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BANC - Comité permanent

Banques, commerce et économie

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Banques et du commerce

Fascicule 16 - Témoignages du 26 avril 2012


OTTAWA, le jeudi 26 avril 2012

Le Comité sénatorial permanent des banques et du commerce se réunit aujourd'hui, à 10 h 30, pour examiner la Loi sur le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes (L. C. 2000, ch. 17), conformément à l'article 72 de cette loi.

Le sénateur Irving Gerstein (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Je déclare la séance ouverte. Le Comité sénatorial permanent des banques et du commerce reprend ce matin l'examen quinquennal de la Loi sur le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes. C'est notre 15e réunion sur le sujet. Au cours de son étude, le comité a entendu un certain nombre de ce qu'on appelle les partenaires de la mise en œuvre et de l'application de la loi. Récemment, nous avons entendu les témoignages de ceux qui sont touchés par le régime, notamment des groupes et associations professionnels ainsi que des spécialistes indépendants du secteur.

Comme vous le savez, honorables sénateurs, le régime repose essentiellement sur le CANAFE, notre centre du renseignement en matière financière. Au cours de nos réunions, il a également été question des pratiques observées par certains de nos partenaires internationaux, et ce matin, nous avons justement le plaisir d'accueillir l'un d'entre eux, M. Alan Hislop, directeur de l'Unité de renseignement financier du Royaume-Uni, laquelle fait partie de la Serious Organised Crime Agency, ou SOCA.

Au nom du comité, j'aimerais remercier tout particulièrement M. Hislop d'avoir réaménagé son itinéraire pour pouvoir comparaître devant notre comité, car il n'envisageait absolument pas de témoigner par vidéoconférence, depuis le Royaume-Uni.

Nous vous remercions vivement, monsieur Hislop, d'être parmi nous aujourd'hui. Je vous invite à faire une déclaration liminaire, après quoi, nous aurons certainement des questions à vous poser.

Alan Hislop, chef, Unité de renseignement financier du Royaume-Uni, Serious Organised Crime Agency : Merci, monsieur le président. Sénateurs, je vous présente mes salutations. Comme l'a indiqué le président, et comme vous le savez sans doute, je dirige l'Unité de renseignement financier du Royaume-Uni, qu'on appelle communément UKFIU. Comme les unités du renseignement financier qui existent de par le monde ont des structures, des mandats et des pouvoirs différents, je pense qu'il est utile que je vous explique où se situe l'UKFIU au sein du dispositif britannique de lutte contre le blanchiment d'argent et au sein de la Serious Organised Crime Agency, ou SOCA.

La SOCA est une entité publique exécutive mais non ministérielle, ce qui est une caractéristique sans doute unique au Royaume-Uni, et elle fait partie du Home Office. Notre conseil d'administration, qui est composé d'une majorité de membres non exécutifs, s'assure que nous nous acquittons de nos responsabilités législatives et que nous respectons les priorités stratégiques définies, conformément à la loi, par le secrétaire du Home Office.

La SOCA est une organisation panbritannique, de portée internationale, dont l'activité est fondée sur le renseignement. Elle a des pouvoirs d'application de la loi, et la réduction des risques fait partie de ses responsabilités. Dans ce contexte, les risques concernent les préjudices causés à des personnes et à des collectivités. Le mandat de l'organisation est défini par la Serious Organised Crime and Police Act de 2005. Il consiste, pour l'essentiel, à prévenir et à détecter les activités du crime organisé, à en atténuer les conséquences et à répondre aux exigences énoncées par la loi, notamment en ce qui concerne le renseignement sur le crime organisé et les traités internationaux.

La loi dont je viens de parler comporte deux volets importants, le premier étant l'UKFIU et les responsabilités que je viens d'énumérer. Le deuxième concerne la communication des renseignements, ce qui est crucial pour la mission de la SOCA. Il convient de signaler ici que le gouvernement a annoncé son intention de créer une agence nationale de lutte contre la criminalité, une NCA, qui mettra à profit les renseignements et les capacités analytiques et policières de la SOCA. La nouvelle agence devrait être opérationnelle d'ici à décembre 2013.

Au niveau international, l'UKFIU est membre du GAFI ainsi que du groupe Egmont. En conséquence, sa structure s'aligne sur les recommandations du GAFI, et le mécanisme de communication des renseignements financiers est facilité par le groupe Egmont.

À l'échelle de l'Europe, nous sommes assujettis à des directives supplémentaires mais complémentaires de l'Union européenne. Ces directives énoncent les obligations des États membres dans divers secteurs, et, à l'heure actuelle, nous appliquons la Troisième directive anti-blanchiment de l'Union européenne, mais une quatrième est en cours de préparation, suite à des recommandations récentes du GAFI.

Sur le territoire britannique, c'est le Trésor de la Couronne qui pilote la lutte contre le blanchiment d'argent et qui représente les intérêts de notre pays auprès du GAFI. C'est également ce département qui prépare les règlements d'application des recommandations adoptées, par exemple en ce qui concerne l'obligation de vigilance vis-à-vis de la clientèle, l'obligation de connaître son client, et cetera. Tout cela figure dans les règlements de 2007 sur le blanchiment d'argent, qui sont actuellement en cours de révision et qui font l'objet de consultations. Ces règlements régissent la mise en œuvre de la Troisième directive anti-blanchiment de l'Union européenne, définissent le périmètre du secteur réglementé et énoncent les mesures préventives que celui-ci doit prendre.

Le Home Office britannique est responsable de l'incorporation de ces règlements dans la Proceeds of Crime Act de 2002, qui définit les principaux délits de blanchiment d'argent ainsi que les déclarations obligatoires. Ce dispositif d'ensemble est renforcé par un certain nombre d'organismes de réglementation responsables des différents secteurs.

Par l'intermédiaire de l'UKFIU, la SOCA assume la responsabilité générale des rapports d'activités suspectes, qu'on appelle communément RAS, et elle le fait en partenariat avec divers intervenants.

Un comité de surveillance du système des RAS surveille la façon dont la SOCA s'acquitte de cette responsabilité. C'est la structure qui a été établie à la suite de la dernière grande révision du système, par sir Stephen Lander, en 2006. L'objectif est de s'assurer que le système en place donne des résultats et que ces derniers sont bien présentés au comité consultatif du blanchiment d'argent qui a été mis en place par le gouvernement. Le comité doit en particulier veiller au bon fonctionnement du système, notamment à la plus grande visibilité à donner aux résultats obtenus. Il doit aussi encourager, enjoindre, influencer et conseiller les utilisateurs du système et ceux qui sont appelés à faire des rapports, et aider ceux qui peuvent avoir des difficultés. Le comité appuie également la publication du rapport annuel des RAS, qui est une évaluation du fonctionnement du système des RAS pendant les 12 mois précédents. Le rapport annuel permet d'évaluer la bonne gouvernance et la transparence du système en place, et il est à la disposition du public. Siègent actuellement à ce comité un dirigeant de la SOCA, qui en est le président, ainsi que des représentants de l'UKFIU, des utilisateurs finaux, des organismes de réglementation, des organismes professionnels, du Home Office et du Trésor de la Couronne.

En ce qui concerne le dispositif législatif britannique, j'ai déjà parlé de la Proceeds of Crime Act. L'obligation de faire un rapport s'applique à quiconque, au Royaume-Uni, fait partie du secteur réglementé. En substance, une personne a l'obligation de faire un rapport lorsque, de par ses activités professionnelles, elle a obtenu des informations lui permettant de soupçonner ou d'avoir de bonnes raisons de croire qu'une autre personne se livre à du blanchiment d'argent. Dans la plupart des organisations, ce genre de rapport est fait par l'entremise de l'agent désigné, qu'on appelle agent rapporteur d'activités de blanchiment d'argent. Il convient de mentionner également les dispositions relatives à la notification du client, qui interdisent la divulgation de toute information susceptible de nuire au bon déroulement d'une enquête.

Notre pays a également adopté la Terrorism Act, qui interdit à quiconque, sous peine de sanction, d'assurer ou de faciliter le financement du terrorisme, et qui, lui aussi, impose au secteur réglementé l'obligation de soumettre des RAS à la SOCA. La loi ne fixe pas de seuil minimal quant à la valeur des activités à déclarer, et elle ne limite pas les renseignements à fournir aux seules données transactionnelles, si bien que les RAS peuvent avoir une portée très vaste. Malgré quelques différences, l'application de cette loi est semblable à celle de la Proceeds of Crime Act, y compris les dispositions concernant les demandes d'autorisation et la notification du client.

Il convient de préciser ici que, même si la SOCA n'a pas le mandat de lutter contre le terrorisme, l'UKFIU a établi des relations étroites avec les unités responsables de la lutte contre le terrorisme, afin de les aider à réaliser leurs objectifs et à mener à bien la tâche confiée à la SOCA.

S'agissant des règlements relatifs au blanchiment d'argent, dont j'ai parlé tout à l'heure, la Proceeds of Crime Act et la Terrorism Act sont tous les deux accompagnés de règlements d'application qui permettent d'incorporer à la législation britannique les directives de l'Union européenne en matière de blanchiment d'argent.

Les cinq grandes obligations qui sont imposées au secteur réglementé sont la formation des employés; l'obligation de vigilance vis-à-vis de la clientèle, y compris la connaissance de l'identité et du type d'activité du client; la tenue de dossiers; la mise en place de mécanismes de surveillance pour empêcher le blanchiment d'argent ou le financement du terrorisme, y compris des déclarations internes par tout employé qui constate ou soupçonne des activités de blanchiment d'argent; et, enfin, la désignation d'un agent chargé de superviser la soumission des RAS à la SOCA et l'application des règlements, ainsi que de fournir des conseils pertinents.

À ce propos, les conseils et lignes directrices émis par les organismes de réglementation et les organismes professionnels ont pour but d'aider le secteur réglementé à s'acquitter des responsabilités qui lui sont conférées par la loi. Pour conclure à une infraction, le tribunal doit déterminer si le défendeur a respecté les lignes directrices pertinentes qui ont été émises par un organisme approprié, avec l'approbation du Trésor de la Couronne. À cet égard, les lignes directrices émises par le Joint Money Laundering Steering Group pour le secteur financier britannique, avec l'approbation du Trésor de la Couronne et du comité consultatif du blanchiment d'argent dans le secteur réglementé, sont le principal outil de référence.

J'ai parlé tout à l'heure du système des RAS, au Royaume-Uni. Un rapport d'activité suspecte sert à alerter la police qu'un client ou une transaction particulière sont suspects et qu'ils dissimulent peut-être des activités de blanchiment d'argent ou de terrorisme. Autrement dit, un RAS permet à une personne qui constate des transactions financières ou des activités suspectes, susceptibles de dissimuler du blanchiment d'argent ou du financement de réseaux terroristes, d'en informer l'UKFIU au moyen d'une déclaration écrite. Ensuite, l'UKFIU traite le RAS et entre les informations dans la base de données des RAS, qu'on appelle ELMER. Pour consulter cette base de données, les utilisateurs finaux, c'est-à-dire les services de police, passent par le portail money.web ou un système appelé ARENA.

La Proceeds of Crime Act contient deux articles distincts sur ce qu'il faut faire en cas de transactions financières suspectes. Le premier oblige les établissements du secteur réglementé à soumettre des RAS à l'UKFIU dans tous les cas de transactions suspectes ou de blanchiment d'argent. Le deuxième permet à toute personne et à toute entreprise, pas seulement celles du secteur réglementé, de se prémunir contre des accusations de blanchiment d'argent en demandant à l'UKFIU l'autorisation de mener à bien une activité, y compris une transaction interdite par la loi, au sujet de laquelle elle a des soupçons. La Terrorism Act contient des dispositions semblables en ce qui concerne le financement du terrorisme.

Il convient de préciser ici qu'il n'y a pas de seuil de minimis automatique, et que le RAS ne se limite pas à des données transactionnelles. Au contraire, un RAS doit contenir un maximum de détails sur l'activité suspecte, afin que la déclaration ait une portée maximale.

Pour ce qui est du rôle des différents intervenants, à commencer par le haut avec le comité de surveillance du système des RAS, l'UKFIU collabore aussi bien avec ceux qui rédigent les RAS que ceux qui les utilisent, afin d'assurer la réalisation des objectifs globaux. Une équipe d'agents est chargée d'entretenir les contacts avec nos partenaires afin de satisfaire les besoins de chacun. La communication joue un rôle crucial à cet égard. Réciproquement, l'UKFIU compte dans ses effectifs des représentants des organismes qui utilisent notre base de données.

Pour ce qui est du traitement et de la communication des données, la base ELMER, qui contient tous les RAS soumis par le secteur réglementé, est la propriété de l'UKFIU, qui en assure la gestion avec l'aide de son fournisseur de TI. La majorité des rapports sont soumis par voie électronique. La sécurité interne de la base de données est assurée de façon à permettre aux utilisateurs autorisés d'avoir accès aux informations, lorsque cela est justifié. La base ELMER contient environ 1,38 million de RAS et en reçoit actuellement près de 250 000 de plus, chaque année. L'UKFIU lance des recherches automatisées quotidiennes.

Comme je l'ai dit tout à l'heure, la loi donne à la SOCA de vastes pouvoirs pour communiquer des informations à ses partenaires et collaborer avec eux. Il était nécessaire d'optimiser la valeur des RAS aussi bien que des autres sources de renseignements financiers et criminels. Bien souvent, on n'apprécie pas la valeur d'un renseignement financier tant qu'on ne l'a pas recoupé avec d'autres sources d'information.

C'est dans cette perspective que la majeure partie du contenu de la base ELMER est mise à la disposition de plus de 70 agences britanniques, par l'intermédiaire d'un portail Internet, le money.web ou ARENA dont je parlais tout à l'heure. Ce portail offre des fonctionnalités analytiques sophistiquées qui sont accessibles aux enquêteurs de toutes les forces de police de l'Angleterre, du pays de Galles, de l'Écosse et de l'Irlande du Nord, ainsi qu'aux agences nationales qui ont des pouvoirs de poursuites, comme le Revenu et les Douanes de la Couronne, le ministère du Travail et des Pensions, et le Serious Fraud Office.

Le logiciel ARENA facilite l'exploration des données structurées et non structurées des RAS, et permet à l'utilisateur de visualiser l'information obtenue, au moyen de graphiques et de cartes, notamment.

L'accès aux données est rigoureusement contrôlé par un système de gouvernance qui exige le respect de certaines conditions par l'utilisateur final ainsi que la signature de protocoles d'entente avec l'agence ou la personne qui utilise le système. Les agences doivent respecter ces conditions, et les personnes autorisées à utiliser le système sont généralement des enquêteurs financiers agréés ou des spécialistes du renseignement financier. Leur formation, notamment en matière de confidentialité, permet de garantir que ceux qui ont accès aux données sont parfaitement conscients de la nécessité de les manipuler avec précaution et de respecter leur caractère confidentiel et délicat.

Les RAS restent dans la base ELMER pendant six ans, ou jusqu'à ce qu'il soit clairement démontré qu'ils ne sont pas liés à une activité criminelle. Après quoi, ils sont automatiquement supprimés. Un même RAS est souvent utilisé plusieurs fois par différents utilisateurs à des fins diverses. Par exemple, les renseignements contenus dans un RAS peuvent intéresser le Revenu et les Douanes de la Couronne à propos de certains contribuables, ou bien la police locale à propos de cas de fraude ou de vol, ou encore un autre ministère gouvernemental à propos d'un problème posé par un produit financier.

Si l'auteur du RAS demande une autorisation, l'équipe spéciale de l'UKFIU dispose de sept jours ouvrables pour prendre une première décision, en collaboration étroite avec les utilisateurs finaux et d'autres parties prenantes. Si l'autorisation est refusée, la police dispose alors de 31 jours civils, qu'on appelle moratoire, pour prendre d'autres mesures, c'est-à-dire pour geler ou saisir les fonds. Si l'autorisation est accordée, l'auteur du RAS peut procéder à la transaction ou à l'activité en question, puisqu'il s'est ainsi prémuni contre toute accusation de blanchiment d'argent susceptible de résulter de ladite activité.

Les services de police analysent les demandes d'autorisation qui leur sont soumises par l'UKFIU et font des recommandations en conséquence. S'ils ont besoin de renseignements supplémentaires, ils peuvent comparer les données du RAS et celles de leurs bases de données locales. Selon les résultats, le RAS peut donner lieu à une nouvelle enquête, élargir le rayon d'action d'une enquête en cours, ou tout simplement approfondir la connaissance d'un dossier.

L'an dernier, les dispositions relatives aux demandes d'autorisation ont donné lieu à plus de 13 000 autorisations qui ont permis de geler ou de saisir plus de 35 millions de livres.

Étant donné que le blanchiment d'argent et le financement du terrorisme n'ont pas de frontières, il est important de communiquer les données recueillies à nos partenaires internationaux, ce que l'UKFIU poursuit activement.

En conclusion, j'aimerais dire que, pour l'UKFIU, le système des RAS est un de nos outils les plus importants, parmi tous nos partenariats public-privé, car il a un effet dissuasif considérable sur les criminels.

Le président : Merci, monsieur Hislop, de votre déclaration liminaire.

Ma première question porte sur la structure organisationnelle de votre unité. Au Canada, comme vous le savez, le CANAFE est placé sous la direction du ministère des Finances. Si j'ai bien compris, votre organisation, elle, est une division de la Serious Organised Crime Agency, qui fait elle-même partie du Home Office.

Pouvez-vous m'expliquer pourquoi on a décidé d'intégrer l'UKFIU au portefeuille de la sécurité publique plutôt qu'à un autre ministère? Comment et quand en est-on arrivé à prendre cette décision?

M. Hislop : Tout a commencé à la fin des années 1980. À cette époque, nous avions ce qu'on appelait le National Criminal Intelligence Service, dont l'UKFIU était une composante. Donc, déjà à cette époque, l'UKFIU faisait partie du dispositif du renseignement policier.

La SOCA a été créée en 2006, regroupant ainsi le National Criminal Intelligence Service et plusieurs autres agences, notamment la National Crime Squad, certains services frontaliers britanniques et certains services de Revenu et Douanes de la Couronne, qui s'occupaient des enquêtes. Voilà pour le contexte. Tout a commencé, si l'on peut dire, avec l'émergence du phénomène mondial du blanchiment d'argent; on a mis en place le système des RAS, et c'est resté tel quel depuis.

Le président : Puis-je vous demander si vous avez des antécédents dans la police?

M. Hislop : Oui, j'ai fait carrière dans la police avant de me voir confier, en 1998, la gestion de l'escouade criminelle au niveau national, puis des responsabilités au sein de la Serious Organised Crime Agency.

Le président : Merci. Je vais maintenant laisser la parole aux sénateurs.

[Français]

Le sénateur Maltais : Je ne sais pas si cela se produit chez vous, mais sur le plan des transactions immobilières, le Barreau canadien, lors de son témoignage devant le comité, a dit que les transactions immobilières se faisaient souvent à répétition avec le même client pour finir par un client invisible.

C'était donc presque impossible de retracer la source de l'argent qui pouvait servir à la criminalité. Est-ce que des cas semblables peuvent se produire chez vous avec l'organisme de surveillance que vous avez mis en place?

[Traduction]

M. Hislop : Pour ce qui est des transactions immobilières, je ne sais pas vraiment, mais notre système exige l'identification des entités. Par conséquent, si un compte, un individu ou une adresse apparaît dans plusieurs RAS, notre technologie nous permet de faire les recoupements nécessaires pour identifier ces personnes et de déclencher éventuellement des enquêtes.

[Français]

Le sénateur Maltais : Est-ce que la collaboration est très bonne entre les institutions financières du Royaume-Uni et votre organisme?

[Traduction]

M. Hislop : Nous avons d'excellentes relations. En fait, c'est un véritable partenariat, qui commence au sommet, avec le comité des RAS où siègent des représentants de la British Bankers' Association. Nous voyons cela comme un effort collectif pour atteindre les objectifs que nous nous sommes fixés avec le système des RAS.

[Français]

Le sénateur Maltais : Contrairement à la loi canadienne, vous n'avez pas de base de transaction obligatoirement déclarée. Est-ce que c'est un avantage pour vous ou si c'est un désavantage?

[Traduction]

M. Hislop : En effet, nous ne fixons pas de valeur minimale pour les transactions à déclarer. Notre système est fondé sur la gestion du risque. En conséquence, chaque établissement doit évaluer le risque que pose chaque transaction, chaque opération. Notre base ELMER et tous nos rapports d'activités suspectes sont fondés sur le soupçon, par opposition à un système pas du tout fondé sur le risque. Pour cette raison, il serait à mon avis dangereux de dire que toutes les transactions doivent être automatiquement déclarées, car cela pourrait se faire au détriment de la gestion du risque.

Le sénateur Harb : Dans votre rapport de 2010-2011, vous dites qu'environ 250 000 RAS ont été soumis, et d'après le document que j'ai sous les yeux, ces rapports proviennent principalement de quatre institutions britanniques. Qu'en est-il des autres institutions? Pourquoi les rapports semblent-ils tous provenir de ces quatre-là?

M. Hislop : Je n'en vois pas quatre. Le secteur bancaire soumet à peu près 77 p. 100 des RAS. Ensuite, il y a les bureaux de transfert de fonds, qui représentent à peu près 9 p. 100 du nombre total de RAS. À eux deux, ces secteurs représentent à peu près 87 p. 100 du nombre total de RAS. Et si vous poussez l'analyse plus loin, au niveau des banques individuelles, c'est surtout les 10 plus grandes banques qui soumettent le plus de RAS. Donc, au lieu de quatre, je dirais plutôt 10.

Le sénateur Harb : Ce qui est curieux, c'est que vous avez dit qu'un grand nombre de données qui entrent dans votre système ne se traduisent pas nécessairement par un plus grand nombre de condamnations, mais que votre système est fondé sur la gestion du risque. Vous avez aussi parlé de recherches automatisées. Voulez-vous dire que vous interrogez la base de données à l'aide de certains critères pour essayer d'extraire de l'information que vous analysez ensuite?

M. Hislop : C'est exact.

Le sénateur Harb : Vous avez dit, et ce sera ma dernière question, que l'an dernier, à la suite de ces recherches et de ces enquêtes, vous avez réussi à saisir ou à confisquer 35 millions de livres.

M. Hislop : Grâce au système des autorisations.

Le sénateur Harb : Ah bon, c'est grâce à ce système?

M. Hislop : Oui.

Le sénateur Harb : Pourriez-vous nous donner des précisions sur ce système?

M. Hislop : Comme je l'ai dit, la loi britannique prévoit que les agents rapporteurs peuvent demander une autorisation à l'UKFIU. Seuls l'UKFIU ou un agent de police peuvent autoriser une transaction ou une opération susceptible de constituer du blanchiment d'argent ou une infraction pénale, et en obtenant l'autorisation de l'UKFIU, l'agent rapporteur se prémunit contre des accusations ultérieures de blanchiment d'argent.

Si je me souviens bien, il y a eu 13 662 demandes l'an dernier, qui nous ont toutes été soumises. Dans ces cas-là, nous disposons de sept jours pour examiner la demande, sept jours pendant lesquels nous faisons notre propre enquête interne pour voir si la demande présente un intérêt pour nous. Ensuite, nous la transmettons au service de police approprié pour voir si elle présente un intérêt pour d'autres parties, et ça marche dans les deux sens. L'autorisation peut être accordée ou refusée, mais les services de police ont la possibilité d'intervenir, en empêchant par exemple l'argent de quitter le pays ou en bloquant les comptes. Il peut aussi arriver que quelqu'un ait l'intuition qu'une transaction va avoir lieu, et que le client va se présenter avec un sac rempli de billets de banque, et à ce moment-là, il faut l'autorisation de la police. En fait, la police peut même être présente à l'arrivée du client.

Le sénateur Stewart Olsen : Avec votre permission, j'aimerais aborder deux sujets. Vous avez dit que votre base de données est très sécurisée, mais le nombre d'utilisateurs est considérable. Comment faites-vous pour vous assurer qu'ils respectent tous les critères d'utilisation? Je sais que vous avez parlé de formation, mais j'aimerais savoir qui assure cette formation et comment vous vous assurez que tous les utilisateurs respectent les conditions d'utilisation.

M. Hislop : C'est un défi constant, mais qui est tout à fait gérable, comme le prouve l'extrême rareté des cas de violation. Comme je l'ai dit, nous avons mis en place toute une structure de gouvernance, et c'est la plus haute instance, c'est-à-dire le comité des RAS, qui a défini les critères d'utilisation du système. Les organisations qui veulent avoir accès à ces données doivent d'abord figurer sur la liste officielle des agences habilitées. Ensuite, elles doivent respecter les critères établis, au sujet de la sécurisation des données, de leur accès, des conditions dans lesquelles elles vont être consultées... Bref, les organisations doivent s'engager à respecter tous ces critères. Elles doivent également s'engager à nous donner de la rétroaction et à prendre les mesures prévues en cas de violation des critères d'utilisation. Autrement dit, elles doivent nous en informer.

Tous ces critères sont transposés dans des ententes individuelles, et chacun des 2 100 utilisateurs que nous avons approximativement dans le pays doit prendre connaissance des responsabilités qui lui sont confiées et s'engager à assurer l'utilisation sécurisée des données qu'il consulte.

Comment cette formation se fait-elle? Comme je l'ai dit, il s'agit principalement d'enquêteurs financiers agréés ou de spécialistes du renseignement financier. Nous avons au Royaume-Uni ce qu'on appelle la National Policing Improvement Agency qui, de par la loi, est responsable de l'agrément et de la formation de ces gens-là, et nous nous entendons sur les modalités de cette formation. L'agence tient une liste des personnes agréées, et de notre côté, nous vérifions, chaque fois qu'une personne nous demande d'avoir accès à nos données, que son nom figure bien sur cette liste.

Pour ce qui est de la surveillance que nous exerçons en permanence, elle consiste pour l'essentiel à vérifier que les gens sont toujours agréés, que les critères sont respectés, bref, qu'il n'y a pas d'accrocs, et croyez-moi, ils sont rares.

Le sénateur Stewart Olsen : Ma deuxième question porte sur les rapports, les poursuites et les demandes d'autorisation. Vous entrez un grand nombre de RAS dans votre système, mais à combien de poursuites ou de demandes d'autorisation ont-ils donné lieu? Vous n'avez peut-être pas ces chiffres avec vous.

M. Hislop : Non, je ne les ai pas.

Le sénateur Stewart Olsen : C'est intéressant, parce que nous avons nous aussi un grand nombre de rapports, et nous essayons justement de savoir à combien de poursuites ils ont donné lieu. Votre système de demande d'autorisation est intéressant parce que j'ai l'impression qu'il élimine un certain nombre de poursuites. Est-ce que je me trompe?

M. Hislop : En fait, c'est le contraire, ça facilite les poursuites, car l'autorisation n'est refusée que dans les cas où il va y avoir une enquête visant à obtenir la saisie des comptes.

Le sénateur Stewart Olsen : Je comprends.

M. Hislop : En fait, le système des autorisations facilite le déclenchement d'une enquête, plutôt qu'autre chose.

Pour ce qui est de votre première question sur le nombre de poursuites, il m'est très difficile de vous donner une réponse. Selon notre mode de fonctionnement, les RAS sont accessibles aux utilisateurs finaux et aux enquêteurs, et comme un RAS peut rester dans la base de données pendant six ans, il est difficile de savoir quand sont intentées les poursuites et dans quelle mesure le RAS en est le déclencheur. Il peut n'en être qu'un aspect, ou bien être la pièce maîtresse de toute l'enquête. Il ne faut pas oublier non plus que nous jouons sur tous les fronts, et qu'il n'y a pas que les enquêtes. Nous pouvons prendre des mesures préventives, des mesures pour perturber les opérations de blanchiment, ou encore des mesures de protection des personnes âgées, des personnes vulnérables, et cetera.

Le sénateur Stewart Olsen : Est-ce que vous mesurez votre succès à l'aune des sommes que vous avez récupérées? Comment faites-vous pour mesurer l'efficacité de votre organisation?

M. Hislop : C'est très difficile à faire vu la façon dont nous utilisons les RAS. Comme je l'ai dit, un RAS peut ne pas donner lieu à une enquête. Cela dit, quand un RAS s'ajoute aux autres informations compilées par notre organisation et par les autres services de police du pays, ça peut être l'élément déclencheur d'une enquête, d'une intervention connexe. Mais il est très difficile de mesurer cela.

Le président : Toujours sur le même sujet, j'aimerais vous poser une question générale sur l'évaluation du rendement. Comment vous y prenez-vous pour évaluer l'efficacité de votre organisation et pour justifier que les deniers publics ont été dépensés à bon escient?

M. Hislop : Il faut bien comprendre que notre organisation est de petite taille, en raison des responsabilités que nous avons, mais il ne faut pas oublier qu'avec le modèle que nous avons mis en place, il y a non seulement 70 ou 80 personnes qui travaillent à l'intérieur de l'UKFIU mais aussi plus de 2 100 agents externes qui font ce que les autres unités du renseignement du monde entier font. Nous nous sommes donc beaucoup développés, mais quand il s'agit d'évaluer précisément le rôle de l'enquêteur financier d'un service de police par rapport au rôle de celui qui intente des poursuites, c'est très difficile.

Je pense qu'il est bon de préciser ici qu'au Royaume-Uni, nous avons un système d'incitatifs au rendement, c'est-à- dire que lorsque les services d'application de la loi, et ça comprend bien sûr les services des poursuites, réussissent à faire confisquer de l'argent, une partie de cette somme leur revient, de sorte qu'ils sont encouragés ou incités à faire ce genre de choses.

Le sénateur Ringuette : Je constate que, sur au moins trois plans, il y a une grande différence entre votre rôle au Royaume-Uni et celui de notre organisation au Canada.

M. Hislop : En effet.

Le sénateur Ringuette : Il y a d'abord une différence de structure.

M. Hislop : Tout à fait.

Le sénateur Ringuette : Vous relevez de l'administration policière.

M. Hislop : Je dirais plutôt que nos grandes orientations sont définies par le Home Office.

Le sénateur Ringuette : C'est ça, oui.

M. Hislop : Mais l'UKFIU est une composante tout à fait indépendante. À part nos grandes orientations qui sont définies par le Home Office, nous menons nos affaires en toute indépendance. Certes, le comité des RAS chapeaute en quelque sorte les objectifs qui nous sont fixés, mais ça s'applique surtout aux agences. Le Home Office n'est qu'une composante.

Le sénateur Ringuette : J'observe que, chez vous, la compilation des données est entièrement fondée sur le risque, alors que chez nous, c'est à partir d'une valeur minimum, ce qui est complètement différent. Chez nous, le CANAFE entre des données dans son système, et, s'il détecte des activités suspectes, il transmet le dossier à la police. Je n'ai pas l'impression que vous fonctionnez de la même façon.

M. Hislop : Pas du tout, en effet. Nos RAS sont accessibles aux services de police du pays, y compris l'Angleterre et le pays de Galles, qui peuvent donc sélectionner ceux qui les intéressent, comparer les informations à celles dont ils disposent au niveau local et, à partir de là, prendre les mesures qui s'imposent, conformément aux priorités.

Le sénateur Ringuette : Exactement. Mais au cours de ce processus, est-ce que les services de police locaux ont la possibilité d'entrer des données dans le système?

M. Hislop : Non, absolument pas.

Le sénateur Ringuette : Votre base de données ne sert donc qu'à faire des recherches.

M. Hislop : C'est exact. La seule chose qu'ils peuvent faire à ce niveau-là, c'est de répondre aux demandes d'autorisation que nous leur envoyons, mais c'est tout. Ils sont aussi obligés de nous donner une rétroaction pour que nous puissions en informer les agents rapporteurs concernés, mais ils ne peuvent absolument pas entrer des données dans la base ELMER.

Le sénateur Ringuette : J'aimerais maintenant parler du seuil que nous avons au Canada de 10 000 dollars canadiens. Chez vous, il n'y a pas de seuil.

M. Hislop : Non, en effet.

Le sénateur Ringuette : Pourriez-vous nous dire, d'après votre expérience, en quoi le fait d'avoir un seuil ou de ne pas en avoir peut influer sur la détection d'une activité criminelle?

M. Hislop : Très franchement, il m'est difficile de vous parler d'un système que nous n'avons jamais eu chez nous. À l'UKFIU, nos interventions se fondent uniquement sur les rapports d'activités suspectes, et pas du tout sur les données transactionnelles.

Le sénateur Ringuette : Dans ce cas, je vais reformuler ma question.

Au cours des 20 dernières années, à partir de quel montant, en moyenne, avez-vous déclenché une enquête, que celle- ci ait abouti ou non?

M. Hislop : C'est très difficile à dire car, dans certains cas, ce montant est très élevé, et dans d'autres, il est minime. De plus, la réduction des risques fait aussi partie de notre mandat, et ça ne se traduit pas nécessairement par une enquête. Cela peut en effet se traduire par une intervention visant à empêcher ou à perturber une activité quelconque, plutôt que par des poursuites judiciaires.

Le sénateur Ringuette : Compilez-vous des statistiques sur les résultats des enquêtes menées par les services de police à la suite des données que vous avez entrées dans votre base de données?

M. Hislop : Il y a deux choses. D'abord, les dossiers relatifs aux confiscations et aux saisies sont en fait compilés par le Home Office. Pour ce qui est de la rétroaction, nous avons mis en place un système selon lequel l'UKFIU envoie deux fois par an un questionnaire à toutes les organisations qui utilisent la base de données pour qu'elles nous disent, avec exemples à l'appui, dans quelle mesure les données leur ont été utiles. De cette façon, nous sommes capables de faire une évaluation du système, que nous transmettons à ces organisations afin de les encourager à continuer.

Le sénateur Ringuette : Et quel genre de résultats obtenez-vous?

M. Hislop : Si je me souviens bien, et c'est une estimation minimum, en l'espace d'un an, nous pouvons obtenir plus de 100 millions de saisies, par exemple; il y a d'autres chiffres dans ce document, qui ne me viennent pas à l'esprit pour l'instant mais que je serais ravi de vous communiquer, si vous le désirez, car ils figurent dans le rapport annuel des RAS.

Le sénateur L. Smith : Bonjour. J'aimerais vous poser une question plus générale. Fort de votre expérience, avez- vous des mises en garde à nous faire ou peut-être des conseils à nous donner? J'ai l'impression que votre système fonctionne depuis beaucoup plus longtemps que le nôtre, même s'il est différent. Pourriez-vous nous parler des difficultés que vous avez rencontrées, et nous dire comment vous les avez surmontées? Cela pourrait nous être utile car nous procédons actuellement à la révision de notre loi, et nous sommes censés faire des recommandations pour améliorer notre système.

Par exemple, vous nous avez parlé de votre programme d'incitatifs, mais j'aimerais bien que vous nous donniez des détails sur certaines des difficultés que vous avez dû surmonter car ça pourrait nous servir de leçon, à nous aussi.

M. Hislop : Votre question comporte deux aspects. Pour nous, très franchement, le plus gros défi que nous pose notre modèle est qu'il nécessite énormément de rétroaction, et que c'est toujours difficile à gérer, car nous devons, d'un côté, essayer d'obtenir une rétroaction des services de police et, d'un autre côté, répercuter cette rétroaction aux auteurs des RAS, sans pour autant risquer de compromettre les enquêtes. Quand vous recevez 250 000 rapports, c'est impossible de le faire au niveau individuel. C'est donc un effort constant.

Nous sommes en train d'envisager des ententes différentes avec nos partenaires, pour qu'ils puissent mieux nous aider, car c'est un problème qui va persister, et pour mieux définir quel genre de renseignements nous pouvons fournir aux organisations professionnelles et aux groupes concernés, afin qu'ils puissent les transmettre ensuite à leurs membres, dans le but d'accroître l'efficacité du système.

C'est donc un problème sur lequel nous allons continuer de plancher, car nous aurons toujours besoin de rétroaction, c'est évident. D'un côté, nous voulons qu'ils nous envoient des RAS sur des sujets appropriés, mais pour ça, ils ont besoin de savoir si leur rapport précédent a donné des résultats ou pas, et je comprends tout à fait ça.

Le deuxième défi que nous pose notre modèle est la technologie sur laquelle il repose. Nous travaillons avec beaucoup de partenaires différents, à la fois du côté du secteur réglementé et du côté des utilisateurs finaux et des utilisateurs de logiciels, sur des plates-formes différentes, et avec le rythme des progrès technologiques, ça nous pose de vrais défis.

Le sénateur L. Smith : Pourriez-vous nous expliquer comment fonctionne votre système d'incitatifs? Vous avez dit que les partenaires recevaient des incitatifs quand l'enquête aboutissait. Est-ce que vous recevez vraiment de l'argent?

M. Hislop : Oui, ce n'est pas une initiative de l'UKFIU, c'est géré par le Home Office.

Pour vous situer un peu le contexte, je vous dirai qu'au Royaume-Uni, on cherche vraiment à faciliter l'intégration des enquêtes financières. Les enquêtes criminelles ont pratiquement toute une dimension financière, en tout cas c'est ce qu'on constate à la Serious Organised Crime Agency, et ça se répercute au niveau des forces policières.

C'est souvent par appât du gain que les criminels se livrent à leurs activités. Cela nous ramène à la réduction des risques, quand il faut débarrasser les collectivités des modèles négatifs que représentent les criminels qui affichent un train de vie fastueux, ce qui encourage les autres à vouloir en faire autant et à se livrer à des activités criminelles.

L'enquête financière sert en partie à supprimer ce qui attire ces gens-là vers la criminalité, en saisissant carrément les biens qu'ils ont accumulés grâce à leurs activités criminelles. L'argent est alors remis au Home Office qui le répartit ensuite, au prorata, entre les services de police qui ont participé à l'enquête.

Le sénateur L. Smith : Sur les 250 000 RAS que vous recevez, il y en a combien qui concernent le blanchiment d'argent, et combien qui concernent le financement du terrorisme?

M. Hislop : Il y en a bien sûr beaucoup moins qui concernent le financement du terrorisme, mais je ne peux pas vous donner des chiffres exacts.

Le sénateur L. Smith : Même pas un chiffre approximatif?

M. Hislop : Je serais tenté de dire que c'est à peu près 13 000, mais je suis peut-être complètement à côté de la plaque. L'un des avantages d'un système unique pour tous les rapports, c'est que le service préposé au financement du terrorisme voit tous les RAS, et pas seulement ceux qui concernent le terrorisme.

Le sénateur Massicotte : Je vous remercie, monsieur Hislop, d'être venu nous rencontrer. Vu l'examen que nous avons entrepris, il est très utile de pouvoir faire des comparaisons avec un organisme très sophistiqué.

Vous n'avez pas de seuil minimal pour les transactions à déclarer. Et les transactions étrangères? Avez-vous un seuil minimal, ou bien est-ce toujours le principe de la gestion du risque?

M. Hislop : C'est toujours le principe de la gestion du risque. L'UKFIU n'a pas accès à ce genre de données et ne les traite pas.

Le sénateur Massicotte : Qu'arrive-t-il quand il faut faire un rapport? Les établissements financiers y sont assujettis par la loi. Quant aux courtiers en immeubles — vous les appelez peut-être différemment...

M. Hislop : On les appelle des agents immobiliers.

Le sénateur Massicotte : Ont-ils la même obligation?

M. Hislop : Oui.

Le sénateur Massicotte : Et les bijoutiers?

M. Hislop : Oui.

Le sénateur Massicotte : Y compris les commerces de détail?

M. Hislop : Les produits de luxe, oui.

M. Hislop : Oui.

Le sénateur Massicotte : Les compagnies d'assurance-vie?

M. Hislop : Oui.

Le sénateur Massicotte : Vous appliquez donc toujours le principe de la gestion du risque, et si un bijoutier ou un courtier en immeubles n'a pas de transactions de ce genre, il n'a pas à se soucier de faire un rapport, mais doivent-ils quand même acquérir toute la formation, afin d'être capables de détecter ce genre de transactions? La plupart des courtiers en immeubles ne sont pas exposés à ce type de risque, mais doivent-ils quand même acquérir toute la formation pour être capables de détecter et de déclarer ce genre de choses?

M. Hislop : L'obligation s'applique à eux aussi, mais je ne sais pas quel type de formation ils suivent.

Le sénateur Massicotte : S'ils répondent qu'ils ne sont pas exposés à ce genre de risque, je suppose que votre système accepte cette réponse.

Le sénateur Stewart Olsen a parlé des différences importantes qui existent entre nos deux systèmes et, bien sûr, nous essayons de comprendre pourquoi. Il a été question de la structure, ainsi que de l'absence, chez vous, d'un seuil minimal, puisque vous vous fondez uniquement sur la gestion du risque. Chez nous, on ne sait pas très bien à quel moment les dossiers sont détruits, mais chez vous, ils le sont automatiquement au bout de six ans, sauf s'il s'agit d'un dossier permanent, en quelque sorte.

M. Hislop : C'est exact.

Le sénateur Massicotte : Ce qu'il y a d'intéressant aussi, c'est que chez nous, nos utilisateurs voudraient bien avoir la capacité de communiquer ces données, mais d'un autre côté, ça présente des risques; vous, vous les communiquez aux établissements financiers. Je crois comprendre qu'il y a chez vous 1 200 personnes habilitées à communiquer ces données. Par conséquent, j'aimerais savoir si les grands établissements financiers ont quelqu'un dans leur effectif qui est habilité à communiquer des renseignements sur les rapports faits par d'autres personnes au sujet de transactions bizarres. Vous me suivez?

M. Hislop : Non, pas vraiment.

Le sénateur Massicotte : J'ai compris que vous communiquiez les rapports. Et vous avez ces 1 200 utilisateurs potentiels qui sont habilités à consulter ces données, c'est bien ça?

M. Hislop : Vous parlez des enquêteurs financiers?

Le sénateur Massicotte : Est-ce qu'une banque a son propre enquêteur financier? De qui voulez-vous parler?

M. Hislop : Les enquêteurs financiers sont en général — et je dis bien en général — des agents de police, qui viennent parfois de Revenu et Douanes de la Couronne.

Le sénateur Massicotte : Ce sont donc des fonctionnaires.

M. Hislop : Ce sont des agents de police, rien de plus.

Le sénateur Massicotte : Une banque n'est donc pas habilitée à communiquer ces renseignements.

M. Hislop : Non.

Le sénateur Massicotte : C'est intéressant.

Pour ce qui est du principe de la gestion du risque, c'est facile, d'un point de vue théorique, de dire que c'est ce qu'il faut faire, car à quoi bon exiger la rédaction d'un rapport s'il n'y a pas de risque? Mais l'argument qu'on nous sert, et il se tient, c'est que chacun croit qu'il n'est pas concerné et que les risques sont ailleurs. À mon avis, si on n'oblige pas les gens à faire une déclaration à partir d'une certaine valeur, ça ne marche pas. Comme vous le savez, les États-Unis observent ce principe. Bon nombre de pays le font aussi, mais c'est vrai qu'en théorie, votre système est supérieur. En effet, à quoi bon toutes ces complications? Pensez-vous vraiment que votre système soit efficient, même sans un seuil minimal?

M. Hislop : À mon avis, le fait que nous recevions près de 250 000 rapports chaque année montre bien que, pour ceux qui veulent signaler des activités suspectes, c'est un système efficace. Si vous vous reportez au rapport annuel et au profil des agents rapporteurs, vous voyez que ces gens-là viennent de tous les secteurs, ce qui porte à croire qu'ils en tirent quelque chose, et qu'ils ne le font pas uniquement parce qu'ils y sont obligés. Ils ont donc un intérêt à le faire, et c'est tout ce que je peux vous dire.

Le sénateur Massicotte : Peut-on dire que ceux qui coopèrent facilement sont au-delà de tout soupçon, et que ceux qui sont peut-être un peu moins honnêtes vont trouver toutes sortes d'excuses pour ne pas faire de déclaration?

M. Hislop : Il y a toujours cette possibilité, et c'est là l'une de nos difficultés; c'est pour ça que nous faisons des enquêtes intersectorielles, car un grand nombre de transactions impliquent un certain nombre de participants des secteurs réglementés.

Si, par exemple, nous décelons une tendance à la fraude hypothécaire dans un secteur, nous nous disons qu'il y a inévitablement d'autres secteurs qui y participent. À ce moment-là, nous nous demandons pourquoi nous ne recevons pas de rapports de ces autres secteurs. Ça révèle peut-être l'existence d'une personne qui est corrompue ou qui est complice d'activités criminelles, d'où la nécessité, éventuellement, de faire une enquête policière.

Le sénateur Massicotte : Une autre plainte que nous recevons des utilisateurs concerne le critère « connaître son client ». C'est crucial pour les établissements financiers.

M. Hislop : Oui.

Le sénateur Massicotte : Dans notre système, nous n'avons pas de critère d'identité nationale ni de carte de citoyenneté, mais ils réclament d'avoir accès aux dossiers du gouvernement parce qu'il y a beaucoup de dossiers du gouvernement, que ce soit à Revenu Canada ou ailleurs. Chez vous, est-ce que les utilisateurs ont accès à une liste nationale ou à une liste de citoyenneté?

M. Hislop : Non. Il a été question, un moment, d'un système d'identité nationale, mais ça n'a pas abouti.

Le sénateur Massicotte : Tout ce débat est très intéressant, tout le monde travaille très fort, il y a beaucoup d'activité, mais il arrive un moment où il faut mesurer les résultats par rapport aux coûts.

Tout à l'heure, vous avez dit que vous aviez saisi ou confisqué un total de 35 millions de livres pendant la dernière année de référence.

M. Hislop : Seulement avec le système des autorisations.

Le sénateur Massicotte : C'est bien beau de bloquer les fonds, mais quel pourcentage finit-on par débloquer, après l'enquête? Autrement dit, quel pourcentage reste bloqué en permanence?

M. Hislop : Encore une fois, c'est très difficile à dire car, comme vous le savez, les enquêtes financières durent des années avant qu'on puisse déterminer exactement les biens que possèdent les gens et les profits qu'ils ont tirés de l'infraction. Autrement dit, la personne qui mène un train de vie fastueux grâce à des activités criminelles n'a parfois accumulé que très peu de biens qu'on puisse confisquer.

Pour mesurer tout ça, il faut notamment commencer par se débarrasser de ces modèles négatifs, car ils encouragent les comportements criminels.

Par exemple, lors d'une récente réunion du comité des RAS, un responsable des forces de police a expliqué que, étant donné le climat que nous avions créé, les grands criminels avaient cessé d'envoyer leurs enfants dans des écoles privées et de conduire des grosses voitures tape-à-l'œil. Et qu'ils n'habitaient plus non plus dans de vastes manoirs car ça attirait trop l'attention des policiers. Quand on parle de supprimer ces modèles négatifs, je pense que le système des RAS y est pour quelque chose.

Le sénateur Massicotte : Je reconnais que c'est très positif. Si les criminels se font plus discrets, félicitations. Chez nous, le trafic de drogue et l'économie souterraine représentent des milliards de dollars. Nous avons investi énormément d'argent dans le système, et je n'ai jamais entendu dire — peut-être que les autres sénateurs sont mieux informés que moi — que les sommes d'argent liées au trafic de la drogue et au blanchiment d'argent avaient diminué. Est-ce que ça marche aussi bien que ça? Est-ce que vous avez constaté une diminution du trafic de drogue dans votre pays? Est-ce que tout ça sert à quelque chose? J'ai plutôt l'impression que les criminels sont devenus plus malins : ils savent que vous les surveillez, alors ils s'adaptent. Vous avez écarté le problème, mais vous ne l'avez pas réglé.

M. Hislop : Il est extrêmement difficile de faire une estimation des sommes d'argent impliquées dans le crime organisé. Nous les situons entre 20 et 40 milliards de dollars, ce qui est une fourchette énorme, mais c'est difficile d'être plus précis. L'important, c'est de mener la lutte sur plusieurs fronts à la fois. Nous avons aussi, au sein de la SOCA, des mécanismes civils de recouvrement des fonds. Autrement dit, si des gens affichent un train de vie qui ne correspond pas aux revenus qu'ils déclarent, nous pouvons recourir à des mécanismes civils plutôt qu'à la procédure pénale.

Le sénateur Massicotte : Ah oui, et ça donne des résultats?

M. Hislop : Oui. C'est comme ça qu'on a réussi à récupérer des avoirs, lorsqu'il n'était pas possible d'y parvenir par un autre moyen.

Le sénateur Massicotte : C'est sûr que c'est difficile de s'attaquer à la racine du problème.

Permettez-moi de vous poser une dernière question : nous sommes très fiers de notre constitution, et du fait qu'elle confère aux avocats certains droits pour défendre leurs clients et tous les citoyens canadiens, mais le principe fondamental est que toute personne inculpée a droit à un avocat indépendant. Ils ont avancé cet argument pour exempter les avocats de l'obligation de faire des rapports officiels systématiques sur les transactions suspectes, même si ces derniers sont quand même tenus de déclarer ce type de transaction. Comment faites-vous chez vous? Obligez-vous les avocats à soumettre des rapports, comme tout le monde?

M. Hislop : Oui, ils sont tenus de le faire.

Le sénateur Massicotte : Comment pouvez-vous les obliger à le faire étant donné qu'ils doivent respecter le secret professionnel avocat-client?

M. Hislop : Cela se gère, et ça se gère très bien. Le barreau est représenté au comité des RAS, et il nous apporte tout son soutien à cet égard. Il participe également, et vous pouvez imaginer les difficultés que ça pose parfois, au traitement des demandes d'autorisation. Lorsqu'un avocat a un client qu'il soupçonne de planifier une transaction criminelle, il peut, et cela arrive, se prévaloir des dispositions relatives aux demandes autorisation.

Le sénateur Massicotte : Ils sont manifestement plus créatifs que les nôtres.

Le sénateur Moore : Merci, monsieur Hislop, de venir nous rencontrer ce matin. Quel est le budget annuel de votre unité?

M. Hislop : Depuis que nous faisons partie de la SOCA, nous ne recevons pas un budget précis, et maintenant que nous allons être rattachés à l'agence nationale de lutte contre la criminalité, nous n'en aurons probablement pas non plus.

Le sénateur Moore : Vous ne savez pas de combien d'argent vous disposez?

M. Hislop : Nous faisons partie d'un organe d'information qui a également la responsabilité de services comme Interpol et Europol, dont le mandat consiste également à soumettre des demandes d'informations auprès d'autres partenaires. Nous avons par exemple l'UKNCO, l'unité de la fausse monnaie. Tous ces services font partie du même organisme, et les ressources sont réparties en fonction des priorités.

Le sénateur Moore : Je pensais que vous aviez une idée du budget dont vous disposiez chaque année, mais peut-être que vous ne voulez pas nous le dire. Peut-être que vous ne voulez pas que les autres sachent combien d'argent vous y consacrez. Je comprends.

M. Hislop : Je vous assure que je n'en sais rien.

Le sénateur Moore : J'aimerais vous demander quelques précisions, d'abord au sujet du groupe Egmont et ensuite, en ce qui concerne la base ELMER. Pour ce qui est du groupe Egmont, votre unité, comme le CANAFE, fait partie de ce groupe. J'ai appris tout récemment, en me préparant pour votre visite, que le groupe Egmont avait ouvert un secrétariat à Toronto en 2007. Je l'ignorais.

M. Hislop : C'est exact.

Le sénateur Moore : Savez-vous quel est le budget annuel de cette unité, qui la finance et comment?

M. Hislop : Je n'en sais rien. Il me semble qu'à la création du groupe, le secrétariat était financé en partie par le gouvernement canadien, mais que ce n'est plus le cas maintenant. Je crois que les membres versent des cotisations annuelles.

Le sénateur Moore : Est-ce que c'est une somme forfaitaire ou est-elle proportionnelle à la population? Savez-vous comment elle est calculée?

M. Hislop : Je ne m'en souviens pas. Je sais que j'ai signé le paiement que nous avons fait, et c'est un paiement annuel.

Le sénateur Moore : C'est simplement une cotisation.

M. Hislop : Oui.

Le sénateur Moore : En ce qui concerne vos relations avec le CANAFE, combien de notes d'information lui envoyez-vous, en moyenne, et combien vous en envoie-t-il au sujet des RAS?

M. Hislop : Je ne peux pas vous donner des chiffres précis, mais il y a deux catégories. Pour la première, il s'agit des notes que nous vous envoyons, tantôt au nom de services de police britanniques, tantôt au nom de la SOCA, et même parfois quand nous estimons que ça présente un intérêt pour le Canada, et à ce moment-là, ce sont de simples notes d'information que nous vous soumettons. Réciproquement, le Canada peut nous envoyer le même genre de notes.

Le sénateur Moore : Et ça arrive combien de fois par an? S'agit-il de 10, 20 ou 1 000 notes par an? Le savez-vous?

M. Hislop : Ce n'est certainement pas le dernier chiffre. Si je me souviens bien, nous avons reçu un total de 700 ou 800 notes, à peu près.

Le sénateur Moore : Que vous avez reçues?

M. Hislop : Oui, et nous en avons envoyé à peu près le même nombre, le Canada comptant parmi les destinataires.

Le sénateur Ringuette : Donc, elles n'étaient pas destinées uniquement au Canada.

M. Hislop : Non.

Le sénateur Ringuette : Elles ont été envoyées à tous les membres.

Le sénateur Moore : Ces notes ont été envoyées à tous les membres du groupe Egmont, et pas seulement au CANAFE, n'est-ce pas?

M. Hislop : Oui.

Le sénateur Moore : Combien y a-t-il de membres?

M. Hislop : Je crois qu'ils sont 127.

Le sénateur Moore : Vous ne savez pas combien d'entre elles étaient destinées uniquement au CANAFE?

M. Hislop : Non.

Le sénateur Moore : Lorsque vous envoyez des notes au CANAFE à propos de citoyens canadiens, je suppose que les informations restent dans la base ELMER pendant un maximum de six ans, d'après ce que vous avez dit. Est-ce que les citoyens canadiens concernés savent que vous avez entré ces informations dans votre base de données? Leur envoyez-vous un avis? C'est vrai que s'ils ont commis une infraction et qu'ils vont être poursuivis, ils le sauront toujours assez tôt, mais sinon, est-ce que vous les informez que ces informations figurent dans votre base de données?

M. Hislop : Je ne peux pas vous donner une réponse précise. Tout ce que je peux vous dire c'est que, lorsque le CANAFE nous envoie une note, nous enregistrons bien sûr les données qu'elle contient, mais celles-ci ne sont accessibles qu'à l'UKFIU et à personne d'autre, à moins que le CANAFE...

Le sénateur Moore : Je pense à la protection de la vie privée et au principe selon lequel les Canadiens doivent être informés lorsque des renseignements les concernant figurent dans une base de données d'un autre pays. Le leur dites- vous?

M. Hislop : Non, certainement pas. Lorsque le CANAFE nous envoie des renseignements, il sait parfaitement comment nous les gérons.

[Français]

Le sénateur Hervieux-Payette : Nous avons entendu le témoignage des deux organismes qui régissent les avocats au Canada. J'ai compris une partie de la réponse à une question de mon collègue tantôt, à savoir que ces derniers participent de plain-pied. J'aimerais avoir plus d'information sur cette question parce qu'on devra l'examiner.

Il s'agit quand même de dizaines de milliers d'avocats à travers le Canada qui passent à travers des milliers de transactions. Il y a aussi le fait que la question des honoraires est totalement exclue. Je suppose qu'en général nos trafiquants de drogue ne détiennent pas nécessairement un compte de banque à la Banque Royale. Alors je tiens pour acquis qu'ils arrivent avec une liasse de billets assez imposante.

Je ne sais pas comment est la situation en Grande-Bretagne, mais il semble que pour tout ce qui a trait au monde criminel, la tendance de blanchir de l'argent via les honoraires des avocats pourrait être assez répandue.

Vos avocats traitent-ils de façon différente les actes juridiques, c'est-à-dire représenter le client devant les tribunaux, rédiger des documents et autres? Se font-ils payer d'avance leurs honoraires ou achètent-ils un immeuble ou font-ils pour leurs clients des placements dans une institution financière?

J'aimerais connaître votre opinion sur les transactions qui visent à blanchir de l'argent. Vos avocats font-ils une différence entre les transactions financières, qu'elles soient immobilières ou autres, et les honoraires qui leur sont payés? Dans les deux cas vous signalent-ils des irrégularités?

[Traduction]

M. Hislop : Je ne suis pas sûr de bien comprendre votre question sur les honoraires.

Le sénateur Hervieux-Payette : Au Canada, quand vous consultez un cabinet juridique prestigieux, on vous demande de faire un dépôt. Les avocats canadiens ne sont peut-être pas aussi bien rémunérés qu'en Angleterre, mais pour une affaire ordinaire, ça peut se chiffrer dans les milliers de dollars, 10 000 ou 20 000 $ qu'il faut avancer avant même que l'avocat ne plaide votre cause. C'est ce qui se fait. Peut-être que, chez vous, il faudrait que j'avance 50 000 £. Est-ce que, dans votre pays, il arrive régulièrement que cette avance soit versée en liquide à l'avocat sans être déclarée?

Le sénateur Moore : Vous parlez d'une provision, d'un acompte.

Le sénateur Hervieux-Payette : C'est ça, un acompte.

M. Hislop : Je dois dire que je ne suis pas au courant de cette pratique, où les gens versent des avances aussi considérables. Je n'ai jamais vu ça.

Le sénateur Hervieux-Payette : Excusez-moi, mais j'ai travaillé pendant 10 ans dans un grand cabinet d'avocats. Nous faisions affaire avec des avocats à Londres, et vous feriez mieux de vous renseigner auprès des avocats qui vous accompagnent, car je peux vous assurer que le versement d'un acompte est une pratique courante chez vous.

Ce qui me préoccupe, c'est que les gens qui commettent ces infractions ont besoin, lorsqu'ils se font prendre, de quelqu'un pour les défendre. Je suis pratiquement sûre qu'ils ne payent pas par chèque. Ils se présentent donc chez l'avocat avec une liasse de billets, car sinon celui-ci n'accepterait pas de les défendre, vu qu'une fois en prison, ces gens- là n'ont plus accès à leurs comptes bancaires, quand ils en ont.

M. Hislop : À mon avis, si ces gens-là se présentent avec de grosses sommes d'argent et qu'ils sont poursuivis pour des infractions liées au crime organisé, il devrait être évident pour tout le monde qu'il y a quelque chose de louche et qu'il faut faire un rapport d'activité suspecte.

Le sénateur Hervieux-Payette : Oui, mais d'après nos lois, ils n'ont même pas besoin de déclarer quoi que ce soit, que le paiement ait été fait en liquide ou par chèque. Ils sont totalement exemptés. Si ce n'est pas le cas chez vous, très bien, mais avec la question du sénateur Massicotte, je sais que, chez nous, lorsqu'une personne veut retenir les services d'un avocat pour acheter un immeuble ou une entreprise, si la transaction est supérieure à 10 000 $, l'avocat refuse l'argent liquide, mais qu'en dessous de 10 000 $, pour 9 999,99 $, par exemple, l'avocat ne déclare pas cet argent. Nous nous demandons donc si nous devrions exiger que l'argent soit déclaré à partir du premier sou, puisque c'est ce que vous semblez faire. À mon avis, il faut que nous précisions cela dans la loi.

M. Hislop : Comme je l'ai dit, il n'y a pas de seuil de minimis chez nous. En cas de soupçon, il faut faire une déclaration.

Le sénateur Hervieux-Payette : Je pense avoir couvert la question. Nous en avons assez pour notre rapport.

Le président : Cela met fin à la première ronde de questions. Nous passons à la deuxième.

[Français]

Le sénateur Maltais : On sait que le Royaume-Uni est la mère patrie des grandes compagnies d'assurance mondiales. Des groupes qui sont venus témoigner nous ont dit que les compagnies d'assurance étaient un endroit où on pouvait blanchir de l'argent, ce qui a été contredit par l'Association des assureurs canadiens.

Dans votre pays, les compagnies d'assurance collaborent-elles avec votre organisme? Et y a-t-il des tentatives d'infiltration pour tenter de faire du blanchiment d'argent?

[Traduction]

M. Hislop : Nous recevons en effet des RAS de la part des compagnies d'assurances. Elles ne sont pas officiellement représentées à notre comité des RAS car elles représentent un créneau assez limité, mais elles nous envoient des RAS.

[Français]

Le sénateur Maltais : En Europe, en particulier depuis l'arrivée des pays de l'Est à l'intérieur de la communauté européenne, il existe un important trafic d'armes. Avez-vous ce problème au Royaume-Uni?

Ces transactions ne se font par l'intermédiare d'institutions financières mais suivant une multitude de petits trafics. Avez-vous dans votre pays à surveiller les activités de blanchiment d'argent pour l'achat d'armes?

[Traduction]

M. Hislop : Je n'en ai pas entendu parler, tout au moins pas dans le contexte des RAS. Il est bien évident qu'à la SOCA, nous avons eu des occasions de nous intéresser au secteur de l'importation d'armements, mais dans le contexte des RAS, je n'en ai jamais entendu parler.

[Français]

Le sénateur Maltais : La drogue est l'un des principaux produits de blanchiment d'argent dans le monde. Quels sont les clients dans votre pays? Quels pays surveillez-vous le plus sur le plan du blanchiment d'argent provenant du marché de la drogue? On les connaît au Canada, mais en ce qui vous concerne, tenez-vous un registre des pays qui sont susceptibles de blanchir de l'argent par le produit de la drogue?

[Traduction]

M. Hislop : Le fait d'être rattachée à la SOCA permet à l'UKFIU d'avoir une portée internationale, comme je l'ai dit dans ma déclaration liminaire. Nous avons un réseau d'agents de liaison à l'étranger, dont certains représentent les intérêts de la SOCA dans le domaine financier. Ils sont surtout postés dans les régions qui nous intéressent le plus, et vous pouvez aisément deviner de quelles régions je veux parler. Par conséquent, même si j'ai dit que les effectifs de l'UKFIU sont assez réduits, notre rayon d'action est beaucoup plus important. Et dans ces pays-là, croyez-moi, nous avons en quelque sorte nos équipes de terrain.

Le sénateur Ringuette : Monsieur Hislop, j'ai sous les yeux le rapport américain...

M. Hislop : Du commissaire à l'information?

Le sénateur Hervieux-Payette : Le rapport du Bureau international des stupéfiants et de l'application de la loi, du département d'État américain, qui s'intitule Volume II : Money Laundering and Financial Crimes, en date de mars 2012. On y passe en revue différents pays, et je dois dire que l'évaluation de votre organisation est excellente.

Le rapport indique qu'en ce qui concerne le blanchiment d'argent, il y a eu 2 439 poursuites et 1 411 condamnations en 2009. C'est beaucoup comparé au Canada, parce que nous avons appris au cours de notre étude qu'il y avait eu une poursuite et une condamnation à une peine d'emprisonnement de neuf mois, après 10 ans.

Est-ce que cela reflète votre niveau d'activité moyen, avec la base de données que vous entretenez pour vos services de police?

M. Hislop : Je n'ai aucune de raison de penser que nos résultats sont différents. Dans les affaires de blanchiment d'argent, chaque service de police a bien sûr sa propre équipe de spécialistes. En plus, nous avons un dispositif composé de 11 équipes régionales de recouvrement des avoirs, si je me souviens bien, où des agents de police et des agents des douanes étudient les dossiers à un niveau supérieur pour réussir à intenter des poursuites. De cette façon, on fait l'économie du niveau intermédiaire à la frontière, mais pas nécessairement au niveau national ou international.

Le sénateur Ringuette : On dit dans ce rapport, à propos du Royaume-Uni :

La Serious Organised Crime Agency, qui comprend l'UKFIU, deviendra la National Crime Agency en 2013.

M. Hislop : C'est exact.

Le sénateur Ringuette : C'est peut-être votre parlement ou un lord qui a fait une étude sur votre unité et qui en a conclu qu'il fallait faire ce changement.

M. Hislop : Non, cette étude remonte à 2006, elle a été publiée en mars 2006, et la SOCA a été créée le 1er avril 2006. L'objectif était d'améliorer le système. C'est un document tout à fait public, qui analyse une organisation en prévision de la création de la SOCA en tant que responsable du système des RAS. La création d'une agence nationale de lutte contre la criminalité est une idée du nouveau gouvernement, qui veut lui confier un mandat beaucoup plus large à partir de la structure actuelle de la SOCA. Ce sera en effet une agence nationale de lutte contre la criminalité, avec un certain nombre de commandements : le crime organisé, la criminalité économique, la surveillance des frontières, ainsi que la lutte contre l'exploitation des enfants et la pédophilie sur Internet. L'objectif est donc de regrouper un certain nombre de...

Le sénateur Ringuette : Vous allez avoir une hyper-agence d'application de la loi et de lutte contre la criminalité.

M. Hislop : Je ne suis pas sûr qu'elle sera « hyper », mais elle regroupera au niveau national différents services de lutte contre la criminalité.

Le sénateur Ringuette : Je comprends.

Le sénateur Moore : Le CANAFE et les autres membres du groupe Egmont ont-ils un accès direct à la base ELMER ou doivent-ils passer par votre unité?

M. Hislop : Ils doivent absolument passer par l'UKFIU, et nous examinons les demandes au cas par cas.

Le sénateur Moore : Enfin, je dois vous dire que j'ai consulté Internet ce matin pour en savoir un peu plus sur vous, mais que je n'ai absolument rien trouvé.

M. Hislop : Sur qui?

Le sénateur Moore : Sur vous. Je ne sais pas comment vous vous y prenez, mais je vous félicite.

M. Hislop : Oui. Au début de la SOCA, nous étions extrêmement discrets, et étant donné la nature de certaines de nos autres activités, nous préférons rester dans l'ombre.

Le sénateur Moore : Merci beaucoup.

Le président : Merci de cette réponse, monsieur Hislop. Manifestement, vous avez d'excellents contacts.

Votre témoignage nous est très utile pour l'étude que nous avons entreprise. Au nom de tous mes collègues du comité, je vous remercie tout spécialement d'avoir pris la peine de venir nous rencontrer.

M. Hislop : Tout le plaisir était pour moi.

(La séance est levée.)


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