Aller au contenu
BANC - Comité permanent

Banques, commerce et économie

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Banques et du commerce

Fascicule 10 - Témoignages du 9 février 2012


OTTAWA, le jeudi 9 février 2012

Le Comité sénatorial permanent des banques et du commerce se réunit aujourd'hui, à 10 h 30 pour examiner la Loi sur le recyclage des produits de la criminalité et le financement des actes terroristes (L.C. 2000, ch. 17), conformément à l'article 72 de ladite loi.

Le sénateur Irving Gerstein (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Bonjour mesdames et messieurs et bienvenue à notre réunion. Honorables sénateurs, nous poursuivons ce matin l'examen parlementaire quinquennal de la Loi sur le recyclage des produits de la criminalité et le financement des actes terroristes. C'est notre troisième réunion sur ce sujet. Lorsque la loi a été adoptée en 2000, elle a établi le Centre d'analyse des opérations et déclarations financières du Canada, qu'on appelle plus communément le CANAFE. Cette organisation est l'un des principaux éléments du régime canadien de lutte contre le blanchiment d'argent et le financement du terrorisme.

Nous sommes ravis d'accueillir le CANAFE aujourd'hui. Nous souhaitons la bienvenue à Mme Darlene Boileau, sous-directrice, Politiques stratégiques et affaires publiques; à M. Barry MacKillop, sous-directeur, Analyse financière et communications de cas; à Mme Chantal Jalbert, directrice adjointe, Opérations régionales et conformité; et à M. Paul Dubrule, avocat général.

Darlene Boileau, sous-directrice, Politiques stratégiques et affaires publiques; Centre d'analyse des opérations et déclarations financières du Canada : Avant de faire ma déclaration, j'aimerais informer le comité que nous avons apporté quelques documents pour vous et que nous les remettrons au greffier. Il s'agit de notre rapport annuel, que vous avez reçu j'espère, et de nos Typologies et tendances, qui pourraient être utiles à la discussion. Nous sommes heureux de nous adresser au comité aujourd'hui. Mon allocution d'ouverture décrira le rôle du CANAFE dans les efforts déployés par le Canada pour lutter contre le blanchiment d'argent et le financement du terrorisme. Je décrirai également comment le CANAFE a évolué depuis le dernier examen de la Loi sur le recyclage des produits de la criminalité et le financement des actes terroristes réalisé par le comité en 2006.

Le CANAFE est l'unité du renseignement financier du Canada. Nous comptons 342 employés dans nos trois bureaux régionaux, à Montréal, Toronto et Vancouver, ainsi qu'à notre administration centrale ici à Ottawa. Notre organisme est unique en son genre au Canada. Notre mandat, tel que défini par la loi, consiste à recevoir et analyser les renseignements sur les opérations financières et à communiquer ces renseignements à divers organismes d'enquêtes au Canada et à l'étranger lorsque certaines limites juridiques sont atteintes.

Cette législation gouverne la réception, la collecte, l'analyse et le traitement sécuritaire de l'information détenue par le CANAFE. Bien que le travail fondamental du CANAFE comporte une analyse approfondie des activités financières douteuses, le CANAFE n'est pas un organisme d'application de la loi. Nous ne faisons pas d'enquêtes, nous ne portons pas d'accusations et nous n'intentons pas de poursuites. Notre travail est de fournir des pistes de renseignements financiers aux organismes d'application de la loi et aux organismes de sécurité nationale et de renseignement. Nous sommes une importante source de renseignements pour tous les services de police du Canada, car nous possédons une capacité unique de suivre la piste de l'argent issu d'activités criminelles partout au pays et à travers le monde.

[Français]

De plus, la loi oblige le CANAFE à communiquer des renseignements financiers à ses partenaires lorsque le seuil requis de motifs raisonnables de soupçonner que les renseignements seraient utiles aux fins d'enquête ou d'une poursuite reliée à une infraction de recyclage de produits de la criminalité ou de financement d'activités terroristes est atteint.

Nous communiquons également des renseignements aux services de police fédéraux, provinciaux et municipaux, à l'Agence du revenu du Canada, à l'Agence des services frontaliers du Canada, au Centre de la sécurité des télécommunications et au Service canadien du renseignement de sécurité lorsque certains critères législatifs concernant la divulgation à ces organismes sont remplis.

De plus, nous pouvons également communiquer des renseignements aux unités du renseignement financier étrangères.

[Traduction]

Notre tâche première est de recevoir tous les jours plus de 65 000 déclarations sur différents types d'opérations financières provenant de multiples entreprises que nous appelons les « entités déclarantes ». La plupart des déclarations nous proviennent des banques, mais nous recevons également des déclarations des casinos, des caisses populaires, des compagnies d'assurance-vie et des entreprises de services monétaires, pour ne nommer que quelques-unes des entités qui, conformément à la loi, sont toutes tenues de nous transmettre des déclarations. Nous recevons plusieurs types de déclarations qui sont autorisées par la loi : déclarations d'opérations douteuses, y compris les tentatives d'opérations douteuses; déclarations d'opérations importantes en espèces de 10 000 $ ou plus; déclarations de déboursements des casinos; déclarations de télévirements internationaux de 10 000 $ ou plus; et déclarations de biens ayant appartenu à un groupe terroriste. Lorsque je parle de télévirements « internationaux », je tiens à préciser qu'il s'agit de télévirements transmis à l'extérieur du Canada ou reçus de l'étranger. Nous ne sommes pas autorisés à recevoir des déclarations de télévirements nationaux.

[Français]

Les exigences de conformité de nous faire parvenir ces déclarations représentent une mesure solide établie pour détecter et prévenir le blanchiment d'argent. Et cela constitue l'un des principaux objectifs de la loi. À la lumière des milliers de déclarations reçues chaque semaine par le CANAFE, il est évident que la protection des renseignements personnels est une responsabilité que nous prenons très au sérieux.

En fait, notre loi stipule expressément que la protection des renseignements personnels doit être au cœur de nos procédures de gestion de l'information, y compris l'établissement de mesures de sécurité très rigoureuses.

[Traduction]

Au fil des années, nous avons créé une très vaste base de données comprenant ces différents types de déclarations. Grâce à nos programmes informatiques sophistiqués et au talent de nos analystes hautement qualifiés, nous pouvons analyser ces données d'une perspective tactique et stratégique et les comprendre, en faisant des rapprochements avec de l'information provenant d'autres sources, comme les bases de données des organismes d'application de la loi et des organismes de sécurité nationale, les bases de données commerciales ou accessibles au public et, parfois, de l'information provenant d'unités du renseignement financier étrangères.

Nous utilisons l'information pour produire des renseignements financiers tactiques et stratégiques. Le renseignement financier tactique aide aux enquêtes criminelles et de renseignement. Ce type de renseignement est axé sur les personnes, les entreprises, les opérations et les comptes que nous soupçonnons pouvoir être utiles aux fins d'enquête ou de poursuite relativement à une infraction de recyclage des produits de la criminalité ou de financement d'activités terroristes ou à une menace à la sécurité du Canada.

Le principal produit de renseignement tactique du CANAFE, la communication de cas comme nous l'appelons, contient de l'information détaillée sur les données financières que nous recevons.

Le sénateur Ringuette : Il nous manque la page 5.

Mme Boileau : Désolée. Nous vous la ferons parvenir.

Le président : Nous vous écouterons très attentivement.

Mme Boileau : Je parlerai lentement. Je suis désolée; nous nous assurerons que vous obteniez cette information.

Ces communications sont transmises à nos partenaires des collectivités de l'application de la loi et du renseignement pour aider aux enquêtes. Comme on l'a mentionné dans notre dernier rapport annuel, nous avons produit 777 communications de cas pour faire avancer des enquêtes et 80 p. 100 de celles-ci ont été générées suite à la réception de renseignements transmis volontairement par nos partenaires.

Le but premier du renseignement financier stratégique est de fournir une étude de niveau élevé, à long terme, qui permet de déceler les nouvelles tendances et méthodes dont se servent les organisations criminelles et terroristes aux fins de blanchiment d'argent et de financement des activités terroristes. Ce produit appuie les priorités nationales du gouvernement comme le programme national de lutte contre le crime organisé.

Le renseignement financier stratégique aide non seulement les organismes d'application de la loi et de sécurité à orienter leurs ressources pour gérer les différents types de menaces, mais influence et rationalise aussi au besoin le développement de modifications législatives et réglementaires appropriées. De plus, le renseignement financier stratégique permet au CANAFE de perfectionner ses propres outils et méthodes d'analyse tactique pour mieux répondre aux besoins des destinataires des communications.

Voilà qui résume le rôle du CANAFE comme producteur de renseignement qui profitera à d'autres organismes et partenaires. Le CANAFE est également chargé d'assurer la conformité à la partie 1 de la loi. Nous y parvenons en travaillant avec de nombreuses entreprises et personnes visées par des obligations en matière de déclaration, de tenue de documents et d'identification des clients établie par la loi.

Notre travail de conformité fait en sorte que le CANAFE continue de recevoir les déclarations d'opérations nécessaires pour produire le renseignement financier. Comme je l'ai indiqué plus tôt, nos efforts de conformité aident à la fois aux aspects de détection et de prévention de notre mandat. En améliorant les exigences en matière de tenue de documents et d'identification des clients, nous créons un environnement au Canada qui est hostile aux activités de blanchiment d'argent et de financement du terrorisme. Les banques, les caisses populaires et d'autres entreprises ont joué un rôle indispensable dans le changement de cet environnement.

Le dernier examen parlementaire de la loi s'est traduit par d'importantes améliorations aux activités du CANAFE. Nommément, il a entraîné l'expansion de la portée de l'information que nous pouvons communiquer à nos partenaires au pays et à l'étranger. Avant cette modification, il était interdit par la loi au CANAFE d'informer ses partenaires des motifs pour lesquels les entités déclarantes soupçonnaient qu'il y avait présence de recyclage des produits de la criminalité ou de financement d'activités terroristes. Cette modification, aussi minime qu'elle puisse sembler, fut plus que bénéfique pour notre travail, car nous pouvons maintenant fournir de l'information plus précise à nos partenaires, ce qui, en retour, aide directement à leurs enquêtes.

Le CANAFE a également fait des changements opérationnels pour améliorer la qualité de ses renseignements financiers et les délais de traitement, des améliorations qui sont largement fondées sur la rétroaction de nos clients. Nous avons œuvré pour harmoniser cet extrant aux cas de plus haute priorité de la GRC et d'autres services de police au Canada. En raison de l'aide fournie aux services de police pour ces cas, on enregistre une forte demande pour nos renseignements, à un point tel que l'Association canadienne des chefs de police a adopté une résolution lors de son dernier congrès annuel reconnaissant l'importante contribution du CANAFE dans le cadre d'enquêtes sur le crime organisé. La résolution tenait compte du fait que nous sommes un partenaire clé et que « le bénéfice financier a été reconnu comme le but clé de toutes les organisations criminelles et que, par conséquent, les renseignements financiers doivent faire partie intégrante de toutes les enquêtes sur le crime organisé ».

Maintenant plus que jamais, les services de police fournissent volontairement des renseignements à CANAFE concernant leurs enquêtes prioritaires. Ils le font pour obtenir une perspective sur le recyclage des produits de la criminalité et les liens au sein d'une enquête qui peut souvent être montrée au grand jour en suivant la piste de l'argent.

Des améliorations réglementaires importantes directement inspirées des recommandations formulées par votre comité en 2006 ont également été mises de l'avant. La majorité des 16 recommandations ont été mises en application. Par exemple, conformément à la proposition du comité, le CANAFE a mis en œuvre un registre national des entreprises de services monétaires. Ces entités sont maintenant légalement obligées de s'inscrire auprès du CANAFE. De plus, nous avons mis en place un système de pénalité administrative pécuniaire pour aider à assurer la conformité à la loi.

Plusieurs autres propositions d'améliorations se trouvent reflétées dans le document de consultation du ministère des Finances du Canada. J'aimerais attirer votre attention sur les propositions qui visent à améliorer l'échange de l'information au sein du régime et à permettre au CANAFE de mieux servir les services de police et d'autres destinataires de notre renseignement financier.

Le CANAFE travaille en étroite collaboration avec le ministère des Finances du Canada afin de proposer des modifications à la législation qui entraîneront les améliorations requises qu'a fait ressortir notre expérience opérationnelle à l'intérieur du cadre existant.

[Français]

Alors, le CANAFE attend avec impatience les recommandations du comité du fait que les recommandations antérieures ont entraîné d'importantes améliorations à la façon dont nous remplissions notre mandat, et, par le fait même, à notre rapport aux services de police et aux organismes d'application de la loi et de sécurité nationale.

Au cours des cinq dernières années, la portée et la réputation du CANAFE en tant qu'organisme de renseignement ont grandi considérablement. Notre succès est mesuré par la qualité des renseignements que nous fournissons et l'assistance que nous offrons à nos partenaires au sein du régime.

Je suis fière de rapporter que selon ces mesures, nous offrons un produit de qualité pour lequel la demande ne cesse d'augmenter. Mes collègues et moi serons heureux de répondre à toutes vos questions.

[Traduction]

Le président : Merci beaucoup, madame Boileau, pour votre déclaration d'ouverture. Comme je l'ai indiqué au départ, c'est notre troisième réunion sur le sujet. Dans les deux réunions que nous avons eues jusqu'ici, nous avons entendu des représentants des Finances, de la GRC, du SCRS, de l'ASFC et de la Sécurité publique. J'aimerais bien que vous commenciez en nous donnant quelques indications de la manière dont vous voyez la coordination et la coopération entre les divers groupes. Y a-t-il des restrictions sur lesquelles vous aimeriez que notre comité fasse des recommandations afin de vous aider à mieux communiquer ou travailler ensemble?

Mme Boileau : Merci, monsieur le président. Je commencerai, mais je demanderai à mes collègues de donner leurs conseils en fonction de leur expérience opérationnelle.

Je crois que nous avons une très bonne relation de travail avec nos partenaires dans le régime et qu'au fil des années qui se sont écoulées depuis le dernier examen nous avons amélioré considérablement la manière dont nous fonctionnons ensemble. Je pense que ces examens nous donnent la possibilité non seulement de prendre du recul sur ce que nous faisons mais aussi de nous projeter dans l'avenir et de voir comment nous pouvons, dans le système, nous améliorer pour mieux servir les Canadiens.

Le président : Y a-t-il d'autres observations? J'entends un silence.

J'aimerais maintenant commencer la période de questions, en me tournant d'abord vers la vice-présidente du comité, le sénateur Hervieux-Payette.

Le sénateur Hervieux-Payette : Vous parlez de vos analystes très compétents. Quelle est leur formation et qu'est-ce qui les incite à trouver les mauvais garnements?

Barry MacKillop, sous-directeur, Analyse financière et communications de cas, Centre d'analyse des opérations et déclarations financières du Canada : Si je vous ai bien compris, vous aimeriez savoir pourquoi nous considérons nos analystes excellents. Lorsque nous les embauchons, leur formation vient de leurs études, ainsi que de toute expérience professionnelle éventuelle, dans le secteur bancaire, en économie ou en criminologie. Nous avons établi et nous offrons un programme de formation très complet au CANAFE. Une formation est donnée à tous les nouveaux analystes sur la manière d'utiliser nos outils et d'identifier les données, et sur les indicateurs du blanchiment d'argent ou du financement du terrorisme que nous examinons. La formation est donnée aux analystes non seulement à leur arrivée, mais aussi au fil de leur carrière, qu'ils travaillent chez nous pendant cinq ans, 10 ans ou toute leur vie.

La formation continue est donnée à mesure que nous nous améliorons, que nous découvrons de nouvelles façons d'interroger notre base de données, par exemple, ou de nouvelles techniques, ou que nous accroissons nos capacités technologiques. Nous avons une équipe spécialisée qui s'intéresse à tous les secteurs du CANAFE et offre une formation continue aux analystes. Nous participons également à de la formation avec la GRC, lorsqu'elle peut offrir de la formation sur le blanchiment d'argent, ainsi qu'à des cours internationaux. Nous donnons et suivons des cours internationaux sur l'analyse du blanchiment d'argent et du financement du terrorisme.

[Français]

Le sénateur Hervieux-Payette : Je ne veux pas entrer dans le détail des échelons et de leur numérotation parce que le public en général ne comprendrait pas le jargon.

On parle de quelle échelle salariale? Je veux simplement vérifier la compétence et la performance de ces gens. Aussi, est-ce qu'il y a un incitatif, une rémunération spéciale pour leur performance?

M. MacKillop : Oui, le CANAFE offre un incitatif lié à la performance à tous les employés, qu'ils soient au niveau d'entrée en fonction ou qu'ils soient les plus expérimentés. Chaque année, il y a un incitatif salarial pour leur performance qui provient de la fierté qu'ils ont de trouver les criminels ou les gens qui sont soupçonnés d'être des criminels. Ils sont très fiers de leur travail et le trouvent très intéressant. Il y a aussi un incitatif monétaire.

Le sénateur Hervieux-Payette : Quel est le salaire le plus bas et quel est le salaire le plus élevé?

Mme Boileau : Le salaire se situe dans une échelle entre 60 000 $ et 100 000 $. Si on les compare aux cadres de la fonction publique, ils gagnent l'équivalent d'un EX-1. Sous leur tutelle, il y a des analystes dont le salaire se compare à celui d'autres ministères, soit entre 50 000 $ jusqu'à 100 000 $.

Le sénateur Massicotte : On parle d'experts en communication et de gens qui se spécialisent dans le domaine du commerce électronique. On sait que les génies dans ce domaine sont plutôt rares. Quelle compensation offre-t-on pour ce groupe de spécialistes?

Même si nous savons que nous ne sommes pas concurrentiels sur le plan des nouvelles technologies, est-ce que le salaire est suffisamment élevé pour attirer les meilleurs afin qu'ils puissent contrer le crime organisé?

Mme Boileau : Tout à fait. On a des gens qui ont un doctorat en mathématiques et qui se passionnent pour les méthodologies d'analyse d'informations. C'est un secteur très compétitif pour attirer des gens.

Le sénateur Massicotte : Combien sont-il payés?

Mme Boileau : Le groupe auquel vous faites référence est payé entre 70 000 $ et 80 000 $.

Le sénateur Hervieux-Payette : À la page 6, en bas de la page, vous dites que vous avez 777 communications pour faire avancer des enquêtes et que 80 p. 100 de celles-ci ont été générées suite à des renseignements transmis volontairement par vos partenaires. On retrouve le mot « volontairement » à un autre endroit dans le rapport. On dit, à la page 10 :

Maintenant, plus que jamais les services de police fournissent volontairement des renseignements à CANAFE.

Pourquoi fournir volontairement des renseignements? Je crois que lorsqu'une une loi s'applique, elle s'applique nécessairement et les gens doivent la respecter. Ce n'est plus une question de se porter volontaire puisque c'est obligatoire.

Il va falloir rectifier la rédaction de la loi parce qu'on ne peut pas faire cela volontairement, seulement quand ça nous tente.

Mme Boileau : Je vais laisser mon collègue, M. MacKillop, expliquer la terminologie.

M. MacKillop : Essentiellement, on ne peut pas obliger les corps de police à transmettre de l'information au sujet de toutes les enquêtes. On reçoit l'information volontairement dans les cas d'enquêtes policières reliées au blanchiment d'argent ou au financement du terrorisme.

C'est de l'information qui nous est fournie sur une base volontaire. Nous, on ne cherche pas l'information, on ne mène pas d'enquêtes et on ne soutire pas l'information des corps de police. Ce que nous disent les corps policiers, c'est qu'ils vont soumettre de l'information volontairement s'ils jugent qu'il est important pour le CANAFE de recevoir l'information.

Par la suite, si le CANAFE atteint son seuil, il divulgue l'information aux corps de police intéressés. Ce n'est pas une obligation pour les policiers de soumettre l'information; ils le font plutôt pour faire avancer leurs propres enquêtes.

Le sénateur Hervieux-Payette : Je pense qu'il y a lieu, dans le cadre de l'examen de la loi...

Paul Dubrule, avocat général, Centre d'analyse des opérations et déclarations financières du Canada : En vertu de la loi, le CANAFE a été créé comme une agence indépendante et autonome des corps policiers. C'est par exprès qu'il n'y a pas d'obligation pour les corps policiers de nous fournir des renseignements. C'est pour assurer l'indépendance du CANAFE, étant donné que le centre reçoit des rapports directement des entités déclarantes.

Le sénateur Hervieux-Payette : Vous me permettrez de penser que cela crée de gros trous. D'abord, les policiers ne sont pas tous bien informés sur le rôle que joue le CANAFE. Vos équipes regroupent quelques centaines de personnes.

On parle de milliers de policiers qui font des enquêtes et qui travaillent sur le terrain. Je pense que c'est certainement une source importante d'information pour votre opération. Ce n'est pas seulement votre équipe qui va trouver les criminels. De toute façon, on pourra poser la question à d'autres témoins. Mais cela m'inquiète énormément de savoir que si cela leur tente et s'ils le savent, ils vont vous faire un rapport. Cela ne vous enlève pas votre autonomie parce que vous avez le choix de procéder ou pas. C'est vous qui devez savoir si par la suite l'information peut être utile.

À la page 9, vous parlez encore de la GRC. Mais parmi les gens qui font ces rapports quand ça leur tente, quelles sont les proportions entre la police municipale, la police provinciale et la GRC? C'est ma dernière question.

M. MacKillop : La GRC est l'un de nos plus gros clients. Les policiers de la GRC sont présents partout, on travaille beaucoup aussi avec les différents corps de police à travers le Canada et avec l'Association canadiens des chefs de police qui partage beaucoup d'informations avec le CANAFE.

On fait beaucoup d'éducation au niveau des corps de police. Comme le mentionnait Darlene, la résolution de l'Association canadienne des chefs de police indiquait clairement que les policiers partout au Canada supportaient le CANAFE, et ils voient l'utilité d'accéder à notre information pour faire avancer leurs enquêtes reliées au blanchiment d'argent ou au financement du terrorisme.

Les policiers sont au courant de ce que le CANAFE est capable de faire et ils nous utilisent beaucoup dans presque toutes leurs enquêtes reliées au blanchiment d'argent. Le CANAFE continue à travailler étroitement avec les corps de police individuels et aussi avec l'Association des chefs de police du Canada.

[Traduction]

Le sénateur Stewart Olsen : Vous pouvez peut-être m'aider. Je n'étais pas membre de ce comité il y a des années. Vous affirmez que vous vous occupez des déclarations internationales, mais pas du blanchiment d'argent au Canada. Est-ce exact?

Mme Boileau : Les virements d'argent au Canada.

Le sénateur Stewart Olsen : Vous avez un seuil des opérations douteuses. Quel est-il? J'aurai ensuite deux autres questions. Un seuil des opérations douteuses ou de déclarations douteuses, ce serait quoi?

M. Dubrule : Il n'y a pas de seuil particulier prévu dans la loi concernant ce qui est douteux. Il revient aux entités déclarantes d'établir, en fonction de leur connaissance particulière de leur secteur, de leurs produits et de leurs clients, quelle activité est douteuse pour elles, en tenant compte de tous des facteurs.

Le sénateur Stewart Olsen : Ce n'est pas seulement 10 000 $?

M. Dubrule : Non. Les déclarations d'opérations douteuses sont une catégorie distincte, sans égard au montant, et il y a les déclarations objectives des opérations en espèces de 10 000 $ ou plus. Ces opérations sont visées, tout comme les télévirements de 10 000 $ lorsque l'expéditeur ou le destinataire se trouve au Canada.

Le sénateur Stewart Olsen : Le CANAFE travaille-t-il avec les diverses organisations que vous avez décrites pour déterminer ce qui constituerait une opération douteuse? Si je travaillais dans une banque, je ne le saurais peut-être pas, même si j'avais peut-être une petite idée. Comment savent-ils ce qui est douteux et ce qui ne l'est pas?

Chantal Jalbert, directrice adjointe, Opérations régionales et conformité, Centre d'analyse des opérations et déclarations financières du Canada : Je pense que cette question est pour moi, parce que je suis responsable du programme de conformité, et que ce que vous évoquez relève essentiellement de ce domaine. Les entités déclarantes, dont les banques constituent un groupe très important, doivent mettre en place un régime de conformité, qui comprend de politiques et des procédures, une formation de leur personnel de première ligne et de tout le personnel, afin qu'ils comprennent leurs obligations à l'égard des déclarations, et qu'ils présentent les déclarations que nous avons mentionnées.

Le sénateur Stewart Olsen : Je vois quelque chose et je ne sais pas si c'est bien réel. Vous vous occupez des opérations internationales et vous travaillez avec nos forces policières, ici au Canada, au sujet des opérations internationales. Qui s'occupe des opérations nationales, comment cette information vous revient-elle et comment l'intégrez-vous dans le système mondial? Supposons une déclaration nationale. À Montréal ou à Toronto, une opération douteuse a été signalée aux forces policières, je suppose. Comment en êtes-vous informés? Cette opération pourrait être reliée à une opération internationale. Je me demande comment vous intégrez les deux.

M. Dubrule : En ce qui concerne les opérations douteuses, pour tout ce qui se passe au Canada, et je prendrai l'exemple des banques, qui sont le plus important groupe du secteur financier, lorsqu'elles trouvent une opération ou une tentative d'opération douteuse, elles sont tenues de signaler cet incident au CANAFE. C'est une opération douteuse.

Sur le front international, l'accent est mis sur les télévirements. Le CANAFE obtient des déclarations des banques et des entités déclarantes sur les télévirements transmis à l'extérieur du Canada, d'une valeur de 10 000 $ ou plus, et sur les télévirements qui entrent au Canada d'une valeur de 10 000 $ ou plus.

Le sénateur Stewart Olsen : J'ai probablement mal lu, mais je voulais que ce soit précisé.

Vous travaillez en étroite collaboration avec le ministère, et je le comprends, mais je fais écho au président et je recommande que vous alliez peut-être un peu plus loin pour aider le rapport. Merci.

Le sénateur Ringuette : À maintes reprises dans votre déclaration, vous avez parlé de partenaires dans le monde. Qui sont ces partenaires?

Mme Boileau : Comme l'a expliqué le ministère des Finances la semaine dernière, si je ne m'abuse, nous sommes membres du GAFI, le Groupe d'action financière. Quelques pays participent à ces ententes et examinent les normes internationales fixées par le Groupe d'action financière.

Nous sommes également membre d'Egmont, Egmont regroupant les unités du renseignement financier dans le monde. En tout, 127 pays se sont dotés d'unités du renseignement financier. Nous collaborons aussi de très près avec ces autres unités dans le monde.

Le sénateur Ringuette : Assistez-vous aux réunions du Groupe d'action financière?

Mme Boileau : J'y assisterai. Je ne l'ai pas encore fait. Je suis au CANAFE depuis peu, alors je le ferai à l'avenir. Le CANAFE y assiste.

Le sénateur Ringuette : Je parlais de votre organisation. Donc, vous y assistez.

Mme Boileau : Oui.

Le sénateur Ringuette : Pouvez-vous expliquer pourquoi les États-Unis n'ont pas les mêmes lois que nous au Canada afin d'obliger leurs institutions financières à fournir de l'information sur les opérations de 10 000 $ ou plus, comme au Canada, mais peu importe le montant? Tout au long de ces années, ils ne se sont pas conformés à ce que je considère comme le minimum en ce qui concerne le Groupe d'action financière?

Mme Boileau : Je ne peux pas expliquer exactement pourquoi les États-Unis n'ont pas fixé ce seuil, mais tous les pays sont souverains et peuvent établir les paramètres de leurs lois.

Le sénateur Ringuette : J'en conviens. Votre organisation fait partie de ce groupe d'action. Elle fait aussi partie de ce qu'on appelle Egmont, soit les unités du renseignement financier de 127 pays. Une norme est établie afin d'être efficace pour détecter le blanchiment d'argent ou le financement d'activités terroristes. Il semble que vous soyez très actifs pour recevoir et donner de l'information au pays et à l'international. Ma question est, dans quelle mesure les autres membres du groupe d'action sont-ils actifs pour vous fournir ce même genre d'information?

M. Dubrule : Lorsque le CANAFE a été créé il y a un peu plus d'une décennie, il l'a été en fonction de l'expérience internationale à l'époque. C'est à la suite de cela que les choses se sont faites de manière très novatrice, pour exiger que soient déclarés les télévirements et les grosses opérations en espèces. Presque partout au monde, dans presque tous les autres pays qui ont des unités du renseignement financier, ces types de déclarations ne doivent pas être présentées aux unités du renseignement financier.

Par notre travail, nous tentons de montrer la valeur de ces types de déclarations pour les produits du renseignement que nous offrons, non seulement à l'échelle nationale aux services de police et aux autres organismes partenaires, mais aussi à l'échelle internationale, afin que ces pays voient eux aussi la valeur et l'avantage pour le système financier mondial d'obtenir ce type de déclarations financières.

Le sénateur Ringuette : Finalement, une décennie après la mise en place de cette organisation internationale, le Canada, par l'entremise de votre centre, fournit probablement davantage d'information à l'étranger qu'il n'en reçoit, n'est-ce pas? En moyenne, combien de déclarations d'opérations douteuses recevez-vous par année?

M. MacKillop : Demandons-nous de l'information à nos partenaires internationaux et nous en demandent-ils sur des cas précis et particuliers? La réponse est oui, aux deux questions.

Le sénateur Ringuette : Je vous interroge sur l'information proactive, parce que vous êtes une organisation proactive, selon le sens que vous donnez à cette expression, à cause des exigences de déclaration imposées aux institutions financières et aux autres entités au Canada. Combien de fois recevez-vous de l'information proactive d'autres membres du groupe d'action?

M. MacKillop : Nous recevons quelques centaines de demandes de renseignements, soit de l'information semblable aux renseignements fournis volontairement. Nous recevons quelques centaines de demandes par année. L'an dernier, nous avons fourni environ 150 communications à nos partenaires des unités du renseignement étrangères. Il y a eu probablement une cinquantaine de cas où nous leur avons demandé de l'information et où nous en avons reçue.

Nos demandes de renseignements ont tendance à être proactives, comme vous l'avez indiqué. Si nous avons un cas au Canada, par exemple lorsque nous voulons transmettre de l'information à la GRC, un cas qui a une connexion internationale d'après notre analyse, alors nous demandons à la GRC la permission de transmettre également cette information à nos partenaires internationaux. Ils la reçoivent et soit ils nous fournissent de l'information, s'ils en ont, soit ils s'en servent dans leurs propres enquêtes dans leur pays, avec leurs partenaires nationaux.

Le sénateur Ringuette : Le ministère des Finances suggère que les cartes de crédit prépayées soient visées dans la loi. La technologie et différents produits monétaires foisonnent et ils changent presque tous les trois mois. Pourquoi devrions-nous préciser un produit en particulier maintenant, quand la loi n'est examinée que tous les cinq ans? Pourquoi ne pas avoir une liste de produits dans un règlement, une liste qui pourrait être allongée selon les besoins, au lieu d'indiquer des produits dans une loi qui ne sera pas réexaminée avant cinq ans?

Mme Boileau : C'est une décision de politique. Nous avons hâte de voir l'avis du comité sur la manière dont vous voudriez que cela soit mis en œuvre. Au CANAFE, nous mettons la loi en œuvre.

Le président : Vu la question posée par le sénateur Ringuette, vous avez certainement des idées sur des moyens de mieux exercer vos activités et des suggestions à faire au comité. Qu'aimeriez-vous avoir pour être plus efficaces?

Mme Boileau : Nous travaillons en très étroite collaboration avec les Finances, les propositions que vous avez devant vous se fondant sur l'expérience que nous avons acquise ces dernières années au CANAFE. Les propositions que vous avez devant vous sont très inspirées de notre travail.

Le sénateur Ringuette : Je comprends, mais les propositions se fondent sur le passé. Nous voulons une loi qui vous aidera dans votre tâche pour les cinq prochaines années. C'est pour cela que je pose la question au sujet de l'ajout de produits particuliers dans la loi quand l'autre solution consiste à établir une liste de produits fondée sur des règles et modifiable au besoin. Par exemple, une année donnée, un nouveau produit peut arriver sur le marché et être identifié comme source d'activité criminelle, mais il serait impossible d'examiner ce produit parce qu'il ne serait pas prévu dans la loi. Ne pensez-vous pas que vous devriez probablement demander l'option que la liste des produits que vous devez examiner se trouve dans un règlement, que le ministère peut modifier plus rapidement?

Le président : Qu'en pensez-vous?

M. Dubrule : Le CANAFE aimerait faire son travail le mieux possible, comme l'a indiqué Mme Boileau. Mais nous ne sommes pas en mesure de dire comment la loi ou les règlements devraient être conçus.

Le président : Est-ce que la suggestion du sénateur Ringuette vous serait utile?

M. Dubrule : Ce qui permettrait au gouvernement de réagir rapidement à une nouveauté, en règle générale, serait utile.

Le président : Insinuez-vous que le gouvernement ne peut pas réagir assez rapidement?

M. Dubrule : Non, monsieur le président. Des modifications ont été apportées à la loi, quand il le fallait. Je prends note de la remarque du sénateur qu'il est plus rapide de prendre des règlements que d'apporter des changements législatifs.

[Français]

Le sénateur L. Smith : Pour faire suite à ce que disaient le sénateur Ringuette et notre président, vous avez mentionné, à la page 8, que vous avez mis en œuvre la majorité des 16 recommandations. Est-ce qu'il y a quelque chose d'autre là-dedans que vous voudriez mettre en œuvre et pouvez-vous nous en faire part? Est-ce que vous avez un plan stratégique? Je sais que votre travail est de répondre aux législations mais, en même temps, vous avez un rôle unique et, si je comprends bien, vous avez la capacité d'être conscients des tendances futures et de peut-être développer des outils. Vos relations avec le ministère des Finances, avec qui vous travaillez directement, et les agences, sont très importantes; mais quel est votre rôle? Est-ce qu'il y a quelque chose, parmi les 16 points mentionnés, que vous voulez faire?

Est-ce que vous avez une vision, comme le sénateur Ringuette l'a dit, « proactive »? Pour ma part, j'utiliserais l'expression strategy moving forward.

Je sais que c'est un peu complexe, mais il y a deux éléments dans la question. Qu'y a-t-il eu dans les cinq dernières années que vous voudriez mettre en œuvre? Deuxièmement, est-ce que vous avez un plan que vous pourriez mettre en œuvre pour développer, peut-être, d'autres outils? Je sais que c'est une question sensible et que vous voulez respecter le rôle que vous avez.

[Traduction]

Mme Boileau : Ce sont de très bonnes questions. Sur les 16 recommandations présentées par le comité en 2006, environ 13 se sont retrouvées dans des modifications à la loi et ont été mises en œuvre. Certaines reviennent dans le document de consultation — celles pour lesquelles il n'y avait peut-être pas assez d'information à l'époque. Nous avons glané plus d'information au fil des années et elle se retrouve dans les propositions que vous avez devant vous.

Nous avons travaillé très activement avec les Finances, la Sécurité publique, le SCRS et la GRC pour déterminer comment nous pouvons améliorer ce que nous faisons. L'information a été fournie au comité dans le document de consultation et vous y reviendrez dans votre rapport. L'information est également transmise au comité par les intervenants, soit les entités déclarantes, qui seront également pris en considération. Les éléments qui nous intéressent le plus sont devant vous, dans le document de consultation.

Le sénateur L. Smith : J'ai posé la question parce que, tout au long des témoignages, nous avons entendu des gens nous expliquer à quelle vitesse la criminalité, les criminels et les organisations criminelles s'adaptent. Quand vous dressez un obstacle, ils s'adaptent.

Personnellement et simplement, je tente toujours de prévoir ce que fera mon adversaire. Si j'étais à votre place, j'aurais l'impression que l'une des possibilités qui s'offrent à vous, parce que vous êtes dans une position unique, serait d'avoir la capacité stratégique de prévoir les coups.

Nous savons aussi que la technologie progresse si vite, et la technologie est utilisée dans les activités criminelles, qu'il me semble naturel, tout en respectant le fait que vous appliquez la loi, que vous soyez les personnes en mesure de développer cette capacité à l'avenir. Je ne suis pas certain que les législateurs auraient nécessairement la même capacité stratégique que vous.

Si nous voulons être proactifs et jouer un rôle de leadership, et je suis bien obligé de l'admettre, et si vous devez changer la portée de votre mandat, il me semble que l'occasion est belle.

M. Dubrule : À cet égard, j'aimerais assurer tous les membres du comité que le CANAFE est au courant de ces types de problèmes futurs. Nous sommes un service du renseignement et, de ce fait, nous ne pouvons pas nous exprimer librement sur les tendances et sur la manière dont nous souhaitons contrer ces tendances de l'activité criminelle, mais ce type d'information est fourni au ministère des Finances afin qu'il puisse en tenir compte dans l'élaboration de propositions, de nature réglementaire ou législative.

Le sénateur L. Smith : Ce que vous dites, c'est que vous le faites déjà.

M. Dubrule : Absolument.

Le sénateur Harb : J'ai quelques questions et la première en est une facile sur la protection de l'information. Dans votre déclaration ici, en février 2012, vous affirmez que le CANAFE « peut communiquer ces renseignements uniquement aux entités prescrites, y compris la police ainsi que des organismes précis d'application de la loi et de sécurité, et uniquement lorsque les seuils légaux établis sont atteints ».

Supposons, par exemple, que je sois policier dans le pays A. Je veux faire une demande pour obtenir de l'information sur M. John Smith ou Joe Smith, alors je vous écris. Que faites-vous avant de décider de me communiquer ou non de l'information?

M. MacKillop : Premièrement, si vous êtes dans le pays A, les demandes devraient passer par l'unité du renseignement financier de votre pays. Si nous recevons l'information, si nous avons un protocole d'entente avec le pays, qui nous permet d'échanger de l'information et de communiquer nos cas, alors nous effectuerons l'analyse. Notre seuil est que nous devons soupçonner que c'est pertinent dans une enquête sur un blanchiment d'argent. Si une enquête est en cours dans un autre pays, l'unité du renseignement financier nous envoie une demande et nous effectuons l'analyse. Si nous soupçonnons que l'information ou le renseignement que nous possédons peut être pertinent dans une enquête et que nous avons un protocole d'entente avec le pays, nous préparons une trousse de communications et nous transmettons ces communications à l'unité du renseignement étrangère. Si nous n'avons pas de protocole d'entente, alors l'information qui arriverait serait simplement de l'information transmise et serait considérée comme des renseignements transmis volontairement. Nous avons au CANAFE le pouvoir discrétionnaire de communiquer, de sorte que nous pouvons, qu'un protocole d'entente soit en place ou non, décider si nous voulons ou ne voulons pas communiquer de l'information à ce pays. Nous ne sommes pas tenus de communiquer l'information que nous possédons.

Le sénateur Harb : Vous avez déclaré vous-mêmes dans votre politique que vous avez certaines normes. Si les conditions ne sont pas remplies, vous ne communiquez pas l'information.

M. MacKillop : Il faut que le seuil soit atteint. Il ne s'agit pas du seuil de 10 000 $. Si nous soupçonnons que l'information que nous possédons serait pertinente dans une enquête sur le blanchiment d'argent ou le financement du terrorisme, alors nous pouvons la communiquer. C'est un niveau de suspicion.

Le sénateur Harb : Je suppose que presque toutes les 127 unités du renseignement financier pourraient faire une demande et que vous communiqueriez l'information?

M. MacKillop : Pas nécessairement. Elles peuvent faire la demande et, si elle atteint le seuil et que nous avons un protocole d'entente avec le pays, avec l'URF, l'unité du renseignement financier, alors nous pouvons communiquer l'information. Nous ne sommes pas tenus automatiquement de communiquer l'information.

Le sénateur Harb : Serait-il possible de fournir au comité la liste des protocoles d'entente que vous avez avec d'autres pays? Il y a des pays qui ne sont peut-être pas des démocraties et, pour des raisons politiques, si M. Oliver est mon opposant politique et que j'ai de bonnes relations avec la police, j'appellerai la police pour lui demander de lancer une enquête sur M. Oliver. J'ai vu que M. Oliver a fait quelques voyages au Canada. Je peux lui rendre la vie très misérable, en utilisant un outil très légitime pour régler un problème très légitime. C'est la préoccupation que je soulève.

Je voudrais passer brièvement aux déclarations d'opérations douteuses qui ont été faites à votre organisme de 2007 à 2010. Il y a eu 238 000 déclarations d'opérations douteuses. Quand nous examinons le tableau que nous a remis le ministère des Finances, et je suppose que vous le connaissez, durant la même période, de 2007 à 2010, les communications de cas se sont élevées à environ 2 000, bien qu'il y ait eu près de 80 à 90 millions d'opérations. Si le seuil de 10 000 $ était aboli pour toutes les opérations internationales, je suppose qu'il y aurait des centaines de millions, voire des milliards, d'opérations. Ma question est la suivante : Comment diable ferez-vous pour les traiter, à moins de devenir simplement une base de données? Autrement, c'est inconcevable. Quelle analyse économique ou étude de cas avez-vous effectuée pour dire que c'est rentable? Est-ce que cela a du sens, du point de vue économique, ou jetons-nous simplement de l'argent par les fenêtres?

M. MacKillop : En ce qui concerne les demandes que nous recevons de l'étranger, pour revenir à votre question précédente, par Egmont, la norme est que nous les recevons par l'entremise de l'unité du renseignement financier, pas simplement d'une force policière menant une enquête sur quelqu'un. La demande passerait par l'unité du renseignement financier, qui nous la transmettrait. C'est ainsi que cela se passe.

En ce qui concerne les télévirements, je ne peux pas vous dire combien nous en recevrions de plus, parce que nous ne les recevons pas systématiquement à l'heure actuelle. Il est certainement logique de penser qu'il y en aurait beaucoup plus. Avons-nous la capacité de les traiter? Le renseignement que nous avons vu jusqu'ici et notre expérience semblent indiquer que, surtout dans le domaine du financement du terrorisme, par exemple, l'argent a tendance à se déplacer bien en deçà du seuil de 10 000 $. De ce point de vue, si vous voulez savoir si vous en auriez pour votre argent, oui, nous pourrions probablement trouver beaucoup d'autres opérations qui pourraient être reliées ou soupçonnées d'être reliées au financement du terrorisme et au blanchiment d'argent parce que, comme on l'a indiqué plus tôt, les criminels sont capables de s'adapter et ils effectueront des télévirements inférieurs au seuil. Si nous avons une règle de 24 heures, ils feront le virement 25 heures plus tard pour contourner la règle.

Il y a des progrès technologiques que nous pouvons examiner. Tel qu'indiqué, les criminels se servent de la technologie mais nous aussi, ce qui nous permet de fouiller correctement dans les données et d'utiliser les données pour optimiser le renseignement que nous pouvons tirer des données que nous recevons. Nous croyons que les déclarations et les communications que nous faisons actuellement deviendront plus utiles et plus utilisables par nos partenaires des forces policières et de la sécurité parce que l'information que nous posséderons sera de plus en plus utile pour repérer les opérations éventuelles.

À l'échelle internationale, comme l'a fait remarquer M. Dubrule, les données sur les télévirements ne sont pas collectées systématiquement par toutes les URF, mais nous savons qu'en Australie, ils collectent de l'information sur les télévirements internationaux, qu'ils n'ont pas de seuil et semblent pouvoir fonctionner assez bien en ce qui concerne leurs communications et la gestion des données qu'ils reçoivent.

Le sénateur Harb : Quel coût représentent les institutions financières pour vous et le régime qui, je suppose, comprend la GRC, Revenu Canada et le SCRS?

M. MacKillop : En ce qui concerne le coût de l'envoi de toutes les déclarations, on pourrait dire que cela allège en partie le fardeau, parce qu'il n'y a plus de règle ou de seuil à établir. Elles nous envoient tout simplement tout. Pour ce qui est de la réception, les données arrivent sur support électronique, alors qu'il y ait un lot de 10 ou de 100 déclarations, le coût est le même. En ce qui concerne le nombre d'analystes, nous faisons de notre mieux avec les ressources dont nous disposons.

Le président : Le modèle australien en est-il un que vous examinez dans certains domaines particuliers?

M. MacKillop : Parce que c'est un de nos principaux partenaires, oui. Comme on l'a mentionné hier, nous faisons affaire avec le groupe appelé 5-Eyes dans tous les domaines de l'application de la loi et de la sécurité nationale. Nous examinons certainement ce que nous pouvons apprendre de ce modèle et nous examinons ce qui se fait chez tous nos autres partenaires, pour nous inspirer des pratiques exemplaires qui existent dans le monde entier. Comme l'a indiqué le sénateur, tous les URF ne travaillent pas de la même façon parce que les lois ne sont pas identiques. Nous nous efforçons d'être les meilleurs.

[Français]

Le sénateur Maltais : J'aimerais revenir sur les déclarations douteuses qui sont faites au CANAFE. Je suis intrigué; quand je regarde ce qui vient des grandes banques, c'est environ 32 p. 100 des déclarations. Si j'additionne les caisses populaires et les coopératives de crédit, j'arrive à près de 29 p. 100. Je suis surpris parce que les grandes banques sont dans les grands centres, les grandes villes, et souvent à l'extérieur dans les grandes villes américaines, sud-américaines ou européennes. Mais la coopérative de Saskatoon ou la Caisse populaire de Sainte-Thérèse ne sont pas représentées au Guatemala. Comment peut-il y avoir autant de déclarations douteuses dans ces petites coopératives d'épargne et de crédit?

Mme Jalbert : Certainement, le secteur financier est un des plus importants pour nous dans le cas de la prévention et de la détection des activités de blanchiment d'argent et de financement du terrorisme. Ce que vous nommez là, c'est le secteur financier presque en entier; ce sont eux qui nous envoient le plus de rapports, qui, finalement, sont analysés par mon collègue, M. MacKillop, et se trouvent dans les communications de cas que nous faisons aux corps policiers.

Le sénateur Maltais : C'est quand même surprenant; je ne croyais pas que les coopératives de crédit, qui fonctionnent à l'intérieur du Canada, étaient soumises à des pressions internationales pour du blanchiment d'argent. Cela me surprend. Si on prend par exemple la coopérative des travailleurs de Quebec North Shore, qui se trouve uniquement à Baie Comeau, comment quelqu'un peut-il la contacter pour faire une transaction douteuse?

Mme Jalbert : Si je peux me permettre, quand on parle de déclarations d'opérations douteuses, on parle d'opérations financières qui ont lieu au Canada. Quand on parlait d'international tantôt, c'était pour les télévirements internationaux qui, eux, impliquent une transaction qui, soit part du Canada, soit arrive au Canada. Ce dont vous parlez, ce sont des transactions financières canadiennes pour lesquelles les institutions financières ont établi des régimes de gestion du risque. Ils ont à évaluer leurs produits, les services qu'ils fournissent ainsi que leurs clients et la géographie. Si un certain niveau de risque est atteint de leur part, à ce moment-là ils vont nous soumettre les déclarations d'opérations douteuses.

Le sénateur Maltais : Sur les 238 000 déclarations douteuses qui vous sont transmises, combien pouvez-vous traiter dans la même année? Faites-vous un filtrage? Comme cela fonctionne-t-il?

Mme Jalbert : Je vais laisser M. MacKillop vous répondre, car c'est lui qui les regarde tous les jours.

M. MacKilllop : C'est effectivement la réponse, nous les regardons tous les jours. Nous ne les recevons pas toutes en même temps, heureusement; mais nous en recevons environ 200 par jour. Nous les regardons tous les jours, c'est vraiment un outil très important pour nous pour être proactif et pour générer des cas, des divulgations qu'on peut faire aux corps de police. La qualité des déclarations a beaucoup augmenté dans les dernières années. Les entités qui nous font ces déclarations jouent est un rôle très important dans le régime.

Le sénateur Maltais : Comment faites-vous, en les regardant passer à un rythme de 200 par jour, pour qu'il vous vienne à l'esprit de dire : celle-là est vraiment douteuse, je la mets de côté pour la traiter après 17 heures?

M. MacKillop : Je ne pourrais malheureusement pas tout vous expliquer, bien que je vous invite, au cas où vous cherchiez un emploi, à venir suivre la formation chez nous, et je vous montrerai alors intégralement comment nous faisons cela. Certainement, nous avons des mécanismes, des indicateurs; il y a des mots clés que nous recherchons.

Le sénateur Massicotte : Si je comprends bien, votre département se concentre presque exclusivement sur des transferts comptant, des télévirements? Est-ce que je me trompe?

M. MacKillop : Non. Les télévirements, ce n'est pas en espèce.

Le sénateur Massicotte : Évidemment, ce sont les dépôts de cash ou des liquidités de 10 000 $ ou plus. On sait bien que, dans le monde entier, parmi les 200 pays, quelques-uns ne sont pas bien réglementés ou sont de mèche avec le crime organisé — sans les nommer. Dans ces cas-là, on entend dire, et c'est dans les journaux, que le crime organisé travaille très bien avec les autorités en place et que ces gens-là tolèrent ces compagnies qui mènent des activités qui sont peut-être criminelles. En conséquence, les gens de ces compagnies ont des comptes de banque, des cartes de crédit, des cartes de débit, des cartes prépayées; et ces personnes viennent au Canada et font des chèques, des paiements, déposent un chèque à la Banque de Montréal ou autres. Y a-t-il un besoin de faire un rapport sur ces dépôts? Si un entrepreneur reçoit un chèque pour une construction immobilière et le dépose à sa banque — évidemment cela retourne à la banque du pays étranger — quelle sorte de contrôle y a-t-il à ce moment-là?

Mme Jalbert : Je peux essayer de l'expliquer. Ce que vous demandez, c'est si la compagnie veut opérer au Canada et avoir un compte de banque au Canada et faire des transactions?

Le sénateur Massicotte : Non, je parle d'une compagnie étrangère — peut-être qu'elle peut s'enregistrer comme compagnie canadienne — qui aurait des comptes de banque à l'étranger, dans des pays où la réglementation n'est pas très sévère, et qui les utiliserait pour faire des chèques, des paiements au Canada.

Mme Jalbert : À ce moment-là, les seules déclarations qui vont nous parvenir sont celles de télévirements internationaux, comme on le mentionnait tantôt. Les autres transactions, internes à l'autre pays, ne nous parviendront pas.

Le sénateur Massicotte : Si une des ces personnes émet un chèque de 100 000 $ pour l'achat d'une maison ou autre, et que c'est de l'argent qui n'est pas propre, qui provient de l'extérieur, est-ce qu'on a un contrôle au Canada sur ce type de transaction?

Mme Jalbert : Pas à l'extérieur du Canada. En revanche, il pourrait y avoir des demandes faites à M. MacKillop pour des enquêtes qui ont lieu là-bas pour avoir des renseignements sur des gens qui opèrent dans les deux pays. Sinon, on n'a pas accès aux transactions internationales que vous mentionnez.

Le sénateur Massicotte : La banque n'a pas d'obligation de signaler que cela a l'air suspect?

Mme Jalbert : Cela dépend si le client a un compte au Canada. Il faut que le client ait un compte au Canada.

Le sénateur Massicotte : Non, il n'a pas de compte au Canada et émet un chèque d'un pays quelconque. Il y a des milliers de banques qu'on ne connaît pas. Au Canada on est habitué à cinq ou six banques importantes, mais il y a des tonnes de comptes de banque dans des pays plus secrets ou moins connus.

Mme Jalbert : Il faut qu'il y ait des transactions que les banques canadiennes vont trouver et voir comme douteuses. Il faut que cela passe par le Canada d'une certaine manière.

Le sénateur Massicotte : J'essaye de comprendre la responsabilité des banques canadiennes. Mettons que, dans l'une d'elles, ils voient ce paiement d'une petite banque, ils ont déjà fait affaire avec cette banque et sont certains d'être payés. Ils n'ont pas de raison de ne pas accepter le chèque. Leur critère d'acceptabilité est-il seulement d'être payé ou de dire « cette transaction à l'air bizarre, mais je n'ai pas d'obligation vis-à-vis du CANAFE de faire une déclaration »?

Mme Jalbert : Ce dont vous parlez, à ce moment-là, c'est peut-être de la fraude interne, qui n'est pas une offense désignée pour nous. Il faut qu'il y ait un doute de blanchiment d'argent. S'il y a doute de blanchiment d'argent et que la banque voit cette transaction, elle pourrait nous faire une déclaration d'opération douteuse.

Le sénateur Massicotte : Pourrait ou devrait?

Mme Jalbert : Elle pourrait, car, comme M. Dubrule l'expliquait plus tôt, c'est à elle de voir si elle peut considérer raisonnablement la transaction comme douteuse.

Le sénateur Massicotte : Est-ce le même traitement pour les chèques et les cartes prépayées? En d'autres mots, la personne vient avec une carte prépayée pour 10 000 $, 15 000 $? Est-ce le même système, est-ce que ça ne relève pas de vous non plus?

Mme Jalbert : Pour l'instant les cartes prépayées ne sont pas couvertes par notre régime.

Le sénateur Massicotte : La législation propose un amendement en ce sens. Cela inclura-t-il les cartes prépayées à l'extérieur du pays?

Mme Jalbert : Il est possible que oui, mais c'est surtout pour les transactions entre les frontières des pays qu'elles seront un instrument important.

[Traduction]

Le sénateur Hervieux-Payette : C'est très intéressant. Il y a deux catégories de personnes qui peuvent venir ici et acheter une entreprise ou un immeuble, ce sont les immigrants qu'on appelle les immigrants investisseurs. Très souvent, les sommes en cause sont très élevées. Examinons-nous la source de l'argent? Des gens qui ont été politiciens dans d'autres pays ont obtenu de l'argent par la fraude dans leur pays. Il y en a quelques-uns chez nous. Un appartement de 4 millions de dollars a été acheté dans notre pays. Considérez-vous cet argent comme du blanchiment d'argent? Ils ont obtenu cet argent par des moyens pas très honnêtes. Nous connaissons de nombreux incidents. Vous occupez-vous de cela?

Mme Jalbert : Je répondrais en disant que les banques doivent connaître leurs clients, et qu'il y a certainement de nombreuses dispositions de la loi qui les obligent à comprendre leurs clients et à leur demander la raison des fonds, leur identification et ainsi de suite. Un régime de conformité solide et une évaluation des risques, qui comprend un examen des produits et services et des clients, ainsi que leur origine géographique, les aideraient à prendre des décisions avisées et averties pour déterminer s'il y a raison ou non de soupçonner un blanchiment d'argent et de nous en faire part.

Le sénateur Hervieux-Payette : L'argent peut venir d'une banque de très bonne réputation dans des pays où les banques ont des opérations très secrètes. Je ne nommerai pas le pays, mais il se trouve au milieu de l'Europe. Je me dis en moi-même que le dictateur — appelez-le comme vous le voulez — ou les gens qui ont abusé de leur pouvoir ont mis l'argent à l'abri. Nous lisons dans les journaux nationaux et internationaux qu'ils ont des sommes faramineuses dans cette banque, mais d'où vient cet argent? Est-ce du blanchiment d'argent? Cela ne peut pas venir seulement de la drogue et de la traite des humains. Qui attrapera ces gens et comment peuvent-ils acheter des biens immobiliers de grand prestige dans notre pays?

Mme Jalbert : Vous soulevez de très bonnes questions. Nous établissons certainement des indicateurs pour montrer que certains types de tendances et de typologies pourraient entraîner du blanchiment d'argent. Nous essayons d'aider nos banques et nos entités déclarantes en général avec ce type d'information, afin qu'elles puissent trouver les opérations que vous mentionnez. Mais c'est à elles de nous les déclarer ou, dans les cas flagrants, de les signaler directement à la police.

Le sénateur Hervieux-Payette : Que ferez-vous si elles vous les déclarent?

Mme Jalbert : Si elles nous les déclarent, et nous les encourageons à le faire si les indicateurs le montrent, alors l'information va à l'équipe de M. MacKillop, qui l'analyse. Si le seuil de doute de blanchiment d'argent est atteint, il transmettra l'information aux corps policiers partenaires, comme nous l'avons expliqué.

Le sénateur Hervieux-Payette : Voulez-vous ajouter quelque chose? Je pense à un cas récent, le fils d'un dictateur qui a investi beaucoup d'argent dans notre pays.

M. Dubrule : Il y a deux éléments. Premièrement, le Parlement a adopté une loi au sujet du gel des avoirs des dictateurs. Le CANAFE n'est pas touché directement par cette loi. Pour reprendre votre exemple, si quelqu'un est bien connu dans les médias, s'il est de notoriété publique qu'il participe à un régime étranger soupçonné d'avoir reçu des produits de la criminalité ou de les recycler, armées de cette information, les institutions financières canadiennes devraient en tenir compte dans leurs activités avec cette personne ou quelqu'un faisant affaire avec cette personne afin de voir s'il y a, selon elles, des motifs raisonnables de soupçonner que l'opération était reliée à du blanchiment d'argent. Si c'est le cas, elles sont tenues de la signaler.

Le sénateur Hervieux-Payette : Au bout du compte, si la banque ne fait pas de déclaration, à quelle pénalité ou peine quelconque s'expose-t-elle?

Mme Jalbert : Les banques font un très bon travail et ont mis en place un solide régime de conformité. Les pénalités auxquelles vous faites allusion, si elles ne nous déclarent pas les opérations correctement, existent pour renforcer et appuyer la conformité à la loi. Nous collaborons et sommes déterminés à collaborer avec les entités déclarantes, y compris les banques, pour nous assurer que nous leur donnons toutes les chances de se conformer et qu'elles connaissent et comprennent leurs obligations. Ce n'est qu'en dernier recours, si nous ne voyions pas de changement de comportement, que nous devrions imposer une pénalité.

Le président : J'aimerais revenir sur quelque chose que je crois avoir entendu. Ai-je raison d'affirmer que les cartes de crédit prépayées sont un moyen de paiement qui a évolué depuis le dernier examen? Est-ce une supposition fondée de ma part?

M. Dubrule : Oui.

Le président : J'aimerais revenir à la question du sénateur Ringuette. Dans ce cas, dites-vous que, tant qu'il n'y aura pas de modification à la loi, ce qui ne s'est pas encore fait, vous ne pourrez pas lutter contre l'abus de ce moyen de paiement?

M. Dubrule : Le principal problème en ce qui concerne les cartes prépayées vient des gens qui traversent la frontière. La partie de la Loi sur le recyclage des produits de la criminalité et le financement des actes terroristes qui porte sur l'importation ou l'exportation d'espèces, la partie 2, relève de l'ASFC, pas du CANAFE. Nous ne sommes donc pas en position de nous prononcer sur cette question.

Le président : Avec tout le respect que je vous dois, je pense que vous n'avez pas compris où je veux en venir. C'est un nouvel outil qui s'est développé depuis le dernier examen, et vous déclarez que, tant qu'il n'y a pas de modification de la loi, ce qui n'a pas encore été fait, si je comprends bien, vous ne pouvez rien faire à ce sujet? J'ai raison?

M. Dubrule : Oui.

Le président : Merci. C'est ce que je voulais comprendre.

Le sénateur Tkachuk : Ce ne serait pas considéré comme une opération douteuse, n'est-ce pas?

M. Dubrule : Tout dépend. Si quelqu'un achète une carte prépayée ou vient au Canada et souhaite s'en servir et effectuer des retraits, les circonstances pourraient inciter l'entité déclarante à avoir des soupçons. Tout dépend des circonstances.

Le sénateur Tkachuk : Évidemment.

Au dernier paragraphe de la page 4 en français, vous déclarez que vous n'êtes pas autorisés à recevoir des déclarations de télévirements nationaux. Si l'argent est viré de la Saskatchewan en Alberta, le virement pourrait être une opération douteuse. Si les banques se doutent qu'il y a quelque chose de louche, elles peuvent déclarer ces mouvements de fonds d'une province à l'autre? D'accord. Je voulais seulement éclaircir ce point.

J'ai interrogé les témoins précédents sur la protection des renseignements personnels. La loi prévoit actuellement que les dossiers sont gardés pendant 15 ans, si je comprends bien, avant d'être détruits. Avez-vous vraiment besoin de 15 ans? Est-ce que 10 ans suffiraient? Pourquoi avez-vous besoin de 15 ans? Cela paraît bien long pour garder de l'information sans conséquence pour vous.

M. Dubrule : D'abord, le CANAFE est maintenant tenu de garder les déclarations d'information pendant 10 ans et de détruire les renseignements d'identification contenus dans ces déclarations avant le 15e anniversaire de la réception des déclarations. La justification...

Le sénateur Tkachuk : C'est différent. Nous pensions que c'était 10 ans.

M. Dubrule : Nous devons les garder pendant 10 ans, nous devons les détruire après 15 ans, quand il s'agit d'information qui n'a pas fait l'objet d'une communication. Cette partie est mise de côté. La justification de la durée tient à la longueur des enquêtes sur le blanchiment d'argent, qui prennent parfois des années, voire des décennies. Par conséquent, de l'information qui n'a peut-être pas été utilisée dans une communication en 8 ou 10 ans pourrait être utilisée la douzième année, parce que c'est la nature du renseignement financier. Le Parlement a jugé pertinent de prévoir que le CANAFE doit garder l'information pendant 10 ans et que, si elle n'a pas été utilisée, il faut la détruire avant le quinzième anniversaire.

Le sénateur Tkachuk : La loi a été adoptée il y a une décennie. Je voudrais aborder la question de la dissuasion et de l'inconvénient des moyens électroniques pour transférer des espèces. Le nombre d'opérations douteuses a-t-il diminué avec le temps ou a-t-il augmenté d'année en année — les opérations douteuses, pas nécessairement les déclarations automatiques pour les montants de 10 000 $?

Mme Jalbert : Je peux certainement répondre à la première partie de votre question. Au fil des années, elles ont augmenté constamment, en partie parce que les entités déclarantes sont de plus en plus conscientes de leurs obligations, comprennent mieux les indicateurs de blanchiment d'argent et y deviennent plus sensibles. Nous pensons que c'est la cause. Nous collaborons étroitement avec elles pour nous assurer qu'elles comprennent leurs obligations.

Il se pourrait qu'il y ait une certaine stabilisation un jour; il ne devrait pas y avoir une croissance toujours exponentielle. Je pense que, maintenant, nous constatons une espèce de plateau.

Le sénateur Tkachuk : La qualité de l'information reçue sur les opérations douteuses s'est-elle améliorée avec le temps?

Mme Jalbert : Je peux expliquer le travail que font nos agents de conformité avec les entités déclarantes. M. MacKillop voudra peut-être le confirmer.

La qualité et la quantité, le volume si vous voulez, font partie du travail de conformité que nous faisons pour encourager les entités à présenter des déclarations des opérations de la meilleure qualité possible. Nous leur donnons une rétroaction. Nous avons nos rapports sur les tendances et les typologies — et je pense que nous en avons apporté un pour vous — afin de leur montrer la valeur de leurs contributions pour nous et de les encourager à nous fournir les produits de la meilleure qualité possible, ce qui a accru la qualité des communications sur les cas que nous pouvons transmettre aux organismes d'application de la loi.

M. MacKillop : Sans aucun doute. La qualité des déclarations d'opérations douteuses s'est nettement améliorée. Je pense que c'est grâce à la formation donnée par le CANAFE mais aussi dans les entités proprement dites, ainsi qu'à l'importance qu'elles accordent à la possibilité d'être de véritables partenaires dans le régime. Cela se reflète quotidiennement ou annuellement dans le nombre de communications proactives que nous faisons actuellement et qui n'ont cessé d'augmenter, à mesure que la qualité des DOD augmente, que notre base de données s'améliore et que l'information qui constitue des communications proactives augmente. Oui, les déclarations s'améliorent.

Le sénateur Tkachuk : Qu'est-ce que vous utilisez davantage pour détecter un problème éventuel : l'information que vous recevez sur les personnes qui envoient plus de 10 000 $, ou l'information subjective, c'est-à-dire l'identification des opérations douteuses par les banques? Qu'est-ce qui est le plus utile pour vous?

M. MacKillop : Dans nos communications, c'est un peu tout cela. Les renseignements que nous transmettent les corps policiers de plein gré sont très importants. Ils indiquent où ils mènent des enquêtes sur de potentielles activités de blanchiment d'argent ou de financement du terrorisme. Cela nous donne des pistes. Les télévirements nous permettent de dégager des tendances. Les déclarations d'opérations douteuses nous permettent de repérer et d'utiliser l'information subjective qui a été donnée et qui est appuyée par l'information financière que nous avons dans notre base de données. Nous utilisons les déclarations relatives à un déboursement de casino et tous les types de déclarations. Nous utilisons aussi l'information publique qui nous permet de trouver des liens et des profils qui appuient l'information financière et factuelle dont nous disposons. Les communications sont un ensemble de tout cela.

Nous avons rarement une communication portant sur un seul type d'opération. Nous utilisons souvent les DOD pour un cas proactif, mais nous interrogeons aussi notre base de données pour voir s'il y a d'autres opérations à l'appui. En ce qui concerne l'élément déclencheur d'une communication, c'est habituellement la combinaison des déclarations de renseignements transmis volontairement et des DOD. Ce pourrait être les médias. Quelqu'un a posé une question sur les étrangers qui investissent Canada, et qui pourraient être impliqués politiquement ou autrement. Nous lisons les journaux et utilisons les médias et l'information publique pour lancer une analyse afin de déterminer si le seuil de communication est atteint.

C'est une combinaison de l'information et des données que nous possédons et que nous réunissons pour l'analyse.

Le sénateur Moore : J'ai des questions concernant la protection des renseignements personnels. À la page 5 de votre déclaration, madame Boileau, vous déclarez qu'à la lumière des milliers de déclarations reçues chaque semaine par le CANAFE, il est évident que la protection des renseignements personnels est une responsabilité que vous prenez très au sérieux.

Je passe au chapitre sur la protection de la vie privée dans le document de consultation, à la page 8. Je lis, aux fins du compte rendu :

Les propositions et enjeux débattus dans le présent document visent à maintenir un équilibre entre la nécessité légitime de recueillir des renseignements permettant de dissuader et de détecter les activités de recyclage des produits de la criminalité et de financement des activités terroristes et de faciliter les enquêtes et les poursuites criminelles afférentes, d'une part, et le droit à la vie privée que confèrent aux Canadiens la Charte canadienne des droits et libertés (la « Charte ») et les lois canadiennes relatives à la protection de la vie privée.

Un peu plus loin sur la même page de ce rapport, on affirme que :

[...] le Commissariat à la protection de la vie privée (CPVP) doit s'acquitter de l'obligation juridique de procéder, tous les deux ans, à une vérification des mesures prises par le CANAFE pour protéger la confidentialité de l'information qu'il reçoit ou recueille... Le rapport faisait... état de lacunes dans le cadre de gestion de la vie privée du CANAFE.

Le rapport publié par le Commissariat à la protection de la vie privée en 2009 affirme ce qui suit :

Même si nous avons conclu que le CANAFE recueille et utilise les renseignements personnels liés à la conformité pour veiller à ce que les entités déclarantes respectent leurs obligations..., un certain nombre de questions ont été soulevées, lesquelles justifient une attention particulière.

Le rapport se poursuit ainsi :

[...] Cette pratique [limiter la collecte de renseignements personnels à ce qui est strictement nécessaire à l'atteinte d'un objectif précis] atténue les risques d'atteinte à la protection des renseignements personnels. En termes simples, si les données ne sont pas recueillies, elles ne sont pas à risque.

Dans sa vérification, le commissariat a trouvé :

[...] des cas où la conservation de certains types de documents, par exemple ceux qui figurent à la pièce D, n'était pas justifiée.

Je vous lis la liste :

Lettres destinées à des particuliers comprenant les détails de leur portefeuille de placement;

Listes de membres de coopératives de crédit avec dates de naissance, dates d'ouvertures de comptes, numéros et types de comptes;

Documents ayant trait aux transactions qui n'ont pas à être déclarées qui comprennent le nom et l'adresse des clients ainsi que les sommes et les monnaies en jeu;

Dossiers sur la formation d'employés.

La recommandation était de respecter le principe de minimalisme des données dans l'exécution des activités de conformité. Ce à quoi vous avez répondu :

Le Centre continuera à renforcer l'importance du respect de ce principe lorsqu'il forme ses agents d'application et lorsqu'il examine et met à jour ses politiques et ses procédures.

Mais la réponse ne dit pas que vous ne collectez pas ces données. Que pouvez-vous nous dire à ce sujet?

M. Dubrule : Sur le premier point, oui, le CANAFE prend très au sérieux toutes les exigences relatives à la protection des renseignements personnels. Le problème, c'est que ces renseignements sont fournis au CANAFE. Pour effectuer notre travail de conformité, nous pouvons demander et exiger des entités déclarantes qu'elles nous fournissent certains renseignements reliés à la conformité.

En répondant à ces demandes, elles peuvent nous fournir d'autres renseignements que, franchement, nous ne voulons pas voir et que nous n'avons pas besoin de voir. C'est sur cela qu'insistait la Commissaire à la protection de la vie privée. Comme nous lui avons indiqué à l'époque, le CANAFE convient que ce type d'information ne devrait pas nous être transmis. C'est pour cette raison que nous collaborons avec les entités déclarantes pour nous assurer qu'elles nous fournissent l'information requise et rien de plus.

Le sénateur Moore : Quand vous obtenez cette information, la détruisez-vous?

Mme Jalbert : Oui, ou nous la renvoyons.

Le sénateur Moore : L'éliminez-vous de vos dossiers? Vous hochez de la tête. Tout le monde est d'accord?

M. Dubrule : Ce type d'information est d'abord séparé du reste. Nous l'avons trouvé, alors nous ne voulons pas l'utiliser. Ensuite, selon qu'il s'agit d'une lettre d'une entité déclarante que nous avons reçue en réponse à une demande d'information, et il arrive que nous recevions l'information sous cette forme, alors nous pourrions tout simplement la renvoyer. Si c'est arrivé électroniquement, nous détruisons l'information.

Le sénateur Moore : Faites-vous une copie de la lettre avant de la renvoyer?

M. Dubrule : Non, nous n'en faisons pas.

Le sénateur Moore : Ensuite, en vertu du paragraphe sur le consentement non valable, qui porte sur le consentement qui n'a pas été demandé des parties dont les opérations financières font l'objet de déclarations, ni de particuliers qui agissent en tant que personnes-ressources pour les entités déclarantes, il y a une exception. Lorsqu'une entité déclarante se trouve dans une maison d'habitation, vous devez d'abord obtenir un mandat avant d'entrer dans cette maison.

Vous avez un formulaire de consentement. Apparemment, la vérification a révélé qu'il n'est pas clair que le consentement peut être refusé, ni quelles sont les conséquences en cas de refus. Le formulaire n'indique pas l'objet de la collecte de la date de naissance ni l'utilisation qui sera faite de cette information.

La commissaire recommande que vous indiquiez le pouvoir plus clairement. Vous affirmez accueillir favorablement la recommandation, en conformité à la loi et aux pratiques équitables en matière d'information, et précisez que vous modifierez le consentement sur le formulaire d'autorisation de pénétrer dans une maison d'habitation. Avez-vous modifié le formulaire comme le recommandait la vérification?

M. Dubrule : Oui, nous l'avons modifié.

Le sénateur Moore : Passons aux renseignements personnels en transit qui risquent d'être interceptés. Apparemment, il y a eu un cas, ils parlent d'un cas, mais il peut y en avoir eu d'autres depuis la vérification. Je ne le sais pas. Ils ont trouvé un cas où une entité déclarante a fait suivre à votre centre par courriel des dossiers de clients contenant des noms, des adresses, des numéros d'assurance sociale, des numéros de compte et des informations relatives aux activités bancaires. Or le chiffrement est essentiel à la protection de l'information en transit. Faire suivre des renseignements personnels non chiffrés au CANAFE par voie ouverte crée le risque d'interception. Ils recommandent que vous modifiiez la lettre d'avis d'examen afin qu'elle informe clairement les entités déclarantes de ne pas faire suivre de documents contentant des renseignements personnels. L'avez-vous fait? Avez-vous pris des mesures pour que les entités déclarantes n'utilisent pas des moyens de transmission non sécurisés pour transmettre des renseignements personnels au CANAFE?

M. Dubrule : Oui, nous l'avons fait.

Le sénateur Moore : Comment vous y prenez-vous? Vous envoyez une lettre à toutes les banques, ou à l'une des organisations et vous leur dites comment faire? Comment faites-vous savoir aux entités déclarantes qu'il y a une nouvelle norme relative aux déclarations?

Mme Jalbert : Lorsque nous communiquons avec les entités pour leur dire que nous les examinerons, nous leur envoyons une lettre d'avis d'examen. Dans la lettre, nous expliquons clairement comment il faudrait nous envoyer l'information dont nous avons besoin. Nous expliquons que nous ne recevons pas de courriels, mais que nous utilisons d'autres moyens comme un CD, des documents sur papier et d'autres moyens qui sont plus sûrs.

Le sénateur Moore : Ce sera tout, je pense, monsieur le président, même s'il y a encore de quoi s'occuper là-dedans.

Le président : Cela conclut le premier tour.

Au deuxième tour, sénateur Ringuette, s'il vous plaît.

Le sénateur Ringuette : Combien de pénalités administratives pécuniaires ont été imposées par votre centre au cours des cinq dernières années?

Mme Jalbert : Je répondrai d'abord que les pénalités ont été recommandées par votre comité en 2006, mais qu'elles n'ont commencé à s'appliquer qu'à la fin de 2008. Nous considérons donc que nous avons un peu plus de deux ans d'expérience dans ce domaine. Essentiellement, le régime de pénalités a été établi pour appuyer et renforcer la conformité. Nous donnons toutes les chances possibles aux entités déclarantes de se conformer et de modifier leur comportement, et nous avons collaboré avec elles tout au long du processus. Par conséquent, les pénalités sont vraiment un dernier recours, comme je l'ai déjà indiqué. C'est pourquoi nous avons imposé 15 pénalités publiques jusqu'ici. Nous estimons que nous avons collaboré avec les entités déclarantes et avec les autres pour modifier les comportements à notre satisfaction.

Le sénateur Ringuette : Quelles seraient les pénalités pécuniaires dans ces 15 cas?

Mme Jalbert : Les montants varient parce que nous avons différents niveaux. Il y a des pénalités mineures lorsque certaines déclarations que nous avons mentionnées ne sont pas présentées, une déclaration des opérations importantes en espèces, par exemple. Pour celles-là, il y a des paliers, par exemple, pour X déclarations, nous multiplions le montant.

Il y a des infractions graves, liées à l'absence d'éléments du régime de conformité, comme l'absence de formation, de politiques ou de procédures, d'évaluation des risques.

La plus grave est certainement ne pas présenter une déclaration d'opération douteuse. Pour toutes les raisons que nous avons évoquées, la valeur de ces déclarations est inestimable pour nous. C'est pourquoi, cette infraction est plus grave.

Le sénateur Ringuette : Je vais reformuler la question. Sur les 15 pénalités, combien y en a-t-il dans les divers niveaux et quelle est la pénalité à tel et tel niveau?

Mme Jalbert : Je vais prendre mon aide-mémoire.

Le sénateur Ringuette : Le montant des pénalités est-il fixé dans la loi?

Mme Jalbert : Oui, il l'est. Pour les infractions très graves, la pénalité maximale est de 500 000 $. Pour les infractions graves, la pénalité maximale est de 100 000 $. Pour les infractions mineures, elle est de 1 000 $.

Le sénateur Ringuette : Quel montant avez-vous perçu grâce à ces pénalités? Combien avez-vous obtenu des 15 pénalités?

Mme Jalbert : Environ 200 000 $ jusqu'ici.

Le sénateur Ringuette : Je suppose qu'il n'y a pas eu beaucoup de pénalités très élevées?

M. Dubrule : Quelques cas sont aussi devant la Cour fédérale.

Le sénateur Ringuette : Sur les 15?

M. Dubrule : Les cas devant la Cour fédérale sont liés aux montants élevés, qui n'ont pas été perçus parce que les entités déclarantes contestent les pénalités.

Le sénateur Ringuette : Faites-vous allusion à la poursuite devant les tribunaux vous opposant au milieu juridique?

M. Dubrule : Non. C'est autre chose. Il s'agit ici des poursuites des entités déclarantes qui contestent les pénalités établies par le CANAFE.

Le sénateur Ringuette : C'est intéressant. Des pénalités sont contestées devant les tribunaux.

Vous avez déclaré que vous avez des protocoles d'entente avec divers pays et que vous fournirez la liste de ces pays au comité. En avez-vous un avec l'Algérie, par exemple?

M. MacKillop : Nous n'en avons pas avec l'Algérie.

Le sénateur Ringuette : Vous n'en avez pas avec l'Algérie. Pourquoi? Vous avez indiqué qu'il y a 127 pays. Pourquoi ne pas en avoir avec l'Algérie?

M. MacKillop : Principalement parce qu'ils ne sont pas membres d'Egmont.

Le sénateur Ringuette : Ils n'ont pas d'unité du renseignement financier.

M. MacKillop : Exact.

Le sénateur Ringuette : La GRC sait-elle que l'Algérie n'a pas d'unité du renseignement financier?

M. MacKillop : Je ne peux pas me prononcer sur ce que sait ou ne sait pas la GRC. C'est public, alors si la GRC se renseignait, elle trouverait.

Le sénateur Ringuette : Vous n'avez pas de protocole d'entente avec l'Algérie. Par exemple, si l'Algérie venait vous voir et vous disait qu'elle a des soupçons à propos d'un Canadien et aimerait avoir de l'information sur les opérations financières de ce Canadien au Canada, est-ce que vous lui communiqueriez de l'information?

M. MacKillop : Non.

Le sénateur Ringuette : Vous ne le feriez pas.

M. MacKillop : C'est exact.

M. Dubrule : La loi nous interdit de le faire.

Le sénateur Ringuette : La loi vous interdit de le faire, mais d'autres instances policières au Canada ne sont pas visées par cette interdiction.

M. Dubrule : Nous sommes régis par la Loi sur le recyclage des produits de la criminalité et le financement des actes terroristes, qui fixe les paramètres de l'information que le CANAFE peut communiquer, à qui et dans quelles situations.

Le sénateur Ringuette : Y compris la Loi sur la protection des renseignements personnels?

M. Dubrule : Nous sommes aussi assujettis à cette loi.

Le sénateur Moore : Lorsque les fonctionnaires du ministère des Finances ont témoigné, ils nous ont déclaré que l'une des normes du Groupe d'action financière pour laquelle nous sommes un peu faibles est celle de l'identification des clients et de la diligence raisonnable. La proposition 1.2, à la page 15 du document de consultation, se lit comme suit :

Le gouvernement étudie la possibilité de revoir les exemptions actuelles en matière de mesures de vigilance à l'égard de la clientèle et de tenue de documents dans des situations d'apporteurs d'affaires... et de clarifier comment les responsabilités en matière de mesures de vigilance à l'égard de la clientèle sont divisées...

[...] On se penchera sur un élargissement de la portée des situations d'apporteurs d'affaires auxquels s'appliquerait l'exemption de certaines obligations en matière de mesures de vigilance à l'égard de la clientèle.

Que pouvez-vous nous dire sur les exemptions actuelles et sur l'élargissement de la portée? Y a-t-il actuellement des exemptions qui ne vous permettent pas d'identifier correctement les clients de manière à répondre aux normes du GAFI?

Mme Jalbert : Cette proposition porte sur l'identification de la clientèle et il conviendrait mieux que le ministère des Finances en explique les détails. Nous avons différentes méthodes pour déterminer l'identité. Nous avons des exigences différentes que nous demandons aux entités déclarantes de présenter à leurs clients. La proposition les renforcerait afin que nous soyons plus alignés sur les normes du GAFI.

Le sénateur Moore : Je ne comprends pas trop la deuxième partie, qui se lit comme suit :

On se penchera sur un élargissement de la portée des situations d'apporteurs d'affaires auxquels s'appliquerait l'exemption de certaines obligations [...]

Qu'est-ce que cela veut dire? Est-ce que cela veut dire élargir la portée et, par conséquent agrandir le filet d'information? Il est écrit qu'on se penchera sur un élargissement de la portée des situations d'apporteurs d'affaires auxquels s'appliquerait l'exemption de certaines obligations en matière de mesures de vigilance à l'égard de la clientèle. Qu'est-ce que cela veut dire?

M. Dubrule : L'objectif visé est que les clients soient bien identifiés. L'une des façons de le faire est qu'une autre entreprise identifie le client et que cette information soit transmise à une deuxième entité déclarante. Les propositions visent à déterminer si la deuxième entité déclarante peut se fier sur l'identification effectuée par la première.

Le sénateur Moore : Vous aimeriez que ce soit le cas.

M. Dubrule : Nous aimerions savoir exactement quelles sont les normes afin qu'elles se fondent sur les renseignements pertinents.

Le sénateur Moore : De l'uniformité.

M. Dubrule : Exactement.

Le président : Madame Boileau, je vous renvoie à votre déclaration. Au troisième paragraphe de la page 10, vous déclarez :

Des améliorations réglementaires importantes directement inspirées des recommandations formulées par votre comité en 2006 ont également été mises de l'avant.

C'est très intéressant. La question que je vous pose est la suivante : Y a-t-il autre chose que vous aimeriez dire au comité en guise de conclusion afin de nous inspirer et d'attirer notre attention sur des questions en particulier? J'avoue être encore très confus au sujet de votre réponse sur la manière dont vous pourriez suivre les cartes de crédit prépayées, les télévirements entre téléphones cellulaires, et cetera. Si je suppose que ces deux produits sont arrivés sur le marché le 1er janvier 2007, faut-il en déduire qu'il faudra attendre que nous ayons déposé notre rapport avant que vous vous penchiez sur cette question?

Mme Boileau : Merci, monsieur le président.

En réponse à votre première question, nous aimerions beaucoup que vous examiniez les propositions qui sont faites dans le document de consultation. Nous estimons qu'elles amélioreraient considérablement le travail que nous pourrions faire pour vous et pour les Canadiens à l'avenir.

Comme nous l'avons expliqué à propos des cartes prépayées, si une opération douteuse est signalée par l'une de ces entités, cette information nous sera transmise parce que la loi actuelle le permet. Nous demandons votre avis sur les recommandations contenues dans le document de consultation que vous avez devant vous.

Le président : Je parle au nom de tous les membres du comité en vous remerciant d'être venus témoigner devant nous aujourd'hui.

Mesdames et messieurs les membres du comité, si je peux avoir votre attention, aux quatre prochaines réunions, nous poursuivrons nos discussions avec divers organismes et ministères, y compris le BSIF, le ministère de la Justice du Canada, le Service des poursuites pénales du Canada, l'ARC, le MAECI, le Commissariat à la protection de la vie privée et le Commissariat à l'information. J'aimerais encourager tous les membres du comité, lorsque nous entendrons des témoins externes, à nous donner des noms de témoins que nous pourrions entendre. Nous apprécions votre collaboration.

(La séance est levée.)


Haut de page