventions collectives. Nous ne sommes pas compétitifs. Nous avons constaté que c'est une situation systémique, et nous devons la corriger. C'est un des facteurs sous-jacents que les Premières nations doivent expliquer au Sénat, à la Chambre, pour faire comprendre la gravité des déficits de notre financement.
Le sénateur Lovelace Nicholas : Le financement est-il adéquat pour les élèves qui ont des besoins spéciaux dans les collectivités et à l'extérieur des collectivités, dans les écoles que les élèves fréquentent?
M. Atwin : Je peux vous répondre en fonction de notre situation. Avant d'envisager de gérer le programme d'éducation spéciale à coût élevé de la province, nous avons estimé officiellement le nombre d'enfants qu'il y avait dans le système. Nous avons repéré 343 enfants qui avaient besoin de services en appliquant les sept critères utilisés pour établir les priorités dans le système provincial. Parmi ces 343 enfants, 89 ont été financés. Parmi ces 89, 88 l'ont été par les Premières nations. C'est donc dire que la province a appuyé seulement un seul enfant pendant un an. C'était, et c'est encore, un véritable problème. À bien des égards, c'est ce qui nous a poussés à essayer de conclure une entente améliorée pour que les personnes et les systèmes aient des comptes à rendre. Nous sommes comptabilisés dans l'affectation provinciale, et un montant de 485 $ par enfant est remis aux districts. Nos enfants sont comptabilisés dans ce modèle de distribution des districts, et selon la taille de la population autochtone dans le district, les ressources appuient certaines stratégies d'intervention.
Cela dit, je crois qu'en répondant à votre question je trahis mon âge. En 2003 et en 2004, quand le gouvernement fédéral était sur le point d'annoncer le programme d'éducation spéciale à coût élevé, nous avons produit en collaboration avec le CCE, le CNIE et l'APN un plan d'activité qui appuyait ce que je considérais comme le coût réel des services à nos enfants. Uniquement pour le Nouveau-Brunswick, nous sommes arrivés à 13,1 millions de dollars pour aider les enfants qui ont des besoins spéciaux dans les écoles des bandes et le système provincial. Notre budget actuel pour cette population est de 1,7 million de dollars, alors il y a certainement un écart, des carences. Nous faisons de notre mieux compte tenu de ce que nous avons. Dans le cadre de notre PPE, nous prenons des mesures très stratégiques pour exiger des comptes de la province, c'est-à-dire qu'elle s'occupe maintenant de systèmes qui relèvent de votre compétence. « J'ai l'administrateur de la bande et vous avez les écoles provinciales, alors pourquoi ne répondez- vous pas aux besoins de nos enfants? »
C'est essentiellement la base de nos ententes.
Le président : Je crois que personne ne conteste le fait qu'il y a sous-financement. Je fais une analogie avec la mise au point d'un véhicule. L'essence pour le véhicule, ce serait l'argent, mais notre étude a pour objet de déterminer si nous pouvons concevoir un véhicule qui offrira une éducation adéquate de la maternelle à la 12e année aux enfants autochtones ou aux enfants des Premières nations. Comme M. Wilson l'a fait remarquer, il y a huit articles dans la Loi sur les Indiens, et les gens d'AINC eux-mêmes ont dit qu'ils n'avaient ni le savoir-faire ni les ressources nécessaires pour s'occuper de cet aspect.
Cela me paraît injuste. Vous pouvez bien demander tout ce que vous voulez, mais nous en sommes aux dernières étapes de la rédaction d'un rapport, et il nous faut de l'information sur la façon de concevoir ce véhicule pour aller du point A au point B, pour passer de la situation actuelle de l'éducation des Premières nations à un niveau supérieur et à un taux de réussite supérieur.
Nombre de nos témoins nous ont clairement dit qu'il fallait faire quelque chose. Avons-nous besoin d'une loi? Peut- être pas, mais nous devons faire quelque chose. Nous ne pouvons pas simplement dire au gouvernement que nous voulons plus d'argent et laisser le système tel qu'il est. Le système ne fonctionne pas. La seule façon solution consiste à adresser une recommandation au gouvernement pour créer un système qui, en principe, fonctionnera.
Le sénateur Dyck : Je remercie les témoins de leurs exposés, ce matin. Le sujet est vaste, et vous nous avez très bien expliqué vos points de vue.
Je vous demande de réfléchir à ma première question : si vous deviez faire une ou même deux recommandations au comité, quel changement vous semblerait le plus susceptible d'améliorer la réussite scolaire ou les taux d'obtention de diplôme au niveau secondaire? Si vous deviez choisir parmi tout ce que vous nous avez dit, quelles seraient vos deux premières recommandations?
Deuxièmement, notre président a déclaré qu'AINC, qui s'appelle maintenant Affaires autochtones et Développement du Nord Canada, AADNC, était un simple bailleur de fonds qui n'avait aucune connaissance en matière d'éducation. Je crois que quelqu'un a dit ce matin que le ministère était plus qu'un bailleur de fonds : il me semble qu'il exerce une large mesure de contrôle. Il prend des décisions en matière de financement. Il semble prendre des décisions quelque peu arbitraires lorsqu'il s'agit de réduire le financement.
Pensez-vous que le ministère n'est qu'un bailleur de fonds et est-ce qu'il faudrait apporter des changements dans la façon dont les décisions de financement sont prises? Est-ce qu'il y a une lacune fondamentale dans la relation entre Affaires autochtones et l'autorité qui contrôle l'éducation dans les réserves?
J'aimerais qu'un membre de chaque groupe me donne son point de vue à ce sujet.
M. Atwin : Je suis certainement prêt à le faire. Premièrement, pour ce qui est de l'argent, je crois que la question a été amplement débattue. Je sais toutefois d'expérience que les bons enseignants dans la classe font que les enfants ont de bien meilleurs résultats scolaires.
Nous souffrons évidemment de ne pas pouvoir recruter, de ne pas pouvoir retenir et de ne pas pouvoir faire concurrence au système extérieur pour attirer ces gens dans notre propre système, parce que nous ne pouvons pas leur offrir ce qui me paraît être le tarif courant. Nous ne pouvons pas leur offrir de régime de pension. Nous ne pouvons pas leur offrir ce genre de choses pour concurrencer le district scolaire voisin.
Les bons enseignants créent certainement un cadre propice à la réussite. Une direction assurée quant à ce que les enseignants décrivent et que l'administration appuie est également essentielle à la réussite.
La question du financement ne sera probablement jamais réglée de mon vivant. Honnêtement, je crois que nous devons envisager des ententes bonifiées qui prévoient le réinvestissement des droits de scolarité. L'argent nous revient et est réinvesti dans le système, c'est plus de six millions de dollars annuellement, sans même compter ce qui est normalement injecté dans le système par le PRSEPN, le PPE et toutes les autres ressources allouées aux Premières nations.
Nous devons prendre les ressources là où nous les trouvons. Les membres des Premières nations sont très débrouillards, vous le savez, et il n'y a pas qu'une seule façon d'arriver au but. L'important, c'est d'arriver au but. Il nous a fallu trouver des moyens, puisque nos ressources sont limitées, mais nous avons fait preuve de débrouillardise et nous avons réussi à progresser. C'est notre force, de réussir à utiliser les dispositions comprises dans les ententes.
Bien des gens pensent que les ententes ont des faiblesses. Les questions de financement doivent être réglées parce qu'elles traînent depuis longtemps, il nous faut parler d'égalité en ce qui concerne le soutien des systèmes scolaires des bandes au même titre que les écoles provinciales. Il existe un large fossé, une grande inégalité dans la façon dont ces systèmes sont appuyés. Il me semble que c'est quelque chose que nous devons régler.
M. Wilson : L'Université Harvard a un projet qui s'appelle le Harvard Project on American Indian Economic Development. Certaines des leçons de ce projet s'appliquent au domaine de l'éducation.
Ils ont étudié les entreprises dans les réserves, surtout aux États-Unis, mais aussi un peu au Canada. Ils ont constaté que deux éléments clés avaient une grande importance pour la réussite des entreprises dans les réserves. Le premier était l'absence de toute intervention politique dans le fonctionnement quotidien des entreprises, et le deuxième, l'existence de mécanismes de règlement des différends indépendants. Quand les collectivités possédaient ces deux éléments, leurs entreprises étaient quatre fois plus susceptibles de réussir.
Comme j'ai été directeur de l'éducation et enseignant dans une réserve, je crois qu'il est très important d'écarter la politique du fonctionnement quotidien des écoles. Autrefois, les responsables de l'éducation de la bande pouvaient intervenir et obtenir de l'argent directement d'AINC. Après le milieu des années 1990, lorsque le mouvement d'autonomie gouvernementale a pris de l'ampleur, les fonds ont été remis au chef et au conseil, et cela crée un autre niveau de financement. L'argent est ensuite distribué aux responsables de l'éducation.
À titre d'éducateur, je suis en faveur de cibler les fonds d'éducation de la maternelle à la 12e et au niveau postsecondaire — il faut que tout le financement de l'éducation soit dépensé strictement pour l'éducation. Je ne sais pas si c'est la réponse à votre première ou à votre deuxième question, ou encore aux deux.
Mme Stonefish : Pour ce qui est d'AINC qui serait simplement un bailleur de fonds, on peut dire qu'il exerce un contrôle marqué, mais je crois que c'est une question d'interprétation de la loi par certains des décideurs ou des bureaucrates. Il est clair que certaines des politiques élaborées ne répondent pas aux besoins des Premières nations. Parfois, les critères des programmes qu'on nous offre au moyen de mesures législatives ou dans le cadre de ces programmes élaborés par AINC ne correspondent pas aux besoins des Premières nations et, faute d'une meilleure expression, je dirais que nous devons faire preuve de créativité pour satisfaire à nos besoins malgré ces critères.
À cet égard, il serait peut-être utile qu'Affaires autochtones visite les Premières nations pour voir exactement ce qui se passe dans les écoles ou les classes, voir exactement ce dont nous parlons. J'espère qu'avec ce genre de consultation, les responsables du ministère comprendraient que nous pouvons élaborer ensemble des programmes et trouver des moyens de progresser pour améliorer les taux d'obtention de diplôme.
Quant à l'amélioration des taux de réussite scolaire, je laisse à Mme McGahey le soin d'en parler.
Mme McGahey : En matière de réussite scolaire, je crois qu'il faut aborder l'enfant d'un point de vue holistique. J'ai été enseignante, j'ai constaté qu'il nous fallait mobiliser les parents pour réussir. C'est ce qu'il y a de plus important. Lorsque les parents participent, ils apportent des changements pour leur enfant au foyer et ils l'aident, mais aussi, pour l'enseignant, il y a l'infusion d'éléments culturels et linguistiques. Quand vous ajoutez cela à la classe, les enfants s'intègrent mieux. Ils ont un sentiment d'appartenance. C'est quelque chose qui s'acquiert, et le programme doit être défini pour convenir aux styles d'apprentissage.
Parmi les améliorations à apporter pour favoriser la réussite scolaire, celles-là me paraissent les plus importantes.
M. Frame : Pour répondre à votre première question concernant les initiatives, je suggère certainement l'initiative CPE ou la maternelle pour les quatre et cinq ans. Les études ont abondamment montré les possibilités qu'ont les enfants qui ont eu un très bon départ avant d'arriver en première année et les difficultés que les autres éprouvent. Tout cela est déjà très bien documenté.
Quant à votre question, au sujet du programme actuel, vous avez raison, le gouvernement fédéral dessine une voiture que quelqu'un d'autre va devoir conduire. Plutôt que de leur imposer un système, il faudrait laisser les Premières nations le définir. Elles connaissent leurs besoins. Il y a bien des spécialistes dans ces domaines. C'est très difficile de décrire un programme que quelqu'un d'autre devra exécuter.
Le sénateur Sibbeston : Notre comité sénatorial veut sincèrement trouver des solutions ou contribuer d'une certaine façon, au moyen de son rapport, à définir des mesures pour promouvoir l'éducation des Premières nations au Canada. Nous avons eu l'occasion de visiter certaines régions du pays. Nous nous sommes rendus dans les Maritimes et dans les Prairies. J'ignore si nous avons visité uniquement les collectivités qui réussissent et aucun des endroits plus éloignés où les collectivités éprouvent de nombreuses difficultés. Là où nous sommes allés, nous avons vu des programmes et des écoles qui réussissaient très bien.
Il semble que la réussite scolaire chez les Premières nations soit déterminée par la participation et le contrôle des collectivités, le caractère adéquat du financement et l'existence d'initiatives appropriées. Partout où nous sommes allés, nous avons constaté des réussites. Les Premières nations menaient des initiatives au niveau des programmes ou en injectant leurs propres fonds, parce qu'elles ne pouvaient pas attendre ou parce que le fédéral n'offrait pas de financement.
Dans une réserve de l'Alberta, par exemple, la bande a investi des millions de dollars pour construire sa propre école afin offrir un programme d'immersion crie à ses enfants. Cela paraissait très prometteur.
Est-ce qu'il est temps, dans notre pays, d'admettre que le gouvernement fédéral n'apportera aucune aide? Il n'a pas d'expérience en éducation. Il fait office de bailleur de fonds, mais au bout du compte ce sont les Premières nations qui doivent faire le travail et réussir.
L'autre vérité incontournable, c'est que les provinces sont les spécialistes dans ce domaine. L'éducation est de leur ressort. Ce sont elles, dans notre pays, qui assurent l'éducation de milliers de personnes. Je crois qu'il faut simplement reconnaître cela et utiliser une partie de cette expertise. Je ne crois pas que la réponse soit de se couper de cet élément très productif de notre société
Vous, les leaders des Premières nations dans le domaine de l'éducation, est-ce que vous ne croyez pas que vous avez la clé du problème? Vous devez le faire; personne ne le fera pour vous. Deuxièmement, vous devrez peut-être investir votre propre argent dans les programmes. Vous ne cessez de demander de l'argent au fédéral, vous recevez un financement inférieur à celui des provinces et cela ne changera probablement pas. Vous devez trouver vos propres solutions pour vous financer adéquatement et ainsi relever le niveau d'éducation des Premières nations. Dites-moi ce que vous pensez de cela, votre point de vue nous sera utile.
M. Wilson : Pour ce qui est de votre première question, je suis certainement d'accord. Les réponses viendront de nos collectivités. C'est mon point de vue. Je reconnais qu'il faut examiner des pratiques exemplaires de partout, que ce soit celles de collectivités indigènes ou simplement dans le monde de l'éducation en général, mais il faut adopter les pratiques exemplaires et les importer dans nos collectivités. Je pense aux écoles Kamehameha, à Hawaï, qui ont étudié en profondeur les programmes linguistiques et culturels et leurs effets sur les évaluations d'État normalisées et de haut niveau. Elles ont conclu que les enfants autochtones hawaïens qui avaient accès à des programmes culturels et linguistiques réussissaient mieux dans les évaluations d'État que leurs camarades. Ils obtiennent de meilleures notes en science, en littératie et en numératie.
Quant à la source des revenus, je peux parler uniquement à titre d'ancien directeur de l'éducation et je dirai que dans notre collectivité, à une certaine époque, nous étions prêts à ratifier une Loi sur les écoles publiques. Nous allions l'appeler la Loi sur l'éducation de la nation crie d'Opaskwayak, et elle nous aurait permis d'imposer une taxe interne dans la collectivité. Dans notre collectivité, c'est une approche à laquelle nous travaillons depuis un certain temps déjà. Je crois que de nombreux membres de la collectivité considèrent que cela fait partie des défis à long terme. Toutefois, je parle seulement du point de vue de notre collectivité.
Le sénateur Sibbeston : J'ai une autre brève question qui pourrait susciter des réactions. Est-ce que l'éducation des Premières nations vise à créer un homme à la peau brune qui est instruit, se débrouille très bien en anglais et peut trouver un emploi partout; ou est-ce pour former un homme brun qui parle aussi sa langue et connaît sa culture, en plus d'avoir toutes les qualités nécessaires pour fonctionner dans notre société anglophone?
M. Wilson : C'est tout à fait cela.
Le sénateur Sibbeston : Je parle des hommes et des femmes.
Mme McGahey : J'ai un commentaire à faire au sujet de « l'homme brun ». Cela m'a fait penser à « l'homme blanc », qui a la culture, la langue, les connaissances, et cetera, tout ce que « l'homme brun » n'a pas. Cela est important. C'est une partie de ce que nous sommes, notre identité, en tant que citoyens de ce pays. Nous sommes citoyens du Canada et nous devrions avoir les mêmes possibilités.
Le président : Sénateur Sibbeston, nous avons examiné cette question, à Onion Lake notamment, avec le chef Wallace Fox, et avec la nation Navajo, quand nous y sommes allés.
Le sénateur Sibbeston : Oui.
Le sénateur Patterson : Les conseils pratiques que M. Frame a donnés, je crois, m'ont intrigué. Si je vous comprends bien, vous dites que le Système d'information sur l'éducation, si je le décris correctement — une initiative d'AINC qui vise à améliorer la responsabilisation —, est coûteux, c'est un fardeau qui ne donnera rien, qui ne sera pas lu, c'est un gaspillage d'argent. Je pense que vous avez dit que le programme de réussite scolaire, une fois réglée la question des pénuries de crédits, était prometteur mais qu'il fonctionnait par voie d'appel de propositions et qu'il ne profitait qu'à ceux qui sont capables de rédiger des propositions.
Si je vous comprends bien, vous nous dites que le Système d'information sur l'éducation est une dépense inutile et que le programme de réussite scolaire est un bon investissement et qu'il devrait être plus accessible, plus permanent et plus universel?
M. Frame : J'ai siégé au comité mixte du SIE, et tout cela ne m'inspire aucune confiance, surtout parce que c'est souvent décrit comme une œuvre en chantier. Son but ne peut être défini. C'est un système ouvert et non supervisé de collecte de données. Quant au plan de réussite scolaire, je l'interprète moi-même comme une façon d'essayer de régler la question du manque de crédits votés, mais ce sont des fonds qui ne peuvent être garantis pour plus de trois ans.
Le sénateur Patterson : Si vous réglez ces problèmes d'assujettissement aux propositions et de limites, est-ce que c'est un pas dans la bonne direction? Est-ce quelque chose que vous voudriez appliquer et ajouter au concept de notre nouveau véhicule?
M. Frame : Comme votre collègue l'a dit, quand vous êtes allés en Alberta, vous avez vu de bons résultats dans les écoles. Ces progrès se poursuivront malgré le sous-financement, parce que les bons enseignants font du bon travail. Ces plans de réussite, Nouveau sentier, Rassembler nos forces, et cetera, ils pourraient changer d'ici deux ou trois ans. Ils seront bien utilisés, ils seront utilisés de la meilleure façon possible par les bons enseignants, mais en réalité, je ne sais pas si ces enseignants seront encore là dans quatre ou cinq ans. On peut très bien dire : « Construisons de bonnes écoles. Prenons un horizon de cinq ans, de 10 ans, de 15 ans. » Mais comment pouvez-vous faire cela si vous ne savez pas de quoi vous disposez?
Le Système d'information sur l'éducation illustre bien l'idée de concevoir une voiture et de demander à quelqu'un d'autre de la conduire. Nous avons déjà dessiné notre voiture en 2003 et que nous l'avons conduite sans problème. Est- ce que vous devez définir la réponse et déterminer qui va le faire pour vous? Vous n'avez pas besoin de prescrire. Laissez le système se décrire de lui-même. Quel est le but du langage et de la culture dans nos écoles, en quoi cela est-il lié à la persévérance scolaire?
Lorsque la maternelle pour les quatre et cinq ans est financée dans les collectivités qui éprouvent des difficultés, que se passe-t-il quand ces enfants arrivent en première année? On a discuté d'une taxe. Comment imposer une taxe quand les parents vivent de l'aide sociale? Qu'est-ce que nous pourrions bien taxer?
Quant au SIE, il ne m'inspire pas confiance. J'ai confiance dans l'un de mes collègues, et les autres ont pris de l'expérience et ça marchait, avec une redondance à 27 millions de dollars. Pour ce qui est du plan de réussite scolaire, il y a des façons de corriger le manque de crédits votés. Ça changera dans deux ou trois ans; ça s'appellera autrement. Je ne veux pas être pessimiste, mais après 25 ans on finit par prévoir l'évolution des choses.
Le sénateur Patterson : Certains témoins, ce matin, ont exprimé des opinions très claires au sujet d'une éventuelle loi : M. Frame, pas de loi, pas d'entente tripartite; Mme Stonefish, pas de fait accompli en matière législative; M. Atwin, pas de prescription. Et pour M. Wilson, la loi actuelle est désuète, inadéquate et vraiment embarrassante. Nous avons pourtant pour mandat d'examiner des dispositions législatives.
Je vous demande votre aide. Vous ne demandez pas que soit maintenu le statu quo, les huit articles dont le président a parlé. Je crois que vous nous dites que nos recommandations en matière législative — et je crois qu'il nous faut en formuler — devraient porter sur des dispositions permissives, qui prévoient une diversité d'approches dans tout le pays et qui ouvrent la porte aux ententes avec les provinces, puisque certaines Premières nations ont ainsi connu le succès et elles nous l'ont dit. En outre, nous ne pouvons écarter ce que vous dites au sujet des pouvoirs à accorder aux Premières nations et du respect des traités.
Est-ce que vous comprenez que nous devons faire quelque chose sur le plan législatif? Vous semblez nous dire qu'il faut être souples et ouverts plutôt que normatifs. Je pose la question à ceux qui ont des opinions fermes et qui ne veulent pas de loi : si nous nous engageons sur cette voie, est-ce que nous respectons vos opinions?
Mme Stonefish : Je crois que c'est essentiellement ce que nous disons. Nous n'aimons pas la loi actuelle, nous n'aimons pas ce qu'elle fait et nous croyons qu'elle entrave notre démarche pour obtenir des taux d'obtention de diplôme satisfaisants. Oui, il faut de la souplesse; la loi devrait être souple en raison de notre diversité. Chacun d'entre nous a des besoins distincts, et nous avons des façons différentes de voir les choses.
Vous avez raison, il faut d'abord et avant tout maintenir les traités. En effet, même si ces traités sont des ententes que nous avons conclues il y a longtemps, ils sont encore valables entre les gouvernements, et leur esprit et leur intention devraient être respectés.
Je crois aussi avoir dit que s'il doit y avoir des dispositions législatives, nous aimerions participer à leur rédaction.
Nous croyons qu'aujourd'hui nous sommes certainement en mesure de contribuer à la rédaction des dispositions législatives et que cela nous sera profitable à long terme.
Le sénateur Brazeau : J'ai une question piège à poser. Vous avez beaucoup parlé de la compétence des Premières nations en matière d'éducation des Premières nations. Je ne conteste pas ce fait ou cette affirmation, mais je l'interprète peut-être mal. Est-ce que vous pourriez préciser votre pensée? Je vous décris le contexte.
En réalité, dans notre pays, il y a des conflits de compétence entre le gouvernement fédéral et les provinces, et certains de ces conflits ont perduré une centaine d'années entre ces deux ordres de gouvernement. Dans le domaine de l'éducation des Premières nations, le fédéral exerce sa compétence sur les peuples autochtones ou les Premières nations dans les réserves tandis que les provinces assurent les services d'éducation aux élèves non autochtones ainsi qu'aux Autochtones qui vivent à l'extérieur des réserves.
Ce qui nous intéresse actuellement toutefois, c'est que même si nous voulions bien acquiescer, dire que les Premières nations devraient avoir compétence sur leur éducation, c'est aux Premières nations qu'il incombera de convaincre les décideurs que leur système, celui qu'elles mettront au point, est supérieur aux systèmes provinciaux. Est-ce que vous avez par le passé élaboré un cadre pour tenter de proposer au gouvernement fédéral un système qui réponde à vos attentes et à vos normes et qui serait supérieur aux normes provinciales? Si vous en êtes au point où vous pouvez convaincre les décideurs que votre système est supérieur, alors les décideurs pourront difficilement refuser. Avez-vous élaboré quelque chose?
M. Atwin : Pour ce qui est des pouvoirs législatifs, nous devons respecter le fait que nos dirigeants, en particulier dans ma région, sont convaincus qu'il s'agit d'un droit communautaire. C'est une des choses que les Premières nations acceptent, leur responsabilité d'obtenir des résultats.
Cela peut se faire de bien des façons. Que ce soit au moyen d'un comité qui pourrait être composé de membres du conseil ou par l'entremise du conseil et d'un comité, par exemple, il reste que tous les intéressés sont conscients qu'il faut des résultats et qu'il faut des indicateurs de rendement et de succès.
Dans les ententes que nous avons signées, l'article 5 précise bien que les parties conviennent de collaborer pour élaborer et mettre en œuvre des critères et des indicateurs de rendement opportuns pour mesurer l'amélioration des résultats scolaires des enfants des Premières nations au Nouveau-Brunswick et pour surveiller l'efficacité de ce protocole d'entente.
Il est très clair, dans notre esprit, que nous faisons du courtage, et nous voulons que toutes les parties aient à rendre compte des mesures qu'elles se sont engagées à prendre. Il est clair que les Premières nations veulent protéger leur autonomie. Je ne crois pas qu'elles veuillent se retrouver dans une situation où des organismes de l'extérieur peuvent décider de ce qu'il leur faut, que ce soit au plan local, au niveau de l'école ou, parallèlement, du conseil de district. C'est quelque chose qui est en gestation.
Quant à d'éventuelles dispositions législatives, je crois vraiment que le modèle MK, et je songe aussi au travail réalisé par le FNESC, en Colombie-Britannique... D'excellents travaux ont été réalisés; un travail de défrichement a été effectué par la base et ne peut pas être écarté.
Je suis convaincu qu'une loi qui nous serait imposée serait une énorme erreur. Je crois sincèrement que le succès vient de l'adhésion. Sans adhésion, personne n'adoptera la notion. Pour le deuxième niveau d'exécution, il faut reconnaître qu'il doit y avoir un mécanisme de supervision de l'exécution des programmes que veulent les Premières nations, basé sur le savoir-faire qui existe dans nos propres régions. C'est essentiel à la réussite.
C'est une question d'équilibre. Si vous envisagez des dispositions législatives, vous devez consulter les partenaires. Je ne crois pas qu'une loi puisse nous venir d'organismes qui ne comprennent pas la situation. Nous sommes tous partenaires dans ce projet, et il faut comprendre que nous voulons tous la même chose. Nous voulons que nos enfants réussissent. Nous voulons combler le fossé. Nous aimerions que tous puissent obtenir un doctorat et contribuer à la société, mais c'est impossible. Alors le mieux, c'est d'arriver à comprendre la réalité.
M. Wilson : Pour ce qui est des programmes, je parlerai de la nation crie d'Opaskwayak. La collectivité de la nation crie d'Opaskwayak reconnaît que les évaluations provinciales, réalisées en troisième année, à l'étape intermédiaire et en 12e, n'ont pas fourni suffisamment de données sur les élèves. À Opaskwayak, l'autorité de l'éducation a mis au point des outils d'évaluation de la première à la sixième année. Ces données sont utilisées pour la planification, afin d'améliorer l'école. Opaskwayak a un programme d'immersion crie. De nombreux parents veulent savoir quel effet ce programme a sur le rendement dans d'autres matières. Avant cette évaluation, nous ne pouvions pas leur répondre, sauf au moyen de données empiriques. Aujourd'hui, nous avons établi que les enfants inscrits au programme d'immersion crie obtiennent de meilleures notes en anglais que leurs camarades qui travaillent en anglais seulement. C'était un véritable avantage pour le programme d'immersion crie.
Toujours à Opaskwayak, la norme provinciale pour ce qui est du nombre de minutes d'enseignement hebdomadaire se situe aux environs de 1 500, 196 jours par année. À Opaskwayak, nous sommes passés à 1 700 minutes par semaine et à 206 journées d'enseignement par année, je crois. C'était la première école ouverte au Manitoba. C'est quelque chose. Ces trois pages de la Loi sur les Indiens, si vous êtes libertaire, elles sont très bien parce qu'alors vous avez la souplesse. Une école publique ne pourrait pas faire cela. Vous devriez commencer par négocier avec le syndicat des enseignants du Manitoba.
C'est un dilemme, j'imagine, car l'absence de lois est néfaste, mais à l'heure actuelle elle permet aux écoles des Premières nations d'aller bien au-delà des normes provinciales. C'est un exemple.
M. Frame : Je veux répondre à cette question. Vous avez parlé des provinces et de meilleurs taux de succès. Il faut vraiment se demander à qui les provinces dispensent l'éducation. Regardez les taux d'éducation des élèves des Premières nations et regardez ceux des enfants qui vivent dans des quartiers de collectivités qui ont des problèmes économiques et sociaux. Il ne faut pas confondre la culture de la pauvreté et la culture des Premières nations, ce sont deux choses très différentes.
Le sénateur Brazeau : Je vois où vous voulez en venir, mais je vous demandais si vous aviez essayé d'élaborer un cadre qui serait supérieur aux normes provinciales.
M. Frame : Pour les élèves de nos écoles?
Le sénateur Brazeau : Oui.
M. Frame : Je crois que nous avons d'excellents systèmes. Je vous mets au défi. Pourriez-vous me montrer un système provincial qui obtiendra de meilleurs résultats que nous avec nos élèves? Nommez-moi une province, une ville!
C'est donnant-donnant. Je répondrai à votre question si vous répondez à la mienne.
Le sénateur Brazeau : Je crois que nous nous égarons. Dans le système provincial, les élèves ont diverses origines ethniques ou nationales, ils viennent de différents horizons. Ils ont tous des besoins différents, mais ils doivent atteindre une certaine norme pour réussir.
Est-ce que quelqu'un, y compris vous qui êtes ici aujourd'hui, a tenté d'élaborer un cadre qui pourrait être présenté au gouvernement fédéral, le gouvernement auquel vous devez démontrer — que cela vous plaise ou non — que votre système est ou sera égal au système provincial?
M. Frame : Nous suivons tous les programmes provinciaux. La majorité de nos enseignants ont adopté les pratiques exemplaires des enseignants provinciaux. Certaines provinces administrent leur système depuis des centaines d'années. Dans nombre de nos collectivités, le système fédéral a été éliminé, et les parents ont obtenu le contrôle de l'éducation locale — c'est un droit issu des traités — et ils administrent les écoles depuis 25 ou 30 ans.
Je vous mets au défi. Comment pouvez-vous comparer un système qui fonctionne depuis 200 ans et qui a de la difficulté à instruire les étudiants des Premières nations avec un système qui fonctionne depuis peut-être 30 ans, et vous attendre à ce que ce jeune système réussisse mieux? Dans nos écoles, nous intégrons langue et culture avec les ressources que nous avons. Il faut comparer les pommes avec des pommes. Votre logique me paraît très déficiente. Vous comparez des écoles, mais les attributs de ces écoles sont différents.
Le président : Un instant. Je ne pense pas que ce soit ce que le sénateur Brazeau vous demande. Il vous demande si vous avez élaboré un système qui réussirait mieux que celui qui est en place dans la province. Je pense à des systèmes comme celui d'Onion Lake, en Saskatchewan.
Le sénateur Brazeau peut parfaitement se défendre, mais j'aimerais que nous poursuivions, la question est de savoir si vous avez élaboré un véhicule supérieur à ce que nous avons.
M. Frame : Je crois qu'il y en a. Je crois que oui.
Le président : Voulez-vous envoyer quelque chose au comité à ce sujet? C'est ce qui nous intéresse. Nous cherchons des solutions. Nous essayons d'obtenir des résultats. Le comité a obtenu des résultats en matière de développement économique, sous la direction du sénateur Sibbeston, et en ce qui a trait aux revendications particulières. C'est une question difficile, c'est vrai. L'éducation est l'un des dossiers les plus épineux que nous ayons eus à traiter. Nous n'essayons pas de minimiser l'importance de ce que vous faites; nous essayons de trouver une solution efficace.
Mme Stonefish : Pour répondre à la question, non, nous n'avons pas élaboré de cadre supérieur aux normes provinciales. Toutefois, cela ne veut pas dire que nous n'avons pas participé à l'élaboration de programmes, et nous travaillons avec les conseils scolaires locaux les plus progressistes qui veulent bien collaborer avec les Premières nations. Vous devez songer qu'il y en a très peu qui nous permettent d'importer des programmes dans le système provincial pour aider nos élèves.
Quant au cadre général, nous n'avons pas eu le temps d'en élaborer. Nous avons actuellement de la difficulté à élaborer un cadre dans le domaine de l'aide à l'enfance, qui est un autre grave problème.
Le sénateur Raine : J'aimerais vous remercier d'être venus. La discussion était fort intéressante. Vous avez déjà répondu à la majorité des questions que j'aurais pu poser.
Nous savons tous que les bons enseignants produisent de bons élèves, et nous savons que les Premières nations ont de la difficulté, surtout dans les régions éloignées, à attirer et à retenir les bons enseignants.
Si vous aviez une loi qui fixe un barème de rémunération des enseignants et qui stipule que le gouvernement fédéral doit les financer à ce niveau, est-ce que cela serait aiderait?
Le barème de rémunération de la GRC, par exemple, est la moyenne des trois forces policières les mieux payées au pays. C'est ce que vous devez verser à un agent de la GRC même s'il dispense ses services dans une collectivité éloignée. Cela n'est pas toujours bien accepté par les maires, parce qu'ils croient que le salaire ne correspond pas aux besoins de la région. Toutefois, vous pouvez attirer de bons éléments.
M. Wilson : Je reprends l'exemple de la nation crie d'Opaskwayak. Opaskwayak est située sur la rivière Saskatchewan, en face de la municipalité de The Pas, où se trouve la division scolaire de Kelsey. Il y a là-bas un enseignant de cinquième année qui a 10 ans d'expérience et qui fait probablement 10 000 $ de plus qu'un enseignant dans la réserve, et je crois que c'est une situation assez courante partout au Manitoba.
Certaines Premières nations du Manitoba parlent d'amalgamation. Plutôt que d'avoir 55 écoles indépendantes au Manitoba dans les réserves, nous parlons de collaborer pour centraliser les ressources humaines et adopter un programme commun, des programmes d'éducation axés sur la terre, et cetera. Pour les RH, il serait très utile que les barèmes reflètent les moyennes provinciales ou soient indexés d'une façon quelconque.
Je vous ferai remarquer que les enfants des militaires au Canada relèvent également du fédéral. À l'exception des Premières nations, ce sont les seuls élèves qui sont dans cette situation. La majorité des bases ont des ententes avec les écoles publiques environnantes. Sinon, les militaires financent l'éducation de ces élèves suivant les barèmes en vigueur au conseil scolaire d'Ottawa-Carleton.
Le seul fait d'avoir des barèmes équivalents aurait une énorme incidence, car les enseignants acquièrent chez nous de l'expérience et de la formation, puis les écoles publiques nous les volent.
Le sénateur Raine : Vous leur demandez d'avoir des connaissances supplémentaires en matière de culture et de langue, ils ont donc plus de compétences.
J'aimerais savoir ce qu'en pensent nos autres témoins.
Mme McGahey : Les nations membres de notre association aimeraient sans doute qu'il y ait un barème pour les enseignants, mais c'est seulement une partie du problème. Ce ne sont pas seulement les enseignants. Il y a aussi les aides-enseignants, les concierges et les directeurs. Tout cela doit aussi être examiné.
Les compétences des enseignants de langue autochtone sont importantes mais bien méconnues. Il faut reconnaître ces enseignants comme locuteurs, pas au moyen des documents du ministère provincial, mais parce que ce sont des aînés dans nos collectivités, parce qu'ils connaissent la langue et qu'ils peuvent l'enseigner. Ils n'ont jamais eu le luxe d'être payés comme des enseignants.
Le sénateur Moore : Monsieur Atwin, j'ai lu votre mémoire hier soir. Vous dites :
Au Nouveau-Brunswick, les enfants micmacs et malécites de quatre ans arrivent en maternelle, que ce soit dans des écoles de bande ou des écoles provinciales, avec excitation et autodétermination, riches des espoirs et des rêves qui sont normaux à leur âge. [...] Dans leur cartable, ils portent un fardeau symbolique [...] Ces écoliers n'en sont pas non plus conscients lorsqu'ils rentrent à l'école. Ils sont porteurs d'un déficit pédagogique national et collectif.
C'est triste, dans un pays aussi riche que le Canada. Pour reprendre les paroles du sénateur Patterson, je dirais même que cela me semble embarrassant. Je ne sais pas pourquoi, pendant toutes ces années, nous n'avons pas réussi à trouver un système qui permettrait d'offrir à un enfant autochtone les mêmes perspectives et de ne pas laisser s'éteindre la lueur d'espoir au fond de ses yeux.
Dans tout votre mémoire, vous parlez de l'importance de la formation des éducateurs et des administrateurs, qu'il faut assurer au moyen d'une intervention précoce auprès de professionnels qui sont sur le point d'entamer leur carrière dans le système d'éducation. Ces changements permettent de surmonter les difficultés.
Comment peut-on former ces éducateurs et ces administrateurs, et j'imagine qu'ils peuvent être autochtones ou pas? Qui s'en chargerait? Expliquez-nous comment vous voyez les choses.
M. Atwin : Nous avons une stratégie très détaillée et très systématique pour ce que je considère être les secteurs cibles. Nous avons une initiative qui cible les zéro à trois ans, pour développer la langue et la culture, et nous envisageons des services innovateurs pour mieux aider les enfants, appuyer les familles, appuyer les services de détection précoce pour pouvoir répondre aux besoins médicaux ou autres des enfants et repérer les obstacles à leur développement social et mental, et cetera.
En outre, nous avons un programme de maternelle quatre ans très officiel, dont la province s'inspire actuellement. Pour ces programmes, nous avons un soutien financier plutôt insuffisant, compte tenu de tous les défis, mais je vous parlerai simplement de la réussite de l'intervention précoce, de l'importance d'une bonne préparation à l'école. Cette année, les enfants qui étaient en maternelle quatre ans il y a trois ans ont passé leurs examens de deuxième année. Dans toutes nos écoles, 90 p. 100 des enfants ont obtenu de meilleurs résultats que les enfants des écoles provinciales. C'est un reflet direct du succès d'une stratégie selon laquelle nos partenaires — je parle de nous-mêmes comme prestataires de service de deuxième niveau; je parle des chefs et des conseils; je parle des directeurs de l'éducation avec lesquels nous traitons; je parle du personnel qui exécute ces programmes — comprennent pourquoi nous devons renforcer la base de l'éducation.
En outre, si vous voulez regarder certaines des possibilités que nous avons officiellement examinées, tout est étayé par des données. Il a fallu remonter dans le temps pour déterminer les secteurs qui faisaient problème, allouer des ressources et les cibler, former des gens pour mieux servir les intérêts de ces populations, travailler avec nos partenaires pour calmer les préoccupations, cerner les problèmes et trouver des solutions.
Le partenariat au Nouveau-Brunswick est un succès, parce que nous avons pris conscience que nous avons des capacités dans notre collectivité. L'absence de volonté, d'ambition, cela est confondu avec les problèmes d'argent. Actuellement, de l'autre côté de la rivière, quelqu'un gagne 13 000 $ de plus. Pensez-y. C'est un véritable problème.
Nous avons cependant été chanceux. Nous avons pu encourager et retenir des personnes qui sont là parce qu'elles s'intéressent aux enfants.
Le sénateur Moore : Vous parlez des éducateurs?
M. Atwin : En effet.
Le sénateur Moore : Vous avez collaboré à la conception du système au Nouveau-Brunswick, et c'est essentiellement ce que vous vouliez et c'est nécessaire à la réussite de votre système. Il me semble aussi que vous avez eu l'adhésion des parents, ce qui me paraît absolument déterminant.
M. Atwin : C'est ciblé, et ce que nous avons découvert au Nouveau-Brunswick, c'est que nous écoutons.
Le sénateur Moore : Est-ce qu'on vous écoute?
M. Atwin : Nous écoutons les gens qui sont touchés, ceux qui feront la différence. Pour les parents et les enfants, c'est une question d'habilitation. Si on nous dit que nous devons rentrer chez nous à 17 heures, un bon nombre d'entre nous le feront probablement, mais si on nous dit que c'est en raison de ceci et de cela, si vous êtes aussi têtu que moi vous ne le ferez sans doute pas.
Quant à l'approche adoptée dans la province, nous avons laissé les gens nous faire des suggestions sur les moyens de les aider. Essentiellement, c'est la stratégie qui a donné des résultats — l'adhésion des collectivités, des dirigeants, du personnel relativement à leur propre perfectionnement professionnel. Je parle de professionnalisme ici. Cela donne des résultats. Nous commençons à obtenir les résultats que nous visions. Nous ne prétendons pas tout savoir. Comme le disait mon père, cela vient avec la pratique.
Le sénateur Moore : En décembre ou en janvier, il y aura un sommet des Premières nations, de l'Assemblée des Premières Nations et du gouvernement fédéral. Le grand chef Shawn Atleo a fait de l'éducation une des priorités de son mandat, et je crois qu'il a raison. Il veut briser le cycle de l'éducation déficiente et, apparemment, il demandera du financement pour combler le fossé et obtenir un soutien de même niveau que ce qui est accordé aux autres enfants canadiens — quelque chose de l'ordre de 2 milliards de dollars — et aussi pour construire 40 nouvelles écoles au coût de 12,5 millions de dollars chacune.
Je sais que ce n'est pas simplement une question d'argent, mais j'imagine que vous en avez parlé avec l'Assemblée des Premières Nations, pour savoir quelle structure vous adopteriez si vous aviez les fonds et comment vous veillerez à le faire dans les diverses réserves, pour que tout serve les intérêts des enfants, pour qu'ils aient les mêmes espoirs et les mêmes perspectives que les enfants non autochtones.
Allez-vous participer à cela? Viendrez-vous à Ottawa pour ces discussions?
Le président : Je ne pense pas, pas jusqu'à maintenant. Peut-être que certains chefs régionaux l'ont fait.
Le sénateur McCoy : Je suis nouvelle au comité, mais je connais bien la question parce que j'ai dirigé l'évaluation dont vous parlez dans votre témoignage, madame Stonefish. C'était une évaluation de programme officielle de la formule de financement des écoles administrées par les bandes dans tout le Canada.
À cette époque, on parlait de conseils scolaires pour les réserves, cela aurait été un changement institutionnel dans certaines et pas dans d'autres. J'ai une petite question pour mes vis-à-vis. M. Wilson dit qu'il y en a un dans sa région. Je ne sais pas si d'autres en ont. J'aimerais aussi savoir si cette idée est encore controversée. Tous n'étaient pas d'accord.
M. Frame : Au niveau communautaire, nous avons des comités d'école, des conseils scolaires. Ils sont composés de parents.
Mme McGahey : Chez les membres de l'association, la situation est variée. Nous avons des conseils scolaires élus. Nous avons des comités qui relèvent du conseil et des conseils qui s'occupent directement de l'éducation, mais ce n'est pas la seule limitation. Il y a d'autres façons de voir les choses. Prenez les Iroquois ou les Ojibwas, vous pouvez travailler sur la base du clan. Je sais que cela a fonctionné par le passé. Les Premières nations pourraient mettre cela en œuvre de diverses façons.
Le président : Je vous remercie tous de vos exposés et d'avoir répondu à nos questions comme vous l'avez fait. C'est un sujet difficile. C'est l'un des secteurs les plus épineux pour les Premières nations, les Autochtones.
Après la réunion, si quelqu'un veut nous présenter des suggestions sur la conception de notre véhicule, nous les écouterons avec plaisir. Je sais que la question du financement est très frustrante, mais c'est le carburant. Il nous faut d'abord un véhicule adapté à nos besoins; par la suite, nous devrons nous adresser au gouvernement ou à un gouvernement quelconque pour obtenir le carburant qui fera fonctionner ce véhicule de sorte à fournir aux enfants des Premières nations un service de même qualité que celui assuré à tous les autres enfants au pays.
M. Frame : Je vous propose de concevoir ensemble le véhicule. Consultez ceux qui savent.
Le président : C'est une bonne suggestion. Permettez-moi de vous remercier tous à nouveau. Je remercie tous les sénateurs qui sont ici. Je vous remercie également d'être venu, sénateur Moore.
(La séance est levée.)