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APPA - Comité permanent

Peuples autochtones

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Peuples autochtones

Fascicule 3 - Témoignages du 18 octobre 2011


OTTAWA, le mardi 18 octobre 2011

Le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones se réunit aujourd'hui, à 8 h 40 pour examiner les responsabilités constitutionnelles, conventionnelles, politiques et juridiques du gouvernement fédéral à l'égard des Premières nations, des Inuits et des Métis et d'autres questions générales relatives aux peuples autochtones du Canada (sujet : questions concernant l'éducation des Premières nations).

Le sénateur Gerry St. Germain (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Permettez-moi, tout d'abord, de vous présenter les sénateurs qui siègent ici aujourd'hui. Nous avons le sénateur Dyck, de la Saskatchewan, notre vice-présidente, et les sénateurs Campbell et Greene Raine, de la Colombie britannique, ainsi que le sénateur Demers du Québec et le sénateur Patterson, du Nunavut.

Nous nous intéressons ici à l'éducation dans les réserves, de la maternelle à la 12e année. Nous faisons tout notre possible pour définir une structure d'enseignement, ou pour recommander dans un rapport l'adoption d'une telle structure qui faciliterait l'obtention de meilleurs résultats scolaires par les enfants des Premières nations dans tout le pays.

Nous avons décidé de procéder ce matin sous forme de table ronde. C'est pourquoi nous avons fait venir cinq experts. Le premier d'entre eux est M. Harvey McCue, de l'Université Trent, qui était auparavant membre de la Commission scolaire crie, la première d'une province canadienne à être administrée par une Première nation. Nous avons également Mme Marlene Atleo, de la Première nation Ahousaht, en Colombie-Britannique, qui est titulaire d'un doctorat en éducation de l'Université de la Colombie-Britannique. Elle se spécialise en enseignement traditionnel, en éducation des adultes, en développement institutionnel et communautaire et en recherche narrative. Elle est également l'auteure de plusieurs publications. Je leur souhaite à tous deux la bienvenue.

Nous comptons également parmi nous M. Colin Kelly, qui a été nommé par le ministre de l'Éducation de l'Alberta, M. Dave Hancock, curateur public de la Division scolaire Northland, qui a tous les pouvoirs conférés par le conseil d'administration élu. De 1990 à 2002, il était surintendant de cette même division scolaire. Tout récemment, il a été Directeur de l'éducation pour les Premières nations albertaines signataires du traité no 8.

Vient ensuite M. James Wilson qui, comme ses collègues, a déjà témoigné devant ce comité. Il est commissaire aux traités à la Commission sur les relations découlant des traités du Manitoba. Auparavant, il a notamment contribué à l'élaboration de programmes d'études et à la formation à la sensibilisation culturelle, et il a enseigné à des groupes d'élèves allant de la maternelle à la 12e année

Le dernier de nos experts, et non le moindre, est M. Bruce Stonefish. Il est membre de la nation Delaware, directeur administratif de la Coalition autochtone pour l'éducation et commissaire autochtone au Conseil scolaire de district de Lambton-Kent, dans le sud-ouest de l'Ontario. Il a été élu directeur de l'Ontario Public School Boards' Association pour les Premières nations.

Nous vous souhaitons à tous la bienvenue. Nous n'allons pas vous demander de nous faire des exposés, mais plutôt de répondre à des questions que nous avons préparées à votre intention. Je crois que vous en avez des copies.

Au cours de ce premier segment, nous aimerions recueillir vos points de vue sur les rôles qui conviennent au gouvernement fédéral, aux gouvernements provinciaux et à ceux des Premières nations, à la fois dans la gestion et dans la prestation des services d'éducation dans les réserves, de la maternelle à la 12e année.

Comme vous le savez probablement, la vérificatrice générale du Canada a indiqué dans son rapport de vérification de 2004 sur l'éducation des Premières nations que « les parties n'avaient pas la même compréhension de la signification et des répercussions de la compétence des Premières nations dans le domaine de l'éducation, » et que « Affaires indiennes et du Nord Canada n'a pas clairement défini ses rôles et ses responsabilités en la matière. »

Des témoins nous ont fait part de divers points de vue sur les rôles qui devraient incomber au gouvernement fédéral, aux provinces et aux Premières nations — allant du transfert des compétences fédérales aux provinces jusqu'à un contrôle entier et exclusif exercé par les Premières nations.

Le comité sait fort bien que les gouvernements provinciaux jouent un rôle important en éducation, un domaine dans lequel elles ont de vastes compétences. Nous savons également que le gouvernement du Canada s'est déclaré favorable au principe de la « maîtrise indienne de l'éducation indienne » et qu'il lui incombe certaines obligations qui vont au- delà du simple financement de l'éducation.

Cela dit, nous aimerions connaître vos points de vue sur les questions suivantes. Tout d'abord, étant donné le cadre actuel des compétences, et la nécessité d'assurer une éducation de grande qualité dans les réserves, quels sont, à votre avis, les rôles et les responsabilités qui conviennent le mieux au gouvernement fédéral, aux provinces et aux Premières nations dans la prestation des services d'éducation dans les réserves? En second lieu, comment les responsabilités devraient-elles s'enchaîner au sein de chacune de ces parties et entre elles? Enfin, à quels défis importants vous attendez-vous dans l'élaboration de partenariats entre les parties pour la prestation des services d'éducation?

Si vous n'y voyez pas d'inconvénients, je vais commencer par donner la parole à la personne à ma gauche, Mme Atleo, à moins que quelqu'un d'autre tienne à s'exprimer en premier.

Harvey McCue, à titre personnel : Avec tout le respect que je vous dois, ainsi qu'aux autres membres du comité et aux autres témoins-experts, pourrais-je vous suggérer, étant donné les défis que vous avez évoqués en énonçant le but de cette session, que nous ne consacrions qu'un peu de temps au premier segment et portions ensuite essentiellement notre attention sur le second? Il me semble que, ainsi, nous aborderions directement le cœur du sujet que vous avez abordé dans vos remarques préliminaires et qui constitue l'objet de cette réunion.

Je formule cette suggestion en espérant ne froisser aucune des personnes présentes. Comme nous ne disposons aujourd'hui que d'un temps limité, il me semble que le comité et vous-même recueilleriez ainsi les commentaires les plus pertinents sur votre objectif principal si nous abordions ce matin le second segment.

Le président : C'est très bien.

Quelqu'un d'autre autour de cette table a-t-il quelque chose à dire à ce sujet? Tout le monde est-il d'accord?

Colin Kelly, à titre personnel : Oui. Cela ne me pose aucun problème.

Le président : Puisque j'ai déjà posé la première question sur le premier segment, auriez-vous un bref commentaire à faire à son sujet? Puisque vous avez été le premier à prendre la parole, M. McCue, nous allons vous écouter et nous passerons ensuite aussi rapidement que possible au second segment.

M. McCue : Je vais être aussi bref que possible pour respecter ma propre suggestion.

Tout d'abord, il n'y a pas actuellement de cadre des compétences. C'est précisément ce qu'il faudrait. Quant aux rôles et aux responsabilités qui conviendraient, je dirais que la principale responsable de la prestation des services d'éducation dans les réserves est la Première nation, que l'on pense au gouvernement de cette Première nation ou à toute autre institution désignée pour assumer ses responsabilités dans ce domaine. Je suis d'avis que les deux autres paliers de gouvernement, soit le provincial et le fédéral, ne jouent que des rôles secondaires par rapport au rôle essentiel de l'institution des Premières nations dans ce cadre des compétences. Quand je parle de « responsabilité », j'entends ici la responsabilité en matière d'éducation. Je sais qu'on accole souvent l'adjectif « financière » à cette notion.

En toute franchise, cette responsabilité financière est moins importante à mes yeux, à ce moment précis de l'histoire de l'éducation des Premières nations dans notre pays, que la responsabilité en matière d'éducation. Comme votre comité ne le sait que trop bien, nous n'avons défini que très peu de responsabilités en matière d'éducation autochtone dans ce pays, si nous l'avons fait. Je proposerais donc que les responsabilités essentielles en la matière, dans ce cadre de compétences, incombent au gouvernement ou aux établissements d'enseignement des Premières nations.

Jamie B. Wilson, à titre personnel : À mes yeux, le rôle du gouvernement fédéral et des gouvernements provinciaux devrait être d'accorder des pouvoirs et la responsabilité de l'éducation devrait incomber aux Premières nations. Il ne devrait pas s'agir uniquement des contrôles des Premières nations sur l'éducation de leurs enfants, mais également de leurs responsabilités dans ce domaine. Le rôle qui leur incomberait devrait leur permettre d'affirmer leurs compétences en matière de contrôle sur l'éducation en déléguant leur pouvoir à une norme quelconque de système ou de cadre. Les Premières nations pourraient alors déléguer leur pouvoir de ce niveau vers ce système plus étendu.

M. Kelly : Je remercie M. McCue de nous permettre de bien cibler nos discussions. Il ne fait aucun doute que le second segment va susciter beaucoup plus de discussions sur la vraie question que vous posez aujourd'hui.

Au sujet des rôles et des responsabilités, il ne fait aucun doute que le rôle du gouvernement doit être de conférer des pouvoirs. L'expérience que j'ai acquise en matière d'éducation des Premières nations m'a montré que celles-ci n'ont jamais répugné à assumer leurs responsabilités et n'ont jamais hésité à assumer la pleine responsabilité de la prestation des services d'éducation au sein de leurs nations. Ce n'était tout simplement pas possible dans les cadres en place, étant donné la législation, les modalités de financement et les attitudes paternalistes qui ont prévalu depuis des siècles. Le rôle du gouvernement fédéral doit être de conférer des pouvoirs.

Quelle que soit la structure ou le cadre qui sera mis en place, il faudra toujours que chaque Première nation soit en mesure de conclure un partenariat avec une administration scolaire, qu'elle soit fédérale ou provinciale. C'est essentiel. Le choix des facteurs déterminants et l'orientation de l'éducation doivent incomber aux Premières nations.

Marlene Atleo, à titre personnel : Je suis du même avis. Pendant vos remarques préliminaires, je me souvenais d'avoir lavé les planchers de l'école où j'ai débuté ma carrière d'enseignante dans la réserve de notre collectivité. Je réfléchissais au genre d'expertise que j'ai en matière d'éducation des Premières nations.

Je m'occupe maintenant, entre autres, de la formation des enseignants. L'un des problèmes que j'observe, quels que soient les intentions et les objectifs, est que le modèle de la petite école en briques rouges et le développement des systèmes que la plupart des non autochtones ont à l'esprit n'ont pu se concrétiser dans les collectivités des Premières nations parce que la Loi sur les Indiens et la bureaucratie se sont interposées entre les Premières nations et l'ensemble de la société. Avec tout le respect que je dois à M. McCue, qui œuvre dans ce domaine depuis longtemps, nous ne nous sommes pas du tout attaqués à ses questions. L'hypothèse que font toutes les personnes présentes dans cette pièce, et les auteurs de livres blancs sur cette question, est que les peuples autochtones n'ont pas eu la possibilité de développer et de structurer la dimension sociale des relations morales qui leur sont propres. C'est une des justifications sous- jacentes de ce que M. Wilson et M. McCue ont dit. La responsabilité morale incombe encore à la collectivité autochtone. L'élément intergénérationnel est essentiel. Nous sommes désespérés par les problèmes de maladie, y compris mentale, et par les diverses dépendances dans les collectivités, mais si nous continuons à semer la confusion chez les gens au niveau fédéral et au niveau provincial, ces problèmes ne vont que perdurer et s'accroître, parce qu'il n'y a pas de raison qu'ils se règlent. J'observe que si la discussion entre nous est bien ciblée, il n'en reste pas moins qu'il est important d'étudier les rôles de soutien pour qu'ils apportent effectivement un soutien et non pas des bouleversements.

Bruce Stonefish, à titre personnel : Bonjour mesdames et messieurs. Je réfléchis à la notion « de conférer des pouvoirs ». La Coalition autochtone pour l'éducation est un prestataire de services de second niveau. Nous travaillons à l'élaboration de programmes d'études, d'activités de perfectionnement professionnel des enseignants et de réseautage. Nous nous consacrons actuellement à un projet pour lequel nous avons obtenu une subvention du Conseil de recherches en sciences humaines. Il s'agit de procéder à une évaluation respectant la dimension culturelle. Lorsque nous avons tenté d'élaborer des outils d'évaluation, il nous a fallu nous demander ce que nous voulions évaluer parce que la réalisation d'une évaluation suppose d'abord de clarifier les compétences. Si vous avez le droit de déterminer si vos étudiants obtiennent de bons résultats et que vous élaborez vos outils d'évaluation en conséquence, vous définissez implicitement ce que vous entendez par « réussite scolaire ». Nous avons alors dû revenir sur nos pas et préciser ce que nous entendions par « réussite scolaire des étudiants des Premières nations ».

En 1972, nous parlions de la maîtrise indienne de l'éducation indienne. En préparant mon doctorat, j'ai analysé 45 documents rédigés au cours des 39 dernières années. J'ai déjà eu l'occasion de dire que les quatre choses importantes sont des programmes d'études pertinents en termes culturels, les méthodes d'enseignement, l'inclusion de la dimension linguistique et les compétences. Dans cet éventail, nous avons choisi de lancer un projet pour définir les normes en matière d'éducation des Premières nations, ce que nous enseignons, soit ce que nous entendons par la préparation des programmes d'études, comment nous l'enseignons, les modalités d'accréditation des enseignants, et pour savoir si nous avons ou non les connaissances ou les moyens nécessaires pour déterminer si nos étudiants obtiennent de bons résultats en regard de notre définition.

En ce qui concerne nos aspirations et nos travaux, nous nous heurtons aux lignes directrices de l'Ontario sur les contenus des cours, sur les évaluations de la littératie et de la numératie et sur la délivrance des brevets d'enseignement. Nous sommes tous issus du même système d'écoles publiques dans lequel nous n'avons rien appris sur les peuples autochtones même si, en Ontario, le cadre autochtone a implanté 14 programmes différents d'études autochtones dans nos conseils scolaires, alors qu'il n'y a pas d'enseignants pour dispenser ce type de cours. Il n'existe pas d'accréditation permettant de donner des cours en études autochtones ou de donner aux étudiants autochtones un enseignement sur la sensibilisation à l'ensemble des réalités culturelles. Les gouvernements provinciaux et le gouvernement fédéral font preuve d'ignorance et d'un manque d'expérience et de connaissances sur les peuples des Premières nations et sur leurs aspirations en matière d'éducation. La seule solution pour que cela fonctionne sera que les gouvernements adoptent un rôle de facilitateur pour nous permettre de nous exprimer et de faire ce qui nous paraît nécessaire en éducation.

Le président : Nous aimerions que vous nous donniez des précisions. De quelle façon le gouvernement fédéral peut-il jouer un rôle de facilitateur? Pouvez-vous être plus précise sur ces rôles de catalyseur et de soutien?

Mme Atleo : Je peux commencer par vous donner des exemples tirés de l'élaboration des programmes d'études en santé, mais cela s'applique aux autres domaines que la santé.

Avec les années, le programme des travailleurs en santé communautaire doit leur faire revoir toutes les dimensions de la santé. À la fin du programme, le gouvernement fédéral en tire diverses interprétations, qui l'amènent entre autres à parler de la roue médicinale dans toutes les régions du Canada, alors que celle-ci ne signifie rien sur la côte Ouest. Nous consacrons beaucoup d'argent à élaborer des stratégies générales qui peuvent paraître bonnes au niveau fédéral sans pour autant fonctionner sur le terrain.

Le système canadien d'éducation s'est développé à partir de la base. Jusqu'à maintenant, celui des Premières nations a suivi une démarche inverse, soit du sommet vers le bas, sous l'impulsion d'AINC et c'est ainsi qu'il a fonctionné. De cette façon, nous nous faisons imposer certaines stratégies, et même des éducateurs. À l'époque où j'habitais dans ma collectivité, j'ai passé la plupart de mon temps d'enseignement chez moi parce que les gens désertaient les classes au bout de six semaines. Ils n'avaient pas le niveau pour suivre l'enseignement ou n'y trouvaient aucun intérêt. C'est ainsi qu'on assiste à un ballet de gens qui viennent de l'extérieur de la collectivité et non de celle-ci, et le contenu des cours devient totalement étranger pour les élèves. Cela crée une situation problématique dans laquelle il ne sert à rien d'inscrire au programme d'études la santé et le bien-être de la collectivité. Cela ne permet pas aux gens d'acquérir et d'appliquer de nouvelles connaissances parce que le contenu des cours leur est totalement étranger. Ce contenu ne peut être transmis à la collectivité parce qu'il est totalement inadapté.

À ce niveau, on fait face à un problème bien réel, qui peut dans certains cas être à l'origine de maladies mentales parce que les systèmes sont oppressifs. Ce n'est pas surprenant. Je peux vous en donner un exemple. Au début des années 1990, un projet de recherche a été mis sur pied. Il a permis de constater que les enfants autochtones de troisième et de quatrième années avaient beaucoup d'attentes mais que, dès qu'ils approchaient l'âge de la puberté, ils commençaient à réaliser qu'il n'y avait pas de débouchés pour eux. Le contexte dans lequel ils vivaient leur révélait la triste réalité. Ils avaient bien débuté mais constataient de plus en plus que leur avenir était bouché. Le contexte n'était pas le bon.

Ces inadaptations se manifestent au niveau du contenu des programmes, dans les éléments apportés de l'extérieur et dans les programmes de formation des enseignants, et avec le contenu des programmes que la province impose pour accorder son financement. Vous créez un décalage incroyable qui est imposé par les diverses autorités aux niveaux fédéral et provincial et qui, au bout du compte, fait des ravages dans les collectivités.

M. Wilson : Au sujet de votre question sur la possibilité de conférer des pouvoirs aux Autochtones, lors d'une comparution précédente, je vous ai parlé de la Loi sur l'administration scolaire du Manitoba, qui a plus de 150 pages, en la comparant aux trois pages d'articles de la Loi sur les Indiens qui régissent l'éducation dans les réserves. Je suis d'avis que s'il doit y avoir une législation fédérale, il ne peut s'agir d'une version fédérale des lois provinciales sur les écoles publiques, qui comporte des règlements, mais plutôt d'un document permettant aux Premières nations de rédiger leurs propres lois sur l'éducation sur une base de nation à nation ou de façon collective, sans être soumises à la réglementation bureaucratique du palier fédéral. Il faudrait éviter de remplacer la bureaucratie fédérale par une autre au niveau local.

M. Kelly : J'aimerais ajouter quelque chose au sujet de votre question sur cette possibilité de conférer des pouvoirs. C'est une question très vaste. À mes yeux, elle implique d'éliminer tout type d'entraves systémiques ou législatives qui empêcheraient une Première nation d'élaborer un système d'éducation permettant d'atteindre le résultat final souhaité par une nation en particulier.

Cela supposerait également de veiller à ce que les ressources nécessaires, humaines et financières, soient disponibles pour garantir que tout le monde se trouve sur un pied d'égalité lorsqu'on envisage d'élaborer ou d'offrir des services d'éducation.

J'ai eu l'occasion de voir ce qu'il en est dans les systèmes provinciaux et dans ceux des écoles administrées par des bandes, et on constate d'énormes frustrations et d'importantes inégalités entre les deux systèmes. Lorsqu'on travaille dans le système administré par des bandes, on y voit que tous les éléments, qu'il s'agisse du maintien en poste des enseignants, de l'élaboration des programmes d'études, de tout ce qui concerne le transfert des connaissances autochtones, le nombre de rapports exigés, le manque de personnel, le niveau de financement permettant d'offrir un programme éducatif, sont inférieurs à ce qu'ils sont dans les systèmes relevant du fédéral et des provinces. L'écart est important, même en ce qui concerne les ressources matérielles disponibles dans les collectivités.

La possibilité de conférer des pouvoirs est un sujet très important étant donné que, comme l'a dit M. Wilson, cela doit se faire par une approche législative et non pas en imposant des restrictions. Il faut s'assurer que les ressources nécessaires sont disponibles pour assurer la réussite des Premières nations. Les modalités varieront d'une nation à l'autre et, bien évidemment, d'une province à l'autre.

M. Stonefish : Pour conférer des pouvoirs, on peut procéder de deux façons différentes. La première consiste à définir la réussite. Je vais vous le dire et vous le répéter à maintes reprises. Il y a deux choses distinctes : l'administration de vos écoles et, ensuite, ce que vous y enseignez, qui dépend des directives sur les programmes d'études. Il faut que des directives confèrent des pouvoirs en matière d'élaboration de programmes d'études pour nous permettre d'enseigner ce que nous jugeons important pour nous.

Dans le cadre du Programme des partenariats en éducation, qui est le vecteur de financement du gouvernement fédéral, nous avons procédé à des consultations communautaires et avons dressé une liste d'environ 350 sujets différents qui ne figurent pas dans les programmes d'études ontariens, mais qui devraient s'y trouver d'après nos collectivités autochtones. Voici la question que nous avons posée : « Que devriez-vous avoir appris lorsque vous entrez en huitième année? » Ces sujets portaient essentiellement sur l'identité et sur la revitalisation culturelles. Ils allaient dans le sens de ce que disait Mme Atleo au sujet de l'éducation, qui constitue un processus de guérison pour les étudiants et les collectivités des Premières nations.

Outre cela, il y a la question des modalités d'enseignement et de la délivrance du brevet d'enseignement. Il faut ensuite préciser qui a le pouvoir de procéder aux évaluations. Comment savons-nous que nos étudiants ont obtenu de bons résultats et comment préparons-nous les tests ou les examens qui permettent de savoir s'ils ont effectivement obtenu de bons résultats?

L'autre volet concerne l'acquisition de capacités. Je travaille avec un certain nombre d'écoles des Premières nations et même notre organisme souffre d'un sous-financement chronique. On attend des écoles des Premières nations qu'elles copient ce que font les conseils scolaires publics, mais leur financement restreint ne le leur permet pas. Il faudra acquérir quantité de capacités. Nous n'avons pas le financement nécessaire. Nos écoles des Premières nations existent en dehors des conseils scolaires, ce qui fait qu'elles ne relèvent pas des surintendants, ni des directeurs et de tous les superviseurs ou fonctionnaires qui surveillent les programmes d'études. Nous n'avons pas ce niveau de responsabilités ou de compétences dans nos écoles. Dans certains cas, nos directeurs d'écoles n'ont pas de brevet d'enseignement, ce qui ne les empêche pas de diriger nos écoles.

En ce qui concerne les ressources en éducation, l'élaboration de normes sur les programmes d'études et les outils d'évaluation, sachez que lorsque nous avons obtenu le financement pour la réussite scolaire des étudiants des Premières nations d'AINC, je ne parviens même pas à me souvenir du nouveau sigle — est-ce AADNC? — donc, lorsque nous avons annoncé que nous élaborerions des outils d'évaluation, nous nous sommes fait dire qu'il faudrait les retirer de notre plan de réussite scolaire des étudiants parce que le ministère ne vous finançait pas pour élaborer des outils d'évaluation. Les outils d'évaluation ne sont donc pas de notre sphère de compétence mais de celle du ministère.

Lorsque nous voulons parler d'une éducation reposant sur la culture, de tradition orale et des divers éléments que nous voulons intégrer aux programmes d'études, nous analysons les directives ontariennes en la matière. Celles-ci ne laissent aucune place dans la journée permettant à nos enseignants d'intégrer de tels éléments. Nous avons des cours additionnels simplistes pour tenter de faire entrer notre culture dans nos classes, parce que les lignes directrices ontariennes sur les programmes d'études font que les journées de classe sont déjà pleines et ne laissent pas place à l'ajout de contenus.

En ce qui concerne la possibilité de conférer des pouvoirs en la matière, il faut réussir à se doter de beaucoup de capacités. Nous devons avoir le pouvoir de définir la réussite des étudiants.

Le sénateur Dyck : M. Wilson, vous disiez estimer qu'il faudrait une législation fédérale permettant aux Premières nations de rédiger leurs propres lois provinciales sur l'éducation. Au sujet des entraves éventuelles en la matière, certaines Premières nations pensent déjà qu'elles ont le pouvoir d'exercer leur propre contrôle sur l'éducation.

Comment pourrions-nous avoir une législation fédérale reconnaissant le contrôle des Premières nations sur l'éducation afin d'adopter une démarche qui ne retienne pas une approche aussi coloniale, du bas vers le haut par exemple? Je crois que vous avez estimé que les Premières nations devraient être impliquées étroitement dans la préparation de leur propre législation. Comment pouvons-nous nous y prendre pour équilibrer les pouvoirs du fédéral et ceux des Premières nations?

M. Wilson : C'est une question à laquelle il n'est pas facile de répondre. C'est d'ailleurs pourquoi nous sommes ici, n'est-ce pas?

Mme Atleo : Je crois que la question touche le financement et le lien avec le contenu des programmes imposés par la province. Si les collectivités des Premières nations pouvaient se débarrasser de cette exigence, elles pourraient le faire, mais le financement dépend du respect de cette exigence. La politique impose ces exigences. Vous avez raison. S'il y avait une législation, il y aurait encore ce problème. C'est ainsi que, en Colombie-Britannique, cela soulèverait un problème majeur dans les domaines où on estime avoir ces pouvoirs et le gouvernement fédéral serait alors certainement d'un avis contraire.

Le président : Nous allons traiter de la législation avec la troisième question.

Chers collègues, passons maintenant au second segment. Dans celui-ci, nous souhaitons recueillir l'opinion des experts sur le caractère désirable de la mise en place de structures d'enseignement consolidées et sur la faisabilité de cette solution.

Certains témoins nous ont laissé entendre qu'il n'est pas réaliste de s'attendre à ce que 630 Premières nations, dont la plupart comptent moins de 1 000 résidants et se situent en régions rurales ou éloignées, puissent gérer efficacement un programme d'éducation avec des ressources limitées.

Plusieurs témoins ont estimé que les Premières nations, prises individuellement, pourraient devoir se regrouper pour fournir des services de second niveau de façon rentable et pour mettre en place des structures régionales ou nationales de gouvernance de l'éducation, comparables aux conseils scolaires et aux ministères de l'Éducation des provinces, si on veut s'attaquer réellement aux écarts dans les résultats scolaires.

On nous a également dit que la consolidation pourrait présenter des difficultés, car certaines Premières nations pourraient être réticentes à transférer ou à céder des pouvoirs aux conseils scolaires ou aux organismes administratifs régionaux ou nationaux de l'éducation.

Pensez-vous qu'il faut s'éloigner des écoles administrées par les bandes pour passer à un système d'éducation plus vaste? Si vous estimez qu'une telle réforme est nécessaire, quel modèle, qu'il y en ait un ou plusieurs, proposeriez-vous et pourquoi?

Comment venir à bout des défis que pose la consolidation. Quelle mesure concrète proposeriez-vous pour aider à s'attaquer à ces défis et réaliser ces réformes?

Estimez-vous qu'une commission nationale de l'éducation aurait un rôle à jouer en sus de ceux des organismes qui pourraient être responsables de l'éducation au niveau régional? Si c'est le cas, quelles seraient les fonctions précises de cet organisme par rapport à celles des autres éléments du système? C'est une question très vaste.

Monsieur McCue, je vous donne la parole. J'ai fait une erreur en vous présentant en disant que vous étiez encore à l'Université Trent. Vous y avez travaillé, mais vous n'y êtes plus.

M. McCue : Permettez-moi d'apporter une précision. Je siège actuellement au bureau des gouverneurs de l'Université Trent.

Le président : Vous grimpez dans la hiérarchie.

M. McCue : Si je vis encore 10 ans, j'y obtiendrai peut-être un poste de cadre supérieur.

C'est une question très importante. Je crois de toutes mes forces qu'il faut absolument dépasser le stade des écoles administrées par les bandes pour se diriger vers la création d'un système réel d'éducation des Premières nations.

J'aimerais faire un commentaire éditorial. Dans le cas de l'éducation des Premières nations, on utilise assez souvent l'expression « système d'éducation ». En réalité, il n'y a pas de tel système, et c'est précisément l'absence de quoi que ce soit ressemblant à un système qui nous a amenés à cette situation difficile, caractérisée par l'état déplorable de l'éducation des Premières nations dans ce pays. Nous devons envisager sérieusement la mise sur pied d'un système d'éducation pour les jeunes Autochtones.

Dans le cadre de la mise en place d'un tel système, nous devons aller au-delà de l'administration par les bandes des écoles pour implanter des structures régionales d'éducation qu'on appelle couramment, dans les systèmes provinciaux, des conseils scolaires. En règle générale, dans toutes les provinces et dans tous les territoires de ce pays, les conseils scolaires assurent ce qu'on appelle couramment les services d'éducation de second niveau. Je ne vais pas vous donner les détails de ce qu'on entend par de tels services, mais, pour l'essentiel, ils viennent en appui au premier niveau du système d'éducation qui est composé des écoles. Il me semble que la plupart des gens savent plus ou moins bien ce que font les conseils scolaires dans les systèmes provinciaux et territoriaux. Nous n'avons aucun établissement de second niveau fournissant des services de type-conseil scolaire aux écoles des Premières nations. Ce second niveau est absolument indispensable.

Dans un système d'éducation, le troisième niveau est composé d'organismes qui fournissent ce qu'on appelle couramment des services éducatifs de troisième niveau. Il s'agit le plus souvent de ministères ou de services de l'éducation. Ils assurent la surveillance et la recherche. Je ne vais pas, là non plus, entrer dans les détails, parce qu'ils font en vérité quantité de choses. Contentons-nous de savoir qu'ils offrent des services éducatifs de troisième niveau à un système d'éducation. Aucun organisme ou établissement n'a joué ce rôle pour l'éducation des Premières nations. J'y reviendrai plus en détail par la suite pour évoquer quelle forme pourrait prendre un organisme d'éducation de troisième niveau des Premières nations.

C'est, à mon avis, ce que nous devons faire. Nous devons mettre en place un système de base coiffant les écoles au premier niveau du système d'éducation. Nous devons instaurer un second niveau comparable à celui des conseils scolaires qui assurent des services éducatifs de second niveau et un établissement de troisième niveau ou un organisme ayant une fonction comparable ou similaire à celle d'un ministère ou d'un service de l'éducation. Je suis prêt à convenir qu'il faudra beaucoup de temps pour y parvenir. Ce n'est malheureusement pas le genre de choses qu'il est possible de réaliser du jour au lendemain. Ce serait merveilleux si c'était possible parce que je crois que nous constaterions des améliorations et des changements beaucoup plus rapidement. Cela dit, je pense qu'il est important que nous ayons comme objectif la réalisation de ce type de plan.

M. Wilson : Au Manitoba, les directeurs de l'éducation des Premières nations ont mis sur pied un groupe de travail appelé Groupe de travail sur le système éducatif des Premières Nations. J'ai transmis une copie du dernier document qui sera soumis à la ratification de l'Assemblée des chefs du Manitoba.

La proposition qui y figure fait l'hypothèse que l'on parvient à se détacher de la dépendance imputable à la Loi sur les Indiens. Il faut d'abord devenir indépendant. C'est l'étape à laquelle nous en sommes maintenant au Manitoba. On y trouve 56 écoles indépendantes. L'étape suivante est celle de l'interdépendance. Il y a un certain nombre de Premières nations qui veulent adopter un modèle interdépendant dans lequel nous commençons à dire que nous pourrions partager des ressources, des outils d'élaboration de contenu et d'évaluation, des ressources humaines, et cetera.

Comme l'a dit M. McCue, nous avons des écoles administrées par une bande individuelle qui procèdent à certaines formes de regroupement au niveau régional. Elles pourraient alors mettre sur pied un comité ou un conseil régional qui serait coiffé par un conseil plus important au niveau de la province. Ce dernier comporterait des représentants de chacune des régions de la province. On aurait alors un surintendant en chef au niveau de la province et des surintendants régionaux.

L'approche retenue par les responsables de l'éducation des Premières nations du Manitoba est que les pouvoirs devraient émaner des collectivités elles-mêmes. Ce sont elles qui délégueraient leurs pouvoirs à ce système. Pour moi, c'est là un élément essentiel. Les pouvoirs ne sont pas délégués au système par le gouvernement fédéral; ils viennent de la base.

Le président : Envisagez-vous quatre niveaux ou trois, comme M. McCue?

M. Wilson : Deux niveaux très certainement. Nous en aurions trois en ce sens que le conseil provincial assumerait une grande part des responsabilités du ministère de l'Éducation dans la province. Le financement constitue un point séparé dont je crois que nous allons parler plus tard.

Le président : C'est exact.

M. Stonefish : Oui, je suis d'accord avec l'idée de conférer des pouvoirs aux écoles des Premières nations. C'est une solution qui me paraît logique financièrement et qui permet également de se doter de normes pour l'acquisition de capacités.

Si vous avez des organismes ayant des pouvoirs en matière scolaire, comme les systèmes scolaires des provinces, vous aurez alors des normes sur les infrastructures s'appliquant à l'état des écoles ou de vos autres biens. Il n'y a pas d'écoles en mauvais état dans le système scolaire de la province. Les responsables s'assurent que les écoles sont entretenues et que leur financement est assuré. Ils s'adressent à la province pour obtenir des fonds additionnels pour l'entretien de ces écoles. Dans le cas des Premières nations, nous n'avons personne à qui nous adresser pour assurer l'entretien de nos petites écoles.

L'autre volet de cette question est la structure des ressources humaines, les compétences et l'expérience que l'on retrouve dans les conseils scolaires grâce à leur grand nombre d'éducateurs, aux surintendants et aux équipes responsables des contenus de programmes. Ce sont là des exigences minimales pour offrir divers programmes dans des écoles différentes, qu'il s'agisse d'écoles à vocation artistique, commerciale ou autre. On compte sur un minimum de ressources dans ces écoles.

L'autre question qui se pose est celle du partage des ressources dans les domaines des programmes d'études et de l'excellence de l'enseignement. On trouve dans les conseils scolaires des équipes responsables des programmes d'études. Il y a des collectivités de formation professionnelle à l'intention des enseignants. Des spécialistes se rendent dans les écoles pour aider les nouveaux enseignants et des programmes facilitent la tâche des nouveaux enseignants. Les Premières nations ne disposent pas de ce type de ressources.

Il y a également les problèmes d'équité salariale, de stabilité de l'emploi et de perspectives d'avenir. Les écoles des Premières nations constituent une première étape pour les enseignants en leur permettant d'entrer dans le système public. Dans le sud-ouest de l'Ontario, chaque année, nous perdons probablement les deux tiers de nos enseignants.

Si le système des écoles publiques n'accueille pas de nouveaux enseignants, il est par contre ravi d'accueillir ceux qui ont enseigné aux Premières nations parce qu'ils sont très sensibilisés aux questions concernant ces Premières nations. C'est pourquoi nous perdons beaucoup de nos enseignants. Ceux qui viennent chez nous sont ceux qui ne peuvent entrer dans le système des écoles publiques. Ils peuvent par contre y parvenir en passant par nos écoles. Ils n'ont pas à prendre d'engagements. Cela s'explique en partie parce qu'ils n'ont pas chez nous de perspectives réelles de carrière, nos budgets étant consacrés à l'administration de nos écoles. Nous avons beaucoup de difficultés à conserver nos enseignants.

Une autre question qui se pose est celle de la recherche et du développement en éducation. Le système provincial dispose de programmes de recherche en éducation, comme des systèmes de données. Cela permet à la province d'analyser des données et d'élaborer des stratégies d'enseignement pour ses écoles des Premières nations. Nous n'avons pas ce type de moyens. Si vous êtes une école indépendante, vous n'avez pas accès à ces ressources, aux éducateurs ou aux psychologues que mettrait à votre disposition un organisme responsable des écoles.

La collectivité haudenosaunee, l'un des membres de la Coalition autochtone pour l'éducation, a adopté un concept que l'on pourrait appeler la « formation d'un chef ». Ces gens sont choisis pour être des chefs quand ils sont jeunes. Tout au long de leur vie, ils sont mis en relation avec des gens en mesure de leur apprendre ce dont ils auront besoin pour devenir des leaders. Ceux qui suivent ce processus, qui sont choisis pour cela, se voient offrir toutes les possibilités d'amélioration, de formation, de progrès et d'acquisition de connaissances pour être en mesure d'assumer des rôles de leader. Dans les écoles des Premières nations, nous ne pouvons former un éducateur parce que nous ne parvenons pas à ce qu'il reste chez nous. Nous ne pouvons pas les rémunérer pour les attirer et les faire rester dans nos écoles. Si nous voulons former un éducateur comme cela se fait dans le système public, il faut commencer en prenant un enseignant. Si vous êtes un bon enseignant, vous allez devenir directeur adjoint. Si vous êtes un bon directeur adjoint, vous pourrez devenir directeur. Si vous êtes un bon directeur, vous pourrez alors être affecté à un projet spécial sur les programmes d'études ou sur la formation des enseignants. À partir de là, vous pouvez devenir surintendant ou directeur de l'éducation. Vous ne devenez pas directeur de l'éducation tout simplement parce que vous avez fait acte de candidature et avez un baccalauréat. Il y a dans nos écoles des Premières nations des directeurs de l'éducation qui n'ont aucune formation en éducation. Ils n'ont jamais eu la chance de s'exercer à ce niveau de leadership.

Lorsque vous réfléchissez aux autorités scolaires, aux systèmes, ou aux possibilités que permet le partage des ressources, vous constatez qu'il y a quantité de choses qui manquent à nos écoles des Premières nations.

Le président : Êtes-vous d'avis qu'il faut abandonner le modèle des écoles administrées par des bandes? La consolidation est-elle une réalité ou un rêve pour l'avenir?

M. Kelly : Je n'ai aucun doute qu'il faut abandonner le modèle des écoles de bande administrées et financées individuellement. Au sein de la division scolaire Northland, nous occupons le même territoire que celui couvert par le traité traditionnel et la Première nation. Nous couvrons dans une large mesure les mêmes collectivités et veillons à l'éducation des mêmes élèves. Les disparités entre les ressources dont disposent nos écoles et les écoles administrées par des bandes sont assez préoccupantes.

Comme surintendant d'une administration, l'écart entre les ressources auxquelles j'ai accès et celles dont disposent nos homologues de la Première nation, pour veiller à l'éducation des mêmes enfants dans les mêmes collectivités, est assez préoccupant.

Ce que vous a dit M. Stonefish sur la disponibilité de services de second niveau, sur les inégalités que l'on constate en matière de rémunération, et cetera, est tout à fait exact.

Sur cette base, je n'ai aucun doute qu'il faut viser une forme de consolidation des écoles administrées par des bandes. Toutefois, j'attire l'attention sur le fait que l'agrégation dont nous parlera Affaires indiennes et du Nord Canada ne saurait être imposée par Ottawa ou par l'un de ses bureaux régionaux. Je sais que de nombreuses Premières nations sont préoccupées parce qu'elles ont posé des questions. AINC a parlé de mettre sur pied des regroupements depuis de nombreuses années. Le ministère prendrait un certain nombre d'écoles administrées par des bandes et décréterait qu'elles constitueraient désormais une administration régionale ou que, pour recevoir leur financement, elles devraient se regrouper.

Au sujet de quelque forme que ce soit de consolidation, je voudrais vous prévenir de deux choses. Tout d'abord, les regroupements ou les régions, quel que soit le nom qu'on leur donne, devraient être décidés par les Premières nations de la région. L'autre point est une suggestion : vous ne devriez pas prendre un modèle de conseil scolaire provincial et décréter ensuite que, puisque ce modèle fonctionne pour la province, il fonctionnera bien évidemment pour les Premières nations de l'Alberta ou de la Colombie-Britannique, parce que je ne crois pas que c'est un postulat qui serait largement accepté dans ces deux provinces.

Je crois que la possibilité d'une consolidation est très réelle. Les Premières nations ont réalisé que cela fait nombre d'années qu'elles sont tout à fait désavantagées pour offrir des services d'éducation dans leurs collectivités et elles en ont conclu que la consolidation leur apporterait des avantages.

Le regroupement, la structure de conseils scolaires ou toute forme d'entités régionales dotées de pouvoir devra être décidé par les Premières nations. Je crois que cela nécessitera de vastes consultations dans les collectivités. Si la consolidation est imposée, je ne crois pas que vous obtiendrez les résultats que vous pourriez en espérer.

M. McCue : Monsieur le président, avant que M. Kelly vous réponde, vous avez demandé si la consolidation est une réalité ou un rêve pour l'avenir. Je peux vous dire, de façon catégorique, que s'il n'y a pas de consolidation pour l'éducation des Premières nations dans ce pays, les résultats scolaires des jeunes des Premières nations ne s'amélioreront pas.

Mme Atleo : Cela me rappelle la consolidation des bandes à laquelle on a procédé pour des raisons administratives. La situation me paraît très similaire. Dans ma collectivité, nous avons eu la consolidation de trois bandes différentes qui ont dû apprendre à collaborer parce que, de façon traditionnelle, elles étaient très indépendantes les unes des autres. Cela prend du temps pour faire ce genre de démarche.

Si je conviens que la consolidation est nécessaire, il faut qu'elle se fasse dans les régions. Il se peut que les domaines de compétence sur lesquels elles doivent porter ne soient pas ceux que nous attendions. C'est là une question importante pour les provinces et pour le gouvernement fédéral. Il faut que les Premières nations soient en mesure d'organiser de vastes consultations à ce sujet parce que cela devient une forme intime d'interaction au niveau de l'école et de la collaboration. Si, de façon traditionnelle, en particulier au gouvernement fédéral, on s'est efforcé d'obtenir des économies d'échelle grâce aux regroupements, nous visons également la durabilité, et on ne pourra y parvenir grâce aux économies d'échelle de la même façon que nous l'avons fait par le passé. Nous prenons de plus en plus en compte la diversité. C'est une notion sur laquelle les peuples autochtones se sont penchés et ils sont devenus les promoteurs de ce type de stratégies diversifiées au sein de leurs collectivités à travers le Canada. De façon très différente de ce que l'on trouve dans les systèmes non autochtones, les collectivités accordent plus d'importance à la diversité et à la divergence qu'à la convergence. Il faudra résoudre les problèmes de regroupement par la négociation.

Nous devons comprendre que ce type de solution sera durable parce qu'il fait partie de ce que nous avons connu. La solution actuelle n'est pas durable et les regroupements ne régleront pas nécessairement ce problème.

M. Stonefish : Nous avons tant d'affiliations politiques en Ontario. Dans les autres provinces, un second niveau administre les services pour la majorité de la province, sinon pour son ensemble. La situation difficile qui prévaut en Ontario, des points de vue politique et géographique, fait que les regroupements seront difficiles.

Les regroupements répondent à une logique financière parce qu'ils assurent l'égalité du financement et des possibilités d'acquisition de capacités et d'élaboration de modèles allant au-delà de la gouvernance dans le cadre des affiliations culturelles ou linguistiques. Quand vous réfléchissez en dehors du cadre établi à la façon dont la vie sociale se déroule au sein des Premières nations, de leurs familles et de leurs collectivités, vous voyez les possibilités qu'offriraient des organismes régionaux dotés de pouvoirs.

L'Union of Ontario Indians s'efforce actuellement de mettre sur pied un conseil scolaire. Il reste beaucoup de travail à faire sur le modèle financier d'un tel conseil pour déterminer ce qu'il coûtera, le montant de financement que chaque école recevra, y compris les écoles éloignées et les services de ramassage scolaire pour que tous bénéficient d'un accès égal. C'est ce qui permettra le regroupement de façon à ce que les Premières nations disposent de pouvoirs réels, de possibilités égales et de moyens d'acquisition de capacités pour fournir les services d'éducation dans leurs collectivités.

Le président : La dernière partie de la question portait sur une commission nationale de l'éducation. Quelqu'un souhaite-t-il faire des commentaires précisément sur ce sujet?

M. McCue : Cela nous ramène à la question que vous avez posée à M. Wilson quant à savoir si un organisme provincial d'éducation des Premières nations serait justifié en même temps qu'un organisme national. De mon point de vue, un organisme provincial d'éducation des Premières nations constituerait certainement un élément du troisième niveau de service dont j'ai parlé précédemment. De la même façon, un organisme national, qu'il s'agisse d'une commission ou d'un conseil national de l'éducation, doté d'une forme quelconque de structure au niveau national, constituerait aussi un élément fonctionnel d'un troisième niveau de service d'éducation dans un système d'éducation des Premières nations.

Un organisme national d'éducation des Premières nations aurait un rôle à jouer dans ce pays. Très franchement, un organisme national d'éducation aurait un rôle à jour au Canada dans l'éducation des Canadiens. Nombreux sont ceux qui se plaignent que notre Constitution ne permette à un organisme national de jouer qu'un rôle mineur en éducation, en règle générale.

Il en serait ainsi s'il n'en tenait qu'à moi. Si on étudie un système d'éducation des Premières nations et qu'on le met en place, je prônerais certainement de façon énergique la mise sur pied d'un organisme national, en plus des autres organismes qu'il faudrait instaurer à l'autre niveau, qu'il s'agisse d'un organisme provincial ou régional, pour compléter les écoles locales.

Un tel organisme national aurait pour l'essentiel un rôle de surveillance. Il veillerait ainsi au respect des normes en matière d'éducation, s'attaquerait à toute difficulté dans la province ou dans le territoire et procéderait à des recherches qui seraient utiles aux autres organismes d'éducation du système pour s'assurer que l'éducation des Premières nations demeure à la fine pointe.

Le président : Si je vous comprends bien, vous auriez quatre niveaux : l'école au premier, le conseil scolaire au second, l'organisation provinciale au troisième et un organisme national au quatrième. Est-ce bien ce que vous dites?

M. McCue : Oui. Qu'il y ait trois ou quatre niveaux, il faut qu'il y ait un élément national.

Le sénateur Meredith : Messieurs Wilson et McCue, vous nous avez dit que la consolidation ne devrait pas être imposée par le sommet, mais commencer au niveau de la collectivité. Je conviens que l'élément culturel dont a parlé M. Stonefish doit venir du niveau de la collectivité. Il y a des difficultés. Y a-t-il une volonté ferme de la part des leaders que cela se fasse? Nous pourrions délibérer à ce sujet. Je suis passionné par les questions concernant les jeunes et je constate qu'ils sont nombreux à être victimes d'abus au quotidien, dont les vies ont été ruinées de façon régulière au cours des années et encore aujourd'hui et je reviens encore une fois à la question du leadership. Les leaders manifestent- ils une volonté réelle de voir se concrétiser ce genre de solutions?

Vous avez parlé des quatre niveaux et le président y a fait allusion, quelle que soit la solution que vous choisissiez, mais y a-t-il une volonté bien réelle de voir les choses se dérouler de cette façon? Vous pouvez rédiger des politiques et exercer une influence sur les choses, mais je tiens à m'assurer qu'il y a un engagement réel à aller de l'avant. Pouvez- vous nous donner de plus amples détails sur cet aspect des choses.

M. Wilson : Au niveau des collectivités, la volonté de voir des améliorations est manifeste. Les gens veulent constater des changements et, d'après mon expérience, ce sont les parents qui le demandent. Comme ancien directeur de l'éducation, je peux vous dire que nous publions chaque année dans notre collectivité un rapport sur l'éducation. Toutes les données que nous recueillons y figurent. Nous le présentons à la collectivité et ce sont les parents qui ont demandé des améliorations, et continuent à le faire. Ils nous demandent : « Pourquoi n'y a-t-il pas un plus grand nombre de nos enfants qui parlent le cri? ». Pendant des années, nous avons enseigné le cri dans nos écoles sans que jamais quelqu'un n'apprenne vraiment à le parler. Les parents nous ont lancé un défi en nous demandant : « Pourquoi offrez-vous des cours de cri si, au bout du compte, aucun des étudiants ne réussit à le parler? » C'est pourquoi nous avons mis sur pied un programme d'immersion qui a permis à des gens d'apprendre réellement à parler le cri. Ce sont les parents qui nous ont poussés à le faire. Nous avons présenté nos évaluations provinciales de deuxième année, qui étaient inférieures aux moyennes provinciales. Ce sont des données dont tout le monde doit prendre connaissance. Ce sont les parents qui nous ont poussés sur cette voie et qui nous ont demandé ce que nous faisions pour améliorer ces résultats. Ils voulaient voir notre plan pour améliorer les résultats aux évaluations provinciales afin que nos étudiants obtiennent des notes supérieures aux moyennes. Ce sont donc les parents qui ont poussé les responsables de l'éducation et les responsables politiques à apporter des changements.

Au Manitoba, le processus a reçu l'appui de l'Assemblée des chefs du Manitoba, par l'intermédiaire du Centre de ressources éducationnelles des Premières nations du Manitoba, qui facilite et dirige beaucoup de travaux sur l'élaboration de services de second et de troisième niveaux. Ce processus a reçu beaucoup d'appuis sous forme de résolutions à de nombreux niveaux, avec la mise sur pied de tous les groupes de discussion, la publication de rapports sur l'état d'avancement des travaux, et cetera.

M. McCue : Je vous remercie de poser cette question. C'est une question légitime.

À mon avis, étant donné les statistiques terribles sur l'éducation des Premières nations dans ce pays, il est malheureux qu'il n'y ait pas eu de grands mouvements de protestation et cela amène certainement à se poser des questions comme les vôtres, soit à se demander s'il y a un réel appétit pour des réformes fondamentales de l'éducation de la part de nos leaders?

Il ne fait aucun doute que les responsables politiques des Premières nations feront de la résistance, pour toute une gamme de raisons. La seconde partie de la deuxième question soulève des problèmes qu'il faudra régler pour venir à bout de certaines de ces résistances. Il faudra absolument se doter d'un processus essentiellement consultatif qui permettra d'énoncer les détails d'une proposition de mise en place d'un système d'éducation des Premières nations. Une telle proposition devra indiquer quels avantages elle devrait apporter et préciser les coûts éventuels auxquels il faudra s'attendre. En utilisant cette proposition ou cet exposé comme base des consultations, je crois qu'un comité ou qu'une commission des Premières nations, peu importe le nom qu'on lui donne, mise sur pied dans les règles, devrait consulter et rencontrer les leaders et les collectivités des Premières nations en utilisant l'exposé comme base d'interaction et de discussion. Ce processus de consultation devrait permettre de corriger ou de modifier ce qui figure dans l'exposé en question et de passer ensuite à l'étape des mesures qui conviennent.

Je pense qu'un processus, quelle que soit sa forme qui ne sera pas nécessairement celle que j'ai décrite, permettrait de s'attaquer à ce problème et, dans une certaine mesure, d'atténuer les objections ou les préoccupations que les dirigeants des Premières nations pourraient avoir concernant ces réformes fondamentales. Toutefois, cela dit, une fois cernée une façon hypothétique de faire face aux préoccupations que les leaders pourraient avoir, il serait également important de convenir que quelque chose devrait avoir été fait à la fin du processus, indépendamment des commentaires que la démarche en question aurait suscités. Il est manifeste que le statu quo ne peut se poursuivre pendant une autre décennie ou deux.

Le président : Je vous remercie.

Chers collègues, nous aurons tout à l'heure une période de questions, mais si quelqu'un souhaite apporter des précisions sur ce sujet, je l'invite à le faire. C'est l'une des premières fois où j'ai été impliqué dans ce type de processus qui est, dans une certaine mesure, expérimental.

Le sénateur Dyck : Je tiens à poursuivre sur les commentaires concernant le processus. Monsieur McCue, je suis d'accord avec ce que vous avez dit, soit qu'il est essentiel que le processus prévoie des consultations. Il est probable que si l'on n'a pas recours à un processus qui convienne, rien ne se produira, on n'obtiendra pas d'adhésion au projet de réforme et les gens ne verront pas les avantages se concrétiser.

Puisque ce processus est lui-même aussi important et essentiel à la réussite de tout le projet, pouvez-vous nous dire qui, à votre avis, devrait décider comment ce processus se déroulera? Il me semble, en me fiant à mes six ans d'expérience à ce comité, que le processus mis en place par le passé par Affaires indiennes et du Nord Canada n'a pas été nécessairement bien accepté par les collectivités ou par les dirigeants. Il faudrait peut-être même organiser une consultation dans la phase de définition des modalités pour aller de l'avant. Si vous vous présentez dans une collectivité avec un programme défini et offrez deux ou trois options, il ne s'agit pas réellement d'une consultation. Il est important de définir quels sont les leaders qui sont impliqués et, quand vous vous adressez à une collectivité, ce que cela signifie. M. Wilson nous a rappelé combien les parents sont importants. Nous ne voulons pas nécessairement les exclure, mais nous tenons à nous assurer que nous englobons toutes les personnes qui devraient être impliquées. Y a-t-il une façon de faciliter ce genre de consultation pour maximiser les possibilités de réussite?

Le président : Je crois, madame Atleo, que vous vouliez dire quelque chose.

Mme Atleo : Je crois que nous voulons avoir quelque chose de passablement différent. Le type de processus mis en place de façon traditionnelle ne générait pas vraiment de dialogue. Quand nous parlons de consultations, il faut savoir qu'en règle générale, les Premières nations s'intéressent réellement au dialogue et pas uniquement à une contrepartie, qui signifie en réalité le statu quo, en fonction de qui détient le pouvoir. Les questions qui concernent le dialogue me paraissent essentielles pour avoir de vraies consultations. Nous avons entendu cette affirmation maintes et maintes fois. Il ne s'agit pas de se présenter à la table en ayant en fait une intention bien arrêtée. La seule intention qu'il faut avoir est de parvenir à ce que les questions abordées aient un sens pour les deux parties. Le problème du pouvoir constitue un aspect réellement important de tout cela.

Vous vous adressez à des gens différents selon le type d'information que vous voulez obtenir. S'ils ne peuvent entrevoir comment se présente l'avenir, il se peut que les leaders ne soient pas sensibles aux principaux types de changements proposés. Cela pose une difficulté. Si la question est pertinente, j'ai néanmoins de la difficulté avec ce qu'implique le commentaire du sénateur Meredith, à savoir qu'il s'agit là d'un processus intentionnel, ce qui revient à dire qu'il y a un intérêt délibéré et qu'on attribue des motivations à la façon dont les choses se déroulent avec les enfants dans les collectivités.

J'aimerais revenir à ce qu'a dit M. McCue au sujet d'une commission à laquelle siégeaient des Autochtones et des non-Autochtones. Il me semble que c'est là une dimension importante, car autrement nous aurions simplement une conversation dans le cadre de la Loi sur les Indiens et avec Affaires indiennes. À moins que les éléments qui constituent l'éducation ne soient présentés au niveau fédéral, pour que nous puissions parler d'éducation du point de vue des Premières nations avec les autres systèmes d'éducation, nous n'aurons pas du tout de conversation au niveau fédéral. Je crois que c'est Paul Cappon, du Conseil canadien sur l'apprentissage, qui a recommandé la mise sur pied d'une commission fédérale sur l'apprentissage, qui permettrait à ces divers intervenants de participer à ce processus. C'est une solution que je pourrais envisager. Je crois que cela se ferait au quatrième ou au cinquième niveau. Le système d'éducation des Premières nations pourrait s'entretenir à ce niveau avec les autres systèmes d'éducation en dehors du cadre de la Loi sur les Indiens et sans AADNC. C'est ce à quoi nous pourrions nous attendre pour des consultations de type constitutionnel. Ce serait une aide inestimable pour le processus. Il s'agit de manifester ce type de respect au niveau constitutionnel. Les pouvoirs sont conférés à ce niveau et pas uniquement par la Loi sur les Indiens. La Constitution l'emporte sur la Loi sur les Indiens dans ce domaine, en particulier dans le cas des questions concernant la vie morale et l'éducation. Ce pourrait être une solution controversée, mais il me semble que c'en est une qui convient pour assister à ce type de développement, et je crois que l'adhésion des leaders serait alors importante.

M. Stonefish : Derrière le processus, il doit y avoir un engagement. Je vous ai parlé des divers documents que j'ai étudiés. Tant de recommandations ont été présentées et nous avons dépensé tant d'argent à consulter les collectivités, sur les traditions en éducation et sur la Commission royale sur les peuples autochtones. Tout cela a donné différentes recommandations qui n'ont réellement mené nulle part. S'il y a 30 recommandations, vous prenez les cinq premières les plus faciles à concrétiser. Vous faites cela et vous laissez les difficiles de côté. Élaborer un système d'éducation sera l'une des recommandations difficiles. Il faut qu'il y ait une volonté sous-tendue par des engagements. Le problème le plus important posé par ce processus sera de savoir si les leaders des Premières nations ont confiance dans ce qui se déroule. Vont-ils croire que cela va vraiment mener quelque part cette fois-ci?

Je siège au Comité de l'évaluation, de la mesure du rendement et de l'examen mis sur pied par l'APN et AADNC. Nous y parlons d'un système d'information sur l'éducation, qui coûte 30 millions de dollars, et on nous explique ce qui va se passer. Il n'y a pas de consultations avec les collectivités. J'ai demandé qu'on nous décrive ce qui se passe, qu'on nous explique le processus en place, qu'on nous parle des partenariats, de ce qu'on en retirera à la fin. Je n'ai rien obtenu de tout cela. Toutes les provinces siègent à ce comité et, la fin de semaine dernière, j'ai reçu des courriels de personnes me disant qu'elles ne respectent pas ce processus et qu'il ne s'agit pas d'une consultation. Comment les représentants des Premières nations pourraient-ils croire en ceci quand on leur dit qu'il n'y a pas de consultation et qu'il y a des intentions cachées. Nos Premières nations veulent ces consultations. Depuis combien de temps avons-nous géré nos écoles sans argent? Nous voulons que nos étudiants connaissent ce type de réussite, mais le problème qui se pose est de savoir comment concrétiser ce vœu et comment les amener à y croire.

M. McCue : Il ne fait aucun doute que tout processus impliquant les collectivités doit être préparé très soigneusement dans tous ses détails. Nous avons quantité de preuves que, dans ce pays, les choses ont pu aller de l'avant dans des domaines importants sans heurts, en respectant les autorités et les sensibilités, et en même temps en leur manquant de respect. Je fais allusion ici à la création de la Fondation autochtone de guérison, de la Commission de vérité et de réconciliation du Canada et de la Commission royale sur les peuples autochtones. Nous disposons de précédents dans ce pays sur la façon de mettre en place des processus qui ont été plus ou moins réussis sans nécessiter de délai excessif pour s'assurer que chaque niveau d'administration et de pouvoir était respecté dans toutes les régions et dans toutes les provinces.

Tout en respectant le commentaire du sénateur Dyck sur les modalités de démarrage du processus, je dois dire que ce ne sera pas facile. Dans les faits, des processus importants ont été lancés dans ce pays avec un minimum d'interférences et des coûts réduits, et ils se sont avérés plus ou moins réussis. Cela a été fait. Nous sommes en mesure de faire ce dont nous parlons ici : préparer et réaliser des réformes fondamentales dans l'éducation des Premières nations. Il faut le faire de façon complète et délicate comme l'a indiqué M. Stonefish, sinon des problèmes apparaîtront. Ce qui importe est que cela doit être fait, devrait être fait et, à mon avis, peut être fait.

M. Kelly : Nous avons couvert pas mal de matières ici en peu de temps.

Permettez-moi de revenir en arrière. Il ne fait aucun doute qu'il devrait y avoir une forme quelconque de commission nationale de l'éducation. Celle-ci aurait un rôle précis. Nous devons définir avec soin le rôle de la commission nationale. Nous devons veiller à ce qu'elle ne devienne pas un organisme de surveillance de tout ce qui se passe en éducation autochtone dans le pays. Il ne faut pas qu'elle devienne un autre ministère. Elle doit être un facilitateur. Il faut également que, comme groupe, elle agisse comme médiateur entre les trois paliers de gouvernement. Je lui vois un rôle bien précis. Toutefois, il faut aussi que ce soit une commission qui s'assure que les ressources nécessaires sont bien là et qu'elles soient financièrement viables. Il ne faut pas qu'elle dise : « Voilà ce qui va se passer dans nos collectivités. »

Sénateur Dyck, je vous remercie de vos commentaires parce que ce que M. McCue a dit est exact. Un nombre important d'initiatives a bien réussi, mais un nombre également important a échoué. Nous devons être attentifs à tout processus que nous suivrons en mettant sur pied n'importe quel type de structure à un, trois ou quatre niveaux. Il doit y avoir un élément important d'implication communautaire.

Cela peut être fait. Des processus ont été mis en place par le passé qui ont permis de s'assurer de la réussite. Nous devons prendre le temps et les engagements indispensables pour faire les choses correctement. Il est indispensable qu'il y ait plus d'un dialogue dans la collectivité ou d'une visite rapide au cours de laquelle on se contenterait de dire « C'est ainsi que j'interprète ce qui a été dit et c'est de cette façon que les choses devraient se dérouler ». Nous devons veiller à ce qu'il y ait un processus qui implique activement et en profondeur les collectivités.

Pour répondre à la question du sénateur Meredith, il y a manifestement une volonté en ce sens. Dans toutes les collectivités des Premières nations, on constate une passion réelle pour l'éducation. La difficulté à laquelle nous sommes confrontés est que ce qui a été mis en œuvre jusqu'à maintenant n'a pas, dans une large mesure, donné les résultats escomptés. Tant qu'on tentera d'imposer « de bonnes idées », celles-ci ne seront pas accueillies à bras ouverts.

Nous devons donc nous assurer que la démarche que nous suivrons, quelle qu'elle soit, implique sérieusement la collectivité et traduise un respect de la culture en prenant en compte les modalités de l'implication dans les diverses collectivités des Premières nations.

Le président : Nous allons maintenant aborder le type de législation qu'il serait possible de retenir, discuter brièvement des modalités de financement et permettre ensuite aux sénateurs de poser des questions. Il nous reste quelques questions à poser à nos experts. Même si je souhaite réserver autant de temps que possible aux questions des sénateurs, profitez du savoir des personnes que nous avons invitées parmi nous aujourd'hui est plus important par certains aspects. Je suis là à l'entière disposition du comité.

J'en viens donc à la législation possible. Nous aimerions que les témoins nous disent s'ils estiment qu'une nouvelle législation fédérale sur l'éducation des Premières nations est nécessaire. Nous avons traité de ce sujet en partie pendant nos discussions précédentes. Des témoins nous ont dit que les dispositions sommaires et dépassées de la Loi sur les Indiens ne fournissent pas le cadre législatif adéquat pour le renouvellement de l'éducation des Premières nations, car elles ne reflètent pas les objectifs et ne servent pas non plus les intérêts des Premières nations en matière d'éducation. Certains ont laissé entendre qu'une loi fédérale, ouvrant la voie à différentes options organisationnelles, permettrait de jeter les bases d'un système réformé de gouvernance, de financement et de reddition de comptes, en plus de clarifier les attributions de chacun.

Si vous estimez qu'une législation nationale est indispensable pour jeter des bases solides permettant d'assurer l'éducation des Premières nations, nous aimerions que vous nous citiez quelques-uns des principes qui pourraient présider à une telle législation et que vous nous fassiez part de vos opinions sur les questions suivantes : quels pourraient être les objectifs précis d'une législation fédérale sur l'éducation? Quelle forme pensez-vous qu'elle devrait prendre? Que devrait faire précisément cette législation? En d'autres termes, quels seraient ses principaux éléments? Comment la législation nationale sur l'éducation du gouvernement fédéral pourrait-elle interagir avec les ententes actuelles sur les compétences en éducation au niveau régional, comme celles en vigueur en Colombie-Britannique et en Nouvelle-Écosse, avec les obligations nées des traités, ainsi qu'avec la politique de la maîtrise indienne de l'éducation indienne reconnue officiellement par le gouvernement du Canada?

Mme Atleo : C'est un sujet intéressant. Je viens de la Colombie-Britannique et cela fait des années que je vis au Manitoba et travaille dans le secteur de l'éducation. Je suis davantage impliquée dans ces questions d'un point de vue universitaire que par une participation et une expérience directes dans le domaine. C'est une bonne chose que différents modèles se soient développés à travers le pays. Je réaffirme néanmoins que la Loi sur les Indiens et la bureaucratie ont usurpé les possibilités de développement des Premières nations dans le contexte dans lequel elles vivent. Tout ce processus, avec l'appui de la législation, ne leur a pas le plus souvent fourni l'occasion de se développer dans ces contextes. Nous pourrions nous reporter au document de M. McCue et au type de travaux dont il a parlé. Il nous faut une loi qui facilitera les choses et permettra aux Premières nations de structurer le système, parce qu'il en a été empêché depuis trop longtemps. Les modalités actuelles n'ont rien donné jusqu'à maintenant et doivent évoluer et s'interfacer avec les systèmes actuels.

On espérait que, d'une façon ou d'une autre, les choses ne se passeraient pas ainsi mais nous n'avons pas de structures facilitantes qui l'auraient permis. Je m'en remets à M. McCue sur certains aspects de cette structure facilitante. Je vais plutôt parler de la nécessité absolue de ces structures et de possibilités suffisantes pour permettre la diversité entre les régions. Nous avons assisté à ce type de développement, mais il ne devrait pas s'agir uniquement de projets pilotes lancés par Affaires autochtones et Développement du Nord Canada. Nous n'avons pas d'approches englobant tous ces projets, et qui seraient pourtant absolument essentielles. Nous n'avons pas non plus de telles approches pour les activités provinciales en éducation. Le volet « pan » vient de la Loi sur les Indiens. Les Premières nations nous fournissent ce type de diversité dans tout le Canada. En réalité, la diversité et la durabilité sont en train de devenir des projets exportables, une dimension importante d'une ressource canadienne que nous devrions apprécier pour mettre en place des structures facilitantes au lieu de les bousiller.

De plus en plus, nous considérons que nos structures actuelles d'éducation, de la maternelle à la 12e année, sont très problématiques étant donné la façon dont elles sont organisées à cette ère de mondialisation. Les Premières nations ont déjà eu certaines de ces stratégies sous-jacentes dans leur système d'éducation avant celles que nous commençons à examiner maintenant. Voilà ce que j'ai à dire avant de passer le flambeau à M. McCue pour des commentaires plus précis sur la dimension législative.

Je suis tout à fait partisane d'un certain niveau de législation qui regrouperait les systèmes autochtones et non autochtones au niveau fédéral. De toute façon, ils ont déjà des interfaces, sauf dans la bureaucratie. Il faut que nous ayons des effets de retombées et de relance de ce genre d'information sur les stratégies, ce qui n'est pas réellement le cas pour l'instant.

M. Kelly : Lorsque j'ai entendu la question, je me suis penché vers M. McCue pour lui dire que nous devrons nous en remettre à ce document, ou elle est bien traitée.

Une telle législation est nécessaire. Le volet préoccupant de la situation, avec l'absence des législations, est que, tel que je le comprends, l'éducation régie par le fédéral relève d'une politique. Dans cette situation, toutes les décisions peuvent être prises à un niveau bureaucratique ou même au niveau ministériel. Des modifications à la législation nécessiteraient un débat au Parlement et des consultations publiques. Au niveau fédéral, l'éducation est régie par des politiques. C'est pourquoi n'importe qui peut dire « Nous allons plafonner les hausses de financement de l'éducation des Premières nations à 2 p. 100. » C'est une mesure qui s'applique depuis 10 ou 12 ans, ce qui est beaucoup trop long. C'est vraiment paralysant. Il ne fait aucun doute qu'il faut, dans ce pays, une législation sous la forme d'une loi sur l'éducation. Quant aux caractéristiques précises de cette loi, je m'en remets au document de M. McCue qui traite très bien de cette question.

J'ajouterais que toute forme de législation doit toujours permettre la possibilité d'instaurer n'importe quel type de relations ou de partenariats avec les homologues provinciaux. Mme Atleo a raison de dire que tout ce que l'on voit arriver dans le domaine des partenariats en éducation entre les Premières nations et les provinces l'est du fait de la bureaucratie plutôt que de la législation. Dans le territoire où je travaille, nous avons bon nombre de discussions avec des écoles administrées par des bandes sur des partenariats pour nous permettre de partager les ressources disponibles au niveau provincial, qui ne le sont pas au niveau des Premières nations.

Plus important encore, nous tenons à ces partenariats parce que nous faisons affaire avec les mêmes enfants et que nous avons beaucoup à apprendre du système administré par des bandes. Nous sommes d'avis que nous pourrons améliorer la prestation des services d'éducation en nous assurant de relations importantes entre les écoles administrées par des bandes et financées par le fédéral et nos écoles provinciales.

L'autre raison pour laquelle je pense qu'il faut laisser de la place pour les partenariats est que, dans tout ceci, les provinces ont un rôle à jouer dans l'éducation des Premières nations. À l'époque où je m'occupais de l'application du traité no 8 et lors de nos conversations avec la province, nous étions toujours d'avis qu'elle a également une responsabilité financière. Ce n'est pas uniquement une responsabilité du gouvernement fédéral. Il serait inconcevable que la province mette en place un financement ciblé ou des programmes très précis à la disposition des étudiants provinciaux et que les étudiants fédéraux n'en bénéficient pas parce que les étudiants des Premières nations qui résident en Alberta sont également des Albertains. Ils devraient profiter des richesses générées par les ressources naturelles et des genres de programmes offerts aux étudiants de la province.

Il faut qu'elle ait un rôle à jouer. Celui-ci doit être défini et les discussions doivent toujours être possibles. Il faudra vous assurer, lorsque la législation sera en vigueur, de ne pas retirer cet aspect-là des choses.

M. Wilson : En vérité, je suis très curieux de la réponse que M. McCue va vous donner, mais je vais me jeter à l'eau pour ne pas devoir me contenter de répéter ce qu'il vous aura dit.

Il faut sans aucun doute une législation fédérale. Une fois encore, il va bien falloir définir l'expression « conférer des pouvoirs », ou le terme « habilitant », ou encore qu'on lui préfère « facilitant » ou « permettant ». Que recouvre précisément cette notion? Il faut que les objectifs précis de la législation se traduisent par l'inscription dans celle-ci d'une infrastructure de financement afin que, comme l'a dit M. Stonefish, il y ait un objectif final que les collectivités et leurs leaders puissent voir en faisant ce choix.

L'un de ses objectifs devrait être, à mon avis, d'éliminer AADNC du secteur de l'éducation afin que les collectivités qui adhèrent à cette législation le fassent pour l'essentiel en adoptant un système autosuffisant et autonome, non soumis à la surveillance d'AADNC. J'essaie de trouver la bonne formulation. Le financement serait pour l'essentiel acheminé directement du Conseil du Trésor au système, qui est l'objectif final que les gens peuvent voir. Il faut un système autonome.

Cela nous amène à la dernière question. Une question très importante dans ma région, au Manitoba, est le droit à l'éducation conféré par traité. Qu'est-ce que le droit à l'éducation conféré par traité? Notre bureau a organisé une discussion sous forme de table ronde. Nous avons regroupé des éducateurs des Premières nations, l'Assemblée des chefs du Manitoba, le gouvernement fédéral et la province.

Ma collectivité est régie par le traité no 5, qui dit de mémoire que Sa Majesté consent à maintenir une école et un enseignant lorsque les Indiens de la réserve le désireront. En 1875-1876, à l'époque de la signature du traité no 5, la présence d'une école et d'un enseignant signifiait une éducation de pointe. Les leaders de l'époque voulaient que leurs enfants aient accès à une éducation de pointe parce qu'ils tenaient à ce que des possibilités s'offrent à eux. Ils entrevoyaient les changements à venir, ils savaient qu'ils avaient un pouvoir de négociation important et ils voulaient garantir la réussite et les possibilités pour les générations à venir. Ils voulaient que leurs enfants aient accès à une éducation de pointe.

La création d'un tel système me paraît réellement la première application des droits conférés par traités en matière d'éducation. Elle va au-delà de la nature ad hoc des écoles individuelles administrées par des bandes pour aboutir à une solution nous permettant de parler de réalisations plus importantes prévues par les traités, ce qui est essentiel dans ma région, essentiel pour permettre aux collectivités, aux leaders et aux gens de tous les niveaux d'y adhérer.

Le président : Monsieur Stonefish, avez-vous un commentaire à faire sur cette législation?

M. Stonefish : La législation n'est pas vraiment mon point fort, mais je vous dirai ceci : la législation doit définir les pouvoirs pour élaborer des normes en matière d'éducation, comme les programmes d'études, la formation des enseignants et les évaluations. J'ai fait mon doctorat en élaboration de programmes d'études. J'ai travaillé en Ontario sur l'élaboration de tels programmes et j'ai essayé de crever l'abcès en montrant que l'apport des Premières nations est important. Comme le gouvernement fédéral invite les Premières nations à utiliser les normes provinciales d'élaboration de programmes d'études, nous n'avons pas eu la possibilité jusqu'à maintenant d'élaborer nos propres contenus puisque ceux imposés par l'Ontario sont obligatoires.

J'ai siégé à des comités ministériels et fais partie de l'équipe sur la littératie du ministère. Au bout du compte, toutes les différentes approches que j'ai essayé de proposer ont été freinées par les gouvernements provinciaux et leurs ministères de l'Éducation, et leurs normes quand l'éducation des Premières nations ne relèvent pas de la responsabilité de la province. Quand je dis « permettait aux responsables que nous sommes d'élaborer ces éléments », il faudrait aussi disposer des moyens financiers et d'un bon plan stratégique pour développer les capacités, les programmes d'études et l'enseignement, ainsi que les normes d'évaluation.

C'est tout ce que j'avais à dire.

Le président : Je vous remercie.

Monsieur McCue, c'est à vous de conclure sur ce sujet.

M. McCue : Je vous remercie.

Oui, la législation est essentielle et plus particulièrement la législation sur l'éducation des Premières nations. Dans mes commentaires, je vais m'attacher aux objectifs précis que cette législation devrait avoir et à la forme qu'elle devrait prendre. Je fais ici l'hypothèse que le contenu d'une loi sur l'éducation des Premières nations prendrait forme après plusieurs mois, sinon plusieurs années, de consultations dont nous avons discuté précédemment. En d'autres termes, la législation serait l'un des résultats finaux de ce processus de consultation.

Dans l'idéal, il devrait s'agir d'une loi-cadre. Pour faire écho aux premiers commentaires de M. Wilson, nous n'avons pas besoin et je crois qu'il n'y aurait pas d'intérêt à disposer d'un texte comparable à celui d'une loi provinciale sur l'éducation dont disposent déjà chaque province et chaque territoire. Je ne pense pas que les détails figurant dans ces lois provinciales et territoriales sur l'éducation doivent être répétés ou soient même souhaitables dans une loi sur l'éducation des Premières nations. Ce devrait être un texte-cadre comportant des objectifs précis définissant les pouvoirs en matière d'éducation des Premières nations. Le texte définirait et préciserait les trois ou quatre niveaux organisationnels et administratifs d'un système d'éducation des Premières nations. Il pourrait faire état de structures précises dont nous avons discuté précédemment, et énoncer également les philosophies et les principes retenus.

Au niveau fondamental, nous ignorons pourquoi nous assurons l'éducation des enfants des Premières nations dans ce pays. Nous ne disposons pas de philosophies ou de principes guidant les administrateurs, les enseignants et même les parents pour comprendre les objectifs. Que faisons-nous avec les jeunes des Premières nations en ce qui concerne l'éducation officielle? On fait l'hypothèse sous-jacente que nous le faisons parce que tout le monde le fait et que nous croyons que c'est important, indépendamment des résultats. Toutefois, il n'existe pas de principes ou de philosophies de l'éducation des Premières nations, et je suis d'avis qu'il serait pertinent et utile que la loi-cadre en énonce.

Il faudrait bien évidemment une formule pour déterminer les ressources, formule qui devrait être le résultat du processus de consultation. Cette formule devrait également faire partie du texte de loi.

Il me paraîtrait inutile d'aller au-delà de la définition d'un cadre. Je pense qu'une clause optionnelle d'adhésion constituerait également un élément essentiel de la loi. Elle permettrait de répondre à certaines préoccupations des leaders des Premières nations dans diverses parties du pays sur toute cette initiative, y compris sur la législation.

Le président : Je vous remercie.

Nous allons maintenant passer au quatrième segment, celui consacré à la méthode de financement.

Je crois que tout le monde a fait part de son opinion sur le montant de financement, mais nous allons parler ici de la méthode. Le mandat de notre étude ne fait pas état des niveaux de financement, mais la méthode utilisée pour financer l'éducation des Premières nations est étroitement liée aux questions de réformes structurelles. Nous essayons de formuler des recommandations sur les structures qui devraient être mises en place.

Nous savons fort bien que l'Assemblée des Premières Nations, diverses Premières nations et la vérificatrice générale ont laissé entendre que de nouveaux mécanismes de financement sont nécessaires si l'on veut améliorer la prestation des services d'éducation dans les réserves.

Le financement est actuellement assuré dans le cadre d'accords de contribution qui doivent être renouvelés tous les ans. Plusieurs témoins se sont faits les défendeurs d'un fondement législatif pour le financement de l'éducation des Premières nations.

C'est sur cet aspect des choses que nous aimerions recueillir maintenant vos commentaires. J'aimerais passer aussi rapidement que possible aux questions. Je suis convaincu que les autres sénateurs l'attendent avec impatience étant donné vos compétences.

M. Kelly : Il ne fait aucun doute que le système administré par des bandes est actuellement financé. Il a besoin d'une certaine forme de financement cohérent à long terme. Il a également besoin d'initiatives de financement ciblées précises.

J'ignore si c'est le bon terme ou si je m'inspire de ce que vous avez dit concernant le fondement législatif d'un financement de l'éducation. Il arrive fréquemment, en matière de financement de l'éducation, que ce soient les accords de contribution qui posent des problèmes parce qu'ils sont de nature plus globale. Un financement est accordé à la réserve pour le fonctionnement de tous les aspects, du logement aux soins de la santé en passant par l'éducation. Dans de nombreux cas, le montant des sommes reçues par l'intermédiaire de ces accords de contribution est insuffisant. Au cours des années, nous avons vu des cas dans lesquels les Premières nations n'ont pu satisfaire aux exigences d'une entente sur les frais de scolarité ou financer l'éducation comme c'était nécessaire. D'autres choses peuvent se produire dans une réserve qui imposent de faire appel aux fonds donnés dans le cadre d'un accord de contribution. S'il y a une hausse des coûts du logement, on fait face à une crise du logement. On entend beaucoup parler des problèmes de coût des infrastructures, de l'eau, et cetera. Il arrive fréquemment que les montants versés dans le cadre d'un accord de contribution ne soient pas suffisants et que l'argent destiné à l'éducation ait été utilisé à d'autres fins. Il peut d'ailleurs en être de même pour d'autres types de services.

Je pense qu'il serait avantageux d'avoir un montant de financement important de garanti à long terme afin que les Premières nations soient en mesure de s'attaquer au volet de planification de la prestation des services d'éducation, comme nous le faisons dans les provinces. Je ne suis pas porté à croire, en me fiant à mon expérience, que les Premières nations auraient des difficultés avec un financement affecté spécifiquement à la prestation des services d'éducation dans les réserves et je pense qu'elles assumeraient la responsabilité de ces montants lors d'une vérification ou d'un exercice de contrôle financier.

Le sous-financement chronique de l'éducation dans les réserves est gênant. Le manque de services nécessaires en éducation, dont bénéficient la plupart des provinces, est également embarrassant. Il est regrettable que nombre de Premières nations doivent prendre de l'argent destiné au fonctionnement du système administré par les bandes pour verser à la province ce qu'elles lui doivent dans le cadre des ententes sur les frais de scolarité, imputables à l'éducation de leurs étudiants de premier et de second cycles du secondaire. Je serais d'accord avec une forme quelconque de fondement législatif pour le financement, en autant qu'il soit cohérent à long terme et tienne compte des besoins en éducation dans la collectivité et qu'il corresponde pour le moins à ce qui est dépensé dans la province.

J'invite mes collègues des écoles de bande à faire preuve de prudence en cherchant à obtenir un montant égal de financement par étudiant à celui reçu par la province à chaque fois qu'une présentation est faite à Affaires indiennes et du Nord Canada. Dans de nombreux cas, même ce montant ne suffirait pas parce que la majorité des écoles situées dans la région couverte par le traité no 8 sont des écoles relativement petites qui, de par leur nature, sont coûteuses à faire fonctionner. Pour faire face à un nombre important de besoins en éducation qu'il faut aborder au niveau des écoles administrées par les bandes, il faudra des fonds plus importants que ceux dépensés en moyenne dans une province donnée.

Mme Atleo : Cela nous ramène à l'époque à laquelle on estimait que ces écoles locales devraient disparaître.

Lorsque, en 1970, je suis retournée dans ma Première nation avec un brevet d'enseignement, il était entendu que l'école serait fermée pour ne pas avoir à offrir de service au niveau local. C'est ce qu'on disait alors. Lorsque l'on constate le manque de financement et de ressources suffisantes, cela rappelle que certains s'attendaient à ce qu'à un moment donné la nécessité de soutenir les écoles et les étudiants autochtones s'atténuerait. Je pense ici à Mount Currie, en Colombie-Britannique, dont les écoles ont été parmi les premières administrées par des bandes. Nous avons maintenant une école secondaire toute neuve qui a ouvert il y a quelques années dans notre collectivité. Elle est le résultat d'une décision administrative pour attirer les gens des collectivités éloignées parce que les regroupements survenus au début des années 1950 n'ont pas donné les résultats escomptés. Ils voulaient fermer ces collectivités. Dans la mienne, toutes les places disponibles en maternelle sont prises chaque année. Les collectivités sont bien vivantes et bien implantées.

Il faut qu'on puisse laisser de côté l'approche par gestion de crise en matière d'éducation autochtone en disposant d'une base de financement législatif permettant de faire de la planification. Nous venons tout juste d'adopter un système prévoyant des élections aux quatre ans. Nous savons fort bien que de nombreuses collectivités procèdent encore aux élections tous les deux ans. Nous avons eu des pouvoirs en éducation accompagnés d'un financement, et ce sont des conditions qui ont donné de bien meilleurs résultats. Il est maintenant important de dégager ces conditions si nous voulons bénéficier d'une base de financement législatif qui y soit consacrée.

En ce qui concerne le financement, comme l'a dit M. Kelly, il y aura toujours une marge, surtout pour tenir compte de la nature des écoles implantées dans les réserves, mais il y aura également beaucoup de possibilités de collaborer avec les divisions scolaires et les conseils scolaires implantés dans le même territoire parce que, de toute façon, c'est toujours avec ces gens que vous traitez. Il s'avérera possible de partager les ressources au lieu que toutes celles-ci passent des collectivités des Premières nations dans les divisions scolaires, comme nous le voyons maintenant, en particulier dans certaines de nos collectivités nordiques, sans recevoir en retour les services qui sont nécessaires. Il y aura au moins une base de négociation entre les deux administrations si un lien est instauré entre elles et si l'administration autochtone est financée par un fondement législatif qui leur permettrait de s'entendre. Le financement des besoins est essentiel et il doit être prévisible dans le temps pour permettre la planification.

M. McCue : Je serai bref. Un financement prévu par la loi est essentiel tout comme une formule négociée permettant de parvenir au niveau qui convient de financement pour l'éducation des Premières nations.

Actuellement, comme par le passé, le gouvernement a tenté de financer des écoles de bande individuelles au moyen d'une formule visant à obtenir le même résultat qu'une formule provinciale par étudiant pour l'enseignement primaire et secondaire. Malheureusement, au cours des dernières décennies, Affaires indiennes, responsable du financement des écoles individuelles, n'est pas parvenu à verser des montants équivalents au coût par étudiant de la province. C'est ce qui a causé le sous-financement chronique.

De plus, l'emploi des frais d'inscription des étudiants provinciaux comme base de financement ne convient pas et n'est pas adapté non plus. L'argent que les provinces versent à leurs écoles, calculé en fonction du montant des frais d'inscription par étudiant, ne tient pas compte, par exemple, des coûts des conseils scolaires ou des coûts associés à l'entretien des ministères ou des services de l'éducation. Il y a des coûts additionnels qui sont couverts par les provinces, mais pas pour les Premières nations, et ces coûts n'interviennent pas dans le calcul des coûts des frais d'inscription par étudiant. Non seulement le gouvernement fédéral ne parvient-il pas à respecter le critère des coûts provinciaux par étudiant pour le financement des écoles des Premières nations, mais la base de calcul qu'il utilise pour verser l'argent ne tient tout simplement pas compte des coûts réels de l'éducation auxquels doivent faire face chaque année les provinces et les territoires.

Le sénateur Brazeau : Je dois dire que ce groupe de discussion est probablement le plus intéressant auquel j'ai assisté depuis que nous avons débuté cette étude parce que c'est une chose différente de parler réellement à des spécialistes traitant de l'éducation au lieu, par exemple, de s'entretenir avec des leaders.

Monsieur Wilson, vous avez indiqué que, dans de nombreuses collectivités des Premières nations, et je suis tout à fait d'accord avec vous, les parents et les étudiants veulent dans leur immense majorité aller au-delà du statu quo. En parlant à certains des leaders des Premières nations et aux vrais spécialistes de l'éducation, l'un des problèmes que j'ai constatés est que nous entendons souvent deux approches différentes. C'est ainsi qu'un groupe de discussion sur l'éducation a été mis sur pied il n'y a pas si longtemps et que certains chefs ont décidé de le boycotter. Cela revient, à mon avis, à claquer la porte à quelques solutions qui permettraient de modifier ce dont nous discutons tous. Il y en a d'autres qui, en traitant de l'éducation, ne veulent pas perdre les pouvoirs qu'ils ont sur la gestion du financement qu'ils reçoivent pour les écoles administrées par les bandes.

Que faudrait-il, à votre avis, pour que la vague d'appuis soit plus forte afin de permettre d'aller au-delà du statu quo, peu importe la solution retenue à l'avenir, pour que nous puissions réellement atteindre les résultats que nous voulons tous très certainement obtenir?

M. Wilson : Il faut tout d'abord se rappeler que le lien entre les Premières nations et l'État n'a pas toujours été fort. Quand je parle des traités aux gens, j'utilise toujours l'analogie d'un mariage. C'est pourquoi les événements qui se sont produits il y a 140 ans sont importants aujourd'hui. De la même façon, ma femme et moi nous sommes mariés il y a 13 ans. Notre mariage est encore important aujourd'hui tout comme la cérémonie que nous avons vécue. Toutefois, la relation entre les Premières nations et l'État n'a pas toujours été très solide. Notre bureau a réalisé un sondage l'an dernier auprès des Manitobains. Nous leur avons demandé quelle appréciation ils avaient des relations entre les Premières nations et l'État. Seuls 13 p. 100 des répondants ont exprimé une opinion positive.

On observe maintenant dans ce mariage que beaucoup de gens prennent des positions et n'écoutent pas beaucoup ce que les autres ont à dire. Les gens se présentent à la table de discussion avec une position, et je l'ai constaté des deux côtés, et n'écoutent absolument pas ce que l'autre personne a à dire. Chacun défend son pré carré et rien ne change parce que les positions ne changent pas. C'est le point faible de la relation. J'ai entendu l'ancien ministre Strahl le formuler très bien. Il expliquait que nous nous trouvons dans la situation où il dirait à sa femme qu'elle est belle aujourd'hui. Elle lui répondrait : « Que veux-tu dire par aujourd'hui? Je n'étais pas belle hier? » Nous traînons tout ce bagage additionnel dans nos relations. Celles-ci doivent être remises à plat.

Pour moi, les résultats priment surtout. Comme mes collègues l'ont mentionné, les évaluations de programmes d'études et tout le reste sont des éléments importants. On a l'habitude de dire, dans le domaine de l'éducation, que vous mesurez ce que vous appréciez et que vous appréciez ce que vous mesurez. Si vous adoptez des mesures qui doivent réussir, il faut qu'il y ait des objectifs précis et mesurables sur lesquels les deux parties puissent travailler.

Je ne sais pas si cela répond complètement à votre question. Il est certain que les gens viendront à la table de discussion avec beaucoup d'antécédents à l'esprit. Nous devrons les laisser de côté. Je suis également d'avis que ce sont les parents qui vont pousser les choses de l'avant.

Le sénateur Brazeau : Certains d'entre vous ont parlé du gouvernement fédéral et de la formule de financement, et nous en avons beaucoup discuté ici. Toutefois, on a peu parlé de l'éventuelle responsabilité des gouvernements provinciaux dans tout ceci, y compris peut-être même de réserver certains sièges aux gens des Premières nations dans les conseils scolaires, en particulier dans les régions urbaines, où même dans les réserves également je suppose, pour aborder les questions de financement et pour fournir certaines ressources humaines afin d'aider les écoles des Premières nations. Que pensez-vous de la responsabilité des provinces à l'avenir dans tout modèle que nous pourrions définir collectivement?

M. Kelly : Avec votre permission, je vais m'aventurer sur cette route.

J'ai indiqué précédemment que les provinces ont également à jouer un rôle dans le domaine des finances. Je vais le répéter : Nous avons rappelé un certain nombre de fois à la province de l'Alberta que les enfants des Premières nations et des écoles administrées par des bandes sont également des Albertains. Je vais vous donner un exemple concret.

Une initiative a été mise en place il y a plusieurs années dans la province pour que les étudiants des Premières nations, métis et inuits s'auto-identifient. Il était convenu qu'ils le feraient et que le conseil scolaire concerné recevrait 1 163 $ par étudiant. L'argent devait aller au conseil scolaire qui l'affecterait à ses écoles. En échange, les administrations scolaires auraient dû mettre en place dans les écoles des programmes destinés aux étudiants des Premières nations, métis et inuits. Dans la Division scolaire Northland, 40 p. 100 des étudiants relèvent d'une entente sur les frais de scolarité. Bien qu'ils soient Albertains, ils ont le statut d'Indiens sur réserve et ne peuvent pas s'auto-identifier. Nous ne recevons donc pas d'argent pour ces étudiants, même si nous sommes tenus de mettre ce genre de programmes en place, parce qu'ils vivent sur réserve et que cela implique une responsabilité fédérale. On a vu au cours des années des exemples d'initiatives de financement ciblées que la province mettait en place sans que les écoles situées sur les réserves ne reçoivent le montant parce qu'on estime qu'elles relèvent de la responsabilité du fédéral.

Il se trouve que, tout simplement, les étudiants qui vivent en Alberta sont des Albertains. Point final. Tous les montants qui viennent des caisses de la province pour l'éducation devraient être répartis de façon équitable entre tous les étudiants de l'Alberta, et non pas affectés uniquement à ceux des écoles provinciales. Il est intéressant de noter que la province va donner 70 p. 100 aux écoles privées, mais toujours rien au système d'écoles administrées par des bandes.

Je prétends que toute législation doit permettre aux Premières nations de conclure des ententes de partenariat avec la province. À tort ou à raison, mon expérience m'a toujours amené à penser que de nombreuses Premières nations se méfient de l'implication de la province dans l'éducation parce qu'elles craignent en vérité que les gouvernements puissent trouver plus facile de faire un chèque à une province pour assurer l'éducation de tous ses étudiants que de conclure de nombreuses ententes de partenariat avec les Premières nations. Les Premières nations ne veulent pas et ne devraient pas abandonner ce droit à l'éducation des Premières nations. Il y a toujours un peu de réticence. Toutefois, je suis d'avis que la province peut jouer un rôle important dans un partenariat résultant d'une entente. L'analogie de M. Wilson avec un mariage est assez exacte. Nous avions l'habitude de recourir aux principes originaux des traités, soit la conclusion d'un partenariat dans lequel l'une des parties n'était pas sensée asservir l'autre. C'est le rôle de la province.

Il est essentiel que la province s'implique dans certains aspects parce que nous avons un nombre important d'étudiants des Premières nations dans les écoles provinciales. Les résultats dans ces écoles ne sont pas si brillants. La province a un rôle à apprendre et, grâce à des partenariats bien définis, les deux systèmes peuvent se renforcer. Je ne veux pas dire que l'un doit prendre le contrôle de l'école ou celui du système.

Mme Atleo : L'argent est le nerf de la guerre. J'ai toujours dit à mes enfants que nous sommes propriétaires de notre maison et que nous acquittons nos taxes et que, donc, ils n'ont pas à déclarer qu'ils sont Autochtones en remplissant des questionnaires à l'école parce que cela ferait double emploi. Ils essaient de prendre de l'argent du système autochtone pour les écoles. Cela se produit fréquemment en Colombie-Britannique, au Manitoba et partout où on utilise l'auto-identification. Le financement versé au système provincial ne confère aucun avantage aux étudiants autochtones. L'argent se perd dans le système parce que les gens qui le gèrent le dépensent à leur discrétion.

J'ai fait récemment un exposé dans un centre de ressources à l'intention des personnes qui venaient parler des subventions spéciales pour Autochtones. Je m'entretenais avec les enseignants des ressources. Après quelques suggestions, une personne m'a dit : « Cela suffit. J'ai besoin de dépenser une partie de cet argent en ressources pour les enfants philippins. » C'est une réaction typique parce que les enseignants veulent pouvoir égaliser les possibilités dans la salle de classe et ne réalisent pas que les fonds spéciaux consacrés aux Premières nations sont accordés pour une bonne raison. On observe le même phénomène dans tout le système scolaire. La logique qui préside à cette approche est que s'ils parviennent d'une façon ou d'une autre à obtenir de meilleurs résultats, cela profitera aussi aux Premières nations. On constate maintenant au Manitoba, et probablement ailleurs au Canada, que l'éducation spéciale connaît un véritable boum. Tout ce qui concerne les Autochtones relève de la terminologie de l'éducation spéciale parce que des fonds sont disponibles dans ce cadre. Montrez-moi l'argent et je vous montrerai le problème. C'est souvent ce qui se passe en éducation autochtone. Si un nouveau problème apparaît pour lequel des fonds sont disponibles, les conditions d'accès à ces fonds vont dicter leurs modalités de gestion dans le système d'éducation.

Le sénateur Campbell : Je dois, avant de poursuivre mes commentaires, faire une remarque sur le terme « méfiance ». Comme le sénateur Dyck, je siège ici depuis six ans. La méfiance ne me paraît pas un terme suffisamment fort quand il s'agit de décrire l'attitude des gens des Premières nations qui traitent avec le gouvernement fédéral, en particulier avec Affaires autochtones et Développement du Nord Canada, et je le comprends.

Nous parlons de mariage mais, si je ne me trompe, au bout du compte ce serait un genre de mariage mormon parce qu'il faudrait que vous soyez mariés avec la municipalité, avec la province et avec le fédéral. C'est la difficulté à laquelle nous nous heurtons ici. Il faut honorer les traités entre les Premières nations et le gouvernement fédéral. Malheureusement, à mon avis, le gouvernement fédéral n'a pas tenu les engagements pris dans les traités. Je crains que les fonds d'AADNC destinés à l'éducation dans nos collectivités des Premières nations doivent être utilisés à d'autres fins qui sont plus importantes, comme l'eau potable et le logement, et la liste est longue.

Même si nous devons tenir compte des traités, les Premières nations doivent-elles assumer une responsabilité quelconque pour financer l'éducation? Est-ce un processus? Y a-t-il une différence entre une Première nation régie par un traité et une qui ne l'est pas quand il s'agit de ce financement?

Vous nous avez dit, madame Atleo, que vous acquittez vos taxes et que vos enfants se retrouveraient donc dans une situation de double emploi. La situation change-t-elle quand il y a un traité ou quand il n'y en a pas?

Au bout du compte, il s'agit toujours de financement. Peu importe le problème qu'aborde ce comité, nous en revenons toujours au financement. À quel moment traitez-vous directement avec l'entité assurant ce financement, c'est- à-dire le gouvernement fédéral, sans être contrainte de passer par une mécanique de prix qu'on appelle AADNC? À quel point se débarrasse-t-on d'AADNC? À quel point commençons-nous à examiner comment nous traitons et éduquons nos enfants de façon fondamentale?

Je sais que cela implique beaucoup de choses. La situation dure depuis si longtemps. Quand va-t-elle s'arrêter? Je ne peux plus le supporter et, si c'est ma réaction, je peux fort bien imaginer la situation dans laquelle se trouvent les Premières nations.

Comment nous y prenons-nous pour le financement? La responsabilité du financement incombe-t-elle au fédéral? Si c'est le cas, comment nous assurons-nous que le financement est adapté et qu'il n'est pas utilisé à d'autres fins? Où les provinces interviennent-elles?

Permettez-moi d'évoquer un point que personne n'a abordé. J'ai été maire de la Ville de Vancouver où on trouve une population importante des Premières nations dans le centre-ville. Comment en tient-on compte dans ce contexte? Les contribuables financent cette éducation.

M. McCue : Je vous remercie de poser cette question qui comprend de nombreuses parties.

J'aimerais aborder cette question de l'éducation des Premières nations en milieu urbain parce qu'elle prend de l'importance alors que le nombre de membres des Premières nations qui déménagent en dehors des réserves augmente. Si j'ai bien saisi l'objet de notre réunion d'aujourd'hui, elle porte sur l'éducation dans les réserves et c'est pourquoi, avec tout le respect que je vous dois, je vais m'abstenir de répondre bien que je sois d'accord avec vous que c'est également là une question fondamentale.

Le sénateur Campbell : Nous commettons une erreur grave en faisant cette distinction et nous allons à l'encontre des intérêts de toutes les Premières nations, parce que nous avons ainsi deux types de Premières nations, celles qui résident dans les réserves et celles qui résident ailleurs. C'est le gouvernement fédéral qui, de façon générale, a créé cette dichotomie. Nous faisons ainsi des citoyens de première et de seconde classes et vous comme moi savons fort bien que les citoyens de première classe en question ne sont pas vraiment de première classe. C'est la difficulté qui se pose avec toute cette distinction entre les membres des Premières nations résidant dans des réserves et ceux résidant en dehors de celles-ci. Il doit y avoir une seule solution ici, soit que les Premières nations traitent avec le gouvernement fédéral.

Le président : Je crois que cette question a une dimension constitutionnelle, mais je vais laisser M. McCue y répondre.

M. McCue : Je me ferai un plaisir de revenir devant ce comité quand il décidera d'aborder les questions concernant l'éducation hors réserve parce que je conviens avec le sénateur que c'est également une question pressante.

Lorsqu'un système d'éducation des Premières nations est mis sur pied, avec les divers niveaux que nous avons abordés ici aujourd'hui, l'une des responsabilités qui incombe au troisième niveau devrait être la négociation de la contribution financière qui convient de la province. Je partage l'avis des autres membres du groupe de discussion qui se sont exprimés sur ce sujet en affirmant qu'il est nécessaire que les provinces contribuent à l'éducation des Premières nations, aussi bien dans les réserves qu'en dehors de celles-ci, et que c'est pour elles une responsabilité législative.

La raison pour laquelle les provinces n'ont pas été obligées de participer au financement est tout simplement qu'il n'y a pas d'institution : ou d'organisation dans ce pays, mis à part le gouvernement fédéral, pour s'adresser à elles en leur disant, avec autorité, « Vous avez ici une responsabilité. Asseyons-nous et négocions la contribution que vous allez devoir verser. »

Actuellement comme par le passé, la seule entité dans ce pays qui a le pouvoir de le faire est le gouvernement fédéral, et nous savons tous que lorsque le gouvernement fédéral s'adresse aux provinces au sujet du financement, cela devient un sujet de conflit et de désaccord.

À quel point traitez-vous directement avec le fédéral? La réponse à cette question me paraît le principe moteur de la législation. Il me semble que lors de la rédaction de la loi-cadre et de la définition de la formule de financement, il conviendrait d'identifier les parties à cette relation de financement. En réponse à votre question précise, c'est à ce moment-là que vous devriez traiter directement avec le gouvernement fédéral.

Quant à la différence entre les personnes qui sont régies par un traité et celles qui ne le sont pas, je m'en remets aux autres membres de ce groupe de discussion qui connaissent mieux cette question que moi.

M. Stonefish : La question de savoir pourquoi nous avons besoin d'une législation ou du financement est importante. Tant que le gouvernement fédéral et ses partenaires provinciaux n'auront pas compris pourquoi cela est nécessaire, nous ne pourrons pas aller de l'avant. J'ai répété maintes fois que nous devons comprendre la définition de la réussite scolaire. Nous devons réaliser que l'éducation est un processus de guérison.

Le contexte social dans lequel vivent les étudiants et les collectivités des Premières nations est le résultat direct de la politique antérieure envers les Indiens, des pensionnats indiens et de la Loi sur les Indiens. Les dimensions sociales de nos collectivités sont le résultat direct de ce que nous avons vécu en application de la politique sur les Indiens, de la colonisation et de l'assimilation.

Il faut que vous compreniez ce que signifie l'éducation pour les peuples des Premières nations. Le premier indicateur de la réussite d'un étudiant pour notre organisation est qu'il se reconnaisse dans les contenus qui lui sont offerts. Le contenu des cours en Ontario, le domaine dans lequel je travaille, est destiné à produire des membres compétents de la société ontarienne qui y contribue. Ce n'est pas l'objet de l'éducation des Premières nations. Nous devons nous occuper de notre propre société et de notre propre existence sociale et l'éducation a donc une autre signification pour nous, et vous devez le comprendre. Tant que vous n'aurez pas compris ce que signifie pour les Premières nations une éducation basée sur la culture et sur la collectivité, vous ne pourrez pas réellement comprendre ou élaborer de politiques, même si nous pouvons préparer des cadres. Dans les systèmes provinciaux, les écoles ne peuvent échouer. Si elles obtiennent des résultats faibles en littératie et en numératie, elles reçoivent 100 000 $ pour trois ans pour relever leurs résultats. C'est leur définition de la réussite scolaire.

Dans nos collectivités, si nos enfants ne peuvent se rendre à l'école à cause de problèmes familiaux ou s'ils n'ont pas le bien-être nécessaire pour apprendre, comment nous inquiéterions-nous de leurs résultats en littératie et en numératie? Il faut que les citoyens des collectivités des Premières nations aient confiance en eux et le caractère bien développé. C'est notre définition. Nous avons beaucoup de chemin à parcourir pour y parvenir. Nous avons des écoles qui sont sous-financées de façon chronique. Nous devons jeter de nouvelles bases pour nos écoles. Nous parlons de normes de contenu de cours, d'élaboration de programmes d'études, d'éducation et de formation des enseignants. Il faut jeter des bases solides pour tous ces éléments avant que nous puissions commencer à parler de formules.

Québec a essayé d'élaborer une formule de calcul du montant d'argent nécessaire pour administrer une école. Les écoles des Premières nations obtiennent environ 4 000 $ contre un montant variant entre 9 000 et 14 000 $ pour les autres écoles, qui bénéficient également d'un partage des ressources dans le cadre des conseils scolaires. Nous ne sommes pas organisés de cette façon. Nous devons comprendre la nature des entraves. Je reviens toujours au contenu de cours et à la formation des enseignants. Ce sont les deux questions essentielles auxquelles les étudiants ont à faire face tous les jours pendant 14 ans.

Nous n'avons pas de cases pour les contenus des cours ou la formation des enseignants. En Ontario, la Commission de l'amélioration de l'éducation est l'une des premières organisations à offrir des cours de qualification complémentaires de l'Ordre des enseignantes et des enseignants de l'Ontario. C'est la voie détournée par laquelle nous avons dû passer, et ils ont été bien aimables de nous laisser l'utiliser, mais rien ne nous oblige ou ne nous autorise à élaborer nos propres normes d'éducation. Maintenant que nous disposons de ces cours que nous avons préparés, vous devez les suivre dans l'ordre pour enseigner dans nos écoles. Nous ne pouvions jamais l'imposer auparavant, nous n'avions jamais eu les moyens de le faire.

Quand vous parlez de législation et de financement, vous devez comprendre la situation dans laquelle nous sommes, le plan que nous suivons et savoir pourquoi nous allons dans cette direction. Vous avez demandé « Quand allez-vous traiter directement avec le gouvernement fédéral? ». Nous traiterons directement avec les représentants quand ils comprendront réellement ce dont nous avons besoin et où nous allons. Les choses seront alors beaucoup plus faciles.

Le sénateur Raine : Je vous remercie de cet éclairage. Les discussions ont été excellentes. Nous espérons qu'elles déboucheront sur certaines solutions.

Avec mon expérience, qui est très restreinte, j'ai de la difficulté au sujet des Premières nations parce que je me demande ce qu'est une Première nation? Quand vous réfléchissez au regroupement des écoles pour permettre plus facilement la prestation de services de second et de troisième niveau, il faut garder à l'esprit que notre pays est si vaste et si différent d'une extrémité à l'autre, que d'avoir une solution convenant à tous n'est pas possible. Nous cherchons à définir un cadre qui permettra l'évolution de bonnes pratiques d'éducation, indépendamment des conditions locales.

J'ai beaucoup entendu parler du Système d'information sur l'éducation, ou SIE, et j'ai beaucoup lu à son sujet. C'est le système qui est actuellement élaboré par AINC. Je continue à utiliser ce sigle parce que tout le monde le connaît. Cela nous amène au cœur du problème qui consiste à savoir qui décide comment mesurer la réussite scolaire. Si les décisions doivent venir de la base, nous devrions peut-être partager les 10 éléments que tout le monde veut et les gens pourraient ensuite ajouter ce qui leur importe particulièrement dans leurs systèmes.

Pensez-vous que l'élaboration d'un système d'information sur l'éducation pourrait constituer une aide ou êtes-vous d'avis que le ministère fédéral s'ingère de façon indue au niveau local?

Le président : Nous allons manquer de temps et cela est en quelque sorte hors sujet, mais je vais laisser quelqu'un répondre.

Mme Atleo : Ce n'est pas vraiment hors sujet parce que la réponse à cette question va être absolument déterminante pour tout. Les Premières nations n'ont pas accès à ces niveaux des systèmes, qui servent à produire de l'information. Les systèmes de santé sont similaires; ils produisent de l'information, et cela nous ramène au problème de compétence, de normes et à ce genre de choses. J'ai déjà dit que le statut des membres des Premières nations vivant dans des réserves est utilisé pour déterminer ces choses. Ces personnes ne représentent qu'un segment très particulier de la population autochtone.

Le SIE sera préparé afin de pouvoir déterminer qui est admissible, quelle est la nature de cette admissibilité et comment les fonds seront dépensés, tout comme cela se passe de façon onéreuse pour le système de rapports que AADNC met actuellement en place.

Nous avons donc des systèmes de rapport qui sont très onéreux alors que l'information ne retourne pas à la collectivité, mais va au gouvernement fédéral pour lui permettre de prendre ces décisions. Nous savons cela. La connaissance des chiffres donne le pouvoir, et les chiffres vont au gouvernement fédéral. La collectivité n'est donc pas impliquée dans la construction de ces bases de données ni dans leur interprétation. Nous savons fort bien que l'interprétation est de la prime importance parce que si vous ne maîtrisez pas la base, vous ne pouvez pas interpréter l'information. C'est là un principe de méthodologie de recherche assez basique. Ce n'est pas ce qui se passera parce que les bureaucrates vont l'interpréter à ce niveau non pas nécessairement en fonction des besoins de la collectivité, mais en fonction du bien commun; il ne s'agit pas d'agir dans un rôle de fiduciaire, mais dans un rôle gouvernemental. C'est le genre de chose qui crée des problèmes énormes.

Cela ne répond pas aux besoins des membres des Premières nations, mais à ceux de l'ensemble de la société, d'un niveau moral et grâce à la bureaucratie. C'est là la nature de ces systèmes d'information quand les gens n'y participent pas.

M. Kelly : Je n'ai pas été impliqué dans la réalisation du SIE au cours des dernières années, ni n'ai participé à aucune discussion à ce sujet, mais je pense qu'il est nécessaire. Je le crois vraiment. Cette information devrait être là. Il découle de mon expérience avec le traité no 8 que nous demanderions aux leaders autochtones d'aller rencontrer les responsables fédéraux, en leur fournissant des informations anecdotiques, et que ces responsables fédéraux leur demanderaient des données statistiques, pour prouver leur assertion, alors qu'il n'en aurait pas.

Il y a une question qui me paraît importante avec le SIE, et c'est de savoir qui est le propriétaire de l'information et qui en est le détenteur. À ce que je comprends pour l'instant, l'information appartiendra à Affaires autochtones et Développement du Nord Canada. Cela me paraît une grave erreur. Ces représentants disent ce qu'il faut dire comme : « Nous allons conserver l'information et toute Première nation qui voudra des données n'aura qu'à nous les demander. » Je suis fermement convaincu que les données sur les Premières nations devraient être contrôlées par les Premières nations et que, si le gouvernement cherche de l'information dans ces données, c'est lui qui devrait formuler la demande.

M. McCue : Les quelques amis que j'ai vous diront que je ne suis pas quelqu'un de cynique, mais je crois qu'il faut convenir que l'apparition de l'initiative du SIE origine du ministère et qu'elle constitue sa réponse au rapport de la vérificatrice générale qui a réprimandé le ministère et le gouvernement parce qu'ils ne disposaient pas d'information ni de statistiques à jour et adaptées sur l'éducation des Premières nations. L'objectif n'est rien d'autre que de répondre à ces critiques.

On peut espérer que ce système permettra de générer des informations utiles, mais en autant que cette information réside au ministère, l'utilisation qu'on en fera et son objectif soulèveront des doutes.

M. Stonefish : Je siège au Comité sur la mesure du rendement, qui a élaboré les indicateurs du SIE. Depuis presque deux ans maintenant, j'ai siégé à ce comité en m'arrachant les cheveux parce que les seules choses que l'on demande aux Premières nations sont de faire rapport dans le cadre de leurs accords de financement. En ce qui concerne la réussite scolaire, le Programme de réussite scolaire des étudiants des Premières nations, le PRSEPN, qui a versé des centaines de milliers de dollars à diverses collectivités impose de fournir les résultats provinciaux en littératie et en numératie pour pouvoir y adhérer et bénéficier de son financement. Ces résultats provinciaux constituent leurs indicateurs de réussite. Ils les comparent ensuite aux résultats obtenus dans la province et ce n'est certainement pas la bonne solution en matière de financement.

L'adhésion au PRSEPN impose de répondre à d'autres questions comme : « Avez-vous un programme de langue des Premières nations dans votre école? » Si vous avez un cours de 15 minutes, vous pouvez répondre oui, mais personne ne sait s'il va produire des gens en mesure de parler cette langue. « Dispensez-vous des programmes culturels dans votre école? » Vous pouvez répondre oui et il peut s'agir d'une brève séance de purification le matin, mais cela n'implique aucune donnée qualitative qui analyse et mesure ce que nous définissons comme la réussite de l'étudiant, qui est pourtant ce dont nous avons besoin dans nos écoles. Les seuls indicateurs retenus permettront de recueillir des données. Vous apprendrez combien d'enfants fréquentent l'école, combien d'entre eux sont en retard, quelles sont leurs notes aux examens provinciaux. Cela n'a rien à voir avec ce qui nous préoccupe au sujet du bien-être et du développement de nos étudiants.

En ce qui concerne le SIE, nous travaillons à l'élaboration d'un mandat précisant qui est le propriétaire des données, qui les analyse et les conserve, mais en ce qui concerne le système lui-même, il nous est imposé jusqu'à maintenant avec les indicateurs et les mécanismes de rapport qui figurent dans les ententes. Il n'y a pas de vraies données sur l'éducation qui fournissent de l'information sur la réussite des étudiants ou sur notre définition de la réussite scolaire.

Le sénateur Dyck : Ma question porte sur la méthode de financement. De nombreux témoins, dont vous ce matin, ont parlé des iniquités du financement entre les écoles sur réserve et hors réserve. Cela me paraît une question importante dont les leaders politiques devraient se préoccuper. Si nous mettons en place des structures dont nous parlons aujourd'hui, soit un second, un troisième et même peut-être un quatrième niveau, auront-elles une place dans un système dans lequel le financement est déterminé? Imaginons que quelqu'un propose que le financement vienne directement du Conseil du Trésor, sans passer par AADNC. Si nous mettons ces structures en place, pourrons-nous égaliser le financement afin que le problème disparaisse?

Il me semble important que nous y veillions. Cindy Fisher, qui a comparu le même jour que M. Stonefish, nous a dit qu'il s'agit réellement d'un problème moral et éthique. Elle a essentiellement demandé ceci : « Nos enfants ne le valent pas? » Si nous ne veillons pas à ce que les enfants vivant dans des réserves bénéficient d'un financement égal, c'est réellement un problème moral et éthique.

Si nous proposons des modifications à la législation, je ne crois pas que nous puissions le faire, en termes moraux ou éthiques, sans prévoir un mécanisme égalisant le financement pour éliminer cette iniquité. Est-ce quelque chose qu'il est possible de faire au moyen de structures législatives?

M. Kelly : Si je comprends bien votre question, il n'y a à mes yeux absolument aucune raison pour que cela ne puisse pas se faire.

Quand j'ai analysé le traité no 8, j'ai examiné la formule de financement soumise par le gouvernement fédéral. Je crois qu'il y avait 24 catégories différentes permettant de demander des fonds. Lorsque j'ai siégé avec la province et étudié la formule de financement, je me suis retrouvé avec un classeur épais d'un pouce avec les formules permettant d'obtenir des fonds pour faire face à des situations particulières, qu'elles soient liées à la géographie, à la distance, à la seconde langue ou à quoi que ce soit d'autre. Il me semble qu'il est possible d'élaborer une formule permettant de s'assurer d'un financement équitable ventilé dans tout le Canada. Vous n'y parviendrez pas en fixant certains montants parce que le nombre de facteurs ayant des répercussions sur le coût de l'éducation d'un enfant est trop élevé.

Je vous invite à éviter de dire que le montant dépensé par la province est celui que nous devrions dépenser. Il faut garder à l'esprit que les moyennes provinciales ne sont que cela, des moyennes. La moyenne est influencée par l'endroit où la majorité des étudiants résident. Dans le cas de l'Alberta, la prépondérance d'Edmonton et de Calgary est manifeste. J'arrive à des coûts de l'éducation sensiblement plus élevés dans une collectivité éloignée du Nord que ce ne serait le cas à Edmonton ou à Calgary.

Il me semble qu'il faut veiller à avoir des formules couvrant tous les aspects. Vous pouvez extraire une page du classeur des formules pour certaines provinces et essayer au domaine ou aux questions particulières auxquelles sont confrontées les collectivités prises individuellement.

Le sénateur Meredith : Dans le prolongement de question du sénateur Campbell, est-il vraiment raisonnable de s'attendre à ce que les Premières nations qui font face à quantité de problèmes dans des domaines comme la pauvreté, la santé ou le logement puissent assumer la responsabilité de l'ensemble de leur système d'éducation sans avoir les moyens nécessaires?

M. McCue : La réponse simple à votre question est non et c'est précisément pourquoi le système est indispensable. C'est pourquoi les divers niveaux dont nous avons parlé ici sont essentiels parce que les collectivités se débattent avec ces problèmes. Nous le savons tous. Je suis convaincu que vous en avez entendu parler maintes fois. Il serait inadmissible que la situation actuelle perdure.

Mme Atleo : Aux États-Unis, ils ont tenté de mettre fin à ce système en fermant les réserves au début des années 1960. Cela n'a rien résolu. Les questions sont toujours présentes.

Le développement des capacités n'a commencé qu'au cours des années 1960 et beaucoup de travail a été fait dans ce domaine. Le déménagement des étudiants en dehors des réserves vers les collectivités urbaines ne résoudra rien. Le faire passer dans le système provincial ne résout rien parce que le système provincial n'a pas du tout les moyens de s'occuper d'eux.

C'est pourquoi nous avons deux systèmes. L'un, qui est fortement structuré, n'a pas les moyens d'absorber les étudiants autochtones. L'autre est un système autochtone boiteux qui n'a probablement pas les moyens voulus, mais qui est désireux d'agir et qui, des points de vue moraux, éthiques et constitutionnels, a certaines raisons d'exister et d'être structuré d'une façon beaucoup plus adaptée. Nous avons ces deux systèmes. J'utilise un modèle dans lequel nous faisons face à deux systèmes totalement différents entre lesquels il n'y a jamais eu vraiment d'interface. Le système autochtone doit maintenant avoir un caractère officiel et légal alors que nous laissons de côté son fonctionnement bureaucratique au moyen de la politique. L'interface viendra plus tard parce qu'elle ne peut exister qu'entre deux éléments ayant assez de similitudes. La façon dont les choses se sont déroulées a été une vraie tragédie avec cette bureaucratie. La politique et la bureaucratie ne sont pas en mesure d'arriver aux résultats que permettraient une législation et une interface légale entre les organisations se trouvant dans l'ensemble du système.

Le sénateur Patterson : Je tiens à remercier le spécialiste que vous êtes. Je tenais avant tout à vous écouter. Je suis convaincu que nous avons retenu certaines très bonnes orientations sur lesquelles nous devrions travailler pour mener à bien notre étude.

Je trouve fascinants vos conseils concernant le financement. Il me semble que nous avons fait face à un vrai défi pour trouver une façon d'amener les provinces à contribuer à l'éducation de tous leurs citoyens, comme l'a suggéré M. Kelly. Je sais fort bien qu'il y a d'importantes entraves constitutionnelles, mais je sais également que les provinces sont très préoccupées par la possibilité d'un gâchis de leurs ressources humaines. Nous perdons un énorme potentiel en ressources humaines pour développer nos ressources naturelles et d'autres natures à cause des lacunes de notre système d'éducation des Premières nations. Il me semble que c'est là une idée importante, nouvelle pour moi, sur laquelle nous devrions continuer à travailler.

Les conseils que vous nous avez donnés sur la législation me paraissent très clairs. Celle-ci doit respecter la primauté de la gouvernance des Premières nations. Elle doit être habilitante. Nous devons nous efforcer d'élaborer un système qui mettra en place des soutiens de deuxième et de troisième niveaux qui ne sont pas là actuellement. Se débarrasser d'Affaires indiennes, ou AINC, comme nous l'appelons dans le Nord, est une idée intrépide. Nous avons entendu les responsables de l'éducation nous dire qu'ils ne sont pas vraiment des spécialistes de l'éducation. Ils sont mal équipés pour faire autre chose que d'administrer. C'est pourquoi votre suggestion d'adopter une nouvelle approche et peut-être de laisser de côté un modèle qui a échoué en traitant directement avec le Conseil du Trésor est très intéressante à mes yeux.

J'ai réfléchi aux étapes à venir. Il va falloir beaucoup de leadership.

Il a été question de mettre sur pied une commission avec eux et avec la Fondation autochtone de guérison ou avec les pensionnats indiens. Personne n'a mentionné de rôle pour l'Assemblée des Premières Nations. Nous avons entendu ici les leaders inuits parler de l'approche inuite à l'éducation. Nous avons entendu un grand chef qui, je le sais, est un éducateur et en fait une priorité. Entrevoyez-vous un rôle pour l'APN? En nous dirigeant vers les étapes à venir, entrevoyez-vous la création d'une forme quelconque de commission de gens qui ne serait pas associée aux institutions actuelles?

Mme Atleo : Pour de nombreuses raisons, nous ne serions pas rendus à ce point de la discussion si l'APN n'exerçait pas son leadership dans le domaine de l'éducation. Nous aurions pu parler d'économie et de curatelle. Je pense que cela fait partie de l'entente. C'est de là qu'est venu le leadership pour élaborer le message destiné au public et pour nous sensibiliser à ces questions. C'est un rôle de facilitation et je vois l'APN jouer en partie un rôle de facilitation.

Si nous pensons à la structure de l'APN, elle est structurée au niveau provincial et à celui des Premières nations. Vous avez là une organisation naturelle, en particulier dans le volet Premières nations, qui prend ses racines dans les collectivités. Faire appel à cette organisation pour la démarche dont nous parlons constituerait une façon de manifester sa compréhension.

M. McCue : Je suis d'avis que les organisations nationales et régionales ont un rôle à jouer dans le processus. Leur rôle serait subordonné à la création d'une commission ou d'un comité. À mes yeux, l'APN et ses autres organisations nationales et provinciales pourraient contribuer au processus.

Je vous renvoie aux précédents qui existent : la Fondation autochtone de guérison, la Commission de vérité et de réconciliation du Canada et la Commission royale sur les peuples autochtones. Elles ont certainement bénéficié de l'apport des organisations nationales, y compris l'APN. Toutefois, ces initiatives ont été menées pour l'essentiel sans l'implication de principes de l'Assemblée des Premières Nations et des autres organisations et je ne vois pas pourquoi nous ne pourrions pas suivre la même voie.

Le président : Je vois tout le monde hocher de la tête. Sénateur Patterson, vos observations constituent un excellent résumé. La séance s'est révélée riche d'enseignement, inspirante et pleine d'information.

Au nom des sénateurs, je tiens à vous dire combien nous avons apprécié votre présence parmi nous. La rigueur avec laquelle vous nous avez fait part de vos connaissances nous sera très utile pour préparer le rapport sur lequel nous travaillons. Dans le cas de ce comité, il s'agissait d'une expérience, soit d'amener un groupe d'experts à participer à une table ronde et vous avez fait un excellent travail. Je suis sûr de m'exprimer au nom de chacun de nous quand je vous remercie du fond du cœur.

S'il vous vient quelque chose à l'esprit qui, à votre avis, pourrait nous être utile et dont nous n'aurions pas eu le temps de parler, n'hésitez pas à vous adresser à n'importe lequel des sénateurs, à la bibliothèque ou à notre greffier.

Honorables sénateurs, si vous n'avez pas d'autres commentaires, je lève la séance.

(La séance est levée.)


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