Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Banques et du commerce
Fascicule 12 - Témoignages du 29 février 2012
OTTAWA, le mercredi 29 février 2012
Le Comité sénatorial permanent des banques et du commerce se réunit aujourd'hui, à 16 h 22, pour examiner la Loi sur le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes (L.C. 2000, ch. 17), conformément à l'article 72 de cette loi.
Le sénateur Irving Gerstein (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président : Mesdames et messieurs, c'est avec plaisir que je déclare ouverte cette réunion du Comité sénatorial permanent des banques et du commerce. Nous poursuivons l'examen parlementaire quinquennal de la Loi sur le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes. Il s'agit de la sixième séance que nous consacrons à ce sujet.
Jusqu'ici, le comité a entendu un certain nombre de témoins dits partenaires du régime qui contribuent à la mise en œuvre de cette loi, notamment du ministère des Finances, du ministère de la Sécurité publique, de la GRC, du SCRS, de l'ASFC, du BSIF, du Commissariat à l'information, du Service des poursuites pénales du Canada et, bien sûr, du CANAFE.
Cet après-midi, nous entendrons d'abord des témoins de l'Agence du revenu du Canada — c'est plutôt rare de se réjouir de la visite des gens du fisc, mais dans les circonstances, nous sommes tous ravis —, puis d'Affaires étrangères et Commerce international Canada.
Pour commencer, nous sommes heureux d'accueillir, de l'Agence du revenu du Canada, Cathy Hawara, directrice générale de la Direction des organismes de bienfaisance, Direction générale de la politique législative et des affaires réglementaires; Claude St-Pierre, directeur général de la Direction de l'exécution et des divulgations, Direction générale des programmes d'observation; Alison Rutherford, directrice intérimaire de la Division de la revue et de l'analyse et Stephanie Henderson, gestionnaire du Programme spécial d'exécution de la Direction de l'exécution et des divulgations, Direction générale des programmes d'observation.
Madame Hawara, je crois que vous voulez faire une déclaration préliminaire.
Cathy Hawara, directrice générale, Direction des organismes de bienfaisance, Direction générale de la politique législative et des affaires réglementaires, Agence du revenu du Canada : Merci, monsieur le président, et bon après-midi. Merci de m'avoir invitée à comparaître devant vous aujourd'hui. Mme Rutherford est gestionnaire intérimaire des opérations de la Direction des organismes de bienfaisance, Division de la revue et de l'analyse.
La Loi sur le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes, la LRPC-FAT, vise à dissuader et à déceler le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes. Elle cherche également à faciliter les enquêtes et les poursuites relatives aux infractions commises dans ces domaines. La loi a aussi constitué le Centre d'analyses des opérations et déclarations financières du Canada, le CANAFE.
Nous sommes ici aujourd'hui parce que le CANAFE communique des renseignements à deux secteurs de l'ARC en vertu de la LRPC-FAT. En deux mots, chaque fois que le CANAFE a de bonnes raisons de croire que des renseignements peuvent servir à la lutte contre le recyclage des produits de la criminalité et le financement d'activités terroristes ou contre l'évasion fiscale ou le non-paiement des droits d'accise, il les communique à la Direction de l'exécution et des divulgations de l'ARC. Je laisserai à M. St-Pierre et à Mme Henderson le soin de vous en dire davantage sur le rôle de cette direction.
Quand le CANAFE a de bonnes raisons de croire que des renseignements peuvent servir à la lutte contre le financement d'activités terroristes par le truchement d'organismes de bienfaisance, il les transmet à la Direction des organismes de bienfaisance de l'ARC. J'aimerais maintenant vous donner un aperçu du mandat de la Direction des organismes de bienfaisance et de vous expliquer ce que la LRPC-FAT représente pour elle.
[Français]
En vertu de la Constitution, la création, le maintien et la gestion des organismes de bienfaisance sont de juridiction provinciale. Le pouvoir de l'ARC à réglementer les organismes de bienfaisance lui est seulement conféré par la Loi de l'impôt sur le revenu qui offre d'importants avantages fiscaux aux organismes de bienfaisance enregistrés. De plus, les contribuables canadiens, qui font un don à un organisme de bienfaisance enregistré, ont droit à un allègement fiscal partiel pour le montant de leur don et les organismes de bienfaisance enregistrés peuvent délivrer des reçus d'impôt à leurs donateurs. C'est ce privilège de pouvoir offrir aux donateurs un crédit ou une déduction d'impôt qui donne à l'ARC le rôle de surveiller la conduite des organismes de bienfaisance.
La direction a la responsabilité de s'assurer que les organismes de bienfaisance enregistrés respectent les exigences prévues par la loi qui s'appliquent à l'obtention et au maintien de l'enregistrement à titre d'organismes de bienfaisance. Pour ce faire, nous avons un programme équilibré d'éducation, de services et d'exécution responsable. Ce faisant, nous cherchons à maintenir la confiance des contribuables canadiens dans le fait que les avantages conférés par cet enregistrement ne profitent qu'à des organismes administrés exclusivement à des fins de bienfaisance et que les fonds et services de bienfaisance vont aux bénéficiaires voulus et légitimes.
[Traduction]
Dans le cadre de ses travaux, la Direction des organismes de bienfaisance a, pendant de nombreuses années, cherché à déterminer si des personnes ou des groupes ayant des liens avec des organisations terroristes abusaient du système d'enregistrement. Toutefois, ces travaux n'étaient pas soutenus par des lois ou un financement précis, et les outils nécessaires pour les exécuter de façon efficace n'étaient pas à portée de main.
En reconnaissance du rôle de l'ARC dans le Régime de lutte contre le financement des activités terroristes du gouvernement du Canada, trois changements importants ont été apportés au fil des ans.
Premièrement, à la suite des attentats terroristes du 11 septembre 2001, la Loi sur l'enregistrement des organismes de bienfaisance, renseignements de sécurité, ou la LEOBRS, a été édictée dans le cadre de la Loi antiterroriste. La LEOBRS permet d'utiliser des renseignements classifiés pour déterminer si un organisme peut être enregistré à titre d'organisme de bienfaisance en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu et s'il peut conserver ce statut après son enregistrement. Il s'agit d'un pouvoir de réserve prudent dans l'éventualité où il serait nécessaire de se fier à des renseignements classifiés pour démontrer les liens d'une organisation avec le terrorisme.
[Français]
Deuxièmement, le financement relatif à l'initiative de sécurité publique et d'antiterrorisme reçu à partir de l'année 2003 a donné à l'ARC la capacité de doter une équipe spécialisée à la direction des organismes de bienfaisance, la division de la revue et de l'examen, qui se concentre sur la protection de l'intégrité du système d'enregistrement des organismes de bienfaisance contre la menace terroriste. Il a également permis à l'ARC d'acquérir les outils d'analyse nécessaires pour ces travaux spécialisés.
[Traduction]
Troisièmement, en 2006, des modifications apportées à la LRPC-FAT, qui sont l'objet de votre examen actuel, ont autorisé CANAFE à communiquer à la Division de la revue et de l'analyse des renseignements sur des cas présumés de financement d'activités terroristes impliquant des organismes de bienfaisance.
Des changements additionnels à la Loi de l'impôt sur le revenu permettent également à la Division de la revue et de l'analyse d'échanger des renseignements avec CANAFE et d'autres partenaires dans des cas présumés de financement d'activités terroristes.
Ces modifications n'ont pas entraîné de changements pour les organismes de bienfaisance enregistrés ou d'augmentation de fardeau. Les organismes de bienfaisance enregistrés ont toujours été tenus de se conformer à la Loi de l'impôt sur le revenu et aux exigences relatives à l'enregistrement qui sont prévues dans la common law, ce qui comprend l'obligation de ne pas enfreindre la loi, y compris les infractions liées au terrorisme prévues dans la Loi antiterroriste.
Aujourd'hui, bien que la Loi de l'impôt sur le revenu demeure le premier mécanisme de décisions administratives prises par la Division de la revue et de l'analyse au sujet du statut d'organisme de bienfaisance, les divulgations faites par CANAFE en vertu de la LRPC-FAT contribuent à mettre en place de précieux renseignements, enrichissant ainsi les informations nécessaires à la prise de décisions éclairées.
Quand mon collègue aura terminé sa déclaration, je serai heureuse de répondre aux questions des membres du comité.
[Français]
Claude St-Pierre, directeur général, Direction de l'exécution et des divulgations, Direction générale des programmes d'observation, Agence du revenu du Canada : Monsieur le président, j'ai en ma compagnie Mme Stephanie Henderson, gestionnaire, programme spécial d'exécution. Comme ma collègue l'a mentionné, s'il y a des motifs raisonnables de soupçonner que des renseignements auraient un lien avec le blanchiment d'argent ou le financement d'activités terroristes et également l'évasion fiscale, le CANAFE divulgue ces renseignements à l'Agence du revenu du Canada. Si la divulgation est liée au financement d'activités terroristes impliquant un organisme de bienfaisance, le dossier est alors envoyé à la direction des organismes de bienfaisance pour que des mesures appropriées soient prises. Autrement, les divulgations sont transmises à la direction de l'exécution et des divulgations de la Direction générale des programmes d'observation.
[Traduction]
Nous recevons 2,2 millions de dollars par année pour le rôle que nous jouons au sein du régime. Nous sommes également tenus de prendre des mesures d'observation civiles fondées sur les renseignements contenus dans les divulgations reçues de CANAFE à propos de contribuables soupçonnés de blanchiment d'argent, de financement d'activités terroristes ou d'évasion fiscale. Au cours de l'exercice 2010-2011, nous avons mené 115 vérifications à partir de renseignements obtenus du CANAFE et récupéré environ 27 millions de dollars en impôts fédéraux.
Étant donné la nature de l'activité et la facilité avec laquelle l'argent peut être transféré à l'aide des moyens d'aujourd'hui, ces cas peuvent être très complexes. Nous ajoutons les renseignements du CANAFE à nos informations et prenons ensuite les mesures appropriées en fonction du risque que représente le contribuable. Les renseignements du CANAFE sont précieux et complémentent bien les informations de l'ARC. Nous siégeons aux comités du régime et donnons régulièrement notre avis au CANAFE sur la qualité des renseignements qu'il nous envoie.
Grâce à ses mesures d'observation, l'ARC, en collaboration avec d'autres membres du régime, joue un rôle primordial dans les cas où des contrevenants cherchent à tirer profit du crime ou d'autres activités illégales. L'ARC continue de miser sur la sélection stratégique de dossiers fondée sur des renseignements pour utiliser pleinement ses ressources.
Je serai heureux de répondre aux questions des membres du comité.
Le président : Y a-t-il d'autres exposés? Merci beaucoup pour vos déclarations liminaires.
Madame Hawara, dans votre déclaration, vous avez mentionné que trois changements apportés à votre organisme vous confèrent davantage d'outils et de ressources pour lutter contre le financement d'activités terroristes. Il me semble vous avoir entendu dire que ces trois changements sont survenus dans le passé. Nous nous intéressons certes à ce qui a déjà été fait, mais nous sommes également ici pour faire des recommandations au gouvernement au sujet de ce qui pourrait vous venir en aide. Souhaitez-vous présenter de telles recommandations au comité pour qu'elles soient prises en considération?
Mme Hawara : Nous avons beaucoup contribué à l'évaluation du régime qui dure depuis un an environ et nous avons prêté assistance au ministère des Finances dans la rédaction de son document de consultation. Le document comporte deux propositions qui touchent la Direction des organismes de bienfaisance et nous les appuyons fortement. L'une d'elles concerne la divulgation directe entre l'ASFC et la Direction des organismes de bienfaisance en ce qui a trait aux rapports transfrontaliers, l'autre porte sur le seuil à partir duquel le CANAFE est autorisé à nous divulguer des renseignements. Une révision de ce seuil nous serait également utile. Nous appuyons bien sûr fortement les propositions qui figurent dans le document de consultation du ministère des Finances.
Le président : Voulez-vous ajouter quelque chose? C'est dans le document de consultation et ça vous convient.
Mme Hawara : Oui, ça y est. Merci.
Le sénateur Ringuette : Comme l'a indiqué le président, nous avons tenu des réunions au sujet de cet examen. À ma connaissance, et à moins que j'aie manqué quelque chose, c'est la première fois qu'il est question d'évasion fiscale. Les autres témoins ont parlé de blanchiment d'argent et de financement d'activités terroristes. Soudain, vous venez ici, aujourd'hui, nous parler d'évasion fiscale. Pouvez-vous nous expliquer en quoi l'évasion fiscale peut être liée au recyclage des produits de la criminalité et au financement d'activités terroristes? Est-ce que la loi comprend actuellement des dispositions concernant l'évasion fiscale?
M. St-Pierre : Depuis juillet 2010, l'évasion fiscale constitue une infraction sous-jacente au blanchiment d'argent. Elle en fait donc partie intégrante. Ainsi, le CANAFE divulgue à l'ARC les renseignements qui concernent le recyclage des produits de la criminalité, le financement d'activités terroristes ou l'évasion fiscale.
En tant que membre du régime, nous sommes financés pour réaliser un travail d'exécution de la conformité sur le plan civil dans les cas d'évasion fiscale décelés par le CANAFE. Ainsi, notre financement lié au régime concerne les activités relevant du droit civil.
Ce n'est évidemment pas la seule activité ou le seul programme qu'exerce l'ARC à l'égard des contrevenants, nous menons aussi d'autres activités. L'an dernier, par exemple, le CANAFE nous a envoyé 147 divulgations qui ont donné lieu à 115 vérifications. Au final, nous avons récupéré 27 millions de dollars en impôts fédéraux. Cela fait partie intégrante des activités prévues par la loi et cela fait aussi partie du travail qu'accomplit le CANAFE en divulguant des renseignements à l'ARC.
Le sénateur Ringuette : Vous avez mentionné que vous avez reçu 147 divulgations qui ont mené à 115 vérifications. Combien d'entre elles visaient des organismes de bienfaisance? Combien visaient des individus? Et combien visaient des entreprises?
M. St-Pierre : Mme Hawara et moi travaillons tous deux pour la même agence, mais nous occupons des rôles différents. Si les renseignements indiquent qu'un individu ou une entreprise est soupçonné d'évasion fiscale, c'est à ma direction qu'ils seront envoyés. S'ils concernent plutôt un organisme de bienfaisance, ils seront envoyés à la Direction des organismes de bienfaisance. Ce sont les deux canaux par lesquels le CANAFE divulgue des renseignements à l'ARC. Dans le cas de ma direction, la très grande majorité des 115 vérifications visait des individus.
Le sénateur Ringuette : Aucune des 115 vérifications ne visait une entreprise ou un organisme de bienfaisance.
M. St-Pierre : Elles n'auraient pas pu viser un organisme de bienfaisance. Si cela avait été le cas, elles auraient été menées par la Direction des organismes de bienfaisance. Il y a cependant pu y avoir des entreprises, mais dans une très petite proportion.
Le sénateur Ringuette : Des 115 vérifications menées auprès d'individus, et non auprès d'organismes de bienfaisance ou d'entreprises, combien ont abouti devant la Cour canadienne de l'impôt?
M. St-Pierre : Comme je l'ai dit, notre rôle au sein du régime et la raison de notre financement consistent à veiller à l'aspect civil dans les cas où un individu se trouve en situation de non-conformité à la lumière des renseignements du CANAFE. Des 115 vérifications auxquelles nous avons procédé, par opposition aux activités criminelles, dont je vais aussi parler, nous avons pénalisé environ 50 p. 100 des contrevenants ou leur avons appliqué une pénalité pour négligence grave. Sur les 27 millions de dollars en tout récupérés en impôts fédéraux, 15 millions proviennent de pénalités pour négligence grave. Notre rôle dans le régime concerne l'aspect civil.
Le sénateur Ringuette : Qu'entendez-vous par négligence grave?
M. St-Pierre : Il y a négligence grave lorsque nous pouvons montrer des situations où l'individu aurait facilement pu faire preuve d'un meilleur jugement. Nous appliquons différents degrés des pénalités, et la négligence grave est, si je puis dire, la faute la plus grave avant le crime. Pensez, par exemple, à un individu qui ne voit pas à ses affaires, qui est très négligent, qui fait un effort pour ne pas payer ses impôts, en tenant mal ses comptes, en ne les tenant pas du tout ou en ne les tenant pas alors qu'on lui a dit de le faire — il s'agit là d'un cas au civil.
Pour que le cas devienne criminel il faut que deux éléments soient présents : l'actus reus et le mens rea. Il faut qu'il y ait un acte concret et une intention de commettre une infraction. Lorsque c'est le cas, nous menons une enquête criminelle. Mais ça n'a toutefois pas toujours lieu dans le cadre du régime. Quand j'emploie le mot « enquête » dans nos discussions, c'est qu'il s'agit d'une enquête criminelle. Certains croient faire l'objet d'une enquête alors qu'ils ne font que subir une vérification ou un examen. Il s'agit toutefois d'actions différentes. Nous avons aussi des enquêteurs qui portent des accusations en vertu du Code criminel quand nous sommes en mesure de prouver qu'il y avait intention de commettre une infraction et qu'il y a bien eu un acte d'évasion fiscale, mais c'est un processus très différent. Il y en a un pour le civil et un pour le criminel. C'est l'aspect civil qui nous occupe pour le moment.
Le sénateur Ringuette : Les vérifications que vous avez menées ne concernaient que l'aspect civil. Aucune des informations que vous a divulguées le CANAFE n'a mené à une poursuite au criminel de votre part?
M. St-Pierre : C'est pour que nous puissions assumer ce rôle que le financement de 2,2 millions de dollars nous a été alloué. Nous avons différents partenaires au sein du régime. Il y a la GRC et d'autres organismes d'application de la loi qui intentent parfois des poursuites au criminel ou d'autres actions de cet ordre. Outre cela, il y a aussi les enquêtes que mène l'ARC.
Le sénateur Ringuette : Non, je parle seulement de ce qui concerne les renseignements que vous avez obtenus de CANAFE, ceux à partir desquels vous avez mené 115 vérifications. Combien de celles-ci se sont soldées par une poursuite au criminel?
M. St-Pierre : Chacune des 115 vérifications concernait des cotisations au civil.
Le sénateur Ringuette : Il n'y a donc eu aucune enquête criminelle l'année dernière. Vous avez dit que le CANAFE ne vous divulgue de renseignements sur l'évasion fiscale que depuis juillet 2010. C'est bien cela?
M. St-Pierre : Il y a peut-être eu des divulgations avant cette date, mais c'est en juillet 2010 que l'évasion fiscale est devenue une infraction sous-jacente. Nous avons changé notre façon de faire en fonction de cela. Chaque fois que nous ouvrons une enquête criminelle, nous envoyons une déclaration de renseignements transmis volontairement au CANAFE. Si l'organisme a des renseignements concernant notre enquête, il peut donc nous les envoyer.
Nous en avons produit environ sept, je crois, l'année dernière. C'est un changement assez récent. Nous ouvrons environ 150 enquêtes criminelles par année. Et dans chacun des cas, conformément à cette nouveauté, nous envoyons au CANAFE une déclaration de renseignements transmis volontairement.
Le président : Sénateur Ringuette, puis-je vous demander d'attendre la deuxième série de questions? Nous avons une longue liste d'invités. Je donne donc la parole au sénateur St. Germain.
Le sénateur St. Germain : Merci aux témoins pour leur présence et leurs excellents exposés.
Le sénateur Ringuette s'était en fait engagée dans une voie que j'avais l'intention de prendre. Est-ce que les activités de vérification se trouvent limitées par le budget de 2,2 millions? Comment a-t-il été établi que ce montant serait suffisant pour mener ces vérifications? Avez-vous assez de 2,2 millions de dollars ou est-ce trop peu?
M. St-Pierre : Je ne connais pas beaucoup les mécanismes de financement de tous nos partenaires du régime et je connais très peu le processus décisionnel qui sert à déterminer qui a droit à quoi. Je ne peux donc pas répondre à cette question, malheureusement.
On pourrait sans doute dire que n'importe quel membre du régime dirait qu'il ferait plus s'il recevait plus d'argent. En ce sens, nous ne serions pas différents. Cela dit, l'ARC ne limite pas ses efforts de lutte contre l'évasion fiscale et la non-conformité aux 2,2 millions qu'elle reçoit pour sa participation au régime. Nous menons beaucoup de vérifications dans nos activités internationales et auprès de grandes entreprises; nous réalisons d'importants travaux avec nos partenaires internationaux. Nous menons 150 enquêtes criminelles chaque année et cela se fait grâce à d'autres fonds que ceux du financement lié au régime. L'ARC déploie beaucoup d'efforts pour traiter les cas de non-conformité. C'est la partie du travail qui nous incombe. Je vous parle de ce que nous faisons pour remplir notre rôle, c'est-à-dire veiller aux activités d'observation civile en lien avec la mission du régime.
Le sénateur St. Germain : Je crois comprendre cela, mais vous générez un profit de 27 millions. Êtes-vous autorisés à puiser dans ces sommes si vous manquez de fonds pour poursuivre vos vérifications?
M. St-Pierre : Je crois que tout l'argent va au Trésor. Non, nous n'avons pas...
Le sénateur St. Germain : Il n'y a pas moyen de le récupérer. Ça va pour l'instant.
M. St-Pierre : Non.
Le président : Sénateur Massicotte, s'il vous plaît.
Le sénateur Massicotte : Je tiens à remercier les témoins d'être ici cet après-midi.
Dans votre exposé, vous avez précisé que l'évasion fiscale présumée est l'un des motifs pour lesquels le CANAFE est autorisé à vous divulguer des renseignements. Mais si l'on tient compte de son exposé, ce n'est pas le cas. Les gens du CANAFE disent en fait que la loi a été créée pour lutter contre le recyclage des produits de la criminalité et le financement d'activités terroristes. En fait, nous leur avons clairement demandé : « Si vous soupçonnez un cas d'évasion fiscale, pouvez-vous divulguer les renseignements? » Ils ont répondu par la négative, et vous nous dites le contraire. Y a-t-il une raison à cela?
M. St-Pierre : J'ignore à quel passage en particulier vous faites référence. Je sais que ça aurait été vrai au moment où la loi a été créée et peut-être aussi après sa révision de 2006. Mais depuis les changements de juillet 2010, et avec l'ajout de la mention précisant que l'évasion fiscale est une infraction sous-jacente au recyclage des produits de la criminalité, nous pouvons maintenant envoyer au CANAFE des déclarations de renseignements transmis volontairement dès que nous décelons un cas d'évasion fiscale. Ça a changé et, pour nous, ça constitue une amélioration de la loi qui nous permet d'obtenir des renseignements de la part du CANAFE et de lui en communiquer.
Le sénateur Massicotte : Pour vous, un « présumé cas d'évasion fiscale » signifie que le CANAFE a le droit de vous divulguer des renseignements?
M. St-Pierre : Depuis ce changement, oui.
Le sénateur Massicotte : Quand le CANAFE a été mis sur pied il y a huit ou neuf ans, il y a eu un gros débat sur le respect de la vie privée et le partage d'informations. Il s'agit là d'une grosse quantité d'informations personnelles, surtout de transferts d'argent, procédé auquel beaucoup de gens ont recours.
À l'époque, on avait justifié la chose par notre crainte du terrorisme et la grave menace que représente le recyclage des profits de la criminalité pour notre société et l'intégrité de nos systèmes économiques. Nous y avions alors tous cru. Avec un peu de recul, je crois que c'est la raison du présent examen. Tous ministères confondus, nous dépensons entre 75 et 100 millions de dollars pour mener ces recherches. Et lorsqu'on regarde les résultats, on constate que le CANAFE connaît surtout des succès dans des affaires de fraude ou de fraude en matière d'investissement. Ces dernières représentent environ 34 p. 100 des cas. Si l'on se fie aux exemples cités par le CANAFE, les fraudes décelées n'ont rien à voir avec le blanchiment d'argent et elles auraient été décelées de toute façon. En gros, ce ne sont que des informations supplémentaires qui viennent en aide à notre système de justice pénale.
Vous avez aussi dit que les drogues viennent au second rang. Ce n'est pas mal, c'est un secteur où il y a un peu de blanchiment d'argent. De ce que j'ai compris, seulement 5 p. 100 des dossiers se soldent par la récupération d'argent. Avec un tel pourcentage, ça fait bien peu d'argent récupéré, et il est prouvé que quelque chose ne va pas. Est-ce que ça vaut le coup, ce programme, tout cet argent et ces violations de la confidentialité des renseignements personnels, sachant que son élément principal n'a même pas fait l'objet de débats il y a huit ou neuf ans et qu'il y a très peu de terrorisme? Qu'avez-vous à dire à ce sujet?
M. St-Pierre : Je crois que, dans son état actuel, la loi permet très peu de largesses, ce qui est très bien pour protéger les renseignements personnels. Il n'y a absolument rien à redire au sujet des conditions très limitées qui permettent au CANAFE de partager des renseignements avec les membres du régime. En ce qui concerne la protection de la vie privée, je ne serais pas prêt à dire que l'ajout de l'évasion fiscale comme infraction sous-jacente au blanchiment d'argent rend trop facile l'accès aux renseignements. Nous ne pouvons pas accéder aux bases de données du CANAFE, par exemple. Leur accès est extrêmement restreint. Les informations recueillies par le CANAFE sont hautement protégées et leur accès est très restreint.
Pour ce qui est des changements qui ont été apportés, nous trouvons qu'ils profitent à tous les partenaires. Par exemple, comme je le disais, la reconnaissance de l'évasion fiscale comme infraction sous-jacente commande aux banques de s'adresser au CANAFE lorsqu'elles soupçonnent ou constatent un possible cas d'évasion fiscale. Le CANAFE étudie ensuite les renseignements et les confronte à ses propres informations pour décider s'il faut donner suite à l'affaire.
En ce qui concerne la protection de la vie privée, j'estime que les dispositions originales sont toujours bien en place. L'ARC accorde une très grande importance à la confidentialité des renseignements des contribuables. De plus, comme le prévoit l'article 241 de la loi, nous ne pouvons communiquer des informations que dans des circonstances bien précises. Et le CANAFE est soumis aux mêmes exigences en matière de protection des renseignements personnels que l'ARC. C'est d'une importance capitale. Cela dit, l'une des recommandations de l'examen stipule que cela doit rester ainsi. Mais si l'on ne peut pas transgresser certains droits de la protection des renseignements personnels, comment les membres du régime pourront-ils échanger des renseignements pour atteindre leurs objectifs? Voilà une recommandation qui continue à faire débat.
Le sénateur Massicotte : Je peux reconnaître les mesures prises en matière de dissuasion et de protection des renseignements, mais regardez les chiffres : le coût direct est de 75 millions de dollars et plus, et l'an dernier, le CANAFE a divulgué 700 dossiers à différents organismes. Auparavant, ce n'était jamais plus que 200 ou 300. Ainsi, les dossiers coûtent 100 000 $ chacun, et les chances qu'ils mènent à quelque chose de concret ne sont que de 5 p. 100. Les sommes totales récupérées sont donc très inférieures aux 75 millions de coûts directs. Du point de vue économique, nous n'arrivons pas à couvrir nos coûts et nous enfreignons la vie privée des gens par-dessus le marché. Certains pourraient dire qu'il y a exagération. L'appareil est peut-être trop gros pour les profits qu'il génère.
M. St-Pierre : J'ai deux choses à répondre à cela. Si l'on regarde le travail des cinq dernières années, nous avons reçu plus de 800 divulgations du CANAFE et avons mené plus de 500 vérifications. Nous avons récupéré environ 81 millions de dollars en impôts fédéraux. Tout cela grâce au financement provenant du régime.
Du point de vue de l'ARC, les renseignements sont très importants. Certaines choses ne sont peut-être pas prises en compte, les poursuites au criminel que nous entreprenons, par exemple. Il y a eu certains cas où les renseignements du CANAFE nous ont permis de trouver et de récupérer de l'argent qui avait été déposé dans des banques extraterritoriales. Sans eux, tout cela nous aurait échappé.
Pour ce qui est de l'évaluation au sens large, il ne faut pas seulement compter l'argent récupéré, il faut aussi considérer l'argent qui n'a pas été détourné grâce à notre vigilance. Je crois que le but est atteint quand nous ou nos partenaires du régime arrivons à récupérer de l'argent auprès de gens qui ont des intentions criminelles. Il y a l'effet dissuasif et l'effet concret, qui consiste à déceler et à récupérer l'argent. Il faut tenir compte de beaucoup de choses pour mesurer la rentabilité dans le cas présent. Il ne faut pas négliger l'effet dissuasif.
De plus, en ce qui concerne le travail que nous effectuons avec nos partenaires internationaux, notre loi est semblable à celles en vigueur dans les autres pays. Nous en avons besoin pour remplir nos obligations et nos engagements à l'égard de nos partenaires de l'OCDE et des autres pays. La loi est très importante à de nombreux points de vue.
Le sénateur Massicotte : Sur la scène internationale, on constate que certains pays sont beaucoup moins rigoureux que nous. Ils disent se conformer aux règles en matière de divulgation, mais des activités criminelles peuvent avoir lieu sur de petites îles où de grandes banques canadiennes sont présentes. Selon les règles du système, les virements bancaires sont enregistrés, sauf si la personne utilise un chèque de la banque en cause et que le chèque est déposé par un créditeur qui se trouve au Canada. Nous savons que ce genre d'opération continue d'avoir lieu. Y a-t-il quelque chose qui puisse vous aider à repérer ces importants comptes extraterritoriaux?
M. St-Pierre : Le CANAFE serait probablement mieux placé pour répondre à cette question.
Le sénateur Massicotte : Ils nous ont dit de vous poser la question lors de votre témoignage.
M. St-Pierre : Vraiment? Pour nous, CANAFE est une source de renseignements parmi d'autres. Nous disposons d'un certain nombre d'outils et d'autres mécanismes pour obtenir des renseignements. Il y a les traités d'entraide judiciaire en matière criminelle. Ils nous permettent de collaborer avec d'autres pays pour obtenir ou envoyer des renseignements dès qu'une activité criminelle est décelée. Nous sommes aussi signataires de 13 accords d'échange de renseignements fiscaux, les AERF, et 13 autres de ces accords sont en chantier. Ils nous permettront d'échanger des renseignements concernant l'impôt avec les pays concernés. Nous avons signé des traités avec 87 pays. Nous travaillons aussi avec le Centre d'information conjoint sur les abris fiscaux internationaux, où nous collaborons avec les autres signataires des traités pour reconnaître certaines méthodes et situations de non-conformité.
Du point de vue de l'ARC, le CANAFE est une source de renseignements, mais nous avons également recours à tous ces autres moyens pour reconnaître, déceler et dissuader les actes de non-conformité à l'échelle nationale et internationale.
[Français]
Le sénateur Maltais : Merci, monsieur le président, ma question s'adresse à M. St-Pierre. Dans votre mémoire, à la page 1, en parlant des organismes de bienfaisance qui font du financement d'activités terroristes et de l'évasion fiscale, vous dites que si la divulgation est liée au financement des activités terroristes impliquant un organisme de bienfaisance, le dossier est alors envoyé à la Direction des organismes de bienfaisance pour que les mesures appropriées soient prises. Est-ce que vous le collectez avant? Est-ce que vous le taxez? Est-ce que l'Agence de revenu du Canada peut saisir une partie de ses revenus pour impôts impayés?
M. St-Pierre : Lorsqu'on parle d'organismes de bienfaisance, ce sont des dossiers auxquels Mme Hawara est directement liée.
Mme Hawara : En fait, monsieur le président, les organismes de bienfaisance ne paient pas d'impôt sur le revenu. Ils sont exemptés d'impôt. Donc la question pour nous est plutôt de savoir s'ils peuvent continuer à être enregistrés comme organismes de bienfaisance, parce que s'ils sont en train d'appuyer des organismes terroristes ou de faciliter le financement d'activités terroristes, nous aurons de graves inquiétudes par rapport à cela. La question qui se pose n'est pas vraiment une question d'impôt mais une question à savoir si l'enregistrement peut être conservé ou non. C'est plutôt une question différente. La Direction des organismes de bienfaisance ne se préoccupe pas d'impôts payables, mais plutôt du système d'enregistrement et si les organismes de bienfaisance peuvent être enregistrés, de prime abord, et une fois qu'ils le sont, s'ils peuvent conserver leur statut d'organismes enregistrés qui leur donne la possibilité d'émettre des reçus d'impôt.
Le sénateur Maltais : Avez-vous un contrôle sur l'émission de ces reçus?
Mme Hawara : Les organismes sont responsables. Il y a une réglementation très précise par rapport à ce qui doit figurer sur un reçu d'impôt, quand il peut être délivré et également des obligations par rapport aux livres et registres que les organismes de bienfaisance doivent tenir. Ils doivent produire une déclaration chaque année par rapport aux montants qui ont été émis, pour lesquels un reçu a été délivré. Si c'est nécessaire, nous pouvons effectuer des vérifications également.
Le sénateur Maltais : Dans les vérifications que vous avez faites et que vous envoyez le dossier quand vous avez constaté que c'est un groupe qui mérite une enquête plus approfondie, est-ce que vous avez pu relier ces organismes à d'autres organismes dans d'autres pays?
Mme Hawara : Par rapport aux organismes de bienfaisance, non. Ce qu'on peut faire en ce qui a trait au contexte international, il y a certaines informations par rapport aux organismes de bienfaisance qui peuvent être divulguées, beaucoup plus que par rapport aux autres contribuables canadiens. Il y a une partie de l'information que nous détenons par rapport aux organismes de bienfaisance qui peut être divulguée. Donc si on détermine que le statut d'enregistrement doit être révoqué, l'information publique peut être partagée avec nos partenaires internationaux, si c'est approprié et si on pense qu'il y a un lien international.
Le sénateur Maltais : Un lien de cause à effet?
Mme Hawara : Oui.
Le sénateur Maltais : Selon Statistique Canada, il y aurait du blanchiment d'argent à peu près de 5 à 15 milliards de dollars entre 2008-2009 et 2011. C'est beaucoup d'argent. Est-ce que l'Agence du revenu peut aller chercher sa part là- dedans?
Dans l'histoire, on se rappelle qu'Al Capone avait un empire. Il a été pris par l'impôt et nettoyé complètement. On parle de beaucoup d'argent. C'est presque le déficit annuel du pays, c'est la moitié du déficit. Comment le ministère du Revenu peut-il, comme représentant la société et le gouvernement, récupérer la partie qu'on lui doit?
Mme Hawara : Je vais laisser M. St-Pierre répondre.
M. St-Pierre : Cela revient à ce que j'ai mentionné tantôt, en travaillant avec nos partenaires internationaux, selon les lois qui existent présentement, en s'assurant que notre approche, en termes de non observation touche les renseignements, l'éducation et aussi pour entreprendre des actions et des vérifications des choses criminelles. C'est ce que l'on fait.
On approche les gens, dépendamment de leur aptitude s'ils veulent être des observateurs ou non. Il faut s'assurer que tous les produits sont en place pour aider ceux qui veulent et ceux qui ne veulent pas. Lorsqu'on examine les efforts qui sont faits à l'échelle internationale, ils sont quand même importants. En travaillant avec l'OCDE et nos autres partenaires, avec les traités, tout cela est une question importante pour le Canada et tous les autres pays. Si on regarde les efforts qui ont été faits l'année dernière, pendant cinq ou 10 ans aussi, ils sont importants. De plus en plus, ceux qui choisissent de tenter de cacher leur argent vont trouve qu'avec tous les efforts des pays, leur capacité de le faire va diminuer.
Le sénateur Maltais : En terminant, de quels moyens auriez-vous besoin pour aller récupérer la juste part de ce montant d'argent qui représente une fortune? Quels autres moyens seraient nécessaires à part ceux que vous avez déjà?
Le sénateur Massicotte : Vous pourriez travailler plus fort!
M. St-Pierre : C'est une question...
Le sénateur Maltais : À cinq dollars!
M. St-Pierre : Je pense que nous avons beaucoup d'outils entre les mains pour pouvoir accomplir les tâches qui nous sont assignées. Il y a toujours des discussions entre l'Agence du revenu du Canada et nos autres partenaires. Mais je ne pourrais pas vous dire exactement les détails de ces discussions. Qu'est-ce qu'on a demandé d'autres, je ne suis pas au courant de tous ces détails. Malheureusement, je ne peux pas vous fournir tous les détails.
Le sénateur Massicotte : Lorsqu'on regarde les efforts qui ont été faits, on a beaucoup de résultats. Mais je pense que le Canadien moyen qui lit les journaux voit beaucoup de résultats du côté des États-Unis, on en parle beaucoup, on parle des efforts musclés. On n'entend pas beaucoup au Canada de tels résultats. Pourquoi devrait-on se sentir confortable avec nos efforts quand ce sont toujours les États-Unis qui mènent ce genre de dossier?
M. St-Pierre : Les lois entre le Canada et les États-Unis sont tout de même différentes. Je suis au courant des cas auxquels vous référez, les pouvoirs du Sénat et d'autres organisations.
Le sénateur Massicotte : Les pouvoirs du Sénat vous dites?
M. St-Pierre : Ils sont plus gros que nous. Leurs chiffres sont plus gros aussi et cela attire davantage l'attention. Souvent, dans des cas particuliers, nous ne pouvons pas, par exemple, si on était du côté civil, je ne peux pas parler d'un cas en particulier.
Le sénateur Massicotte : Je comprends.
M. St-Pierre : On peut parler des criminels, mais au Canada les règles sont différentes qu'aux États-Unis. Je ne peux pas vous dire exactement s'il y a quelque chose qui manque ici, je ne pourrais pas vous le dire, ce qui nous empêche d'être plus public, c'est différent.
Le sénateur Massicotte : Si on laisse faire la visibilité, les résultats sont-ils intéressants ou satisfaisants?
M. St-Pierre : Pour l'agence, je ne suis pas en mesure de qualifier si ce sont des bons ou des mauvais résultats. Je peux dire qu'à l'intérieur de nos budgets, avec les autres obligations, on produit des résultats que vous ou d'autres peuvent juger satisfaisants ou pas. Mais à savoir si on fournit un bon programme efficace, si on travaille de façon efficace avec les autres, au maximum, je crois que oui, mais de dire si c'est assez ou pas, ce ne serait pas approprié pour moi de me prononcer.
[Traduction]
Le sénateur Harb : Merci beaucoup pour votre exposé.
Qui représente l'ARC au comité de gestion du régime? Est-ce l'un de vous? Sinon, qui?
M. St-Pierre : C'est l'un de mes directeurs.
Le sénateur Harb : S'agit-il d'un rôle permanent ou tournant? Est-ce que cette personne y est toujours?
M. St-Pierre : C'est la même personne depuis que je suis en poste. J'ignore toutefois comment ça se passait avant.
Mme Hawara : Dans le cas de la Direction des organismes de bienfaisance, c'est le directeur de la Division de la revue et de l'analyse, c'est donc quelqu'un qui relève de moi.
Le sénateur Harb : Au cours des deux ou trois dernières années, est-ce qu'il a été question d'inclure de nouveaux partenaires au régime? Est-ce qu'il y en a d'autres? Devrions-nous recommander qu'ils y soient intégrés? Les banques, par exemple, sont-elles d'importants partenaires? Est-ce qu'il y a d'autres organismes du gouvernement du Canada qui devraient faire partie du régime? Avez-vous réfléchi à cela ou en avez-vous discuté?
M. St-Pierre : Je ne suis pas au courant de telles discussions. Peut-être qu'elles ont eu lieu et peut-être que le CANAFE ou le ministère de Finances y ont participé, mais je ne suis pas au courant.
Le sénateur Harb : Le commissaire à la protection de la vie privée a fait un certain nombre de recommandations et a fait part de certaines préoccupations au sujet du CANAFE. Le gouvernement du Canada a signé un certain nombre de traités avec d'autres pays, au sujet de la double imposition, notamment, et vous en avez signé vous aussi.
Quels mécanismes sont en place pour garantir la protection de la vie privée des individus lors des échanges de renseignements?
M. St-Pierre : Ce sont évidemment tous des traités gouvernementaux, alors ils suivent le processus normal dans le cas de chaque traité. Nous avons des accords d'échanges de renseignements fiscaux et les conventions fiscales. Ils suivent tous le processus normal en ce qui concerne les questions de protection de la vie privée, et tous les signataires des traités prennent des mesures pour protéger les renseignements.
Le sénateur Oliver : Veuillez excuser mon retard. J'espère que mes questions n'ont pas déjà été posées.
Dans votre document, vous parlez des membres du régime et du rôle essentiel qu'ils jouent. Vous avez fait un choix de mots intéressant; vous dites que l'ARC continue de miser sur des renseignements. J'aimerais savoir d'où viennent ces renseignements; de la GRC, du SCRS ou de l'OCDE? D'où viennent les renseignements qui vous servent à faire votre travail?
M. St-Pierre : En ce qui concerne le régime, les activités réalisées avec les 2,2 millions de financement et les évaluations civiles que nous menons, nous utilisons les renseignements qui nous sont divulgués par le CANAFE et les renseignements qui figurent déjà dans nos fichiers d'impôts ou que nous obtenons par nos propres recherches. Nous avons des systèmes sophistiqués d'évaluation du risque et nous nous en servons pour examiner des secteurs et des individus bien précis afin de déterminer leur risque de non-conformité. Il s'agit donc d'une combinaison de renseignements.
Le sénateur Oliver : Est-ce que ça se fait en bonne partie à l'interne?
M. St-Pierre : Cela se fait à l'interne en bonne partie, oui.
Le sénateur Oliver : Vos renseignements ne proviennent pas de l'extérieur, du SCRS ou d'autres services de renseignement, mais plutôt de l'interne?
M. St-Pierre : Principalement de l'interne. Mais cela n'est vrai qu'au sujet du travail que nous effectuons dans le cadre du régime. Nous prenons part à des activités pertinentes à l'extérieur de ce cadre. Nous menons des enquêtes criminelles. Nous exerçons notre aptitude à mener des enquêtes conjointes avec la GRC. Nous entretenons une très bonne relation de travail et de communication avec les organismes d'application de la loi. Encore une fois, nous obéissons à des directives très strictes lorsque nous échangeons des renseignements sur les contribuables avec ces organismes. Les circonstances dans lesquelles nous sommes autorisés à communiquer des renseignements sont très précises.
Nous pouvons cependant nous intéresser à certaines industries en particulier à partir de nos propres recherches. Il arrive que nous effectuions des vérifications sur des échantillons ou des vérifications aléatoires pour tenter de déterminer les situations de non-conformité possibles dans un secteur ou auprès d'un groupe de contribuables donné pour y mesurer les niveaux de risque. Nous appliquons nos ressources en fonction du niveau de risque pour concentrer nos efforts au bon endroit et réduire le fardeau en matière d'observation de la loi pour ceux qui choisissent de se conformer.
Nous examinons une multitude d'informations, qu'il s'agisse de celles que nous sommes autorisés à communiquer ou de celles que nous obtenons d'autres sources, comme le Centre d'informations conjoint sur les abris fiscaux internationaux. C'est à partir de ces activités que nous élaborons nos renseignements, et c'est ce que nous utilisons pour déterminer dans quels secteurs nous allons concentrer nos efforts.
Le sénateur Oliver : Dans la même phrase, vous dites que vos actions sont guidées par une « sélection stratégique de dossiers ».
Qu'est-ce qu'un dossier stratégique, à vos yeux? En quoi est-il stratégique? Comment le devient-il?
M. St-Pierre : Il y a de nombreux exemples, mais je vais vous en donner un en lien avec le travail que nous faisons sur le plan criminel. Il est important pour nous de cibler les gens qui font la promotion de certains stratagèmes frauduleux, par exemple. Comme vous le savez peut-être, nous avons récemment épinglé un individu qui cherchait à faire la promotion de ce genre de stratagème. C'était un contestataire de l'impôt, une personne physique, et toutes ces choses. Il est important que nous nous penchions sur ces secteurs où le risque est élevé, que nous nous assurions que les Canadiens savent où nous concentrons nos efforts tout en les informant sur ce que nous avons fait à ce sujet pour que ceux qui souhaitent être conformes ne se retrouvent pas accidentellement pris dans un de ces stratagèmes ou ne soient pas dupés par ces gens qui font la promotion d'activités illégales.
Quand nous décelons un risque de non-conformité, nous nous assurons de prendre les mesures appropriées pour y remédier et nous en informons les Canadiens.
Ça peut être une raison de choisir un dossier. Si nous remarquons qu'un secteur en particulier est non conforme dans son ensemble, nous augmentons le nombre de vérifications. Nous allons appliquer nos ressources aux secteurs les plus à risque et déployer des efforts pour protéger l'assiette fiscale.
Le sénateur Oliver : Cela n'explique pas ce qui rend un de ces dossiers stratégiques, selon votre définition.
M. St-Pierre : Vu nos ressources limitées, nous pouvons, ou nous devons, choisir des secteurs d'intervention bien précis pour y mener des vérifications et faire notre part pour protéger l'assiette de l'impôt. C'est donc stratégique au sens où nous décidons d'agir dans un cas en particulier parce que nous y voyons un risque. Nous devons corriger cette situation de non-conformité et envoyer un message à ce secteur ou à cette industrie. C'est une stratégie qui vise à augmenter le taux de conformité dans ce secteur ou cette industrie.
Le sénateur Oliver : Je comprends.
Le président : Cela met fin à la première série de questions. Nous avons une question pour la deuxième série. Je m'adresse au sénateur Ringuette.
Le sénateur Ringuette : Avez-vous dit une question?
Le président : Une question, mais je suis sûr que vous allez être concise, comme vous en avez l'habitude.
Le sénateur Ringuette : Monsieur St-Pierre, vous dites que vous avez mené 150 enquêtes criminelles l'année dernière. Menez-vous ces enquêtes vous-mêmes, en tant que ministère?
M. St-Pierre : Oui.
Le sénateur Ringuette : Vous menez vos propres enquêtes. Est-ce que la GRC ou des corps policiers municipaux ou provinciaux participent de quelque façon que ce soit à ces enquêtes?
M. St-Pierre : Ça peut arriver. Nous pouvons mener des enquêtes conjointes dans certains cas. Nous l'avons fait dans le passé. Dans d'autres cas, les organismes d'application de la loi vont nous aider lorsque nous exécutons un mandat de perquisition, par exemple, puisque nous procédons parfois à des perquisitions.
Nous portons des accusations aux termes du Code criminel, je dispose donc d'environ 400 enquêteurs pour mener les enquêtes. Lorsque nous avons monté un dossier, nous l'envoyons au ministère public, qui prend la décision de porter des accusations ou pas. L'année dernière, comme je crois l'avoir mentionné, environ 204 contribuables ont été accusés.
Le sénateur Ringuette : Des individus, pas des organismes de bienfaisance ou des entreprises?
M. St-Pierre : Non.
Le sénateur Ringuette : Jusqu'à maintenant, les renseignements que vous avez obtenus de CANAFE n'ont donné lieu à aucune enquête criminelle et vous avez seulement mené des vérifications auprès d'individus — jamais auprès d'organismes de bienfaisance ou d'entreprises.
Vous dites que vos 400 enquêteurs ont mené 150 enquêtes criminelles en un an et qu'aucun organisme de bienfaisance et aucune entreprise n'ont été visés.
Qui enquête sur les entreprises à risque?
M. St-Pierre : Je vais revenir sur une partie de ce que j'ai dit pour clarifier. La majorité des 115 enquêtes portaient sur des individus. Quelques-unes d'elles visaient toutefois des entreprises, mais c'était sur le plan civil.
Vous souvenez-vous du nombre exact?
Stephanie Henderson, gestionnaire, Programme spécial d'exécution, Direction de l'exécution et des divulgations, Direction générale des programmes d'observation, Agence du revenu du Canada : Je ne me souviens pas du nombre exact. De façon générale, quand nous agissons dans le cadre du régime, parce qu'il s'agit d'un cas de blanchiment d'argent, nous tentons d'établir un lien entre l'argent et un individu. L'argent peut passer par les comptes d'une entreprise, mais nous nous concentrons sur l'individu en cause.
Le sénateur Ringuette : S'il s'agit de blanchiment d'argent, c'est un cas relevant du criminel, pas du civil.
M. St-Pierre : En ce qui nous concerne, l'évasion fiscale est une forme de blanchiment d'argent; c'est criminel. Mais il y a une différence entre l'évasion fiscale et la non-conformité; certaines formes de non-conformité ne sont pas criminelles.
Le sénateur Ringuette : Je peux comprendre cela.
Vous avez aussi mentionné plus tôt que vous communiquez des renseignements au CANAFE. De quel genre de renseignements s'agit-il?
M. St-Pierre : Ce peut être une déclaration de renseignements transmis volontairement. Nous envoyons parfois ce genre de document au CANAFE. Par exemple, étant donné que l'évasion fiscale est maintenant un crime sous-jacent, quand nous avons raisonnablement lieu de croire que nous sommes en présence d'un cas éventuel d'évasion fiscale, nous envoyons au CANAFE les renseignements que nous détenons à ce sujet. Les gens du CANAFE les examinent et vérifient s'ils ont des renseignements additionnels à nous offrir, et, s'ils sont autorisés à les divulguer à l'ARC, ils nous les envoient.
Le sénateur Ringuette : Monsieur le président, j'aurais encore quelques questions, si ça vous va.
Le président : Nous avons deux autres témoins à écouter et il nous reste très peu de temps.
Le sénateur Ringuette : D'accord.
[Français]
Le sénateur Maltais : Monsieur St-Pierre, avez-vous eu de la collaboration pour récupérer cette somme de 27 millions de dollars ou l'ARC a-t-elle dû aller devant les tribunaux afin de la recouvrer?
M. St-Pierre : Notre système de redressement peut s'adresser à n'importe quel niveau juridique. Je n'ai pas les détails de ces cas en particulier.
Le sénateur Maltais : Au Québec, le gouvernement provincial a mis sur pied la commission Charbonneau qui aura le mandat d'enquêter sur plusieurs problèmes touchant l'industrie de la construction, dont l'évasion fiscale.
Je crois que tout le monde autour de la table est conscient que l'Agence du revenu du Canada a devancé la Commission Charbonneau et a repéré beaucoup de gens qui étaient en situation d'évasion fiscale, récupérant ainsi des millions de dollars.
Allez-vous suivre les travaux de la commission avec intérêt? Après le dépôt du rapport de la commission, pourrez- vous utiliser des renseignements qui en découleront afin de récupérer les sommes découlant d'évasion fiscale?
M. St-Pierre : Je ne suis pas en position pour répondre à la question étant donné qu'on touche un sujet qui est hors de mon expertise.
Le sénateur Maltais : D'accord, mais parfois, si des renseignements sont communiqués entre pays, ils peuvent être communiqués entre provinces.
[Traduction]
Le président : Voilà qui est pertinent.
Le sénateur L. Smith : Monsieur St-Pierre, Mme Hawara a mentionné deux propositions qui ont déjà été adoptées dans votre domaine. Avez-vous des propositions à faire afin d'améliorer l'efficacité de vos activités?
M. St-Pierre : Comme elle l'a indiqué, et je suis d'accord avec elle, nous avons beaucoup participé aux travaux de consultation et à l'élaboration des recommandations. Nous appuyons entièrement celles qui viennent d'être formulées et nous n'avons rien à ajouter qui n'ait déjà été mentionné.
Le président : Mesdames et messieurs les témoins, au nom du comité, je vous remercie d'être venus ici aujourd'hui. Ce fut très utile et instructif.
Nous nous faisons maintenant un plaisir d'accueillir, du ministère des Affaires étrangères et du Commerce international, Sabine Nolke, directrice générale du bureau principal du programme de sécurité internationale et Michael Walma, directeur de la Direction de la criminalité internationale et du terrorisme. Merci de venir témoigner devant nous aujourd'hui.
Sabine Nolke, directrice générale, Bureau principal du programme de sécurité internationale, Affaires étrangères et Commerce international Canada : Merci, honorables sénateurs, de nous recevoir aujourd'hui. Je suis ravie et honorée d'être ici. Je suis accompagnée de deux collègues de notre bureau juridique, au cas où il faudrait répondre à des questions bien précises.
[Français]
Les criminels et les terroristes ne respectent pas les frontières nationales. Ceux d'entre eux qui mènent des activités à partir d'autres pays maintiennent la capacité et l'intention de nuire aux Canadiens et aux intérêts canadiens à l'étranger ou au Canada. De même, le blanchiment d'argent et le financement du terrorisme ailleurs dans le monde influent sur le Canada. La criminalité transnationale, le terrorisme, le financement du terrorisme et le blanchiment d'argent sont des problèmes mondiaux qui nécessitent des solutions mondiales.
[Traduction]
Par conséquent, le MAECI est un partenaire actif et indispensable dans le cadre des efforts de plus grande envergure déployés par le gouvernement du Canada en vue de lutter contre les flux financiers illicites. Cependant, le MAECI n'assume pas de responsabilités directes en vertu de la Loi sur le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes et ne reçoit pas de financement par l'intermédiaire du Régime canadien de lutte contre le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes. Ses activités appuient néanmoins les objectifs du régime, à savoir la détection et la dissuasion en matière de blanchiment d'argent et de financement d'activités terroristes.
L'engagement du MAECI se matérialise de plusieurs manières. L'une d'elles réside dans la sensibilisation, en faisant mieux connaître les problèmes et en suscitant la volonté de les combattre au sein des autres gouvernements. Une autre réside dans la diplomatie et la négociation, en élaborant des normes internationales et des instruments juridiques qui imposent des obligations aux États et, par l'intermédiaire de ces derniers, aux institutions financières. Ces deux voies permettent au MAECI de renforcer la collaboration entre le Canada, les autres gouvernements, les organisations et les intervenants internationaux. De plus, le MAECI verse des fonds destinés au renforcement des capacités afin d'aider les autres gouvernements à respecter leurs obligations et les normes internationales. Je reviendrai sur ce sujet dans un moment.
Les activités du MAECI qui risquent d'intéresser ce comité sont celles qu'il mène dans la mise en œuvre à l'échelle nationale des obligations juridiques internationales du Canada en ce qui concerne le financement des activités terroristes et dans le blocage des avoirs ou la restriction des transactions financières ou d'autre nature des États qui refusent de se conformer aux normes internationales.
Le MAECI dispose de deux mesures juridiques pour intervenir : la Loi sur les Nations Unies, qui donne effet aux décisions du Conseil de sécurité de l'ONU, et la Loi sur les mesures économiques spéciales, qui permet l'imposition de sanctions prescrites par d'autres organisations internationales ou de sanctions unilatérales lorsque le gouverneur en conseil estime que la conduite d'un État constitue une infraction majeure à la paix et à la sécurité internationales qui cause ou risque de causer une importante crise internationale. J'ai fourni au greffier du comité une liste des États actuellement visés par les règlements en vertu de chaque loi. Cette information est également publiée sur le site web du MAECI. Il m'en reste quelques exemplaires, s'ils peuvent vous être utiles.
La plupart des États figurent sur la liste pour des raisons autres que le blanchiment d'argent ou le financement du terrorisme, mais bon nombre de règlements permettent toutefois de bloquer les avoirs ou de limiter les transactions financières ainsi que d'imposer d'autres mesures moins intéressantes dans l'immédiat pour le comité.
Deux des règlements de la Loi sur les Nations Unies ciblent directement les entités terroristes ou les individus soupçonnés d'activités terroristes plutôt que les États. Il s'agit du Règlement d'application des résolutions des Nations Unies sur la lutte contre le terrorisme et du Règlement d'application des résolutions des Nations Unies sur Al-Qaïda et le Taliban, qui mettent en œuvre les obligations du Canada prévues par les résolutions du Conseil de sécurité afin de limiter l'accès à l'aide financière des entités et des individus inscrits.
Le ministère de Finances, le CANAFE et d'autres vous ont parlé du Groupe d'action financière, le GAFI, et de la participation très active du Canada. Les deux États que le GAFI a désignés comme ayant besoin de contre-mesures précises, la Corée du Nord et l'Iran, sont déjà visés par des règlements sur les sanctions propres à ces pays en vertu de la Loi sur les Nations Unies et la Loi sur les mesures économiques spéciales.
Il ne suffit toutefois pas d'établir des normes et des mesures d'avertissement contre les États qui ne se conforment pas. Il faut également aider les États qui souhaitent moderniser leurs lois et institutions, mais qui ne disposent pas des connaissances ou des ressources nécessaires. C'est là que le renforcement des capacités entre en ligne de compte.
[Français]
Les fonds limités de renforcement des capacités du ministère ont aidé de nombreux pays à mettre en place des unités d'investigation financière, inspirées du CANAFE, propre au Canada, et ce, en ayant recours à une méthode de « formation de formateurs » rentable. Nos contributions à un fonds fiduciaire spécialisé du Fonds monétaire international sur la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement des activités terroristes ont permis de tirer parti des experts et des ressources de cette institution et de s'assurer le concours d'autres donateurs. Ces efforts ont donné les résultats suivants : l'élaboration de lois nationales, la mise en place d'institutions nationales plus aptes, l'embauche d'employés formés, la réalisation d'évaluations nationales des risques, le renforcement de la collaboration régionale, la mise en place de conseillers régionaux et la réalisation de recherches très ciblées sur le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme.
En conséquence, 25 pays ont bénéficié directement du travail réalisé par le FMI à ce jour, et d'autres pays ont connu des gains grâce aux projets régionaux. La Banque mondiale est un autre partenaire important de nos programmes.
[Traduction]
Depuis le dernier examen du genre par le Sénat, il vaut la peine de souligner que le Canada s'est muni d'outils supplémentaires pour s'attaquer à la corruption en saisissant des biens obtenus illégalement. Le 23 mars 2011, le gouverneur en conseil a adopté la Loi sur le blocage des biens des dirigeants étrangers corrompus, la LBBDEC, qui autorise le blocage d'actifs ou de biens d'étrangers politiquement illégitimes à la demande écrite d'un pays étranger et à la suite de certaines considérations prises par le gouverneur en conseil. Les Règlements sur le blocage des biens de dirigeants étrangers corrompus — Tunisie et Égypte, adoptés au même moment, donnent effet aux demandes de la Tunisie et de l'Égypte de bloquer les avoirs de leurs anciens dirigeants et hauts responsables ou de leurs associés et de membres de leur famille soupçonnés d'avoir détourné des fonds publics ou d'avoir acquis des biens de façon inappropriée. Les règlements ont pour effet de bloquer les avoirs des personnes dont ils contiennent le nom en interdisant à toute personne se trouvant au Canada d'effectuer toute opération, directement ou indirectement, portant sur un bien de tout étranger politiquement illégitime; de conclure ou de faciliter, directement ou indirectement, toute opération financière liée à une opération visée au premier point et de fournir des services financiers ou des services connexes relativement aux biens de tout étranger politiquement illégitime.
À ce jour, 268 personnes sont visées par ces règlements, 123 d'entre elles étant de Tunisie et 145 d'Égypte. Tous les avoirs canadiens des personnes dont le nom figure dans les règlements font l'objet d'un blocage. À cette fin, la Loi sur le blocage des biens de dirigeants étrangers corrompus stipule que les institutions financières ainsi que les Canadiens au Canada et ceux se trouvant à l'étranger doivent déterminer, et signaler à la Gendarmerie royale du Canada l'existence de biens qui sont en leur possession ou sous leur contrôle et qui, à leur connaissance, sont des biens visés par le règlement de la LBBDEC.
Bien que nous ne puissions divulguer de renseignements détaillés sur les dossiers, afin de n'avoir aucune incidence sur l'intégrité des enquêtes, nous pouvons confirmer que plus de 2,5 millions de dollars en actifs ont été bloqués, y compris une résidence évaluée à 2,55 millions de dollars et des comptes bancaires dont le bilan est estimé à 122 000 $.
Il est important de souligner qu'aucun bien n'a encore été saisi en vertu du règlement de la LBBDEC. Les avoirs visés ont plutôt été bloqués et seront conservés en lieu sûr pendant une durée maximale de cinq ans, pour permettre au gouvernement pertinent de poursuivre ses enquêtes et de recueillir les renseignements à l'appui d'une demande officielle de saisie et de confiscation de ces actifs en vertu d'instruments juridiques existants, notamment la Loi sur l'entraide juridique en matière criminelle ou la Loi sur le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes.
La LBBDEC sert à faire le pont entre ces deux lois.
[Français]
Je vous remercie de votre attention; je serais ravie de répondre à vos questions concernant le rôle de mon ministère à cet égard.
[Traduction]
Le président : Merci beaucoup.
Monsieur Walma, avez-vous quelque chose à ajouter ou bien souhaitez-vous simplement répondre aux questions?
Michael Walma, directeur, Direction de crime international et du terrorisme, Affaires étrangères et Commerce international Canada : Je serai ravi de répondre à vos questions.
Le président : Madame Nolke, avez-vous participé à la phase de consultation au sujet de cette mesure?
Mme Nolke : Pas directement. J'ai pris mes fonctions actuelles en septembre. Je n'ai pas participé personnellement à cette consultation.
Le président : Le ministère a participé, par contre?
Mme Nolke : Je pense que oui.
Le président : Pouvez-vous confirmer cela, monsieur Walma?
M. Walma : Cela aurait eu lieu dans le service juridique, pas dans notre service.
Le président : Pouvons-nous savoir si le MAECI a été consulté?
Mme Nolke : Mes avocats sont là. Voyons s'ils peuvent nous le dire.
Le président : Ça ne me paraît pas être une question juridique. Il s'agit de savoir simplement si vous avez été consultés. La réponse serait simplement « oui » ou « non ».
Mme Nolke : Il semble qu'on nous consulte pour les règlements, pas pour les lois.
Le président : Vous n'avez pas été consultés. Avez-vous pu examiner les recommandations?
Mme Nolke : Non, je n'en ai pas eu la possibilité. On m'a chargée de vous présenter l'étendue de la participation de mon ministère à cette loi, ce que je viens de faire au travers de mon exposé.
Comme je l'ai indiqué dans mes propos, nous n'avons pas de responsabilité directe vis-à-vis de cette loi. Nous apportons une contribution marginale en ce qui concerne l'intention et l'objet des lois quand les textes touchent à nos activités internationales.
Le président : Merci.
Le sénateur Ringuette : Le CANAFE nous a indiqué qu'il a conclu des protocoles d'entente avec 127 pays. Vous nous avez dit avoir participé à la mise en place de ces PE?
Mme Nolke : Nous aidons le CANAFE à travailler avec d'autres agences, y compris le Fonds monétaire international et la Banque mondiale, et à mettre ses compétences à contribution par le biais des exercices de renforcement des capacités que nous dirigeons. Pour ce qui est des PE conclus entre le CANAFE et d'autres pays, nous n'y participons pas.
Le sénateur Ringuette : Vous n'y participez pas. Travaillez-vous sur les questions liées à Interpol?
Mme Nolke : Nous le faisons dans le cadre de nos programmes de renforcement des capacités. Par exemple, nous finançons certains projets permettant à Interpol de renforcer les capacités des services policiers dans des pays qui ont besoin de notre aide pour se hausser aux normes internationales. Dans ce sens, oui, nous travaillons avec Interpol.
Le sénateur Ringuette : Pourriez-vous nous donner une liste de pays ayant bénéficié du genre de mise à niveau des forces policières nationales que vous offrez par le truchement d'Interpol? J'aimerais comparer cette liste avec celle des PE que nous avons avec certains pays.
Mme Nolke : J'ai avec moi une liste de projets menés à bien dans le cadre des programmes que j'administre : l'aide au renforcement des capacités antiterroristes et le programme visant à renforcer des capacités de lutte contre la criminalité. À l'heure actuelle, en fait, je ne vois pas de projets Interpol en cours. Par contre, il y a de nombreux projets dans lesquels le CANAFE participe directement avec des fonds regroupant plusieurs donateurs. Je peux vous communiquer ce document.
Le sénateur Ringuette : Pourriez-vous communiquer cette liste au greffier?
Mme Nolke : Oui, cela devrait être possible.
Le sénateur Ringuette : Dans cette liste, vous dites collaborer, aux côtés du FMI — partenaire principal, semble-t-il — avec 25 pays. Ces 25 pays figurent-ils dans la liste des partenaires du FMI?
Mme Nolke : C'est exact. Nous avons un projet avec la Banque mondiale auquel participent une ribambelle de pays dont l'Albanie, Antigua, Anguilla et même la Serbie, le Kazakhstan et les Îles Marshall. La liste est longue, il y a plus de 25 pays. Encore une fois, l'aide est apportée par un fonds en fiducie administré par la Banque mondiale pour que nous n'ayons pas à traiter avec chacun de ces pays individuellement.
Le sénateur Ringuette : Lorsque les gens du CANAFE étaient ici, j'ai demandé si l'un des 127 PE avait été passé avec l'Algérie. Ils m'ont dit que non. Avons-nous une entente avec l'Algérie?
Mme Nolke : Je ne crois pas, non. Nous avons divers arrangements et traités bilatéraux avec l'Algérie, mais je ne suis pas au courant d'une entente relative à la surveillance financière. Cependant, il me semble que l'Algérie et le Canada sont signataires de la Convention des Nations-Unies pour la répression du financement du terrorisme. Cette convention sert de socle juridique pour la coopération et permet, en autres choses, une aide juridique mutuelle dans les enquêtes judiciaires, le partage d'informations et ainsi de suite.
Le sénateur Ringuette : Poursuivons. C'est intéressant, il est indiqué dans la liste que 268 personnes proviennent de Tunisie ou d'Égypte. Figurent-elles dans vos ententes internationales au Canada ou au niveau mondial?
Mme Nolke : Ces personnes apparaissaient dans la liste de la règlementation pour la Tunisie et l'Égypte en vertu de la Loi sur le blocage des biens de dirigeants étrangers corrompus, cette liste est donc spécifique au Canada. Elles figurent sur cette liste à la suite de demandes formulées par l'Égypte et la Tunisie. Ce sont les noms des anciens dirigeants et de leurs familles et associés qui nous ont été fournis par les gouvernements demandeurs.
Le sénateur Ringuette : Ces noms sont-ils transmis à tous les pays?
Mme Nolke : Je ne suis au courant que de ceux qu'ils nous ont fournis. Dans ce cas précis, il était question qu'un des proches du président ait des liens avec le Canada. Il avait une résidence à Montréal, donc la demande d'assistance a été envoyée directement au Canada dans ce but. Je ne suis pas sûre que ces individus en particulier intéressent d'autres pays.
Le sénateur Ringuette : Vous avez déclaré avoir trouvé 122 000 $ sur un compte en banque et une résidence valant 2,5 millions de dollars. Quelles ressources pouvez-vous dédier à cela par an?
Mme Nolke : Les règlements traitent spécifiquement de ces individus sur la liste. Nous avons eu une requête de la Tunisie, suite à laquelle nous avons instauré des règlements obligeant toute personne au Canada ayant connaissance d'actifs appartenant aux individus listés à en faire rapport à la GRC. Cet exercice était un cas isolé. Si d'autres biens ou actifs appartenant à ces individus étaient portés à l'attention d'une banque ou d'une société d'assurances par exemple, celles-ci seraient aussi obligées de le communiquer, mais ce n'est pas une démarche active de notre part. Il y a des obligations de divulgation qui incombent aux institutions financières. L'information est envoyée au Bureau du surintendant des institutions financières lors de la création de telles listes et ils transmettent cela à toutes les institutions concernées qui vérifient ensuite leurs données. C'est un exercice qui se fait une fois pour chaque institution. Ils rendent des comptes.
Le sénateur Ringuette : L'été dernier, il y a eu au moins deux rapports visant à analyser les Notices rouges d'Interpol, expliquant que certains pays les utilisaient pour poursuivre des individus pour des raisons politiques ou économiques. Avant que notre ministère prenne des mesures pour geler les actifs, faites-vous des recherches pour déterminer si la demande est justifiée?
Mme Nolke : Oui, j'ai même été garante du processus que nous suivons avant de faire des recommandations au gouverneur en conseil qui prendra sa décision.
Le sénateur Ringuette : Quelle est la procédure que vous suivez?
Mme Nolke : Tout d'abord, nous recevons la demande d'un pays avec la liste des noms. Nous examinons les dossiers publics. Nous voyons de quelles informations disposent nos missions diplomatiques, informations qui pourraient leur donner une connaissance plus précise des individus, et nous communiquons avec nos alliés. Bref, le processus est assez rigoureux pour s'assurer que ce n'est pas un acte purement politique. De plus, la loi exige de déterminer si le pays en question traverse des bouleversements politiques et n'est donc pas en mesure de se prévaloir des canaux habituels pour demander une assistance. Ceci requiert par exemple une procédure judiciaire en place, une accusation criminelle ou enquête criminelle.
Au moment de leurs demandes, la Tunisie et l'Égypte étaient en pleine révolution. Vous vous souviendrez des évènements du Printemps arabe dans ces pays. Ils nous ont demandé d'agir vite. C'est la raison pour laquelle le gouverneur en conseil doit prendre une décision; cette décision doit être appuyée sur des faits, car ces décisions pourraient être remises en question et portées devant la Cour fédérale pour un examen judiciaire. C'est pourquoi on détermine la situation avant de geler les actifs. Ce n'est qu'un gel temporaire parce que, en général, le pays veut instaurer la primauté du droit et nous voulons nous assurer que les bons mécanismes judiciaires soient en place avant de lui transférer ces actifs. C'est donc une mesure temporaire.
Le sénateur Oliver : Nous sommes ici aujourd'hui pour examiner la Loi sur le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes, et votre rôle en tant que directrice générale du bureau principal du programme de sécurité internationale au MAECI. Dans votre travail quotidien, ne travaillez-vous qu'en lien avec cette loi sur le blanchiment d'argent ou avez-vous d'autres tâches?
Mme Nolke : Non, nous avons d'autres responsabilités. Comme j'essayais de le dire dans mon exposé, et excusez- moi si je n'ai pas été claire, nous collaborons afin de soutenir les objectifs de la loi. Cependant, mon ministère n'est pas directement responsable. C'est une législation purement nationale.
Le sénateur Oliver : À l'égard de la Loi sur le blocage des biens de dirigeants étrangers corrompus, vous avez parlé tout particulièrement de deux pays. Vous avez fait mention du Printemps arabe et parlé de la Tunisie et de l'Égypte. J'ai lu dans les journaux il y a quelque temps que plusieurs actifs appartenant à des partisans du régime Kadhafi ont été gelés au Canada. Est-ce que c'est de votre ressort et, si oui, pourquoi n'en avons-nous pas parlé? Vous dites que les montants atteignent 2,5 millions de dollars, ce qui n'est pas énorme. En fait, c'est un petit montant, tout particulièrement quand on sait que, pour l'un des cas, c'est une maison qui valait à peu près ça. Est-ce que c'est parce qu'il n'y a pas grand-chose à geler que vous n'êtes pas très actifs à ce niveau-là?
Mme Nolke : Si vous me le permettez, ce n'est pas vraiment ça. Mon rôle actuel n'est pas de gérer les régimes de sanctions, mais il se trouve que c'est ce que je faisais dans mon poste précédent, donc je sais exactement le travail que demandent les régimes de sanctions et les mesures de gel des actifs. La raison pour laquelle je parle du règlement sur le blocage des biens de dirigeants étrangers corrompus, c'est parce qu'il y a eu du changement depuis votre dernier examen. C'est une nouvelle loi qui a reçu la sanction royale en mars dernier. Je souhaitais le porter à votre attention. Les autres gels d'actifs se font de deux façons. La première, en vertu de la Loi sur les Nations Unies, si le Conseil de sécurité des Nations Unies en donne l'ordre aux États ou décide que des États devraient geler les actifs d'autres régimes et la plupart des actifs gelés de la Libye l'ont été par ce biais.
L'autre façon, c'est quand notre gouvernement a décidé d'aller au-delà de ce qui est imposé par les Nations Unies; nous avons alors ajouté des sanctions supplémentaires à la Libye en vertu de la Loi sur les mesures économiques spéciales qui permet d'imposer des sanctions unilatérales. À l'époque, je crois que nous avions effectué des gels d'actifs libyens à trois reprises. Je ne me souviens plus du chiffre exact, mais je crois qu'à l'époque nous avions gelé environ 2 milliards de dollars. Les 2,5 millions de dollars ne sont tombés que sous le coup du règlement sur le blocage des biens de dirigeants étrangers corrompus, car c'est une nouvelle législation qui exige qu'un pays nous en fasse spécifiquement la demande, tandis que la Loi sur les Nations Unies est une décision du Conseil de sécurité. La Loi sur les mesures économiques spéciales nous permet d'imposer des sanctions à des États qui, pour ce gouvernement et par l'entremise du gouverneur en conseil, méritent de telles sanctions pour des critères bien particuliers.
Le document que j'ai apporté est une liste des sanctions appliquées qui démontre que nous ne sommes pas inoccupés. C'est la liste de toutes les mesures de sanctions en place au Canada. Il y en a deux pages et dans les deux langues officielles, ça fait trois pages. Elle est assez complète.
Le sénateur Oliver : En tout, combien d'actifs gelés par le MAECI y a-t-il au Canada pour tous les pays et en vertu de toutes les lois?
Mme Nolke : Je ne crois pas avoir ce renseignement, il faudrait des rapports de la GRC que l'on ne peut obtenir que dans des cas extrêmement précis.
Je me tourne vers mon conseiller juridique pour savoir si nous avons ce chiffre, je ne crois pas.
Non, nous n'avons pas ce chiffre.
Le président : Pour continuer sur la question du sénateur Oliver, vous nous avez dit :
Il est important de souligner qu'aucun bien n'a encore été saisi en vertu du règlement de la LBBDEC. Les avoirs visés ont plutôt été bloqués et seront conservés en lieu sûr pendant une durée maximale de cinq ans, pour permettre au gouvernement pertinent de poursuivre ses enquêtes...
Que se passe-t-il si rien ne change durant ces cinq ans?
Mme Nolke : Ils sont dégelés ou le gouvernement peut demander une seule prolongation du délai.
Le sénateur Harb : Merci de votre présentation. Vous semblez très diplomatique dans votre deuxième paragraphe. Vous faites votre introduction, vous parlez de l'importance de lutter contre le blanchiment d'argent et le financement du terrorisme, et puis vous dites que le MAECI est un partenaire aussi dynamique que nécessaire dans les efforts plus généraux du gouvernement du Canada en vue d'empêcher les flux financiers illicites. Vous poursuivez ensuite en parlant de vos activités à l'échelle internationale, ce qui est une pièce tout à fait primordiale dans tout ce casse-tête.
Comment se fait-il que vous ne soyez pas membre à part entière du régime? Vous semblez pourtant porter une bonne partie du fardeau.
Mme Nolke : Nous prêtons main-forte çà et là, comme vous dites. Le régime en soi est purement national, et le mandat du MAECI en vertu de la Loi sur les affaires étrangères impose certaines limitations et délimite nos rayons d'action, alors nous ne nous occupons pas des régimes bancaires nationaux proprement dits. Cela ne fait tout simplement pas partie de nos fonctions. S'il en était autrement, je crois que la liste des textes législatifs nationaux à suivre serait plutôt étoffée. Cela dit, nous admettons volontiers que les flux d'argent sont le plus souvent de nature transnationale ces jours-ci. Nous nous occupons essentiellement de tout, sauf du régime national. Nous nous occupons des relations avec d'autres gouvernements dans la mesure où il s'agit de veiller à ce qu'ils puissent prendre des mesures analogues aux nôtres; ainsi, si l'argent quitte le Canada, ou entre au Canada, nous pouvons relier les points et suivre son parcours à travers les frontières. C'est là que nous entrons en scène.
Le sénateur Harb : C'est précisément cela que le CANAFE fait dans ses opérations internationales car il ne s'occupe pas d'opérations nationales. Il s'occupe surtout des opérations internationales, ce qui correspond pour ainsi dire exactement aux fonctions de votre régime.
M. Walma : Juste pour préciser, nous n'intervenons pas dans les aspects opérationnels des flux financiers. Nous nous efforçons de favoriser un climat international où nos règlements correspondent aux règlements et pratiques d'autres pays. Nous nous employons à faciliter la coopération parmi nos organismes nationaux et leurs contreparties à l'étranger, mais ce faisant, nous ne jouons pas un rôle de nature opérationnelle.
Le sénateur Harb : Je vais formuler la question autrement, et ce sera la fin de mes questions. Vous avez touché un mot de vos activités de défense de droits, de sensibilisation et de renforcement des capacités, alors si vous vous occupez de ce genre de tâches, des tâches qui sont d'ailleurs très importantes, vous devez manifestement faire entrer des joueurs sur le terrain, qu'il s'agisse d'organismes canadiens tels l'ARC ou la GRC ou le CANAFE, ou qui que ce soit. J'avoue que je suis un peu perplexe. Bien que vous fassiez tout cela, que vous travailliez avec eux, comment se fait-il que vous ne fassiez pas partie du régime? Pourquoi ne siégez-vous pas à la table avec eux? N'en devrait-il pas être ainsi?
M. Walma : Permettez-moi de vous dire si je puis que nous n'avons rien eu à voir avec cette décision. C'est une décision que le gouvernement de l'époque a prise quand il a promulgué la loi et le règlement correspondant.
Le sénateur Harb : Nous sommes justement en train d'étudier la loi, alors pensez-vous que ce serait une bonne idée de vous demander de siéger comme partie intégrante du régime?
Mme Nolke : Je crois que ce serait une question de politique. En ma qualité de simple fonctionnaire, je ne suis pas en mesure de vous donner mon avis; mais bien entendu, si vous désirez formuler cette recommandation et si cette recommandation est retenue, nous ne manquerons pas de jouer le rôle prescrit.
Le président : Madame Nolke, je vous poserai la question du sénateur Harb d'une façon différente. Dans votre présentation ce soir, vous avez utilisé à trois reprises l'expression « travailler à l'arrière-plan ». Or, comme il n'y a pas beaucoup de gens qui décriraient leur poste comme étant celui de quelqu'un qui travaille à l'arrière-plan, vous pourriez peut-être édifier le comité et nous dire quelle est la principale fonction de votre poste comme directrice générale, bureau principal du programme de sécurité internationale?
Mme Nolke : Très volontiers. Pour ce qui est de mes fonctions au sein du ministère, je gère quatre directions différentes. Celle que dirige M. Walma est la Direction de la criminalité internationale et du terrorisme. Je m'occupe également de la Direction du renforcement des capacités qui administre un certain nombre de programmes ayant reçu leur mandat du Cabinet, dont le Programme d'aide au renforcement des capacités antiterroristes, qui dispose d'un budget annuel de 15 millions de dollars. Nous avons par ailleurs le Programme visant à renforcer les capacités de lutte contre la criminalité, avec un budget de 15 millions de dollars par an également. Nous avons plusieurs autres programmes qui ne revêtent pas beaucoup d'intérêt pour ce comité, notamment le Programme de lutte contre les stupéfiants en Afghanistan, par exemple, et cetera.
Voilà qui décrit une partie du service. C'est dans ce domaine concret que la plupart des choses qui intéressent votre comité se passent, notamment les programmes et projets que nous menons par l'entremise du FMI ou de la Banque mondiale, avec l'aide du CANAFE et d'autres partenaires au niveau de la mise en œuvre.
L'autre moitié de mon service c'est ce que nous appelons le partenariat mondial, où nous cherchons à atténuer la menace des armes de destruction massive. Nous nous chargeons de mettre en œuvre le Programme de partenariat mondial pour le Canada. Ce programme a été créé par le G8 au départ en vue d'empêcher dans la mesure du possible que des terroristes ou des États voués à la prolifération puissent avoir accès à des armes radiologiques, nucléaires, bactériologiques ou chimiques. Je dispose de sommes assez importantes à ce chapitre, car certains des projets que nous menons à bien, par exemple celui de veiller à la sécurité des installations nucléaires dans le monde entier, sont passablement étendus. C'est d'ailleurs là le principal but du programme.
Le président : Merci pour ces précisions, madame Nolke.
Le sénateur L. Smith : J'hésite un peu à poser ma question, monsieur le président.
Pendant votre présentation, j'ai relevé un élément, à savoir votre rôle. On vous a posé la question de trois ou quatre façons différentes. Je voulais quant à moi m'étendre sur la question, et voilà que vous venez de donner une réponse plus détaillée. Vous avez parlé de consultations, de défense de droits, de diplomatie. Nous vous avons demandé si vous estimiez que votre rôle devait être plus étendu. Je voudrais vous poser une autre question, si vous le permettez.
Dans le contexte actuel, est-ce que votre rôle, votre groupe, se charge d'une fonction proactive ou réactive? Prenons par exemple un enjeu de taille comme le commerce des stupéfiants et ses ramifications; ou encore les pays étrangers et les va-et-vient de leurs ressortissants au Canada, disons du Mexique au Canada, le rôle que vous avez à présent, est-il proactif ou réactif? S'il ne s'agit pas d'un rôle proactif, devrait-il être un rôle vraiment proactif? Et ensuite, comment est-ce que cela vous positionne par rapport à l'avenir du régime?
Mme Nolke : C'est un mélange des deux. Mon rôle est réactif dans la mesure où si les criminels se mobilisent, nous nous mobilisons de notre côté. Nous déterminons où se trouve la menace et cette détermination se fait parfois une fois que la menace s'est manifestée. Voilà pour commencer. Notre rôle est cependant proactif aussi car nous surveillons les tendances. Tenez, par exemple, je participais justement la semaine dernière à des consultations bilatérales sur la sécurité avec la Colombie, et nous nous sommes penchés sur certains impacts des opérations réussies que ce pays a menées dans la lutte contre les stupéfiants et le terrorisme, et examiné les séquelles pour la région environnante, car les criminels s'installent dans la région quand ils échappent aux forces de l'ordre. Nous surveillons ces tendances et une partie de notre programme est proactive dans la mesure où nous essayons également de prémunir les pays qui pourraient devenir vulnérables aux activités criminelles à l'avenir.
Je laisserai M. Walma répondre à son tour à votre question. Elle est excellente.
M. Walma : Un autre exemple serait le travail que nous sommes en train de faire au sein d'un organisme récemment établi appelé le Forum global de la lutte contre le terrorisme, où le Canada et l'Algérie coprésident un groupe de travail consacré aux efforts de lutte contre le terrorisme en Afrique orientale, au Sahel. Un des domaines où nous favorisons la coopération régionale c'est celui du financement de la lutte contre le terrorisme. Nous en faisons autant dans un domaine connexe qui n'est pourtant pas l'objectif concret du groupe, soit celui de la lutte contre le blanchiment d'argent. Par exemple, nous œuvrons avec nos partenaires régionaux au renforcement des capacités parmi les pays de l'Afrique occidentale afin d'instituer des centres équivalents au CANAFE, leurs propres URF afin d'empêcher qu'ils ne deviennent des refuges sûrs pour le financement des actes terroristes.
Dans ce sens, il s'agit d'un rôle proactif. C'est un rôle international, mais il est conçu de manière à aider à créer une dynamique internationale vouée à la lutte contre le financement du terrorisme sans nous impliquer directement dans les aspects opérationnels proprement dits. Ce faisant, nous communiquons avec des experts du ministère de la Justice, du ministère des Finances et du CANAFE pour être en mesure d'aider ces pays en leur offrant des services spécialisés.
Le sénateur L. Smith : Compte tenu du nombre d'acteurs, du rôle qui est le vôtre en ce moment, et de la suggestion que celui-ci devrait être plus étendu, avez-vous la compétence et les pouvoirs voulus pour continuer à avancer à mesure que le monde rétrécit? Les criminels, les factions et les groupes circuleront sans doute davantage d'un pays à l'autre. J'aimerais connaître votre avis là-dessus. Vous seriez une excellente personne contre qui rivaliser, car vous me tireriez dessus sans préavis avant même de me permettre de vous poser une première question. C'est censé être un compliment et j'espère que vous le prendrez ainsi.
Mme Nolke : J'accepte le compliment, même s'il me trouble un peu.
Comme je suis avocate de métier, il m'arrive de songer à autre chose quand j'entends parler de « compétence ».
En ce moment, le rôle de nos programmes de renforcement des capacités a été limité par le Cabinet et le Conseil du Trésor. Par exemple, le Programme de renforcement des capacités de lutte contre la criminalité vise spécifiquement l'Amérique centrale et les Caraïbes, et c'est donc là que l'argent est dépensé. Nous ne pouvons pas dépenser une partie des fonds qui leur sont destinés dans une autre région.
Quant au Programme de renforcement des capacités de lutte contre le terrorisme, nous nous donnons le Sahel pour point de mire, mais nous avons également un mandat mondial, et nous sommes donc en mesure de nous livrer à nos activités n'importe où où la menace pourrait surgir.
Comme je l'ai mentionné, le mandat de chacun des programmes est établi par le Conseil du Trésor et le Cabinet, bien entendu. Le mandat du partenariat mondial s'applique au monde entier. Oui, nous pourrions avancer.
Vous avez suggéré que le MAECI devrait peut-être se faire confier un rôle plus étendu dans la loi qui nous occupe aujourd'hui. À mon sens, ce serait là une question qu'il appartiendrait au Cabinet de déterminer, mais elle pourrait aller au-delà car je ne suis pas persuadée à ce stade-ci que la Loi sur le ministère des Affaires étrangères et du Commerce international ait un champ d'application suffisamment vaste pour délimiter ce genre d'activité.
M. Walma : Notre coopération avec d'autres ministères sur ces enjeux s'est avérée très efficace, à ce que je sache. Nous avons de bonnes communications. Nous entretenons d'excellentes relations de travail et je ne suis pas au courant du moindre problème qui aurait pu découler de questions touchant le mandat ou autre. Il semble que cela fonctionne assez bien.
Le sénateur L. Smith : Avec tous ces joueurs, n'y a-t-il donc pas de frictions?
Mme Nolke : S'il y a des frictions, c'est uniquement parce que nos ressources sont relativement limitées et qu'il y a énormément de criminalité et de terrorisme contre lesquels il faut lutter. Il y a bien évidemment des ministères parmi ceux avec lesquels nous coopérons qui sont intéressés à avoir accès à certains des projets.
Les programmes de sécurité que nous gérons se concentrent avant tout sur les intérêts des Canadiens et du Canada en matière de sécurité. Les programmes de sécurité internationale ne sont pas exempts d'une certaine mesure d'intérêt égoïste éclairé. Quand nous instituons des programmes aux Caraïbes, par exemple, c'est bien parce que tout ce qui affecte les Caraïbes aujourd'hui finira par affecter les Canadiens plus tard, même sur le plan de la vie quotidienne, car de nombreux Canadiens y voyagent.
Nous nous occupons de nombreux programmes avantageux pour le Canada, que ce soit directement ou indirectement.
Nos ministères responsables le savent, alors la GRC viendra nous voir avec un projet. Le CANAFE viendra nous voir avec un autre. Justice en fera autant. Les projets se chiffrent à X millions de dollars et nous n'avons que X millions moins Y millions. C'est là que les frictions se produisent.
C'est pourquoi nous prévoyons des examens annuels des priorités qui décrivent exactement ce que nous envisageons, les tendances décelées pour l'année à venir, les lieux où nous devrions placer notre argent dans l'idéal, et tous les ministères intéressés participent à la démarche. Nous sommes justement en train de passer par ce processus en ce moment. Il s'agit d'un exercice collégial qui a surtout et avant tout les intérêts et la sécurité des Canadiens à cœur.
Le sénateur L. Smith : Avez-vous des prévisions sur cinq ans pour ce qui est des besoins qui surgiront en termes de capacité et d'argent à mesure que le processus global évoluera et que vous évoluerez avec les autres ministères? Avez- vous fait de telles prévisions?
Mme Nolke : Ces prévisions font partie de l'examen des programmes. Le PRCLC devrait être renouvelé l'an prochain. Il est censé être progressivement éliminé d'ici la fin 2013, et nous espérons donc qu'il sera renouvelé. Une partie des prévisions se fait dans le cadre des démarches en quête de nouveaux fonds, et d'un mandat plus étendu, absolument.
Le sénateur Eaton : Quel lien avez-vous avec le SCRS? Est-il au nombre de vos partenaires?
Mme Nolke : Oui, tout à fait.
Le président : Au nom de nous tous, merci beaucoup d'avoir comparu devant nous et de nous avoir fait une présentation aussi instructive. Nous vous souhaitons bonne chance et nous vous réitérons une fois de plus nos remerciements pour votre présence.
Mme Nolke : Merci beaucoup. C'était un plaisir.
(La séance est levée.)