Délibérations du comité sénatorial permanent des
Peuples autochtones
Fascicule 14 - Le quatrième rapport du comité
Le mardi 13 mars 2012
Le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones a l'honneur de présenter son
QUATRIÈME RAPPORT
Votre comité, auquel a été renvoyé le projet de loi S-6, Loi concernant l'élection et le mandat des chefs et des conseillers de certaines premières nations et la composition de leurs conseils respectifs a, conformément à l'ordre de renvoi du jeudi 2 février 2012, examiné ledit projet de loi et en fait maintenant rapport sans amendement.
Votre comité a aussi effectué des observations qui sont annexées au présent rapport.
Respectueusement soumis,
Le président,
GERRY ST. GERMAIN
OBSERVATIONS
au quatrième rapport du Comité sénatorial permanent des peuples autochtones
(projet de loi S-6)
1. Au cours des dernières années, on a créé de nombreuses « institutions dirigées par les Premières nations » avec pour but de renforcer la capacité de ces dernières d'exercer leur droit inhérent à l'autonomie gouvernementale. Ces institutions volontaires exercent leurs activités dans certains domaines comme la gestion des terres, l'imposition et l'éducation. Elles se sont révélées des plus efficaces, et les Premières nations les utilisent de plus en plus.
Le comité remarque que, même si le projet de loi aborde plusieurs des lacunes inhérentes au régime électoral prévu par la Loi sur les Indiens, dont le prolongement des mandats, l'instauration de peines pour les infractions électorales et le renforcement des modalités de nomination des candidats, il ne prévoit pas la création d'un organe d'appel indépendant.
Le comité est d'accord avec la proposition de retirer au ministre son rôle d'enquête et de décision concernant les appels interjetés au sujet des élections. Aux termes de cette mesure législative, le ministre et les agents de son ministère ne s'occuperont plus des appels, une mesure positive de l'avis du comité. Toutefois, des témoins ont fait valoir que confier aux tribunaux la responsabilité du ministre relative aux appels ne permettra pas d'atteindre l'objectif de créer un processus d'appel efficient, accessible et peu coûteux.
D'abord, nous concluons que l'approche définie dans le projet de loi S-6 pourrait empêcher les citoyens des Premières nations de présenter des demandes légitimes, car les frais qu'ils devraient engager pourraient être assez prohibitifs. Cela réduirait les services juridiques pour les gens qui ne peuvent s'en prévaloir, faute d'argent. Nous sommes donc inquiets de voir que les coûts engagés pour interjeter appel, que le Ministère assume actuellement, accableront les personnes qui peuvent le moins se le permettre. Ensuite, nous notons que l'approche proposée ne répond peut-être pas en pratique à la nécessité de se doter d'un processus d'appel rapide et approprié sur le plan culturel.
De nombreux juristes, la plupart des Premières nations et le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones recommandent tous la création d'une autre institution de même nature, volontaire et dirigée par les Premières nations, qui serait chargée de régir les élections chez ces dernières, quel que soit le système qu'utilise la Première nation pour choisir ses dirigeants, et de mettre sur pied un centre d'expertise qui pourra s'occuper de manière efficace et efficiente des conflits sur les élections.
Nous avons examiné l'argumentation selon laquelle il faudrait consacrer beaucoup de ressources à la création d'une commission électorale indépendante, ce qu'il serait difficile de justifier pour un cadre législatif optionnel, mais ne sommes pas convaincus du fait que le coût additionnel est nécessairement plus grand que celui qu'assume déjà le gouvernement pour faire enquête et traiter les appels. Le gouvernement fédéral devrait examiner de plus près ce qu'il lui en coûte actuellement pour faire enquête sur les appels, les coûts entourant l'établissement d'un mécanisme d'appel indépendant ainsi que tous les coûts supplémentaires qu'il pourrait devoir engager pour la mise en place de ce processus pour toutes les Premières nations, peu importe la façon dont celles-ci tiennent leurs élections.
Le projet de loi S-6 vise à donner suite aux recommandations formulées par l'Assemblée des chefs du Manitoba et l'Atlantic Policy Congress of First Nations Chiefs, dont, notamment, l'établissement d'un organe d'appels indépendant et impartial.
Par conséquent, nous sommes d'avis que la création d'une institution électorale autochtone représente quelque chose d'inachevé que le Canada devrait poursuivre avec les Premières nations qui sont intéressées et leurs organisations.
2. Le projet de loi S-6 constitue une amélioration notable par rapport au système électoral prévu par l'actuelle Loi sur les Indiens. Cependant, il n'est qu'une nouvelle étape de l'expression totale du droit inhérent à l'autonomie gouvernementale. Les Premières nations dont les élections relèvent de la Loi sur les Indiens devraient être encouragées à franchir cette étape. On devrait quand même reconnaître que leur but ultime est d'établir leur propre droit coutumier en matière d'élections ou d'autres formules de gouvernement autonome reflétant leur propre histoire et leurs propres traditions, et le ministre devrait encourager et appuyer cette tentative lorsque les Premières nations démontrent leur volonté de le faire.
3. Certains observateurs s'inquiètent du fait que les alinéas 3(1)b) et 3(1)c) du projet de loi S-6 donnent des pouvoirs supplémentaires au ministre. Le ministre et ses fonctionnaires soutiennent qu'ils restreignent au contraire les pouvoirs qu'il possède déjà en vertu de la Loi sur les Indiens. Quoi qu'il en soit, nous sommes d'avis que ces pouvoirs, qu'ils s'exercent en vertu de la Loi sur les Indiens ou en vertu du projet de loi S-6, perpétuent une attitude coloniale et paternaliste à l'égard de la gouvernance des Premières nations. Les articles 3(1)b) et 3(1)c) ne devraient être invoqués que dans de rares cas, après que tous les autres mécanismes de résolution des différends ou de réforme démocratique au niveau des Premières nations auront été mis en place et auront échoué.