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BANC - Comité permanent

Banques, commerce et économie

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Banques et du commerce

Fascicule 5 - Témoignages du 23 novembre 2011


OTTAWA, le mercredi 23 novembre 2011

Le Comité sénatorial permanent des banques et du commerce se réunit aujourd'hui, à 16 h 20, pour étudier la situation actuelle du régime financier canadien et international.

Le sénateur Michael A. Meighen (président) occupe le fauteuil.

[Français]

Le président : Bonjour et bienvenue à notre réunion portant sur l'étude de la situation actuelle du régime financier canadien et international. Je suis Michael Meighen et j'ai l'honneur de présider le comité.

[Traduction]

Permettez-moi de vous présenter les sénateurs qui sont ici; d'autres sénateurs sortiront bientôt de la salle du Sénat et se joindront à nous : le sénateur Mac Harb, de l'Ontario; le sénateur Wilfred Moore, de la Nouvelle-Écosse; le sénateur Carolyn Stewart Olsen, du Nouveau-Brunswick; le sénateur Paul Massicotte, du Québec; et le sénateur Larry Smith, également du Québec.

Aujourd'hui, nous poursuivons notre étude sur la situation actuelle du régime financier canadien et international. J'aimerais tout particulièrement souhaiter la bienvenue aux gens qui nous écoutent sur CPAC et sur Internet.

Le Bureau du surintendant des institutions financières Canada, le BSIF, est le principal organisme de surveillance et de réglementation des institutions de dépôts, des sociétés d'assurances et des régimes de retraite privés fédéraux. Par conséquent, il veille à maintenir la qualité des institutions financières et du système de réglementation financier qui a fait la réputation du Canada, particulièrement durant cette période de tourmente financière à l'échelle du globe. C'est donc à point nommé que nous accueillons aujourd'hui Mme Julie Dickson, surintendante du BSIF.

Madame Dickson, nous sommes heureux que vous soyez des nôtres aujourd'hui et nous vous souhaitons la bienvenue après deux ou trois ans d'absence devant le comité. Vous jouissiez d'une réputation irréprochable et nous admirons beaucoup votre travail. Si vous avez une déclaration, qu'elle soit d'ordre général ou spécifique, nous serons ravis de l'entendre, après quoi nous enchaînerons avec une période de questions.

Julie Dickson, surintendante, Bureau du surintendant des institutions financières Canada : En effet, j'ai une déclaration, dont vous avez une copie, si je ne me trompe pas.

[Français]

Je vous remercie de m'avoir invitée à prendre la parole devant votre comité.

[Traduction]

Si les institutions financières canadiennes ont été bien capitalisées et généralement bien gérées par le passé, ni les organismes de réglementation comme le BSIF ni les institutions mêmes ne doivent céder à la complaisance.

[Français]

L'économie mondiale demeure fragile et les marchés des capitaux sont volatils. Ces derniers mois, les conditions financières mondiales se sont dégradées et les prévisions de la croissance économique de nombreux pays ont été révisées à la baisse.

Une légère récession est désormais attendue en Europe et la reprise économique des États-Unis est chétive. La crise de la dette européenne engendre des facteurs de risques et de l'incertitude.

[Traduction]

Cette situation touche évidemment les institutions financières. Une réduction de la croissance limitera leurs bénéfices. Les institutions sont déjà aux prises avec des taux d'intérêt extrêmement bas qui se répercutent sur les marges et les hypothèses au sujet du rendement futur. En ce qui concerne la crise de la dette européenne, bien que l'exposition directe totale du secteur bancaire canadien aux pays les plus à risque soit modeste, à défaut d'une solution aux problèmes de l'Europe, tous les pays seront touchés, et l'ampleur des répercussions est difficile à prédire. Voilà pourquoi le BSIF exige des institutions qu'elles se livrent à de nombreuses simulations de crise et qu'il accorde autant d'importance aux fonds propres et aux liquidités.

Les fonds propres sont primordiaux, car ils permettent d'amortir les pertes imprévues. Et puis, les institutions dépendent des liquidités pour faire face à la variation de la demande de numéraire de la part de la clientèle. Si les institutions étaient soumises à une surveillance rigoureuse avant la crise, les règles ont été sensiblement resserrées depuis. En outre, nous avons beaucoup haussé les normes de gestion du risque que doivent appliquer les institutions en général, car les conditions actuelles exigent qu'elles soient particulièrement sensibles au risque et qu'elles s'appliquent à le gérer. Nous engageons les institutions à continuer à investir dans les systèmes de gestion du risque et les mécanismes de contrôle dont elles ont besoin pour résister aux épreuves du moment, toujours aussi nombreuses.

Comme il s'agit d'une crise mondiale, il a été proposé d'apporter un certain nombre de changements à la réglementation internationale afin de stabiliser le système financier mondial. Des initiatives ont été lancées sur les plans des fonds propres, des liquidités et de l'endettement, et la nécessité de trouver des moyens de résoudre les institutions en difficulté, tels les testaments, a été reconnue. Je vais m'attarder à l'une de ces initiatives, celle qui concerne les fonds propres.

L'Accord de Bâle III fixe des exigences minimales de fonds propres qui commenceront à prendre effet le 1er janvier 2013 et qui augmenteront progressivement jusqu'en 2019. Il s'agit de normes minimales auxquelles doivent satisfaire les banques des pays membres du G20. La période de transition est longue parce qu'il faudra beaucoup de temps aux banques de certains pays pour se conformer aux nouvelles normes. Cependant, comme la période d'adaptation est très longue, les pays du G20 ont convenu que les banques devront respecter les nouvelles exigences dès qu'il leur sera raisonnablement possible de le faire, et les banques canadiennes suivront cette consigne.

En effet, les règles officielles du BSIF tiennent compte des exigences de l'Accord de Bâle et des délais qu'il fixe — qui autorisent une mise en œuvre progressive entre 2013 et 2019 —, mais nous avons informé les banques qu'elles devront avoir en main dès le premier trimestre de 2013 suffisamment de fonds propres, c'est-à-dire 7 p. 100 d'actions ordinaires de catégorie 1, pour être conformes aux normes de 2019. Cette façon de faire est prudente, eu égard à la conjoncture. En outre, les banques canadiennes sont en bonne posture pour répondre à nos attentes, voire les dépasser.

Par ailleurs, le BSIF surveille de près les autres pays. Les États-Unis, par exemple, annonceront en 2012 la façon dont ils appliqueront Bâle III. L'UE a fait savoir que ses banques devront fortement augmenter leurs fonds propres d'ici juin prochain en s'en tenant aux règles en vigueur, puis se conformer aux normes resserrées de Bâle III en 2013. Bien des gens comparent à tort les niveaux de fonds propres des banques de par le monde, alors qu'il est primordial de se référer à cette fin à des paramètres uniformes, tels ceux de Bâle III.

[Français]

Le BSIF a fait valoir à des tribunes internationales que les règles, comme les normes de fonds propres, ne sont efficaces que si elles s'accompagnent de surveillance soutenue. Une surveillance serrée est un bon moyen de détecter des risques que courent éventuellement des institutions financières particulières, sans bien les comprendre ou sans exercer de contrôles adéquats, afin de prendre des mesures correctives. C'est pourquoi le BSIF a fait une large place à la surveillance au fil des ans.

J'aimerais souligner les efforts concertés des partenaires fédéraux de BSIF dont chacun a un mandat clair et distinct. J'ai parlé de la Banque du Canada, du ministère des Finances, de la Société d'assurance-dépôt du Canada et de l'Agence de la consommation en matière financière du Canada.

Nous discutons régulièrement de dossiers susceptibles d'influer sur les institutions financières ou la stabilité financière. Chacun de nous joue un rôle qui lui est propre à l'échelon fédéral.

[Traduction]

C'est avec plaisir que je répondrai à vos questions.

Le président : Madame Dickson, au dernier paragraphe, vous nommez les autres organismes fédéraux avec qui vous travaillez et discutez régulièrement. Quel est le rôle que joue le BSIF à l'échelle internationale?

Mme Dickson : Nous sommes membres du Comité de Bâle sur le contrôle bancaire, qui établit les règles concernant les fonds propres et les liquidités ainsi que les normes générales de gestion du risque à l'intention des banques. Nous siégeons également au Conseil de stabilité financière. Le Canada a trois représentants, en plus du président qui, comme vous le savez, est le gouverneur de la Banque du Canada. En ce qui me concerne, je représente l'organisme de surveillance. Le ministère des Finances a un représentant, de même que la Banque du Canada. Sur le plan des assurances, nous faisons partie de l'Association internationale des contrôleurs d'assurance.

Le président : Par exemple, lorsque les États-Unis disent qu'ils feront connaître leur position en 2012, avez-vous une tribune où vous pouvez exprimer votre désir de d'avancer l'échéance?

Mme Dickson : Tous ceux qui siègent au Conseil de stabilité financière et au Comité de Bâle sur le contrôle bancaire ont convenu que l'Accord de Bâle III entrera en vigueur le 1er janvier 2013. Toutefois, les pays n'ont pas tous précisé comment ils entendaient mettre en œuvre Bâle III ni les délais selon lesquels ils allaient exiger que les institutions se conforment aux règles, peut-être même avant 2019. Ce ne sont pas tous les pays qui ont révélé ces détails.

Je m'attends à ce que les États-Unis fassent une annonce au premier trimestre. L'important, c'est de s'assurer que tous les pays respectent leur engagement, qui est de mettre en œuvre l'Accord de Bâle III.

Le président : Et s'ils ne le font pas?

Mme Dickson : Nous nous attaquerons au problème lorsqu'il se posera. De nombreux mécanismes sont en place pour veiller au respect de la mise en œuvre. Le CSF et le CBCB ont déjà entrepris plusieurs examens par les pairs pour s'assurer que les pays adoptent ces accords, étant donné que c'était problématique avant la crise. Nous avons découvert que non seulement les États-Unis n'avaient pas adopté l'Accord de Bâle II, mais aussi que beaucoup d'autres pays n'avaient pas fait grand-chose au chapitre du contrôle des institutions financières. Cette surveillance est essentielle pour déterminer si les fonds propres qu'elles déclarent sont exacts. Il y a beaucoup de questions comme celle-là qui revêtent une grande importance, et c'est pourquoi nous avons besoin d'établir des processus à l'échelle mondiale afin que tous les pays soient assujettis aux mêmes règles.

Le président : Merci beaucoup. Avant d'enchaîner avec la liste des intervenants, je vais présenter les autres sénateurs qui viennent de se joindre à nous. À ma gauche, il y a le sénateur Oliver, de la Nouvelle-Écosse; le sénateur Ringuette, du Nouveau-Brunswick; la vice-présidente du comité, le sénateur Hervieux-Payette, du Québec; le sénateur Gerstein, de l'Ontario; ainsi que le sénateur Greene, de la Nouvelle-Écosse. Nous allons maintenant amorcer la période de questions. C'est le sénateur Harb qui ouvre le bal.

Le sénateur Harb : Merci beaucoup pour votre présentation, et félicitations pour votre bon travail. C'est évidemment grâce à votre institution et à votre équipe que notre système bancaire a pu survivre à la crise.

J'aimerais vous poser une question sur les régimes de retraite privés. Est-ce que votre bureau est en mesure de faire quelque chose pour s'assurer, par exemple, qu'ils résistent aux tests de tension? Procédez-vous à des tests de tension en ce qui concerne les régimes de retraite?

Mme Dickson : Je dois d'abord préciser que le BSIF ne supervise qu'environ 10 p. 100 des régimes de retraite privés au Canada. Nous demandons aux promoteurs de régimes, c'est-à-dire les entreprises qui offrent des régimes de retraite, de procéder à des tests de tension. C'est une exigence que nous avons instaurée il y a quelques années, parce que nous voulions qu'ils comprennent quelles pourraient être les répercussions, par exemple, d'une baisse des taux d'intérêt, d'un ralentissement économique ou des difficultés d'une certaine entreprise. Nous voulons qu'ils connaissent les effets que cela pourrait avoir sur leurs régimes de retraite. C'est une de nos exigences. C'est un exercice utile, car il est important de savoir à quoi s'attendre en toutes circonstances quand il est question de votre régime de retraite.

Le gouvernement a adopté et mis en œuvre différents changements législatifs récemment, et je pense que c'était aussi une bonne chose. Un des changements permet aux promoteurs de faire la moyenne des exigences de capitalisation sur une période de trois ans. De cette façon, on évite de se retrouver dans la situation précédente, où les exigences de capitalisation pouvaient fluctuer grandement d'une année à l'autre. C'est une mesure qui aide un peu les promoteurs, car il peut être difficile de gérer de telles fluctuations.

Le sénateur Harb : Qu'en est-il des produits dérivés? Évaluez-vous, par exemple, l'exposition des institutions financières aux produits dérivés, comment ces produits sont gérés et les risques potentiels? Quelles mesures pourraient être mises en place pour gérer une crise potentielle dans ce secteur?

Mme Dickson : C'est effectivement quelque chose que nous surveillons, et il est important de le faire. Le Conseil de stabilité financière a convenu que les swaps sur défaillance et les swaps de taux d'intérêt devaient être approuvés par des contreparties centrales. On travaille activement à la mise en place de telles mesures. L'échéance avait été fixée à la fin de 2012. Nous ne sommes encore rendus là. C'est un point très important. Aux quatre coins de la planète, on travaille fort pour garantir que le plus grand nombre possible de produits dérivés seront approuvés par les contreparties centrales.

[Français]

Le sénateur Massicotte : Merci, madame Dickson, d'être parmi nous. Juste un commentaire; il faut reconnaître que, lorsqu'on regarde le monde entier, le Canada a été très chanceux, il est passé à travers une période très difficile en 2008- 2009. Comme vous le savez, plusieurs personnes mettent ce beau résultat à leur crédit; je crois que les faits montrent que c'est plutôt notre système de réglementation, de supervision et, en partie, votre bureau, madame Dickson, qui ont contribué à ce résultat. Au nom de tous les Canadiens et Canadiennes, je vous remercie pour votre bon travail.

On parle beaucoup de nouveaux règlements et de Bâle III, mais comme tout bon programme de supervision et de réglementation, c'est quand même très dépendant des superviseurs, des personnes impliquées. Je ne suis pas convaincu que quelqu'un d'autre à votre poste aurait fait mieux que ce que nous avons connu depuis deux ou trois ans.

Comment peut-on rassurer les Canadiens sur le fait que, dans les cinq ou 10 prochaines années, la compétence des gens dans votre organisation sera aussi bonne qu'on l'a vu depuis trois ou quatre ans, ce qui dépend évidemment des personnes en place? Comment pouvez-vous nous assurer que le système comme tel va encore nous sauver si jamais nous rencontrons des problèmes financiers?

[Traduction]

Mme Dickson : Merci pour vos commentaires, mais il y a toute une équipe derrière le BSFI. Il est important de signaler que certaines des règles instaurées par le BSFI sont là depuis longtemps. Beaucoup de gens ont contribué à son succès. Merci de vos bons mots à mon endroit, mais c'est véritablement un travail d'équipe.

Comment veiller au bon fonctionnement du BSFI dans le futur? Un des messages que je répète sans cesse est qu'il ne faut pas s'endormir sur ses lauriers. Je pense que le BSFI s'est montré efficace, mais il n'est pas à lui seul responsable du bon rendement du système financier canadien. Je rappelle toujours à mes collègues qu'il faut tirer des leçons de ce qui arrive aux autres pays et demeurer prudent.

Nous continuons à appliquer les mêmes mesures que nous appliquons depuis 10 ans. Il y a un peu plus de 10 ans, le BSFI a réaménagé son effectif. Nous avons d'abord embauché beaucoup de personnes du secteur privé. L'effectif du bureau de Toronto vient probablement en totalité du secteur privé; nous avons aussi des bureaux à Ottawa, à Montréal et à Vancouver. C'est aussi un avantage pour nous d'être présents dans différents marchés, car cela nous permet de maintenir un solide noyau d'employés. Le BSFI a pu attirer des gens de grand talent, entre autres parce qu'il offre une certaine souplesse salariale, mais aussi parce que le travail est intéressant. Il permet en effet, et c'est ce qu'on me dit, d'avoir une vue d'ensemble du secteur, ce qui n'est généralement pas possible dans le secteur privé. Quand on travaille pour une institution financière, on ne voit que ce qui est de la portée de cette institution, et pas l'intégralité du secteur. Ce sont là quelques-uns des facteurs qui ont permis au BSFI d'avoir un bon rendement, et nous espérons que cela continuera.

Le sénateur Massicotte : Naturellement, la prudence des institutions financières est attribuable au BSIF, mais le bureau s'occupe également de la supervision et de l'évaluation de la solvabilité des régimes de retraite fédéraux, si j'ai bien compris. Une forte proportion de ces régimes — à vrai dire, je lis presque chaque semaine des articles sur le sujet, et vos propres rapports indiquent que plus de 50 p. 100 de ces régimes sont insolvables et n'arrivent pas à respecter leurs obligations financières. Diverses analyses peuvent donner des résultats différents, mais il est bien connu que la faiblesse des taux d'intérêt sur les obligations ou sur les dépôts à intérêt fixe contribue à l'insolvabilité des institutions financières — c'est peut-être en raison de la faiblesse du marché des derniers temps.

Dernièrement, vous avez fait une remarque à propos des sociétés d'assurance-vie. Il est impossible de prédire que la situation de ces régimes s'améliorera à court terme du fait que ce marché deviendrait prospère, ni que le produit de taux prendra considérablement de la valeur. Quelle est la solution? Même si personne n'ose le dire, faudrait-il réarranger ou redéfinir les obligations des régimes de retraite? Faudra-t-il en arriver là?

Mme Dickson : Nous évaluons environ tous les six mois la solvabilité des régimes de retraite que nous surveillons. En juin, lors du dernier examen, le ratio de solvabilité moyen des régimes était de 90 p. 100. Ce ratio a déjà été bien plus faible. Nous préférons qu'il soit supérieur à 100 p. 100, mais un résultat de 90 p. 100 n'est pas si mal.

Je suppose que d'ici la fin de l'exercice, le ratio de solvabilité de tous les régimes de retraite reflétera ce qui s'est passé depuis juin, si la situation perdure — c'est la prochaine date importante.

En 2008, le ratio avait chuté de 15 points de base, je crois, en raison de la grande turbulence des marchés et du ralentissement des marchés boursiers, entre autres. Attendons de voir la situation à la fin de l'exercice. Les marchés sont difficilement prévisibles et pourraient même repartir en hausse. La situation est fort incertaine. Personne ne sait dans quelle direction les taux d'intérêt fluctueront. Je ne serais pas prête à faire une croix sur les régimes de retraite. Si les gestionnaires ont réalisé les tests de tension comme nous leur avons demandé, ils ne devraient pas être surpris des résultats. Le fait que le gouvernement a précisé le fonctionnement des exigences de financement et a décidé d'examiner les résultats sur une moyenne de trois ans plutôt que ponctuellement, entre autres, sera bien utile.

Naturellement, certains enjeux n'ayant rien à voir avec les marchés, comme la longévité de la population, entrent aussi en jeu. Les gens vivent plus longtemps, ce qui signifie que le régime de retraite coûte plus cher au promoteur. La bonne nouvelle, c'est que les gens vivent souvent jusqu'à 89 ans, semble-t-il. Ils sont toutefois beaucoup moins nombreux à survivre jusqu'à 100 ans. De telles tendances peuvent aussi être déterminantes. C'est pourquoi nous ne voulons pas porter toute notre attention sur les marchés au détriment des autres enjeux.

Le sénateur Massicotte : J'ai lu dans un rapport que cinq ou six régimes de retraite à cotisation déterminée figurent sur une liste de surveillance. Comment est-ce possible si les cotisations sont déterminées? Est-ce parce que l'employeur n'a pas versé sa cotisation?

Mme Dickson : C'est possible, oui.

Le président : J'aimerais demander une précision à propos d'une question du sénateur Massicotte. Vous avez dit que la grande compétence de certains employés explique peut-être l'excellence avec laquelle le BSIF a navigué dans les eaux troubles de la tempête financière des derniers mois. Pourriez-vous nous dire si vous avez l'impression de pouvoir offrir un salaire attirant pour les talents les plus prometteurs? Au cours des derniers mois, un de vos employés d'expérience vous a quitté pour se joindre à l'équipe d'une banque à charte. Le secteur public a sans doute toujours eu du mal à concurrencer le secteur privé. Trouvez-vous cela difficile? Arrivez-vous à soutenir la concurrence du secteur privé?

Mme Dickson : Au début des années 2000, nous avons adopté une politique de rémunération spéciale qui nous donne plus de souplesse au sujet des salaires. Nous essayons de verser des salaires correspondant à 75 p. 100 du salaire offert dans le secteur privé, et nous menons des enquêtes salariales pour nous assurer que nous sommes sur la bonne voie à cet égard. Cette politique suffit à attirer les gens dans la plupart des échelons, mais pour ce qui est des postes de niveau supérieur, nous n'arrivons pas à concurrencer les primes du secteur privé, entre autres.

Je constate que le taux de roulement du BSIF est très faible. Il est de 5 p. 100, tout au plus. J'ai appris que celui des institutions financières du secteur privé se situe probablement autour de 9 p. 100. Nous avons donc un taux de roulement assez bas. Je crois que c'est parce que ceux qui se joignent à l'équipe du BSIF sont exceptionnels et qu'ils trouvent leur travail des plus intéressants.

Nous avons été plutôt chanceux. La crise qui a éclaté en 2007 a mis le BSIF sous le feu des projecteurs. Par conséquent, lorsque nous affichons une offre d'emploi, nous recevons désormais beaucoup de candidatures, généralement. Pour l'instant, la situation est confortable.

Le président : Il y a quelques années, le ministère du Revenu permettait à des avocats de venir travailler dans son équipe pendant deux ou trois ans, puis de retourner dans le secteur privé. Offrez-vous de tels programmes?

Mme Dickson : Généralement, nous ne procédons pas ainsi. Il est tout de même arrivé que des gens viennent travailler au BSIF quelques années avant de repartir. Habituellement, ces personnes travaillaient auparavant pour une banque ou une société d'assurances. Elles viennent chez nous pour tout apprendre sur la concurrence, puis elles retournent auprès de la société en question. Cette situation peut être problématique, mais c'est rare.

Le sénateur Moore : Madame Dickson, je vous remercie de votre témoignage. J'aimerais vous poser deux questions : la première porte sur les produits dérivés et l'autre, sur les normes de Bâle III en matière de fonds propres.

Pour faire suite à la question du sénateur Harb sur les produits dérivés, j'aimerais préciser que des témoins nous ont déjà dit que les investisseurs avertis qui placent 150 000 $ ou plus n'ont pas besoin de prospectus puisqu'ils savent ce qu'ils font. Par la suite, l'affaire du papier commercial adossé à des actifs a occasionné des pertes de 30 ou 33 milliards de dollars. Manifestement, certains ignoraient dans quoi ils s'embarquaient. Est-il désormais obligatoire de distribuer un prospectus avant de vendre des produits dérivés?

Mme Dickson : C'est une bonne question pour les commissions des valeurs mobilières, mais je n'en connais pas la réponse.

Le sénateur Moore : Je croyais que c'était de votre ressort, mais j'imagine que je me trompe.

Pour ce qui est des normes de Bâle III en matière de fonds propres, certains ont parlé de « liquidités nettes » à propos des exigences minimales. Y a-t-il une différence? Ces normes ont soulevé toute une controverse. M. Carney, le gouverneur de la Banque du Canada, a dit sans mâcher ses mots que nous devions obéir à ces normes, ce que les banques à charte du Canada et des banques américaines ont contesté. Y a-t-il une différence entre les exigences minimales de fonds propres que propose Bâle III et celles que les banques préféreraient appliquer? Pourriez-vous nous l'expliquer, à moi et à nos téléspectateurs?

Mme Dickson : Bien sûr. L'Accord de Bâle III porte sur trois éléments essentiels : les fonds propres, les liquidités et le ratio de levier.

Je pense que plusieurs banques mondiales s'opposent aux normes de fonds propres prévues dans l'Accord de Bâle III puisqu'il s'agit d'une augmentation considérable dans le secteur bancaire. Cela ne fait pas vraiment leur affaire.

Le sénateur Moore : Ce sont des fonds que les banques doivent garder en réserve?

Mme Dickson : Oui, en cas de pertes inattendues.

À l'échelle mondiale, l'industrie est également très inquiète au sujet des liquidités. Toutefois, le Comité de Bâle a formulé sur ce plan une proposition qui fait encore l'objet de consultations. Si elle était adoptée, elle entrerait en vigueur dès 2014 ou 2015, je crois. Or, l'industrie bancaire mondiale est grandement préoccupée par cette proposition sur les liquidités.

Le sénateur Moore : Que sont les liquidités par rapport aux fonds propres?

Mme Dickson : C'est l'argent comptant à portée de main qui sert notamment aux retraits des particuliers.

Le sénateur Moore : C'est donc l'argent disponible?

Mme Dickson : C'est exact.

Le sénateur Moore : C'est différent des liquidités, car dans ce cas, il faut parfois vendre des actifs pour réaliser les fonds propres, n'est-ce pas?

Mme Dickson : Oui et non. Deux facteurs entrent en ligne de compte au sujet des liquidités. D'une part, la banque doit connaître la valeur de ses actifs liquides. L''argent comptant est ce qu'il y a de plus liquide, mais les bons du Trésor du Canada sont aussi un actif facile à liquider. Combien reste-t-il à la banque si tous ses clients retirent leur argent en même temps? La banque doit absolument connaître la réponse à cette question. Conformément aux normes, ses liquidités devraient lui permettre de tenir 30 jours sans l'argent de ses clients. C'est un minimum.

D'autre part, ces règles prévoient la transformation des échéances, ce qui signifie que la banque emprunte sur les dépôts à court terme des clients pour consentir des prêts à long terme. Des problèmes attendent la banque qui abuse de ce processus et qui se retrouve avec un grand décalage, mais les règles qui s'appliquent aux liquidités encadrent ce genre de situation.

Le sénateur Moore : Il faut donc que le bilan demeure positif.

Mme Dickson : C'est certain; il faut surveiller à quel point on est prêt à le déséquilibrer.

Le sénateur Moore : Votre comité se tourne-t-il vers le Comité de Bâle ou le Conseil de stabilité financière, quand il s'agit d'essayer de réglementer le secteur financier?

Mme Dickson : Oui. C'est un problème de taille aux yeux du secteur bancaire à l'échelle mondiale. Le ratio de levier est un peu mieux accepté. Le Canada a depuis longtemps un tel ratio, mais d'autres pays n'en ont jamais eu. Pour eux, c'est sans contredit un changement.

Le sénateur Moore : Vous avez parlé des fonds propres et des liquidités. Quel est le troisième élément, déjà?

Mme Dickson : C'est le ratio de levier.

[Français]

Le sénateur Ringuette : Dans l'entente de Bâle III, on parle d'institutions bancaires. Au Canada, on a les banques à charte. Elles étaient essentiellement des banques à vocation commerciale. On a rajouté une vocation de banque d'investissement, sans compter, dans les récentes années, celle de compagnies d'assurance.

Alors, au niveau de Bâle III et des institutions financières canadiennes, les ratios demandés pour atteindre les objectifs incluent-ils tous les avoirs de nos banques, ou devrais-je plutôt dire de nos institutions financières, ou est-ce qu'on regarde seulement le secteur commercial ou le secteur d'investissement? En somme, est-ce qu'il y a une différence qu'on devrait comprendre clairement et qui est applicable de façon unique au secteur financier canadien?

[Traduction]

Mme Dickson : La meilleure explication que je puisse vous donner, c'est que l'Accord de Bâle III s'applique aux banques. Les compagnies d'assurances doivent obéir à d'autres règles, qui ne font pas partie de Bâle III. Au Canada, il s'agit du montant minimal permanent requis pour le capital et l'excédent, ou MMPRCE. Les maisons de courtage de valeurs appartiennent aux grandes banques canadiennes.

Le sénateur Ringuette : Ce n'est pas ainsi à l'étranger.

Mme Dickson : C'est vrai, mais la situation a un peu évolué. En raison de la crise financière, de nombreuses maisons de courtage de valeurs américaines se sont reconverties en banques. Par exemple, Goldman Sachs est devenue une banque américaine. Au Canada, toutes les grandes banques possèdent des maisons de courtage de valeurs, et les règles de Bâle III s'appliquent à l'ensemble du groupe. Avant la crise, les États-Unis essayaient de soumettre les entreprises d'investissement autres que les banques aux règles de fonds propres s'appliquant aux banques. Toutefois, la crise prouve qu'on n'y est probablement pas tout à fait arrivé.

Au Canada, nous avons des banques, des compagnies d'assurances, des coopératives d'épargne et de crédit et des caisses populaires.

Le sénateur Ringuette : Ces dernières sont de compétence provinciale.

Mme Dickson : En effet. Il arrive qu'une province adopte les règles de Bâle. Il faut toujours essayer de déterminer quelles règles s'appliquent aux fonds propres d'une institution financière donnée. Au Canada, les règles de Bâle s'appliquent à tout ce qu'on appelle une « banque ».

Le sénateur Ringuette : Les règles s'appliquent-elles également aux maisons de courtage de valeurs?

Mme Dickson : Oui.

Le sénateur Hervieux-Payette : Puis-je demander une précision? Les banques possèdent également des compagnies d'assurances?

Mme Dickson : Oui.

Le sénateur Hervieux-Payette : La banque est l'entité principale à laquelle appartiennent la maison de courtage de valeurs et la compagnie d'assurances. Les compagnies d'assurances sont-elles soumises aux règles de Bâle, ou font-elles exception?

Mme Dickson : Conformément aux règles de Bâle, une banque qui possède une compagnie d'assurances doit déduire cet investissement de ses fonds propres. La compagnie d'assurances est ensuite assujettie aux règles de fonds propres qui s'appliquent à son secteur. Bâle III reconnaît qu'il devrait en être ainsi à l'échelle mondiale. C'est d'ailleurs ce que nous faisons depuis des années.

Le sénateur Hervieux-Payette : Cela explique pourquoi les compagnies d'assurances qui appartiennent aux banques sont assujetties aux règles de Bâle III alors que d'autres règles s'appliquent aux compagnies d'assurances indépendantes. La banque et la maison de courtage de valeurs sont prises en compte dans le calcul des règles de Bâle III.

Mme Dickson : C'est exact.

Le sénateur Ringuette : C'est clair. À l'échelle nationale, à quelle fréquence vérifiez-vous la conformité aux exigences de base des règles de Bâle ou de la loi canadienne?

Mme Dickson : Avez-vous dit « la loi »? Nous ne parlons plus des fonds propres?

Le sénateur Ringuette : Non.

Mme Dickson : S'il est question du règlement qui relève de la loi, l'examen est censé être quinquennal.

Le sénateur Ringuette : Pardonnez-moi; je me suis peut-être mal exprimée. À quelle fréquence vérifiez-vous si une banque est conforme aux exigences de la loi canadienne ou des règles de Bâle? Chaque année, aux trois ans ou aux cinq ans?

Mme Dickson : Nous le faisons sans arrêt. Par exemple, nous vérifions régulièrement ce que font les banques. Il y a des règles à suivre dans la loi et dans les lignes directrices. Par exemple, l'Accord de Bâle III comporte des exigences minimales concernant les fonds propres. Nous devons continuellement déterminer s'il faut faire des redressements et exiger davantage de fonds propres.

Le sénateur Ringuette : Je ne me suis probablement pas encore exprimée assez clairement. À quelle fréquence les institutions financières fédérales doivent-elles rendre des comptes au BSIF? À chaque année, aux deux ans ou bien aux trois ans? Ne me dites pas « régulièrement », car ce n'est pas ce que je vous demande.

Mme Dickson : Tout dépend de l'objet du rapport. Chaque trimestre, les institutions financières nous font parvenir leurs états financiers, car elles sont tenues de les déposer au même titre que toute société. Des données viennent constamment s'ajouter à leur dossier. Nous devons vérifier régulièrement si elles se lancent dans de nouvelles affaires. Par exemple, une banque pourrait décider de se lancer dans une nouvelle entreprise, et celle-ci pourrait prendre beaucoup d'ampleur en trois trimestres. Nous devons le savoir. Nous accumulons sans cesse des données sur les faits et gestes des banques. Il arrive que nous voulions obtenir plus d'information sur un enjeu particulier, et la loi nous autorise à demander des comptes aux banques à tout moment.

Le sénateur Hervieux-Payette : Une banque canadienne a fait l'acquisition de MBNA. Qu'avez-vous fait pour surveiller l'évolution de la transaction?

Le sénateur Ringuette : Le témoin n'a pas répondu à ma question.

Le sénateur Hervieux-Payette : Ma question est liée à la vôtre. Lorsque cette banque canadienne a acquis le portefeuille de cartes de crédit MBNA, comment en avez-vous été avisés? À quel moment avez-vous reçu des rapports à ce sujet? Comment avez-vous surveillé la transaction? Il s'agissait de milliards de dollars.

Mme Dickson : Une banque qui désire acheter MBNA doit d'abord obtenir notre approbation. Elle doit nous adresser une demande comportant tous les détails de la transaction et précisant ce qu'elle compte faire par la suite. Il s'agit là d'une source importante de renseignements. Nous connaissons déjà les deux entités puisque c'est nous qui les réglementons. Lorsqu'une banque fait l'acquisition d'une autre entité, nous surveillons l'évolution de la situation au quotidien.

Lors d'une transaction plus modeste, nous préférons parfois nous concentrer sur autre chose. Notre démarche est fondée sur le risque. Nous décidons des dossiers sur lesquels porter notre attention en fonction de leur caractère significatif. Nous pouvons nous attarder sur ce qui se passe n'importe où, que ce soit au Canada ou aux États-Unis. Certaines de nos institutions financières ont des activités en Asie. Si nous jugeons le dossier important, nous allons l'examiner.

Le président : Comme Mme Dickson l'a dit, les exigences en matière de déclaration varient d'un domaine à l'autre, et c'est ce qui pose problème, selon moi. Au fond, vous pouvez examiner tout dossier à n'importe quel moment, n'est-ce pas?

Mme Dickson : Oui.

Le sénateur Ringuette : Non.

Monsieur le président, je comprends que le BSIF a le pouvoir d'exiger n'importe quelles données en tout temps, mais la seule réponse que j'ai reçue, c'est « régulièrement ». Or, ce mot peut signifier tous les trois ans, chaque mois ou même chaque jour. J'aimerais savoir précisément la fréquence minimale à laquelle vous vérifiez si une institution financière canadienne satisfait les exigences en matière de fonds propres et de liquidités.

C'est la question que je vous pose. Veuillez m'excuser si ma formulation vous a induite en erreur, mais je veux connaître le délai. Quelle est la fréquence minimale à laquelle on doit vous rendre des comptes sur...

Le président : À quel sujet?

Le sénateur Hervieux-Payette : Sur l'observation des règles de Bâle.

Le sénateur Ringuette : Exactement; ou encore sur l'observation des règles qui s'appliquent aux banques canadiennes.

Le président : Cette précision vous permet-elle de répondre?

Mme Dickson : Tout dépend de l'objet du rapport; les banques doivent rendre des comptes chaque semaine au sujet des liquidités, et certainement chaque trimestre dans le cas des fonds propres. C'est variable.

Le président : Madame Dickson, pourriez-vous faire parvenir au greffier une liste à ce sujet?

Mme Dickson : Sans problème.

Le président : Sénateur Ringuette, ces renseignements vous seraient-ils utiles?

Le sénateur Ringuette : Oui. Aussi, qu'en est-il des compagnies d'assurances en activité au Canada et des régimes de retraite privés fédéraux?

Mme Dickson : Pour les compagnies d'assurances, tout dépend encore ici de l'enjeu. Les liquidités ne leur posent généralement aucun problème, mais ces compagnies doivent elles aussi rendre des comptes chaque trimestre au sujet de leurs fonds propres.

La situation est différente concernant les régimes de retraite privés. Chaque année, le promoteur nous fait parvenir un rapport d'évaluation qui présente une analyse détaillée du régime et qui indique s'il se porte bien, entre autres. Compte tenu du caractère à long terme des régimes de retraite, ce rapport était auparavant demandé tous les trois ans. Le fait d'exiger le dépôt annuel du rapport constitue un changement considérable dans ce secteur, car il ne s'agit pas d'un simple rapport mensuel. De plus, nous vérifions la solvabilité des régimes tous les six mois. Nous en profitons pour examiner le ratio de solvabilité et ce qui s'est passé au cours des six mois précédents.

Le sénateur Ringuette : Vous vérifiez la solvabilité du régime de retraite?

Mme Dickson : Exactement.

Le sénateur Ringuette : Merci.

Le président : Madame Dickson, nous aimerions bien obtenir ces renseignements, mais ce n'est pas une urgence absolue.

Sénateur Moore, avez-vous une autre question?

Le sénateur Moore : En réponse au sénateur Ringuette, je crois, vous avez dit que les banques à charte canadiennes possèdent toutes une maison de courtage de valeurs. Est-ce que ces maisons de courtage investissent ou risquent l'argent que les clients ont déposé? Sinon, l'argent demeure-t-il exclusivement au sein des activités qui relèvent de la banque à charte?

Mme Dickson : Tout dépend de la structure du conglomérat en question. En règle générale, il est difficile de faire la distinction entre les différents domaines d'activité des grandes banques. Même s'il s'agit de personnes morales dissociées, les activités quotidiennes peuvent être difficiles à débrouiller. C'est pour cette raison qu'on a mis en place le processus de testament dont j'ai parlé dans ma déclaration, et qui prend toute son importance en cas de faillite. Lors de la faillite de Lehman Brothers, qui est survenue pendant la crise financière, on a réalisé qu'il est extrêmement difficile de démêler rapidement les domaines d'activité des institutions financières sans information à ce sujet. Ces testaments visent donc à clarifier la structure juridique et à tirer au clair l'ensemble des relations internes entre les diverses entités. L'objectif est de déterminer s'il est possible de séparer de tout le reste les banques et les dépôts, qui sont assurés par la Société d'assurance-dépôts du Canada. À l'heure actuelle, le Canada et d'autres pays travaillent fort là-dessus.

Le sénateur Moore : Si vous trouvez difficile de démêler ces activités, imaginez ce qu'en pensent les citoyens qui ont un compte en banque. J'imagine qu'ils se fient à des gens comme vous pour savoir où se trouve leur argent et ce qui est risqué ou non. Les gens aimeraient être au courant, moi le premier.

Mme Dickson : Il est à noter que la SADC protège les dépôts jusqu'à concurrence de 100 000 $; nous déployons beaucoup d'efforts pour en informer les Canadiens.

Le sénateur Moore : Il existe aussi des coopératives d'épargne et de crédit, n'est-ce pas? En êtes-vous responsables?

Mme Dickson : Non. La SADC couvre les banques, entre autres. J'invite les téléspectateurs à consulter le site web de la SADC pour savoir s'ils sont assurés ou non.

Le président : La SADC, c'est bien la Société d'assurance-dépôts du Canada.

Mme Dickson : C'est exact.

Le sénateur Massicotte : Je sais qu'il est rassurant pour les déposants de savoir qu'ils sont assurés jusqu'à concurrence de 100 000 $, mais cela n'aide en rien les sénateurs Oliver et Greene.

Le sénateur Greene : Écoutez donc qui parle.

Le sénateur Massicotte : Cela dit, qu'en pensez-vous? Volcker, entre autres, croit fermement qu'il faut séparer les services bancaires d'investissement de tout ce qui touche les dépôts. Au Canada, on refuse de le faire sous prétexte que tous les organismes de réglementation collaborent sans problème, y compris la Banque du Canada. Le ministre des Finances croit que nous pouvons prendre ce risque et analyser la situation sans compromettre notre système. Qu'en pensez-vous?

Mme Dickson : Nous surveillons de près ce que font les autres pays à cet égard. La règle Volcker est des plus intéressantes. Nous observons ce qu'il en advient, mais personne ne semble avoir trouvé comment la mettre en œuvre. C'est bien beau de dire qu'on veut empêcher les banques de se lancer dans ce genre d'activités, mais formuler une règle là-dessus est loin d'être simple.

La règle proposée a été rendue publique en octobre, je crois. Ce document de plus de 200 pages contient de nombreuses questions à l'intention du secteur bancaire visant à trouver une façon de faire. C'est loin d'être simple.

J'ai bien hâte de voir comment les États-Unis s'y prendront. S'ils arrivent à appliquer la règle, je pense que bien des pays s'y intéresseront. Toutefois, le modèle bancaire canadien semble fonctionner. Les banques attribueront leur rentabilité pendant la crise aux gains des maisons de courtage de valeurs. Elles affirmeront qu'elles contrôlent bien le secteur. Tout le monde a son mot à dire sur la règle de Volcker en raison de sa notoriété. Le Royaume-Uni emprunte une avenue similaire, mais reste à voir si ce sera mis en œuvre. J'ai appris hier ou aujourd'hui que l'Union européenne se demande elle aussi s'il convient de séparer les services bancaires de détail et les services bancaires d'investissement. Je crois qu'on ne peut ignorer ces changements, mais il vaut mieux attendre de voir si ces pays trouveront une façon d'appliquer la règle.

Le sénateur Massicotte : Merci.

Le sénateur Gerstein : Madame Dickson, je vous remercie d'être avec nous aujourd'hui. La stabilité de la structure financière du Canada est désormais reconnue à l'échelle planétaire. Le monde considère que le Canada est passé maître dans la gestion des questions financières.

Toutefois, certains d'entre nous se souviennent sans doute qu'il n'en a pas toujours été ainsi. Il y a 25 ou 30 ans, une banque de l'Ouest canadien a fait faillite; c'était la Norbanque, je crois. Aussi, de nombreuses sociétés de fiducie étaient très mal en point. Bien franchement, ce qui s'est passé depuis est selon moi attribuable aux efforts de l'ensemble des gouvernements. Ma question n'a rien de partisane. C'est grâce à tous ceux qui sont intervenus que nous sommes aujourd'hui dans cette situation. Toutefois, ce n'est pas survenu du jour au lendemain. Au cours des 20 à 25 dernières années, quel changement s'est opéré au sein de la structure financière canadienne pour nous permettre de résoudre nos graves problèmes? À l'époque, personne n'aurait cité le Canada comme exemple en matière de gestion de structure financière. Est-ce une question de réglementation, d'application de la loi ou de politique? Qu'est-ce qui a changé? Ce n'est pas arrivé du jour au lendemain. La situation n'était pas normale, et c'est ça qui est extraordinaire.

Mme Dickson : Les commissions royales d'enquête et les études sur les faillites des petites banques — de nombreuses sociétés de fiducie ont également fait faillite dans les années 1980 — sont parvenues à la conclusion que l'absence de contrôle était à l'origine du problème. De plus, la loi n'était pas vraiment adéquate. Les propriétaires pouvaient réaliser des opérations avec apparentés, car il n'y avait aucune restriction à ce sujet. Cette époque est révolue, et je crois que le Canada a tiré bien des leçons de son expérience. Les différents gouvernements ont adopté de nombreuses mesures afin de renforcer le système.

Par exemple, le BSIF a été créé, et...

Le sénateur Gerstein : Il y a 25 ans, le BSIF n'existait pas?

Mme Dickson : Pas au moment de la faillite des deux banques, mais il était là lorsque certaines sociétés de fiducie ont fait faillite. Ce qui a changé considérablement le cours des choses, c'est le mandat qu'a reçu le BSIF en 1995. Désormais, on savait exactement quoi faire. Ce mandat a permis au bureau de mettre l'accent sur la sécurité, la rigueur du système et même la reddition de comptes, car tout le monde savait ce qu'il fallait faire. Je crois qu'il s'agit d'un tournant décisif dans l'histoire du BSIF.

La loi a été considérablement durcie au fil des ans. Elle a fait l'objet d'une révision tous les cinq ans, ce qui a probablement joué un rôle non négligeable.

Le sénateur Gerstein : Parlez-vous de la loi sur le BSIF, ou bien de tout — y compris la Loi sur les banques et la SADC?

Mme Dickson : Oui. Les mises à jour régulières des mesures législatives ont été déterminantes. Au cours des événements récents, il est vrai que la réglementation et le contrôle étaient bien plus efficaces, mais beaucoup d'autres facteurs ont considérablement aidé le Canada à traverser la crise. Par exemple, la situation financière est un facteur particulièrement important en présence d'une crise de la dette souveraine, et je crois que c'est parce que celle du Canada était assez bonne en début de crise que le pays a aussi bien tiré son épingle du jeu.

Certaines pratiques courantes du Canada sur le marché hypothécaire ont aussi été décisives. Les Canadiens sont tenus de rembourser leur prêt hypothécaire, qui n'est par ailleurs pas déductible d'impôt. À mon avis, ces éléments ont été déterminants. Notre réussite est donc attribuable à une combinaison de facteurs.

Le sénateur Gerstein : Pour revenir sur la question du sénateur Ringuette au sujet de la fréquence à laquelle vous vérifiez les ratios, la conformité aux exigences et ainsi de suite, puis-je présumer que si quelque chose ne fonctionne pas ou prend une orientation qui vous déplaît, vous avez le pouvoir de faire appliquer la loi et d'aller vérifier ce qui se passe sans tarder?

Mme Dickson : Oui, nous avons beaucoup de pouvoir.

Le sénateur Gerstein : Cela a-t-il contribué à notre situation actuelle? Je présume que certaines institutions financières vous ont déjà préoccupée pendant la crise.

Mme Dickson : Il est bien d'avoir du pouvoir — le nôtre s'est quelque peu accru au fil des ans —, mais ce qui compte, c'est le mandat et la volonté d'utiliser le pouvoir. Je pense que bien des pays détiennent un pouvoir qu'ils n'utilisent pas. Or, ils devraient s'en servir.

Le sénateur Gerstein : La volonté; vous avez choisi un mot intéressant.

Le sénateur Hervieux-Payette : Tout fonctionne parce qu'une femme tient les rênes; il faudrait l'admettre.

Le sénateur Gerstein : Madame Dickson, je vous remercie beaucoup. Je tiens à vous féliciter, vos collègues et vous. Je crois que tous les Canadiens sont très fiers de ce que vous avez accompli.

Le président : Vous n'avez pas à commenter; je crois que la réponse va de soi. Vous avez parlé du mandat du BSIF au sénateur Gerstein; aimeriez-vous changer ou ajouter quoi que ce soit au mandat ou à la loi?

Mme Dickson : Nous croyons qu'il s'agit d'un bon mandat, car il semble fonctionner.

Le président : Pourquoi modifier un système qui fonctionne bien?

Mme Dickson : Je ne dirai jamais que rien ne peut être amélioré, mais présentement, nous pensons que c'est un excellent mandat qui semble fonctionner. Il faut être très attentif, car notre mandat exige de comprendre l'état financier d'une institution et de prendre des mesures sans délai. Une telle diligence n'était pas exigée dans d'autres pays. Le mandat au Royaume-Uni constitue un très bon exemple et il demandait de promouvoir Londres en tant que centre financier. Par rapport au nôtre, un tel mandat amenait les organismes de surveillance à prendre des décisions tout à fait différentes.

Le sénateur Oliver : Tout d'abord, bienvenue au comité. Je vous félicite de votre excellent travail à titre d'organisme de réglementation prudentielle reconnu partout dans le monde.

Une des choses qui vous a fait connaître, c'est votre position sur les ratios de fonds propres de niveau 1. Le sénateur Moore vous a posé des questions sur ce capital, et j'aimerais obtenir des précisions.

Vous avez dit que ces fonds devaient être des liquidités, comme de l'argent comptant ou des bons du Trésor. Quelles autres formes peuvent prendre les fonds propres de niveau 1?

Mme Dickson : Je parlais des liquidités. Concernant les fonds propres, les banques émettent des actions ordinaires, que les investisseurs peuvent acheter. C'est un exemple de ce dont il est vraiment question en matière de capital.

Ce sont les déductions au capital qui importent vraiment dans l'Accord de Bâle III. Par exemple — et je pense que le gouverneur vous en a parlé —, il y a les actifs d'impôts reportés. Ce n'est pas de l'argent liquide, alors en cas de défaut de paiement, nous déduisons ces actifs du capital, comme certains autres biens intangibles.

Nous voulons que le capital soit composé d'argent liquide, c'est-à-dire de bénéfices réinvestis et d'actions ordinaires. Selon l'accord de Bâle III, il y a ce que nous appelons le capital contingent, une nouvelle forme de capital qui se convertit en capital-actions ordinaires si jamais il y a défaut de paiement. Concernant les fonds propres de niveau 1, dont il est question en général, ce sont les bénéfices réinvestis et les actions ordinaires; c'est à peu près tout.

Le sénateur Oliver : À quelle fréquence votre bureau vérifie-t-il les bénéfices réinvestis et les actions ordinaires? Est- ce après la publication des états financiers trimestriels ou chaque mois?

Mme Dickson : Parlez-vous des bénéfices réinvestis et de ce genre de choses?

Le sénateur Oliver : Oui. Si les banques émettent des actions ordinaires, vous envoient-elles de nouveaux états financiers?

Mme Dickson : D'habitude, elles nous tiennent au courant de tout ce qui augmente ou diminue leur capital. En général, si les banques émettent de nouvelles actions ordinaires, elles nous le font savoir. Si un imprévu survient durant le trimestre et que les banques pensent qu'il nuira au produit financier, elles nous le disent.

Nous examinons la situation au moins tous les trimestres. Nous demandons des prévisions sur le capital au moins pour l'année suivante, en fonction de différents scénarios.

Le sénateur Oliver : Vers la fin de votre déclaration d'aujourd'hui, vous avez dit qu'un certain nombre de partenaires fédéraux avaient des mandats clairs et distincts. Certains d'entre eux ont des mandats sur la politique fiscale et, d'autres, sur la politique monétaire. En votre qualité d'organisme de réglementation prudentielle, vous êtes préoccupé par la sécurité et l'intégrité. Si tous les partenaires sont réunis, y a-t-il des choses dont vous ne pouvez pas examiner à cause de vos mandats distincts?

Mme Dickson : Non, nous pouvons discuter de tout. Les différents comités servent à assurer une bonne communication. Je préside le Comité de surveillance des institutions financières, qui se réunit au moins une fois par trimestre pour discuter de toutes les institutions financières que nous surveillons et de toutes les questions qui les concernent. Nous examinons la situation et les difficultés. Tout le monde peut évoquer les questions qu'il veut. Avant tout, les gens doivent comprendre pourquoi il faut tenir de telles discussions. Je pense que les partenaires fédéraux le comprennent. Personne ne doit être pris par surprise.

Le sénateur Oliver : Ma dernière question porte sur les normes et la surveillance mondiales. Vous avez dit qu'à l'échelle internationale, les normes de fonds propres, par exemple, sont appliquées seulement si elles s'accompagnent d'une surveillance soutenue. Les simulations de crise employées au Canada sont-elles reconnues à l'échelle internationale? Existe-il des simulations de crise normalisées et universelles pour effectuer une surveillance soutenue?

Mme Dickson : Tous les organismes de surveillance effectuent des simulations de crise.

Le sénateur Oliver : Les simulations de crise sont-elles toutes les mêmes?

Mme Dickson : Non, elles varient selon le pays et les circonstances.

Le sénateur Oliver : Je veux parler des normes mondiales. Vous siégez à un certain nombre de comités chargés de la surveillance, et cetera. Je veux savoir quelle est la nature des normes de contrôle.

Mme Dickson : Je dirais qu'il n'y a pas de normes et je pense qu'il s'agit d'une lacune importante dans le système financier mondial, qui est très difficile à gérer. Le FMI a son programme d'évaluation du secteur financier. Le Canada a été le premier pays évalué; je pense que c'était aux alentours de l'an 2000. Une équipe du FMI se rend dans un pays et pose toutes sortes de questions sur ce qu'on fait au jour le jour. Elle exige de consulter certains documents pour comprendre comment la surveillance s'effectue. C'est un programme important.

Le sénateur Moore : Quelle était notre faiblesse?

Mme Dickson : C'était la surveillance.

Le sénateur Oliver : J'ai posé la question au gouverneur deux fois.

Mme Dickson : Oui. Les règles de Bâle restent des règles. Souvent, la meilleure analogie, c'est le sport : le règlement ne porte que sur la façon de jouer le jeu, les règles que les arbitres doivent appliquer et le comportement que les joueurs doivent adopter. C'est la même chose pour la surveillance. Nous avons mis l'accent sur les fonds propres.

Un système d'examen par les pairs est maintenant mis en œuvre. Nous savons que les banques mondiales utilisent des modèles pour déterminer leur actif pondéré en fonction des risques. Si une banque mondiale consent un prêt à une société, elle se sert d'un modèle pour connaître la probabilité d'un défaut de paiement et les fonds qu'elle récupérerait. Toutes les banques emploient de nombreux modèles pour ce genre de choses. Il faut surveiller ces modèles de très près et vérifier si les banques arrivent au même produit financier, selon leur portefeuille; c'est extrêmement difficile. Au Canada, nous le faisons depuis assez longtemps. Je pense que c'est le type de surveillance qu'un certain nombre de pays veulent renforcer. Ils craignent que les institutions de certains pays en profitent, parce que les organismes de surveillance n'examinent pas vraiment le fonctionnement des modèles.

Le sénateur Oliver : Est-il naïf de penser qu'il faut imposer des normes universelles ou mondiales à ce propos? Pensez-vous que de telles normes peuvent même être mises en œuvre?

Mme Dickson : Je pense qu'il y a des normes. C'est encore là une question de volonté d'appliquer ces normes.

Le sénateur Oliver : Il faut un mécanisme d'obligation.

Mme Dickson : Oui. Des efforts sont déployés à cet égard. Un tel mécanisme est sur le point d'être appliqué. Il a été convenu que nous allions évaluer si, avec le même portefeuille, les banques mondiales arriveraient au même produit financier. Cette évaluation sera difficile à faire, mais c'est ce que nous avons planifié. Nous allons y consacrer beaucoup d'efforts dans les prochains mois.

Le sénateur Ringuette : Je viens justement de dire à mon collègue que c'est comme de s'attendre à ce qu'un code de conduite facultatif fonctionne aussi bien qu'un règlement.

Combien d'employés avez-vous pour réaliser toute cette surveillance?

Mme Dickson : Nous avons environ 580 employés.

Le sénateur Ringuette : Quel est votre budget de fonctionnement annuel?

Mme Dickson : L'an dernier, c'était 108 millions de dollars.

Le sénateur Ringuette : La plupart de ces fonds sont des cotisations des institutions financières, n'est-ce pas?

Mme Dickson : Oui, c'est presque seulement des cotisations. Presque tous les fonds du budget de 108 millions de l'an dernier viennent des institutions financières et des régimes de pension que nous surveillons.

Le sénateur Ringuette : Vous ne serez donc pas concernés par les compressions de 5 p. 100 dans les budgets fédéraux et vous pourrez maintenir le même niveau de surveillance.

Mme Dickson : Je crois que oui. Cependant, nous avons fait certaines choses pour limiter nos dépenses, dans l'esprit des restrictions. Nous avons engagé des gens depuis 2007-2008, mais nous n'occupons pas vraiment plus d'espace. Nos employés travaillent dans des locaux très exigus. Nous avons cherché à réduire le plus possible les voyages et les dépenses de représentation, qui n'étaient pas très élevées. La plupart de ces dépenses sont maintenant attribuables aux collèges de surveillance. Pour une banque mondiale, par exemple, nous réunissons les représentants de ses principaux organismes de surveillance de partout dans le monde et nous discutons de la santé financière de la banque, et cetera. Voilà ce à quoi servent les dépenses de représentation.

Le sénateur Ringuette : Pour revenir à ma dernière question, si votre budget de fonctionnement provient uniquement des institutions financières canadiennes que vous surveillez, vous ne serez sans doute pas touchés par les compressions du gouvernement, parce qu'il ne vous verse pas les fonds dont vous disposez, n'est-ce pas?

Mme Dickson : C'est exact. Tout ce que je dis, c'est que nous avons examiné nos dépenses de fonctionnement dans l'esprit...

Le sénateur Ringuette : Vous avez examiné votre efficience.

Mme Dickson : Oui, notre efficience.

Le sénateur Tkachuk : Madame Dickson, pour revenir à 2008 et à la crise financière précédente, je me souviens de la loi Sarbanes-Oxley et de toutes les dispositions adoptées pour prévenir les crises financières éventuelles. Quel est le principal facteur que les organismes de réglementation des États-Unis ont oublié de prendre en compte?

Mme Dickson : C'est une bonne question. Je dirais que les organismes de réglementation n'avaient pas des mandats comme le nôtre. Je pense qu'il y a un problème si le mandat n'oriente pas l'organisme comme il faut. Je ne sais pas si les organismes aux États-Unis ont oublié un facteur. Je ne crois pas que leurs mandats exigeaient qu'ils examinent quelque chose en particulier. C'était la différence entre le Canada et les États-Unis.

Aux États-Unis, les organismes de réglementation sont nombreux. Dans le cas d'une grande banque, la Réserve fédérale et le Bureau du contrôleur de la monnaie ont un rôle à jouer. Le Bureau de la surveillance de l'épargne en a peut-être un aussi. Bien des organismes de réglementation étaient concernés et ils n'étaient pas toujours informés du travail des autres. Bon nombre de contraintes les empêchaient de savoir ce qui se passait dans d'autres secteurs du conglomérat. Je répète qu'au Canada, nous surveillons l'ensemble du système et tous les risques, qui peuvent venir du Canada ou d'ailleurs, d'une banque d'investissement ou de n'importe quel secteur d'une banque. Nous devons comprendre tout le fonctionnement et savoir quoi faire si les risques sont mal maîtrisés. Les organismes de réglementation aux États-Unis étaient très mal placés pour faire comme nous. C'était une autre grande différence.

En général, nous concentrons nos énergies sur la surveillance depuis que le BSIF a reçu son mandat, en 1995. C'est une grande différence par rapport à tous les autres pays.

Le sénateur Tkachuk : Estimez-vous que notre système est mieux réglementé que celui des États-Unis ou que la réglementation là-bas est moins organisée? Les États-Unis comptent des milliers de banques. Elles étaient toutes surveillées par les États, puis on leur a permis de s'établir dans d'autres États et elles ont pris de l'expansion. D'une certaine manière, nous avons déréglementé nos banques. Nous leur avons permis d'acheter et d'avoir des banques d'investissement et des compagnies d'assurances. Tout le monde dit que nos banques sont plus réglementées, mais en fait, nous les avons déréglementées.

Est-ce ce que les États-Unis doivent faire maintenant? A-t-on idée de la taille de l'organisation nécessaire pour surveiller 4 000 banques, plus les banques d'investissement et les compagnies d'assurances? Est-il possible de les réglementer?

Mme Dickson : Le système de réglementation américain compte probablement beaucoup plus de règlements que celui du Canada. Il s'agit de déterminer ce qu'il en est vraiment de la réglementation.

Le sénateur Moore : La volonté d'appliquer les règlements.

Mme Dickson : Oui, la volonté d'appliquer les règlements. Quant au nombre de chargés de la réglementation, ils en ont plus que nous. L'essentiel est l'usage qu'on fait de ces personnes. En fait, c'est un enjeu que nous étudions à l'échelle internationale. Combien faut-il de personnes pour surveiller une banque internationale? Dans la pratique, les nombres de ces personnes varient énormément. Aux États-Unis, on mobilise des centaines de personnes pour surveiller un seul important conglomérat financier. Dans d'autres pays, il ne pourrait en avoir seulement deux. Puis, au Canada nous sommes peut-être une vingtaine de personnes pour une grande banque. Tout dépend de ce que vous faites et de vos priorités.

Le sénateur Tkachuk : Je m'inquiète toujours de ce que les gens aient la mauvaise solution à un problème qui n'existe même pas. Les instruments financiers vendus par ces organisations, par exemple Lehman Brothers et d'autres institutions, servaient à diversifier leurs hypothèques. Les banques et d'autres institutions les utilisaient pour diversifier leurs portefeuilles. Y avait-il quoi que ce soit d'illégal dans ces instruments financiers? Ils étaient constitués d'un éventail de prêts hypothécaires, peut-être de prêts bancaires et de dettes de cartes de crédit vendus en bloc. Ces instruments n'étaient pas en soi illégaux, n'est-ce pas?

Mme Dickson : Non. Je pense qu'il était plus question de la transparence de ces instruments que de ce que chacun d'entre eux proposait.

Le sénateur Tkachuk : Revenons à la question du sénateur Moore, soit qu'il s'agissait d'investissements judicieux.

Le sénateur Moore : Supposément.

Le sénateur Tkachuk : Ont-ils besoin de protection? À quels montants sont-ils qualifiés d'investissements judicieux? À 10, 50 ou 5 millions de dollars? Ces instruments devaient être achetés. C'était d'autres banques qui les achetaient et pas le citoyen ordinaire. Quel doit être le montant et quel type de protection est nécessaire? Nous en avons encore besoin. De quel autre moyen disposent les sociétés de prêts hypothécaires pour diversifier leurs portefeuilles? Elles doivent diversifier leurs portefeuilles; il est important qu'elles le fassent.

Mme Dickson : Beaucoup d'enjeux différents entrent en cause. Des investisseurs se sont aperçus trop tard qu'ils n'avaient pas compris ce qui se cachait derrière les instruments, mais on pourrait dire la même chose aujourd'hui à propos des investisseurs et de la dette souveraine en Europe.

Le sénateur Tkachuk : Exactement.

Mme Dickson : À part ce point particulier, on a fait aussi des suppositions dans l'évaluation du risque. Les gens ont supposé qu'il était impossible que les prix des logements aux États-Unis diminuent tous en même temps. Il supposait que les prix pourraient diminuer en Californie, mais pas en Floride. Ces modèles supposaient qu'il n'y aurait pas de forte chute des prix dans tout le pays. On a fait le même genre de suppositions en ce qui concerne les prix des produits.

Il s'agit vraiment d'une question de cycle. Lorsque la situation économique est florissante, les gens pensent que tout ira toujours bien et c'est à ce moment qu'ils redoutent le plus les risques, quand on accorde tellement d'attention aux risques dans le monde entier. C'est également souvent une question de propension à prendre des risques.

Le sénateur Tkachuk : Vous avez mis le doigt en plein dessus, soit que l'immobilier était la bulle. On pensait que les prix de l'immobilier ne chuteraient jamais et que, par conséquent, ce marché ne présentait aucun risque, puis il s'est effondré. Cette situation aurait pu se produire ici. Nous avons eu de la chance que ce ne soit pas passé dans notre pays. Cependant, tous les incitatifs — soit la déduction pour hypothèques, le prêt hypothécaire sans mise de fonds — que les décideurs politiques américains proposaient pour que tout le monde ait un toit ont été justement la cause de l'effondrement du système financier.

Mme Dickson : Beaucoup de facteurs entraient probablement en jeu.

Le sénateur Tkachuk : J'essaie d'en trouver quelques-uns. Je reviens toujours sur ce point.

Mme Dickson : Je crois que beaucoup de personnes ont documenté les causes de la crise, et cetera. Elles incluent dans ces causes la politique du logement américaine.

Le sénateur L. Smith : Madame Dickson, vous avez dit plus tôt que vous vous intéressiez beaucoup au marché international. Bien évidemment, nous savons tous ce qui se passe en Europe. C'est une sorte de réaction en chaîne d'un pays à un autre. Est-ce que les gens comme vous savent déjà ce qui va se produire? Je ne veux pas être alarmiste, mais vous consacrez beaucoup de temps à ce sujet, vous êtes très compétente dans votre domaine et vous comprenez les tendances et les facteurs. Je voudrais que vous nous donniez un aperçu de ce qui va se passer. J'ai posé la même question au gouverneur Mark Carney. Que pouvons-nous dire aux Canadiens? En fin de compte, si l'économie du Canada est forte et que celle de tous les autres pays est faible, cela ne présage rien de bon pour notre pays. Si les économies de tous les autres pays s'effondrent, que se passera-t-il chez nous? Y a-t-il un message simple à transmettre aux Canadiens? Beaucoup de gens, y compris moi-même, s'inquiètent ces temps-ci.

Mme Dickson : Il est évident que j'ignore ce qui se passera. Cependant, des réunions importantes des ministres des Finances européens, et cetera, sont prévues au cours des prochaines semaines. Il serait bon que des progrès soient accomplis dans ce domaine, car c'est certainement ce que réclament les marchés.

On ne peut faire que ce qui suit : Au Canada, depuis quelques temps, nous mettons l'accent sur la situation du capital des banques canadiennes, la position de liquidités, la gestion du risque et la surveillance. Ce sont des éléments dont il faut tenir compte quand elles s'exposent à des risque en Europe et ailleurs. Les banques sont mieux placées que nous pour ce qui est des opérations qu'elles mènent quotidiennement. Elles doivent envisager des scénarios différents.

Dans notre travail, nous espérons essentiellement que tout se déroule pour le mieux et nous nous attendons au pire. Et nous voulons que les institutions financières adoptent cette attitude. Nous espérons que tout ira bien, mais il faut s'assurer que les institutions suivent de très près la situation, ce qu'elles font bien sûr, et qu'elles se préparent le mieux possible à affronter les problèmes graves. C'est tout ce qu'elles peuvent faire.

Pour parler de la crise survenue en 2008, à cette époque la situation des banques était très bonne. Je dirais que leur situation est même meilleure actuellement parce qu'elles disposent de beaucoup plus de capitaux qu'auparavant. Elles ont vraiment accordé la priorité aux liquidités. C'est une bonne nouvelle. La mauvaise nouvelle est que la situation en Europe est très problématique.

Le sénateur Stewart Olsen : Vous parlez de nos banques?

Mme Dickson : Oui, je parle des banques canadiennes.

Le sénateur L. Smith : Il y a de quoi réfléchir.

Le président : Êtes-vous rassuré?

Le sénateur L. Smith : Pas trop.

Le sénateur Stewart Olsen : Sans vouloir vous mettre sur la sellette, êtes-vous persuadée que les banques dans le monde, même si elles ont signé l'Accord de Bâle III, feront ce qu'elles ont convenu de faire?

Mme Dickson : Parlez-vous des banques internationales?

Le sénateur Stewart Olsen : Oui.

Mme Dickson : Je dirais que je suis assez convaincue, car il s'agit d'un accord relativement récent. Les pays qui ont beaucoup souffert de la crise ont exercé de très fortes pressions pour que cet accord soit conclu. Ils veulent que cet accord soit mis en œuvre.

Le problème, c'est que rien de très significatif ne s'est passé depuis. On prédit une récession en Europe et la croissance est très faible aux États-Unis, ce qui suscite des questions comme celle que vous avez posée : Est-ce que les pays mettront l'accord en œuvre? C'est la raison pour laquelle, on a opté pour une très longue période de transition qui s'étend de maintenant à 2019, ce qui est très long. L'Accord de Bâle III prévoit une certaine protection. Nous verrons ce qu'il en sera. Nous suivons de très près ce qui se passe. Nous voulons que les autres pays mettent l'accord en œuvre, car cela permet d'instaurer des règles du jeu équitables. La mise en œuvre de l'accord par les banques étrangères est très importante pour les banques canadiennes. C'est vraisemblablement ce qui se produira, autrement nous saurons parfaitement dans quel pays l'accord n'a pas été mis en œuvre et nous pourrons en tirer les conséquences.

Le sénateur Stewart Olsen : Il y a là de quoi bien rassurer les gens.

Le sénateur Hervieux-Payette : J'y penserai peut-être avant d'acheter des obligations d'autres pays. Pour compléter la description de la situation générale des Accords de Bâle II et III, sur le plan des opérations de nos banques, je me souviens de la crise en Argentine. Savez-vous comment nous pouvons évaluer le risque que présente chaque pays du monde dans lequel nos banques sont actives? Elles sont probablement en train de chercher à faire des acquisitions et nous devons prendre en compte la politique monétaire de ces pays et d'autres aspects différents des liquidités. Comment peut-on vérifier cela? Quand elles veulent acheter une nouvelle banque dans un pays quelconque, faut-il leur donner le feu vert? Doivent-elles indiquer le mode de financement de cette nouvelle acquisition?

Mme Dickson : Oui. Nous devons autoriser l'acquisition et elles doivent indiquer la façon dont elles vont la financer. Elles doivent nous faire part de ce qu'elles comptent faire de cette nouvelle banque et de la façon dont elles vont l'intégrer. Les systèmes d'information de gestion et la façon dont elles se procurent des renseignements sur l'exposition au risque posent toujours de gros problèmes.

Ce problème prend de l'ampleur parce que, au cours de ces dernières années, les banques canadiennes font de plus en plus d'acquisitions à l'étranger. Si elles effectuent des achats, par exemple, en Amérique du Sud le fait que les gens de là-bas parlent espagnol est un problème. Nous avons des employés qui parlent espagnol, mais il n'y en a certainement pas des masses. Nous utilisons les services de tierces parties. Si un pays nous intéresse — et nous ne nous intéressons pas à tous les pays —, ce serait en raison du volume des activités de l'acquisition dans ce pays et de ce que cette acquisition peut apporter à l'ensemble de la banque. Si nous voulons étudier la situation et que nous estimons avoir besoin d'aide pour le faire, nous retiendrons les services d'une tierce partie basée dans ce pays; et cela peut aussi être utile. Cette tierce partie peut avoir une très bonne connaissance des pratiques bancaires dans la région; des pratiques qui peuvent être très différentes de celles de nos banques au Canada. Nous ne sommes guère inquiets. Évidemment, ce processus est assez facile pour nous aux États-Unis, puisque c'est un pays voisin et que nous entretenons de bonnes relations avec les superviseurs américains. Voilà comment nous fonctionnons.

Le sénateur Hervieux-Payette : Je suppose, par exemple, qu'elles sont soumises à la réglementation de notre pays, mais aussi à celle du pays où elles sont actives; elles doivent donc respecter la réglementation des deux pays.

Mme Dickson : Oui.

Le sénateur Hervieux-Payette : C'est quelque chose qu'il faut savoir.

Le gouverneur de la Banque du Canada a plusieurs fois évoqué sa préoccupation au regard du montant de la dette que les Canadiens ont contractée avec leurs cartes de crédit et leurs hypothèques. Le dernier chiffre s'élevait à 157 p. 100. En tenez-vous compte dans les analyses que vous faites sur les banques? Ces dettes sont pour la plupart assumées par les banques. J'ai contracté une hypothèque avec une banque ou une caisse populaire, mais dans le reste du pays, ce sont surtout des banques à qui on a affaire pour ce genre d'opérations. La situation est un peu différente au Québec. La plupart des cartes de crédit sont émises par des banques. Cette dette très inquiétante est inscrite dans les registres des banques. Comment en tenez-vous compte dans votre analyse des risques?

Mme Dickson : Les avertissements du gouvernement sont importants parce qu'ils signalent la vulnérabilité de certains ménages. Si les taux d'intérêt commencent à augmenter, surtout s'ils augmentent rapidement, nous assisterons à des défauts de paiements des prêts hypothécaires.

Les prêts hypothécaires à haut risque sont assurés par la Société canadienne d'hypothèques et de logement ou par des compagnies d'assurances privées, cette garantie réduit les risques encourus par les banques. Face à une hypothèque ordinaire qui n'est pas assurée, les banques ont tendance à être relativement prudentes au niveau du rapport prêt/valeur et elles exigent une mise de fonds assez importante. Il y a quelques mois, j'ai fait une allocution et nous avons affiché une lettre sur notre site web à propos de cette question. Nous avons constaté quelques cas isolés relatifs à une tendance de vouloir agrandir l'entreprise sans avoir des contrôles proportionnés. Il s'agit de cas isolés, mais les avertissements et les interventions précoces sont nos priorités. Nous les avons affichés dans notre site web. Ils étaient liés à l'annonce de la Réserve fédérale indiquant qu'elle maintiendrait les taux d'intérêt à un niveau bas jusqu'en 2013. Cette annonce a été, pour les Canadiens, une autre incitation à l'emprunt. Les taux sont si bas que les gens peuvent prendre des risques, ce qui peut à son tour créer des risques pour les banques s'il n'y a pas de contrôle. C'est pourquoi, il y a quelques semaines, nous avons adressé à toutes les banques une lettre qui souligne l'importance des contrôles.

Le sénateur Hervieux-Payette : Y avons-nous accès?

Mme Dickson : Elle est affichée dans notre site web, mais je peux l'envoyer au comité.

Le sénateur Hervieux-Payette : Si vous jugez ma question délicate, vous pouvez ne pas y répondre. Qui contrôle les agences de notation? Mon collègue posait une question sur la crise financière aux États-Unis, mais ces produits ont tous eu des notations AAA. Nous savons bien sûr ce qui se passe en Europe avec les notations AAA. Si j'étais une politicienne européenne, je m'inquiéterais que ces agences commettent une erreur qui diminuerait la notation, comme ce fut le cas pour la France. Je serais très inquiète.

Existe-t-il un mécanisme national ou international qui exigerait que ces agences soient tenus responsables des dommages qu'elles créent? Il semble qu'elles fassent des évaluations de leur propre chef. Ce qui a été le plus inquiétant, c'était à l'époque où Lula Da Silva a posé pour la première fois sa candidature à la présidence du Brésil et certaines parties tenaient à ce qu'il ne soit pas élu. La notation du Brésil a chuté à un point indécent pour nulle autre raison que celle de marquer des points politiques.

Comment nous, les politiciens, devons nous y prendre avec ces agences de notation? Nous ne sommes pas touchés maintenant et je me demande pourquoi nous ne l'étions pas quand le taux d'intérêt était de 15 p. 100 au Canada. Comment pouvons-nous les contrôler? Quoi qu'il advienne, nous sommes touchés. La situation en Europe aura aussi une incidence sur notre pays. Quel mécanisme envisagez-vous pour s'assurer que ces agences rendent des comptes à quelqu'un quelque part?

Mme Dickson : Cette situation a suscité beaucoup d'attention après l'affaire de Lehman Brothers particulièrement aux États-Unis et en Europe. Aux États-Unis, c'était principalement dû au fait que les plus grandes agences de notation sont américaines. Elles ont fait quelques changements surtout au niveau de leurs processus internes. Elles se préoccupaient de l'existence de conflits et de mauvais incitatifs; il y a eu donc des améliorations. L'Europe a parlé d'une réglementation totale des agences de notation.

Il y a plusieurs mois que l'on ne m'a pas posé cette question, mais je suis certaine qu'on me la posera de nouveau. J'ai appris récemment que la France a lancé une enquête sur une agence de notation qui a affiché par erreur sur son site Web un changement de notation de la France et qu'elle l'a retiré quelques minutes plus tard. Beaucoup de travail reste à faire, mais je n'ai pas suffisamment de données pour vous fournir tous les renseignements.

Le sénateur Hervieux-Payette : Conviendrez-vous que ces agences de notation semblent être une sorte de danger public que personne ne contrôle? C'était surtout des agences américaines, mais elles ont des effets sur la plupart des institutions financières et des pays du monde entier. Il faut payer pour être évalué. La France procédait à des financements et devait avoir une notation pour les instruments qu'elle introduisait dans le marché. Il y a l'Accord de Bâle III et d'autres institutions, mais faudrait-il établir une institution internationale pour veiller à ce que les agences de notation soient contrôlées et qu'elles rendent des comptes? L'erreur commise a plongé l'ensemble du monde occidental dans le chaos.

Mme Dickson : Les membres du CSF et surtout des organismes de réglementation des valeurs mobilières se penchent sur cette question qui est certainement examinée. Je ne me souviens pas s'ils ont terminé ou non leur travail. Le sujet fait l'objet de discussions, seulement j'ignore où ils en sont.

Le sénateur Hervieux-Payette : Je veux donner au sénateur Tkachuk quelques renseignements au sujet de l'évitement de ce problème par le Canada. À cause de ces instruments, le Québec a perdu 17 milliards de dollars dans son fonds de pension — papier commercial adossé à des actifs —; par conséquent, nous n'étions pas totalement à l'abri d'une mauvaise évaluation de certains produits. Le sénateur Moore a dit qu'il fallait investir 150 000 $ pour devenir un investisseur averti. La Deutsche Bank en a beaucoup acheté aussi; je crois qu'il y a des investisseurs avertis dans cette banque. Bien sûr, de nombreuses autres banques, notamment des banques françaises, ont aussi acheté beaucoup de ces instruments. En France, un employé subalterne a été emprisonné, mais c'était après qu'ils ont acheté plusieurs millions. Je veux dire pour le compte rendu que nous avons été touchés, mais pas dans les mêmes proportions.

Le sénateur Tkachuk : En quoi cela concerne-t-il ce que j'ai dit ou demandé, sénateur?

Le président : Vous pourriez peut-être régler ça en privé.

Le sénateur Tkachuk : Nous voulons que nos échanges figurent au compte rendu, mais je voudrais savoir exactement lesquels de mes propos ma collègue veut corriger?

Le sénateur Hervieux-Payette : Je ne voulais nullement corriger vos propos. Je cherchais à donner un complément d'information sur le papier commercial adossé à des actifs, instrument contre lequel nous nous ne sommes pas totalement protégés, semble-t-il.

Le sénateur Tkachuk : J'ai simplement demandé si c'était illégal, et elle m'a répondu que non. C'est tout.

Le sénateur Hervieux-Payette : Vous savez probablement que le personnel politique est assujetti à des restrictions régissant l'après-mandat. Seriez-vous d'accord pour que les employés qui quittent votre bureau soient tenus de respecter une période de restriction avant d'accepter un emploi ailleurs dans le secteur financier? Je ne suis pas à l'aise avec l'idée qu'une personne au fait des pratiques de l'établissement financier qui l'emploie démissionne et, le lendemain, accepte de travailler pour un concurrent. Cette personne a probablement des valeurs éthiques, mais il s'agit d'un régime qui permet à des hauts fonctionnaires de quitter leur emploi pour, le lendemain, mettre à profit leurs compétences dans le secteur privé. Ne recommanderiez-vous pas à notre gouvernement d'instaurer une période de restriction?

Mme Dickson : Le BSIF a établi une période de restriction, et il existe une loi fédérale qui régit les titulaires d'une charge publique désignée, dont j'ai oublié le titre et à laquelle les cadres supérieurs et moi sommes assujettis. Il nous est interdit d'exercer des activités de lobbying auprès du gouvernement du Canada pendant cinq ans après avoir quitté nos fonctions. Il y a donc une période de restriction.

Je voudrais insister sur le fait que chaque employé est tenu de signer une entente de confidentialité. C'est important de le signaler. Chose intéressante, les banques et les sociétés d'assurances préconisent que des organismes comme le BSIF comptent des employés ayant acquis de l'expérience dans le secteur privé. Un juste équilibre s'impose, car il faut favoriser ce transfert d'expertise tout en protégeant le système et l'organisme qu'on quitte.

Le sénateur Oliver : En conséquence, si vous quittiez votre emploi demain, vous ne pourriez pas exercer des activités de lobbying auprès du gouvernement du Canada. Seriez-vous autorisée à quitter votre emploi à la tête du BSIF demain pour accepter un poste de cadre supérieur dans une banque à charte canadienne?

Mme Dickson : Non.

Le sénateur Massicotte : Vous avez évoqué tout à l'heure la nécessité d'accroître la capitalisation. Comme vous le savez, l'accord de Bâle III conclu il y a deux ou trois semaines en Europe prescrit le renforcement des capitaux des banques, mais les délais pour sa mise en œuvre sont différents. Vous avez précisé que le Canada souhaite le 1er janvier 2012 comme délai.

Mme Dickson : 2013.

Le sénateur Massicotte : Le récent Accord de Bâle III donne aux Européens beaucoup plus de temps. Vous devez faire preuve de prudence, vous le savez. Par contre, l'économie inquiète considérablement bien d'autres institutions, y compris les banques centrales. Les consommateurs manquent de liquidités, un obstacle important. C'est le système bancaire qui les fournit. Lorsque vous imposez un renforcement de la capitalisation, particulièrement si le délai accordé pour ce faire est long, vous freinez l'accès aux liquidités, car les établissements chercheront alors à vendre leurs actifs et à réduire leur endettement, ce qui nuira encore davantage à la stabilité économique. Si le délai est très court, ils mobiliseront davantage de capitaux propres. Ce n'est pas souhaitable habituellement, mais au moins une telle mesure ne porte pas préjudice à notre économie. Comment parvenir un juste équilibre? Vous devez faire preuve de prudence, mais d'autres préconisent la croissance économique. Comment conciliez-vous les deux?

Mme Dickson : Tout d'abord, ce sont les banques solides qui peuvent prêter. Dans la première année de la crise du moins, les banques canadiennes, contrairement aux autres, ont continué à prêter de l'argent à cause de leur taux de capitalisation supérieur.

Au moment où nous nous penchions sur l'Accord de Bâle III, les banques canadiennes étaient assez bien capitalisées. Même si cet accord entraîne une capitalisation accrue, nous étions convaincus que les Européens étaient en mesure de satisfaire à cette exigence au début de 2013. Étant donné la conjoncture internationale, bien des indices nous amènent à préconiser un système bancaire bien capitalisé.

Non ne devrions pas, je pense, laisser les banques prendre tout le temps qu'elles veulent, notamment attendre jusqu'en 2019. Elles accordent du crédit à l'heure actuelle. Dans une entrevue qu'il a accordée récemment, Gord Nixon, de la Banque Royale, a déclaré que la demande de crédit n'était pas assez forte, ce qui posait problème.

À mon avis, nous sommes chanceux d'avoir un système bancaire sain. On sera en mesure de respecter cette nouvelle norme rigoureuse d'ici 2013, et il serait préférable, je pense, de s'en tenir à ce délai.

Le président : Bien que nos établissements financiers soient très solides, nous devons espérer ne pas être touchés par la conjoncture difficile dans laquelle se retrouveront peut-être d'autres pays et sur laquelle nous n'avons aucune prise. Même si nous sommes dotés de certains mécanismes de protection et même si les problèmes de l'Europe ne nous toucheront peut-être pas beaucoup directement, il n'empêche, comme vous l'avez évoqué dans votre déclaration, que nous en subirons les contrecoups si l'économie européenne se dégrade.

Au nom de mes collègues, je tiens à vous remercier du rôle que vous avez joué en protégeant les investisseurs et les déposants canadiens ainsi qu'en expliquant à notre population que notre système financier est bien réglementé et bien capitalisé, et que nous prenons toutes les mesures nécessaires pour surveiller correctement la situation et assurer notre sécurité financière dans un monde où règne l'incertitude, ce qui, espérons-le, servira d'exemple aux autres pays.

Encore une fois, je vous remercie. J'espère que, la prochaine fois, nous n'attendrons pas trois ans avant de vous revoir. Nous sommes reconnaissants de vous être dégagée pour comparaître, nous vous félicitons une fois de plus de votre magnifique travail et nous vous encourageons à maintenir le cap.

(La séance est levée.)


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