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BANC - Comité permanent

Banques, commerce et économie

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Banques et du commerce

Fascicule 10 - Témoignages du 8 février 2012


OTTAWA, le mercredi 8 février 2012

Le Comité sénatorial permanent des banques et du commerce se réunit aujourd'hui, à 16 h 15, pour procéder à l'élection du président et poursuivre l'examen de la Loi sur le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes (L.C. 2000, ch. 17), conformément à l'article 72 de cette loi.

[Traduction]

Adam Thompson, greffier du comité : Honorables sénateurs, la présidence est à pourvoir. Il m'appartient, en tant que greffier de votre comité, de présider à l'élection d'un nouveau titulaire. Je suis prêt à recevoir des motions à cet effet. Y a-t-il des propositions?

Le sénateur Tkachuk : Je propose le sénateur Irving Gerstein.

M. Thompson : Y a-t-il d'autres propositions? Puisqu'il n'y en pas, je vais mettre la motion aux voix.

[Français]

L'honorable sénateur Tkachuk propose que l'honorable sénateur Gerstein soit président de ce comité.

[Traduction]

Vous plaît-il, mesdames et messieurs les sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix : D'accord.

M. Thompson : Je déclare la motion adoptée et j'invite le sénateur Gerstein à occuper le fauteuil.

Le sénateur Irving Gerstein (président) occupe le fauteuil.

Le président : Merci, chers collègues. Je suis sensible à l'honneur que vous me faites. Avant d'inviter nos témoins à présenter leurs exposés, je tiens à proposer une motion concernant notre procédure et notre mode de fonctionnement.

Honorables sénateurs, je propose que, lors de nos séances, le président, le greffier du comité et les analystes de la Bibliothèque du Parlement soient les seuls à s'installer au bout de la table.

Le sénateur Tkachuk : J'appuie la motion.

Le sénateur Ringuette : Monsieur le président, pourquoi une telle motion? Depuis longtemps, la pratique du comité veut que le président et le vice-président s'installent tous deux au bout de la table. Vous avez été élu président il y a seulement un instant et déjà vous souhaitez revenir sur ce qui est depuis longtemps la pratique du comité. Je précise qu'il s'agit du plus ancien comité sénatorial permanent.

Le président : Je vous remercie de votre question. Je suis conscient qu'il s'agit là d'un changement et qu'il y a, en la matière, tout un passé. Mais il convient également de savoir que, dans la grande majorité des comités sénatoriaux, le vice-président ne siège pas au bout de la table. Enfin, en tant que président du comité, je dois dire que c'est ce que je préfère.

Le sénateur Tkachuk : J'ai été vice-président de ce comité pendant sept ou huit ans et je ne siégeais pas alors au bout de la table. Il n'en allait autrement que lorsque les deux membres s'entendaient sur ce point. Ce n'était pas le cas lorsque le sénateur Kirby occupait le fauteuil, et vous ne pouvez par conséquent pas dire qu'il en a toujours été ainsi. Le sénateur Angus et le sénateur Grafstein siégeaient au bout de la table, et je crois pouvoir dire que, pendant un certain temps, il en a été de même du sénateur Kolber et du sénateur Angus, mais la tradition ne va pas plus loin. Je ne suis pas certain qu'il en soit ainsi. La tradition ne l'impose pas, et il faudrait que les deux membres soient d'accord.

Le sénateur Ringuette : Je crois honnêtement pouvoir dire qu'une pratique en ce sens s'est établie au sein du comité. J'estime, en tant que membre du Sénat du Canada et membre de ce comité, qu'il convient, par respect de la tradition, mais aussi par égard pour le public, de voir siéger côte à côte le président et le vice-président. Il est clair que je souhaite, en tant que femme, que le public voie que les sénatrices participent pleinement aux délibérations du comité des banques et que règne au sein de ce comité l'égalité des sexes. Il y a, par ailleurs, la question de la langue.

Voilà ce que je tenais à dire. Qu'est-ce qui se passe? Sommes-nous maintenant soumis à un règne? Je ne suis pas d'accord avec la motion qui a été présentée. Monsieur le président, si c'est ainsi que vous entendez présider les séances du comité, je crois pouvoir dire que nous ne sommes pas au bout de nos problèmes.

Le président : Je vous remercie de vos observations.

Le sénateur Moore : Je trouve curieux que la présidence propose une telle motion, et je me demande s'il n'y aurait pas lieu de réfléchir plus avant à la question.

Le président : Sénateur Moore, j'y ai réfléchi.

Le sénateur Moore : Je ne souhaite pas, dès le départ...

Le président : Moi non plus, mais, malheureusement, c'est là que nous en sommes.

Le sénateur Moore : Selon vous, et c'est regrettable.

Le président : Je vous remercie. Y a-t-il d'autres observations, ou d'autres questions?

Le sénateur Hervieux-Payette : J'aurais une observation à faire. La question ne se poserait pas s'il s'agissait du sénateur Meighen, puisqu'il est bilingue, mais je ne pense pas que le sénateur Gerstein soit à même de répondre aux questions des médias francophones au sujet de nos dossiers. Je suis une sénateur du Québec et, au sein du comité, ce partenariat a toujours existé. Je siège ici depuis 17 ans, et la partisanerie n'a jamais eu de place. Il me paraît déplacé qu'un monsieur de Toronto prétende m'exclure, car j'ai toujours bien travaillé en collaboration avec le sénateur Meighen. Si la situation avait soulevé des difficultés, je comprendrais fort bien ce que vous souhaitez faire, mais je ne pense pas que le sénateur Meighen ait eu beaucoup à se plaindre de moi. Sur le plan de la communication, j'estime le français très important.

[Français]

Je pense qu'il est important d'avoir une personne qui puisse répondre à des questions dans la langue des gens du Québec. Nous parlons du quart de la population canadienne. Cela a pris 150 ans avant qu'une femme soit vice- présidente. Je suis la seule femme qui siège à ce comité depuis 17 ans. Ce n'est pas comme si je n'avais pas les compétences nécessairse.

Monsieur le président, je vous demanderais de réfléchir à cette question. Je pense qu'on doit travailler de façon objective au Comité sénatorial permanent des banques et du commerce. C'est l'avenir du pays qui est en jeu. Nos sujets sont extrêmement importants, que ce soit sur l'innovation ou autre, je ne pense pas que la partisannerie doit intervenir. Je ne pense pas que ce devrait être une décision unilatérale. C'est une décision de groupe. Comme j'ai voté en votre faveur il y a quelques minutes, respectant la volonté de votre parti de vous avoir comme président, je pense que vous pouvez demander à mes collègues s'ils sont d'accord pour que je continue à siéger à vos côtés pour la raison très simple que c'est de cette façon qu'on a toujours travaillé, en collaboration.

[Traduction]

Le sénateur Stewart Olsen : Je comprends fort bien les arguments avancés de part et d'autre, et je respecte les opinions de chacun. Il ne s'agit aucunement, d'après moi, de remplacer les vice-présidents, mais il me semble juste aussi que le président puisse organiser les travaux du comité comme bon lui semble.

Nous devrions, selon moi, permettre au président — non « permettre », n'est pas le mot juste, puisqu'il est président. D'après moi, nous devrions poursuivre nos travaux. Nous avons invité des témoins. Je pense que le seul souci est de veiller au bon déroulement de nos délibérations. Cela dit, nous devrions poursuivre nos travaux.

Le président : Je vous remercie. Quelqu'un d'autre a-t-il des questions à poser ou des observations à faire?

Je vais donc mettre la motion aux voix : tous ceux qui sont pour? Tous ceux qui sont contre? Je vous remercie. La motion est adoptée.

J'invite nos témoins à prendre place autour de la table.

Chers collègues, nous poursuivons donc l'examen parlementaire quinquennal de la Loi sur le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes. C'est le deuxième examen parlementaire de la loi depuis son adoption en 2000.

Jeudi dernier, nous avons accueilli des représentants du ministère des Finances, qui nous ont présenté un exposé sur les dispositions de cette loi ainsi que sur les consultations actuellement menées par le gouvernement sur la question. Cette semaine, nous allons accueillir des représentants d'autres ministères et de divers organismes qui concourent à l'application de la loi.

Nous avons aujourd'hui le plaisir de recevoir les représentants des organismes du portefeuille de la sécurité publique. Nous accueillons le directeur général des opérations de la sécurité nationale du ministère de la Sécurité publique, M. Michael MacDonald — à ne pas confondre avec le sénateur MacDonald, qui est assis à ma droite. Nous recevons aussi, de la GRC, le surintendant Jeff Adam, directeur du Programme des produits de la criminalité, de l'Agence des services frontaliers du Canada, Maria Romeo, directrice, Division des programmes frontaliers améliorés, Direction des programmes frontaliers, Direction générale des programmes, ainsi que du Service canadien du renseignement de sécurité, Allison Merrick, directrice générale DED, c'est-à-dire Découverte et exploitation des données.

Je crois savoir que divers collaborateurs de ces organismes se trouvent à la tribune, prêts à apporter, en cas de besoin, des compléments d'information. monsieur MacDonald, vous avez la parole.

Michael MacDonald, directeur général, Direction générale des opérations de la sécurité nationale, Sécurité publique Canada : Merci. Monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du comité, je vous remercie de m'avoir invité à vous parler aujourd'hui des activités que nous menons en application de la Loi sur le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes. Je m'appelle Michael MacDonald et je suis, effectivement, le directeur général des Opérations de la sécurité nationale à Sécurité publique Canada. Je suis accompagné de mon collègue, Yves Legeurrier, directeur de la Division des crimes graves et du crime organisé à Sécurité publique Canada. Il se trouve à la tribune. Ainsi que vous pouvez le voir, se sont aussi joints à moi le surintendant Jeff Adam, qui vous a été présenté, ainsi que Maria Romeo, et, bien sûr, Mme Merrick.

[Français]

Sécurité publique Canada et le portefeuille de la sécurité publique travaillent fort afin que le régime de lutte au blanchiment des capitaux et au financement des activités terroristes soit aussi englobant et étanche que possible. À notre avis, le régime réussit à décourager la criminalité et accroît la sécurité de tous les Canadiens et l'intégrité du système financier du Canada.

La Loi sur le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes de même que le Centre d'analyse des opérations et déclarations financières du Canada, le CANAFE, constituent des éléments cruciaux du régime. Ensemble, ils assurent qu'une information de qualité est fournie aux organismes d'application de la loi et aux services de renseignement qui, eux, aident le portefeuille de la Sécurité publique et ses partenaires à lutter contre le crime organisé et le terrorisme.

[Traduction]

En application de la Loi sur le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes, les organismes relevant du portefeuille de la Sécurité publique peuvent eux-mêmes informer le CANAFE pour aider à détecter et à contrer le blanchiment d'argent et le financement d'activités terroristes. Par ailleurs, la loi autorise le CANAFE à divulguer de l'information pertinente au SCRS, à l'ASFC et aux organismes d'application de la loi, lorsque certains critères sont remplis.

D'une manière générale, on peut dire que Sécurité publique Canada et le portefeuille de la Sécurité publique coordonnent et répartissent leurs activités de manière à contrer le financement du terrorisme et le blanchiment d'argent. Ce mode de fonctionnement s'adapte aux caractéristiques, aux motifs et aux objectifs particuliers de chaque activité, mais s'harmonise aussi avec les activités internationales du Groupe d'action financière (GAFI), du G8, de l'Organisation des États américains et, bien sûr, d'organismes régionaux semblables au GAFI.

Permettez-moi de vous entretenir un peu de nos principaux efforts en matière de lutte contre le financement du terrorisme. Le Canada a ratifié, peu après les événements du 11 septembre 2001, la Convention internationale pour la répression du financement du terrorisme des Nations Unies. Cette convention porte sur le gel des actifs détenus par les terroristes et la criminalisation du financement du terrorisme. La Loi sur le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes aide le Canada à s'acquitter des obligations qui lui incombent en vertu de cette convention.

En ce qui concerne l'identification des entités terroristes et la mesure importante que constitue le gel des actifs de telles entités, le Canada a adopté et met en œuvre trois mécanismes complémentaires d'inscription de ces entités sur des listes, dans le but général de contribuer à empêcher les terroristes de tirer parti du système financier mondial aux fins de leurs activités terroristes. Ces mécanismes sont le Règlement d'application des résolutions des Nations Unies sur la lutte contre le terrorisme, le Règlement d'application des résolutions des Nations Unies sur Al-Qaïda et le Taliban, et le Code criminel du Canada.

Sécurité publique Canada est chargée de gérer le mécanisme d'inscription que prévoit le Code criminel. En application de l'article 83.05 de celui-ci, le ministre de la Sécurité publique peut recommander au gouverneur en conseil que les groupes et personnes qui répondent aux critères énoncés dans le Code criminel soient ajoutés à la liste des entités terroristes.

L'inscription d'une telle entité constitue une déclaration publique très forte qui entraîne de sérieuses conséquences. Les banques et les institutions financières doivent geler tous les actifs d'une entité terroriste inscrite. L'inscription a aussi pour effet d'empêcher toute personne au Canada ainsi que tout Canadien à l'étranger d'effectuer sciemment une transaction relative à ces actifs. Toute personne au Canada et tout Canadien à l'étranger doivent signaler à la GRC et au SCRS l'existence d'actifs dont ils ont la possession ou le contrôle, lorsqu'ils savent que ceux-ci appartiennent à un groupe terroriste ou sont contrôlés par un groupe terroriste ou pour son compte. De plus, en application de la Loi sur le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes, les entités qui effectuent un tel signalement sont tenues de produire au CANAFE une déclaration de biens appartenant à un groupe terroriste.

[Français]

La Loi antiterroriste de 2001 a également eu pour effet de mettre en vigueur la Loi sur l'enregistrement des organisme de bienfaisance (renseignement de sécurité), qui donnait suite à l'engagement canadien de participer aux efforts internationaux visant à empêcher les personnes se livrant à des activités terroristes de recevoir du soutien, à protéger l'intégrité du système d'enregistrement des organismes de bienfaisance prévue dans la Loi de l'impôt sur le revenu et à maintenir la confiance des contribuables canadiens soutenant que seuls peuvent s'enregistrer les organismes oeuvrant exclusivement à des fins de bienfaisance.

Sécurité publique Canada et le portefeuille de la Sécurité publique, en collaboration avec leurs collègues de l'Agence de revenu du Canada gèrent leurs activités de manière à empêcher tout abus du système d'enregistrement des organismes de bienfaisance. Le CANAFE contribue à ces efforts en divulguant à l'ARC toute information pertinente pour ce système d'enregistrement où certains seuils sont été atteints.

[Traduction]

En ce qui a trait au crime organisé, je dois signaler que le rôle du ministère concerne avant tout l'élaboration et la coordination de politiques. Notre travail est orienté par le Programme national de lutte contre le crime organisé, qui a été élaboré et approuvé par les ministres de la Justice fédéraux-provinciaux-territoriaux, ainsi que par des partenaires d'application de la loi responsables de questions de justice. Par l'entremise du Comité national de coordination sur le crime organisé FPT, les fonctionnaires fédéraux, provinciaux et territoriaux, les procureurs et les représentants des divers organismes chargés de l'application de la loi s'emploient à élaborer des stratégies et des politiques unifiées correspondant aux grandes priorités de la lutte contre le crime organisé.

Vous trouverez peut-être intéressant d'apprendre que le Programme national a fait du blanchiment d'argent une question prioritaire. En effet, c'est en blanchissant de l'argent que les trafiquants de drogue, les fraudeurs, les marchands d'armes et d'autres criminels appartenant ou non au crime organisé sont en mesure d'opérer et d'étendre leurs empires criminels et, de manière générale, tirer parti des profits de leurs activités criminelles. En suivant la piste de l'argent, les organismes d'application de la loi parviennent à identifier, à perturber et à démanteler les groupes du crime organisé et, ce faisant, à atténuer les dommages les plus graves causés à notre société. Il s'agit là d'un instrument fondamental pour nous.

Un autre volet clé de nos activités consiste à reconnaître que nous avons besoin d'un partenariat solide entre le CANAFE et les organismes d'application de la loi et, dans le respect de la loi, d'un échange rapide de l'information nécessaire aux enquêtes concernant l'application de la loi et permettant une rétroaction au CANAFE pour confirmer la validité de ses renseignements. Le SCRS échange lui aussi de l'information avec ses partenaires du Régime pour faire progresser ses propres enquêtes et les activités prévues dans son mandat, lorsqu'il y a lieu. Le SCRS tire également profit de l'échange d'information, particulièrement avec le CANAFE. Grâce au Régime, le CANAFE peut fournir proactivement au SCRS des renseignements financiers, s'il estime qu'ils concernent le mandat de ce dernier. Ces renseignements peuvent être extrêmement précieux pour le travail du SCRS.

[Français]

Sécurité publique Canada et le portefeuille de la Sécurité publique sont conscients que la lutte au financement des activités terroristes et au blanchiment d'argent nécessite une coordination et une collaboration. Ils font tout pour agir en chef de file à cet égard.

[Traduction]

Nous reconnaissons donc l'importance d'examiner régulièrement le Régime pour contrer les nouveaux risques auxquels fait face notre pays et pour maintenir le leadership canadien dans la lutte contre le blanchiment d'argent et le financement des activités terroristes. Nous sommes totalement favorables à un examen de la Loi sur le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes et aux activités qui nous assurent que le Régime observe des normes nationales élevées, particulièrement en ce qui concerne l'équilibre entre la nécessité de protéger les renseignements personnels de nos concitoyens et les exigences propres à l'application de la loi, qu'il répond aux besoins en matière d'application de la loi en exigeant que les déclarations au CANAFE contiennent des renseignements plus détaillés et, troisièmement, qu'il demeure en harmonie avec les normes et les orientations internationales.

[Français]

Je vous remercie de m'avoir donné l'occasion de m'adresser à vous aujourd'hui.

[Traduction]

Nous nous ferons, mes collègues et moi, un plaisir de répondre à vos questions

Le président : Je vous remercie de votre exposé.

Y a-t-il parmi vos collègues quelqu'un qui souhaite également présenter un exposé?

M. MacDonald : Non, je pense que nous allons nous en tenir à cela.

Le président : Est-ce que tout passe par vous, en tant que directeur général des opérations de la sécurité nationale? Pourriez-vous, de manière générale, expliquer au comité comment cela se passe? Le CANAFE est-il, en quelque sorte, le point de départ du processus? Est-ce que le CANAFE vous transmet les renseignements qu'il recueille pour que vous les diffusiez aux divers organismes intéressés?

M. MacDonald : Le CANAFE transmet directement l'information aux divers organismes. Mes collègues seront, mieux que moi, en mesure de vous dire de quels renseignements il s'agit.

Dans le cadre du régime actuel, le portefeuille de la sécurité publique a essentiellement pour tâche d'assister le ministre pour ce qui touche à l'inscription des entités terroristes en application de l'article 83.05 du Code criminel. Je gère ce programme d'inscription pour le compte du ministre de sorte qu'il soit en mesure de recommander au gouverneur en conseil la désignation des groupes devant être inscrits sur la liste des entités terroristes. J'assure la coordination du programme. Il nous appartient en outre de préparer pour le ministre des conseils sur les politiques et les programmes qu'il utilisera pour proposer à ses collègues des modifications législatives et administratives aux mesures de lutte contre le crime organisé.

Le président : Je vous remercie de cette précision.

Le sénateur Ringuette : Nous sommes en présence de quatre organisations différentes. Pourriez-vous nous indiquer le nombre d'employés qui, dans chacune de ces organisations, travaillent à ce régime? Quel est le coût de ces activités? Combien de cas de blanchiment d'argent et de financement d'organismes terroristes avez-vous décelés au cours des cinq dernières années? Vous nous avez dit que vous jouez un rôle majeur dans l'élaboration de la liste des entités terroristes. Cette liste est-elle publique ou privée? Si elle est publique, les membres du comité pourraient-ils en obtenir une copie?

M. MacDonald : Je suis en mesure de répondre à la plupart des questions que vous venez de poser, et je répondrai plus précisément à la dernière.

Pour ce qui est du mécanisme d'inscription sur la liste des entités terroristes, le portefeuille de la sécurité publique exerce ses activités sans bénéficier pour cela de crédits particuliers. Il n'a en effet aucun employé, et son fonctionnement n'entraîne aucun coût.

M. MacDonald : Certains de nos employés sont affectés au régime, mais nous n'obtenons pas de crédits budgétaires pour cela. Mon travail de coordination lié au financement des organismes terroristes et à leur inscription fait simplement partie de mes fonctions régulières. Je précise toutefois que les ressources que je consacre à ces tâches se situent entre deux et demie et trois années-personne.

En ce qui concerne le nombre de cas de blanchiment d'argent et de financement d'organismes terroristes, mes collègues du portefeuille seront mieux à même que moi de vous répondre. Avant de venir aujourd'hui, j'ai quand même demandé qu'on vérifie le montant des sommes actuellement gelées au Canada au titre des trois régimes d'inscription. Un peu plus de 200 000 $ sont actuellement gelés dans des comptes bancaires en raison d'une inscription sur la liste des organismes terroristes. Nous pourrons d'ailleurs reparler de cela tout à l'heure si vous le souhaitez. C'est le chiffre actuel. Nous inscrivons des entités terroristes depuis les événements du 11 septembre, c'est-à-dire depuis maintenant bon nombre d'années.

En ce qui concerne l'inscription sur la liste établie au titre de l'article 83.05 du Code criminel, il s'agit effectivement d'une liste publique qui est d'ailleurs publiée sur le site Internet de Sécurité publique Canada. Lorsque le gouverneur en conseil et le gouvernement décident de l'inscription de telle ou telle entité, le nom de celle-ci est transmis à nos collègues de pays alliés, ce qui permet, par une collaboration internationale, de geler les avoirs d'entités terroristes dans plusieurs pays en même temps. L'inscription fait naturellement l'objet d'un avis publié dans un numéro spécial de la Gazette du Canada. L'avis est en outre affiché sur le site Internet du BCP, sur celui des Affaires étrangères et, bien entendu, sur le nôtre. Nous sommes en mesure de vous en fournir cette liste. Quarante-quatre entités figurent actuellement sur la liste dressée en application du Code criminel.

J'ajoute que, comme le prévoit la loi, la liste établie au titre du Code criminel fait, tous les deux ans, l'objet d'un examen. Il s'agit là d'une procédure qui s'ajoute à la procédure d'inscription en vertu d'une décision du gouverneur en conseil. Après examen, la liste est à nouveau publiée dans un numéro spécial de la Gazette du Canada, des communiqués de presse sont diffusés, et les sites Internet sont mis à jour en conséquence. C'est dire que la liste est continuellement mise à jour. Je vais maintenant demander à l'ASFC de répondre aux trois autres points.

Maria Romeo, directrice, Division des nouveaux enjeux liés aux programmes frontaliers, Direction des programmes frontaliers, Direction générale des programmes, Agence des services frontaliers du Canada : Je peux dire, en ce qui concerne l'Agence des services frontaliers du Canada, qu'au cours des cinq dernières années, nous avons, depuis 2000, consacré 82 millions de dollars aux mesures d'application de la Loi sur le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes.

Le sénateur Ringuette : Vous avez bien dit 82 millions de dollars?

Mme Romeo : Oui, c'est exact. Cela donne, une moyenne d'environ 8 millions de dollars par an. En ce moment, le coût est d'environ 5 millions de dollars par an. Nous menons, sur ce plan, diverses activités. C'est bien depuis 2000. Excusez-moi, le chiffre que je vous ai donné concerne les 10 dernières années.

Nous menons donc diverses activités en vue de l'application de cette loi. Nous sommes notamment chargés de la déclaration des espèces et effets à la frontière, c'est-à-dire de l'application des dispositions de la partie 2 de la loi. Les agents des services frontaliers recueillent les déclarations volontaires des espèces et des effets qui franchissent la frontière. Nous avons reçu, au cours des cinq dernières années, environ 30 000 rapports et, au cours de la même période de cinq ans, nous avons effectué environ 10 000 saisies de sommes d'argent. Sur ces 10 000 saisies, 700 environ concernent ce que nous soupçonnons d'être des produits de la criminalité.

Le sénateur Ringuette : Ce sont des soupçons?

Mme Romeo : Oui, nous soupçonnons qu'il s'agit de produits de la criminalité. Au cours de cette période de cinq ans, nous avons saisi environ 200 millions de dollars. Sur les 10 000 saisies opérées au cours des cinq années, 700 concernent ce que nous soupçonnons être des produits de la criminalité et, au cours des cinq mêmes années, nous avons saisi environ 200 millions de dollars.

Le sénateur Massicotte : De ces montants, quelles sont les sommes qui ont été ultérieurement rendues?

Mme Romeo : Je vais devoir, sur ce point, vous obtenir les chiffres précis.

Le sénateur Ringuette : Les affaires liées aux 700 saisies de sommes dont on présumait l'origine criminelle ont-elles encore cours? Les soupçons ont-ils été confirmés ou écartés?

Mme Romeo : Lorsque je parle de produits présumés de la criminalité, je dois préciser qu'aux termes de la loi on distingue quatre niveaux de saisie. Les niveaux 1, 2 et 3 concernent des activités non déclarées. L'ASFC est chargée d'appliquer la loi et d'en faire respecter les dispositions, mais aussi de déceler les infractions. En ce qui concerne les trois premiers niveaux, l'argent est saisi et rendu après paiement d'une pénalité. Le dernier niveau de saisi concerne certaines...

Le sénateur Ringuette : Vous parlez là de sommes de plus de 10 000 $ qui n'auraient pas été déclarées à la frontière?

Mme Romeo : C'est cela. Il s'agit de sommes qui n'ont pas été déclarées lors du franchissement de la frontière. Pour ce qui est des 700 saisies de niveau 4, il existe des motifs raisonnables de soupçonner qu'il s'agit soit de produits de la criminalité, soit de sommes destinées au financement d'activités terroristes. Autre condition : les sommes en question auraient été dissimulées d'une manière ou d'une autre et n'auraient pas été déclarées à la frontière.

Le sénateur Ringuette : Ce sont donc des saisies de niveau 4.

Mme Romeo : C'est exact.

Le sénateur Ringuette : Donc, vous avez réalisé 700 saisies de niveau 4 en raison de sommes ayant éveillé vos soupçons?

Mme Romeo : C'est exact.

Le sénateur Ringuette : Et que faites-vous alors?

Mme Romeo : Le produit est...

Le sénateur Ringuette : Non, non. Que faites-vous ensuite? Je ne parle pas des sommes en question. Je cherche à comprendre comment cela se passe. Portez-vous des accusations contre les 700 personnes soupçonnées? Comment procédez-vous?

Mme Romeo : L'ASFC applique les sanctions pécuniaires civiles prévues dans le cadre du régime. En ce qui concerne les poursuites contre les personnes suspectées, le dossier est transmis à nos collègues de la GRC qui se chargent d'engager des poursuites en vertu des dispositions du Code criminel.

Le sénateur Ringuette : Nous passons donc à la GRC. Vous nous avez dit qu'en moyenne, tout cela coûte environ 8 millions de dollars par an. Quel est le nombre d'années-personnes consacrées à ces tâches? Sans doute n'est-il pas aisé de répondre à cette question, étant donné que les agents...

Mme Romeo : Ils ne sont pas tous rémunérés au même taux.

Le président : Monsieur le surintendant, voudriez-vous nous en dire un peu plus à ce sujet?

Surintendant Jeff Adam, directeur du Programme des produits de la criminalité, Gendarmerie royale du Canada : Volontiers. Sur une période de cinq ans, environ 90 membres de la GRC sont rémunérés au titre des activités menées dans le cadre de ce régime. C'est-à-dire 45 pour ce qui est du blanchiment d'argent, et 45 pour le financement des activités terroristes. D'autres membres de nos services sont affectés à ces tâches, mais sans être rémunérés au titre du régime. C'est ainsi que les services de lutte contre le blanchiment d'argent sont en outre chargés d'enquêter sur les opérations douteuses relevées par le CANAFE. Le dossier est alors transmis à l'UMPC, l'Unité mixte de contrôle des produits de la criminalité, qui se charge d'engager des poursuites au pénal. Cela fonctionne comme un multiplicateur de force pour les services chargés de la répression du blanchiment d'argent qui procèdent à une enquête avant de transmettre le dossier à l'UMPC, chargée de faire aboutir les poursuites. Cela veut dire que le nombre de personnes engagées dans cette tâche dépasse les 43 personnes affectées plus particulièrement aux affaires de blanchiment d'argent.

En ce qui concerne le nombre d'affaires traitées, je peux vous dire qu'au cours des cinq dernières années, les renseignements communiqués par le CANAFE ont donné lieu à l'ouverture d'environ 1 000 dossiers de blanchiment d'argent. Il s'agit là aussi bien de renseignements que nous avons demandés que de renseignements qui nous ont été transmis dans des affaires où le CANAFE pouvait raisonnablement soupçonner qu'il s'agissait de blanchiment d'argent ou de financement d'activités terroristes.

On peut dire sans exagérer que ceux qui se livrent à une activité criminelle dans un but lucratif vont devoir se livrer à une quelconque forme de blanchiment d'argent pour conserver les biens mal acquis. Il n'est donc pas possible de citer un nombre précis en ce qui concerne les cas de blanchiment d'argent, mais je suis en mesure de vous indiquer le nombre de dossiers que nous avons ouverts à la suite de renseignements transmis par le CANAFE.

Le sénateur Massicotte : Ce projet de loi et le projet de loi initialement adopté concernent bien sûr la lutte contre le terrorisme et autres activités criminelles. Je voudrais parler un peu du crime organisé, car je pense que les chiffres en cause sont bien supérieurs à ceux qui concernent le terrorisme. Le terrorisme est bien réel, mais son ampleur est moindre.

Il y a sept ou huit ans, la GRC nous a dit combien il était important de contrer le crime organisé. Il est clair que, dans la mesure où ce phénomène a pour effet de saper l'intégrité de notre commerce et de nuire à la confiance, il pose un risque pour l'ensemble de notre économie. Sans citer tel ou tel pays de manière précise, nous savons que c'est effectivement le cas. Ce phénomène affecte notre développement et le bien-être de nos citoyens et nuit à leur sécurité. J'ai été épouvanté d'apprendre l'ampleur de l'activité criminelle au Canada, lors de la séance où nous avons reçu des représentants de la GRC.

Je vais un peu exagérer mon propos afin de susciter une réaction de votre part. J'ai l'impression, sept ans plus tard, que le phénomène demeure considérable. J'ai l'impression que vous n'avez pas tellement prise sur l'activité criminelle qui s'exerce dans notre pays. En tant qu'homme d'affaires, j'ai constaté l'existence de nombreux magasins où l'on ne voit jamais le moindre client. Je suis ainsi porté à me demander d'où vient l'argent. D'après moi, nous passons un peu à côté du problème. Il y a sept ans, lors de la séance au cours de laquelle les parlementaires ont accueilli des représentants de la GRC, ceux-ci nous ont dit, qu'il leur fallait davantage de crédits, qu'ils en avaient besoin pour mener une action plus efficace. Je pense pouvoir dire que votre budget n'a pas beaucoup augmenté et que, la plupart du temps, les criminels ne se font prendre que lorsqu'ils se rendent aux États-Unis. C'est là qu'ils sont condamnés et purgent leur peine d'emprisonnement, et non au Canada.

Quel est le problème? Le problème est bien réel, et nous ne faisons que l'effleurer, sans vraiment le régler. Qu'en pensez-vous?

M. Adam : Il y a bien des aspects de la question. Le crime organisé pose effectivement au Canada un problème considérable. Cela ne fait aucun doute. Nous faisons ce que nous pouvons compte tenu des ressources dont nous disposons. Nous classons les affaires par ordre de priorité, et nous nous attaquons à celles qui présentent les plus grands risques, selon les renseignements qui nous sont fournis et les menaces qui nous sont signalées. J'insiste sur le fait que les organisations criminelles s'attachent essentiellement à gagner de l'argent; la question du blanchiment se pose donc toujours compte tenu de leurs gains illicites. Je ne peux rien vous dire au sujet des magasins sans clientèle, mais nous sommes conscients du problème.

Le sénateur Massicotte : Je cherche à être rassuré, car je ne pense pas que nous touchions au but. Je ne dispose pas de données objectives, mais j'ai l'impression que nous ne faisons qu'effleurer le problème. Il nous faut affecter à cette tâche davantage de ressources, de plus nombreuses compétences. Le crime organisé a les moyens d'attirer les compétences nécessaires; il suffit, à cet égard, de voir ce qui se passe dans le commerce électronique. Tous, nous recevons des tas de courriels, et nous allons continuer à en recevoir. Quelle serait la solution? Comment parvenir au but? Quels moyens vous faudrait-il pour que vous puissiez dire que nous nous attaquons effectivement au problème?

M. Adam : Nous ne pouvons employer que les outils dont nous disposons. C'est là une question qui n'est pas de mon domaine. Nous nous attaquons aux menaces les plus graves que nous avons les moyens de combattre, selon les renseignements dont nous disposons sur l'activité des organisations criminelles au Canada. Nous faisons tout ce que nous pouvons avec les moyens mis à notre disposition.

Le sénateur Massicotte : Je n'en doute pas, mais je ne suis pas sûr que cela suffise.

Pour des raisons d'ordre constitutionnel, cette loi ne s'applique pas à la profession juridique, par exemple. Cela vous crée-t-il des difficultés? Selon des articles parus dans la presse, des renseignements et de l'argent servant à des activités criminelles sont acheminés par l'intermédiaire de certains notaires et avocats québécois. Je suis certain que ce genre de cas est rare, mais la non-application des dispositions de cette loi constitue-t-elle un problème?

M. Adam : La justice se penche actuellement sur la question, et nous allons devoir attendre que la Cour suprême se prononce.

Le sénateur Massicotte : Je n'évoquais pas l'aspect juridique du problème, c'est-à-dire de la question de savoir si cela se justifie. Vous serait-il utile de pouvoir disposer d'un tel outil?

M. Adam : Si nous disposions de cet outil, nous l'emploierions, en fonction des priorités que nous avons établies.

Le sénateur Massicotte : À combien s'élevait, il y a cinq ans, le budget que la GRC affecte à la lutte contre la criminalité, et à combien s'élève actuellement le budget? Pourriez-vous nous préciser les chiffres?

M. Adam : Je n'en suis pas certain.

Le sénateur Massicotte : Quelle est l'enveloppe budgétaire? Combien de millions de dollars avez-vous affectés à l'unité spécialement chargée de lutter contre les organisations criminelles? À combien s'élève le budget que vous consacrez à cette activité? À combien s'élevait-il il y a cinq ou sept ans, et à combien s'élève-t-il aujourd'hui? A-t-il beaucoup augmenté compte tenu de l'inflation?

M. Adam : En ce qui concerne particulièrement la lutte contre le blanchiment d'argent?

Le sénateur Massicotte : En ce qui concerne l'ensemble des activités criminelles, y compris le blanchiment d'argent.

M. Adam : L'ensemble des activités criminelles?

Le sénateur Massicotte : Uniquement le blanchiment d'argent.

Le sénateur Hervieux-Payette : Il est comptable.

M. Adam : En ce qui concerne le blanchiment d'argent, le budget est de 5 millions de dollars par an.

Le sénateur Massicotte : C'est tout?

Le président : J'aimerais maintenant revenir à l'excellente question que le sénateur Ringuette a posée au sujet des ressources affectées dans le cadre du régime, et du niveau des activités déployées. Je n'ai pas donné la parole à Mme Merrick, du SCRS. Peut-être pourrions-nous obtenir une réponse de votre part, avant de passer à la question suivante.

Allison Merrick, directrice générale, DED (Découverte et exploitation des données), Service canadien du renseignement de sécurité : Bien entendu. D'une manière générale, le service ne donne pas de détails concernant les ressources dont il dispose, mais je peux dire au comité que les ressources mises à sa disposition lui permettent de contribuer adéquatement à l'application du régime. La direction générale à laquelle j'appartiens englobe le service d'analyse financière, domaine spécialisé qui aide les directions opérationnelles à décider de l'emploi qu'il convient de faire des renseignements financiers qui nous sont transmis par nos partenaires au sein du régime.

Le sénateur L. Smith : Dans le cadre de cet examen quinquennal, quels étaient vos objectifs par rapport à ce qu'ils étaient il y a cinq ans, hormis le maintien de normes de service élevées en réponse aux besoins des organismes d'application de la loi? Qu'espériez-vous de cet examen? De quelles tendances pouvez-vous faire état? Qu'avez-vous appris de l'analyse des renseignements recueillis dans le cadre de vos diverses activités, et qui nous permettrait de mieux comprendre ce qui se passe au niveau du blanchiment d'argent et du financement des activités terroristes? Où en sommes-nous à cet égard? Le public canadien aimerait, j'en suis certain, obtenir tout renseignement qu'il vous serait possible de livrer. Est-ce une question que l'on peut logiquement poser?

M. MacDonald : Oui, tout à fait. Permettez-moi d'évoquer d'abord l'aspect stratégique du problème, et de passer ensuite aux activités du portefeuille.

C'est lié à la question que le sénateur a posée avant cela, ainsi qu'à la situation évoquée par le sénateur Massicotte. Je vais répondre aux deux en même temps. Il est clair qu'au sein du portefeuille de la Sécurité publique, qui a pour mission de veiller à la sécurité des Canadiens, nous nous penchons avec le plus grand sérieux sur tout ce qui pose un risque au niveau de la sécurité, de l'intégrité de nos frontières, et de tout ce qui porte atteinte à la confiance en notre économie. En tant que responsable de portefeuille, dans le cadre de tout examen, qu'il s'agisse de l'examen décennal du régime, qui vient d'avoir lieu et qui va maintenant être soumis au Conseil du Trésor, ou de la rédaction du document de consultation qui vous a été remis, ou de l'examen législatif quinquennal, nous nous attachons à déceler les tendances qui se manifestent. Quelles sont les constatations de nos homologues à l'étranger? A-t-on décelé de nouveaux moyens d'opérer des transferts d'argent, des nouveaux moyens de blanchiment ou de financement des activités terroristes? A-t- on décelé, dans tel ou tel pays ou région du monde, de nouvelles activités? Quels sont les flux financiers qui se produisent? Quels sont les liens entre les personnes et entités se livrant à de telles activités? Qu'est-ce qui se fait par voie électronique? Nous nous penchons sur l'ensemble de ces phénomènes et c'est ce que nous faisons actuellement alors que nous procédons à l'examen du régime applicable. De nombreuses questions se posent en ce qui concerne notre frontière et son intégrité. Qu'est-ce qui franchit, par divers moyens, nos frontières aux points d'entrée? Il s'agit là pour nous d'une activité continue. Notre but est constamment de situer où se posent des problèmes et d'essayer de trouver des solutions, qu'elles soient législatives, réglementaires ou administratives. Nous devons améliorer notre façon de travailler au sein du portefeuille, ainsi que notre façon de travailler avec nos partenaires. C'est ce que nous faisons sur le plan stratégique.

En ce qui concerne l'analyse, la semaine dernière, lors de leur comparution devant le comité, Diane Lafleur et les autres représentants du ministère des Finances ont évoqué certaines des nouvelles tendances qu'ils ont pu déceler, ainsi que les constatations auxquelles est parvenu le Groupe d'action financière internationale, organisme international normatif. Nous faisons partie de ce groupe et, trois fois par an, aux côtés d'organismes régionaux, nous prenons part à ses réunions. Nous contribuons aux débats. Nous nous informons de ce qui se passe au niveau international, dans la mesure où ces nouvelles tendances se manifestent ici, et nous réfléchissons aux moyens de les contrecarrer. Disons, de manière générale, que nous tentons de nous attaquer à tout ce qui va à l'encontre de notre régime de lutte contre l'activité criminelle.

Je vais maintenant demander à mes collègues de répondre aux deux autres volets de votre question.

Le sénateur L. Smith : Nous voudrions avoir une idée, outre le pourcentage, du nombre d'affaires dont vous vous occupez. Avez-vous constaté que certains pays, plus que d'autres, sont à l'origine de ce genre d'affaires? En pareil cas, multipliez-vous les contacts avec les autorités des pays en question pour trouver les moyens de prévenir ou de contrer ce type d'activité? Sans trop livrer de détails, y a-t-il certains renseignements que vous pourriez nous donner?

M. Adam : Outre sa participation au Groupe d'action financière internationale, la GRC fait également partie d'une alliance stratégique appelée « Five Eyes ». Il s'agit des principaux services de police de cinq pays. Le Royaume-Uni y est représenté par le SOCA; le Canada, par la GRC et les États-Unis, par l'ICE, Homeland Security, le FBI et la DEA. L'Australie est représentée par la police fédérale australienne et la Nouvelle-Zélande, par la police nationale de Nouvelle-Zélande. Nous échangeons des renseignements sur les tendances qui émergent dans ces pays et sur les divers types d'activités décelées, et nous collaborons de manière proactive afin de trouver les moyens de réagir aux divers phénomènes qui se manifestent selon les incidences qu'ils peuvent avoir sur le Canada ou sur les autres pays membres du groupe.

Le sénateur L. Smith : Peut-on préciser en gros quelle est la principale tendance constatée au cours des cinq dernières années? Les journaux font état de l'assassinat de citoyens canadiens au Mexique, ainsi que du trafic de stupéfiants au Mexique. Pensez-vous que certains de ces phénomènes vont atteindre notre pays? Il est important, je pense, que nos citoyens soient informés des dangers qui se présentent, quels qu'ils soient.

M. Adam : Nous nous penchons en particulier sur les dangers qui accompagnent les nouvelles technologies. Nous constatons une augmentation du nombre de cartes de crédit prépayées et de cartes-cadeau. Nous nous penchons également sur le problème que posent les téléphones mobiles capables de servir de moyen de paiement, et permettant d'effectuer des transferts d'argent d'un téléphone à l'autre. Nous étudions les nouvelles tendances du crime organisé. Dès que nous nous attaquons à un domaine d'activité donné, le crime organisé, comme l'eau, a tendance à se répandre, à aller ailleurs. Il s'agit en effet de phénomènes très fluides. Les organismes criminels recherchent toujours le point faible de notre dispositif de lutte. C'est en fonction de cela que nous fixons nos priorités.

Le sénateur Harb : J'aimerais maintenant vous poser quelques questions concernant l'examen décennal du régime de lutte contre le blanchiment d'argent et le financement des activités terroristes. Monsieur MacDonald, avez-vous eu l'occasion de prendre connaissance de ce rapport?

M. MacDonald : Oui.

Le sénateur Harb : Puis-je attirer votre attention sur la recommandation no 5. Puis-je vous demander de vous pencher sur ce qu'elle dit?

M. MacDonald : Permettez-moi de voir si j'ai bien ce rapport.

Le sénateur Harb : Entendu.

Le sénateur Stewart Olsen : Sénateur, pourriez-vous nous en donner lecture?

Le sénateur Harb : Si la présidence le veut bien, ce serait peut-être le bon moyen de procéder. Cette recommandation concerne l'efficacité du régime de lutte. On constate un certain nombre d'améliorations depuis 2008, mais on y évoque aussi les inefficacités qui ont été relevées en ce qui concerne une pleine utilisation des communications proactives du CANAFE, inefficacités qui découlent de la mission confiée aux divers organismes, et qui tiennent peut-être aussi à la répartition des crédits affectés au régime de lutte, et aux restrictions que diverses dispositions législatives et réglementaires imposent aux échanges d'information.

Pourriez-vous nous expliquer le sens que cette recommandation revêt à vos yeux, et la manière dont vous vous attachez à y répondre.

M. MacDonald : Je ne vois pas très bien à quelle page cela se trouve.

Le sénateur Harb : C'est à la page 7, la recommandation no 5, juste sous la conclusion.

M. MacDonald : Le problème, c'est que nous n'avons pas ce document.

Le sénateur Harb : Peut-être puis-je vous le passer.

M. MacDonald : Je vous remercie, sénateur. Je crois que c'est l'unique morceau de papier que je n'ai pas apporté. Excusez-moi.

À vrai dire, je ne suis pas très bien placé pour vous répondre sur ce point.

Le sénateur Harb : Je vous sais gré de votre franchise.

M. MacDonald : Je n'ai pas vraiment réfléchi à cet aspect du problème, ni demandé à mes collaborateurs d'y réfléchir. Je ne tente aucunement d'éviter de répondre, mais y a-t-il quelqu'un qui se soit penché sur la question? Je crois que nous sommes peut-être tous un peu dans la même situation.

M. Adam : Sur certains aspects de la question. En ce qui concerne l'efficacité des mesures entreprises et les communications proactives du CANAFE, je ne suis pas certain qu'il soit question d'une réaction proactive, plutôt que de la réponse à une demande de renseignements. Le CANAFE analyse les données dont il dispose et, que nous ayons ou non demandé tel ou tel renseignement, lorsqu'un certain nombre de conditions sont réunies, cet organisme va nous transmettre des renseignements nous permettant, par exemple, de procéder à une enquête pénale dans une affaire de blanchiment d'argent.

Depuis que je m'occupe des produits de la criminalité, c'est-à-dire depuis quatre ans, je dois dire que les capacités du CANAFE ont considérablement mûri. La qualité de ses renseignements est excellente, et l'information et les détails qu'il nous fournit nous sont de la plus grande utilité pour nos enquêtes.

Depuis, nous avons réagi en procédant à une réorganisation des moyens que nous affectons à la lutte contre le blanchiment d'argent afin, justement, d'accorder un traitement prioritaire à ces communications proactives.

Mme Merrick : J'abonde dans le sens de ce que vient de dire mon collègue de la GRC. Je n'ai pas avec moi de notes détaillées concernant l'efficacité des mesures mises en œuvre, mais j'ai participé à l'évaluation décennale et je peux dire, du moins en ce qui concerne les activités du service, que l'efficacité du CANAFE s'est améliorée. Nous entretenons avec cet organisme d'excellents rapports. Je crois pouvoir dire que certaines des inefficacités constatées par le passé ont été corrigées. Le service a conclu avec le CANAFE un protocole d'entente en vertu duquel le CANAFE peut, à sa demande, interroger les répertoires du service, ce que ne prévoyaient pas les protocoles d'entente antérieurs. C'est dire que des mesures ont été prises afin d'améliorer le régime de lutte et les échanges de renseignements réalisés dans le cadre du régime.

Le sénateur Harb : Si j'ai posé la question, c'est parce que le gouvernement envisage de supprimer le seuil actuellement applicable au transfert électronique de fonds d'un pays à un autre. Lorsqu'ils ont comparu devant nous l'autre jour, nous avons interrogé les représentants du ministère des Finances au sujet des chiffres de l'année 2011. Plus de 11 878 508 transferts ont été déclarés. J'imagine qu'il s'agit de transferts de plus de 10 000 $, puisque c'est à partir de cette somme qu'une opération doit être déclarée.

Le CANAFE vous a-t-il indiqué, par exemple, quel sera le nombre d'opérations déclarées si l'on supprime ce seuil de 10 000 $?

M. MacDonald : Le CANAFE ne nous en a pas parlé, mais hier, justement, je me suis entretenu avec le représentant du CANAFE qui doit comparaître demain devant le comité. Il sera en mesure de répondre à votre question. Nous allons donc vous rendre le document et nous veillerons à lui en faire part. Ils seront en mesure de vous répondre pour ce qui est du seuil et ont toutes les données.

Le sénateur Harb : Ce qui sera problématique, selon moi, ce ne sont pas les déclarations. En effet, ces déclarations sont faciles à effectuer. Je me soucie plutôt de savoir si vous disposerez des ressources nécessaires pour faire face à cette masse d'opérations dont il ne sera pas toujours facile de déceler la nature.

Mme Merrick : Je précise que le SCRS ne s'intéresse pas à toutes les opérations portées à l'attention du CANAFE en raison de l'abaissement du seuil. Le CANAFE, qui pourra sur ce point vous apporter des précisions supplémentaires, ne communique au SCRS que les renseignements ayant trait à la sécurité nationale. Le CANAFE a aussi son propre seuil.

En ce qui concerne les déclarations volontaires, le SCRS précise à l'intention du CANAFE quels sont ses intérêts opérationnels en matière de sécurité nationale. C'est dire qu'il ne s'agit donc que d'un petit sous-ensemble des opérations portées à l'attention du CANAFE. Le SCRS reconnaît que l'abaissement du seuil entraînera une augmentation du nombre d'opérations déclarées au CANAFE, mais le nombre d'opérations signalées au service n'augmentera pas en proportion.

Le sénateur Harb : Monsieur Adam, vous avez parlé tout à l'heure de la coopération internationale qui s'exerce entre le régime d'inscription à la liste et les autres régimes. Quelles sont les mesures que vous avez adoptées afin de protéger les renseignements personnels des Canadiens, et faire en sorte qu'ils ne soient pas communiqués à des personnes qui ne devraient pas y avoir accès? Quel mécanisme avez-vous mis en place pour cela au niveau des échanges de renseignements?

M. Adam : En matière de gestion de l'information, nous appliquons les directives du Conseil du Trésor. En outre, nous examinons attentivement les dossiers, tels que ceux du CANAFE, qui bénéficient d'une protection de niveau B. Il s'agit de dossiers opérationnels, et tout échange d'information est assorti d'une mise en garde en application des directives concernant la sécurité nationale.

Le président : Cela étant, que pouvez-vous nous dire du niveau de coopération? C'est une chose que de procéder à un échange de renseignements, mais la coopération opérationnelle entre de nombreux organismes est tout autre chose. Pourriez-vous nous parler un peu de l'esprit de coopération qui règne à ce niveau?

M. Adam : Au Canada, l'esprit de coopération est excellent sur le plan national. Tous, nous nous attachons à assurer la sécurité des Canadiens, nos familles étant, d'ailleurs, concernées au même titre que les autres. Sur le plan international, pour ce qui est de la coopération entre les divers services de police, domaine dont je m'occupe particulièrement, l'esprit de coopération est très fort. Nous reconnaissons tous que le crime organisé transnational représente une menace commune. Lorsque nous décelons une activité criminelle ayant des incidences sur un autre pays, et plus particulièrement sur un pays des « Five Eyes », nous contactons les responsables pour leur demander s'ils en ont connaissance et pour voir si nous pouvons coordonner notre action.

M. MacDonald : Du point de vue de Sécurité publique Canada, en ce qui concerne la lutte contre le financement des activités terroristes et les activités que nous menons dans le cadre du régime d'inscription sur la liste de diverses entités, le niveau de coopération est très élevé, comme M. Adam le disait tout à l'heure. Ainsi, depuis 2002, mes services administrent un comité de coordination qui réunit non seulement nos principaux partenaires au sein du régime d'inscription sur la liste, mais également d'autres partenaires qui contribuent, eux aussi, à la sécurité publique de notre pays.

Cet organisme a subi entre-temps plusieurs modifications, car nous nous attachons continuellement à améliorer la manière dont nous travaillons ensemble, tout en maintenant une robuste « inclinaison avant » comme disent les militaires, veillant constamment à ce que chacun contribue activement à nos rencontres. Nous nous réunissons chaque mois. Lorsque nous transmettons au ministre une recommandation concernant une inscription sur la liste, nous multiplions les réunions. Nous agissons en fonction d'une vision stratégique, avalisée par la haute direction, et à laquelle nous nous tenons.

Nous nous attendons également à ce que tous nos collaborateurs interviennent de manière proactive. Cette attitude proactive nous a jusqu'ici permis d'obtenir de bons résultats. Nous tentons en outre d'élargir la coopération avec les provinces et territoires. Cela vaut également pour les banques et les coopératives de crédit, dans les provinces et dans les petites villes, afin que chacun comprenne bien la signification de cette liste d'entités terroristes. Chacun peut consulter le site Internet du Bureau du surintendant des institutions financières et obtenir la liste des entités inscrites dès qu'elle est décrétée par le gouverneur en conseil. Ainsi, les institutions financières, qu'elles soient grandes ou petites, peuvent procéder au gel de certains avoirs.

Il y a, en outre, un partenariat public-privé qui fonctionne sous les auspices du ministère des Finances. Nous siégeons tous à ce comité. Nous recueillons ainsi l'avis du secteur privé, c'est-à-dire des banques, des entreprises de transfert de fonds et de diverses autres entreprises. C'est le ministère des Finances qui dirige cette collaboration entre les secteurs publics et privés. Voilà, donc, trois bons exemples de la manière dont nous sommes parvenus à renforcer le régime de lutte contre ces activités illicites.

Le sénateur Tkachuk : J'aimerais maintenant revenir à la question des renseignements personnels. En effet, il y a toujours une certaine opposition entre les impératifs de la sécurité et les exigences de la liberté. Nos efforts en matière de sécurité nous ont poussés à recueillir d'immenses masses de renseignements. Vous nous avez parlé tout à l'heure du nombre d'opérations relevées par le CANAFE. Lorsque le projet de loi a été présenté, d'abord devant la Chambre, puis devant le Sénat, nous nous sommes tous inquiétés de ce que ces renseignements sont conservés pendant 15 ans.

Il s'agit de renseignements qui sont non seulement détenus par le CANAFE, mais communiqués par lui. Monsieur Adam, pourriez-vous nous indiquer le nombre de dossiers que vous avez ouverts après avoir reçu des renseignements du CANAFE? Je crois que vous nous avez cité un chiffre à cet égard.

M. Adam : Il y en avait environ 1 000.

Le sénateur Tkachuk : Le SCRS a-t-il ouvert un dossier dans chacune de ces affaires?

Mme Merrick : Le SCRS applique une autre procédure. Les renseignements transmis par le CANAFE s'inscrivent dans un flux de renseignements financiers, et chaque signalement n'entraîne pas nécessairement l'ouverture d'un dossier.

Le sénateur Tkachuk : Mais lorsque vous ouvrez un dossier, vous arrive-t-il, après, de le refermer? J'ai des amis dans la police et je crois savoir qu'un dossier n'est jamais refermé. Ainsi, lorsque vous ouvrez un dossier, vous arrive-t-il plus tard de le refermer? Même s'il ne contient aucun élément justifiant des poursuites, le dossier reste-t-il ouvert?

M. Adam : Si nous recevons, du CANAFE, une communication qui, après enquête, ne semble contenir aucun indice d'une activité criminelle, nous fermons le dossier, auquel s'applique alors la politique gouvernementale en matière de conservation des dossiers tant sur le plan de la protection des renseignements personnels, qu'au regard de nos politiques internes établies en conformité avec divers textes législatifs.

Le sénateur Tkachuk : Un tel dossier est-il détruit après 15 ans?

Le sénateur Massicotte : Est-il détruit ou est-il conservé?

Le sénateur Tkachuk : Le dossier est-il archivé, ou est-il effacé de l'ordinateur?

M. Adam : La GRC entretenait, en matière de blanchiment d'argent, une base contenant des données générales tirées des communications du CANAFE. Après examen de ces renseignements, de concert avec les services du Commissaire à la protection de la vie privée, nous avons déterminé que nous n'en avions plus besoin, et ils ont été effacés.

Le sénateur Tkachuk : On peut donc se rassurer à l'idée qu'après 15 ans un dossier est effacé des archives du CANAFE. Cela est-il également vrai des dossiers du SCRS et de la GRC en ce qui concerne les dossiers remontant à 15 ans dans l'hypothèse où l'affaire n'a pas eu de suites? Les dossiers sont-ils conservés?

M. Adam : Je vais devoir vous obtenir à cet égard, de plus amples précisions, en raison des différents délais prévus par les divers textes applicables. Je ne suis pas certain, en effet, que lorsqu'un dossier est refermé, il n'est pas conservé pour diverses autres raisons, au cas par exemple où certaines pièces auraient à être conservées en vue d'un appel qui pourrait être interjeté dans le cadre de poursuites pénales. L'effacement ou la conservation d'un renseignement va en effet dépendre des délais judiciaires, c'est-à-dire du temps qu'il faudra pour qu'une procédure soit menée à terme. Je vais devoir obtenir des précisions sur ce point.

Le président : Je vous demanderais de transmettre ce renseignement au greffier du comité.

M. Adam : Entendu.

Le sénateur Tkachuk : Des sénateurs ont demandé à combien s'élevaient les crédits affectés à la lutte contre le crime organisé. Le Québec et l'Ontario ont des polices provinciales qui, elles aussi, luttent contre le crime organisé. Travaillez-vous ensemble à ce genre d'affaires dans le cadre de forces opérationnelles? À Montréal et à Toronto, on voit intervenir à la fois la police municipale, la sûreté provinciale et la GRC. En Saskatchewan, il n'y a que la GRC et la police municipale. Il y a l'apport du gouvernement fédéral, mais la province contribue-t-elle, elle aussi, aux efforts en ce domaine?

M. Adam : En Ontario et au Québec, deux provinces qui n'ont pas conclu de contrat de services de police avec la GRC, nous travaillons en étroite collaboration avec nos homologues provinciaux.

En Saskatchewan, nous avons passé, avec la province, un contrat aux termes duquel nous faisons office de police provinciale et, dans de nombreux cas, de police municipale également. Il y a donc un effet multiplicateur de force puisque tous les policiers font partie de la GRC et que chacun a pour priorité stratégique la lutte contre le crime organisé. Ainsi, en Saskatchewan, lorsqu'un policier tombe sur des renseignements ayant trait au blanchiment d'argent, ces renseignements se rendent jusqu'aux unités fédérales de la GRC ou sont utilisés localement.

Partout au Canada, nous travaillons en coopération avec nos homologues provinciaux, peu importe l'uniforme.

Le sénateur Tkachuk : Nous parlions tout à l'heure des dossiers qui ont été ouverts, mais, bien évidemment, on vous transmet continuellement de nouveaux renseignements. Sur les 11 millions de dossiers, je crois, qui ont été ouverts en un an, combien, au cours de cette période, sont transmis par le CANAFE à la GRC et au SCRS avec mention que cela mérite peut-être leur attention?

Mme Merrick : Il me faudra vous transmettre cette information plus tard, car je ne l'ai pas en ce moment.

Le sénateur Tkachuk : Pourriez-vous nous donner une estimation?

Mme Merrick : En ce qui concerne le nombre de communications proactives transmises en un an par le CANAFE, je ne veux pas avancer des hypothèses, mais je dirais qu'il y en a au plus 35. Ce chiffre peut paraître élevé, mais en ce qui concerne les communications proactives, je ne pense pas qu'il soit excessif.

Le sénateur Tkachuk : Et qu'en est-il de la GRC, si vous n'en avez eu que 35?

Mme Merrick : Je n'ai pas ces chiffres.

M. Adam : Le CANAFE a fait part de 777 opérations à ses partenaires du régime ou à divers organismes d'application de la loi. Il y a peut-être du chevauchement , mais c'est le CANAFE qui serait le mieux à même de vous parler de cela.

En ce qui concerne la GRC, au cours des cinq dernières années, le CANAFE a transmis un peu moins de 500 communications proactives de cas.

Le sénateur Tkachuk : Ces communications sont-elles généralement motivées, ou s'agit-il plutôt de renseignements complémentaires? A-t-on généralement affaire à de nouveaux indices, ou plutôt à des compléments d'information?

M. Adam : Je vais essayer de vous calculer cela sommairement.

Le sénateur Tkachuk : Ne serait-ce que de manière générale, car je n'ai pas besoin des chiffres exacts. Je dis toujours qu'on pourrait placer des caméras partout, dans tous les bureaux et les foyers — vous voyez ce que je veux dire —, mais nous recueillons, année après année, cette masse de renseignements, ces millions de données sur des citoyens canadiens, et nous finissons bien par nous faire une idée de ce qui se passe. Or, cette masse de renseignements se prête à de mauvaises utilisations. C'est là où je veux en venir. Il doit bien y avoir un moyen plus économique d'effectuer ces quelque 700 communications basées sur ces 11 millions de documents.

M. Adam : En 2010, la GRC a lancé ou poursuivi des enquêtes fondées sur 93 communications proactives du CANAFE. Ces enquêtes portaient sur des personnes dont nous ne savions rien, mais qui, selon les renseignements qui nous avaient été transmis, étaient soupçonnées de blanchiment d'argent. Une seule communication peut faire état de plusieurs centaines d'opérations. Plus vous décelez d'opérations dans le cadre d'une enquête, mieux vous êtes à même d'établir s'il y a effectivement eu blanchiment d'argent. Nous avons donc lancé 93 enquêtes nouvelles et 153 enquêtes complémentaires. Il s'agissait de recueillir des suppléments d'information pour compléter les indices recueillis.

M. MacDonald : Si vous me le permettez, j'aimerais ajouter à cela quelques précisions, car vous touchez là à des aspects intéressants concernant la nature même du renseignement et de la preuve. La semaine dernière, on a évoqué devant vous la question de savoir si toute communication donne lieu à une enquête, et si elle permet de recueillir des preuves aboutissant à une condamnation. Il ne faut pas perdre de vue que la collecte de renseignements et de preuves permet de rassembler une multiplicité d'éléments qu'un raisonnement logique doit assembler pour reconstituer la réalité des faits. Or, cette réalité qu'on tente de cerner comporte parfois des trous, trous que pendant des années on peut ne pas parvenir à combler.

En ce qui concerne le travail du SCRS, qui consiste à enquêter sur les menaces contre la sécurité du Canada, les renseignements fournis par le CANAFE nous permettent parfois de mieux comprendre un morceau du puzzle, nous procurent un indice qui ne se révèle utile qu'ultérieurement, ou nous permettent d'élucider certains liens, alors que dans l'optique de la lutte que la GRC mène contre le blanchiment d'argent, le même renseignement peut avoir une grande utilité immédiate dans le cadre d'une enquête qui piétinait, permettre d'établir certains liens ou, simplement, faciliter la recherche de preuves.

Tout cela peut se révéler assez obscur et compliqué, et, dans le cadre du régime, nous essayons de donner suite aux renseignements qui nous sont transmis par le CANAFE. Nous nous demandons dans quelle mesure ils peuvent nous être utiles puisqu'ils débouchent sur des questions telles que celles que vous posiez tout à l'heure.

J'entendais simplement étoffer le contexte.

Le sénateur Tkachuk : Il est toujours bon de résoudre un cas, mais il en apparaît d'autres. En pleine nuit, personne ne voit le porte-document à la main de celui qui franchit à pied la frontière séparant la Saskatchewan du Dakota du Nord. Ce sont 10 000, 20 000, 100 000 ou un demi-million de dollars en espèces qui feront leur chemin jusqu'au Montana. C'est de cela que je veux parler. Quel est l'état de la sécurité à la frontière? Attrapons-nous des gens qui tentent ainsi de faire passer de grosses sommes?

Mme Romeo : Nous attrapons effectivement des gens qui tentent de le faire. J'évoquais tout à l'heure les saisies de niveau 4, c'est-à-dire les saisies de sommes suspectes. Pour le CANADE, de tels renseignements revêtent une grande importance, car cela constitue, là encore, un morceau du puzzle.

Le sénateur Tkachuk : Je vous remercie. Je ne voulais pas vous interrompre.

Le président : Monsieur MacDonald, vous avez dit, tout à l'heure, qu'avec vos collègues d'autres pays, vous vous entretenez des nouveaux moyens employés pour effectuer des transferts de fonds. La semaine dernière, des représentants du ministère des Finances ont évoqué la question des cartes-cadeau, des cartes de crédit jetables qu'on peut se procurer auprès de nombreux détaillants. L'acheteur n'a pas à fournir les renseignements qu'exigerait normalement de lui une banque. Ces cartes sont rechargeables et peuvent correspondre à des sommes considérables. C'est ce que nous avons appris la semaine dernière. Aujourd'hui, nous apprenons que de l'argent peut être transféré d'un téléphone cellulaire à un autre. Je me trompe peut-être, mais il me semble qu'il y a cinq ans, rien de cela n'était possible.

Nous procédons actuellement à l'examen quinquennal de la loi. Dans cette optique, est-ce que vous et vos collègues avez des recommandations à faire au comité quant aux pouvoirs qu'il vous faudrait pour exercer une surveillance sur ces nouveaux modes de transfert qui n'existaient pas il y a cinq ans? Vos collègues souhaiteront peut-être intervenir sur ce point.

M. MacDonald : J'insiste bien sur le fait que nous menons nos activités en tant que partenaire au sein du régime et que nous agissons en concertation avec les autres intervenants. Nous sommes notamment un partenaire clé du ministère des Finances. Dans le cadre de notre portefeuille, nous nous penchons sur les agissements que nous considérons comme problématiques, et nous travaillons en collaboration directe avec le ministère des Finances pour mettre ces nouveaux problèmes en lumière. Je ne suis pas vraiment en mesure de vous en dire plus à ce sujet.

Le président : Vous n'avez donc aucune recommandation à nous faire concernant les nouveaux pouvoirs dont vous auriez besoin, vous et vos collègues.

M. MacDonald : Non. Le ministère de la Sécurité publique n'entend pas actuellement formuler de recommandations à cet égard. En disant cela, je pense aussi parler au nom de mes collègues.

Le sénateur Stewart Olsen : Ma question s'entendait de toute recommandation possible. Revenons maintenant au dépistage des activités qui nous concernent. La question fait l'objet de certaines dispositions de la nouvelle loi. Avez- vous réfléchi à d'autres dispositions que vous souhaiteriez voir figurer dans le texte? Je sais que je vous demande des recommandations, mais il va nous falloir repérer ceux qui se livrent à de telles activités criminelles.

M. MacDonald : Non, je comprends fort bien votre question. Ma réponse reste la même. Dans notre optique et dans celle de nos partenaires qui interviennent en première ligne, l'identité des individus est essentielle pour notre régime d'immigration, sur le plan général de l'admissibilité des personnes, mais plus particulièrement sur celui des personnes posant un risque pour notre sécurité. C'est un élément clé de toute enquête sur le blanchiment d'argent, le financement d'activités terroristes ou toute infraction criminelle, car il faut savoir qui l'on recherche. Nous nous penchons donc sur tout ce qui peut nous permettre d'établir l'identité des personnes auxquelles nous nous intéressons. Nos efforts en ce sens sont constants.

Le sénateur Stewart Olsen : Si cela peut vous être utile, nous sommes tout à fait disposés à accueillir vos observations et vos recommandations.

M. MacDonald : Je ne peux que répéter ce que le ministère des Finances a dit la semaine dernière. Comme vous, ils attendent ce qui ressortira votre rapport. Les décisions qui pourront être prises en tiendront naturellement compte, car c'est un outil de réflexion.

Le sénateur Ringuette : Ma première question s'adresse à M. Adam, de la GRC. Vous avez dit, tout à l'heure, qu'en ce qui concerne la communication des renseignements, vous vous en tenez à la politique du Conseil du Trésor. Pourrions-nous avoir une copie de cette politique ou de la règle établie en ce domaine par le Conseil du Trésor?

Nous accueillons aujourd'hui les représentants de quatre organismes, mais, si je ne m'abuse, seule la GRC est habilitée à enquêter, à porter des accusations et à engager des poursuites. Peut-être suis-je naïve, mais je pense ne jamais avoir entendu parler d'une affaire où le SCRS aurait porté des accusations.

M. MacDonald : Les affaires de financement d'activités terroristes et de blanchiment d'argent relèvent effectivement de la GRC.

Le sénateur Ringuette : C'est exact.

M. MacDonald : L'Agence des services frontaliers du Canada exerce, elle aussi, un certain nombre de pouvoirs, mais elle n'est pas compétente en matière pénale.

Le sénateur Ringuette : Lorsqu'il s'agit de mener des enquêtes ou d'intenter des poursuites pénales, la GRC est, en matière de police, l'autorité compétente.

M. MacDonald : C'est exact.

Le sénateur Ringuette : Je réfléchis au dispositif en place. L'ASFC nous a dit qu'au cours des cinq dernières années, elle a effectué 10 000 saisies, dont 700 concernaient des opérations douteuses, c'est-à-dire moins d'un pour cent du total. Quand il s'agit de saisies de niveau 4, le dossier est transmis à la GRC.

Mme Romeo : En effet. Mais nous ne transmettons pas nécessairement tout le dossier. Nos rapports de saisie sont transmis au CANAFE, qui en profite pour analyser les renseignements qu'ils renferment. Nous contactons effectivement la GRC.

Le sénateur Ringuette : Que faites-vous des 700 saisies liées à des opérations douteuses? Ces dossiers ne peuvent pas simplement rester en suspens. Ils ont bien une suite. Les opérations douteuses doivent donner lieu à une enquête. Or, l'organisme enquêteur est la GRC.

Mme Romeo : Oui. Je suis désolée, mais je vais devoir obtenir confirmation sur ce point.

Le sénateur Ringuette : Je comprends.

Monsieur Adam, vous disiez tout à l'heure qu'en 2010, vous avez ouvert 93 enquêtes au vu de renseignements transmis par le seul CANAFE, c'est-à-dire sans compter les renseignements que peut vous avoir communiqués l'Agence des services frontaliers du Canada ou un autre organisme. De ces 93 enquêtes, combien ont mené au dépôt d'une accusation? Combien de ces enquêtes sont toujours en cours? Et, comme le demandait le sénateur Tkachuk, combien de ces enquêtes ont pu être conclues?

M. Adam : Il va me falloir, sur chacun de ces points, obtenir des précisions que je transmettrai au comité.

Le sénateur Ringuette : Pourriez-vous nous dire, parmi les accusations reposant sur les résultats de ces enquêtes, combien ont donné lieu à un procès?

M. Adam : Des 93 enquêtes en question?

Le sénateur Ringuette : Oui.

M. Adam : Je ne suis pas en mesure de vous en indiquer le chiffre exact.

Le sénateur Ringuette : Pourriez-vous ultérieurement transmettre l'information au greffier du comité?

M. Adam : Tout à fait.

Le sénateur Ringuette : En ce qui concerne les cartes prépayées, c'est-à-dire les cartes de crédit émises essentiellement par Visa, MasterCard ou AMEX, dont le siège social est aux États-Unis, vous nous avez dit collaborer avec le FBI. Pourriez-vous nous indiquer le nombre de pistes que vos collègues américains vous ont indiquées ces deux dernières années en matière de cartes de crédit prépayées?

M. Adam : Je ne vois pas très bien ce que vous entendez par cela. Les États-Unis ont récemment adopté une loi faisant des cartes-cadeau et des cartes prépayées des instruments monétaires lorsqu'elles sont introduites aux États- Unis.

Le sénateur Ringuette : Elles sont donc considérées comme de la monnaie.

M. Adam : Leur valeur doit être déclarée.

Le sénateur Ringuette : En effet.

M. Adam : En ce qui concerne une éventuelle utilisation de ces cartes aux États-Unis, dans le cadre d'activités criminelles, je peux dire n'avoir eu connaissance d'aucun cas où de telles activités auraient été liées à des cartes-cadeau ou des cartes prépayées. Cela dit, les autorités américaines ont, dans le cadre de leurs enquêtes criminelles, saisi des cartes qui avaient été utilisées dans le cadre d'activités criminelles, pour payer une livraison de stupéfiants, par exemple, mais de tels renseignements ne nous sont pas communiqués.

Le sénateur Ringuette : Peut-être aurais-je dû préfacer ma question. Lors de notre séance précédente, les représentants du ministère des Finances ont évoqué la coopération internationale entre les États-Unis, l'Australie, le Royaume-Uni, la Nouvelle-Zélande, et cetera. Ils nous ont dit que les échanges d'information s'effectuent selon une norme sur laquelle les parties intéressées se sont entendues, et que les renseignements nécessaires sont effectivement communiqués.

J'avais pensé — mais l'hypothèse m'est peut-être personnelle — que les États-Unis appliquaient, eux aussi, ce seuil de 10 000 $, qu'il s'agisse de monnaie ou de cartes prépayées. Je supposais, compte tenu de ce qui nous avait été dit lors de cette dernière réunion, que cette même norme s'appliquait dans tous les pays qui coopèrent au régime. Je leur avais demandé, très précisément, en ce qui concerne les cartes de crédit délivrées par des établissements dont le siège social et la base de données se trouvent aux États-Unis, si nous pouvions alors nous attendre à ce que les conditions de divulgation des renseignements nécessaires soient les mêmes pour les établissements financiers américains et canadiens. Est-ce juste?

M. Adam : Votre question concerne à la fois les normes du GAFI, et les échanges de renseignements sur la clientèle. Les cartes de magasins ne sont pas toutes émises par Visa, MasterCard ou AMEX. Je crois savoir, en effet, que certaines de ces cartes sont émises par Tim Horton, par Wal-Mart ou par diverses autres entreprises.

Le sénateur Ringuette : Je ne sais pas si beaucoup de gens se procureraient auprès de Tim Horton une carte de 10 000 $.

M. Adam : Je ne suis pas certain que cela soit possible.

Le sénateur Ringuette : C'est beaucoup de café!

M. Adam : Il y a les très nombreuses cartes émises par des banques américaines qui se sont acquittées de leur devoir de diligence à l'égard de la clientèle et qui respectent la réglementation applicable aux États-Unis, et dont le montant n'est pas limité. Si de telles cartes pouvaient être utilisées au Canada, leurs détenteurs auraient le moyen de transférer ces fonds d'un pays à l'autre. Les renseignements relatifs à l'acquisition de la carte demeureraient aux États-Unis, dans les dossiers de la banque émettrice, et ne seraient communiqués que dans l'hypothèse d'une enquête criminelle des autorités américaines. Ils ne seraient même pas nécessairement transmis aux autorités canadiennes à moins qu'existe un lien avec notre pays.

Le sénateur Ringuette : En gros, ce que vous nous dites, c'est qu' en ce qui a trait au blanchiment de capitaux et au financement d'activités terroristes, les États-Unis n'ont pas les mêmes lois et les mêmes modalités d'application régissant la déclaration par les institutions financières?

M. Adam : Les lois aux États-Unis ne sont pas les mêmes qu'au Canada.

M. MacDonald : Je crois qu'il est important à ce stade de donner quelques explications au sujet du Groupe d'action financière, situé à Paris.

Le sénateur Ringuette : Tout cela nous a été dit lors de notre dernière réunion.

Le président : M. MacDonald voulait répondre à votre question.

M. MacDonald : Je serai bref. Les normes du GAFI, les 40 pour le blanchiment de capitaux et les 9 pour le financement du terrorisme, pourraient être qualifiées d'évolutives. Elles changent avec le temps. Bien que les normes aient été établies en 2004, il faut les mettre à jour en fonction des nouvelles méthodes de mouvements de capitaux et de financement d'activités terroristes. Ces normes sont mises à jour, puis les pays doivent se conformer à ces normes internationales. Comme cela a été expliqué la semaine dernière, nous sommes évalués mutuellement et, donc, le Canada a fait l'objet d'évaluations mutuelles. C'est là qu'on trouve des aspects où le Canada n'est peut-être pas conforme, ou partiellement conforme, dans certaines circonstances.

Cependant, entre ces cycles d'établissement et d'évaluation des normes, de nouvelles méthodes, comme celles dont nous parlons aujourd'hui par exemple, peuvent se développer. Certains pays, agissant de façon proactive, mettent en œuvre par le truchement de leurs propres lois des moyens de relever le nouveau défi. D'autres peuvent choisir d'attendre. Et d'autres peuvent ne pas le faire parce que leur cadre législatif est différent du nôtre, et ainsi de suite.

Certaines de ces nouvelles tendances se manifestant entre les cycles d'évaluation et produisent de légers écarts. Bien que ce soit le GAFI qui établisse les normes, le processus est en évolution constante, et nous devons continuellement tous essayer de relever les normes.

Le sénateur Ringuette : Je comprends, mais il ne s'agit pas d'un nouveau texte de loi, et le centre international n'est pas nouveau. On peut parler d'autres produits qui sont utilisés dans le cadre de crimes, mais il est nécessaire que les lois fondamentales obligent les institutions financières à produire des rapports.

Ma dernière question...

Le président : Je croyais que c'était tout.

Le sénateur Ringuette : Non. C'était un commentaire au sujet de son commentaire, que vous avez autorisé.

INTERPOL fait-elle partie de votre organisme?

M. Adam : Nous faisons partie d'INTERPOL.

Le sénateur Ringuette : INTERPOL fait-elle partie de ce groupe de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme?

M. Adam : Oui. Elle a un siège au GAFI.

Le sénateur Moore : Madame Romeo, votre réponse au sénateur Ringuette me laisse perplexe. Je ne crois pas que vous ayez couvert les quatre niveaux de saisie. Pourriez-vous le faire, s'il vous plaît?

Mme Romeo : Il y a pour commencer la saisie de niveau 1. Dans ce cas, une amende de 250 $ est imposée. Le voyageur a l'obligation de déclarer les fonds, mais il ne l'a pas fait. Les fonds n'étaient pas dissimulés.

Le deuxième niveau est une amende de 2 500 $. Dans ce cas, la personne n'a pas déclaré les fonds, et il s'agit donc d'une déclaration fausse. Elle a de plus utilisé une méthode de dissimulation...

Le sénateur Moore : Étaient-ils dissimulés aussi, dissimulés et non déclarés?

Mme Romeo : Dissimulés et non déclarés.

Pour le deuxième niveau, j'ai omis un critère. La personne doit aussi avoir déjà eu une amende du premier niveau.

Pour le niveau 3, la personne, le voyageur, n'a pas déclaré les fonds. Elle a utilisé une méthode de dissimulation. Dans ce cas, les fonds étaient dissimulés dans un moyen de transport, donc dans une voiture, par exemple. Le moyen de dissimulation était plus recherché. Elle n'a pas déclaré les fonds, et elle avait déjà eu une amende du niveau 2. Dans ce cas, l'amende est de 5 000 $.

Pour le niveau 4, vous devez déjà avoir eu une amende du niveau 3. Les fonds étaient dissimulés et on soupçonne qu'ils sont des produits de la criminalité. L'agent des services frontaliers devait avoir un motif de soupçonner que ces fonds étaient associés à des produits de la criminalité. Pour le niveau 4, c'est une confiscation pure et simple à ce stade.

Le sénateur Moore : Je crois que vous avez dit avoir eu 700 de ces cas au cours des cinq dernières années.

Mme Romeo : Oui, c'est exact.

Le sénateur Moore : Le sénateur Ringuette vous a demandé ce que vous avez fait de ces 700 cas qui exigeaient manifestement une certaine mesure d'enquête. Je crois qu'elle vous a demandé si vous en avez soumis une partie ou la totalité à la GRC. Je ne crois pas avoir entendu votre réponse.

Mme Romeo : Je ne peux pas confirmer combien nous en avons soumis à la GRC, mais nous avons, à l'ASFC, une fonction d'enquêtes criminelles et nous soumettons aussi des cas à la GRC. Selon le cadre juridique, l'enquête serait faite par nous.

Le sénateur Moore : Vous avez un service d'enquêtes criminelles à l'ASFC?

Mme Romeo : Oui, en effet.

Le sénateur Moore : Depuis combien de temps?

Mme Romeo : Nous l'avons depuis de nombreuses années. Il s'occupe des enquêtes sur les activités criminelles en application des lois douanières, comme le passage de clandestins, par exemple.

M. MacDonald : Le passage de clandestins est une infraction à la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés.

Le sénateur Moore : N'est-ce pas ce que fait la GRC? Je ne savais pas que vous aviez ce service. Les experts ici sont la GRC. Ils font cela depuis bien plus longtemps que l'ASFC. J'aurais pensé que ce sont eux qui se chargeraient de ce dossier, avec leur compétence, et mèneraient les enquêtes; mais vous dites que non. Comment décidez-vous des cas que vous soumettez à la GRC?

Mme Romeo : Je vais devoir vous répondre plus tard. Ça ne fait pas partie de mon champ de compétence et, donc, je vous confirmerai la distinction entre la GRC et le service des enquêtes criminelles.

Le président : Avez-vous des commentaires, monsieur le surintendant?

M. Adam : Non, monsieur, je n'en ai pas.

Le sénateur Moore : Je m'inquiète un peu du dédoublement. Sans aucun doute, c'est la GRC qui a le plus grand savoir-faire. J'aimerais entendre les réponses. Je propose que vous soumettiez tout ce que vous pouvez au greffier pour que nous puissions tous en prendre connaissance.

Le sénateur Massicotte : Comme le président l'a souvent dit, une chaîne est aussi solide que son maillon le plus faible.

[Français]

Ayant utilisé cette expression, si je comprends bien, selon le règlement existant, il appartient au ministère de décider s'il doit faire quelque chose pour les pays étrangers. On parlait des Américains qui ont un système très fort. Il y a bien des pays qui ne sont pas réglementés aussi sévèrement ou même qui sont très relâchés au point de vue des criminels et des comptes de banque de ces gens. Comment gère-t-on cela ici? En d'autres mots, si un criminel se sert d'un compte de banque d'un de ces pays, souvent des petits pays, et arrive ici avec son chéquier ou une carte prépayée de peut-être 50 000 $, est-ce qu'il y a un filtre? Est-ce que nous avons un moyen d'attraper ces transactions? Qu'est-ce qu'on fait dans ces cas? Souvent ces gens utilisent leurs connaissances internationales sur les méthodes à utiliser. On fait quoi dans ce sens?

[Traduction]

M. MacDonald : Là encore, je commencerai par quelques points généraux, puis je laisserai les autres intervenir.

Une ou deux choses : D'abord, l'objectif fondamental du Groupe d'action financière et de ses membres, et de leur adhésion aux 40 et aux 90 recommandations, consiste à travailler ensemble pour que les institutions financières et, dans certains cas, les gouvernements ne fassent pas affaire avec certains pays qui ne se conforment pas au GAFI. Le GAFI possède une liste — et j'emploie ce terme au sens large — de pays qui sont des foyers reconnus pour le financement d'activités terroristes ou le blanchiment de capitaux. À l'échelle internationale, de fortes pressions s'exercent pour empêcher de faire affaire avec ces pays.

De plus, le Canada entérine clairement toutes les sanctions des Nations Unies. Nous avons des sanctions contre divers pays en vertu desquelles il est interdit aux institutions financières d'effectuer des transactions et aux Canadiens de faire des transactions financières ou d'autres types de transactions, comme l'échange de biens et de services, et ainsi de suite. Le Règlement d'application des résolutions des Nations Unies sur Al-Qaïda et le Taliban est un bon exemple : il était interdit aux lignes aériennes d'atterrir en Afghanistan à l'époque où les taliban était au pouvoir, et les Canadiens et les entreprises ne faisaient pas affaire dans cette région. Manifestement, cela relève des Affaires étrangères; donc, je ne m'étendrai pas là-dessus, mais ces mesures viennent du Conseil de sécurité des Nations Unies. Ce sont là, pour le régime, des façons de plus haut niveau de suivre les autres efforts internationaux pour examiner les pays avec lesquels nous ne devrions pas faire affaire et où les Canadiens pris individuellement ne devraient pas faire affaire. Je vais voir s'il y a d'autres commentaires.

Mme Romeo : En ce qui concerne les cartes prépayées dont vous faites mention, j'allais dire que nous attendons les consultations publiques. Assurément, selon les commentaires reçus et l'orientation que le ministère des Finances aimerait adopter à cet égard, nous commencerons à explorer les diverses possibilités et à travailler avec nos partenaires internationaux pour voir comment ont fait ceux qui ont déjà mis cela en œuvre dans leurs lois, et que nous commencerons à nous pencher sur les pratiques exemplaires pour bien les comprendre et pour déterminer précisément les mesures à prendre et les pouvoirs requis.

[Français]

Le sénateur Massicotte : J'essaie de comprendre. Effectivement, si un homme d'affaires, un criminel d'affaires arrive d'un des pays que M. MacDonald a identifiés, avec une carte prépayée ou même avec son compte-chèque, la compagnie canadienne, la partie canadienne n'a pas le droit d'accepter ces montants? Est-ce exact?

Si c'est le cas, je présume que c'est public car la personne qui reçoit le chèque doit le savoir. Quels sont ces pays? Est- ce qu'il y en a plusieurs? Cette liste noire doit être publique, cette liste noire de pays dont on n'accepte pas des chèques ou des carte prépayées ou des cartes de crédit?

[Traduction]

M. MacDonald : Je n'ai pas de réponse complète à vous donner. Cependant, cela relève, dans une large mesure, du Bureau du surintendant des institutions financières. Celui-ci fait part aux entreprises du secteur financier les endroits visés par les sanctions de l'ONU et où il est interdit de faire affaire. Il diffuse la liste des terroristes aux fins du blocage des avoirs ou de l'interdiction de toute opération liée à ces avoirs. C'est probablement une question à laquelle le BSIF pourrait mieux répondre.

Le sénateur Massicotte : Nous parlons souvent de la liste et du blanchiment de capitaux, mais je ne connais pas beaucoup de pays — bien que nous en soupçonnions plusieurs de laxisme dans leurs règlements — desquels nous n'acceptons pas les chèques ni les cartes de crédit. Habituellement, il s'agit d'un système Interac. Je ne suis pas au courant de cette liste. Je suppose que cela relève de la compétence exclusive du ministre des Finances.

Mme Romeo : Oui.

Le sénateur Massicotte : Je ne pense pas qu'il ait déjà exécuté un ordre quelconque d'interdire quoi que ce soit de ce genre. Est-ce exact?

M. MacDonald : Je ne crois pas que nous soyons en mesure de répondre à une question aussi détaillée portant sur les pouvoirs du ministre des Finances.

Le sénateur Massicotte : Si c'est le cas, nous allons attirer des milliers d'opérations, mais il y a là une grande lacune. C'est une lacune facile à exploiter, et ces gens sont très astucieux. Si l'objectif consiste à pister le blanchiment de capitaux, c'est ce que nous devons faire. Il y a peut-être lieu d'apporter des modifications à cette loi pour que nous le fassions.

Le président : Monsieur MacDonald, vous avez présenté un exposé. Et vos associés et vous avez répondu aux nombreuses questions du comité. Avant de terminer, j'aimerais vous demander si vous ou vos associés aimeriez faire des recommandations au comité pour la poursuite de nos délibérations dans le cadre de l'examen de cette loi.

M. MacDonald : Nous n'avons aucune recommandation. Nous avons essayé de répondre aux questions. Nous avons quelques éléments de suivi que nous fournirons au greffier. Nous vous avons donné quelques noms d'organismes que le comité pourrait trouver utiles, comme, par exemple, le Bureau du surintendant des institutions financières — et nous savons que vous allez rencontrer le CANAFE —, et nous avons même répondu à quelques questions plus détaillées concernant les Finances. Nous avons essayé de fournir ce genre de recommandations au comité. Nous sommes satisfaits de notre participation.

Le sénateur Massicotte : Je suppose que vous êtes tous d'accord avec les recommandations et les propositions de modifications à cette loi. Vous dites ne pas avoir d'autres recommandations, mais je suppose que vous convenez des modifications proposées.

M. MacDonald : Nous travaillons actuellement ensemble à l'examen de ces propositions.

Le sénateur Massicotte : Vous ne les avez pas encore regardées.

M. MacDonald : Nous continuons à les regarder et à les évaluer.

Le sénateur Massicotte : Quand prévoyez-vous pouvoir nous dire si vous êtes d'accord avec les modifications? C'est vous qui allez les mettre en œuvre, et c'est vous qui avez les connaissances pratiques requises pour déterminer si elles sont logiques.

M. MacDonald : Je répondrai par l'intermédiaire du ministère des Finances.

Le président : Au nom du comité, j'aimerais vous dire que nous avons grandement apprécié votre exposé instructif. Merci beaucoup.

(La séance est levée.)


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