Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Banques et du commerce
Fascicule 13 - Témoignages du 7 mars 2012
OTTAWA, le mercredi 7 mars 2012
Le Comité sénatorial permanent des banques et du commerce se réunit aujourd'hui, à 16 h 17, pour examiner la Loi sur le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes (L.C. 2000, ch. 17), conformément à l'article 72 de cette loi et pour étudier l'ébauche d'un budget.
Le sénateur Irving Gerstein (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président : Honorables sénateurs, bienvenue à cette réunion du Comité sénatorial permanent des banques et du commerce. Cet après-midi, nous poursuivons notre examen parlementaire quinquennal de la Loi sur le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes. Il s'agit de notre huitième séance que nous consacrons à ce sujet. Depuis un mois, le comité a entendu un certain nombre de témoins dits partenaires du régime qui contribuent à la mise en œuvre de cette loi, notamment le ministère des Finances, le ministère de la Sécurité publique, la GRC, le SCRS, l'Agence des services frontaliers du Canada, le Bureau du surintendant des institutions financières, le Commissariat à l'information, le Service des poursuites pénales du Canada, l'Agence du revenu du Canada, le ministère des Affaires étrangères et le CANAFE.
Après avoir obtenu la perspective interne, nous commencerons maintenant à entendre des témoins qui présenteront un point de vue externe. Au cours du prochain mois, nous entendrons ceux qui connaissent le régime et sont touchés par ce régime, y compris des groupes sectoriels et des associations, ainsi que des experts indépendants dans le domaine. Nous sommes heureux d'accueillir d'abord, par vidéoconférence de Toronto, Mme Susana Johnson, chef de la lutte contre le blanchiment d'argent, chez Juricomptabilité KPMG. Madame Johnson, vous avez la parole.
Susana Johnson, chef, Services de lutte contre le blanchiment d'argent, Juricomptabilité KPMG : Monsieur le président et honorables sénateurs, j'aimerais d'abord vous remercier de m'avoir invitée à participer à l'examen parlementaire de la Loi sur le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes, et à l'évaluation décennale du régime canadien de lutte contre le blanchiment de l'argent et le financement des activités terroristes.
Comme vous l'avez indiqué, je m'appelle Susana Johnson et je suis chef des Services de lutte contre le blanchiment d'argent chez KPMG. Par ces services, KPMG a aidé les entités déclarantes de divers secteurs. Nous avons aidé les entités financières régies par le BSIF et d'autres entités financières régies par le CANAFE, les entreprises de services monétaires, les casinos, les courtiers en valeurs mobilières et, dans une moindre mesure, les promoteurs immobiliers et les négociants en pierres et métaux précieux. Cela m'a donné une très bonne idée des enjeux dans diverses industries. J'ai participé à des examens indépendants de ces diverses entités déclarantes au cours desquels nous évaluons leur régime de conformité en fonction des exigences de la loi.
Depuis deux ans, j'ai participé de plus en plus à des mandats confiés par des entités déclarantes qui avaient reçu des lettres de résultats du BSIF et du CANAFE. J'ai remarqué un effort de concertation de la surveillance de la conformité entre les organismes de réglementation. Grâce à cette expérience, j'en suis venue à comprendre de nombreuses difficultés que posent la loi et son interprétation. En règle générale, je constate que les entités déclarantes souhaitent se conformer à leurs obligations, non seulement parce que la loi l'exige, mais aussi parce qu'elles sont de plus en plus axées sur la responsabilité sociale et conscientes du risque connexe pour leur réputation.
Une observation personnelle est qu'un grand nombre des entités que je vérifie dans le cadre de ces examens indépendants ont du mal à interpréter la loi. Bien souvent, elles s'efforcent d'obtenir des lignes directrices de la part des organismes de réglementation. Je pense qu'elles ont souvent l'impression que le BSIF ou le CANAFE ne les guident pas beaucoup pour qu'elles sachent ce qu'elles devraient faire. Elles ne l'apprennent que lorsqu'elles reçoivent une lettre de résultats qui décrit les constatations. D'après mon expérience, ces lettres sont la meilleure façon de comprendre le règlement. Ce n'est qu'en les lisant que je comprends ce que veulent les organismes de réglementation. L'idéal serait que les entités déclarantes aient des lignes directrices avant de recevoir une lettre de résultats.
Les lettres de résultats envoyées par les organismes de réglementation obligent parfois une entité déclarante à repenser un processus, un contrôle ou une méthodologie parce qu'elle n'a pas compris les exigences. Je connais des entités, peut-être pas un grand nombre, mais certainement plusieurs, dans le secteur financier qui ont dépensé plus de 100 millions de dollars pour combler les lacunes signalées dans les lettres de résultats. Ce sont des problèmes graves et importants, surtout pour les grandes entités financières, parce qu'il faut trouver le financement et le temps pour apporter les correctifs nécessaires.
Je suis très heureuse d'avoir été invitée à prendre la parole devant vous parce que je fais souvent ressortir les lacunes des programmes de lutte contre le blanchiment de l'argent lorsque j'effectue des examens indépendants. Les entités déclarantes se demandent souvent pourquoi il y a une lacune. Elles ne contestent pas l'organisme de réglementation, mais il y a de bonnes chances qu'elles me contestent. Parfois, je ne peux que leur répondre que c'est la loi. Ce n'est peut- être pas logique, mais c'est ce que dit la loi. Nous avons tous besoin d'une loi sur la lutte contre le blanchiment d'argent et le financement des activités terroristes qui se tient afin d'atteindre les objectifs du Canada et de lutter contre ces activités, les empêcher et les repérer. En même temps, l'approche doit être équilibrée pour que le fardeau sur les épaules des entités déclarantes ne soit pas démesuré par rapport aux avantages du régime.
Pour que vous sachiez un peu qui je suis, je vous dirai que je suis une juricomptable possédant 20 ans d'expérience dans les enquêtes sur les contrôles internes visant à détecter des fraudes ou des actes répréhensibles. Depuis cinq ans, je me concentre sur le blanchiment de l'argent. Mes antécédents dans le domaine des enquêtes m'ont permis de mieux comprendre les besoins du CANAFE et de la GRC. De fait, je travaille parfois avec la GRC ou je lui communique des renseignements sur mes enquêtes pour ses enquêtes. Je comprends bien ce qu'il faut pour obtenir assez de données à partir de renseignements apparemment sans rapport entre eux pour donner quelque chose d'utile.
Quand je mène une enquête de fraude, je garde toujours à l'esprit que nous ne voulons pas gaspiller l'argent de nos clients. Nous évaluons donc le coût de l'enquête par rapport aux avantages qui en découleront. Parfois, nous nous rendons compte que les avantages ne justifient pas le coût. Je ne veux pas laisser entendre que la fraude est la même chose que le blanchiment d'argent, parce que les entités déclarantes n'ont pas vraiment de besoin — en soi, le blanchiment d'argent ne représente pas un coût réel pour elles. Elles prennent des mesures pour se conformer à la loi, tandis que la fraude représente un coût réel pour elles. Il faut toujours se rappeler qu'il faut effectuer une analyse avantages-coûts pour mesurer ce qu'on exige des entités déclarantes et ce qu'on peut en tirer. Il faut mettre tout cela en perspective.
Autre observation dans le cadre de mon examen de l'évaluation décennale du régime de conformité. J'avoue que je n'y avais peut-être pas porté autant attention à la première lecture. J'ai relu les documents et j'ai été très étonnée d'apprendre qu'il y a environ 600 communications de cas du CANAFE aux divers organismes et qu'environ 60 p. 100 de ces communications de cas vont à la GRC. De ces communications de cas à la GRC, 80 p. 100 portent sur des affaires en cours à la GRC. Ces renseignements renforcent les enquêtes et réduisent peut-être les chaînons manquants en apportant de nouveaux renseignements nécessaires pour identifier de nouvelles parties.
Mais les autres 20 p. 100 de toutes les communications de cas à la GRC sont évalués par le Groupe de lutte contre le blanchiment d'argent, puis transmis aux unités mixtes des produits de la criminalité de la GRC. Ces unités n'ont pas les ressources nécessaires pour s'occuper des communications de cas sans rapport avec des enquêtes en cours. Cela m'a beaucoup étonnée, parce qu'il faut certainement beaucoup de travail au CANAFE pour préparer ces communications de cas. Si je comprends bien, de plus en plus, les communications de cas deviennent de multiples éléments de nombreuses entités déclarantes utilisés dans un seul grand scénario de lutte contre le crime organisé. Cela représente beaucoup de travail et si ces renseignements ne sont exploités complètement, je m'interroge sur la valeur de ce travail du CANAFE s'il n'est pas utilisé par la GRC et d'autres organismes.
Là où je veux en venir, c'est que quelques aspects du règlement proposé seront plus exigeants pour les entités déclarantes. Dans bien des cas, les exigences visent à réduire les facteurs de risque parce que le Groupe d'action financière a constaté que les entités déclarantes ne vont pas assez loin et qu'il s'attend à plus. Faire plus, pour abaisser les risques, cela veut dire exiger beaucoup plus des entités déclarantes. Nous pouvons nous demander : à quoi bon exiger autant des entités déclarantes si une grande partie de cette information ne sert même pas? Si les ressources de la GRC ou du CANAFE sont limitées, s'ils ne peuvent pas pousser les enquêtes et qu'en même temps, on exige davantage des entités déclarantes, ce ne sera pas équilibré. Tout est relié à l'approche fondée sur les risques.
J'ai examiné les propositions faites dans le premier document de consultation de novembre 2011 et dans le deuxième document de décembre. Je suis prête à répondre à vos questions ou à vous présenter mes observations générales si vous le souhaitez. Je n'ai été prévenue que mardi que j'allais participer à cette réunion. Je n'ai donc pas eu le temps de préparer une déclaration et je vous ai seulement présenté des observations fondées sur mon expérience. Je suis prête à adopter l'approche que vous préférez.
Le président : Je vous remercie de vos observations. Si vous le permettez, j'aimerais retourner en arrière et revenir sur certaines observations que vous avez faites dans un bulletin envoyé en 2010 par KPMG et qui est affiché sur le site Internet. J'aimerais vous en citer un extrait, parce qu'il situe le contexte.
Dans la dernière décennie, le CANAFE, à l'opposé de son homologue américain, le Financial Crimes Enforcement Network (FinCEN), a adopté une approche fondée sur la collaboration en matière d'application de la loi, visant à éduquer les entités qui lui sont assujetties. Dans les derniers mois, cependant, le CANAFE a de plus en plus délaissé son approche fondée sur l'éducation et la sensibilisation, pour adopter plutôt une approche coercitive.
Vous poursuivez ainsi :
Certains signes donnent à penser que le CANAFE veut maintenant suivre l'exemple du FinCEN. Ainsi, le CANAFE a commencé à se déclarer clairement insatisfait de la qualité des programmes de conformité dont les entités déclarantes canadiennes se sont dotées en matière de lutte contre le blanchiment de l'argent.
J'aimerais que vous précisiez votre pensée. Comment voyez-vous ce grand changement qui, si je vous comprends bien, constitue un changement important par rapport à ce que font nos amis du Sud?
Mme Johnson : C'est un énorme changement parce que, comme vous le savez peut-être, les pénalités aux États-Unis atteignent facilement des centaines de millions de dollars lorsqu'un programme de lutte contre le blanchiment d'argent n'est pas efficace. Je pense que le CANAFE a subi des pressions pour qu'il relève ses pénalités, parce que celles qui sont imposées aux États-Unis ne se comparent pas avec les pénalités au Canada. C'est peut-être la façon canadienne de travailler avec les entités déclarantes.
C'était peut-être pour reconnaître qu'en 2000, les entités ne comprenaient pas vraiment les exigences. Il y a eu un processus d'éducation des entités déclarantes. Ils estiment peut-être qu'après avoir répété pendant 10 ans aux entités déclarantes ce qu'elles devaient faire, les entités devraient maintenant savoir ce qu'on attend d'elles. On s'attend à ce que, de la même façon que le CANAFE a mûri depuis sa création en 2000, les entités déclarantes aient mûri elles aussi et tenté de comprendre ce qu'elles devaient mettre en place.
Certainement, depuis deux ans que mon travail porte sur les entités déclarantes, les problèmes sont tellement nombreux et différents qu'elles sont débordées. Vous ne pouvez pas savoir le nombre d'entités déclarantes qui nous disent que les résultats sont toujours différents. Un grand nombre de ces résultats portent sur la méthode d'évaluation des risques, au cœur d'un régime de lutte contre le blanchiment d'argent. Il faut avoir une méthode précisant comment le programme de conformité fonctionnera. Un grand nombre des entités déclarantes n'ont pas vraiment le contexte leur permettant de mettre en place les outils nécessaires, alors elles tâtonnent et les indications qu'elles obtiennent sont très limitées. Il y a quelques indications dans les lignes directrices sur la manière d'effectuer une évaluation des risques, mais quand il s'agit d'appliquer le régime dans l'entreprise, les indications sont très limitées. C'est essentiellement par les lettres de résultats que les entités déclarantes ont commencé à comprendre ce qui est exigé.
Le président : Merci beaucoup. Je cède maintenant la parole à la vice-présidente, le sénateur Hervieux Payette.
Le sénateur Hervieux-Payette : Je suis enchantée. Malgré le court préavis, je pense que vous nous donnez un message clair. Quand on veut que la loi fonctionne — je parle anglais, parce qu'elle parle anglais, mais pourquoi ne m'entend- elle pas?
Mme Johnson : Un camion passe dans la rue.
Le sénateur Hervieux-Payette : Quoi qu'il en soit, merci de nous aider dans cette tâche. C'est la deuxième fois que nous faisons un tel examen et nous devons nous améliorer. Pour certains aspects, nous avons examiné le secteur financier — les compagnies d'assurance, les banques, les sociétés de fiducie, les coopératives et ainsi de suite —, mais pas des entreprises comme un promoteur immobilier ou un restaurant. Au Québec récemment, ils ont forcé un restaurant à installer un système qui l'oblige à donner des reçus et qui permet évidemment de percevoir les taxes. Il y a des secteurs où nous avons l'impression que la mafia est à l'œuvre, que des capitaux sont blanchis. Quel serait votre conseil? Comment les attraper? Des millions, voire des centaines de millions de dollars sont probablement investis dans ces secteurs. Il y a de nombreux pays. Dans les pays en développement, l'immobilier est un secteur où les cartels de la drogue investissent massivement. Quel serait votre conseil pour attraper ces criminels? Les entités avec lesquelles vous travaillez sont-elles au courant? Je n'ai jamais vu la porte par où ces criminels pourraient entrer dans le filet que nous avons jeté afin d'attraper les gros poissons et pas nécessairement le menu fretin.
Mme Johnson : L'immobilier est maintenant assujetti à la loi, parce qu'on reconnaît que les criminels veulent non seulement avoir une activité illégitime, mais aussi en tirer un profit. Une fois qu'il a blanchi de l'argent, le criminel cherche à en profiter. Il peut s'acheter un palace ou un autre bien de prestige. C'est l'une des façons d'assujettir l'immobilier à la loi, mais c'est encore récent et je constate que bien des gens dans le secteur de l'immobilier ne savent pas encore exactement comment procéder. Ils sont assujettis à la loi depuis très peu de temps, alors il y a là aussi un processus de maturation. Les attentes du CANAFE concernant l'immobilier seront plus élevées dans cinq ans. Pendant les premières années, on essaiera de faire comprendre pourquoi c'est nécessaire et il y aura un processus, voire des ateliers pour sensibiliser les parties intéressées aux exigences.
En ce qui concerne les restaurants au Québec, ce n'est pas vraiment... les restaurants ne sont pas assujettis directement à la loi sur le blanchiment de l'argent. La seule raison pour laquelle je suis au courant de la fraude au Québec, c'est que nous avons effectué des contrôles de fraude, parce qu'il arrive que les systèmes des restaurants n'enregistrent pas toutes les ventes. Le système supprime les reçus pour les repas et c'est une énorme fraude plutôt qu'un problème de blanchiment d'argent.
Le sénateur Hervieux-Payette : En ce qui concerne la bourse et les investisseurs étrangers, pensez-vous que nous avons un système qui nous aidera à attraper les gros poissons, les barons de la drogue, qui vivent hors du pays, sont riches à craquer et aimeraient recycler l'argent à nouveau en achetant des actions ou d'autres titres, même des obligations du gouvernement? Pensez-vous que nous avons un système qui les attrapera? Les sommes pourraient être faramineuses.
Mme Johnson : Je dirais qu'il y a 10 ans, le Canada était considéré comme un refuge pour le crime organisé. Le problème n'est donc pas nouveau. Je me rappelle encore que c'est ce qu'on pensait il y a 10 ans. Mais depuis 10 ans, on a pris de nombreuses mesures pour corriger la situation. Le Canada a adopté un rôle de chef de file dans la lutte contre le blanchiment d'argent et le financement des activités terroristes, y compris par rapport aux États-Unis. On agit. On resserre l'étau. On peut le resserrer encore plus, mais je pense que nous allons dans la bonne direction.
En règle générale, tout ce qu'on peut essayer de faire, c'est suivre les indications du Groupe d'action financière pour savoir quels types de secteurs sont vraiment touchés par le blanchiment de l'argent et tenter d'intervenir dans tous ces secteurs. Il y a 10 ou 15 ans, n'importe qui pouvait déposer de l'argent dans un compte et il ne se passait rien. Ce n'est plus vrai aujourd'hui. On ne peut plus aller à la banque et déposer tout ce qu'on veut aussi facilement. Je constate aussi que je reçois de nombreux appels impromptus de gens qui ne sont même pas des entités déclarantes et qui me disent s'être retrouvés dans une situation où quelqu'un leur a proposé une affaire qui avait l'air tellement tentante et tellement lucrative qu'ils se sont demandé si ce n'était pas du blanchiment d'argent.
Je pense que c'est nouveau et que ce ne serait pas arrivé il y a 10 ans. On commence à se poser des questions comme jamais auparavant. D'après cette expérience et d'après la réaction des gens, je peux dire que la sensibilisation est meilleure en général.
Le sénateur Hervieux-Payette : Est-ce que votre entreprise ou vous-même avez présenté un document durant les consultations en 2011 ou avez-vous conseillé certaines entités? Est-ce que KPMG ou vous-même avez travaillé avec le ministère des Finances?
Mme Johnson : Je suis désolée. Ai-je travaillé avec qui?
Le sénateur Hervieux-Payette : Avez-vous travaillé avec le ministère des Finances pour examiner le projet de loi? Est-ce que votre entreprise ou vous-même avez participé à l'examen?
Mme Johnson : Non. Pas du tout. KPMG a fait une proposition concernant l'examen décennal du régime de lutte contre le blanchiment d'argent, mais nos services n'ont pas été retenus. Nous participons bénévolement. C'est la première fois que je participe au processus autrement qu'à titre de consultante auprès des entités déclarantes.
Le sénateur Hervieux-Payette : Ma dernière question est la suivante : Nous avons le rapport sur ce qui a été dépensé. Neuf entités participent au régime. En 2009-2010, la GRC a dépensé 5,6 millions de dollars; elle a dépensé 3,8 millions de dollars en 2010-2011. Vous avez évoqué le manque de ressources pour traiter tous ces renseignements. Pensez-vous qu'il faut accroître les compétences ou le nombre des employés de la GRC, ou les deux?
Mme Johnson : Je pense qu'il faut seulement accroître le financement des unités mixtes des produits de la criminalité. Si elles n'ont pas les moyens d'ajouter du personnel pour pouvoir ouvrir ces cas et les fouiller, alors pourquoi se donner la peine de commencer à examiner un cas qui ne sera pas analysé à fond? Je peux bien comprendre pourquoi la GRC affirmera qu'elle n'a pas les ressources suffisantes et qu'elle se concentrera simplement sur les cas qu'elle connaît bien, où il y a déjà de bons renseignements qu'elle peut étoffer. S'il faut utiliser vos ressources, je dirais personnellement que si le Canada veut vraiment utiliser l'information qui a été collectée, il serait logique d'ajouter du financement pour que soient traités ces 20 p. 100 de cas qui ne semblent aller nulle part, à mon avis. Ce n'est qu'en lisant les documents de l'examen décennal que j'ai remarqué tout ce qui pourrait être fait. Il me semble logique d'accroître le financement pour pouvoir examiner ces cas.
Le sénateur Oliver : Je vous remercie d'avoir accepté de témoigner aujourd'hui devant le Comité sénatorial permanent des banques et du commerce sur cet important projet de loi. Nous avons de la chance de vous avoir, vous qui possédez 20 ans d'expérience comme juricomptable, spécialisée dans la fraude. Vous avez déclaré que certains des clients à qui vous avez donné des conseils lorsque vous avez aidé des entités déclarantes étaient des casinos, des courtiers en valeurs mobilières et des promoteurs immobiliers, où de fortes sommes sont en cause et qu'on peut parfois penser facilement qu'il s'agit de blanchiment d'argent.
J'aimerais d'abord que vous me disiez ce que vous pensez des critères utilisés actuellement pour déterminer si une opération en particulier est douteuse. Quels types de conseils donnez-vous aux entités déclarantes concernant leur mode de fonctionnement, compte tenu de la définition des « opérations douteuses »? Vous pouvez commencer par cette question et je vous en poserai quelques autres ensuite.
Mme Johnson : Merci de la question. Je la trouve très intéressante. Les entités déclarantes ont du mal à déterminer à partir de quel moment une opération est douteuse. Elles craignent généralement de ne pas tout déclarer. Elles ont peut- être de l'information sur un client qui effectue une foule de transactions différentes, mais elles ne savent pas quoi en penser. Pourrait-il s'agir de blanchiment d'argent? Elles ne le savent pas. Ces entités déclarantes n'ont pas la vision que peut avoir le CANAFE. Quand il y a des communications de cas, elles peuvent voir un grand réseau déployé, mais lorsqu'une petite entité regarde une petite opération, elle a du mal à dire si elle est douteuse. C'est toujours un casse- tête, qui a tendance à pousser les entités à déclarer plutôt trop d'opérations que pas assez, par crainte de ne pas déclarer quelque chose qu'elles devraient déclarer. Je ne sais pas trop comment on pourrait améliorer la définition. Je l'ai examinée. On parle d'une opération qui « provoque en vous un malaise ». Voilà une définition intéressante. Je ne sais pas trop ce qu'on pourrait ajouter. Parfois, quand on ne peut pas expliquer pourquoi quelque chose se passe, on devrait peut-être le signaler. Pourrait-il y avoir trop de déclarations erronées, au point que les ressources du CANAFE seraient débordées? Ce n'est pas comme le financement des activités terroristes, qui est automatisé. C'est un renseignement que quelqu'un devrait examiner au CANAFE. S'il y avait beaucoup de « déchets », cela pourrait étrangler le système. C'est une question d'éducation, et le CANAFE et le BSIF s'attendent à ce que les entités déclarantes aient bien formé les personnes qui examinent les opérations. Ces personnes doivent comprendre ce qui est douteux ou voir le contexte qui permet de déterminer que c'est douteux. Il faut des lignes directrices à ce sujet.
Le sénateur Oliver : Pendant la décennie où vous avez fonctionné avec cette définition d'une « opération douteuse », en êtes-vous venue à des conseils génériques que vous pouvez donner aux entités déclarantes? Avez-vous élaboré des règles générales que vous recommandez fortement d'appliquer à l'égard de diverses opérations?
Mme Johnson : Non, je ne l'ai pas fait. Je suppose que je peux toujours y réfléchir. Il s'agit essentiellement de ma compréhension des choses. Parfois, j'examine chaque cas lorsqu'il y a une situation particulière, et nous en parlons. Puis, je donne mon opinion. Il incombe à ceux qui exécutent les programmes de lutte contre le blanchiment d'argent de comprendre ce qu'est le blanchiment d'argent. Quelques entités déclarantes considèrent que la lutte contre le blanchiment d'argent et le financement des activités terroristes est avant tout une exigence réglementaire. Il faut vraiment comprendre les stratagèmes. C'est pour cette raison que je pense avoir fait un bon choix quand je suis passée des enquêtes sur la fraude et les stratagèmes financiers à mon domaine d'activité actuel. Je comprends la logique des stratagèmes et il faut des gens comme moi. De nombreuses entités déclarantes me demandent mon avis lorsque ces questions leur posent problème.
Le sénateur Oliver : Dans votre déclaration, vous avez évoqué un aspect qui a aussi été évoqué par d'autres témoins. Les nouvelles règles qui seront mises en place imposeront toutes sortes de nouveaux coûts supplémentaires aux entités déclarantes. Avez-vous des conseils à donner au comité sur des mesures que nous pourrions recommander au gouvernement pour obtenir l'information nécessaire afin de protéger les Canadiens tout en réduisant et peut-être en éliminant certains de ces énormes coûts supplémentaires qui seront imposés aux entités déclarantes?
Mme Johnson : Oui, j'ai quelques observations.
La principale qui m'importe vraiment est reliée au premier document de consultation et à la proposition 3.2 : Étendre l'obligation d'exercer un contrôle continu à tous les clients et toutes les activités auxquels s'applique la LRPCFAT; et à la proposition 3.3 : Exercer un contrôle continu à l'égard de la relation d'affaires. J'étais très préoccupée, parce que la pratique exemplaire repose sur une approche fondée sur les risques. Dans une telle approche, on évalue ses risques. On détermine quels sont les risques inhérents. Puis, on examine les contrôles qui peuvent réduire les risques inhérents pour les ramener à un niveau acceptable. On applique ensuite les résultats de ces mesures de vigilance aux risques les plus importants dans son industrie, dans son secteur d'activité. Étendre ou proposer d'étendre l'obligation d'exercer un contrôle continu à tous les niveaux de risque irait à l'encontre d'une approche fondée sur les risques.
Les ressources des entités déclarantes qui peuvent être affectées à la conformité ne sont pas infinies. Il faut placer les ressources là où sont les risques. Certaines de ces entités ont peut-être de 5 à 10 p. 100 de leurs clients qui présentent un risque élevé, et toutes leurs ressources sont concentrées sur ces clients à haut risque. Vous leur demanderez maintenant de surveiller tous leurs clients. Les conséquences sont très importantes.
Cette proposition découle probablement en grande partie des observations du Groupe d'action financière. Je ne sais pas trop si je devrais parler du CANAFE, mais en règle générale, le ministère des Finances pourrait vouloir tenir compte de ces observations du Groupe d'action financière. La question que je me pose est la suivante : Comment cela se compare-t-il aux pratiques exemplaires dans d'autres pays? Au Royaume-Uni ou aux États-Unis, la pratique exemplaire est une approche fondée sur les risques. Il faut toujours se rappeler qu'on ne devrait pas s'éloigner de l'approche fondée sur les risques.
Dans le cas du CANAFE, je trouve intéressant que, d'après l'examen décennal, il a effectué des examens de conformité pour 0,3 p. 100 de toutes les entités assujetties au régime. Cela se fonde sur une approche axée sur le risque élevé, autrement dit, les entités à haut risque sont contrôlées en premier. Le CANAFE applique une approche fondée sur les risques et je pense que les entités déclarantes devraient elles aussi avoir une approche fondée sur les risques pour tenter de gérer ce qu'on leur demande, parce qu'on leur demande beaucoup, à mon avis.
J'ai aussi quelques autres préoccupations que j'aimerais soulever. L'une d'elles porte sur la proposition...
Le sénateur Oliver : 6.1 à 6.4?
Mme Johnson : Il s'agit de la proposition 3.1 dans le premier document de consultation. C'est celle qui porte sur la propriété effective. Selon les exigences actuelles, l'entité déclarante doit prendre des mesures raisonnables pour obtenir des renseignements sur la propriété effective. Selon le règlement proposé, il ne suffirait plus de prendre de mesures raisonnables pour obtenir des renseignements sur la propriété effective, il faut obtenir ces renseignements; puis, dans une deuxième étape, indiquer les mesures raisonnables qui ont été prises pour vérifier les renseignements sur la propriété effective. Il y aura donc deux étapes.
Cette exigence proposée pose de nombreux problèmes. Déterminer la propriété effective d'une entité n'est pas simple. Il faudrait beaucoup plus de ressources pour tenter de savoir qui peut se cacher derrière une entité. L'un des problèmes est que le règlement d'origine prévoit qu'il faut prendre des mesures raisonnables pour obtenir les renseignements sur la propriété effective, alors on demande au client qui est le propriétaire effectif de l'entreprise et on obtient les renseignements de l'entité. La mesure raisonnable consiste à interroger l'entité.
Je pense qu'il faut une certaine clarté pour qu'on sache ce qu'on entend maintenant par « déterminer la propriété effective », parce que, que se passera-t-il si l'on interroge les clients et qu'ils répondent que personne ne possède plus de 25 p. 100 de l'entreprise? Le problème, c'est qu'il faut ensuite vérifier ces renseignements et que les critères varient selon le type d'entité. S'il s'agit d'une société par actions, d'une société en nom collectif, d'une société étrangère ou américaine, chacune d'elles posera des problèmes particuliers. Si vous interrogez une entreprise américaine sur sa propriété effective, il n'y aura aucun dossier public montrant la propriété effective d'une société privée, alors il sera impossible de vérifier les renseignements qui seront fournis. Cela représente beaucoup de travail. Aux États-Unis, chaque État a ses propres règlements concernant les renseignements qui sont communiqués. Obtenir des renseignements sur la propriété effective d'une entreprise du Delaware est un long processus. Toute cette vérification de la propriété effective coûtera très cher aux entités. Il faudrait faire très attention avant d'imposer des exigences concernant la propriété effective.
J'ai d'autres observations, mais je peux répondre à vos questions.
Le président : Nous avons une question supplémentaire du sénateur Eaton reliée à la question du sénateur Oliver.
Le sénateur Eaton : En ce qui concerne les critères, ce qui m'a surpris dans mes lectures, c'est que le critère pour faire une déclaration est un montant de 10 000 $. Je peux comprendre que le CANAFE croule sous la tâche. Est-ce un montant réaliste, et pourquoi a-t-on choisi ce montant de 10 000 $? Quand on pense à l'immobilier, aux casinos...
Mme Johnson : Les gros montants en espèces?
Le sénateur Eaton : Ils disent qu'ils envoient ou reçoivent des déclarations sur les virements de fonds internationaux de 10 000 $ ou plus. De nos jours, 10 000 $ dans un casino ou dans l'immobilier, ce n'est pas une grosse somme. Pourquoi cela mettrait-il la puce à l'oreille? Est-ce qu'on utilise des noms d'emprunt?
Mme Johnson : Je ne sais pas trop qui a décidé que ce serait 10 000 $, mais la réalité est que les blanchisseurs d'argent considèrent 10 000 $ comme leur seuil, alors ils déposent juste un peu moins. Il y aura toujours quelqu'un qui essaiera de blanchir de l'argent en déposant moins que le seuil établi. Si le seuil est de 5 000 $, ils en déposeront moins de 4 000 $. Je pense qu'on essaie de suivre les tendances. Il y a des propositions législatives pour abaisser ce seuil de 10 000 $, et je pense que ce pourrait être une sage mesure.
J'ai l'impression qu'abaisser le seuil ne créerait pas nécessairement des problèmes supplémentaires parce que le processus est automatisé. On abaisse simplement le seuil. Je ne connais pas trop les problèmes technologiques éventuels, mais actuellement, je ne crois pas que cela pose problème. Si cela permettait de donner des renseignements supplémentaires au CANAFE, ce serait peut-être utile.
Le sénateur Ringuette : Merci de nous faire profiter de votre expertise. Comme notre commissaire canadienne à la protection de la vie privée, vous avez fait ressortir qu'il n'y a pas d'analyse avantages-coûts des dépenses pour les contribuables et des dépenses pour les différentes entités déclarantes. Vous avez indiqué que vous connaissez une institution financière qui a dû investir 100 millions de dollars dans un programme de conformité. La modification proposée concernant le seuil serait de passer de 10 000 $ à 1 $, voire 0 $ — je pense que c'est 1 $ — et on nous a déclaré que les cartes-cadeaux pourraient faire partie des produits visés. On peut aller dans n'importe quel magasin maintenant, même un magasin à un dollar, un Dollarama, et trouver des cartes-cadeaux. Cela signifie que ces commerces de détail deviendront désormais des entités déclarantes. À quel coût pour eux-mêmes et à quel coût pour les consommateurs? Tous ces coûts sont répercutés sur les consommateurs. J'aimerais avoir votre opinion, fondée sur votre expérience, concernant les conséquences sur les coûts que vous avez pu constater. Est-ce que cela fonctionne? Nous avons appris la semaine dernière qu'en 10 ans, il y a eu une poursuite en Colombie-Britannique, qui a entraîné une peine d'emprisonnement de six mois. Avons-nous le bon système? Je me pose sérieusement la question, compte tenu des objectifs que les Canadiens veulent atteindre.
Mme Johnson : Je me demande si nous pouvons nous permettre de ne pas avoir de système de lutte contre le blanchiment d'argent et le financement des activités terroristes.
La réalité, c'est que nous en avons besoin. Nous ne pouvons pas ignorer les problèmes. Je ne suis pas certaine que nous voulons devenir un pays comme le Mexique, où le crime organisé règne en maître. Je ne pense pas que c'est un choix, et il y a un coût, cela ne fait aucun doute. En ce qui concerne les cartes prépayées, je reconnais que c'est une tendance émergente et je reconnais aussi que c'est un risque très réel. Tout à coup, un système permet de mettre de l'argent sur une carte. Bien sûr, les différentes entités limitent les montants qui peuvent être déposés dans une carte, mais c'est pour pouvoir exercer un contrôle. Qu'arriverait-il si ce contrôle n'existait pas et qu'on pouvait déposer 1 million de dollars dans une carte? Je ne sais pas combien on peut mettre sur une carte. Cela signifie qu'on peut sortir du système financier pour effectuer des opérations. Imaginons le pire scénario où un baron de la drogue remettrait une carte de 1 million de dollars à quelqu'un ou 100 cartes prépayées. Soudainement, de l'argent sort du système.
Il est sage d'envisager d'inclure les cartes prépayées. Il faut une évaluation du type de carte prépayée à inclure — peut-être les cartes-cadeaux, qui sont très contrôlées. Il pourrait y avoir un système où les cartes-cadeaux ne dépassant pas un certain plafond ne seraient pas visées par la loi. Il y aurait probablement un processus d'apprentissage. S'il s'agit d'une carte prépayée qui ne peut être utilisée qu'à La Baie, par exemple, les risques dans ce système fermé sont probablement bien moins grands que dans un système ouvert.
Je suis au courant de l'argent numérique. Grâce à l'argent numérique, on peut tout à coup sortir des fonds complètement hors du système financier en les faisant circuler sur Internet. Les risques sont importants et les blanchisseurs d'argent utiliseront tout ce qui est hors du système normal si cela leur permet d'éviter des contrôles. Il est sage de se pencher sur les cartes prépayées. Il ne faut pas les exclure parce que les blanchisseurs d'argent exploitent toujours le maillon le plus faible. Le Groupe d'action financière reconnaît que, même aux États-Unis, les cartes prépayées seront assujetties au régime de lutte contre le blanchiment d'argent. Je pense que c'est nécessaire.
Le sénateur Ringuette : En ce qui concerne l'argent numérique, êtes-vous en train de dire que tous les serveurs de TI au Canada deviendraient des entités déclarantes? Si nous voulons inclure l'argent numérique, alors il faut inclure le fournisseur de services et, dans ce cas, ce serait le serveur de TI.
Mme Johnson : Il faut un processus pour tenter de définir qui sont les différentes parties. Ce pourrait être la première étape pour tenter de déterminer qui sera capable de détecter les opérations à un moment donné, qui est le mieux placé pour voir une activité douteuse et qui est en mesure de la signaler? Je ne suis pas arrivée au point de pouvoir vous dire précisément quelle partie devrait être visée, mais il est probablement sage d'y réfléchir.
Le sénateur Ringuette : Je ne suis pas avocate, mais on nous a dit que le CANAFE est devant les tribunaux dans une affaire de secret professionnel. Je ne sais pas comment cela tournera. Dans vos vérifications, avez-vous vu des indications qu'une entité blanchit de l'argent en se cachant derrière des cabinets d'avocats?
Mme Johnson : Je n'ai pas vu personnellement de cas de cette nature. Je suis simplement au courant de ce que raconte le Groupe d'action financière à propos d'avocats qui pourraient être de mèche avec le crime organisé pour établir des fiducies. Je suppose qu'un avocat honnête ne fera pas exprès de blanchir de l'argent pour le crime organisé. C'est probablement un avocat déjà très lié avec le crime organisé qui établira la fiducie. Cet avocat ne déclarera probablement pas cette activité. C'est mon opinion et je ne peux pas ajouter grand-chose d'autre.
Le sénateur Hervieux-Payette : Nous avons vu des avocats du Québec accusés d'être de mèche avec des criminels. Ils ont été accusés, ont été déclarés coupables, ont perdu le droit d'exercer leur profession et ont été emprisonnés. Le secret professionnel ne leur a pas été très utile en cour, parce qu'ils ont été condamnés. On ne peut pas commettre un acte criminel et penser qu'on pourra s'en sortir, dans des cas semblables.
Le sénateur Massicotte : J'aimerais poursuivre dans cette veine. On dirait que c'est une course où le criminel essaie de déjouer le système; et nous espérons que le CANAFE apporte une contribution. Je peux accepter que le CANAFE a un solide effet dissuasif sur le blanchiment d'argent. Personne ne peut l'affirmer avec certitude, mais quelques experts soutiennent que l'activité criminelle au Canada représente de 20 à 40 milliards de dollars par année, ou quelques points de pourcentage du PIB. Pourtant, la GRC affirme que, grâce aux efforts du CANAFE, nous avons recouvré environ 20 millions de dollars par année au cours des cinq dernières années, en saisissant des biens appartenant à des criminels. Il me semble que nous perdons au change. C'est un petit montant comparativement à l'ampleur de l'activité criminelle. Les criminels ne sont pas stupides. Ils savent bien que s'ils déposent 10 000 $ quelque part, ils risquent d'être attrapés. Le sénateur Smith vous dira qu'il y a encore beaucoup de liquidités découlant du trafic de la drogue en circulation à Montréal et toutes sortes de biens. Je me suis toujours demandé comment il fait pour le savoir.
Il y a beaucoup d'argent liquide en circulation. Où va-t-il? Qu'est-ce qui arrive? De toute évidence, il faut prendre d'autres mesures parce qu'ils ont une longueur d'avance sur nous. Ils ont réagi au système et ils ne s'en servent pas. Cela montre que l'effet de dissuasion fonctionne. Qu'est-ce qui arrive? Où allons-nous? Quelle est la prochaine étape?
Mme Johnson : Je ne sais pas si vous avez vu la vidéo sur YouTube qui montre des montagnes de billets trouvés dans un appartement. Les criminels doivent blanchir cet argent, et c'est pour cela que nous luttons contre le blanchiment d'argent. Si le crime organisé blanchit 1 milliard de dollars, par exemple, il ne peut pas payer un palace avec des billets de 5 $. Il faut bien faire entrer un jour cet argent dans le système financier. Le blanchisseur d'argent veut pouvoir profiter des fruits de son travail et faire entrer cet argent dans le système légal pour que tout semble légal.
Ce que j'essaie d'expliquer c'est que nous essayons de résoudre le problème du blanchiment de l'argent. Nous n'essayons pas nécessairement de résoudre le problème du crime organisé proprement dit. Nous savons qu'il y a des produits de la criminalité et qu'une partie de cet argent ne sera peut-être jamais blanchi. Les criminels le dépenseront peut-être ailleurs.
Le régime essaie de dire que nous reconnaissons qu'il s'agit d'un moyen de trouver le fil chaque fois qu'un criminel essaie d'entrer dans le système et de faire croire qu'il est une personne normale et que son argent a été gagné honnêtement. Il faut ces fils et la possibilité d'attraper les criminels. La réalité, c'est qu'ils essaient d'utiliser les systèmes financiers. Le fait qu'il y a des déclarations et que la GRC peut obtenir de l'information montre que quelque chose fonctionne. Peut-être qu'on manque d'effectifs. Avec des effectifs doublés, on pourra obtenir le double de renseignements. Il faut simplement savoir combien on veut investir dans ce domaine. S'il n'y a que 30 personnes du CANAFE, vous obtiendrez tant de résultats. Si vous rajoutez du monde, les résultats seront plus grands. Il faut juste savoir ce que veut le Canada. Les résultats seront proportionnels aux sommes investies. Il ne fait aucun doute que le nombre de personnes est probablement peu élevé par rapport à l'ampleur du problème du blanchiment d'argent. Nous ne pourrons probablement pas éliminer complètement ce fléau, compte tenu des énormes problèmes qui existent par ailleurs. Je ne crois pas que ne pas avoir de régime soit une option. Il s'agit de savoir combien d'argent nous voulons ajouter.
Le sénateur Massicotte : Examinons le rapport publié par le CANAFE il y a deux ou trois semaines, sur les résultats de son travail. Je pense que c'est un important moyen de dissuasion. Je ne prétends pas que nous devrions nous en débarrasser. Ils ont répondu avec une autre solution. Ils blanchissent l'argent. Ils achètent des maisons et des entreprises. C'est beaucoup d'argent liquide, beaucoup plus que les résultats du CANAFE. C'est sans commune mesure avec ce que nous trouvons. Ils ont certainement développé un autre système. Avec des banques étrangères dans des pays plus corrompus? Nous devons réagir. Ils nous ont déjoués. Quelle est la prochaine étape? Que faisons-nous? Vous semblez affirmer qu'il suffit d'y consacrer des ressources financières et humaines pour trouver davantage. Ce n'est pas ce que soutient le CANAFE. Examinons les résultats de cette étude. La conséquence la plus importante du CANAFE, selon eux, c'est la fraude. Quel type de fraude? La fraude liée aux placements. Pas les produits du trafic de la drogue, mais bien la fraude liée aux placements. Il n'en était même pas question dans la raison d'être du CANAFE. Ce devait être la lutte contre le terrorisme et le blanchiment d'argent. Cela s'est confirmé dans la circulation de l'information et des documents. Où est la solution? Où va l'argent? Que faire maintenant?
Mme Johnson : C'est une très bonne question. Je ne suis pas certaine que quelqu'un puisse vous donner une réponse autre qu'une question rhétorique sur la manière de résoudre le problème. Je ne connais pas vraiment la réponse. Le mieux que je peux faire, c'est de tenter de déterminer quelles sont les tendances et dans quelle direction les blanchisseurs d'argent pourraient aller. Ils avaient peut-être l'habitude de se promener avec des mallettes contenant 1 million de dollars en billets de banque il y a 10 ans, mais ce n'est plus le cas.
En un sens, vous pouvez leur compliquer la tâche, et je pense que vous devriez le faire, parce que si un criminel sait qu'il aura du mal à blanchir de l'argent aux États-Unis, mais qu'il peut déposer de l'argent au Canada sans que ce dépôt soit déclaré, il ne faut pas s'étonner qu'il vienne au Canada. Il faut pouvoir rester au même niveau que les autres pays, parce qu'on ne veut pas devenir une cible facile. Si on peut au moins être au même niveau que d'autres pays, au moins, on ne devient pas la cible la plus facile. C'est tout ce que je peux vous répondre.
Le sénateur Greene : Je suis d'accord avec vous, et je comprends votre raisonnement. Nous avons besoin d'un système quelconque. Il serait inconcevable que nous n'en ayons pas, selon moi. Le fait que nous en ayons un, a un effet dissuasif, même si le système ne semble pas très efficace pour attraper ou arrêter qui ou quoi que ce soit.
En même temps, nous semblons collecter beaucoup de renseignements et beaucoup de renseignements personnels, et j'ai l'impression qu'il n'y a pas eu d'analyse coûts-avantages de ce que nous avons fait jusqu'ici ou de ce qui est proposé, parce que c'est presque impossible à faire du fait que nous nous attendons à ce que, demain peut-être, nous pourrons attraper le gros escroc et faire croire que le système semble fonctionner.
Compte tenu de votre expérience dans le secteur privé et de votre vaste expérience professionnelle, pouvez-vous nous indiquer si vous vous inquiétez de la quantité de renseignements que nous collectons, si vous pensez que ces renseignements sont bien utilisés, et si vous avez des inquiétudes concernant la protection de ces renseignements? Si une analyse coûts-avantages est effectuée, l'absence de protection de ces renseignements pourrait constituer un coût.
Mme Johnson : Collecter trop d'information peut toujours être problématique. J'ai peut-être un préjugé, à cause de mes antécédents comme juricomptable, parce que je préfère toujours plus d'information que moins. Je ne suis peut-être pas très utile pour défendre la protection des renseignements personnels.
Le sénateur Greene : Vous êtes probablement la meilleure personne à qui nous pouvons poser ces questions, parce que vous n'avez pas de préjugé face aux questions.
Mme Johnson : Depuis que la protection de la vie privée est devenue un enjeu plus important, j'ai plus de mal à mener mes enquêtes de fraude. C'est parfois frustrant parce qu'on pourrait trouver l'information dont on a vraiment besoin, mais qu'on ne réussit pas à l'obtenir à cause de la protection de la vie privée. La protection des renseignements personnels a parfois tendance à avantager le criminel. Personnellement, je ne m'en servirais pas pour faire du tort à quelqu'un qui n'est pas un criminel, mais je peux comprendre qu'il puisse y avoir des abus. Je peux comprendre pourquoi nous voulons nous assurer que la vie privée est toujours protégée, ce qui n'est pas vraiment le cas aux États- Unis. La protection de la vie privée est simplement l'une des valeurs du Canada.
Le sénateur Greene : Votre remarque sur les États-Unis m'intéresse. En quoi les États-Unis sont-ils différents de nous en ce qui concerne la protection des renseignements personnels?
Mme Johnson : C'est peut-être une impression que j'ai toujours eue, que la protection de la vie privée n'a jamais joué un grand rôle dans les lois sur la lutte contre le blanchiment d'argent aux États-Unis et je ne sais pas trop pourquoi je pense ainsi. Peut-être à force de lire différents documents venant des États-Unis. La protection de la vie privée n'a jamais eu la même valeur qu'au Canada. Je ne pense pas qu'il y ait un examen du régime de conformité à la loi sur la lutte contre le blanchiment d'argent, comme nous en avons un ici et au cours duquel la commissaire à la protection de la vie privée examine le programme de lutte contre le blanchiment d'argent et présente un rapport. Le simple fait que cela ne se fera probablement pas chez nos voisins montre qu'on attache plus d'importance à la protection de la vie privée ici qu'aux États-Unis. C'est probablement tout ce que je peux dire.
Le sénateur Harb : Vous vous en sortez très bien pour quelqu'un qui venait d'apprendre que vous alliez témoigner devant le comité. Je vous en remercie.
Vous avez dit plein de bonnes choses dans votre déclaration, mais vous avez aussi affirmé qu'ils veulent faire davantage et qu'ils envisagent d'inclure les risques moins élevés, ce qui pourrait être beaucoup plus exigeant. Voulez- vous dire beaucoup plus de ressources financières?
Mme Johnson : Oui. S'il faut maintenant des mesures de vigilance plus strictes à l'égard de clients qui présentaient peu de risque et qui n'exigeaient pas qu'on leur consacre beaucoup de ressources pour savoir qui est vraiment derrière ces clients, cela demande des ressources. S'il faut examiner les opérations des clients qui présentent peu de risque, faudra-t-il affecter une personne à plein temps à l'examen de toutes les opérations dans un secteur d'activité pour tous ces clients? Il faudrait une personne à plein temps uniquement pour examiner toutes les opérations qui présentent peu de risque, et ce serait probablement un travail très ennuyant s'il fallait chercher quelque chose chez un client qui présente très peu de risque. Pourquoi? Cela n'a aucun sens.
Le sénateur Harb : Vous avez raison. Si j'utilise ce raisonnement, alors, en 2010-2011, les déclarations de virements électroniques du CANAFE ont représenté environ 11 ou 12 millions de cas, en se fondant sur un seuil de 10 000 $. La proposition des partenaires était d'abolir ce seuil. Comme l'a déclaré plus tôt une de mes collègues, ce pourrait être 1 $, ce qui voudrait dire que toute opération internationale serait déclarée. Il y aurait donc probablement quelques centaines de millions d'opérations. À votre avis, est-ce que cela voudrait dire que nous aurions besoin de ressources beaucoup plus importantes?
Mme Johnson : Pas nécessairement, parce que pour ce type de seuil, je constate habituellement que les entités déclarantes programment tout simplement leurs systèmes pour pouvoir déclarer automatiquement les opérations au CANAFE. S'il s'agit simplement de ramener le seuil de 10 000 $ à zéro, il n'y aura peut-être pas beaucoup de ressources dépensées, parce que c'est automatisé. Cela ne m'inquiète pas beaucoup.
Une question que je me poserais serait si le CANAFE aurait les capacités techniques de gérer un volume d'opérations beaucoup plus élevé, parce qu'il serait inondé de déclarations, malgré un financement suffisant. Chez KPMG, nous analysons les données. Nous allons dans des entités hors du régime de lutte contre le blanchiment d'argent et nous examinons les données. Nous pouvons examiner des millions et des millions d'opérations à l'aide d'outils très puissants qui peuvent analyser aussi facilement 10 opérations que 100 milliards. Si vous voulez abaisser le seuil, une question qui se pose est si le CANAFE est capable de gérer le volume. Cela permettrait peut-être de brosser un meilleur tableau de la situation et si le CANAFE ou la GRC estime que ce serait utile et que ce l'est effectivement, j'analyserais les coûts et les avantages. Si le coût est très bas pour les entités déclarantes et que la GRC et le CANAFE trouvent l'information utile, alors ce serait une bonne idée, à moins que les entités déclarantes prétendent le contraire.
Le sénateur Harb : Le CANAFE a publié un rapport sur les tendances du blanchiment d'argent et du financement des activités terroristes de 2007 à 2011. Dans son rapport, il indique les 15 principaux pays où il y a du blanchiment d'argent — drogue, fraude, et fraude liée à des placements ou des valeurs mobilières. Savez-vous quel pays vient en tête parmi ces 15?
Mme Johnson : Non, je ne le sais pas.
Le sénateur Harb : Les États-Unis.
Mme Johnson : Cela ne me surprend pas.
Le sénateur Harb : Comme mon collègue le sénateur Massicotte l'a mentionné plus tôt, les activités liées à la drogue semblent représenter près de 30 p. 100 des cas déclarés. Ce qui est intéressant, c'est que de 2007 à 2011, le nombre de cas liés à la drogue ne cesse de décliner. On ne peut qu'en déduire, comme vous l'avez indiqué plus tôt, que certains de ces criminels sont assez intelligents pour sortir complètement du système. Nous ne les attrapons plus. Un témoin ou un de mes collègues a présenté un scénario : si la drogue était légale, cela générerait beaucoup plus d'argent et il ne serait plus nécessaire de se demander si on gaspille des ressources à propos d'une activité sur laquelle on perçoit de l'impôt, et on pourrait mettre son énergie ailleurs et éliminer les activités criminelles. Êtes-vous d'accord?
Mme Johnson : C'est une question piège. Voulez-vous savoir si certaines drogues devraient être légalisées?
Le sénateur Harb : Oui.
Mme Johnson : Je ne suis même pas prête pour cette question; et je ne sais pas quelle serait la réponse. Il ne fait aucun doute que si, soudainement, ces activités ne sont plus criminelles et que vous pouvez les faire entrer dans un circuit légal pour percevoir de l'impôt, il n'est plus nécessaire d'agir hors du marché. Le blanchiment d'argent vise à avoir accès à tout cet argent qui n'aurait pas été imposé de toute façon, mais ce n'est pas pour cette raison qu'il est blanchi. Combien de drogues devraient être légalisées? Je pense qu'il y aurait tout de même un important trafic avec d'autres types de drogues qui entreraient au Canada.
Je ne suis pas certaine d'être la bonne personne pour vous renseigner à ce sujet.
Le sénateur Harb : Vous vous en sortez bien.
Le sénateur Di Nino : Il me semble que, depuis quelques années, les systèmes qui ont été créés pour réduire ou tenter d'éradiquer le blanchiment d'argent et les virements de fonds criminels pour financer le terrorisme, et cetera ont fonctionné. On semble nous dire que cela ne permet pas d'attraper un grand nombre de criminels. La dissuasion pourrait avoir fonctionné. Je ne dis cela qu'en préambule à ma prochaine question.
Je ne pense pas qu'elle fonctionne. Je pense que vous avez raison de soutenir que les criminels ont senti le piège et l'ont évité. Ils ont trouvé un autre moyen. Pouvez-vous nous dire combien de pays au monde ont mis en place des systèmes pour tenter de bloquer les virements de fonds ou ceux qui abusent du système d'une façon ou d'une autre — par les placements, l'immobilier ou de réels virements d'argent liquide — ou collaborent avec d'autres pays possédant de tels systèmes? Combien de pays participent au système?
Mme Johnson : Je ne sais pas si vous savez qu'il y avait une liste de juridictions non coopératives, autrement dit de pays qui ne coopèrent pas pour répondre aux attentes du régime de lutte contre le blanchiment d'argent. Dès le moment où ces pays se retrouvent sur cette liste noire, ils réalisent les conséquences et s'efforcent très rapidement de prendre des mesures pour se faire rayer de la liste. De fait, je pense qu'il n'y a plus aucun pays sur cette liste parce que les conséquences sont tout simplement trop lourdes lorsqu'un pays ne s'efforce pas de lutter contre le blanchiment d'argent. Soudainement, les opérations destinées à ce pays sont passées sous la loupe ou il peut être difficile de faire affaire avec des partenaires désirables aux États-Unis ou au Canada. Tous les pays sentent cette obligation.
Il y a aussi le Groupe d'action financière qui effectue une évaluation mutuelle à intervalles réguliers. Tous les trois ou quatre ans, il y a une évaluation pour faire le bilan, et cela exerce vraiment une pression. De fait, le Canada a senti cette pression qui visait à le pousser à relever la barre de son régime de lutte contre le blanchiment d'argent. La pression mondiale est importante et a été efficace pour tenter d'amener tous les pays dans une zone de confort.
En même temps, les évaluations mutuelles montrent que quelques pays ont des contrôles très faibles. En se fondant sur ces évaluations, les entités déclarantes au Canada devraient connaître les types de risques dans ces pays qui ont des contrôles laxistes relatifs au blanchiment de l'argent. C'est intégré dans nos évaluations éclairées d'autres pays. Tous les pays veulent s'assurer de ne pas se retrouver sur cette liste parce qu'il y a des pressions mondiales pour que des systèmes soient en place et que personne ne veut être perçu comme un pays refuge.
Le sénateur Di Nino : Je suis d'accord avec vous, sauf qu'il y a des pays faibles et des pays qui ne participent pas.
Comment réagissons-nous quand il y a des opérations? Comment traitons-nous les pays qui ne font pas partie du système? À votre avis, les traitons-nous comme nous le devrions et sommes-nous beaucoup plus prudents?
Mme Johnson : Les entités déclarantes sont tenues d'évaluer leurs risques. L'un des facteurs qu'elles doivent examiner est le facteur géographique. Ont-elles des clients dans des pays à haut risque?
Ont-elles des clients qui envoient de l'argent dans un pays à haut risque? Ont-elles des clients qui ont des clients ou des propriétaires effectifs dans des pays à haut risque? Elles essaient d'examiner divers aspects où le facteur géographique constitue un risque. Lorsqu'elle s'apprête à entrer dans une nouvelle relation avec un client potentiel et que ce client se trouve dans un pays à haut risque, l'entité déclarante sera peut-être portée à se demander si elle veut vraiment avoir une relation avec lui. Je pense que c'est ainsi qu'on fait entrer le facteur géographique dans l'équation. Ou bien ont interdit les opérations ou bien on exerce une vigilance plus étroite à l'égard de ces opérations. On exige peut-être qu'un agent de conformité examine l'opération avant de l'accepter. C'est ainsi qu'on procède.
Le sénateur Di Nino : Pensez-vous que le Canada, tout au moins, a des systèmes assez forts pour cela? Puisque nous faisons un examen, pensez-vous que nos systèmes sont assez forts pour identifier et pour prendre en considération les régions géographiques plus faibles où nous devrions être un peu plus prudents?
Mme Johnson : Toutes les entités déclarantes s'efforcent de mettre au point une méthode pour tenir compte des facteurs géographiques. Si je vais chez 10 clients différents, je vois 10 méthodes différentes. Chaque entité déclarante fait de son mieux pour évaluer un facteur de haut risque. Si le CANAFE donnait des indications et disait, par exemple, voici les cotes que tous les pays devraient avoir, ce serait idéal, parce qu'à l'heure actuelle, les entités déclarantes sont laissées à elles-mêmes et doivent déterminer par leurs propres moyens quel pays est à haut risque. La plupart du temps, différentes entités déclarantes arrivent aux mêmes conclusions, mais pas nécessairement. J'ai vu de nombreuses méthodes qui tentaient d'examiner et de réunir différentes listes établies par différentes agences afin de trouver une bonne façon de noter des centaines de pays différents, et c'est le mieux que peut faire une entité déclarante, faute de lignes directrices supplémentaires.
Le sénateur Moore : J'ai quelques questions. Le sénateur Massicotte a mentionné les recouvrements qui atteindraient 20 millions de dollars, comparativement aux 40 ou 50 milliards de dollars de produits de la criminalité en circulation. Si c'est bien le cas ou à peu près, est-ce à cause des pénalités que nous imposons au Canada, comparativement à celles qui sont imposées aux États-Unis, par exemple? Les pénalités en cas de blanchiment d'argent sont-elles plus lourdes aux États-Unis qu'au Canada?
Mme Johnson : D'après ce que je comprends de la situation au Canada, il est peut-être plus difficile d'obtenir une condamnation ou d'atteindre le seuil nécessaire pour obtenir une condamnation dans le cas du blanchiment d'argent, mais cela n'empêche pas d'intenter des poursuites pour d'autres types d'infraction. Peut-être que les personnes visées par les cas qu'examine la GRC ont été condamnées pour d'autres types d'infractions. L'infraction sous-jacente est peut-être reliée au trafic de la drogue. Je suppose que le simple fait qu'il n'y a pas beaucoup de poursuites liées au blanchiment d'argent n'est peut-être pas une bonne indication de ce qui se passe vraiment pour d'autres types de produits de la criminalité.
Je suis toujours surprise quand j'entends que la GRC a fait une descente et a mis à jour une grosse opération. Chaque fois que je lis dans le journal que la GRC a fait une grosse descente, je me dis que la descente a été rendue possible en grande partie à cause de l'information que la GRC a pu obtenir, et que cette information venait peut-être surtout du CANAFE, parce que le CANAFE donne à la GRC une foule de renseignements sur les autres personnes qui pourraient être en cause. La condamnation ne portera peut-être pas sur le blanchiment d'argent, mais cela ouvre la porte pour tenter d'attraper quelqu'un. Peut-être que la condamnation pour blanchiment d'argent est problématique. Je ne suis pas vraiment une experte des critères. Les critères semblent très difficiles à remplir.
Une chose que je remarque aux États-Unis, c'est qu'ils vont probablement dans l'extrême contraire. Presque n'importe qui peut être condamné pour blanchiment d'argent pour à peu près n'importe quoi. Il faut aussi être prudent, parce que, parfois, quand j'entends parler de ces procès, je me dis qu'ils n'auraient jamais entraîné une condamnation pour blanchiment d'argent au Canada. Pourtant, il y a eu condamnation pour cette infraction aux États-Unis. Il semble que leurs critères sont beaucoup plus faibles, parfois peut-être trop. Il faut pouvoir trouver un équilibre et déterminer dans quels cas il a été impossible d'obtenir une condamnation pour blanchiment d'argent convictions, tout en étant conscient que c'est peut-être pertinent, mais qu'on ne le mesure pas parce que les poursuites portent sur des infractions pour lesquelles il est plus facile d'obtenir une condamnation.
Le sénateur Moore : Les pénalités sont-elles plus lourdes là-bas qu'au Canada?
Mme Johnson : Les pénalités pour quoi?
Le sénateur Moore : Pour blanchiment d'argent.
Mme Johnson : Ce que je connais, ce sont les pénalités liées à la non-conformité au régime de lutte contre le blanchiment d'argent. Ce sont des problèmes que nous constatons aux États-Unis. Je ne connais pas leur mécanisme de poursuite proprement dit, les types de pénalités. Ce sont des pénalités de centaines de millions de dollars imposées aux entités qui n'ont pas mis en œuvre efficacement leur régime de lutte contre le blanchiment d'argent.
Le sénateur Moore : Dans votre déclaration d'ouverture, vous avez mentionné que, dans le régime canadien, les diverses entités déclarantes ont du mal à interpréter le règlement. Vous avez évoqué les lettres de résultats du ministère des Finances, qui sont envoyées aux entités déclarantes. Je suppose que vous les examinez dans votre analyse. De quoi s'agit-il exactement? De lettres que le ministère des Finances envoie tous les ans à ceux qui participent au régime de déclaration et qui portent sur ce régime? Que sont ces lettres et quelle est leur fréquence?
Mme Johnson : Non. Ce sont les lettres de résultats du CANAFE et des autres organismes de réglementation comme le BSIF. Le BSIF effectue ses propres examens.
Le sénateur Moore : Ce n'est pas le ministère des Finances. Vous avez parlé des Finances, mais c'est le CANAFE qui envoie ces lettres?
Mme Johnson : En effet. Ces lettres de résultats montrent les lacunes. En réalité, le CANAFE, le BSIF, ou n'importe quel autre organisme de réglementation s'attend à ce que l'entité déclarante élabore un plan d'action pour tenter de corriger les lacunes.
Le sénateur Moore : Quand cela se fait-il? Est-ce un examen annuel des pratiques d'une entité déclarante donnée effectué par le CANAFE?
Mme Johnson : C'est lié à ce que j'ai lu dans l'évaluation décennale. Le CANAFE a pu contrôler la conformité d'environ 0,3 p. 100 de toutes les entités qui relèvent de lui. Le taux de pénétration est très bas. Ce n'est évidemment pas une lettre annuelle. Ils essaient seulement de couvrir tous les différents types d'entités déclarantes. Je pense qu'ils se sont efforcés d'effectuer un examen, fondé sur les risques, des entités déclarantes qui présentent le risque le plus élevé, afin qu'elles soient examinées en premier, tout en tentant de couvrir tous les différents secteurs.
Le sénateur Moore : Dans sa première question, le président vous a demandé quelle était la position du CANAFE par rapport au FinCEN, je crois?
Le président : Oui, le FinCEN.
Le sénateur Moore : Pouvez-vous donner le nom au complet pour que les gens qui nous écoutent savent ce que cela veut dire et ce que c'est?
Le président : C'est le Financial Crimes Enforcement Network, dont l'acronyme est FinCEN.
Le sénateur Moore : Aux États-Unis. Je pense que vous avez affirmé que le CANAFE se rapproche des normes du FinCEN et essaie de les faire appliquer ou d'inciter nos entités déclarantes à les adopter. C'est bien ce que vous avez déclaré?
Mme Johnson : Exactement. Le FinCEN n'a pas ménagé ses efforts pour inciter les entités déclarantes de différents secteurs à se conformer. Dans ses examens, il constate parfois des lacunes et finit par imposer des amendes très salées. C'est ce qui est arrivé par le passé. Les pénalités atteignent facilement des millions de dollars lorsque les entités déclarantes ne se conforment pas aux règles.
Le sénateur Moore : Le CANAFE constate-t-il un manque de conformité chez les entités déclarantes canadiennes?
Mme Johnson : C'est difficile à dire. Toutes les entités déclarantes canadiennes respectent la loi et c'est pour cette raison que le CANAFE ne trouve pas de problème. Je ne sais pas si on pourrait affirmer tout simplement que toutes les entités déclarantes américaines échouent aux examens et que les entités canadiennes réussissent. C'est peut-être une question de financement et de capacité d'aller vers les entités déclarantes. Ce que j'ai remarqué depuis deux ans, c'est que le CANAFE est beaucoup plus...
Le sénateur Moore : Est-il plus agressif?
Mme Johnson : J'essaie de trouver le bon mot.
Le sénateur Moore : Agressif?
Mme Johnson : Oui, probablement. J'ai remarqué que les lettres de résultats du CANAFE et du BSIF sont devenues beaucoup plus détaillées, je dirais. L'examen est maintenant beaucoup plus approfondi. C'est aussi un processus de maturation des organismes qui effectuent les examens de conformité. Il faut les féliciter, je crois, parce qu'ils s'améliorent.
Mais une remarque que j'entends des entités déclarantes est que les organismes de réglementation ne reconnaissent pas la réalité des affaires. Ils sont parfois très coercitifs et affirment simplement : « C'est ce que dit le règlement ». Des entités déclarantes répliquent qu'elles comprennent ce que veulent les organismes de réglementation, mais ne savent pas comment répondre aux exigences sans étouffer leur entreprise. Je pense que les entités déclarantes sont toujours frustrées que les organismes de réglementation n'aient pas des gens formés correctement.
J'ai parfois demandé des instructions plus précises du CANAFE et du BSIF, et j'ai du mal à obtenir des renseignements vraiment utiles pour moi. Une fois, j'ai demandé des renseignements très détaillés pour des cas complexes et ils m'ont répondu qu'ils ne pouvaient pas donner d'opinion juridique. Que fait-on dans ces cas-là? J'essaie de donner des conseils à mes clients pour les aider à corriger un problème qui pourrait coûter très cher si le CANAFE devait trancher dans un sens ou dans un autre, ou s'ils faisaient quelque chose d'inutile. Les entités déclarantes demandent en vain qu'on les guide. Tout ce qu'elles obtiennent, quand elles obtiennent quelque chose, c'est une lettre de résultats indiquant des mesures correctives à prendre.
Les entités déclarantes craignent les examens de conformité parce qu'elles n'obtiennent pas de rétroaction dans le cours normal de leurs activités et elles ont peur d'être à côté de la plaque, pourtant elles n'ont pas de rétroaction suffisante avant les examens pour s'assurer qu'elles sont dans la bonne voie. Elles ont peur de ne pas faire ce qu'il faut. J'ai vu des agents de conformité tenter d'imposer des normes très élevées aux entreprises et les entreprises leur répondre que ces normes allaient les étouffer et qu'elles ne pouvaient pas appliquer le règlement. La réponse de l'agent de conformité est que le CANAFE peut venir et constater des manquements, ce qui ne devrait pas arriver. Pourtant, les gens d'affaires ne peuvent pas appliquer concrètement ce qu'on leur demande. C'est une vraie bataille entre les entreprises et la conformité.
Le sénateur Moore : Où le CANAFE et le BSIF obtiennent-ils ces règles qu'ils font appliquer? S'assoient-ils avec des gens comme vous pour tenter d'établir un équilibre?
Mme Johnson : De nombreuses entités déclarantes hésitent à poser la question parce qu'elles ont peur de se retrouver sur l'écran radar de la conformité. Parfois, elles évitent de poser des questions. Elles ont l'impression que si elles demandent au CANAFE ou au BSIF ce qu'elles devraient faire, ils exigeront la norme la plus élevée. Les entités essaient parfois de trouver la justification pour procéder d'une manière ou d'une autre, parce que si elles demandent à l'organisme de réglementation, il exigera la norme la plus élevée, sans vérifier comment cela se passe en réalité. C'est ainsi que cela fonctionne actuellement.
Le sénateur Moore : D'où tirent-ils ces normes?
Le président : Puis-je vous inscrire pour le deuxième tour?
Le sénateur Moore : Oui, monsieur le président. Merci.
Le sénateur L. Smith : Madame Johnson, vous faites un excellent travail. En vous écoutant, je comprends que le CANAFE collaborait au début et est maintenant passé à un modèle coercitif. Quand le CANAFE a témoigné, nous avons interrogé ses représentants sur son rôle et ils nous ont répondu qu'ils fournissent des renseignements à la GRC. On dirait que le rôle a changé. Compte tenu de certaines opinions et de certains renseignements que vous nous communiquez et que je trouve très utiles, y a-t-il une définition claire des rôles entre les acteurs? Y a-t-il des heurts? Des chevauchements? Des efficiences? Si vous aviez une baguette magique et pouviez réorganiser les choses ou faire des recommandations, quels changements apporteriez-vous pour rendre le système plus efficace?
Mme Johnson : Je pense que nous aurions dû avoir cet examen décennal.
Le sénateur L. Smith : Ne patinez pas. Je sais que vous savez patiner.
Mme Johnson : Je pense que le rôle du CANAFE est bien défini. L'un de ses rôles consiste à fournir des renseignements à la GRC et à d'autres organismes. Je ne pense pas que ce rôle a changé et qu'il changera. Il s'est maintenu depuis une dizaine d'années. Je ne pense pas que cela changera.
Le CANAFE est unique parmi les URF d'autres pays. Ces unités ne se contentent pas de recevoir des renseignements, elles les utilisent. Il semble que le CANAFE a un rôle très limité, et c'est probablement lié à la protection de la vie privée. En plus de fournir des renseignements à la GRC, le CANAFE continue simplement d'interagir avec les entités déclarantes. C'est simplement une modification de l'approche à l'égard des entités déclarantes, parce qu'il se rend compte qu'il ne peut pas seulement éduquer et parce qu'on lui a reproché de ne pas avoir imposé de pénalités administratives pécuniaires aux entités déclarantes même s'il pourrait le faire. Je pense qu'on lui reproche de ne pas allez assez loin et qu'il sent le besoin d'agir.
J'ai cependant vu des situations parfois très intéressantes. Il est arrivé que des représentants veuillent s'assurer qu'un examen de conformité en particulier serve d'exemple. Il faut que le CANAFE ait une approche uniforme dans ses examens et ne cherche pas à transformer une entité déclarante particulière en un exemple. Il faut une approche uniforme.
Tout le monde est conscient que l'éducation ne peut pas durer indéfiniment. Il faut changer d'attitude pour que les entités déclarantes sachent que ce n'est pas quelque chose qui ne sera plus important; le but visé est seulement que les entités déclarantes prennent l'affaire au sérieux, et le CANAFE doit faire comprendre que son approche deviendra plus exigeante.
Le sénateur L. Smith : Serait-il utile d'avoir un conseil de praticiens comme vous qui pourrait porter le jugement d'affaires que certaines de ces personnes ne sont peut-être pas en mesure de porter?
Mme Johnson : Peut-être.
Le sénateur L. Smith : Loin de moi l'idée d'insulter qui que ce soit, mais si des gens qui travaillent répondent que ce n'est pas leur mandat et que quelqu'un doit porter un jugement, il me semble que certains de ces jugements ne seraient peut-être pas les meilleurs pour les personnes ou les entreprises visées. C'est seulement une idée.
Le président : Madame Johnson, vous avez été très gentille de répondre à nos questions. Dans la question du sénateur Oliver, le document de consultation a été évoqué et vous avez indiqué qu'il y avait d'autres aspects que vous aimeriez porter à l'attention du comité. Aimeriez-vous le faire maintenant pour que cela figure dans le compte rendu?
Mme Johnson : Certainement. Dans le premier document de consultation, la proposition 1.1 porte sur la relation d'affaires. Je m'inquiète un peu de l'introduction du concept de relation d'affaires. Je pense qu'il faut mieux définir le sens de « relation d'affaires ». Pour une entité déclarante, les activités qui créent une obligation démarrent au moment où un compte est ouvert. Lorsqu'un client ouvre un compte de chèques, l'horloge commence à tourner et l'entité déclarante commence à avoir des obligations.
Il semble y avoir un changement, qui découle en grande partie de l'évaluation du Groupe d'action financière. Il semblerait maintenant que les obligations devraient débuter quand il y a une relation d'affaires, ce qui est un concept plus large que l'ouverture d'un compte. Il est possible d'avoir une relation d'affaires avec des clients qui n'ont pas ouvert de compte. Soudainement, une foule d'autres relations d'affaires seront visées par la loi. Il faut faire attention de ne pas inclure des activités dont l'inclusion n'avait pas été prévue.
Les clients peuvent avoir un compte de chèques chez vous. Mais vous pouvez aussi leur fournir des services consultatifs. La nouvelle loi proposée implique que si vous avez une relation d'affaires avec un client qui crée un événement déclencheur, soit l'ouverture d'un compte, et que ce client a d'autres types de relations d'affaires avec vous, toutes ces autres relations, même si elles présentent peu de risque ou n'ont aucun rapport avec les produits de la criminalité, deviennent soudainement assujetties à la loi. Les entités déclarantes se rebifferont et demanderont d'où vient cet élargissement de la portée et si elles doivent maintenant s'inquiéter d'aspects qui n'étaient pas visés auparavant. Ce qui m'inquiète, c'est qu'on va peut-être plus loin que ce que demande le Groupe d'action financière quand il affirme qu'il faut prendre des mesures de vigilance concernant les relations d'affaires. Allons-nous trop loin avec la relation d'affaires?
Un exemple précis que je peux vous donner est l'acquisition d'un portefeuille, comme des prêts hypothécaires, d'une autre partie. Supposons que vous êtes une entité déclarante et que vous voulez acquérir un portefeuille hypothécaire d'une autre entité. Vous n'ouvrez pas vraiment un nouveau compte, alors la loi ne devrait pas s'appliquer parce que le règlement actuel s'applique « à l'ouverture d'un compte ». Cette relation d'affaires créera des obligations qui n'existaient pas auparavant. Comparons cela à ce qui existe aux États-Unis. Aux États-Unis, ces types de relations sont exclus complètement du règlement. Ce que j'essaie de faire valoir, c'est que ces relations d'affaires créeront plusieurs obligations supplémentaires et qu'il faut se demander si l'on veut créer des obligations qui n'existaient pas auparavant.
J'ai d'autres problèmes concernant les propositions 2.1 et 2.2, qui portent sur les mesures de vigilance à l'égard de la clientèle dans le cas des opérations douteuses ou des tentatives d'opérations douteuses. Auparavant, ces opérations n'étaient pas assujetties aux mesures de vigilance à l'égard de la clientèle. Elles le seront désormais, et il faudra maintenant identifier le client. C'est très problématique, parce que cela contredit en un certain sens quelques dispositions antérieures de la loi qui prévoyaient qu'en cas d'activité douteuse, il ne fallait pas obtenir de renseignements supplémentaires du client, parce que cela pouvait lui mettre la puce à l'oreille. La proposition actuelle prévoit qu'en cas d'opération douteuse ou de tentative d'opération douteuse, il faut demander au client de donner son nom. Est-ce compatible avec l'exigence de ne pas mettre la puce à l'oreille du client? Il faut que cette proposition soit plus claire.
La suivante est la proposition 3.4, qui prévoit la nouvelle exigence d'obtenir des renseignements sur l'objet et la nature d'une relation d'affaires avec un client. L'exigence antérieure consistait à obtenir des renseignements sur l'objet de l'ouverture d'un compte. On peut se demander si c'est nécessaire d'avoir un objet général, la nature d'une relation d'affaires. À quoi cela servira-t-il? C'est peut-être une exigence inutile. Il peut y avoir 14 comptes différents avec un seul client, et il faudra une description de l'objet et de la nature de la relation d'affaires. L'objet et la nature de la relation d'affaires pourraient se perdre dans toute cette information. À un moment donné, il sera peut-être impossible de savoir quelle est la nature de la relation d'affaires. Je ne sais pas trop ce que cela apporterait de plus que l'exigence actuelle concernant la compréhension des activités des clients.
Le président : Madame Johnson, si je peux intervenir, notre greffier vient de m'informer que notre téléconférence se terminera dans quelques instants. Je vous suggère d'envoyer par écrit au greffier de notre comité, si vous le pouvez, les éléments supplémentaires que vous avez sur votre liste. Nous en tiendrons compte. Évidemment, je ne voudrais pas terminer cette téléconférence sans vous dire que, malgré le court préavis, vous avez été un formidable témoin, votre présentation a été excellente. Nous vous félicitons. Merci beaucoup et n'hésitez pas à faire parvenir au greffier tout autre renseignement qui pourrait nous intéresser. Nous avons hâte de vous lire.
Mme Johnson : Merci. Tout le plaisir est pour moi.
Le président : Nous avons un point à examiner : l'approbation de la demande d'autorisation de budget qui doit aller au Comité de la régie interne. Le document est distribué actuellement.
Une voix : Sommes-nous à huis clos?
Le président : Je ne pense pas que nous sommes à huis clos, mais je crois comprendre que ce n'est pas diffusé.
Chers membres du comité, vous avez devant vous une proposition budgétaire pour le prochain exercice, d'une somme de 7 300 $. C'est le même montant qui a été demandé et approuvé pour l'exercice en cours. Je précise que la plus grande partie de cette somme est affectée au renouvellement de notre abonnement au Financial Services Industry Monitor Daily Briefing et au Financial Services Industry Monitor Developments, et que le reste, soit 1 500 $, vise à couvrir les frais divers et les frais de courrier. Les deux montants respectent les limites fixées par le Comité permanent de régie interne.
Je vous rappelle que les frais de déplacement des témoins, des vidéoconférences et des autres besoins de base pour les travaux du comité sont payés par la Direction des comités et n'ont pas besoin d'être présentés dans cette demande d'autorisation de budget. J'ajoute que ce budget porte sur notre examen des lois, et que si nous décidons un jour d'effectuer une étude spéciale nécessitant des dépenses spéciales, que ce soit pour des déplacements ou d'autres dépenses, nous présenterions une demande d'autorisation budgétaire distincte à la Régie interne. Je demanderais une motion pour approuver la demande.
Le sénateur Massicotte : Je ne conteste pas le budget. Je sais que cela ne fait peut-être pas partie de ce budget, mais je nous exhorte à être plus ambitieux dans nos travaux et à nous efforcer d'aller plus loin et d'être de plus en plus pertinents pour les Canadiens. À cet égard, je nous encourage fortement, pas nécessairement à nous déplacer, parce que je n'ai rien contre les vidéoconférences, mais à parler à d'autres pays et à nous renseigner sur leurs pratiques exemplaires. Sur ce sujet, j'aimerais parler aux États-Unis et à l'Angleterre. Nous avons tous le même problème. Nous devrions nous renseigner pour savoir ce que font les autres et comment ils s'en tirent. Nous apprendrions probablement bien des choses et ferions probablement du travail que d'autres ne peuvent pas faire. Je nous encourage à être plus ouverts dans ce domaine.
Le président : Vous serez ravis d'apprendre que nous inviterons ces personnes à témoigner. Vous serez désolés d'apprendre que nous n'allons pas à Washington ni à Londres pour les visiter personnellement. Votre observation est prise en note et je vous assure que le comité de direction prend les mesures nécessaires.
La motion est proposée, appuyée et adoptée.
Merci. C'est tout pour aujourd'hui.
(La séance est levée.)