Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Banques et du commerce
Fascicule 8 - Témoignages du 14 décembre 2011
OTTAWA, le mercredi 14 décembre 2011
Le Comité sénatorial permanent des banques et du commerce se réunit aujourd'hui, à 16 h 30 pour étudier le projet de loi S-5, Loi modifiant la législation régissant les institutions financières et comportant des mesures connexes et corrélatives.
Le sénateur Michael A. Meighen (président) occupe le fauteuil.
[Français]
Le président : Je vous souhaite la bienvenue à notre séance du Comité sénatorial permanent des banques et du commerce portant sur la situation du régime financier canadien et international.
Je m'appelle Michael Meighen, je suis un sénateur de l'Ontario et j'ai l'honneur de présider ce comité.
[Traduction]
Aujourd'hui, nous entendrons des représentants de l'Association des banquiers canadiens et de l'Association canadienne des paiements. De l'Association des banquiers canadiens, nous accueillons M. Terry Campbell, président, et Mme Marina Mandal, conseillère juridique principale. Bienvenue.
[Français]
Pour ce qui est de l'Association canadienne des paiements, nous recevons M. Guy Legault, président et chef de la direction et Mme Penny-Lynn McPherson, vice-présidente, avocate-conseil et secrétaire générale. Nous vous souhaitons également la bienvenue.
Terry Campbell, président, Association des banquiers canadiens : Merci, monsieur le président.
Nous sommes heureux de fournir les commentaires du secteur bancaire au sujet de la Loi sur la révision du système financier, de 2012. Comme nous croyons fermement à l'importance d'une révision périodique du cadre législatif et réglementaire, nous avons été heureux de constater que le projet de loi propose le maintien de la disposition de réexamen quinquennal de la législation en matière de services financiers.
[Traduction]
J'aimerais commencer par vous exposer quelques points au sujet du secteur bancaire au Canada, plus particulièrement dans le contexte de l'incertitude économique mondiale actuelle. Comme nous l'avons tous récemment appris de la crise financière mondiale d'il y a trois ans, le Canada n'est pas immunisé contre les répercussions des problèmes générés ailleurs. Toutefois, il importe de garder à l'esprit que durant cette crise, contrairement à ce qui s'est produit dans de nombreux autres pays, les banques canadiennes n'ont pas eu à recourir aux deniers publics pour ne pas couler et aucune banque canadienne n'a fait faillite. En fait, durant la crise financière mondiale, nos banques ont continué de prêter aux consommateurs et aux entreprises, alors que beaucoup d'autres prêteurs s'étaient complètement retirés du marché.
Aujourd'hui, tout comme c'était le cas il y a trois ans, nos banques demeurent des sociétés bien gérées et bien capitalisées, qui font affaires dans un marché concurrentiel et bien supervisé. Nos banques continuent de participer à la croissance et à la relance économique du Canada. Un système bancaire solide et vigoureux est une composante essentielle de l'économie canadienne. Il s'agit d'un élément fondamental permettant aux particuliers d'acheter une maison et de se constituer une épargne-retraite, aux PME de croître et de prospérer et à l'État de promouvoir sa renommée internationale.
Avant d'aborder l'examen, je vais vous donner quelques données pour illustrer l'apport de nos banques à l'économie du Canada. En 2010, par exemple, les six plus grandes banques du Canada ont versé 8,3 milliards de dollars en impôt à tous les ordres de gouvernement au pays. De plus, les banques canadiennes ont versé des dividendes de l'ordre de 10,3 milliards de dollars à des millions de Canadiens, notamment par l'intermédiaire de régimes et de fonds de retraite, et parfois même directement aux retraités. Le secteur bancaire contribue à la croissance du Canada en générant 55 milliards de dollars, soit 3,4 p. 100 du PIB canadien. Le tout a été rendu possible, parce que nos banques sont demeurées rentables.
L'automne dernier, c'est sur une toile de fond de crise financière mondiale que le ministre des Finances a introduit l'examen de la Loi sur les banques, précisant qu'étant donné le très large volume de nouvelles règles internationales engendrées par cette crise, l'examen de 2012 devra mettre l'accent sur la mise au point final des cadres réglementaire et législatif du Canada. Nous sommes d'accord avec cette approche, d'autant plus que la mise en oeuvre des nombreuses nouvelles règles est toujours en cours. La poussière n'est pas encore retombée.
Le projet de loi contient deux aspects spécifiques que je désire commenter. Le premier concerne l'agrément ministériel des acquisitions étrangères; les médias en ont parlé. Comme l'a souligné le ministre lors de l'annonce du projet de loi, les banques canadiennes sont les plus solides et les plus vigoureuses au monde. Elles ont toujours géré le risque avec prudence, y compris dans leurs acquisitions étrangères. Même si depuis 2001 le pouvoir d'autoriser les acquisitions étrangères appartient au BSIF, le gouvernement a précisé qu'une telle décision devrait être du ressort du ministre des Finances et servir d'outil additionnel à sa disposition, comme c'était le cas avant 2001. Nous attendons de plus amples explications sur le fonctionnement de cette disposition, car certains éléments pourraient causer des problèmes opérationnels, notamment la période de 12 mois relativement à l'agrément. Nous comprenons l'objectif du gouvernement, et notre objectif est de rendre le tout le plus fonctionnel possible.
Le second aspect concerne le régime de sûretés de la Loi sur les banques. Des modifications à la Loi sur les banques ont été proposées en vue de préciser ces éléments dans la loi. Ces sûretés représentent depuis longtemps une composante essentielle du régime réglementaire des banques et ont joué un rôle important dans la capacité des banques de soutenir l'économie canadienne dans leur rôle de prêteur, surtout dans les domaines de l'agriculture et de la foresterie. Il est primordial pour notre économie que les prêteurs exercent leurs activités au sein d'un cadre législatif clair, transparent et précis. Malheureusement, des ambiguïtés persistent en ce qui concerne les dispositions de la Loi sur les banques visant les sûretés, parce que de récentes affaires devant les tribunaux ont brouillé les cartes. Dans un jugement rendu en 2010, la Cour suprême du Canada a déclaré que le Parlement devrait peut-être préciser ces dispositions. Nous sommes heureux de constater que le ministère des Finances propose d'apporter des clarifications à cet égard.
En examinant le projet de loi et le secteur financier au sens large, nous constatons que le gouvernement devrait adopter des politiques plus élargies et suivre des orientations moins restreintes pour garantir le maintien de la force et de la résilience du système de services financiers au Canada. En premier lieu, on retrouve l'importance d'un solide cadre national de politiques et de règlements — une politique nationale visant les systèmes financier et bancaire au Canada. C'est l'une des nombreuses raisons pour lesquelles nous appuyons publiquement l'initiative gouvernementale en ce qui a trait à la création d'un organisme national de réglementation des valeurs mobilières. Nous attendons impatiemment le jugement de la Cour suprême concernant le projet de loi sur les valeurs mobilières que le gouvernement lui a soumis.
Ensuite, même si nous sommes tout à fait d'accord, et j'en parle tout le temps, quant au rôle d'un système de supervision solide dans l'excellent classement du Canada sur la scène internationale, les décideurs et les organismes de réglementation doivent garder à l'esprit que les exigences imposées aux banques canadiennes représentent le plus important exercice de mise en oeuvre réglementaire de leur histoire. Cet exercice use entièrement leurs ressources humaines et techniques non seulement pour une durée limitée, mais aussi de manière continue. Il s'agit d'un vrai défi pour notre système bancaire, plus particulièrement pour les petits établissements. Nous devons veiller à ce que le volume et la complexité des nouvelles règles n'entraînent pas, en soi, de nouveaux risques réglementaires.
Finalement, il y a la littératie financière, plus particulièrement les recommandations du Groupe de travail sur la littératie financière et la réponse du gouvernement à ce sujet. L'ABC et ses banques membres appuient activement les programmes de littératie financière et tiennent à ce que les Canadiens aient les connaissances et les capacités de prendre des décisions financières éclairées. Nous nous tenons prêts à collaborer avec la nouvelle personne chargée de la littératie financière. Le gouvernement vient tout juste de déposer un projet de loi à cet égard.
Je tiens à conclure en vous rappelant que nous devons garder à l'esprit qu'une économie solide va de pair avec des banques solides et que la stabilité des banques ne peut être tenue pour acquise. Nous devons tous y travailler au quotidien.
Guy Legault, président et chef de la direction, Association canadienne des paiements : Je voudrais vous remercier d'avoir invité l'Association canadienne des paiements à contribuer à votre étude sur le projet de loi S-5. Je ferai précéder mes remarques sur cette mesure législative d'un résumé de nos opérations, de nos activités et du mandat que l'ACP détient selon la loi. L'échange fiable, sûr et efficace des paiements est crucial pour l'économie, et l'ACP exploite une infrastructure nationale efficace et essentielle au transfert de centaines de milliards de dollars chaque jour à l'échelle du pays. Ensemble, nous aidons nos établissements financiers membres et nos intervenants clés, notamment les entreprises, le gouvernement et les consommateurs, à élaborer les règles de l'autoroute des paiements. Dans notre économie mondiale et numérique, l'ACP constitue un solide fondement pour appuyer l'innovation et les besoins changeants de tous ceux qui dépendent des paiements.
[Français]
Créée par une loi en 1980, l'ACP compte présentement 136 membres, qui comprennent la Banque du Canada, toutes les banques à charte, les sociétés de fiducie et de prêts, les sociétés coopératives de crédit, les caisses populaires centrales et d'autres. Nous traitons en moyenne 24 millions de dollars de paiements chaque jour, d'une valeur de 170 milliards de dollars, ce qui représente six milliards d'opérations annuelles pour un total de 42,8 milliards de dollars.
Le Parlement nous a confié un mandat très précis : établir et mettre en œuvre des systèmes nationaux de compensation et de règlement; favoriser l'interaction de nos systèmes avec d'autres et favoriser le développement de nouvelles technologies et méthodes de paiements.
Le Parlement nous a aussi donné un mandat d'intérêt public clair : l'ACP doit favoriser l'efficacité, la sécurité et le bien-fondé de ses systèmes, et tenir compte des intérêts des usagers.
L'ACP a participé activement aux consultations du ministère des Finances Canada pour l'examen de la législation financière de 2012. Je devrais préciser que la Loi canadienne sur les paiements, au contraire de la Loi sur les banques, n'a pas de date d'expiration automatique, si bien qu'elle ne fait pas nécessairement partie de l'examen quinquennal du gouvernement. Cela dit, l'examen est une occasion de revoir et de mettre à jour les dispositions de la Loi canadienne sur les paiements, une importante loi fédérale.
[Traduction]
Dès le début, le ministère des Finances a informé l'ACP que l'objet du processus d'examen de la législation financière de 2012, pour ce qui est du système de paiement, se limiterait aux modifications techniques à la loi, étant donné que les piliers financiers fondamentaux du système sont étudiés par le Groupe de travail indépendant chargé de l'examen du système de paiement, créé dans le budget de 2010.
Pour ce qui est du projet de loi S-5, nous sommes heureux d'y constater des modifications d'ordre technique et administratif à la Loi canadienne sur les paiements, qui apportent plus de précisions au sujet de nos membres, surtout avec le nouveau concept de l'adhésion obligatoire des coopératives de crédit fédérales à l'ACP. Toutefois, il subsiste à nos yeux une certaine incertitude juridique concernant la définition proposée dans le projet de loi S-5 en ce qui a trait au système de compensation et de règlement se trouvant dans la Loi sur la compensation et le règlement des paiements. La modification élimine l'exigence selon laquelle au moins un participant à un système doit être une banque. Cette obligation fait place au concept d'administration. Nous ne sommes pas certains de la portée du terme « administration » relativement à un participant, et nous ne savons pas s'il s'agit d'une administration à l'extérieur du Canada ou simplement à l'extérieur d'une province.
Nous sommes très heureux que l'une de nos propositions pour l'article 18 de la Loi canadienne sur les paiements ait été retenue. Plus particulièrement, nous avons demandé que la loi clarifie comment nous pouvons forcer nos membres à se conformer. Le projet de loi S-5 répond à cette préoccupation par l'entremise de modifications qui clarifient que la Cour fédérale a le pouvoir d'ordonner l'exécution des décisions d'un groupe de contrôle et que le président et chef de la direction de l'ACP a le pouvoir de faire exécuter les décisions d'un groupe de contrôle, peu importe si elles ont fait l'objet ou non d'une ordonnance de la Cour fédérale.
L'ACP, par contre, déplore encore que les cadres législatif et réglementaire qui l'encadrent aujourd'hui n'appuient pas suffisamment sa capacité de répondre rapidement aux besoins de ses membres et des utilisateurs dans l'environnement dynamique actuel des paiements.
[Français]
Depuis la création de l'ACP, on a pu assister à une transformation de la façon dont les paiements sont échangés. Aujourd'hui, les paiements électroniques constituent la grande majorité des paiements compensés et réglés par l'ACP. Les paiements électroniques ont aussi fait naître de nouvelles attentes pour les consommateurs et les autres participants au système de paiement.
La réponse aux besoins d'une économie numérique suppose une agilité que le cadre juridique ne permet pas à l'ACP à l'heure actuelle. Les règlements administratifs et les règles de l'ACP doivent suivre le rythme, sans quoi nous pourrions bien être témoins d'une migration continue des paiements en dehors de l'ACP en faveur des régimes privés où la surveillance, tout comme la protection de l'intérêt public, sont limités.
Un des grands points forts de l'ACP est sa capacité d'offrir la finalité et la certitude juridique des paiements qu'elle compense et règle. Elle doit donc avoir la capacité de réagir rapidement et de manière décisive aux changements des besoins des utilisateurs et aux progrès technologiques.
[Traduction]
L'ACP est ravie de la création d'un groupe de travail par le ministre des Finances. L'ACP y participe activement et continue de souligner qu'il faudra assouplir les présentes structures réglementaires et institutionnelles pour ne pas entraver inutilement l'innovation et la concurrence. Nous croyons que les règles du secteur des paiements devraient se fonder sur des principes, tout en mettant légèrement l'accent sur le risque présenté pour le système et ses participants. Selon nous, il est tout aussi important d'appliquer des exigences communes de surveillance dans l'ensemble du secteur des paiements. Compte tenu des événements récents qui ont marqué le secteur financier mondial, il est également impératif de ne pas compromettre la sécurité et le bien-fondé global du système de paiement au Canada, même par la nécessité d'encourager l'innovation dans ce secteur. Il faut aussi maintenir l'équilibre entre ces objectifs souvent divergents.
Enfin, l'ACP est fière de sa participation à cet examen des lois régissant les institutions financières. Nous attendons avec intérêt les recommandations que le Groupe de travail sur l'examen du système de paiement présentera au ministre des Finances. Ces recommandations entraîneront d'autres modifications législatives nécessaires pour positionner le Canada comme chef de file mondial de l'économie numérique.
Le président : Monsieur Legault, vous avez mentionné deux ou trois éléments que vous aimeriez voir, notamment une plus grande flexibilité. Dois-je comprendre de votre dernier paragraphe que vous souhaitez que le groupe de travail aborde cet élément dans son rapport?
M. Legault : Absolument. On nous avait dit au début qu'il s'agirait vraiment d'un examen technique, tout comme l'était le dernier, du point de vue des paiements. Étant donné qu'il existe déjà un groupe de travail qui examine l'ensemble du système de paiement, je crois que ce groupe serait le mieux placé pour se pencher sur d'autres modifications législatives. Voilà pourquoi nous attendons avec intérêt son rapport.
Le président : Savez-vous quand le rapport devrait être prêt?
M. Legault : Il devrait être déposé d'ici la fin de l'année. Nous ne savons pas quand le ministre le rendra public ou passera à l'étape des consultations ou de la rédaction du projet de loi. Cependant, la date butoir pour le groupe de travail est le 31 décembre.
Le président : Monsieur Campbell, à la page 3 de votre exposé, vous parlez des sûretés. Dois-je comprendre que le projet de loi S-5 apporte de telles clarifications? Je cite votre dernière phrase : « Nous sommes heureux de constater que le ministère des Finances propose d'apporter des clarifications à cet égard. »
M. Campbell : C'est exact. Le jugement a brouillé les cartes, et c'était important d'expliquer clairement le fonctionnement de ce régime. Le ministère des Finances a précisé des éléments à cet égard.
Le président : Le projet de loi S-5 l'a fait.
M. Legault : Oui. C'est le projet de loi S-5 qui l'a fait. Je m'excuse; j'aurais dû être plus précis.
Le sénateur Campbell : Je suis membre substitut de ce comité, mais je trouve le domaine fascinant. Si la question que je pose n'est pas pertinente ou n'est pas liée au projet de loi, veuillez me le faire savoir.
J'ai toujours cru qu'un paiement par carte de crédit consistait à glisser sa carte pour que la banque transfère les fonds et que c'était sans heurts. J'ai depuis compris que le processus requiert des intermédiaires. L'ACP est-elle l'un de ses intermédiaires?
M. Legault : Non. Les cartes de crédit ne font pas partie du mandat de notre organisme.
Le sénateur Campbell : J'ai une deuxième question. Quelle est la portée de l'examen du système de paiement? Quelle en est l'étendue?
M. Legault : En gros, il faut revenir au mandat que le ministre des Finances a donné concernant l'examen de l'ensemble du système de paiement, en mettant une attention particulière sur l'innovation et l'efficacité du système actuel, mais aussi sur d'autres enjeux comme la concurrence.
Le sénateur Campbell : Cet examen porte-t-il principalement sur les avancées technologiques et l'évolution du milieu depuis la création de votre organisme?
M. Legault : L'examen aborde évidemment la technologie, mais ce n'est pas le seul aspect étudié. Il met l'accent sur bien d'autres éléments.
Le sénateur Campbell : À l'exception de la portion numérique, y en a-t-il d'autres qui ne semblent pas fonctionner?
M. Legault : Encore une fois, ce sont des aspects dont nous serons prêts à discuter, lorsque nous aurons consulté le rapport du groupe de travail. Selon moi, il serait peut-être prématuré de lancer une discussion sur ce qui ne fonctionne pas ou sur les problèmes, parce qu'une telle discussion pourrait nécessiter plus de temps que nous n'en avons aujourd'hui.
Le président : Sénateur Campbell, je m'en allais vous dire que vous n'abordiez pas le projet de loi S-5
Le sénateur Campbell : C'est un sujet distinct, mais il a été soulevé.
Le sénateur L. Smith : Sénateur Campbell, vous m'avez volé mes questions.
Le paragraphe dit : « L'ACP continue de déplorer les restrictions et les cadres législatif et réglementaire. » J'aimerais savoir ce que vous déplorez et si vous avez des inquiétudes précises. Dans le paragraphe suivant, en ce qui concerne les besoins de l'économie numérique, est-ce qu'il y a quelque chose que nous pourrions facilement comprendre et que vous pourriez nous expliquer?
M. Legault : Je vais vous donner un exemple concernant le présent processus d'approbation nécessaire en vertu des règlements administratifs de l'ACP. Par l'entremise d'examens officiels, nous avons été capables de convaincre le gouvernement de faire passer l'approbation de nos règlements administratifs du gouverneur en conseil au ministre des Finances. C'est plus facile ainsi que de devoir envoyer une demande au Cabinet. Cependant, dans le présent contexte, même si c'est le ministre des Finances qui doit les approuver, il s'agit tout de même des textes réglementaires. Cela veut donc dire que ces textes doivent faire l'objet d'un examen par le ministère de la Justice et qu'il pourrait s'écouler beaucoup de temps avant que ces modifications ne soient approuvées. Voilà un élément de notre environnement actuel qui rend le tout difficile et vraiment inefficace.
Le sénateur L. Smith : Vous avez dit traiter 24 millions de paiements par jour. Pourriez-vous nous donner un exemple de ces paiements?
M. Legault : Oui. Cela comprend les prélèvements automatiques, les payes, les chèques et les divers types de transferts électroniques, comme les virements télégraphiques et les paiements de grande valeur. Nous élaborons toutes les règles concernant l'échange de ces paiements, et notre système surveille les positions des banques et des établissements financiers, puis effectue le règlement des paiements en se servant du compte de règlement que les grands établissements financiers ont à la Banque du Canada.
Le sénateur L. Smith : L'ACP exploite-t-elle le système, ou vous occupez-vous seulement de la surveillance?
M. Legault : Nous exploitons le système qui surveille les positions.
Le sénateur L. Smith : Vous êtes donc un grand centre informatique.
M. Legault : Oui, aussi.
Le sénateur Moore : Monsieur Campbell, j'ai deux ou trois questions concernant votre exposé.
À la page 3, vous mentionnez qu'il y a deux éléments précis du projet de loi que vous aimeriez commenter. À la fin du paragraphe, vous dites :
Nous attendons de plus amples explications sur le fonctionnement de cette disposition, car certains éléments pourraient causer des problèmes opérationnels, notamment la période de 12 mois relativement à l'agrément.
Lorsque le ministre et le superintendant des institutions financières ont comparu devant le comité, ils ont dit qu'ils surveilleront tous deux toutes les transactions tout le temps. S'ils le font tous deux, comment cela fonctionnera-t-il d'un point de vue pratique? Si une banque donnée veut acquérir des actifs d'une entité étrangère, doit-elle communiquer avec les deux bureaux? Si c'est le cas, quand doit-elle le faire? Il est question ici de concurrence et de confidentialité. D'après vous, comment cela se déroulera-t-il?
M. Campbell : Vous posez les bonnes questions. La façon dont la proposition est structurée dans le projet de loi S-5 est que si le total des actifs étrangers acquis par une banque représente plus de 10 p. 100 de ses actifs, soit une acquisition de grande importance, elle doit au préalable obtenir l'agrément du gouvernement.
Le sénateur Moore : Quand faut-il lancer le processus d'agrément? Si une banque négocie une entente avec une entité dans un autre pays en vue d'acquérir des actifs, signe les documents et revient au Canada, doit-elle faire examiner l'entente par les deux bureaux? Qu'entendons-nous par la période de 12 mois relativement à l'agrément?
M. Campbell : Voilà l'élément sur lequel nous aimerions avoir des réponses. Selon le projet de loi S-5, si votre dernière acquisition fait en sorte que vos acquisitions totales des 12 mois précédents dépassent la limite fixée à 10 p. 100, vous devrez obtenir l'agrément du gouvernement pour cette transaction. La dernière transaction sera peut-être très petite, voire bien en deçà de la limite, et ne présentera aucun problème, mais vous devrez quand même obtenir l'agrément pour cette transaction, parce que vous aurez dépassé la limite.
Le sénateur : C'est pour l'ensemble de l'année.
M. Campbell : Exactement. D'après nous, si votre objectif est de vous assurer que les considérations de prudence sont respectées, ce serait plus logique de le faire pour chaque transaction.
Votre question concernant le processus actuel est pertinente. Il nous faudra obtenir des clarifications sur le fonctionnement exact de ce processus. De nombreuses étapes doivent se faire à la fois; il faut négocier l'entente et chercher à obtenir l'agrément en même temps. C'est dans l'intérêt supérieur de tous qu'un établissement financier qui souhaite faire une acquisition tienne les intervenants concernés au courant tout au long du processus. C'est ce que nous avons fait pendant longtemps, lorsque c'était la responsabilité du BSIF. Il y a donc un excellent bilan en matière de confidentialité.
Nous devrons déterminer son fonctionnement, parce qu'il s'agit d'un nouveau processus. Nous comprenons pourquoi le ministre le fait.
Le sénateur Moore : Quand faut-il commencer à tenir le ministre et le BSIF au courant? Devons-nous le faire après avoir conclu l'entente ou faut-il le faire du moment dès que nous pensons faire quelque chose? Que se passe-t-il si nous avons déjà fait un bout de chemin et qu'on nous dit non?
M. Campbell : Voilà le problème. Il est question ici de transactions commerciales extrêmement confidentielles d'un point de vue concurrentiel, et l'ABC ne participe pas normalement aux discussions. En fait, l'ABC n'est jamais invitée à y prendre part.
Les diverses banques adoptent des approches différentes, mais en règle générale, on prévient les autorités dès le départ. Par contre, nous devons repenser un peu la partie sur les 12 mois précédents.
Le président : Vous avez dit qu'une banque pourrait avoir une très petite transaction à la fin de la période de 12 mois qui lui ferait dépasser la limite fixée à 10 p. 100. L'inverse n'est-il pas aussi vrai? Une banque pourrait réaliser deux transactions de 9,9 p. 100, ce qui ferait en sorte qu'elle aurait fait des acquisitions totales de l'ordre de 19,8 p. 100, si nous ne tenons pas compte de la période des 12 derniers mois.
M. Campbell : La limite a été choisie, parce qu'une acquisition d'une telle taille est considérable. Concrètement, on ne réalise jamais une acquisition pour ensuite la fractionner. Cela ne fonctionne tout simplement pas ainsi. De notre point de vue, c'est soit une transaction ou soit ce n'en est pas une.
Le sénateur Moore : Plus loin dans votre exposé, vous parlez de politiques et d'orientations plus élargies que le gouvernement devrait adopter. Vous mentionné l'importance d'un cadre de politiques et de règles visant les systèmes financier et bancaire au Canada. Nous nous entendons tous sur cette importance.
Vous avez hâte d'entendre le jugement de la Cour suprême concernant la soumission en lien avec le projet de loi sur les valeurs mobilières. Savez-vous quand il sera rendu?
M. Campbell : Nous espérons que c'est pour bientôt.
Le sénateur Moore : Vous attendez-vous à ce que la Cour suprême rende son jugement cette année?
M. Campbell : J'en serais le premier surpris, mais nous espérons l'avoir relativement tôt en 2012. Tout dépend de la Cour suprême, mais elle devrait rendre son jugement au cours de la première moitié de 2012. C'est certainement ce que je souhaite.
Le sénateur Moore : Vous dites que nous devons aussi garder à l'esprit que ce que nous imposons aux banques canadiennes représente le plus important exercice de mise en oeuvre réglementaire de leur histoire. Cet exercice use entièrement leurs ressources humaines et techniques non seulement pour une durée limitée, mais aussi de manière continue. J'imagine que c'est un terme du domaine bancaire. Vous devrez me l'expliquer.
En ce qui concerne les règles, faites-vous allusion au Bâle III?
M. Campbell : Oui. Cela en fait partie.
Le sénateur Moore : Au comité, nous parlons de notre solide système bancaire. Le président de la Banque du Canada a été nommé président d'un organisme clé qui le met en oeuvre sur la scène internationale. Pourquoi ne défendons-nous pas cela? Tout le monde sait que ce sera problématique, mais cela me dérange que l'ABC s'en plaigne, alors qu'en même temps nous pensons que cela améliorera notre système bancaire et convaincra avec un peu de chance d'autres pays d'adopter ce que Mark Carney, sous ses autres fonctions, préconise. C'est le secteur financier qui a causé cette débandade. Pourquoi ne le défendons-nous pas davantage?
Qu'entendez-vous par « de manière continue »?
M. Campbell : Il ne fait aucun doute que l'une des forces du système bancaire canadien durant la crise de 2007 a été nos cadres de réglementation et de surveillance. Ils étaient très solides et meilleurs que ceux des autres pays dans le monde. Nous affichions un meilleur niveau de capitalisation et avions une meilleure supervision. Cela ne veut pas dire pour autant que tout était parfait, et nous sommes de fervents partisans d'un bon système de réglementation.
Nous collaborons très étroitement avec la Banque du Canada et le BSFI, et nous sommes fiers que M. Carney ait été nommé à la tête du Conseil de stabilité financière. Nous avons besoin de règles solides, et le Canada devrait être un exemple pour les autres pays. Cependant, c'est le volume qui est le problème; ce ne sont pas les règles. Individuellement, ces règles sont très logiques. En ce qui concerne les règles sur les fonds propres, nous étions déjà fortement capitalisés, mais cela pourrait toujours être mieux. Vous avez tout à fait raison de dire que les autres pays doivent rejoindre les normes canadiennes.
Étant donné que nous faisons partie du réseau mondial, nous constatons que nous devons tout de même faire partie du cadre réglementaire international, même si la crise financière n'a pas débuté ici et qu'aucune de nos banques n'a éprouvé de problèmes majeurs ou n'a fait faillite. C'est correct; c'est ce que nous faisons.
Tout ce que je dis, c'est que le problème est non seulement la mise en oeuvre de Bâle III, mais aussi celle des règles comptables, des règles sur les valeurs mobilières et de toute une série de règles de vérification. C'est la combinaison de tous ces éléments qui arrivent en même temps.
Le danger que je signale est que nous voulons un cadre réglementaire solide. Nous voulons que le Canada continue d'être un exemple pour les autres pays. J'ai eu cette conversation avec des gens du BSFI, de la Banque du Canada et d'autres organismes. Tout ce que je dis, c'est que j'espère qu'avec une telle mise en oeuvre extrêmement complexe qui arrive en même temps — je m'inquiète particulièrement pour les petits établissements —, nous ne sommes pas en train de nous perdre dans les détails, en cochant les règles une à une et en nous voilant la face devant les risques qui nous guettent peut-être à l'horizon. Voilà mon point.
Pour ce qui est de l'expression « de manière continue », vous avez tout à raison; c'est ce qui m'est spontanément venu en rédigeant l'exposé. Ce que je voulais dire est que tout le monde comprend que s'il faut prendre des mesures d'urgence pour régler un problème, on peut canaliser toutes les ressources à cette fin, mais si cette situation devient la norme — appelons cela plutôt une « norme » —, pour maintenant et pour toujours, cela monopolisera beaucoup de temps et de ressources.
Rien n'est encore arrivé, et peut-être aussi que rien n'arrivera, mais je dis seulement qu'il ne faut pas créer par mégarde d'autres risques en détournant toutes les ressources simplement pour nous plier aux nouvelles exigences, étant donné que nous avons décidé de tout mettre en oeuvre d'un seul coup, au lieu de procéder par étapes.
Le sénateur Moore : Les nouvelles normes et les nouveaux régimes sont-ils issus de Bâle III ou d'un autre régime ou d'une autre loi? Vous devez actuellement être très occupés avec de tels changements.
M. Campbell : Nous avons les deux mains dedans. Les règles ont commencé à sortir en 2009 et en 2010. Nous sommes en plein coeur de leur mise en oeuvre, ce qui prendra des années. Les règles sont principalement tirées de Bâle III, comme toutes les règles sur les capitaux propres, toutes les règles sur les liquidités et toutes les règles sur les leviers financiers. Elles sont également issues du Conseil de stabilité financière, dont M. Carney est maintenant président, du Conseil des normes comptables internationales et de l'Organisation internationale des commissions de valeurs. Tous ces organismes internationaux adoptent des règles que le Canada s'est engagé à suivre.
Nous comprenons que c'est logique. Je présume que nous vous demandons en quelque sorte de procéder par étapes.
Le sénateur Moore : Bref, vous proposez de les introduire graduellement pour éviter le branle-bas de la mise en oeuvre.
M. Campbell : En gros, c'est exact.
Le sénateur Moore : Monsieur Legault, je vous écoutais en suivant votre suivant exposé. Voici ce que vous dites au quatrième paragraphe de la page 2 :
Toutefois, il subsiste à nos yeux une certaine incertitude juridique concernant la définition proposée dans le projet de loi S-5 en ce qui a trait au système de compensation et de règlement... Cette obligation fait place au concept d'administration. Nous ne sommes pas certains de la portée...
Pourriez-vous brièvement nous dire si cela s'applique à l'intérieur ou à l'extérieur du Canada? Je ne suis pas certain de ce que cela veut dire. Dites-nous ce qui vous préoccupe à ce sujet et ce que vous nous suggérerez, le cas échéant, de recommander dans notre rapport.
M. Legault : Vous avez bien dit à la page 2, n'est-ce pas?
Le sénateur Moore : Oui. C'est le quatrième paragraphe, monsieur Legault. C'est le paragraphe qui commence par « Toutefois, il subsiste à nos yeux une certaine incertitude... »
M. Legault : Je vais laisser ma collègue vous répondre.
Penny-Lynn McPherson, vice-présidente, avocate-conseil et secrétaire générale, Association canadienne des paiements : C'est dans la Loi sur la compensation et le règlement des paiements. Cela ne se retrouve en fait pas dans notre loi.
Nous n'avons pas participé aux discussions concernant les modifications apportées à cette autre loi, mais la modification de la définition de système de compensation et de règlement influe sur nos systèmes. La définition faisait auparavant mention d'au moins trois établissements participants, dont au moins une banque. La nouvelle définition dit qu'il faut au moins que l'un des établissements participants soit canadien et ait son siège social dans une administration autre que celle dans laquelle se trouve le siège social de la chambre de compensation.
Nous n'étions tout simplement pas certains de ce qu'on entendait par là.
Le sénateur Moore : Pourriez-vous répéter?
Mme McPherson : La définition proposée dit qu'un tel système doit inclure au moins trois établissements participants, dont l'un est un participant canadien et l'un a son siège social dans une administration autre que celle dans laquelle se trouve le siège social de la chambre de compensation.
Lorsque nous avons lu cette définition pour la première fois, nous avions cru comprendre qu'il fallait qu'un établissement canadien y participe...
Le sénateur Moore : Pourriez-vous nous donner un exemple de ce que cela veut dire? De manière hypothétique, pourriez-vous prendre s'il vous plaît des établissements au hasard en nous précisant où ils ont leur siège social et en nous expliquant comment le tout se déroulerait pour nous permettre de comprendre ce que cela veut dire?
Mme McPherson : La première fois que nous l'avons lu, nous avons compris que, pour l'un de nos systèmes, par exemple, nous devions obtenir la participation de la Banque Royale, mais aussi celle d'une banque étrangère, comme BNP Paribas. Toutefois, plus nous nous penchions sur la question, moins nous en étions certains; devions-nous obtenir la participation d'une banque étrangère ou tout simplement d'une banque d'une autre province? Ce n'était pas clair.
S'il faut avoir un participant étranger, cela ne nous pose aucun problème en ce moment; nous avons, en effet, des participants canadiens et étrangers. Toutefois, si notre situation changeait, nous éprouverions alors des problèmes de ce côté.
Nous avons soulevé la question, car nous aimerions obtenir quelques éclaircissements à ce sujet.
Le sénateur Moore : Qu'arriverait-il dans cette situation, c'est-à-dire dans la deuxième hypothèse? Vous avez dit que cela poserait un problème. Quelles seraient les répercussions sur le fonctionnement de votre système?
Mme McPherson : On constaterait des répercussions sur la protection dont profitent nos systèmes en vertu de la Loi sur la compensation et le règlement des paiements. Pour le moment, la Banque du Canada désigne un système qui, selon elle, est important sur le plan systémique. Un de nos systèmes, c'est-à-dire notre système de transfert de paiements de grande valeur, a été désigné, ce qui est important pour la certitude juridique concernant les paiements, et cetera.
Nous ne voudrions sûrement pas que ce système soit remis en question en raison d'un changement sur le plan de la participation.
Le sénateur Moore : Avez-vous quelque chose à nous suggérer?
Le président : Pour ajouter à la question du sénateur Moore, vous attendez-vous à obtenir des éclaircissements au cours de discussions avec le ministère ou au moyen de règlements, si de tels règlements sont pris?
Mme McPherson : Des deux façons. Je pense que nous voudrions qu'il soit clair que cela pourrait concerner les deux, c'est-à-dire les participants provinciaux ou étrangers.
Le président : Avez-vous communiqué vos inquiétudes au sujet de la clarté?
Mme McPherson : Nous les avons communiquées à la Banque du Canada, qui supervise ce projet de loi. Il nous reste toutefois à le faire auprès du ministère des Finances.
Le président : Ce que j'essaie de savoir, et peut-être aussi le sénateur Moore, c'est si vous voulez que les choses restent comme elles sont et négocier le tout une fois le projet de loi adopté, si c'est le cas.
Mme McPherson : Je pense que nous préférerions que le libellé soit plus précis, mais il faudra, de toute évidence, l'interpréter aussi largement que possible s'il n'est pas modifié.
Le sénateur Moore : À la dernière page de votre mémoire, à l'avant-dernier paragraphe, vous dites :
Nous croyons que la réglementation du secteur des paiements devrait suivre une approche à base de principes, et avoir pour objectif d'être « légère », et en rapport avec le risque présenté pour le système et ses participants.
Qu'entendez-vous par « légère » et qui s'en occupe? Qu'est-ce que cela signifie?
M. Legault : En vertu de la Loi canadienne sur les paiements, le ministre des Finances exerce une étroite surveillance à l'égard de nos activités. De plus, notre système de transfert de paiements de grande valeur a été désigné par la Banque du Canada et placé sous la surveillance de la banque et du gouverneur de la Banque du Canada.
En gros, nous aimerions qu'il existe un cadre de surveillance commun s'appliquant à tous les participants du système de paiements. Du point de vue de l'ACP, lorsque nous devons faire concurrence à d'autres types de systèmes qui ne font pas l'objet de la même surveillance, cela devient un problème.
Nous croyons aussi qu'il ne devrait pas être fondé sur des règlements, mais sur des principes, autant que possible, afin qu'il soit plus adaptable. De plus, il devrait être assujetti à une réglementation légère, ce qui veut dire qu'il ne devrait pas être trop réglementé ou trop détaillé, car il est très difficile d'être souple dans un environnement qui change rapidement.
Nous voyons de grands changements sur le plan de la technologie et des fournisseurs de paiement. Un manque d'adaptabilité peut limiter notre marge de manoeuvre. Nous avons constaté, au cours des années, qu'une certaine partie des sommes dont s'occupait l'ACP ne relevait plus de notre compétence et, ainsi, de la compétence du gouvernement. À notre avis, le gouvernement profiterait mieux d'une loi qui serait fondée sur des principes et une réglementation légère, afin de couvrir une plus grande partie du système, plutôt que de se retrouver dans une situation dans laquelle un participant est soumis à un trop grand nombre de règlements, alors que d'autres ne sont assujettis qu'à un très petit nombre, et parfois aucun.
Le sénateur Campbell : L'expression « légère » me préoccupe. Notre méthode de fonctionnement en affaires nous a permis de devenir un modèle bancaire à l'échelle internationale et de sortir pratiquement indemnes d'une crise mondiale. Ne serait-il pas plus logique de nous préoccuper un peu moins du niveau de réglementation et de veiller plutôt à ce que les règlements s'appliquent à tous ceux qui n'étaient assujettis à aucun règlement et qui profitaient peut- être justement d'une réglementation « légère »?
M. Legault : Comme je l'ai dit dans mes commentaires, il faut aussi équilibrer la question de l'innovation et de la concurrence avec la sécurité et la solidité du système. Comme vous, je pense qu'il faut procéder très prudemment. En général, si on a une grande portée et qu'on peut intervenir auprès de la plupart des intervenants dans le domaine, alors la question qui s'impose devient « jusqu'où peut-on aller », car si les règlements sont trop contraignants, ils freineront l'innovation. La question est donc de savoir à quel point on veut réglementer. Comme ma collègue l'a dit plus tôt, il faut avoir un équilibre, car une réglementation trop détaillée pourrait ralentir certains organismes ou même le système dans son ensemble.
Le sénateur Tkachuk : Il est important que le système bancaire permette une plus grande concurrence et encourage l'arrivée de nouveaux joueurs sur le marché, car cela favorise l'innovation et la productivité. Ce que vous avez dit au sujet de l'exercice de mise en oeuvre réglementaire m'inquiète; vous avez dit que cela représenterait un défi pour les petits arrivants.
La solidité de notre système bancaire repose sur notre système réglementaire. Nous avons été très chanceux d'échapper à la crise du logement qui a frappé les États-Unis. Leur politique gouvernementale permettait d'effectuer des achats sans versement comptant, de réduire les taux d'intérêt, et cetera, ce qui a aggravé le problème et a mené à la surévaluation du marché de l'habitation. Toutefois, il s'agit d'une autre histoire.
Je suis préoccupé au sujet des règlements. Rendront-ils les choses plus difficiles pour les nouveaux arrivants? Après la fin d'Enron et de Bre-X, cela a pris beaucoup de temps avant que les sociétés soient à l'aise avec les nouveaux règlements. Présentement, aux États-Unis, on pense à abroger la loi Sarbanes-Oxley, en raison des difficultés qu'elle cause aux nouveaux arrivants sur le marché. Est-ce que cela va empêcher l'arrivée de nouveaux arrivants sur le marché?
M. Campbell : Vous avez mis le doigt sur la préoccupation qu'ont exprimée un grand nombre d'observateurs. Pendant la première partie de la dernière décennie, un très grand nombre de nouvelles banques sont arrivées lorsque les règlements ont été changés afin de favoriser la concurrence dans un marché déjà très concurrentiel. Nous avons la banque Canadian Tire, la banque Le Choix du Président et plusieurs autres petites banques; elles ont entraîné un accroissement de la concurrence sur le marché.
Il est difficile de préciser la cause et l'effet, mais la création de nouvelles banques a considérablement diminué ces derniers temps. Est-ce en raison de l'environnement économique actuel? Lorsque de nouvelles banques s'établissent au Canada, nous voulons évidemment qu'elles soient solides et qu'elles aient franchi toutes les étapes nécessaires. Ce qui m'inquiète, c'est que sans le vouloir et armés des meilleures intentions, nous créerons, au bout du compte, un environnement où il est difficile d'amener de nouveaux concurrents. Sommes-nous en train de créer un environnement où les petites banques, dont la structure et les activités ne sont pas complexes, mais qui sont bien dirigées et réalisent des profits, ne sont tout simplement pas en mesure de satisfaire à toutes les exigences comme peuvent le faire les plus grandes banques? C'est une préoccupation qui est souvent mentionnée. Est-ce que cela va empêcher les nouveaux concurrents de se joindre au marché? C'est difficile à dire, mais ce n'est pas la première fois qu'on m'en parle.
Le sénateur Tkachuk : J'étais un peu déçu d'apprendre qu'en vertu du projet de loi, le ministre approuvera les achats qui représentent plus de 10 p. 100 de la valeur de l'actif de la banque. Présentement, ce genre de transaction nécessite une permission réglementaire.
M. Campbell : C'est exact.
Le sénateur Tkachuk : Exigera-t-on toujours la permission réglementaire en plus de la permission du ministre? Y aura-t-il deux étapes?
M. Campbell : Je pense que c'est exactement ce qui va arriver. Nous en avons discuté plus tôt. D'après ce que je comprends, le BSIF participera toujours au processus décisionnel; il devra toujours décider si l'achat est logique sur le plan prudentiel. Cette partie de la Loi sur les banques n'a pas été supprimée. Ensuite, le ministre prendra la décision finale. Nous comprenons pourquoi le ministre agit de cette façon. Ce que nous disons, c'est que nous ne sommes pas certains qu'une période de 12 mois soit réaliste. Il faut bien y réfléchir, car comme je l'ai dit plus tôt, cela pourrait entraîner des conséquences inattendues. Étant donné que le 10 p. 100 correspond maintenant à un 10 p. 100 pour l'ensemble, l'acquisition de petites institutions financières pourrait être soumise à un processus d'approbation très poussé. Nous comprenons pourquoi le gouvernement désire agir ainsi; le ministre a une responsabilité de gérance, ce qui représente un autre outil. Il faut que ce soit réaliste.
Le sénateur Tkachuk : J'essaie de comprendre comment cela pourrait fonctionner. Disons qu'une banque achète une autre banque au Chili. Évidemment, elle passerait par toutes les étapes avec ses comptables, ses avocats, ses négociateurs et son conseil d'administration — tout ce qui est nécessaire pour réaliser un tel achat. Au bout du compte, elle décide qu'il s'agit d'une bonne affaire. Dans ce cas, comment le ministre prendra-t-il sa décision? Fera-t-il preuve de diligence raisonnable? De combien de temps dispose-t-il? Peut-il prendre tout le temps qu'il désire pour parvenir à une décision? Y a-t-il une échéance?
M. Campbell : C'est l'un des éléments sur lesquels nous aimerions obtenir des précisions de la part du ministère. Nous en avons parlé plus tôt au cours des audiences. À mon avis, toutes les institutions qui souhaitent faire des achats ont intérêt à tenir le Cabinet du ministre et l'autorité de réglementation au courant tout au long du processus. Tout le monde comprend que la certitude est importante en affaires, ce qui signifie que les décisions doivent être prises à temps. Tout le monde, y compris le ministère et le BSIF, comprend cela. Nous devrons en discuter davantage avec le ministère pour être en mesure de décrire précisément comment cela va fonctionner.
[Français]
Le sénateur Losier-Cool : Je suis nouvelle au sein de ce comité, alors la question que je vais poser aura peut-être déjà été posée et d'autres témoins y auront déjà répondu. Monsieur Campbell, j'ai été interpellée par l'avant-dernier paragraphe de la page 4 de votre présentation, où vous parlez de la littéracie financière.
[Traduction]
Je dois admettre que, contrairement à mes collègues, je ne connais pas grand-chose aux finances.
[Français]
Vous parlez à la dernière phrase d'un nouveau responsable de la littéracie financière nommé par le gouvernement. Puisqu'il s'agit d'un nouveau poste, comment se fera le processus de nomination? Comment sera-t-il nommé? Quels seront les critères d'embauche?
[Traduction]
M. Campbell : Le gouvernement créera le poste de chef du développement de la littératie financière. Ce n'est que récemment que le gouvernement a proposé la loi pour créer ce poste et l'intégrer à l'Agence de la consommation en matière financière du Canada. Il revient au gouvernement de décider comment il va procéder à la nomination du chef et d'établir les critères. Cela nous intéresse beaucoup, car nous appuyons fortement la nécessité d'une littératie financière. Nous espérons que ce poste sera pourvu bientôt, mais il reviendra au gouvernement de décider comment cela se fera et qui sera nommé.
Le sénateur Losier-Cool : Je poserai donc ma question au ministre.
Le sénateur Massicotte : Monsieur Campbell, est-ce la première fois que vous comparaissez devant nous depuis que vous avez été nommé président de l'Association des banquiers canadiens?
M. Campbell : Oui.
Le sénateur Massicotte : Félicitations. Je suis heureux de voir que vous occupez ce poste.
M. Campbell : Merci beaucoup. Je vous en suis reconnaissant.
Le sénateur Massicotte : Vous avez dit, tous les deux, que le projet de loi S-5 manquait de précision et de certitude et que dans les affaires, comme dans la vie quotidienne, on aime la certitude. Je présume que vous en avez parlé avec le ministre des Finances, et qu'au ministère, on est au courant des améliorations que vous désirez apporter, mais il est évident que pour une raison quelconque, on ne vous a pas écouté.
Est-ce le cas? Ces gens sont-ils au courant des améliorations que vous avez suggérées et s'y sont-ils déclarés opposés, après une audience complète?
M. Campbell : Nous sommes en communication avec les fonctionnaires du ministère. Nous avons examiné le projet de loi lorsqu'il a été présenté; il est important de l'analyser et de bien y réfléchir. Nous leur avons envoyé nos commentaires au sujet de la disposition que j'ai mentionnée. Ils y réfléchissent. Je leur ai dit la même chose qu'à vous, et ils examinent la question.
Le sénateur Massicotte : Ont-ils répondu?
M. Campbell : Je pense qu'ils sont encore en train d'absorber ce que nous leur avons dit.
Le sénateur Massicotte : Vont-ils modifier la loi?
M. Campbell : Je ne sais pas. La décision leur appartient.
[Français]
M. Legault : C'est différent pour nous, car nous ne sommes pas sujets à la révision tous les cinq ans. C'est un avantage que nous avons de pouvoir présenter des amendements lorsque la révision de la Loi sur les banques se fait.
On nous avait avisés que c'était uniquement une révision technique pour ce qui en était des paiements, et nous en étions conscients. La plupart de nos recommandations ont été acceptées. Pour ce qui est des recommandations qui sont plus fondamentales, comportant des aspects de politiques législatives, nous comprenons qu'elles doivent être prises par le groupe de travail qui doit faire rapport d'ici la fin de l'année. Nous poursuivrons les discussions, lorsque le rapport sera rendu public, avec le bureau du ministre.
[Traduction]
Le sénateur Massicotte : Pour la Loi sur les banques, c'est comme un réexamen quinquennal normal. Vous vouliez peut-être proposer d'autres questions à étudier, mais le gouvernement a décidé de procéder à un examen technique. Y a-t-il d'autres questions sur lesquelles vous auriez aimé qu'on se penche? A-t-on laissé quelque chose de côté?
M. Campbell : Non. Lorsque le ministre a annoncé les consultations au sujet du réexamen de la Loi sur les banques, il a clairement indiqué qu'étant donné tout ce qui se passe ailleurs dans le monde, il s'agirait d'un examen technique, car nous sommes encore en train de mettre tout cela en oeuvre. Nous avons dit que nous comprenions. En fait, nous étions d'accord, car nous avions besoin de laisser la poussière retomber avant de nous attaquer à de plus gros changements.
Cela dit, il faut toujours garder en tête le réexamen quinquennal. Étant donné qu'il a dit qu'il s'agissait d'un examen technique cette fois-ci, nous nous sommes concentrés là-dessus et nous avons présenté une série de questions techniques. Le gouvernement a répondu à certaines d'entre elles. À notre avis, le processus a été approprié.
M. Legault : Je vous donnerais essentiellement la même réponse que celle que j'ai fournie au sénateur Smith plus tôt. Il restait seulement deux ou trois questions, et nous aurons l'occasion d'en discuter plus tard. Nous sommes en communication constante; en effet, nous avons un protocole d'entente avec le ministère des Finances et avec la Banque du Canada, qui ont tous les deux un droit de regard sur nos activités. Nous maintenons toujours une bonne communication. Jusqu'ici, l'examen s'est déroulé comme prévu d'un point de vue technique, et nous avons hâte à la prochaine étape.
Le sénateur Massicotte : Deux ou trois des banques comptant parmi les membres les plus importants de votre organisation ont décidé de ne plus collaborer avec l'ombudsman que le gouvernement a mis en place pour traiter les plaintes des clients. Elles ne sont pas d'accord et ne veulent pas participer au processus.
Je trouve cela très troublant. Pour parler franchement, les banques protègent les intérêts de leurs actionnaires et de leurs gestionnaires. Elles se retirent du processus, ce qui oblige maintenant les clients à se rendre directement à la banque et à demander qu'on règle leur problème. Toutefois, les choses ne devraient pas se passer comme cela; il ne s'agit pas d'un processus équitable.
Je présume que vous allez dire qu'il s'agit des banques et que cela n'a rien à voir avec vous.
M. Campbell : Non; en fait, je vais répondre à la question.
Le sénateur Massicotte : Il faut qu'on trouve une autre solution ou que le gouvernement en impose une, car ce n'est pas juste pour les clients ni pour l'industrie.
M. Campbell : Monsieur le sénateur, avec tout le respect que je vous dois, je ne suis pas d'accord avec quelques-unes de vos suppositions. Toutes les banques et tous leurs clients, y compris les deux banques qui ne sont plus avec le BSIF...
Le sénateur Massicotte : Quelles sont ces deux banques?
M. Campbell : La Banque Royale et la Banque TD.
Tous leurs clients ont accès à un mécanisme de règlement des différends indépendant et complet. Ils ont le choix. Certaines banques utilisent le BSIF et d'autres, le Bureau de l'ombudsman des services bancaires, mais il s'agit de tierces parties et le processus demeure le même.
Le gouvernement a annoncé qu'il voulait prendre des règlements afin d'établir certaines normes pour ces tierces parties; nous sommes tout à fait disposés à discuter avec ses représentants pour les aider à mettre ces normes au point et à les codifier. Toutefois, il est carrément faux de penser que les clients de ces banques n'ont pas accès à un processus indépendant; elles font seulement appel à un fournisseur différent.
Le sénateur Massicotte : Pourquoi se sont-elles retirées du processus?
M. Campbell : Je ne veux pas parler en leur nom, car il s'agit de leur décision. Toutefois, elles ne sont pas retirées du mécanisme. C'est en fait le contraire; elles ont simplement un nouveau fournisseur, et leurs clients ont pleinement accès à un mécanisme de règlement des différends.
Nous croyons vraiment en ce type de mécanisme; nous l'avons créé au milieu des années 1990. Il est devenu, en quelque sorte, un modèle sur la scène internationale. À mon avis, il fonctionne très bien.
Je le répète, les clients ne sont pas laissés en plan. On leur offre un service de recours complet et adéquat.
Le sénateur Massicotte : Un service auquel deux banques ne font pas confiance; il est évident qu'elles préfèrent l'un à l'autre.
M. Campbell : Certaines banques utilisent un type de mécanisme, alors que d'autres en utilisent un autre.
Le sénateur Oliver : Ma question fait suite à la deuxième question du sénateur Massicotte. Nous avons avec nous deux organismes financiers très bien établis, c'est-à-dire l'Association des banquiers canadiens et l'Association canadienne des paiements. Dans son exposé, l'Association canadienne des paiements a déclaré :
Dès le début, le ministère des Finances a informé l'ACP que l'objet du processus d'examen de la législation financière de 2012, pour ce qui est du système de paiement, se limiterait à étudier des modifications techniques à la législation, vu que les fondements de politique plus vastes ou essentiels du système sont à l'étude...
Qui mène le bal? S'agit-il d'un acte unilatéral? Quel est le rôle du Parlement? Cinq ans, c'est long. Lorsque vous vous préparez à procéder à un examen, que se passerait-il si on déclarait que seuls les articles 6 et 7 de la loi seront étudiés, et qu'il ne vaut donc pas la peine de discuter de quoi que ce soit d'autre? Quand quelqu'un aura-t-il le courage d'affirmer : « Nous avons aussi notre mot à dire »? Prend-on l'engagement de procéder à un examen complet des politiques de la Loi sur les banques au cours des cinq prochaines années, ou se contentera-t-on encore de déclarer que l'économie ne va pas bien, et qu'on devrait seulement se pencher sur quelques détails techniques pour s'en tirer sans trop de dommages? À mon avis, le pouvoir législatif devrait être en mesure d'exiger un examen complet. Toutefois, il me semble que le ministère vous a enjoint de ne lui présenter que des petites questions techniques, en affirmant que c'est tout ce qu'il aura le temps d'examiner concernant ce qui s'est produit au cours des cinq dernières années. Je pense que nous ratons tous le coche — c'est-à-dire vos deux associations et le pouvoir législatif — en ne disant pas qu'il est temps d'examiner quelques éléments importants des politiques, afin d'améliorer notre système.
Pourquoi n'avez-vous pas mieux protégé les Canadiens en insistant pour qu'on examine les politiques réelles sur lesquelles se fonde notre système financier? Elles sont loin d'être parfaites.
M. Legault : Comme je l'ai dit plus tôt, essentiellement, l'ACP n'est pas assujettie à l'examen quinquennal de la Loi sur les banques. En ce qui concerne les paiements, il s'agit vraiment d'une occasion de se pencher sur certaines des dispositions que le gouvernement trouve plus faciles à étudier au cours de cet examen.
De ce point de vue, lorsqu'on nous a dit qu'on envisagerait certains changements techniques, nous ne pensions pas qu'il y avait une lacune, étant donné que le ministre avait déjà donné au groupe de travail la tâche d'examiner les systèmes de paiement. Nous pensions que tout était bien et que nous pourrions examiner les changements. Comme je l'ai dit plus tôt, nous avons fait quelques autres suggestions au sujet de notre cadre de travail. Toutefois, nous croyons savoir qu'on ne les étudiera probablement que lorsque le groupe de travail présentera son rapport. Nous profiterons de l'occasion pour soulever de nouveau ces questions.
M. Campbell : De notre point de vue, depuis 2008-2009, les autorités nationales et internationales ont pris, l'une après l'autre, tellement de règlements sur à peu près tout — les capitaux, les liquidités, les leviers financiers, les règlements nationaux sur les consommateurs, et cetera. Tout ce que nous pouvons faire, c'est de les absorber et de nous y adapter. Nous sommes encore en train d'apprendre à les connaître. Ainsi, nous avons trouvé logique que le gouvernement décide qu'étant donné tout ce qui se passe sur la scène internationale, et en raison du fait qu'il a entrepris une série de changements pour réagir à la crise financière, il n'étudiera, pour cette fois, que les amendements techniques lors de l'examen de la Loi sur les banques. Je comprends vos préoccupations, mais pour nous, c'était logique dans le contexte. Nous n'avons pas fini d'assimiler les nombreux changements; il nous faudra encore quelques années en fait pour y arriver. À un certain moment, bien entendu, je pense que tout le monde doit s'arrêter et faire le point. Toutefois, dans le contexte de cet examen, la décision du gouvernement nous semblait logique.
Le sénateur Oliver : Les intérêts de tous les Canadiens sont en jeu. Il me semble que d'autres témoins ont comparu devant nous au sujet du projet de loi, et ils ont dit qu'ils avaient exposé leur point de vue au ministère des Finances, et que le ministère leur avait fait part du sien. Il me semble qu'on ne s'occupe pas assez des choses qui devraient être importantes pour nous ces jours-ci, c'est-à-dire la reddition de comptes et la transparence. J'aimerais voir en place un système où toutes ces questions seraient exposées dans une réunion comme celle-ci et un forum auquel le public pourrait participer et dans lequel il pourrait poser des questions à des gens comme vous, ainsi qu'aux fonctionnaires du ministère et au ministre, afin d'obtenir un examen plus complet. J'espère que, dans cinq ans, on ne nous apprendra pas encore que le ministre a décidé d'examiner seulement deux petits articles dans le cadre de l'examen quinquennal. Les Canadiens seront les grands perdants dans cette affaire. Tôt ou tard, quelqu'un doit avoir le courage de dire : « Nous aussi, nous sommes importants ».
Le sénateur Massicotte : Le sénateur Tkachuk a parlé de la concurrence. C'est d'ailleurs l'épine dorsale de notre régime de marché. En effet, à moins que vous vouliez que chaque transaction soit réglementée, il faut une certaine concurrence pour satisfaire les intérêts de tout le monde. C'est l'essence même du régime de marché. C'est essentiel. Le sénateur Tkachuk a observé, à juste titre, que le système bancaire du Canada comporte un niveau raisonnable de concurrence, mais qu'il n'est pas encore idéal. Le système américain a ses défauts, mais il serait idéal d'avoir plus de concurrence au Canada. Ces 20 ou 30 dernières années, nous en avons discuté et nous avons fait l'essai de différentes formes de concurrence. Nous avons intégré certaines cartes de crédit américaines à notre système, mais la plupart des spécialistes s'entendent pour dire qu'il existe toujours quelques secteurs qui présentent des lacunes sur le plan des services offerts, car la concurrence est insuffisante. C'est probablement à cause de la présence des petites entreprises canadiennes. Je sais que vous avez déjà dit que la concurrence était adéquate et que les gens avaient accès aux services appropriés. Toutefois, si nous voulions intensifier la concurrence, que pourrait-on faire, à votre avis?
M. Campbell : On me pose souvent cette question, et j'y ai beaucoup réfléchi. Tout d'abord, nous avons 70 banques au Canada. Les gens ne tiennent compte que des cinq plus importantes, mais nous en avons 70. Quel est le nombre magique? Est-ce qu'il vaudrait mieux en avoir 80? Je ne sais pas. Nous avons 70 banques; il s'agit donc d'un marché extrêmement concurrentiel. Vous avez parlé des États-Unis; je ne voudrais utiliser leur modèle bancaire pour rien au monde. Le nôtre est très bon. Les gens se disent : « Wow! Il y a 8 000 banques aux États-Unis. » Toutefois, un grand nombre de ces banques ont seulement une succursale dans une petite ville perdue.
La situation concernant la place qu'occupent les banques les plus importantes dans les grands centres métropolitains n'est pas différente de celle qui a cours au Canada; dans certains cas, ces banques occupent même une place beaucoup moins importante. Nous avons un bon système et le niveau de concurrence est stimulant. Devrait-il y avoir plus de concurrence? Quel est le meilleur niveau de concurrence? Existe-t-il un niveau idéal? On pourrait débattre la question pendant longtemps. Serions-nous prêts à accueillir de nouveaux concurrents? Absolument. Que pouvons-nous faire à ce sujet? Lors de l'examen de la Loi sur les banques, en 2001, on a changé les règlements dans le but de favoriser la concurrence, et le nombre de nouvelles banques a augmenté considérablement. Vous en avez d'ailleurs mentionné quelques-unes. On a permis à des intérêts commerciaux de posséder de petites banques, et les gens en ont profité. Dans le domaine de la réglementation, il y a des mouvements de va-et-vient. Cela ne s'est pas produit au Canada, mais on l'a vu partout dans le monde. En ce moment, on a tendance à prendre des mesures de réglementation pour ne jamais vivre ce qui s'est passé en 2007-2008, ainsi qu'en 2009. Ainsi, on assistera à un resserrement réel. On peut s'inquiéter des effets à long terme de ce resserrement sur l'innovation et la concurrence.
Je n'essaie pas de faire des prévisions ni de jouer au prophète de malheur, mais je pense qu'il s'agit d'une question légitime. Nous ne connaissons pas la réponse, car les arbres nous cachent la forêt, mais un grand nombre de personnes l'ont posée.
Le sénateur Massicotte : Comment procéderiez-vous pour accroître la concurrence?
M. Campbell : Eh bien, je dois y réfléchir un peu plus. En fait, je pense que notre système est très ouvert comparativement à un grand nombre d'autres systèmes dans le monde. Je pense que les résultats en témoignent. Si nous étions en 1995, je ne vous dirais pas qu'il y a 70 banques au Canada. Pourtant, elles existent maintenant; il s'agit donc d'un système assez ouvert.
Le président : Merci, messieurs Legault et Campbell et merci à vos associés d'avoir été avec nous aujourd'hui, afin de nous aider dans notre étude du projet de loi S-5. La discussion a été très intéressante.
Chers collègues, nous nous réunirons demain matin, à 10 h 30, pour l'étude article par article du projet de loi.
(La séance est levée.)