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BANC - Comité permanent

Banques, commerce et économie

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Banques et du commerce

Fascicule 6 - Témoignages du 30 novembre 2011


OTTAWA, le mercredi 30 novembre 2011

Le Comité sénatorial permanent des banques et du commerce se réunit aujourd'hui, à 16 h 22, pour étudier la situation actuelle du régime financier canadien et international (sujet : Financer la croissance des PME).

Le sénateur Michael Meighen (président) occupe le fauteuil.

[Français]

Le président : Je vous souhaite la bienvenue à notre séance qui porte sur la situation du régime financier canadien et international. Je suis Michael Meighen, je viens de l'Ontario et j'ai l'honneur de présider ce comité. Je pourrais peut- être, en guise d'introduction, présenter les sénateurs présents.

[Traduction]

Le sénateur Moore vient de la Nouvelle-Écosse, le sénateur Hervieux-Payette, du Québec, le sénateur Gerstein, de l'Ontario, le sénateur Greene, de la Nouvelle-Écosse, le sénateur Smith, du Québec, le sénateur Stewart Olsen, du Nouveau-Brunswick, le sénateur Tkachuk, de la Saskatchewan, et le sénateur Oliver, de la Nouvelle-Écosse.

Nous avons un groupe de sénateurs intéressés. Je suis certain que d'autres sénateurs se joindront à nous sous peu.

Nous poursuivons notre étude spéciale sur le financement de la croissance des PME. Nous entendrons l'Office d'investissement des régimes de pensions du secteur public, représenté par John Valentini, vice-président à la direction, chef de l'exploitation et chef de la direction financière; et Jim Pittman, vice-président, Placements privés.

[Français]

Et Mark Boutet, vice-président, Communications et relations gouvernementales. Je vous souhaite, messieurs, la plus cordiale bienvenue.

[Traduction]

Si vous avez une déclaration, veuillez la faire. Vous avez la parole. Après, j'espère que vous serez disposé à répondre aux questions des sénateurs. Merci d'être ici.

John Valentini, vice-président à la direction, chef de l'exploitation et chef de la direction financière, Exploitation et opérations financières, Office d'investissement des régimes de pensions du secteur public : Bon après-midi. C'est un plaisir de prendre la parole devant vous cet après-midi. Je m'appelle John Valentini et je suis vice-président à la direction et chef de l'exploitation de l'Office d'investissement des régimes de pensions du secteur public, mieux connu dans l'industrie sous le nom d'Investissements PSP. C'est le nom que nous utilisons sur le marché. M. Pittman est vice-président de notre groupe des Placements privés. Il connaît bien le marché des placements privés et le marché du capital de risque, et il investit sur ce marché. M. Boutet nous accompagne aussi. Il est vice-président, Communications et relations avec le gouvernement.

Nous vous remercions de votre invitation à témoigner devant votre comité, au moment où les sénateurs se penchent sur l'état du financement des petites et moyennes entreprises, ou les PME, au Canada.

[Français]

Afin de mettre notre contribution en perspective, je débuterai cet après-midi en soulignant brièvement le rôle et le mandat de notre organisation. Investissements PSP est une société de la Couronne créée en 1999 par le gouvernement du Canada afin d'investir les contributions nettes reçues à compter du 1er avril 2000 des régimes de pensions de la fonction publique, des Forces canadiennes et de la Gendarmerie royale du Canada. Nous gérons également les contributions des employeurs et des employés de la force de réserve versées à compter du 1er mars 2007. Il est important de préciser que nous sommes un gestionnaire de placements et non un gestionnaire de régimes de pensions. La responsabilité à l'égard du passif relève du gouvernement fédéral.

[Traduction]

Investissements PSP est né au moment où l'on apportait des modifications substantielles à la structure et au financement des programmes de pensions du secteur public au Canada. Traditionnellement, ces régimes étaient financés et administrés directement par le gouvernement concerné, ce qui n'était pas sans soulever la crainte que le gouvernement puisse s'ingérer dans les décisions de placement. Le nouveau modèle qui en est ressorti prévoyait que des fonds de réserve soient constitués et investis dans un portefeuille d'actifs géré par un gestionnaire de placement professionnel indépendant, qui tout en étant responsable envers le gouvernement, demeurait à distance.

Les objectifs d'Investissements PSP prévus dans la loi sont, et je cite, de « gérer les fonds qui lui sont confiés dans l'intérêt des contributeurs et des bénéficiaires des régimes, et à placer son actif en vue d'un rendement maximal tout en évitant des risques de perte indus et compte tenu du financement et des principes et exigences des régimes ainsi que de l'aptitude de ceux-ci à s'acquitter de leurs obligations financières ».

Nous rendons des comptes au président du Conseil du Trésor et à chacune de nos parties prenantes par l'entremise de leurs ministres respectifs, le ministre de la Sécurité publique et le ministre de la Défense nationale.

Nous sommes l'un des gestionnaires de placement les plus jeunes et qui croît le plus rapidement au Canada. À la fin de notre plus récent exercice financier, notre actif net sous gestion était d'environ 58 milliards de dollars.

Avant 2004, tous nos placements étaient gérés en mode « passif », c'est-à-dire que nous cherchions à répliquer les indices de référence des actions des marchés publics. À partir de ce moment, toutefois, nous avons adopté une stratégie de diversification avantageuse qui se poursuit aujourd'hui, avec l'ajout de catégories d'actif des marchés privés comme l'immobilier, les placements privés et les infrastructures, tout en élargissant notre portée de façon à saisir plus de possibilités de placement dans les marchés mondiaux.

Je tiens cependant à préciser qu'Investissements PSP demeure un important investisseur au Canada. Au 31 mars 2011, les placements canadiens, dont ceux dans les actions des marchés publics, les placements privés, l'immobilier et les infrastructures, comptaient pour 29,5 milliards de dollars, ou 51 p. 100 de notre actif total sous gestion. Cette somme comprend 18,7 milliards de dollars, ou 32,2 p. 100 de notre actif total, placés exclusivement dans des actions des marchés publics canadiens. Sur une base procentuelle, ceci nous place en tête de liste comparativement à notre groupe de pairs et, en termes de dollars absolus, nous situe tout près de quelques autres fonds de pension dont l'actif total est de plus du double de celui d'Investissements PSP.

[Français]

Nous avons également quelque 2,5 milliards de dollars en placements immobiliers au Canada, dont des actifs dans 35 villes à travers le pays, ainsi que plus de 40 ententes de financement immobilier dont la valeur totale est de plus de 200 millions de dollars. Nous sommes fiers de la contribution qu'Investissements PSP apporte à la stimulation et au soutien du développement économique et à la création d'emplois, ici au Canada, grâce à ces importants placements canadiens.

À titre d'exemple PSP est un actionnaire de contrôle de Telesat. En 2007, nous avons joué un rôle important dans le regroupement de Telesat Canada et de Loral Skynet, afin de constituer l'un des chefs de file mondiaux de la fourniture de services par satellite, société qui, bien sûr, est établie ici même à Ottawa. En plus d'abriter son siège social mondial, Ottawa est également l'endroit où se trouve le laboratoire de recherche et de développement de renommée mondiale de Telesat.

Revera Inc., un fournisseur d'hébergement de soins et de service aux personnes âgées, fait également partie du portefeuille d'Investissements PSP. Avec quelque 30 000 employés cette société établie à Mississauga, en Ontario, exploite 258 emplacements à travers le Canada et les États-Unis.

[Traduction]

Voilà quelques exemples pris au sein d'un portefeuille de placements canadiens beaucoup trop nombreux pour en dresser la liste ici aujourd'hui. Tournons-nous maintenant vers ce sur quoi se penche votre comité actuellement, le capital de risque et le financement de PME. Comme la vaste majorité des membres du comité en sont conscients, ces types de placements ont tendance à être à haut risque. À titre illustratif, un fonds typique de capital de risque s'efforce d'obtenir un financement suffisant pour investir dans dix opérations. Quatre de ces dix opérations se solderont par un échec au cours de la durée du fonds, avec pour conséquence que les investisseurs perdront de l'argent. Trois autres opérations pourront s'en sortir, mais nécessiteront probablement une injection supplémentaire de capitaux. C'est ainsi que les investisseurs dépendront essentiellement des trois meilleures sociétés en démarrage du fonds afin de récupérer leur investissement initial et, avec un peu de chance, réaliser un certain rendement.

Soit dit en passant, chez Investissements PSP, le capital de risque fait partie de la catégorie d'actif que l'on retrouve dans les placements privés. Contrairement au scénario de fonds à haut risque que je viens d'évoquer, nous nous attendons à ce que nos types de placements privés nous procurent un rendement d'environ 15 à 20 p. 100 annuellement. Indépendamment de leur profil de risque élevé, les placements en capital de risque, particulièrement dans les sociétés à l'étape du démarrage, sont coûteux à administrer et à superviser. Ils tendent à accaparer beaucoup de temps et des ressources incalculables comparativement à leur niveau d'investissement requis. C'est surtout cette dimension qui a motivé notre décision, approuvée par notre conseil d'administration, d'investir par l'entremise de fonds et de recourir principalement à des gestionnaires de placement externes pour nos investissements en capital de risque.

Finalement, j'aimerais préciser qu'en raison de la petitesse relative du marché du capital de risque au Canada, les filières de nouveaux projets sont limitées en nombre. Malgré ces considérations, Investissements PSP a engagé quelque 355 millions de dollars dans des fonds dédiés au capital de risque et aux sociétés à faible capitalisation, dont la mission est de financer les petites entreprises au Canada. Ceci représente 5,5 p. 100 de tous les montants alloués aux fonds de placement par notre groupe des Placements privés, un pourcentage supérieur à celui proposé par certains comme plafond aux placements en capital de risque pour les grands fonds de pension. Par exemple, pas plus tard que la semaine dernière, CalPERS, le plus important fonds de pension des États-Unis, a annoncé qu'il allait réduire son programme de capital de risque de 7 à 1 p. 100 au sein de son programme de gestion des placements alternatifs de 49 millions de dollars.

Environ 216 des 355 millions de dollars engagés ont été investis jusqu'à présent par l'entremise de 16 fonds différents, fournissant du financement à 75 sociétés du portefeuille. Et il y a près de 140 millions de dollars de plus qui sont déjà alloués, mais qui doivent encore être investis. Malgré ce que l'on entend à propos du manque de capital de risque, voilà le véritable reflet de la réalité. Celle-ci nous montre qu'il peut être difficile de trouver un débouché pour l'argent disponible dans ce qu'on peut espérer être un bon placement.

[Français]

Cela nous ramène au mandat statutaire d'Investissements PSP, particulièrement celui de maximiser les rendements de placement tout en évitant les risques de perte indue.

Le capital de risque demeure une activité à haut risque où le profil rendement-risque n'est pas aussi attrayant que d'autres stratégies visant à atteindre le rendement cible d'Investissements PSP. Ceci ne veut pas dire que les grands fonds de pension de placements canadiens ne peuvent pas, individuellement ou collectivement, avoir un impact positif important sur le secteur des PME. Au contraire, pris dans leur totalité, il y a quelque 15 milliards de dollars investis dans du capital de risque au pays. Il s'agit là d'une somme importante dont une bonne partie provient des grands fonds de pension.

De plus, avec le temps, nous nous attendons à ce qu'un dialogue constructif s'installe entre les membres de la communauté des fonds de pension de placement, les groupes de placement privés et les entrepreneurs canadiens et possiblement les gouvernements, et que cela mènera à des solutions novatrices en réponse aux besoins cruciaux en capitaux des PME.

[Traduction]

En ce qui nous concerne, vous pouvez être assurés que, tout en maintenant une relation à distance avec le gouvernement, Investissements PSP va continuer à être un investisseur majeur au sein du dynamique marché canadien, contribuant ainsi à susciter le développement économique et la création d'emplois, tout en se conformant à son mandat de maximiser les rendements et d'éviter les risques de perte indus.

Sur ce, mon collègue Jim Pittman et moi serons heureux de répondre aux questions que les honorables sénateurs voudront bien nous poser. Merci beaucoup.

Le président : Monsieur Valentini, merci pour cet excellent exposé, qui soulèvera certainement de nombreuses questions. Il ne fait aucun doute que le dernier paragraphe de la page 7 incitera les sénateurs à avoir cette discussion avec vous ici, afin de trouver des solutions en réponse aux « besoins cruciaux en capitaux » des PME, pour vous citer. C'est ce que nous essayons de déterminer, et votre contribution sera précieuse. Nous passerons directement aux questions.

Le sénateur Greene : J'ai une question générale. D'autres témoins se sont interrogés sur la pertinence des fonds de solidarité. Qu'en pensez-vous?

Jim Pittman, vice-président, Placements privés, Office d'investissement des régimes de pensions du secteur public : Vous voulez dire les fonds de travailleurs?

Le sénateur Greene : Oui.

M. Pittman : Nous ne les avons pas étudiés en détail. Notre point de vue général sur les fonds de travailleurs est que d'importantes sommes ont été levées en très peu de temps. Il y a eu des biais négatifs quand on a investi rapidement cet argent. L'une des choses que nous avons apprises en affectant les fonds, soit dans des placements privés en général, mais encore plus dans du capital de risque, c'est que lorsqu'on est forcé d'investir cet argent dans de courts délais, il y a un biais négatif sur les types de placements qu'on peut faire.

C'est l'un des problèmes. Dans le cas des fonds de solidarité, il peut y en avoir d'autres liés aux ratios de gestion. Voilà notre commentaire général sur les fonds de travailleurs.

Le sénateur Stewart Olsen : Avez-vous accru récemment vos investissements dans le capital de risque? Quels types de fonds et d'entreprises choisissez-vous? Qui les choisit et quels sont les critères? Avez-vous subi des pertes dans vos placements en capital de risque?

M. Pittman : La meilleure façon de répondre est d'indiquer que nous avons d'abord affecté la plus grande partie de notre argent au moyen d'un programme de fonds en 2006. Comme l'a mentionné M. Valentini, nous l'avons investi dans 15 sociétés en commandite. Ces fonds ont investi dans environ 75 entreprises. Dans ce portefeuille, on voit que le rendement du capital de risque est environ 10 p. 100 moins élevé que ce à quoi nous nous attendons dans notre portefeuille général de placements privés. C'est bien inférieur aux attentes, mais les investissements sont encore récents. Le capital de risque a tendance à mettre un certain temps avant de créer de la valeur. Comme l'a indiqué mon collègue, au début d'un investissement en capital de risque, il n'est pas rare de perdre quelques sociétés, tandis que d'autres progressent.

En ce qui concerne l'affectation, il reste environ 140 millions de dollars à investir, alors nous ne nous sentons pas obligés d'affecter des montants supplémentaires cette année.

Le sénateur Stewart Olsen : Êtes-vous prudents dans votre affectation?

M. Pittman : Absolument. À l'avenir, nous continuerons d'investir au Canada, mais nous sommes prudents, en particulier en ce qui concerne le capital de risque.

Le sénateur Stewart Olsen : Et les pertes?

M. Pittman : Nous sommes à environ 10 p. 100 sous nos prévisions. Nous nous attendions à un rendement positif de 5 à 10 p. 100 de plus; l'écart est nettement moins élevé en réalité.

Le sénateur Stewart Olsen : Vos autres placements compensent cet écart?

M. Pittman : Oui, absolument.

M. Valentini : Historiquement, d'après les données dont nous disposons sur le rendement du marché au cours des dix dernières années, il y a un écart de près de 10 à 15 p. 100 entre le capital de risque et l'achat d'actions. Cet écart dépasse nos taux de rendement visés pour l'ensemble de notre portefeuille. C'est le défi. Ce sont des données historiques, pas les nôtres. C'est la réalité des rendements historiques entre le capital de risque et ce que nous considérons habituellement comme des placements privés.

Le président : Qu'est-ce qui vous inciterait à investir davantage dans les PME? Plus de PME et plus d'occasions d'investir?

M. Pittman : Notre mandat nous oblige à trouver des gestionnaires qui peuvent affecter les fonds avec succès. Notre critère le plus important est que les gestionnaires aient généralement de bons antécédents pour que nous puissions continuer à leur affecter de l'argent. Ils affectent ensuite cet argent aux entreprises. Nous sommes très prudents dans ce domaine. C'est peut-être notre critère le plus important actuellement.

Le président : Y a-t-il un nombre croissant ou décroissant de gestionnaires de fonds de PME?

M. Pittman : Je dirais que nous entrons probablement dans une période où un plus grand nombre de gestionnaires partiront d'ici deux ou trois ans. Ce n'est pas particulier au capital de risque. Ce sera certainement le cas pour le capital de risque, mais aussi pour les placements privés en général; un peu moins au Canada et beaucoup plus aux États-Unis.

Le président : C'est cyclique, selon vous?

M. Pittman : C'est une tendance que nous constatons, parce que de nombreux fonds de pension, comme le nôtre, continuent d'investir dans des gestionnaires qui réussissent. Nous sortons d'une période où des sommes énormes ont été affectées aux placements privés et au capital de risque, en 2003, 2004 et 2005, disons. Les rendements n'ont pas été formidables.

Le président : Ils ne l'ont pas été?

M. Pittman : Ils ont été moins bons que prévu, en général. Par conséquent, de nombreux fonds de pension se retirent jusqu'à un certain point des placements privés. Ils accroissent encore leurs affectations aux placements privés, mais se retirent de certains qui ont été ou auraient pu être des fonds de premier niveau, mais qui n'ont pas donné de très bons rendements. Ces fonds auront du mal à trouver d'autre financement et pourraient ne pas en trouver suffisamment pour pouvoir continuer.

Le sénateur Oliver : Nous sommes un comité parlementaire, et nous cherchons notamment à élaborer une bonne nouvelle politique publique et à faire des recommandations au gouvernement sur les mesures qu'il devrait prendre, à notre avis, pour aider les entreprises canadiennes à être plus novatrices et inventives. Nous avons examiné, entre autres, ce que nous devrions faire, le cas échéant, pour encourager un plus grand nombre d'investisseurs à devenir des investisseurs providentiels ou encourager les investisseurs providentiels à assumer une partie des risques que vous venez d'évoquer. Vous n'avez pas du tout parlé des investisseurs providentiels dans votre exposé. Vous n'avez pas du tout parlé des crédits d'impôt dans votre exposé.

Quelles seraient certaines des mesures que vous recommanderiez au comité d'examiner pour élaborer une nouvelle politique publique qui encouragerait les petits entrepreneurs du Canada à devenir plus inventifs et novateurs? Qu'est-ce que vous aimeriez voir?

M. Valentini : Probablement des mesures qui ont déjà été suggérées par d'autres témoins qui ont comparu devant votre comité ou dans des études de l'Association canadienne du capital de risque et d'investissement. Ils parlent de crédits d'impôt à l'intention des investisseurs providentiels.

Le sénateur Oliver : Êtes-vous en faveur?

M. Valentini : Oui, nous sommes en faveur de ces crédits. Nous serions favorables à ce que le gouvernement participe au moyen des outils des crédits d'impôt aux investisseurs providentiels, des crédits d'impôt au capital de risque et de l'amélioration des crédits à la R-D.

Ce serait bon pour une organisation comme la nôtre. Essentiellement, l'argent est là. Il ne manque pas vraiment de capital pour les PME, mais nous aimerions avoir une filière de nouveaux projets de qualité. Cela demande du financement aux toutes premières étapes d'une entreprise.

Il pourrait y avoir du micro-financement à hauteur d'un demi-million de dollars et il serait bon que le gouvernement participe à beaucoup de mesures qui ont déjà été suggérées ou qui sont proposées par l'association du capital de risque.

Le sénateur Oliver : D'où viendrait le financement de démarrage d'un demi-million de dollars? Certainement pas de vous, alors quelle est votre recommandation?

M. Valentini : Je pense que les investisseurs providentiels sont une bonne source. Les entrepreneurs acquièrent de l'expérience et des compétences en s'associant à d'autres entrepreneurs. Il y a un bon encadrement et un encouragement fiscal. Si nous offrons ces types d'encouragements fiscaux aux investisseurs de détail, par l'entremise des fonds de travailleurs, ce qui est bien à mon avis, les fonds de travailleurs fournissent du capital qui peut être du capital de risque. Pourquoi ne pas avoir un crédit d'impôt semblable pour les entrepreneurs disposés à investir beaucoup plus que dans un mécanisme de détail?

Je pense que c'est probablement une bonne façon de créer un nouveau bassin de capital.

Le sénateur Oliver : Quelles leçons devrions-nous tirer, dans notre comité, du fait que CalPERS vient de réduire le pourcentage des capitaux qu'ils investissent dans leur programme de capital de risque? C'est une réduction importante. Quelle leçon devrions-nous en tirer?

M. Pittman : Je pense que la situation en Californie, en particulier, a été un peu imposée à CalPERS. Ils ont dû mettre en place certains types de financement. Dans certains cas, ce devait être dans des ressources renouvelables, et six ou huit exigences particulières leur ont probablement été imposées. C'est une politique formidable ou une idée formidable, mais si on ne peut pas trouver de bons gestionnaires pour les appliquer, il n'y aura probablement pas de résultats raisonnablement bons.

Ce qui est arrivé à CalPERS — je ne peux pas donner de détails, mais je parle régulièrement avec les gens de CalPERS — c'est qu'ils ont investi des sommes énormes et que les rendements ont été terribles.

Vu que le programme était tellement gros, ils ont dû se replier et réaffecter leur argent vers ce qui représentait un meilleur risque et avait des chances de rapporter davantage.

Le sénateur Oliver : Dans votre cas, vous semblez assez fiers de vos placements immobiliers. Vous avez des placements immobiliers de 2,5 milliards de dollars dans 35 villes. J'aimerais connaître certains des types de produits immobiliers dans lesquels vous investissez. Achetez-vous des fiducies de placement immobilier ou des immeubles commerciaux ou investissez-vous dans la phase de préparation des travaux? Dans quels types de placements immobiliers investissez-vous?

M. Valentini : Des immeubles commerciaux ou de bureaux. Notre plus important placement est dans Revera, une entité active dans le logement pour aînés, comme je l'ai mentionné. Nous possédons des immeubles de bureaux à Edmonton, Calgary et Montréal. Nous possédons des immeubles commerciaux dans le monde entier. Au Canada, nous sommes dans tous les secteurs, je dirais.

Le sénateur Oliver : Quel est votre rendement annualisé dans l'immobilier, 2,5 milliards de dollars?

M. Valentini : Le rendement annualisé pour l'immobilier? J'ai les chiffres devant moi. Pour l'immobilier, le taux de rendement a été de 13,8 p. 100 l'an dernier; 7,2 p. 100 sur cinq ans.

Le sénateur Oliver : Comparativement à certains de vos placements en actions, par exemple, quels étaient les rendements pour la même période?

M. Valentini : Je peux donner nos rendements l'an dernier, pour diverses catégories d'actifs. Le rendement global du fonds a été de 14,5 p. 100. Immobilier, 13,8 p. 100. Placements privés, 20,9 p. 100. Infrastructures, moins 1,6. C'était la première année que le rendement était négatif. Placements en titres à revenu fixe des marchés publics, 4,6 p. 100, actions des marchés publics, 16,4 p. 100. Nous sommes fiers de déclarer que 14,5 p. 100 a été le meilleur rendement obtenu par un grand fonds de pension au Canada l'an dernier.

Le sénateur Oliver : Vous avez quelques gestionnaires à qui vous confiez vos 355 millions de dollars. J'aimerais savoir si certains de ces gestionnaires sont allés vous voir au cours des douze derniers mois pour vous dire : « Nous avons presque tout placé l'argent que vous nous avez confié et nous entrevoyons de bonnes occasions d'affaires. Pouvez-vous nous donner plus d'argent? » Certains de vos gestionnaires ont-ils demandé des fonds supplémentaires?

M. Pittman : Je dirais que la plupart de ces gestionnaires font ce qu'ils appellent des préplacements. Ils viennent souvent nous voir environ un an avant d'avoir besoin d'argent supplémentaire. Jusqu'ici, sur les quinze dont nous avons déjà parlé, trois ou quatre reviennent. Il s'agit de fonds qui font des investissements d'assez grande envergure, à vrai dire, plutôt que dans du capital de risque. Personne n'est venu nous voir du côté du capital de risque ou des très petites PME. Il semble qu'ils ont assez de capital à déployer.

Le sénateur Oliver : Ils ne semblent pas trouver de projets dans lesquels ils pourraient investir?

M. Pittman : Ils doivent être prudents dans leurs placements. On entend souvent dire qu'il faut investir dans un cycle de trois ou quatre ans. Quand on place tout son argent en un an, c'est peut-être une année formidable, peut-être l'année avant que les marchés se replient. La plupart de nos gestionnaires sont prudents quand ils choisissent à quel moment ils investissent. Une fois qu'ils ont placé une certaine somme, il leur faut aussi du temps pour gérer ces placements.

Le sénateur Oliver : Vos gestionnaires doivent-ils vous présenter des rapports tous les trimestres?

M. Pittman : Absolument, et ils appliquent aussi la méthode de la comptabilité à la juste valeur marchande.

Le sénateur Moore : Vous avez indiqué dans votre déclaration, monsieur Valentini, que vous présentez des rapports à vos parties prenantes. À quelle fréquence présentez-vous vos rapports?

M. Valentini : Notre exercice se termine le 31 mars. Nous présentons notre rapport aux trois ministres, généralement vers la mi-juin, et le rapport est déposé au Parlement. Notre rapport annuel est habituellement déposé au Parlement vers la fin de juin.

Le sénateur Moore : Rencontrez-vous chaque partie prenante face à face ou présentez-vous simplement votre rapport imprimé?

M. Valentini : Nous rencontrons régulièrement nos parties prenantes.

Le sénateur Moore : À quelle fréquence?

M. Valentini : Je dirais que, pour présenter nos résultats annuels, nous rencontrons officiellement nos parties prenantes deux fois par année. Juste après la fin de notre exercice, nous rencontrons officiellement chacune de nos parties prenantes tous les ans, comme le prévoit la loi. Nous avons une réunion avec chaque groupe de nos parties prenantes. C'est le TRIPAC. La dernière réunion a eu lieu le 20 octobre. Nous avons aussi une assemblée annuelle publique, au cours de laquelle nous communiquons nos résultats et nos activités de placement pendant l'année écoulée.

Mark Boutet, vice-président, Communications et relations avec le gouvernement, Office d'investissement des régimes de pensions du secteur public : J'ajouterais que nous présentons également des états financiers trimestriels et des lettres à chacun des ministres.

Le sénateur Moore : Vous affirmez qu'il est important de préciser que vous êtes un gestionnaire de placements et non un gestionnaire de régimes de pensions. Pouvez-vous expliquer au public ce que cela veut dire?

M. Valentini : Nous sommes un gestionnaire de placements pour des régimes de pensions. Un exemple serait le Régime de retraite des enseignantes et des enseignants de l'Ontario et OMERS, qui gère l'actif et le passif. Dans son bilan, il y a un actif et un passif. Nous avons seulement un actif. Le passif est encore géré par la GRC, et par le Conseil du Trésor. Ils gèrent le côté passif du bilan. Les régimes de pensions nous envoient les cotisations et nous plaçons ces fonds, alors nous sommes seulement un gestionnaire de placements pour les régimes de pensions.

Le sénateur Moore : Je voudrais poursuivre dans la veine des questions du sénateur Stewart Olsen et du sénateur Oliver. Les montants investis — le sénateur Oliver a mentionné 2,5 milliards de dollars — sont-ils tous investis au Canada? Vous avez parlé de placements dans le monde entier. Est-ce 2,5 milliards au Canada seulement ou une partie est-elle investie à l'étranger et, le cas échéant, où est-elle investie?

M. Valentini : Ce montant est investi au Canada, mais 51 p. 100 de notre actif total en fin d'exercice, qui se chiffrait à environ 58 milliards de dollars, ont été investis au Canada.

Le sénateur Moore : Le reste est investi à l'étranger?

M. Valentini : Le reste est investi dans le monde entier : les États-Unis, l'Europe et l'Amérique du Sud.

Le sénateur Moore : Dans toutes les catégories d'actifs mentionnées par le sénateur Oliver?

M. Valentini : Exactement. Chaque catégorie d'actifs est représentée assez également du point de vue géographique. Il y a des placements au Canada, aux États-Unis, en Europe et en Amérique du Sud.

Le sénateur Moore : Quelle portion est investie aux États-Unis, en dollars et en pourcentage?

M. Valentini : Aux États-Unis, 22 p. 100.

Le sénateur Moore : Surtout dans l'immobilier?

M. Valentini : Non. Je dirais que les 22 p. 100 sont répartis entre toutes les catégories d'actifs, les actions des marchés publics, les placements privés, les placements en infrastructures et les placements immobiliers. Pour toutes les catégories d'actifs, il y a des placements sur le marché américain.

Le sénateur Moore : En ce qui concerne les activités futures, comment les gens savent-ils qu'ils doivent s'adresser à vous, ou allez-vous vers eux? Comment sait-on que vous avez beaucoup d'argent et que vous cherchez à le placer? Comment l'arrimage se fait-il? Êtes-vous à l'affût? Avez-vous payé des droits pour que les gestionnaires vous présentent des occasions d'affaires? Comment cela se passe-t-il?

M. Pittman : Je peux parler de la stratégie pour les placements privés. C'est un peu semblable pour toutes les catégories de placements privés. Nous allons vers les gestionnaires et nous en trouvons dans le monde entier dans notre groupe des placements privés. Nous avons 20 gestionnaires dans le monde. Nous allons les voir. Nous leur affectons une certaine somme dans une structure de fonds. Nous leur disons que parmi les types de placements qu'ils ont, nous préférons tel ou tel.

Le sénateur Moore : En ce qui concerne le risque?

M. Pittman : Le risque, le rendement, l'industrie, le secteur, le moment dans le cycle économique. Nous faisons des ajustements régulièrement. Nous leur disons que nous ne sommes pas intéressés par les actifs financiers en Europe, évidemment. Mais s'il s'agit d'actifs dans le secteur du câble en Asie, peut-être que des secteurs différents nous intéressent cette année, alors nous les en informons. Nous sommes beaucoup sur la route. Nous inspectons les placements effectués par les gestionnaires et nous parlons de ce qui est intéressant. Nous parlons de leurs idées de placements ou d'idées potentielles, et de notre degré d'intérêt. Nous affectons souvent des montants parallèlement à leur fonds.

J'ai un exemple récent. M. Valentini a mentionné Telesat, il y a quelques années. Nous venons de conclure une opération avec Kinetic Concepts. Le gestionnaire du fonds était Apax. Il a investi environ 800 millions de dollars, nous avons investi un peu moins de 400 millions, et le Régime de pensions du Canada a investi 480 millions dans cette seule opération.

Le sénateur Moore : Le gestionnaire du fonds vient vous voir et vous dit qu'il a une affaire en vue?

M. Pittman : Absolument.

Le sénateur Moore : Devez-vous payer une commission?

M. Pittman : Nous avons une règle stricte avec nos gestionnaires. Nous devons verser un droit au fonds dans lequel nous investissons. Quand il s'agit d'un co-investissement — nous parlons de co-investissement quand nous investissons parallèlement au fonds — il n'y a pas de frais, pas d'autres attentes de la part du gestionnaire du fonds. Nous plaçons notre argent et nous assumons activement le risque.

Le sénateur Hervieux-Payette : J'aimerais savoir comment vous procédez. Quand évaluez-vous leur rendement et quelle est la durée du mandat? Vous dites qu'ils vont vers vous, mais organisez-vous une espèce de concours? J'aimerais savoir comment vous choisissez ces gens, parce que suppose qu'un grand nombre sont intéressés à faire des affaires avec vous.

M. Pittman : Il y a beaucoup d'intérêt. Il existe quelque 5 000 fonds de placements privés aux États-Unis seulement, alors ce n'est pas une sinécure de faire un choix. Mais nous avons décidé de choisir de grands gestionnaires, à l'échelle internationale. Nous avons un compte distinct, alors quand un gestionnaire de fonds a peut-être de cinq à dix ans d'expérience dans la sélection de gestionnaires, nous lui demandons de faire une présélection et de nous présenter de dix à quinze gestionnaires de placements qui, selon lui, compteraient parmi les meilleurs selon nos critères. Nous examinons à l'interne les antécédents de ces 15 gestionnaires, selon notre point de vue, en appliquant les critères de l'indice Thomson Venture, et nous en retenons quelques-uns. Sur les 15, nous en choisissons peut-être un ou deux. Actuellement, nous investissons habituellement dans trois, peut-être quatre, gestionnaires de fonds par année, alors ils ne sont pas très nombreux.

Le sénateur Hervieux-Payette : Donnez-vous le même montant à tout le monde?

M. Pittman : Absolument pas. Le plus petit montant a été de 30 millions de dollars et le plus gros, de 500 millions de dollars.

Le sénateur Hervieux-Payette : Quelle est la durée de leur mandat?

M. Pittman : La plupart de ces structures ont une période d'investissement de cinq ou six ans pour le fonds proprement dit. S'ils investissent la cinquième année, ils ont besoin habituellement de cinq ans pour que le placement rapporte, alors la plupart de ces structures durent 10 ans.

Le sénateur Hervieux-Payette : Tous les ans, vous faites un examen. Si le rendement n'est pas suffisant, avez-vous déjà demandé à quelqu'un de changer un gestionnaire qui travaillait pour vous?

M. Pittman : Essentiellement, notre façon de nous débarrasser d'un gestionnaire consiste à vendre notre placement chez lui. Il y a un marché secondaire, et c'est ce que nous avons fait l'an dernier.

Le président : Je pense que l'attention de notre vice-présidente a été attirée par votre rendement de 14 p. 100; les autres membres du comité aussi.

Le sénateur L. Smith : J'ai deux questions. La première porte sur les leçons tirées de l'histoire du capital de risque. Votre langage corporel semble indiquer que vous êtes très prudent quand vous parlez de capital de risque. Notre étude porte évidemment sur les petites et moyennes entreprises. Nous ne parlons pas d'affaires représentant des sommes aussi élevées que celles dont vous parlez; nous parlons des petites et moyennes entreprises.

Vous avez évoqué plus tôt le capital de démarrage. Comment imaginez-vous le véhicule qui pourrait faire redémarrer la machine?

M. Pittman : Une partie est cyclique, ce qui veut dire qu'il faut parfois attendre. Des occasions d'affaires doivent se présenter afin qu'on puisse affecter de l'argent. L'argent reste parfois sur la touche; en attente.

Je pense qu'on peut faire redémarrer la machine en laissant la plupart des véhicules qui existent jouer leur rôle, par exemple, les crédits d'impôt et les crédits à la RS&DE. En tant que gestionnaires de placements professionnels, nous continuons d'examiner le rendement des investisseurs existants. L'un des éléments les plus importants consiste à trouver de bons investisseurs. Votre comité devrait peut-être réfléchir surtout aux investisseurs providentiels. Certains d'entre eux apportent aux nouveaux entrepreneurs une grande expérience, qui est nécessaire pour passer d'une étape à l'autre. Quand ces entreprises commencent à avoir des revenus, elles sont vite appuyées par des investisseurs actifs dans le secteur des PME plutôt que dans le capital de risque. Il y a des phases dans le capital de risque, selon le niveau de technologie et de perfectionnement nécessaire pour passer d'une étape à l'autre. Il y a de bons gestionnaires qui peuvent aider dans ce domaine.

Si nous pouvions accroître les investisseurs providentiels et les sociétés investisseuses, cela aiderait. C'est un phénomène cyclique, en partie. Le financement et le capital de risque reviendront naturellement. Quand il y a moins d'argent et plus d'occasions d'affaires, le potentiel de rendement augmente et on investit davantage. On peut espérer que, dans le prochain cycle, il n'y aura pas trop d'argent à la recherche de ces occasions d'affaires. Il arrive qu'il y ait trop d'argent pour trop peu d'occasions d'affaires; alors les rendements diminuent et on cesse d'investir.

Le sénateur L. Smith : Il semble que le maillon faible soit le financement de démarrage, les premiers investissements. Vous êtes à une autre échelle. À l'avenir, que pouvez-vous faire pour avoir l'intérêt qui convient dans le financement de démarrage, qui semble être le secteur à plus haut risque?

M. Pittman : Nous sommes toujours à la recherche d'investisseurs intelligents. Nous pensons que les investisseurs intelligents — principalement les investisseurs providentiels, certaines sociétés investisseuses — sont les mieux placés pour trouver ce qui peut devenir un débouché lucratif.

Certains des acteurs plus purement financiers investiront dans le capital de risque et sont prêts à prendre d'autres risques également. C'est un peu difficile pour nous parce que nous ne consacrons pas assez de temps nous-mêmes au capital de risque. Nous aimerions être plus constructifs, mais d'après notre expérience, nous avons tendance à constater que nos meilleurs résultats s'expliquent toujours par une sélection optimale des gestionnaires. Dans cette mesure, nous pouvons attirer des gestionnaires plus avertis. C'est peut-être notre meilleure façon de faire bouger les choses.

M. Valentini : Dans cette veine, le gouvernement a publié hier un communiqué annonçant qu'il finançait quatre réseaux d'investisseurs providentiels. J'ai pensé que c'était une bonne initiative, parce que, souvent l'entrepreneur qui a besoin de capital de démarrage — ce n'est pas vraiment qu'il manque de capital — ne sait pas où aller. Des gens qui ont besoin de 200 000 $ ou 500 000 $ nous appellent et ils ne savent pas où aller. C'était une bonne initiative, qu'il y ait un type d'association ou un réseau. Ils peuvent demander des conseils sur la manière de trouver même du capital de démarrage. Je pense que cela manque. Les gens ne savent pas à quelle porte frapper ni comment s'y prendre. Des mesures comme celle-là de façon à faciliter la mise de fonds initiale pour ces types de réseaux ou d'associations et bonifier les crédits d'impôt afin d'aider les entrepreneurs au niveau du financement par des investisseurs providentiels — sont de bonnes initiatives.

Le sénateur L. Smith : Le gouvernement peut peut-être aider en établissant les différents niveaux. Si vous êtes un entrepreneur et que vous avez besoin de capital de démarrage, voici les quatre niveaux où vous pouvez aspirer vous adresser pour obtenir de l'aide. Le problème est peut-être lié en partie au fait que les entrepreneurs n'ont pas la littératie financière qui leur permettrait de savoir où aller, à par l'un de nous ou la personne fortunée qui a de l'argent pour financer le démarrage.

M. Valentini : Ce type d'organisation pourrait être utile à cet égard.

Le sénateur Tkachuk : Je suis surpris que l'absence de rendement à la banque n'ait pas stimulé les placements dans d'autres secteurs de l'économie comme le capital de risque ou des investissements directs dans des entreprises. En règle générale, de votre point de vue professionnel, est-ce le cas? Les banques avaient l'habitude de rivaliser entre elles pour obtenir des dollars, mais je ne pense pas qu'elles le fassent encore aux taux d'intérêt qu'elles offrent. Où va tout cet argent?

M. Pittman : Je pense que les banques auraient du mal elles aussi à trouver les bons types de gestionnaires. À bien des égards, ce que les banques ont appris, c'est qu'il n'y a pas de placements exceptionnels. Ou le risque est trop élevé par rapport au rendement, alors il vaut mieux attendre. C'est la réalité que nous avons tous appris à connaître.

Le sénateur Tkachuk : Ce n'est pas tout à fait là où je voulais en venir. Je m'inquiète toujours quand les gouvernements interviennent pour aider. Si vous obtenez des crédits d'impôt pour le capital de risque ou les fonds de capital de risque, est-ce que cela ne fausse pas le marché? Est-ce que ceux qui devraient prendre des décisions d'affaires en fonction du rendement des placements, de la retraite ou de la consommation ne se retirent pas de certains secteurs parce qu'on leur propose de les payer pour qu'ils investissent ailleurs, même en sachant qu'il n'y aura pas de rendement plus tard?

M. Pittman : M. Valentini et moi-même sommes davantage en faveur des crédits d'impôt qui s'adressent aux investisseurs institutionnels et aux sociétés investisseuses. Je pense que le capital de risque des fonds de travailleurs peut encore être utile. Du point de vue du financement de détail, l'un des problèmes est que si vous mobilisez trop de fonds au mauvais moment, cela peut empirer grandement la situation.

Le sénateur Tkachuk : Cela ne réduirait pas les sommes qu'une entreprise peut consacrer à la recherche et au développement? Nous avons abaissé le taux d'imposition des sociétés canadiennes à près de 15 p. 100, ou nous le ferons cette année. Nous avons des crédits d'impôt pour la recherche et le développement. Nous pourrions abaisser le taux d'imposition des petites entreprises. En créant des crédits d'impôt pour le capital de risque — si l'entreprise prenait des décisions en fonction des rendements futurs des placements — est-ce que cela ne détournerait pas de l'argent qui devrait être consacré à d'importants secteurs de l'économie comme la recherche et le développement? Où les gens font- ils leurs grandes inventions? Les entrepreneurs font de l'argent parce qu'ils ont un nouveau produit à vendre. Ils ne pensaient pas à un crédit d'impôt lorsqu'ils ont développé leur nouveau produit. Ils avaient simplement besoin de mettre la main sur un peu d'argent pour développer le projet. On pourrait penser que les gens d'affaires futés prendraient les décisions en fonction de l'idée et du profit, pas des crédits d'impôt.

M. Pittman : Je suis d'accord jusqu'à un certain point. Je dirais par contre que les crédits d'impôt aident les investisseurs à payer une partie des coûts nécessaires pour lancer l'affaire. Il est parfois difficile de trouver du financement de démarrage pour payer les premiers coûts. Le crédit d'impôt peut aider à cette étape. Faut-il en déduire que les entreprises dépensent simplement pour avoir droit au crédit? Nous espérons que non. Nous espérons que les sociétés et les entrepreneurs le font afin de pouvoir créer quelque chose de novateur.

Le sénateur Tkachuk : En ce qui concerne le Programme de crédit d'impôt pour capital de risque de petites entreprises, y a-t-il des données montrant qu'une foule d'entreprises nées grâce à ce crédit d'impôt n'auraient pas existé autrement? Y a-t-il des données à ce sujet? Je n'en ai pas vu. Il y a eu des critiques, et il n'y a pas véritablement de rendement, d'après ce qu'on nous dit. C'est un crédit d'impôt qui existe depuis des années, mais je n'ai pas encore vu de données démontrant qu'il fonctionne bien, compte tenu du nombre d'entreprises créées et de tous les entrepreneurs appuyés par le crédit d'impôt. La preuve n'a jamais été faite. Tant qu'elle n'a pas été faite, pourquoi avoir d'autres crédits d'impôt qui serviraient à la même fin?

M. Pittman : Je ne peux pas me prononcer. Ce sont des fonds très importants. Je crois qu'ils ont investi dans un assez grand nombre d'entreprises. Certaines de ces entreprises auraient eu avantage à disposer de capital intérimaire pour passer à l'étape suivante. Je n'ai pas étudié la question assez en détail pour pouvoir me prononcer.

Le sénateur Gerstein : Monsieur Valentini, je suis encore en train de digérer vos formidables rendements et d'examiner vos objectifs de placements décrits à la page 3; ils sont très détaillés.

Ma première question est la suivante : investissez-vous dans une perspective mondiale ou réservez-vous un certain montant pour le Canada, même si ce n'est pas écrit ici? Je vois ici un taux de 51 p. 100. Accepteriez-vous un taux plus bas au Canada si vous pensiez obtenir un rendement plus élevé ailleurs et que le taux passait de 51 p. 100 à 70 p. 100? Y a-t-il des instructions dans votre mandat sur le montant qui doit rester au Canada?

Cela m'amène à ma dernière question : Comment trouvez-vous les affaires dans lesquelles vous investissez? Vous fait-on des propositions ou allez-vous vers les autres pour investir?

M. Valentini : En ce qui concerne notre répartition, les 51 p. 100 que nous avons placés au Canada jusqu'ici se fondent sur notre conviction que les rendements étaient bons. C'est pour cela que 51 p. 100 de nos actifs sont au Canada et placés au Canada.

Le sénateur Gerstein : Si les rendements étaient meilleurs ailleurs, le taux pourrait changer.

M. Valentini : Oui. Il n'y a pas de préjugé favorable au Canada. Nous allons où les rendements sont bons.

Évidemment, j'ai en quelque sorte une cause à défendre. Si vous ne pouvez pas faire d'argent dans votre propre cour, vous ne devriez pas aller jouer dans la cour des autres. Nous sommes au Canada, alors il y a un désir d'investir au Canada. Nous avons un portefeuille varié. Nous investissons dans les actions des marchés publics, dans les placements privés et dans les placements immobiliers, par exemple. Pour chaque catégorie d'actifs, il y a une répartition visée sur le marché canadien. Il y a des lignes directrices ou des affectations. Il n'y a pas de règle fixe. Le plafond de 30 p. 100 sur les actifs à l'étranger a été levé et depuis, les fonds se sont ouverts.

Comme je l'ai indiqué, nous avons encore les actifs ou les placements les plus élevés affectés au Canada par rapport à nos pairs. Nous avons adopté cette position parce que nous croyons que c'est ici que se trouvent les rendements, uniquement pour cette raison, et cela s'est révélé rentable pour nous. Cela nous a aidés à obtenir des rendements très élevés — les meilleurs cette année, mais même l'an dernier, nous avons eu des rendements très élevés.

Le sénateur Gerstein : Que pouvez-vous nous dire sur la façon de trouver les opérations dans lesquelles vous investissez? Allez-vous vers les autres ou vient-on à vous parce qu'on sait que vous avez de l'argent à investir?

M. Valentini : Cela va dans les deux sens. Évidemment, quand on a 58 milliards de dollars, tout le monde le sait et on est sollicité, voire parfois trop. Le vrai travail consiste à choisir les partenaires et les gens avec qui on veut faire des affaires. Nous sommes très connus sur le marché. Je cède la parole à M. Pittman parce qu'il a plus d'expérience sur la manière dont nous choisissons nos partenaires.

M. Pittman : Comme je l'ai déjà indiqué, nous examinons un grand nombre de gestionnaires étrangers. Nous faisons beaucoup d'analyses internes et nous parlons à des conseillers externes pour obtenir de l'information sur qui serait de bons gestionnaires chez qui nous aimerions investir. La plus grande partie de notre travail consiste probablement à nous tenir loin des gestionnaires chez qui nous ne voulons pas investir. Quand il y a 4 000 ou 5 000 gestionnaires aux États-Unis et que vous voulez faire des affaires avec seulement cinq ou 10, il y a beaucoup de bruit et il faut se tenir loin du bruit. Nous essayons de rester tranquilles et d'aller vers les gestionnaires que nous aimons et de travailler avec eux. Cela dit, de nombreux banquiers, avocats et comptables savent qui nous sommes, que ce soit parce que nous avons 58 milliards de dollars d'actifs ou parce qu'ils ont appris récemment que nous avons conclu une opération.

Ce n'est pas difficile de trouver des occasions d'affaires, mais c'est difficile d'en trouver de très bonnes. Nous passons la plus grande partie de notre temps à examiner les occasions d'affaires pour savoir d'où elles viennent et à déterminer si ce sont les types d'affaires qui nous intéressent actuellement.

Le sénateur Gerstein : Vous avez donné les exemples de Telesat et Revera. Font-elles partie des rares entreprises dont vous êtes l'actionnaire majoritaire ou sont-elles des exemples d'une longue liste d'entreprises dont vous êtes l'actionnaire majoritaire des sociétés d'exploitation au Canada?

M. Valentini : Habituellement, nous ne sommes pas majoritaires. Dans la structure habituelle, nous sommes des associés. Notre participation minoritaire peut être aussi faible que 5 p. 100 et est habituellement de 25 p. 100 ou 30 p. 100. Il y a des situations où nous dépassons ces taux, notamment pour Telesat et Revera. Habituellement, nous sommes dans une société en commandite ou des co-investisseurs comme d'autres.

Le sénateur Hervieux-Payette : J'aimerais que ce soit clair pour nous tous. J'ai eu l'impression que vous investissez dans des entreprises qui sont plutôt moyennes que petites. Est-ce une fausse impression? J'ai eu l'impression que vous n'investissez pas de petits montants comme 1 million de dollars. Investissez-vous tardivement, quand une entreprise a de meilleures chances de réussir? Une entreprise part avec une idée et fonctionne parfois quelques années avant d'atteindre le seuil de rentabilité. À quelle étape investissez-vous? Quel est le montant moyen que vous investissez? J'ai l'impression, d'après ce que vous avez dit, que vous faites appel à des gens de l'extérieur, mais vous avez certainement du personnel spécialisé dans les moyennes entreprises? Qui exerce le droit de vote au conseil d'administration lorsque vous êtes associé, grâce aux actions que vous possédez?

M. Pittman : Nous avons 15 gestionnaires à qui nous avons affecté des fonds au Canada, en particulier. Ce sont ces fonds qui investissent aux étapes du prédémarrage et du démarrage. Une fois que les entreprises sont plus établies, elles peuvent venir nous voir directement. C'est ainsi que je décrirais notre rôle.

Quelle était la deuxième question?

Le sénateur Hervieux-Payette : Qui exerce le droit de vote pour les actions que vous possédez dans tous ces placements?

M. Pittman : Je peux parler de Telesat. Nous avons trois sièges au conseil d'administration qui en compte dix et nous exerçons notre droit de vote à chaque réunion du conseil d'administration.

M. Valentini : Cela varie selon la taille du placement, et c'est négocié en fonction de l'ampleur de notre participation dans l'entreprise. Évidemment, quand une entreprise vous appartient à part entière, vous pouvez diriger le conseil d'administration, mais c'est inhabituel. Habituellement, nous sommes des associés et selon notre niveau d'intérêt, c'est négocié et cela varie selon les types de placements.

Le sénateur Hervieux-Payette : Merci.

Le président : Merci, sénateur Hervieux-Payette.

[Français]

Messieurs les témoins, merci pour votre présence et vos présentations. Vos interventions ont été très intéressantes.

[Traduction]

Au nom de tous les retraités de la fonction publique, passés, présents et futurs, continuez votre bon travail.

[Français]

Bienvenue à cette deuxième moitié de la réunion du Comité sénatorial permanent des banques et du commerce au cours de laquelle nous poursuivrons notre étude spéciale sur le financement et la croissance des petites et moyennes entreprises.

Nous accueillons aujourd'hui un groupe de représentants du Fonds de solidarité de la FTQ et de GrowthWorks Capital Ltd. Les témoins du Fonds de solidarité FTQ sont MM. Yvon Bolduc, président-directeur général, Mario Tremblay, vice-président aux affaires publiques et corporatives et Gaétan Morin, premier vice-président au développement corporatif et investissements.

[Traduction]

Nous entendrons également M. Thomas Hayes, vice-président principal de GrowthWorks Capital Ltd. Monsieur Hayes, vous représentez les activités de votre organisation dans l'Atlantique?

Thomas Hayes, vice-président principal, GrowthWorks Capital Ltd. : Je suis le président et le chef de la direction de notre fonds de l'Atlantique, mais je fais partie également de notre organisation nationale. Dans l'audience, il y a aussi mon collègue Tim Lee, qui dirige notre fonds en Ontario.

Le président : Au début de votre exposé, vous pourriez peut-être nous décrire la structure de GrowthWorks Capital Ltd.

M. Hayes : Absolument.

[Français]

Je donne la parole en premier au représentant du Fonds de solidarité de la FTQ.

Yvon Bolduc, président-directeur général, Fonds de solidarité FTQ : Bonjour sénateurs, mesdames et messieurs. Permettez-moi de vous remercier au nom du Fonds de solidarité FTQ de nous donner l'occasion de venir expliquer ce que représente le Fonds de solidarité pour l'économie du Québec et pour l'industrie du capital de risque aussi au Québec.

Je suis accompagné de Gaétan Morin, qui est responsable des investissements du portefeuille de mission du fonds et de Mario Tremblay, responsable des affaires corporatives.

Évidemment, nous voulons aussi profiter de notre présence devant vous pour réagir aux commentaires, qui ont été plutôt négatifs, concernant les fonds de travailleurs tenus ici même par M. Douglas Cumming, il y environ deux semaines. M. Cumming parle principalement de l'effet d'éviction, ce qu'on appelle le « crawling out », qu'auraient les fonds de travailleurs sur les montants disponibles en capital de risque au Canada. Plus loin dans notre présentation d'aujourd'hui nous vous montrerons quelques données à jour, qui vous prouveront sans ambiguïté que les faits viennent largement contredire ces affirmations théoriques.

J'aimerais aussi que nous notions qu'alors même que le Fonds de solidarité FTQ représente à lui seul plus des trois quarts de l'industrie des fonds de travailleurs au Canada, M. Cumming n'a jamais fait l'effort de regarder notre modèle en détails et d'en tenir compte dans l'interprétation de ses résultats.

[Traduction]

Pour revenir à l'exposé d'aujourd'hui, nous aimerions présenter brièvement le Fonds de solidarité et sa place dans l'économie du Québec. Puis, j'aimerais parler de l'industrie du capital de risque et du rôle particulier que le Fonds de solidarité et d'autres fonds de détail ont joué pour amener le Québec dans la situation positive où il se trouve actuellement dans l'industrie.

J'aimerais aller à la page 4 de notre exposé.

[Français]

Cette page résume dans une image ce que le Fonds de solidarité FTQ fait pour faire face aux trois défis actuels de l'économie canadienne, soit l'emploi, la productivité, l'innovation et l'épargne retraite. Le Fonds de solidarité FTQ fait partie de la solution à l'égard de ces trois défis. Nous offrons un produit d'épargne-retraite à près de 600 000 actionnaires. On voit que nous avons 583 000 actionnaires présentement au Fonds de solidarité, des individus payeurs de taxes. L'argent qui est levé auprès de ces actionnaires nous permet d'investir 700 millions de dollars dans les entreprises québécoises chaque année. L'année passée, nous avons fait 161 transactions.

Au 31 mai 2011, notre actif de 8,2 milliards de dollars se partageait dans deux portefeuilles : un portefeuille de mission, qui est notre portefeuille d'investissement dans les PME en considération du crédit d'impôt que nous recevons. Alors 60 p. 100 de l'argent doit être investi dans un portefeuille de mission auprès des entreprises PME au Québec, et, d'autre part, nous avons un portefeuille qui vient équilibrer le risque de concentration géographique et le risque de concentration de capital- investissement dans une classe d'actifs. Nous avons trois milliards de dollars investis dans les grands marchés boursiers et autres.

Nous avons un portefeuille de mission qui comprend plus de 2 000 entreprises. Nous avons investi dans 2 000 entreprises directement ou indirectement et, ce faisant, nous avons créé et maintenu plus d'un demi-million d'emplois. Il est important de retenir que le fonds, à cause de sa faculté de lever des sommes chaque année, et qu'on appelle « evergreen », ou fonds pérenne, et que la roue tourne année après année, ce qui nous permet d'offrir une source de capital stable et patiente pour les entreprises du Québec, les PME.

À la page 5, on est capable de démontrer clairement que nous avons réussi à inciter les Québécois à épargner pour leur retraite.

Sur nos 600 000 actionnaires, plus de 200 000 ont fait leur première cotisation à un REER par l'entremise du fonds, et 80 p. 100 de ces 200 000 ont poursuivi leur effort d'épargne pour la retraite en cotisant à d'autres REER, dans des institutions financières autres que le fonds. Pour faire cela, nous avons mis en place des mécanismes pour faciliter l'épargne des salariés dans 6 500 entreprises, 6 500 PME québécoises.

À la page 6, le chiffre que je vous invite à retenir est 6 milliards de dollars, investis au cours des 10 dernières années par le Fonds de solidarité dans l'économie du Québec. Nous investissons dans toutes les régions du Québec, dans presque tous les secteurs de l'économie et à tous les stades de développement des entreprises pour des montants qui sont parfois aussi bas que 30 000 $ jusqu'à des montants atteignant 100 millions de dollars.

Nous avons investi près de deux milliards de dollars dans des entreprises en démarrage au cours des dix dernières années.

[Traduction]

Il y a deux semaines, M. Cumming a prétendu devant votre comité que le Fonds de solidarité FTQ a investi dans des entreprises non rentables. Les chiffres de la page 7, tirés d'une étude réalisée par le Groupe SECOR, montrent le contraire. Le fait est que nos partenaires et les entreprises dans lesquelles nous investissons ont dépensé quatre fois plus en R-D et réalisé des ventes à l'exportation trois fois plus élevées que la moyenne canadienne. La valeur ajoutée par emploi est également plus élevée que la moyenne québécoise.

À la page 8, grâce à ce crédit d'impôt, nous avons investi 60 p. 100 de nos actifs principalement dans des PME québécoises. Malgré cela, nous nous situons dans le deuxième quartile, avec un rendement historique de 3,6 p. 100 au cours des 28 dernières années. Au cours des deux dernières années, nous avons eu des rendements de 9 p. 100 et de 8,5 p. 100, mais historiquement, le rendement est positif à 3,6 p. 100, avant l'effet positif du crédit d'impôt et évidemment après un ratio de dépense très raisonnable de 1,5 p. 100.

[Français]

Pour conclure, à la page 9, cette présentation rapide de ce qu'est le fonds, il est important de rappeler que l'étude de la firme SECOR, que je viens de citer, démontre que nos deux gouvernements récupèrent les crédits d'impôt offerts aux contribuables dans un délai de moins de cinq ans pour le fédéral, et à peine plus de deux ans pour le provincial. Le crédit d'impôt n'est pas un coût pour les gouvernements, c'est véritablement un investissement.

[Traduction]

Un recouvrement dans un délai de trois à cinq ans, c'est une très bonne affaire.

[Français]

J'aimerais passer quelques minutes sur l'industrie du capital de risque et le rôle du Fonds de solidarité dans cette industrie. J'écoutais plus tôt les interventions de PSP et je ne vous apprendrai rien en affirmant que l'industrie du capital de risque au Canada va plutôt mal, surtout au niveau de la levée de fonds.

Cela vous surprendra peut-être d'apprendre que cette industrie du capital de risque va beaucoup mieux au Québec, et nous allons voir pourquoi.

[Traduction]

À la page 11, vous voyez ce qui est arrivé en Ontario depuis que le crédit d'impôt pour les fonds de travailleurs a été éliminé. Comme vous pouvez le voir, les fonds sous gestion ont décliné depuis. De fait, le Québec a maintenant le même montant de fonds sous gestion que l'Ontario, dont le PIB est deux fois plus élevé, comme vous le savez.

Selon nous, les faits contredisent clairement la théorie de l'éviction. Je vous demande donc : où sont les dollars qui devaient affluer après la disparition des fonds de placement des travailleurs? Ils ne se sont jamais matérialisés. Le gouvernement de l'Ontario a dû investir des millions de dollars pour appuyer l'industrie, 350 millions pour être précis, depuis cinq ans. Pour un même investissement dans des crédits d'impôt, l'Ontario aurait pu mobiliser plus de 2,3 milliards de dollars, en fonction d'un crédit d'impôt de 15 p. 100.

[Français]

Je vous disais plus tôt que le problème des levées de fonds est moins grave au Québec que partout ailleurs au Canada. Pourquoi? Tout simplement parce qu'au Québec nous avons mis à contribution les fonds de travailleurs avec leur formidable capacité à lever des fonds, et nous avons mis cette contribution au service de l'industrie du capital de risque en investissant directement dans des fonds privés du Québec.

Vous voyez, à la page 12, que le Fonds de solidarité a investi près d'un milliard de dollars dans 42 fonds privés établis au Québec. De ces 42 fonds, 16 sont des fonds étrangers qui sont venus au Québec, pour investir au Québec et soutenir le développement des entreprises québécoises.

Je vous amène maintenant à la page 13. Il y a beaucoup de chiffres là-dessus, mais j'aimerais attirer votre attention sur la dernière ligne en bas. Ce que vous voyez là, c'est que l'initiative du Fonds de solidarité FTQ d'attirer des fonds étrangers a coûté aux deux ordres de gouvernement, pour l'instant, 39 millions de dollars en crédits d'impôt. Mais cela a permis des investissements totaux de différentes sources de 336 millions de dollars. Donc, dit autrement, chaque dollar public a généré un investissement de 8 $.

[Traduction]

La page 14, comme vous pouvez le voir, se fonde sur une étude de l'OCDE intitulée Entrepreneurship at a Glance, datée de juin 2011. Dans ce graphique, le Québec arrive au troisième rang, juste derrière Israël et les États-Unis, pour ce qui est du capital de risque exprimé en pourcentage du PIB. Malheureusement, l'Ontario vient loin derrière. Ces chiffres montrent clairement le succès du Québec dans le domaine du capital de risque et les avantages de la participation des syndicats et de leur financement dans l'industrie.

[Français]

Avant de conclure, je voudrais mentionner que toutes les provinces qui ont un programme de fonds de travailleurs ont bonifié ce programme en augmentant soit le crédit d'impôt, soit le plafond des cotisations, ou les deux. Par ailleurs, une étude réalisée en Colombie-Britannique démontre que le programme est bénéfique dans cette province. Finalement, le Comité permanent des finances, présidé par James Rajotte, recommandait, en 2009, de porter le crédit d'impôt à 20 p. 100 et de monter le plafond de la cotisation à 20 000 $.

En ce qui concerne le Fonds de solidarité, je pense qu'en 28 ans d'existence, nous avons fait nos preuves au Québec. Nous encourageons près de 600 000 Québécois à épargner pour la retraite; nous offrons aux entreprises québécoises une source stable de capital, un capital qui est patient, différent de bien d'autres sources et qui est complémentaire à celui des banques, parce que nos financements sont subordonnés et sont non garantis; nous soutenons directement l'industrie du capital de risque québécoise de façon active; les gouvernements récupèrent leur investissement effectué sous forme de crédits d'impôt dans un délai que j'estime tout à fait raisonnable.

Le président : Merci, monsieur Bolduc. Je demanderais maintenant à M. Hayes de prendre la parole et nous passerons ensuite à la période de questions.

[Traduction]

Monsieur Hayes, nous vous souhaitons la bienvenue. Merci de vous joindre à nous. J'apprécie que vous soyez venu. Vous pouvez peut-être nous présenter un bref exposé et avoir ensuite la gentillesse de répondre aux questions.

M. Hayes : Je serai bref, sénateur. Je vous remercie et je remercie le comité de me donner cette occasion d'expliquer le rôle des fonds de capital de risque de détail hors du Québec, étant donné que mon ami a fait un tellement bon travail à propos du Québec, et la manière dont ces fonds appuient les entrepreneurs canadiens. De fait, nous sommes ravis d'être ici et d'appuyer le bon travail de votre comité concernant les recommandations sur la politique du gouvernement.

J'aimerais d'abord présenter brièvement GrowthWorks. Nous sommes un chef de file reconnu de l'industrie canadienne du capital de risque. Nous avons une envergure nationale. Nous avons des bureaux partout au pays : Vancouver, Saskatoon, Winnipeg, Toronto, Fredericton et Halifax. Nous avons un bureau affilié à St. John's, à Terre- Neuve-et-Labrador. Nous avons des équipes spécialisées de placement dans les secteurs clés. Nous avons remporté de nombreux prix comme le Deal/Entrepreneur of the year. Nous avons environ 500 millions d'actifs sous gestion. Nous sommes un gestionnaire de capital de risque du quartile supérieur et nous nous concentrons sur les entreprises en démarrage, un groupe qui intéresse tout particulièrement le comité, je crois.

En ce qui concerne notre présence nationale, hors Québec, nous sommes probablement considérés comme le plus actif ou juste derrière la BDC, même si les levées de fonds ont été faibles depuis cinq ou six ans. En moyenne, nous avons investi quelque 70 millions de dollars tous les ans. Nous avons aussi financé environ 165 entreprises au cours des six dernières années.

Vous avez entendu les témoins précédents parler de la crise du capital de risque au Canada. Les placements et les levées de fonds ont fortement diminué, jusqu'à 80 p. 100, depuis la bulle de 1999 et 2000. Nous savons que le marché du capital de risque est stagnant et que le bassin de mobilisation du capital se tarit.

Nous savons aussi que le capital de risque développe de formidables entreprises et industries. Il n'y a pas assez de capital de risque disponible pour les entreprises en démarrage. Franchement, les gouvernements fédéral et provinciaux, ainsi que le secteur privé, investissent tous les ans des sommes gigantesques dans la recherche-développement, de l'ordre de 25 à 30 milliards de dollars par année. S'il n'y a pas de capital du secteur privé pour commercialiser cette R- D, des débouchés colossaux sont perdus dans notre pays.

Des entreprises meurent parce qu'elles ne peuvent pas attirer du capital, soit à l'étape du démarrage, soit à l'étape suivante, et dans certains cas, elles quittent le Canada pour avoir accès au capital.

J'ai ici une citation de Greg Smith, président de l'Association canadienne du capital de risque et d'investissement, qui a déclaré récemment :

La collecte de fonds continue d'être le grand problème auquel se heurte l'industrie du capital de risque. En l'absence d'une industrie nationale pleinement capitalisée, l'avenir de milliers d'entreprises innovatrices qui sont tributaires d'un approvisionnement constant et fiable en capital de risque pour croître et prospérer sera compromis.

Nous savons tous que le capital de risque est une source de création d'emplois de l'avenir, d'innovation, de nouvelles technologies et de croissance économique. Le capital de risque a soutenu un grand nombre des plus importantes entreprises canadiennes publiques et privées spécialisées dans la technologie. Les entreprises appuyées par le capital de risque créent près de 150 000 emplois au Canada, 1,3 p. 100 de tous les emplois du secteur privé et 1 p. 100 du PIB canadien.

Les entreprises dans lesquelles nous investissons ont des taux de croissance sensiblement plus élevés que le taux moyen dans leur secteur, elles ont une forte intensité en R-D et en innovation et très axées sur les exportations.

M. Bolduc a évoqué ce qui est arrivé en Ontario quand ils ont éliminé le crédit d'impôt de détail. Cela montre l'effet de levier que le gouvernement peut ou ne peut pas avoir du côté de l'offre. À mon avis, les données de l'Ontario sont un bon exemple de ce qui peut arriver dans ce genre de situation.

Fait intéressant à souligner, en plus du Québec, le programme de capital de risque de détail a été fortement appuyé dans d'autres provinces. Depuis trois ou quatre ans, des améliorations ont été apportées aux crédits d'impôt pour ces types d'investissements. Il y a eu des hausses en Saskatchewan et en Nouvelle-Écosse, au Nouveau-Brunswick et à Terre-Neuve- et-Labrador. Il y a eu également des hausses de plafonds de cotisations des particuliers qui investissent dans du capital de risque de détail. Ces programmes ont très bien fonctionné ailleurs qu'en Ontario et constituent une importante source de financement dans le reste du Canada.

En ce qui concerne des idées particulières, je sais que quelques témoins ont parlé des crédits d'impôt aux investisseurs, des crédits d'impôt aux entreprises et des moyens d'intéresser les fonds de pension à investir dans ce secteur. L'une des mesures particulières que nous avons recommandées au Comité des finances de la Chambre des communes les années passées était de ramener le crédit d'impôt fédéral au taux original de 20 p. 100 au lieu du taux actuel de 15 p. 100. Nous avons déjà entendu que le comité de la Chambre des communes a fait une recommandation unanime en ce sens en 2009.

Une autre mesure importante consisterait à accroître les montants des crédits d'impôt offerts sur une base annuelle. Lorsque le programme a commencé dans les années 1980, le plafond des cotisations aux REER était d'environ 7 500 $ et le crédit d'impôt pour le capital de risque de détail était de 5 000 $. Le crédit d'impôt pour le capital de risque est toujours de 5 000 $, et le plafond des REER est monté à environ 22 000 $.

Un énorme circuit de distribution de nos fonds a été perdu parce que la plupart des conseillers en placement travaillent surtout par le circuit de l'OCRCVM. Les sociétés de courtage appartenant aux banques ne veulent plus vendre cette catégorie d'actifs. Ils ne sont pas rémunérés. C'est l'un des problèmes. Relever le plafond annuel nous aiderait énormément à mobiliser plus d'argent, ce qui profiterait aux entrepreneurs bénéficiaires.

Vous avez entendu quelques mythes et réalités de la bouche d'autres témoins qui ont comparu devant vous. Je ne les répéterai pas. Je terminerai ici mes remarques et nous pourrons passer aux questions. Merci encore.

Le président : Merci beaucoup, monsieur Hayes. Excellent exposé, par écrit et oral, succinct et droit au but. Nous l'apprécions.

[Français]

Monsieur Bolduc, avez-vous des commentaires à faire sur la présentation de M. Hayes?

M. Bolduc : Non.

Le président : Sinon, nous allons directement à notre liste, et la première à vous questionner sera le sénateur Ringuette.

[Traduction]

Le sénateur Ringuette : J'ai des questions pour M. Bolduc, mais je commencerai avec GrowthWorks.

Essentiellement, votre recommandation au gouvernement fédéral est de porter le taux à 20 p. 100. Comme vous l'avez indiqué sur l'une de vos diapositives, de nombreuses provinces ont adopté un taux de 20 p. 100. Sur votre diapositive numéro 3, je vois les placements effectués de 2004 à 2010. Je suis frappée par le fait qu'en 2010 vos placements sont plus bas, même en dollars réels, qu'en 2004. Expliquez-moi cela. Est-ce dû à un manque de liquidités pour effectuer ces placements ou à un manque de capital de risque attrayant pour faciliter la commercialisation?

M. Hayes : Très simplement, nous ne pouvons placer que le capital que nous mobilisons. Aux beaux jours de cette catégorie d'actifs, hors du Québec, on mobilisait près de 1 milliard de dollars par année. Je pense que, l'an dernier, nous avons probablement mobilisé à l'échelle nationale, pas seulement chez GrowthWorks, mais dans l'ensemble de l'industrie, 100 millions de dollars hors du Québec.

Le sénateur Ringuette : Pourquoi? Est-ce à cause de la crise financière, de l'étranglement du crédit, de la crainte du manque de liquidité dans nos différentes institutions de financement?

M. Hayes : Il y a divers facteurs, parfois complexes. Je pense aux rendements dans l'industrie, aux faibles rendements du capital de risque en général; dans le secteur au détail, certains fonds ont eu des résultats extrêmement mauvais. Cela a créé un problème concernant les avantages de cette catégorie d'actifs.

Certains problèmes structurels touchent au niveau du capital que nous mobilisons qui donne droit à des crédits d'impôt. Le plafond de 5 000 $ a nui énormément du point de vue des ventes et de la commercialisation, selon nous. Comme entreprise, nous sommes restés actifs du côté des placements, très peu de capital entrant dans les fonds. C'est un réel problème, c'est certain.

Le sénateur Ringuette : C'est une supposition, si vous le voulez, mais vous affirmez qu'en 2010, vous avez investi un peu plus de 52 millions de dollars.

M. Hayes : En effet.

Le sénateur Ringuette : Compte tenu du nombre d'entreprises qui ont fait des demandes de financement, pour lesquelles vous avez examiné les portefeuilles et effectué toutes les analyses de risque, si vous aviez eu plus d'argent, si le montant à investir n'avait pas posé problème, combien auriez-vous placé par rapport au nombre d'entreprises qui ont demandé du financement et le montant que vous auriez avancé?

M. Hayes : C'est une bonne question. Je n'ai probablement pas fait ces calculs à l'échelle nationale. Dans la région de l'Atlantique, nous pourrions investir de 15 à 20 millions de dollars par année. Nous avions l'habitude de mobiliser 80 millions de dollars par année en Colombie-Britannique et nous n'avions aucun mal à placer cet argent. En Ontario, dans les beaux jours, nous avons mobilisé jusqu'à 600 millions de dollars en un an, ce qui était probablement davantage que ce que nous pouvions placer. Mon collègue est plus au courant que moi, mais en Ontario, je pense que notre entreprise a probablement placé de 150 à 200 millions de dollars; et nous ne sommes pas seuls dans le secteur.

Le sénateur Ringuette : Vous affirmez que, s'il y avait des programmes d'encouragements qui accroissaient les montants à votre disposition pour des placements, au lieu de 52 millions de dollars pour votre entreprise, on pourrait parler de 1 milliard de dollars?

M. Hayes : Je pense que oui, collectivement pour l'industrie. Je sais par expérience personnelle qu'il y a des occasions d'affaires que nous ne pouvons pas financer pour le moment ou des opérations auxquelles nous n'avons pas pu participer parce que nous n'avons pas le capital nécessaire.

[Français]

Le sénateur Ringuette : Monsieur Bolduc, c'est un plaisir de vous revoir à notre comité. Vous avez indiqué dans votre présentation qu'il y avait 16 fonds étrangers qui contribuaient à l'industrie au Québec. Comment ces fonds étrangers ont-ils été invités à investir au Québec?

M. Bolduc : Au Canada et au Québec en particulier, puisque c'est notre métier d'investir dans cette province, on sait qu'il y a de la science, de la technologie. Il y a beaucoup d'inventivité, énormément d'innovation au Québec, mais souvent le problème est la commercialisation. On regardait ce qui se passait aux États-Unis et on se disait : comment se fait-il que cela marche mieux? C'est qu'ils ont des réseaux, et il y a un réseautage incroyable. C'est difficile pour une province, surtout une province francophone par définition, d'accéder à ces marchés.

Au fil des années nous avons développé des liens avec des fonds majeurs, en Californie, à Boston, à New York, en Caroline; dans les secteurs des sciences de la vie, dans les secteurs de la technologie. Nous avons travaillé étroitement, je ne vous le cacherai pas, avec la Caisse de dépôt. La Caisse de dépôt gère 150 milliards de dollars. Évidemment, c'est un joueur mondial, et tous les grands fonds veulent avoir des investissements qui viennent de la Caisse de dépôt.

La Caisse de dépôt nous a ouvert la porte à bien des niveaux. Nous avions un portefeuille québécois important d'entreprises dans la nouvelle économie, et nous voulions le faire connaître. Au fil des négociations, cela a pris plusieurs années à mettre en place, nous avons aujourd'hui un réseau intéressant de fonds qui sont venus s'installer au Québec ou qui ont ouvert un bureau. Parfois ils ont des investisseurs présents sur place, qui ont eu la chance de connaître nos entreprises.

On a plusieurs histoires de succès où on a gagné en tant que coinvestisseurs; ils nous ont amené des opportunités d'investissements, nous leur en avons amené; et plus souvent qu'autrement, nous avons connu des succès. Quand la bulle a éclaté, en 2002, tout le monde a souffert. C'est une des raisons pour lesquelles, encore aujourd'hui, l'industrie au Canada souffre. On vit encore les conséquences de l'éclatement de la bulle. Nous nous sommes organisés et aujourd'hui notre rendement dans le secteur VC nouvelle économie est passé de moins 15 p. 100 à 5,9 p. 100, malgré tout ce qu'on avait comme passé négatif. Tout cela parce que nous nous sommes mieux organisés, que nous avons amené plus de réseautage. Nous avons aussi appris de meilleures façons de faire. Nous avons beaucoup appris de ces relations. Tout le monde y a gagné.

Gaétan Morin, premier vice-président au développement corporatif et aux investissements, Fonds de solidarité FTQ : Heureusement qu'on l'a fait. Par exemple, dans le secteur des sciences de la vie, les biotechnologies. Actuellement, au Québec et au Canada, le secteur des biotechnologies va très mal. Néanmoins, même si cela va très mal au Québec, nous avons encore des partenaires, parce que nous avons investi nous-mêmes dans des fonds privés, québécois ou canadiens, mais aussi dans des fonds privés américains.

Donc, malgré le fait qu'il n'y a pas suffisamment de capital disponible pour les biotechnologies au Québec, nous avons au moins quelques partenaires avec lesquels nous pouvons nous associer pour investir quand même. Même si nous vivons des années difficiles, nous pouvons nous permettre de faire survivre quelques compagnies. La situation est très difficile en biotechnologie, heureusement nous nous sommes créés un réseau, comme M. Bolduc le disait tantôt, et, contrairement à d'autres régions dans le monde, nous pouvons nous mettre ensemble et au moins donner de l'oxygène à certaines sociétés dans les biotechnologies.

Le sénateur Ringuette : Vous avez mentionné, monsieur Bolduc, l'exemple d'un de ces fonds étrangers qui venait de la Californie. Est-ce que ce sont essentiellement des fonds étrangers qui viennent des États-Unis, ou viennent-ils d'ailleurs, de l'Europe, de l'Asie?

M. Bolduc : Nous en avons de l'Europe aussi. Nous avons fait un investissement dans un fonds israélien également. On sait que l'industrie du capital de risque israélienne est un modèle. C'est pour cela que nous nous sommes rapprochés d'eux. Un de ces fonds a aussi engagé des montants d'argent dans des entreprises au Québec.

C'est un réseau qui se veut international. Nous sommes moins présents en Asie, parce que c'est assez nouveau et c'est une autre expérience, mais l'Europe et l'Amérique du Nord sont la grande portion du marché international du capital de risque.

Le sénateur Ringuette : Comment les PME vous approchent-elles pour avoir du financement? Avez-vous des bureaux régionaux? Y a-t-il une banque de données du gouvernement du Québec qui recense toutes les PME qui ont un besoin de capital de risque, et à travers laquelle vous pouvez faire des contacts? Comment se passe votre processus?

M. Bolduc : Je vais laisser une partie de la réponse à mon collègue, qui est responsable du portefeuille mission et investissement, mais je vais vous répondre en premier.

La manière dont nous sommes structurés compte probablement pour une partie du succès. Dans une des pages de ma présentation, vous avez vu tous les secteurs d'activités dans lesquels nous sommes. Nous sommes présents dans 28 secteurs d'activité économique. Nous avons trois niveaux d'intervention. Au niveau local, nous avons 85 fonds locaux répartis partout à travers le Québec, et nous travaillons étroitement avec les SADC et les CLD. Ce sont des bureaux locaux, autant au niveau fédéral que provincial, qui s'occupent d'activités d'investissements. C'est le gouvernement provincial, d'une part, pour les CLD, et les SADC relèvent du fédéral.

Nous avons 85 fonds locaux, et là on fait des investissements plus « micro ». La taille d'investissement peut être entre 50 000 $ et 100 000 $. C'est la raison pour laquelle notre portefeuille est à 83 p. 100 dans des PME de moins de 100 employés, parce que nous soutenons le développement régional. Cinquante-cinq pour cent de notre portefeuille est à l'extérieur de la grande région de Montréal. C'est la première zone d'intervention.

Pour la deuxième, nous avons 16 fonds régionaux dans les 17 régions administratives du Québec. Ce sont réellement nos oreilles et nos yeux en région. Chaque région a des besoins particuliers. Chaque région a des avantages, et on essaie de bien comprendre ces enjeux. La seule façon de le faire c'est d'avoir des racines sur place. C'est un gros avantage, parce que nous couplons cela avec le troisième niveau où, à Montréal, au siège social, nous faisons des investissements de plus de deux millions de dollars. Les fonds régionaux ont la responsabilité d'investir entre 100 000 dollars et deux millions de dollars, à Montréal on traite les investissements de plus de deux millions de dollars.

Comment fait-on cela? Avec des équipes spécialisées. On a une dizaine de « venture capital funds ». À l'interne, nous nous sommes structurés avec des gens qui ont de l'expertise et qui souvent viennent du milieu des affaires. Ils viennent au fonds avec leur expertise et leur connaissance du marché, des joueurs, des enjeux et qui sont capables de poser les bonnes questions. Au fil des ans, il y a une réputation qui s'est bâtie autour de cela.

Je vous donne l'exemple de 7-G Entertainment de Vancouver, qui est venu s'installer à Montréal. À Montréal, il y a une effervescence dans tout ce qu'on appelle « video games ». Ils sont venus cogner à notre porte sur la recommandation d'autres joueurs, des banques ou d'autres joueurs de ce milieu. Pourquoi? Parce qu'on a la réputation de faire passer la transaction avant toute chose, le bien commun des partenaires, c'est que la transaction fonctionne bien, que l'entreprise aille bien et tout le monde en sort gagnant.

La grande particularité du fonds, c'est un capital complémentaire et c'est important de le comprendre. Je crois en un écosystème financier où il y a une diversité de type de capital. Un capital qui vient d'un VC, c'est un capital plus pressé. Au bout de 10 ans, l'argent doit être retourné aux commanditaires. Dix ans, c'est court. Vous avez trois ou quatre ans pour investir, trois ou quatre ans pour le faire fructifier et ensuite, deux ans pour retourner l'argent. C'est plus pressé.

Le Fonds de solidarité possède un capital patient. Je ne dis pas qu'il est meilleur, je dis qu'il est complémentaire. Si on veut développer ou implanter une industrie, vous ne faites pas ça dans six mois. Il faut des années de soutien de l'industrie.

Nous avons ce luxe d'avoir un capital patient qui vient complémenter celui d'un VC, celui d'une banque qui est garanti, qui passe en priorité. Nous sommes subordonnés et non garantis. Nous ne nous plaignons pas, c'est notre mission, c'est pourquoi il y a un crédit d'impôt. Le modèle est de dire qu'il y a un crédit d'impôt accordé à vos actionnaires, pourquoi? Parce que le fonds prend plus de risques, concentration géographique, concentration dans une classe d'actifs de « private equity », PME au Québec. Soixante pour cent de nos actifs sont dans cela. Vous avez vu PSP mettre 5 p. 100 des actifs dans cette classe d'actifs et ils le font partout dans le monde. C'est un gros avantage d'avoir une complémentarité dans un écosystème financier.

M. Morin : Je pourrais compléter avec un exemple. C'est assez complet comme réponse. J'aimerais illustrer cela d'un exemple.

Lundi, j'étais à Chibougamau, au Nord du Québec, dans une région minière et forestière. On parle de spécialisation. La personne qui investit dans le secteur forestier chez nous investit dans le secteur forestier. Elle a développé une expertise. C'est la même chose dans l'aérospatial et dans la biotechnologie.

Malgré que l'on sache que le secteur forestier a été extrêmement difficile, spécialement dans l'est du pays, au cours des dernières années, on a investi 125 millions dans ce secteur avec une stratégie, en allant chercher les meilleurs joueurs. Nos gens connaissent les meilleurs joueurs et ils ont une stratégie par rapport à eux. Ils vont dans toutes les régions du Québec pour avoir le meilleur joueur, le consolidateur, la meilleure entreprise pour faire de la valeur ajoutée. L'entreprise visitée lundi est une entreprise qui, avec des produits à valeur ajoutée, vend quatre fois le prix d'un deux par quatre. Au Québec, on se dit qu'il faut arrêter de les exporter aux États-Unis. Il faut exporter des produits à valeur ajoutée. Cette entreprise le fait. On tisse des liens avec les entrepreneurs, les meilleurs, on n'attend pas qu'ils nous appellent, on les appelle, on leur dit que nous avons du capital, quelle est notre stratégie, qui sont nos partenaires, s'ils ont besoin d'équipement. Nous connaissons une entreprise, Compaq, à Sainte-Clotilde de Beauce qui va vous livrer de l'équipement. C'est un réseau. Cette connaissance fine de nos secteurs nous permet d'avoir les rendements qu'on peut afficher.

[Traduction]

Le sénateur Greene : J'aimerais revenir sur la question du crédit d'impôt pour les fonds de travailleurs. Vous avez fait un excellent travail pour démolir les arguments de M. Cummings, mais j'aimerais revenir sur cet aspect.

Sur la diapositive numéro 11 de votre exposé, vous montrez la croissance au Québec et le déclin en Ontario, par rapport à 2005, lorsque le crédit a commencé à être supprimé en Ontario. Je conviens qu'il y a un lien, mais est-ce que d'autres facteurs expliquent la hausse au Québec durant cette période et le déclin en Ontario? Ce n'est pas qu'une question de crédit d'impôt, n'est-ce pas?

M. Bolduc : Vous avez probablement raison, mais c'est le principal facteur. C'est la seule explication que je peux logiquement fournir. La théorie de l'éviction est que si l'on élimine les fonds de travailleurs, les capitaux privés vont les remplacer. La seule autre explication que je peux ajouter est que c'était aussi une question de mauvais synchronisme. Franchement, 2008 et 2009 n'ont pas été de très bonnes années pour les placements. Pour être très direct et franc, conjugué au Programme des fonds d'investissement des travailleurs de l'Ontario, ce pourrait être une explication. J'essaie de défendre M. Cummings. C'est probablement un facteur qui explique pourquoi il y a eu moins d'argent dans la province une fois que le programme ontarien a pris fin. Nous n'avons pas constaté cette baisse de l'investissement au Québec durant cette période.

Pour revenir à l'écosystème, il arrive parfois qu'une partie du système de financement ne fonctionne pas, mais quand il y a des sources variées de capital, une autre partie peut être accessible. C'était le cas en 2008 et en 2009. Nous avons placé plus de 1 milliard de dollars. Des gens de l'industrie venaient me voir et me disaient que j'étais fou, que j'allais perdre cet argent. Je répondais que nous existions pour eux. Nous avons un crédit d'impôt et nous devons être présents quand la situation se corse et nous étions présents. Nous avons engagé 1,2 milliard de dollars.

Le sénateur Greene : De quoi aurait l'air le marché si nous supprimions tout cela au Canada?

M. Bolduc : On perdrait probablement une source différente de capital. Prenons l'exemple du Québec. L'actionnaire typique est un travailleur de la classe moyenne. Il a accès au crédit d'impôt et effectue habituellement un investissement d'environ 2 300 $ par année. Il reçoit un crédit d'impôt de 30 p. 100 et en est heureux, parce que cela lui donne des liquidités qu'il n'aurait pas autrement. Ces 2 300 $ n'iraient normalement pas à des projets ou des PME. On ne pourrait même pas rêver d'obtenir ces sommes dans la nouvelle économie, où les risques sont énormes. Nous avons essentiellement mutualisé le risque. Ces gens sont prêts à prendre le risque, premièrement parce qu'il y a un crédit d'impôt, mais aussi, deuxièmement, parce que nous avons l'expérience nécessaire pour investir cet argent de manière lucrative. Ils ont confiance que nous pouvons placer correctement cet argent au Québec.

Cet argent ne serait pas disponible autrement. L'an dernier 700 millions de dollars ont été investis. Nous avons pu conclure 161 opérations parce que nous avions accès à ce capital qui ne serait pas disponible autrement. Cet argent serait probablement dépensé sur une motoneige, ce qui n'est pas mauvais, mais certainement pas aussi bien pour le développement de l'économie.

Le sénateur Greene : Israël a les taux d'investissement les plus élevés par habitant. Y a-t-il des fonds semblables là- bas?

M. Bolduc : Non. C'est purement de l'argent de l'État, mais ils ont un énorme avantage : New York. Ils peuvent amener leurs entreprises aux États-Unis.

Le sénateur Greene : Vous considérez Israël comme un prolongement du marché américain?

M. Bolduc : Absolument.

Le sénateur Hervieux-Payette : Puis-je compléter ce que vous avez déclaré au sujet de l'avantage? Je pense que nous avons réussi une chose, c'est éduquer les Québécois — ou le travailleur moyen, comme vous dites — pour qu'ils investissent.

Le sénateur Greene : C'est une question de culture.

Le sénateur Hervieux-Payette : C'est une question d'éducation. Il y avait les employés et le patron. Le patron faisait de l'argent et exploitait les employés. Maintenant, ils comprennent comment le système fonctionne. Si le patron fait de l'argent, ils en feront eux aussi. Cela a aussi énormément réduit le nombre de jours de grève au Québec. Quand je travaillais au ministère du Travail, c'était probablement le meilleur résultat. Ce n'est pas seulement une question d'argent. C'est que les gens savent maintenant comment l'économie fonctionne partout au Québec, parce qu'ils sont présents dans toutes les régions du Québec. De fait, ils collaborent pleinement et lorsqu'ils vont travailler, ils travaillent pour eux. Je pense que c'est complémentaire.

M. Bolduc : Vous avez tout à fait raison et j'ai les chiffres pour le prouver. Quand la FTQ a été fondée en 1983, le nombre de journées-personnes perdues à cause des conflits de travail, des arrêts de travail et des grèves était de 2,4 millions par année. Cette année, il est de 250 000 jours. C'est un changement énorme. Je ne dis pas que c'est uniquement grâce à la FTQ. J'y suis depuis dix ans et les choses changent. Les gens se font davantage confiance, ils comprennent mieux comment faire de l'argent, combien il est important de réinvestir et d'acheter de nouvelles machines, même si cela coûte des emplois. Cela a une énorme incidence sur l'économie. C'est la même chose du point de vue des propriétaires. Ils comprennent que si l'on fait confiance aux cerveaux — à l'intelligence des travailleurs — très souvent, les travailleurs ont la solution parce qu'ils sont sur le terrain et savent ce qui se passe. Quand on commence à les écouter, soudainement on a une meilleure communication et un meilleur rendement. Nous exerçons une influence sur cela, parce que nous avons un programme. Nous l'appelons la formation économique. Nous formons les employés des entreprises dans lesquelles nous investissons. Quand on le fait pour une entreprise, c'est bien, mais quand on le fait dans des milliers d'entreprises, cela change l'économie.

Le sénateur Greene : Pourquoi pensez-vous que l'Ontario a renoncé à tout cela?

M. Bolduc : Premièrement, quand on investit, on investit pour préparer sa retraite. Il est impossible d'encaisser les actions à moins de prendre sa retraite, de perdre son emploi, de démarrer une entreprise, de retourner aux études ou d'acheter une maison. Normalement, on ne peut pas encaisser les actions avant la retraite.

Ce n'est pas de l'épargne forcée, mais c'est tout proche. Voilà la première différence.

Le sénateur Greene : En Ontario, on peut vendre à tout moment?

M. Bolduc : Je pense qu'il faut attendre six ou sept ans. C'est presque trop facile. Il faut trouver des moyens d'obtenir des liquidités, sinon on ne peut pas effectuer le rachat. Cela exerce des pressions sur ces fonds, que nous ne subissons pas. Nous avons le luxe de pouvoir attendre que les placements rapportent. Nous gardons les bons placements dans le portefeuille pendant 20 ans s'il le faut.

La deuxième raison est qu'au Québec, nous avons pu décider de limiter le nombre de fonds parce que nous avons besoin d'une masse critique. S'il n'y a pas de masse critique, les dépenses liées à la gestion du fonds n'ont pas de sens. S'il y a 50 fonds, cela ne fonctionne pas. La troisième raison, c'est que nous structurons l'accès aux fonds par l'entremise du réseau de la FTQ. La FTQ a commencé avec des entreprises qui étaient syndiquées. Les premiers participants étaient des syndiqués. À l'heure actuelle, sur les 583 000 actionnaires, 55 p. 100 sont syndiqués et 40 p. 100 sont des gens qui n'ont aucun lien avec un syndicat. C'est la clé de la réussite de la FTQ.

[Français]

Le sénateur Ringuette : Je suis du Nouveau-Brunswick, mais j'observe constamment ce qui se passe au Québec, ayant vécu aussi quelque temps au Québec. Il y a un phénomène d'éducation financière, mais il y aussi le fait de dire aux investisseurs du Québec que leurs investissements allaient être investis chez eux.

[Traduction]

M. Bolduc : Nous avons 583 000 actionnaires. Nous leur fournissons un portefeuille personnel et ils ont un rapport tous les ans. Nous personnalisons le rapport et ils savent dans quoi nous avons investi. S'ils sont à Gaspé, nous faisons ressortir dans le rapport quel type de placement, le montant que nous avons investi et dans quelle entreprise nous avons investi dans leur région. Nous le faisons pour tous les actionnaires.

[Français]

Le sénateur Ringuette : Il y a un sentiment d'appartenance.

[Traduction]

M. Bolduc : Nous respectons l'esprit qui a mené à la création de la FTQ.

[Français]

Le président : Quel est le critère exactement? Investissez-vous dans une compagnie qui, elle-même, investit à l'extérieur du Québec ou qui opère des usines à l'extérieur du Québec? Quel est le critère minimum? Faut-il qu'il y ait une usine ou un établissement au Québec?

M. Bolduc : L'investissement admissible pour la règle qui établit une proportion de 60 p. 100, c'est assez complexe. L'idée est d'investir dans une PME établie au Québec et dont le siège social est au Québec. Toutefois, on peut investir aussi dans des entreprises hors Québec si elles s'engagent à faire des activités au Québec ou s'il y a des retombées économiques pour le Québec.

Je vais vous donner un exemple. J'effectue moi-même des tournées partout au Québec parce que ça fait partie de mes fonctions. En 2009, — je vais toujours m'en souvenir — lors d'une de mes tournées, un travailleur que je ne connais pas vient me voir et me donne la main très chaleureusement en me remerciant. Je me demandais vraiment pourquoi. Il m'a alors dit que, depuis plusieurs années, il investissait l'équivalent de la valeur d'une caisse de bière dans le Fonds de solidarité.

Quand la fermeture de l'usine de Thurso a eu lieu, il a perdu son emploi. Mais comme il a pu racheter les actions du fonds, il m'a dit que ça lui avait permis de passer à travers cette période difficile avec plus de dignité.

L'usine a ensuite été relancée parce qu'une compagnie de Vancouver, Fortress Paper, s'est intéressée à l'usine et a décidé de la relancer. Ils se sont assis avec nous, ont regardé ça puis, avec des investissements de plusieurs millions de dollars, l'usine a été relancée. Le monsieur en question a donc retrouvé son emploi et continue à contribuer au Fonds de solidarité en vue de sa retraite.

On parle, là, d'une compagnie de l'extérieur du Québec qui a investi au Québec. En ce moment, nous sommes en train de relancer une autre usine de pâtes et papier dans une autre région du Québec, avec la même compagnie. C'est une synergie très difficile à quantifier de savoir si le crédit d'impôt est bon ou non.

Également, ce que je vous ai dit concernant la dignité de l'individu, c'est aussi de l'intangible. Comme femmes et hommes d'État, je pense que vous devez aussi prendre cela en considération.

Le président : Si j'ai bien compris, vous avez dit que le siège social doit être au Québec. Si le siège social est à Gatineau mais que l'usine est située à Ottawa, est-ce que cela fonctionne?

M. Bolduc : Oui, on peut investir.

Le président : Parce que les travailleurs traversent la rivière.

M. Bolduc : Le Québec, c'est quand même un petit marché. C'est certain qu'on encourage nos entreprises à développer des marchés à l'extérieur puis on va financer des projets d'expansion et des projets d'acquisition.

Même que des fois, on se fait critiquer dans les journaux, publiquement. Les gens s'écrient : « Ah, crédits d'impôt, regardez, c'est pour ouvrir une usine aux États-Unis! » Bien, oui, mais si on ne fait pas cela, on n'en aura pas d'autres Bombardier ou Cirque du Soleil au Québec.

[Traduction]

Nous avons pu appuyer ces entreprises et nous continuerons de le faire malgré les critiques que nous recevrons.

Le président : Ne vous souciez pas de ce qu'ils diront à votre sujet.

Le sénateur Moore : Nous avons entendu des critiques des témoins précédents concernant les fonds des travailleurs, que le ratio des dépenses administratives est élevé et qu'il y a des problèmes parce que ces fonds mobilisent souvent trop d'argent au mauvais moment. Monsieur Bolduc, vous avez déclaré que votre ratio de dépenses est de 1,5 p. 100.

Monsieur Hayes, quel est le ratio de dépenses de votre entreprise?

M. Hayes : Chaque fonds a un ratio de dépenses différent, selon sa taille. Nous aimerions bien avoir des actifs sous gestion semblables à ceux de M. Bolduc, afin d'abaisser notre RFG. Nos ratios varient de 4 à 5 p. 100, selon le fonds, à mesure que les fonds grandissent, ces ratios diminuent.

M. Bolduc : Les fonds communs de placement ont une moyenne de 4 à 5 p. 100. Nous sommes très bas. Nous avons le ratio le plus bas.

Le sénateur Moore : Que pensez-vous de la critique que des montants trop élevés sont mobilisés au mauvais moment? Qu'est-ce que cela veut dire?

M. Bolduc : Si vous posez la question aux entreprises et aux entrepreneurs qui exploitent de nouvelles entreprises et qui essaient de lancer une entreprise ou de prendre de l'expansion, elles ne vous diront pas qu'il y a trop d'argent disponible, je pense.

Pour revenir à l'analogie de l'écosystème financier, je pense que ce n'est pas une question de quantité d'argent qui devient disponible, mais de type d'argent qui devient disponible.

Le sénateur Moore : Qu'entendez-vous par « type »?

M. Bolduc : Notre capital, par exemple, est patient, parce que nous finançons de nouveaux projets et nous n'avons pas de rendement sur l'argent tant que les participants ne prennent pas leur retraite, ce qui veut dire parfois 20 ou 30 ans plus tard. Nous pouvons parfois réinvestir. Le crédit d'impôt est très efficace parce que nous investissons deux ou trois fois le même montant dans des entreprises différentes avec le même crédit d'impôt; tandis qu'en Ontario, par exemple, après huit ans, il faudrait payer un autre crédit d'impôt pour faire revenir le même montant dans le système. Ce type d'argent est très patient. Pour une entreprise ou un entrepreneur, c'est rassurant.

Avons-nous trop d'argent? Pas du tout. Nous avons pu investir, et notre filière de nouveaux projets est très solide. La demande existe, et nous pouvons nous permettre d'être sélectifs et nous devons l'être. D'un côté, nous devons appuyer le développement, la création d'emplois, et cetera, mais de l'autre, nous devons aussi être responsables envers nos actionnaires et leur procurer un rendement raisonnable, compte tenu du risque qu'ils prennent et du fait qu'ils obtiennent un crédit d'impôt pour ce type de risque.

M. Hayes : Cette remarque découle d'une situation qui ne s'est produite qu'en Ontario, et seulement un an ou deux, au milieu des années 1990. Quand les sociétés de capital de risque mobilisent de fortes sommes, le gouvernement de l'Ontario leur impose un rythme trop énergique.

Le sénateur Moore : Comment cela?

M. Hayes : Elles doivent investir l'argent et se retirer dans un certain délai. Par conséquent, ces fonds ont été vendus pendant quelques années, afin de réduire le niveau de capital.

Mais c'est un mythe actuellement. Ce n'est pas la réalité. La demande dépasse largement l'offre. Ce qui est frustrant pour certains d'entre nous, c'est que tout cela touche uniquement Ontario. De fait, le programme fonctionne très bien dans le reste du Canada, en général. C'est ce qu'il faut reconnaître et ce dont il faut se souvenir. Certains des mythes qui ont été répandus se fondent sur des renseignements erronés, des hypothèses erronées. C'est un programme qui fonctionne bien dans la plupart des autres provinces.

Le sénateur Moore : Les témoins précédents, d'Investissements PSP, ont déclaré que sur dix entreprises, quatre échouent, trois s'en tirent mais ont habituellement besoin de capital supplémentaire, et que trois réussissent très bien. Est- ce votre expérience avec vos deux fonds?

M. Bolduc : Dans le capital de risque, c'est le cas.

M. Hayes : C'est le cas. Mais on peut faire des coups de circuit. Les deux meilleures opérations au Canada depuis 10 ans ont été réalisées au Nouveau-Brunswick cette année — Q1 Labs et Radian6 — et les rendements ont été énormes sur ces opérations. Il suffit de quelques coups de circuit pour compenser un grand nombre de blessés et des entreprises qui émigrent au sud.

M. Bolduc : C'est la nature des affaires partout dans le monde. Ces ratios sont véridiques. C'est pour cela que c'est une entreprise très risquée.

Le sénateur Harb : Le président et d'autres ont demandé comment accroître les fonds disponibles. Une suggestion consistait à rétablir le crédit d'impôt de 20 p. 100 afin de s'aligner sur les divers crédits des provinces. Y a-t-il d'autres idées à part le crédit d'impôt? Avez-vous d'autres suggestions sur ce que notre comité pourrait recommander au gouvernement?

M. Bolduc : J'ai pris connaissance d'un rapport appelé le rapport Jenkins. Il contient quelques recommandations qui devraient être appuyées, à notre avis. Nous croyons dans ces recommandations, parce que c'est ce que nous faisons actuellement. Il y a un crédit d'impôt pour la recherche et le développement, et nous devons pouvoir appuyer la fabrication au Canada.

Je ne connais pas le taux dans le reste du Canada, mais au Québec, il est de 15 p. 100. On voit aux États-Unis l'importance de la fabrication. Le crédit d'impôt pour stimuler l'innovation industrielle, les améliorations internes, une plus grande efficience et une plus grande productivité sont essentiels.

Le sénateur Moore : Dans l'usine existante?

M. Bolduc : Oui. C'est la clé. C'est certain. Je disais que je me suis déplacé partout au Québec, et la première préoccupation de la plupart des propriétaires d'entreprises, c'est comment remplir les postes spécialisés. En même temps, il y a des chômeurs. Il serait très important de recycler ces chômeurs. La mobilité et la formation sont essentielles.

M. Hayes a fait allusion à la commercialisation. Il faut pouvoir prendre un nouveau produit, parfois un produit formidable, et pouvoir le vendre et trouver un soutien. EDC fait un excellent travail. Trouver des façons d'aider leurs entreprises à vendre leurs produits dans le monde entier est crucial. Comment faire? Nous avons un produit financier qui aide les entreprises et, si elles réussissent, nous obtenons un dividende. Sinon, nous tentons de les aider et nous obtenons un rendement minimal. Si c'est une réussite, tout le monde y gagne. Nous devons les aider à trouver des réseaux et des moyens de vendre leurs produits.

Enfin, il faut appuyer une culture entrepreneuriale et développer les entrepreneurs au Canada et au Québec. C'est très important. Trop souvent, nos diplômés vont travailler dans de grandes sociétés. Il faut aider les jeunes à rester ambitieux et désireux de réussir. Comment? Il y a de nombreuses façons, mais il est certainement essentiel d'appuyer la culture entrepreneuriale.

M. Hayes : En outre, quand on regarde le modèle américain, qui est considéré comme assez efficace, on constate que le rôle joué par les universités dans l'industrie du capital de risque est crucial. Nous avons de merveilleuses universités au Canada. Nous pensons que certaines sont meilleures que d'autres, mais je ne m'aventurerai pas sur ce terrain. Je pense que c'est un aspect sur lequel nous devons insister davantage, afin de sortir la R-D des universités et de la commercialiser, et d'utiliser plus efficacement les universités dans cette optique.

Pour ceux d'entre vous qui viennent de la région de l'Atlantique, il y a Memorial, l'UNB, Dalhousie et St. Mary's. Ce sont toutes de bonnes écoles. Dans ces deux entreprises du Nouveau-Brunswick, qui ont créé 1 milliard de dollars de richesse pour les actionnaires, des fondateurs venaient de l'UNB. C'est incroyable.

Le président : Monsieur Bolduc, supposons que vous auriez devant vous quelqu'un qui a un produit formidable, mais qui s'y prendrait très mal pour le commercialiser.

[Français]

Cette personne a besoin d'entraînement. Pouvez-vous investir, sachant que les fonds que vous versez seront utilisés pour améliorer sa mise en marché ou faudra-t-il investir dans la machinerie, dans les actions de la compagnie?

[Traduction]

M. Bolduc : Cette personne est sur le terrain tous les jours.

[Français]

M. Morin : Je reviens un peu sur la proactivité. Quand on investit dans une entreprise, on s'assure nous-mêmes d'être présents sur le conseil d'administration de la société. S'il n'y a pas de conseil d'administration, on n'investit pas, c'est une condition. Il faut qu'à l'origine de l'investissement, il y ait la création d'un conseil d'administration de façon à ce qu'on puisse avoir des expertises différentes autour de l'entrepreneur.

Le président : Même la personne à qui vous prêtez 50 000 $?

M. Morin : Peut-être pas pour 50 000 $, mais je dirais que pour les investissements de 2 millions de dollars et plus, on l'exige. Et si on voit qu'il y a des lacunes au niveau de la commercialisation, on va s'asseoir avec l'entrepreneur et lui expliquer qu'on a, dans notre réseau — parce qu'on a une banque d'administrateurs, qui est classée selon l'expertise —, une personne qui a commercialisé des produits dans le passé, et qu'on pense que cette personne devrait être son représentant sur son conseil d'administration. L'idée est donc de donner le levier aux entrepreneurs pour leur permettre d'exporter à l'extérieur du pays, par exemple.

M. Bolduc : On n'est pas là pour leur faire la morale. Ce sont eux qui prennent les risques. On cherche des gestionnaires mais parfois il faut combler certaines lacunes. C'est une des contributions qu'on apporte, en plus de l'argent, évidemment.

Le président : On a déjà eu des témoins qui nous ont dit à quel point il était important de faire du réseautage sur le plan de la mise en marché.

M. Morin : Comme on le disait plus tôt, sur 10 dossiers, on va en perdre deux ou trois. Je dirais que sur 75 p. 100 des dossiers, peu importe les secteurs — nouvelle économie, secteurs traditionnels —, les dossiers qu'on perd, ce sont les dossiers où la commercialisation n'a pas été bien planifiée.

Le sénateur Hervieux-Payette : C'est un sujet que j'ai souvent abordé. Il arrive qu'on ait des entreprises dont le chiffre d'affaires atteint 20 million de dollars, et qu'il faille ensuite injecter d'autres sommes, surtout au niveau de la commercialisation parce que certains produits dispendieux vendus au Canada devraient l'être à une plus grande échelle. Est-ce une des choses que vous constatez?

Dans ce cas, je pense que vous aviez injecté quelques millions, et finalement, c'est un Américain qui a acheté la compagnie. Mais il ne remet rien à la société canadienne, pas plus les crédits d'impôt ni ce que vous avez investi. Il se sauve avec la compagnie alors que vous y avez déjà investi 20 millions de dollars.

Donc si c'est bon pour un Américain, pourquoi ce ne le serait pas pour nous?

M. Bolduc : Vous avez raison. C'est une des raisons pour laquelle on a structuré l'industrie du capital de risque en disant que pour avoir une industrie forte au Québec, on va aider à financer des fonds, on va attirer des fonds étrangers. On était souvent les seuls à avoir les moyens financiers pour le faire. On a investi 20 millions de dollars, est-ce qu'on devra remettre 20 millions supplémentaires sans savoir où on s'en va? Il fallait trouver un autre investisseur avec le portefeuille bien garni, croyant au projet, et à ce moment, il partagerait les risques avec nous. Et c'est ce que nous avons réussi à faire.

Donc au lieu de faire une acquisition et être obligé de liquider parce qu'on n'a plus le choix, on s'est dit qu'on gagnerait du temps en trouvant d'autres fonds américains qui pourraient investir les 20 ou 30 millions de dollars dont nous avons besoin pour aider cette entreprise. Nous on reste là. On peut en rajouter un peu, mais on vient de partager le risque, ce qui ça rend notre investissement beaucoup plus raisonnable.

Je ne peux pas vous cacher qu'on a toute sorte de processus pour calculer nos risques, nos enveloppes de types de risques. Quand on dépasse un certain niveau de types de risques, on arrête, sinon ce serait désastreux. On jongle avec tous ces éléments et on essaie de faire du mieux qu'on peut.

C'est une excellente question et effectivement, c'était un problème qu'on a voulu contourner. Ce qu'on a vu venir, aussi, c'est qu'après la bulle financière, pour le capital de risque et la collecte de fonds, ce serait le désert pour les 10 prochaines années. C'est ce qui se passe. Et on s'est demandé ce qu'on faisait au Québec pour éviter cela. Les fonds de solidarité et les fonds de travailleurs sont des machines extraordinaires pour collecter les fonds.

Je me suis assis avec les principaux joueurs du capital de risque au Québec, on a dit qu'on va engager des sommes d'argent, on va s'engager à soutenir l'industrie afin de pouvoir démontrer qu'on a souffert, mais qu'il y a le talent, les habilités. On va donc soutenir l'industrie et on va vous donner la chance de prouver que vous être une industrie autonome. On a investi un milliard de dollars pour ça, et on verra les résultats. Mais je suis confiant que cela fonctionnera.

Le président : On a eu un dialogue fructueux et intéressant. Au nom de tous les membres du comité, merci, monsieur Morin, merci, monsieur Bolduc.

[Traduction]

Monsieur Hayes, la soirée a été très utile, et j'apprécie votre franchise et le fait que vous vous en êtes tenu à notre mandat. Je pense que vous nous avez aidés énormément.

(La séance est levée.)


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