Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Banques et du commerce
Fascicule 18 - Témoignages du 16 mai 2012
OTTAWA, le mercredi 16 mai 2012
Le Comité sénatorial permanent des banques et du commerce se réunit aujourd'hui, à 13 h 2, pour étudier la teneur des éléments des Sections 2, 10, 11, 22, 28 et 36 de la Partie 4 du projet de loi C-38, Loi portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 29 mars 2012, et mettant en oeuvre d'autres mesures.
Le sénateur Irving Gerstein (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président : Je déclare ouverte la présente séance du Comité sénatorial permanent des banques et du commerce.
Comme vous le savez, honorables sénateurs, le gouvernement a déposé, le 26 avril, le projet de loi C-38 sur l'emploi, la croissance et la prospérité durable. Un certain nombre de comités du Sénat ont été autorisés à entreprendre une étude préalable de divers éléments du projet de loi afin de faciliter son examen par le Sénat.
Le Comité sénatorial permanent des banques et du commerce a reçu pour mission d'examiner six sections de la partie 4 du projet de loi. Nous avons le plaisir d'accueillir l'honorable James M. Flaherty, C.P., député, ministre des Finances, qui va nous présenter un sommaire de ces six sections, ainsi que d'autres aspects de la Loi de mise en oeuvre du budget.
Je me fais le porte-parole de la majorité des membres de notre comité pour vous remercier des efforts que vous déployez en faveur de la création d'emplois, de la croissance et de la prospérité économique durable des Canadiens et Canadiennes.
Honorables sénateurs, le ministre sera avec nous pendant une heure, après quoi les hauts fonctionnaires resteront pendant la deuxième heure pour répondre à nos questions. Monsieur le ministre, la parole est à vous.
L'honorable James M. Flaherty, C.P., député, ministre des Finances : Merci, monsieur le président. Les personnes qui m'accompagnent pourront, le cas échéant, répondre aux questions plus techniques.
Je suis heureux d'être ici. En tout premier lieu, j'aimerais remercier le président et souligner le travail qu'il a effectué au Comité sénatorial permanent des finances nationales, en particulier relativement à l'étude consacrée à la pièce de un cent, en 2010. Cette étude s'est avérée très utile et capitale, en fait, dans la décision d'éliminer la production de cette pièce, décision entérinée dans le budget présenté cette année.
Au nom de tous les propriétaires de petites entreprises qui détestaient cette pièce et continuent à la détester, et de tous les tiroirs souvent alourdis au Canada par cette pièce encombrante, je remercie le sénateur Gerstein. Je vais essayer de limiter mes commentaires aujourd'hui, afin que nous ayons plus de temps pour les questions.
Je tiens également à remercier le président, le vice-président et tous les membres du comité pour le travail réalisé lors de l'examen parlementaire de la Loi sur le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes. Je crois que l'examen a été complet et j'aurai grand plaisir à recevoir votre rapport et à l'étudier, étant donné que vos observations seront utiles pour établir le cadre du Canada dans ces domaines importants.
[Français]
Cependant, avant de revenir à cette étude, je tiens à remercier le comité d'avoir accepté d'examiner les éléments du projet de loi C-38, Loi sur l'emploi, la croissance et la prospérité durable qui porte sur la réforme du secteur financier et d'autres questions connexes.
Comme vous le savez, le projet de loi C-38 prévoit la mise en œuvre des principales mesures du Plan d'action économique de 2012, des mesures qui vont alimenter la prochaine vague de création d'emplois et qui jetteront les assises d'un avenir sûr et prospère pour le Canada. Même si le Canada affiche l'un des meilleurs rendements au chapitre de la création d'emplois et de la croissance économique, la mise en œuvre du plan d'action est essentielle.
[Traduction]
Le Canada est confronté à un contexte mondial évoluant rapidement, où la concurrence des économies émergentes se fait de plus en plus sentir, alors que la reprise de l'économie mondiale demeure fragile et incertaine, surtout en Europe. C'est en renforçant et en appuyant les bases économiques relativement solides du Canada en matière économique, fiscale et financière que nous aiderons notre pays à tirer parti des défis et des occasions qui se présenteront à lui demain.
En effet, la solidité de notre système financier a été une des plus grandes forces du Canada au cours des récentes turbulences économiques. Il est clair que de nombreux pays du monde se sont inspirés au cours des dernières années du système financier bien réglementé du Canada. Contrairement aux États-Unis, au Royaume-Uni et à l'Europe, le Canada n'a pas eu à renflouer ou nationaliser des banques, ni à acheter des participations en capital.
La revue The Economist faisait récemment remarquer :
Par rapport à la plupart des autres pays, le Canada a mieux traversé la récente récession mondiale, en partie grâce à un système bancaire conservateur et bien réglementé.
De fait, pour une quatrième année consécutive, le Forum économique mondial a considéré le système financier canadien comme un des plus sains du monde.
En outre, les banques canadiennes figuraient encore en tête de liste dans le rapport annuel Bloomberg, publié un peu plus tôt ce mois-ci, faisant état des banques les plus fortes du monde. On peut y lire :
Aucun autre pays n'a dominé la liste autant que le Canada... Les banques canadiennes expliquent ces résultats par leurs niveaux élevés de capitalisation et par la surveillance réglementaire stricte d'un seul organisme de surveillance.
Ce n'est pas la chance qui nous a valu de telles félicitations, car ces résultats sont plutôt attribuables au meilleur système de surveillance et de réglementation du monde. Je dis souvent dans les rencontres internationales que la plupart des banques qui ont fait faillite étaient réglementées — en fait, je pense que toutes ces banques aux États-Unis, au Royaume-Uni, certaines banques régionales allemandes et d'autres en Europe, étaient des institutions réglementées. À mon avis, cela s'explique surtout par l'absence d'une supervision appropriée, supervision dont nous disposons au Canada grâce au surintendant des institutions financières et à son personnel.
Nous ne pouvons pas nous reposer sur nos lauriers. Nous devons rester vigilants, surtout relativement au marché de l'habitation, un secteur clé de notre système financier. Les sénateurs savent bien que notre gouvernement surveille constamment le marché de l'habitation et se tient prêt à prendre, si nécessaire, des mesures prudentes pour assurer sa stabilité continue.
Nous en avons fait la démonstration au cours des dernières années grâce à notre approche responsable et mesurée, à trois occasions, notamment depuis 2008. Nous avons ajusté les règles applicables aux hypothèques assurées par le gouvernement. Ces démarches ciblées et proactives ont permis de renforcer le marché de l'habitation et d'aider les ménages canadiens à ne pas dépasser leurs possibilités financières. Ces modifications ont consisté notamment à imposer un versement minimal comptant de 5 p. 100 des hypothèques assurées par le gouvernement, dans le cas de logements occupés par le propriétaire, et de 20 p. 100 pour les biens spéculatifs; à réduire à 30 ans la période d'amortissement maximale dans le cas des hypothèques dont le ratio prêt-valeur est supérieur à 80 p. 100; à baisser à 85 p. 100 de la valeur de leur habitation le montant maximal que les Canadiens peuvent emprunter pour refinancer une hypothèque. Par ailleurs, nous avons supprimé la possibilité d'avaliser une ligne de crédit hypothécaire grâce à l'assurance gouvernementale.
Le projet de loi que nous examinons aujourd'hui poursuit l'approche responsable et mesurée de notre gouvernement en vue de renforcer le système de financement des habitations. Premièrement, le projet de loi contient une proposition — celle que vous étudiez en ce moment — visant à renforcer le cadre de gouvernance et de surveillance de la Société canadienne d'hypothèques et de logement, afin de faire en sorte que ses activités commerciales soient gérées d'une manière qui encourage la stabilité du système financier.
En vertu de cette proposition, le Bureau du surintendant des institutions financières aurait pour rôle explicite d'évaluer les activités commerciales de la SCHL, en particulier ses programmes d'assurance hypothèque et de titrisation. Le BSIF serait chargé d'examiner et de surveiller la sécurité et la validité des activités commerciales de la SCHL et de faire rapport au conseil d'administration de la SCHL ainsi qu'aux ministres des Finances et de RHDCC.
Ces changements devraient contribuer à améliorer la gouvernance et la surveillance des activités de prêts hypothécaires au Canada, contribuant ainsi à la stabilité du marché de l'habitation, au profit de l'ensemble des Canadiens.
Je remarque que la plupart des observateurs indépendants ont bien accueilli ces changements, beaucoup d'entre eux estimant même que ces mesures auraient dû être prises depuis longtemps. Par exemple, Finn Poschmann de l'Institut C.D. Howe a récemment applaudi ces changements, y voyant « des mesures importantes... pour améliorer les fondements et la stabilité du système canadien pour le financement des habitations. »
[Français]
J'aimerais maintenant parler d'un autre élément du projet de loi, c'est-à-dire la mesure envisagée pour garantir que tous les Canadiens sont protégés par notre réglementation du secteur financier, qui fait l'envie du monde entier. Le gouvernement fédéral a compétence exclusive dans le secteur bancaire, et ce fait est reconnu de longues dates. Je fais allusion précisément au fait que le cadre canadien de réglementation du secteur bancaire s'appuie sur de strictes règles prudentielles qui font en sorte que le secteur bancaire du pays demeure sûr, solide et sur des règles de protection des consommateurs qui insistent sur le droit de ces derniers de disposer du choix et d'une communication transparente des renseignements. Or, les provinces ont tenté, ces dernières années, de réglementer les activités des banques canadiennes dans des domaines habituellement considérés comme relevant de la compétence exclusive du gouvernement fédéral, ce qui s'est traduit par le morcellement, le double-emploi et la confusion en matière de protection des consommateurs.
[Traduction]
Par exemple, selon le Règlement sur le coût d'emprunt (banques) pris en vertu de la Loi sur les banques, tous les clients des diverses banques du Canada doivent recevoir un état récapitulatif clair des taux d'intérêt et des frais lorsqu'ils obtiennent des titres d'autres émetteurs. Cependant, certaines provinces ont tenté d'ajouter une autre réglementation dans ce domaine en imposant différentes règles de communication des renseignements, créant ainsi un système qui est source de confusion, étant donné que les clients reçoivent deux documents potentiellement contradictoires concernant les taux d'intérêt et les frais.
La protection coordonnée et efficace des consommateurs et la réglementation du secteur financier doivent pouvoir s'appuyer sur un seul ensemble de règles et de responsabilités de surveillance. Le préambule de la Loi sur les banques qui a été ajouté dans le projet de loi sur lequel vous vous penchez, se contente de réaffirmer cette compétence et se donne pour objectif de veiller à ce que toutes les activités bancaires au Canada soient régies exclusivement selon les mêmes normes fédérales de haute qualité qui ont si bien servi la population canadienne.
J'aimerais souligner une dernière proposition contenue dans le projet de loi que nous étudions aujourd'hui. Il s'agit de notre volonté de rendre les règles du jeu plus équitables pour les institutions financières canadiennes qui oeuvrent sur la scène internationale, en améliorant leur accès aux capitaux. À l'heure actuelle, de nombreux pays tels que les États-Unis, le Royaume-Uni et l'Australie permettent à des fonds communs de placement du secteur public d'investir dans des institutions financières. Le Canada ne concède qu'un accès limité, même si de tels fonds communs sont déjà autorisés à investir dans d'autres secteurs de l'économie canadienne. Cela place les institutions financières canadiennes dans une position moins favorable par rapport à la concurrence lorsqu'elles souhaitent se procurer des capitaux.
Le projet de loi que nous examinons aujourd'hui contribuera à rendre les conditions plus équitables. Il propose d'autoriser les fonds communs de placement du secteur public à investir dans des institutions financières canadiennes. Cependant, pour être admissibles, les investisseurs devront satisfaire à certains critères, notamment la poursuite d'objectifs commerciaux, sous réserve de l'approbation du ministre des Finances. Comme c'est le cas actuellement, pour obtenir l'approbation ministérielle, les investissements doivent être faits dans le meilleur intérêt du secteur financier et être soumis à un test national de sécurité.
Cette mesure rendra les conditions équitables en offrant aux institutions financières du Canada l'accès à de nouvelles sources d'investissement stables et à long terme, contribuant à la stabilité financière.
[Français]
En bref, les mesures que j'ai mentionnées aujourd'hui sont importantes et contribuent au bon fonctionnement d'un système financier qui répond aux besoins des Canadiens et soutient notre prospérité économique future.
Je vous remercie de votre attention.
[Traduction]
Les collaborateurs qui m'accompagnent aujourd'hui et moi-même sommes prêts maintenant à répondre aux questions des membres du comité.
Le président : Merci infiniment, monsieur le ministre.
Vous venez tout juste de faire remarquer que le Canada s'en tire très bien alors que le monde se remet de la crise économique qui a touché tous les pays. Tel que prévu dans le budget, on assiste à une croissance modérée au Canada. Le niveau de confiance des entreprises est à la hausse. Nous affichons le taux de création d'emplois le plus fort du G7, y compris les plus fortes croissances mensuelles de l'emploi consécutives au cours des trois dernières décennies, en mars et avril.
Parallèlement, nous prenons conscience de la fragilité de l'économie mondiale lorsque nous entendons les nouvelles en provenance d'Europe où il est question d'instabilité politique et d'échec des tentatives de résolution de problèmes, en particulier en Grèce, ces derniers jours.
Pourriez-vous commenter la situation en Europe et l'impact qu'elle est susceptible d'avoir sur le secteur financier canadien, et nous dire de quelle manière le Budget 2011 pourrait répondre à cette situation?
M. Flaherty : La situation en Europe est très préoccupante. Elle nous inquiète depuis plusieurs années, depuis le début de « la grande récession », comme disent les économistes. Les mesures prises dans la zone euro n'ont pas été suffisantes pour faire face à cette situation. Depuis plusieurs années, nous encourageons nos amis de la zone euro à prendre des mesures draconiennes pour trouver une solution au problème. À la fin de l'année 2008 et au début de l'année 2009, le gouvernement des États-Unis a adopté une telle approche faisant appel à des billions de dollars pour surmonter les problèmes auxquels faisaient face les institutions bancaires aux États-Unis à l'époque. Cette approche a permis de rétablir leur crédibilité.
Ce n'est pas du tout la même chose dans la zone euro. Aujourd'hui encore, la Banque centrale européenne a cessé d'effectuer des transactions avec plusieurs banques en Grèce. Ce ne sont pas de bonnes nouvelles. Cela pourrait provoquer un choc qui toucherait le Canada. L'exposition directe de nos institutions financières au système bancaire grec est relativement limitée.
Cependant, vous savez que les systèmes bancaires du monde entier sont reliés et que les chocs que pourrait subir le système bancaire de la zone euro sont susceptibles d'avoir des répercussions négatives en dehors de l'Europe, sur le système bancaire américain, ainsi que sur le système canadien. Nos banques ont beau être fortes, nous ne sommes pas complètement à l'abri des soubresauts de l'économie mondiale.
Nous pouvons agir de la même manière qu'en 2006, 2007 et 2008 et opter pour un budget équilibré, payer la dette publique, nous assurer que nous disposons d'un système de réglementation et de surveillance solide et faire preuve de constance dans ce domaine afin de protéger le Canada du mieux que nous pouvons pour nous prémunir contre les chocs en provenance de l'extérieur.
[Français]
Le sénateur Hervieux-Payette : Bienvenue, monsieur le ministre. Je vais vous poser trois petites questions.
Premièrement, pourquoi les lois qui n'ont aucun impact financier sur le budget ont-elles été incluses dans le budget?
Deuxièmement, je n'ai pas encore compris la décision de mettre la Société canadienne d'hypothèques et de logement sous la gouvernance de l'Inspecteur des institutions financières et, à ce moment-là, est-ce que la société — je pense que c'est Genworth, une société américaine dont le gouvernement également garantit les prêts hypothécaires — est-ce que cette société sera couverte et, dans un esprit de libre marché, perdra-t-elle son pouvoir de protéger toutes les hypothèques?
[Traduction]
Compte tenu de la récente faillite de J.P. Morgan, je me demande si vous avez prévu un plan et s'il existe dans votre budget des mesures visant à réduire l'exposition de nos banques, en particulier celles qui cherchent à se protéger de la situation qui règne actuellement dans le secteur financier international.
[Français]
M. Flaherty : Je vous remercie de vos trois questions.
[Traduction]
Votre première question est vaste. Vous voulez savoir si nous incluons dans le projet de loi des questions qui n'ont aucun rapport avec la budgétisation. Or, le budget n'est pas simplement un document qui expose la politique fiscale. Le budget de notre gouvernement et des gouvernements antérieurs est un énoncé général de politique. Ce budget est vaste, mais ce n'est pas la première fois que cela se produit. Notre gouvernement et d'autres gouvernements aussi ont présenté des budgets plus volumineux que celui-ci.
Toutes les mesures comprises dans le budget se rapportent au plan économique global que l'on peut essentiellement résumer de la manière suivante : une politique financière saine à moyen terme, des budgets équilibrés et la prise des mesures nécessaires pour faire en sorte que nous disposions d'un plan financier durable au Canada pour la prochaine génération. Il y a aussi les piliers du budget qui concernent le commerce, nos institutions financières, l'innovation et la R- D, afin de nous assurer que nous pourrons disposer de la main-d'oeuvre qualifiée afin de pallier la pénurie de main- d'oeuvre à laquelle nous ferons face au Canada, ainsi que d'autres mesures financières indispensables pour le bien de notre pays à long terme. Tout cela se retrouve sous le parapluie de l'emploi, de la croissance et de la prospérité économique durable.
Quant à votre deuxième question concernant le BSIF, je serai bref. Le BSIF réglemente déjà les autres compagnies d'assurance hypothèque, Genworth et une autre, qui exercent dans le secteur privé. Nous allons tout simplement placer ce secteur de la SCHL sous la supervision du Bureau du surintendant des institutions financières.
Dans le cas de J.P. Morgan et de cette perte de 2 milliards de dollars l'autre jour, il s'agissait d'opérations pour son propre compte. La banque J.P. Morgan utilisait exclusivement ses positions propres. Cela se fait très peu dans le système financier canadien. Ces opérations sont rares et relativement peu nombreuses par comparaison au phénomène américain et elles sont soumises à la surveillance du surintendant.
Le sénateur Oliver : Monsieur le ministre, je vous souhaite la bienvenue et je vous remercie d'être là.
J'aimerais vous poser une question au sujet des organismes nationaux de réglementation des valeurs mobilières. Je sais qu'il n'en est pas question dans la loi que nous étudions aujourd'hui, mais c'est une possibilité qui était soulevée dans votre Plan d'action économique 2012.
Comme vous le savez, on compte au Canada 13 organismes différents de réglementation des valeurs mobilières qui ont tous des règles différentes et des degrés différents d'application de la loi. C'est un véritable casse-tête pour les investisseurs, les entreprises et les organismes chargés de l'application de la loi. À l'heure actuelle, la structure de réglementation au Canada est fragmentée.
Un peu plus tôt ce mois-ci, le Globe and Mail a publié un article évoquant différents problèmes et affirmant qu'une telle fragmentation empêche l'émergence de façons nouvelles et novatrices permettant de mieux réunir des capitaux au Canada. L'auteur de l'article faisait allusion à un système appelé « financement collectif » aux États-Unis. Il citait un Canadien né à Edmonton qui dirige actuellement une entreprise aux États-Unis et qui ne reviendra probablement jamais au Canada avec son entreprise, en raison de cette fragmentation. Voici ce que disait cet entrepreneur :
Il faut que le Canada comprenne l'utilité d'un organisme central de réglementation. En plus d'offrir certitude et clarté sur le plan juridique pour tous les intervenants du marché, un organisme unique permettrait l'émergence de marchés plus robustes, plus faciles à accéder et à réglementer. Malheureusement, nous n'en sommes pas encore là.
Monsieur le ministre, nous savons que la Cour suprême du Canada a été saisie de cette affaire et qu'elle s'est prononcée contre cette réglementation. Pouvez-vous expliquer à notre comité quels sont les derniers efforts déployés par le gouvernement à ce sujet afin d'améliorer la réglementation des valeurs mobilières au Canada?
M. Flaherty : Merci, sénateur Oliver. Je vais essayer de vous donner une réponse concise.
Depuis que nous avons été élus, en 2006, nous avons négocié avec les provinces et travaillé avec les provinces et territoires sur ce sujet afin de mettre en place au pays un organisme commun de réglementation des valeurs mobilières dans le but d'obtenir les mêmes résultats qu'avec le Bureau du surintendant des institutions financières, dont nous avons parlé cet après-midi, qui s'est avéré si efficace dans l'application d'une réglementation uniforme au pays.
Sur le marché actuel, selon l'endroit où vous vivez au Canada, vous risquez de passer à côté de certaines occasions d'investissement en raison de la réticence de certains émetteurs de PAPE à payer tous les droits dans les diverses régions du pays. Beaucoup de provinces n'ont pas autant de compétences que les autres dans ce domaine, ce qui est tout à fait naturel.
Nous avons obtenu la collaboration d'une masse critique de provinces et de territoires en vue de la création au pays d'un organisme commun de réglementation des valeurs mobilières. Bien entendu, certaines provinces n'étaient pas d'accord et ont sollicité l'avis de la Cour suprême du Canada. Il est intéressant de noter que dans sa décision, la Cour suprême a enjoint le gouvernement fédéral et les provinces à collaborer en cette matière. Nous avons collaboré et nous continuons à travailler ensemble. Nous faisons tout pour aboutir à une entente.
La Cour suprême du Canada a statué que les provinces avaient compétence dans ce domaine, de même que le gouvernement fédéral. Elle a précisé exactement que le gouvernement fédéral et les provinces partageaient un terrain commun en ce sens que chaque palier de gouvernement a compétence sur certains aspects de la réglementation des valeurs mobilières et que chacun peut collaborer avec les autres pour exercer ses responsabilités.
Plus particulièrement, la Cour suprême a déclaré que la responsabilité globale du système incombait au gouvernement fédéral. Vous pouvez imaginer combien cela peut être difficile, mais nous faisons de notre mieux et nous avons eu d'autres rencontres avec les provinces et territoires. Nous continuons de disposer d'une masse critique favorable à l'adoption d'un organisme commun. Nous poursuivrons nos efforts afin d'obtenir un accord pour le bien du pays.
Le sénateur Massicotte : Merci, monsieur le ministre, d'être venu ce matin. Avant de poser ma question, permettez- moi de vous remercier des précisions que vous avez données à ma collègue afin de lui expliquer pourquoi le projet de loi était si imposant et contenait toutes ces autres modifications. Cependant, ma réaction a été de me dire que ce serait sans doute le seul projet de loi que vous proposerez cette année, car il ratisse si large qu'il comprend tous les projets de loi que proposera le gouvernement. Cela n'est pas ma question.
Parlons de la SCHL. Il s'agit d'un sujet qui relève de la macro-économie. Je crois que vous avez dit il y a quelque temps que le gouvernement envisageait de privatiser la SCHL, ou tout au moins certaines parties de cet organisme. Pouvons-nous en parler brièvement? À l'origine, la SCHL a été créée dans le but particulier de se pencher sur l'endettement dans notre pays. La SCHL a-t-elle atteint ses objectifs et un organisme privé d'assurance hypothèque pourrait-il répondre adéquatement aux besoins des Canadiens dans ce domaine?
M. Flaherty : Merci de votre question. Quand on m'a posé la question récemment, c'était dans le contexte de l'assurance hypothécaire. Est-il inévitable que le gouvernement, le peuple du Canada, dispose toujours d'un organisme d'assurance hypothécaire résidentielle? Je pense que la réponse est négative, car il n'est pas indispensable qu'un tel organisme appartienne toujours au peuple canadien, parce qu'il ne s'agit pas d'un service essentiel. Ce service d'assurance hypothécaire peut être offert et l'est déjà par d'autres organismes.
Comme vous le savez, sénateur, la SCHL a été créée après la Deuxième Guerre mondiale dans le but d'aider les anciens combattants à se loger à un prix abordable au Canada. L'organisme avait un objectif social de logement abordable et, selon moi, c'était un rôle qui incombait au gouvernement. Ce rôle de la SCHL est, d'après moi, un mandat distinct du mandat d'assurance hypothécaire qu'elle offre actuellement aux institutions financières. Au fil des années, ce mandat d'assurance hypothécaire a pris énormément d'ampleur, et nous en sommes très conscients. L'an dernier, nous avons réfléchi à cette question avec le surintendant des institutions financières et d'autres conseillers afin de déterminer quelle serait la meilleure orientation pour la SCHL. Ce que nous proposons dans le projet de loi concerne, comme je l'ai dit, la gouvernance et la supervision de ce volet de la SCHL dans le domaine de l'assurance hypothécaire.
Le sénateur Massicotte : J'aimerais revenir au problème de l'euro qui représente sans doute la menace la plus grande à notre économie actuelle. C'est une question importante. Depuis deux ans, vous avez commenté cette question, fort à propos sans aucun doute, puisque vos appréhensions se concrétisent aujourd'hui.
Nous pouvons formuler des opinions critiques au sujet de la situation en Europe, mais quelles sont les mesures précises que vous recommanderiez? Proposez-vous que l'Allemagne et les autres pays assument conjointement et solidairement la responsabilité de la dette de la Grèce et du Portugal? Vous pouvez toujours faire des suggestions, mais pourrions-nous savoir exactement quelles sont les mesures que vous recommanderiez?
M. Flaherty : Foncièrement, c'est à eux d'agir; il me semble que ce n'est pas au Canada, un pays non européen, de leur dicter ce qu'ils doivent faire. Cependant, je leur recommanderais de ne pas demander au FMI de solliciter des ressources financières auprès de ses membres non européens afin de renflouer les pays de la zone euro.
Il me semble que si la zone euro prétend être une entité économique à part entière, elle doit être prête à venir en aide à ses propres voisins et membres. Comme vous le savez, les pays de la zone euro ont une monnaie commune, l'euro, mais ils n'ont pas de Trésor public commun. Ils n'ont pas créé un poste de trésorier ou un ministère des Finances responsable de la zone euro. Leur alliance économique comprend une union de libre-échange.
Je pense que c'est une question qui concerne foncièrement les membres de la zone euro. Ils doivent décider s'ils souhaitent conserver la zone euro et garder tous leurs membres à bord. Si telle est leur intention, vont-ils renflouer certains de ces États dont la dette publique est devenue insoutenable et les banques qui nécessitent une recapitalisation? Vont-ils les renflouer à partir de leurs propres ressources ou non? Dans la négative, il y aura des conséquences. Selon moi, la zone euro est vraiment arrivée à un point tournant.
Le sénateur Massicotte : Ils vous répondraient qu'ils ont déjà réagi et qu'ils ont investi pas mal de ressources financières, plusieurs milliards de dollars de leur capital, pour garantir ces dettes. Malheureusement, cela n'a pas été suffisant. Cet apport n'a pas été aussi massif que celui des Américains en 2008. Si j'ai bien compris, vous pensez que les pays de la zone euro devraient s'intégrer encore plus et accepter que le passif d'un pays soit le passif de tous.
M. Flaherty : Ou le contraire.
Le sénateur Massicotte : Oui, le contraire étant de faire éclater la zone euro.
M. Flaherty : C'est aux membres de la zone de décider.
Le sénateur Massicotte : Merci, monsieur le ministre.
Le sénateur Greene : Merci beaucoup. C'est un plaisir de vous revoir.
Pouvez-vous expliquer pourquoi vous avez jugé nécessaire dans le projet de loi de renforcer la séparation entre les compagnies d'assurance et les banques en matière de vente au détail de services d'assurance?
M. Flaherty : Pendant longtemps, les règles fédérales découlant de la Loi sur les banques ont maintenu ou tenté de maintenir la séparation entre les services bancaires et les services liés aux assurances. Je dois reconnaître que les banques trouvent le secteur de l'assurance tout à fait attrayant et rentable et aimeraient offrir plus de services d'assurance. Nous essayons — pour des raisons de concurrence et pour des raisons de choix pour les Canadiens — de conserver la distinction entre les services bancaires et les services liés aux assurances.
Les règles sont très claires quant à l'interdiction pour les banques d'offrir des services d'assurance dans leurs succursales. Depuis quelque temps naturellement, depuis l'avènement du phénomène des sites web et de l'Internet, on ne sait pas si cette distinction claire est toujours bien observée par les institutions financières sur leurs sites web par opposition à leurs succursales bancaires. Le projet de loi propose des réformes afin d'empêcher les banques d'offrir des produits analogues aux rentes viagères, complétant ainsi d'autres mesures que nous avons prises récemment relativement à la vente d'assurance. Le principe de base est que les banques ne devraient pas tenter de faire indirectement ce qu'elles n'ont pas le droit de faire directement.
Le sénateur Greene : J'aimerais poser une question complémentaire à celles du sénateur Massicotte. J'ai aimé ce que vous avez dit au sujet du FMI et de notre position à cet égard, et cetera, mais pouvez-vous imaginer que nous soyons tenus de contribuer?
M. Flaherty : Sénateur Greene, cela a commencé en août 2007. Je me souviens que Hank Paulson — qui était à l'époque secrétaire du Trésor des États-Unis — m'avait appelé à la maison un dimanche après-midi au mois d'août. Au cours de notre conversation, nous avions convenu qu'il y avait trop de liquidités dans le monde, trop de liquidités dans le système, et il avait été question du secteur où un problème finirait par se déclarer. Il avait dit : « En tout cas, je sais où se trouve le problème actuellement. C'est sur le marché des prêts hypothécaires à risque aux États-Unis. »
Depuis le mois d'août 2007, nous avons connu continuellement des difficultés dans le secteur du crédit et, bien entendu, dans les économies réelles avec la grande récession. Les problèmes sont toujours là, comme on peut le voir aujourd'hui en Europe.
Je pense que l'Europe doit vraiment faire sa part avant que l'on puisse envisager de solliciter des ressources supplémentaires auprès d'autres pays. Dans ce domaine, les États-Unis partagent le même point de vue. Et d'après notre plus récente réunion au FMI, je peux vous dire que ce point de vue est généralement partagé aussi par les économies émergentes. Il est arrivé que le FMI ait à intervenir pour renflouer divers pays non européens, mais cette aide venait directement du FMI et celui-ci n'avait pas dû réclamer plus d'argent à certains de ses membres pour venir en aide aux pays en difficulté.
Le sénateur Ringuette : Je vais rester sur le même sujet, celui du FMI.
Dans le projet de loi C-38, votre loi budgétaire, à la section 13, il y a une disposition qui propose de faire passer notre engagement au FMI de 6,4 à 11 milliards de dollars. Étant donné que vous avez répondu au sénateur Massicotte que la zone euro ne devrait pas demander au Canada d'augmenter sa contribution au FMI, il est surprenant que vous demandiez, dans le présent projet de loi, de quasiment doubler l'engagement actuel du Canada au FMI. Pouvez-vous nous donner des explications?
M. Flaherty : Merci, madame le sénateur, pour cette question.
Il faut remonter à l'entente signée par les membres du conseil du FMI, auquel siège le Canada pour représenter non seulement le Canada, mais également l'Irlande et les anciennes colonies britanniques des Caraïbes — dont certaines font encore partie du Commonwealth —, entente qui concernait les questions des quotas.
C'est une préoccupation importante pour les économies émergentes qui estiment insuffisant le quota qui détermine leurs droits de vote au FMI, compte tenu de la taille relative de leurs économies en croissance. Ce qu'on nous demande de ratifier ici, ce que nous demandons par l'intermédiaire de ce projet de loi, c'est d'appuyer cette entente que nous avons conclue en matière d'augmentation des quotas, qui a une incidence essentiellement sur les économies émergentes. Il est tout simplement équitable, à mesure que les économies se développent, que les économies plus anciennes dont la croissance est plus lente, cèdent une partie de leurs droits de vote aux pays BRIC et à d'autres grandes économies émergentes.
Le sénateur Ringuette : À quel moment cette entente précise a-t-elle été conclue? Vous en souvenez-vous?
M. Flaherty : Je n'en suis pas certain, mais si j'ai bonne mémoire, c'était en 2010.
Le sénateur Ringuette : Monsieur le ministre, lorsque j'ai posé la question à votre collaborateur cette semaine, nous avons appris qu'en vertu du projet de loi budgétaire, l'engagement du Canada allait passer à 11 milliards de dollars, mais également que l'engagement réel du Canada au FMI, en raison de cette question de quota, était de 24 milliards de dollars, soit quatre fois plus que les 6,4 milliards de dollars versés jusqu'à présent.
Ce sont des engagements qui visent à maintenir les droits de vote du Canada au FMI. Est-ce que ces droits de vote valent vraiment 24 milliards de dollars puisés dans les deniers des contribuables canadiens?
M. Flaherty : Je vais vérifier les chiffres. Je ne sais pas vraiment quel est ce collaborateur et ce qu'il vous a dit à ce sujet. Il n'en est pas question dans le projet de loi étudié par le comité.
Le sénateur Ringuette : Exactement. C'est lorsque j'ai posé la question à un fonctionnaire de votre ministère que le Comité des finances a appris que notre engagement à l'égard du FMI allait passer de 6,4 à 24 milliards de dollars. Soit le représentant de votre ministère n'a pas donné la bonne information aux membres du comité, soit il y a un problème.
Monsieur le président, j'ai une autre question.
Le président : Allez-y.
Le sénateur Ringuette : Lors d'une réunion du présent comité, le 25 avril, j'ai demandé au gouverneur de la Banque du Canada, Mark Carney, quelle était notre réserve de change actuellement et il y a cinq ans. Il y a cinq ans, notre réserve de change était de 30 milliards de dollars; elle atteint aujourd'hui 60 milliards de dollars. J'aimerais savoir pourquoi nous avons doublé cette réserve au cours des cinq dernières années et quelles sont exactement les valeurs? De quoi est composée cette réserve de 60 milliards de dollars? Est-ce des obligations de la zone euro, des devises ou de l'or? Quelle est la composition de cette réserve? Il s'agit de 60 milliards de dollars puisés dans les deniers des contribuables canadiens dont il faudrait rendre compte, d'autant plus que cette réserve a doublé au cours des cinq dernières années.
M. Flaherty : Vous posez une question qui est en fait du ressort du gouverneur de la Banque du Canada puisqu'elle relève de son secteur de responsabilité et de la politique monétaire.
La banque est responsable de la politique monétaire et moi, en tant que ministre des Finances, je suis responsable de la politique financière.
Le sénateur Ringuette : J'ai posé exactement la même question à M. Carney et voici ce qu'il m'a répondu :
Il existe une politique d'investissement stricte, et une attestation annuelle de la continuité des investissements dans les réserves avec la politique d'investissement du ministre des Finances. Ce sont les réserves du gouvernement du Canada, pas celles de la Banque du Canada. Nous les gérons en son nom... elles sont investies dans des valeurs de haute qualité...
Quand j'ai posé précisément cette question à M. Carney, il m'a répondu qu'il n'était pas autorisé à divulguer la composition précise de ces réserves qu'il se contente de gérer pour le ministre des Finances. Vous êtes le ministre des Finances et je vous pose la question.
M. Flaherty : Quelle est la question?
Le sénateur Ringuette : Premièrement, pourquoi avons-nous doublé notre réserve de change au cours des cinq dernières années, les faisant passer de 30 à 60 milliards de dollars? Quelle est la composition précise de ces réserves de 60 milliards de dollars? Sont-elles des valeurs? Des obligations? Des devises étrangères? Proviennent-elles...
Le président : Madame le sénateur, nous allons laisser le ministre répondre.
Le sénateur Ringuette : Bien, mais c'est la deuxième fois que je pose la question.
Le président : Vous avez posé deux questions.
Jeremy Rudin, sous-ministre adjoint, Direction de la politique du secteur financier, ministère des Finances Canada : Il y a deux volets à votre question, madame le sénateur. Premièrement, pourquoi les réserves ont-elles augmenté en valeur au fil des années? C'est une combinaison de deux choses.
La première, c'est que le gouvernement du Canada a décidé explicitement d'augmenter le montant de ses réserves étrangères. Les réserves de change servent à constituer une partie de la liquidité prudentielle du gouvernement du Canada et de répondre aux besoins de financement en devises étrangères susceptibles de se présenter. Le gouvernement estime qu'il est normal que les réserves augmentent au fil des années afin de suivre la croissance de l'économie.
Par ailleurs, la valeur des réserves a augmenté relativement rapidement parce que les actifs sont en devises étrangères et que le dollar canadien a accusé une plus-value par rapport au dollar américain et à l'euro. En conséquence, le même montant d'actifs en devises étrangères — même s'il n'a pas changé — a augmenté de valeur en dollars canadiens au fil des années. Nous faisons un compte rendu...
Le sénateur Ringuette : Environ 5 p. 100?
M. Rudin : C'est une combinaison de ces deux éléments.
Comme le gouverneur l'a mentionné, le Parlement reçoit chaque année un rapport sur les réserves de change. Ce rapport décrit avec précision la composition des réserves détenues. Elles sont composées principalement de dollars américains, mais on y trouve aussi un pourcentage important d'euros.
Notre gouvernement, comme tous les gouvernements du monde, n'a pas l'habitude de donner la liste de toutes les valeurs, parce que ce serait contraire aux intérêts commerciaux du gouvernement et par conséquent du contribuable. Vous ne voulez pas que vos homologues connaissent la composition précise de vos réserves, afin de ne pas avoir à payer plus si vous souhaitez augmenter vos réserves ou accepter moins si vous souhaitez les diminuer.
Le président : Merci, monsieur Rudin.
Le sénateur Moore : Je remercie le ministre et les autres témoins d'être venus aujourd'hui.
Monsieur le ministre, quand je vous entends faire l'éloge du système bancaire canadien, je me dis que vous avez fait beaucoup de chemin. Lorsque vous étiez dans l'opposition, je me souviens de votre réaction et de celle de vos collègues à propos de la déréglementation et des fusions et je note avec plaisir que vous avez accepté les politiques de M. Chrétien et de M. Martin qui nous ont donné les fondements solides que nous avons aujourd'hui.
Vous avez dit dans votre exposé que, pendant la récession, nous n'avons pas eu à renflouer des banques. Or, il me semble que l'argent des contribuables a servi à acheter des hypothèques d'une valeur de plusieurs centaines de millions de dollars détenues par les banques. C'était ici même dans ce comité. Est-ce que je me trompe?
M. Flaherty : C'est exact.
Le sénateur Moore : Je pense que c'est vous qui étiez venu témoigner.
M. Flaherty : Nous avons fait un profit.
Le sénateur Moore : Nous avons fait un profit et c'est très bien. Il fallait le faire.
M. Flaherty : Ce n'était pas un renflouement.
Le sénateur Moore : Eh bien, nous avons eu de la chance. Nous avons fait un profit. C'est très bien.
M. Flaherty : Ce n'est pas une question de chance, nous avons fait un bon investissement qui nous a rapporté 2,5 milliards de dollars.
Le sénateur Stewart Olsen : Bien répondu.
Le sénateur Moore : Bien. À propos de ce renflouement — c'était exactement ça à l'époque, même si l'opération nous a été profitable en bout de ligne — parlez-moi du renflouement des banques canadiennes par la Federal Reserve Bank des États-Unis et du montant de plus de 100 milliards de dollars qu'elles ont reçu. Étiez-vous au courant? Est-ce qu'elles vous tiennent informé lorsqu'elles rencontrent des difficultés dans un autre pays?
M. Flaherty : Aux États-Unis, nous...
Le sénateur Moore : Je crois que cet argent provenait du programme TARP. Je ne sais pas si vous étiez au courant.
M. Flaherty : Je me souviens de la conversation que j'ai eue avec le secrétaire du Trésor et les autres ministres des Finances du G7 à 7 heures du matin, heure normale de l'Est, le 14 octobre. Le secrétaire du Trésor nous a parlé des énormes montants qui allaient être injectés dans le système bancaire américain, selon des modalités si attrayantes que les banques seraient obligées d'y consentir. C'est une décision que le secrétaire du Trésor avait prise avec l'appui du président Bush.
Le sénateur Moore : Il s'agit là de l'argent qui a été injecté dans les grandes banques américaines. Je le sais, car j'ai un ami qui est président d'une de ces banques. Que savez-vous des banques canadiennes aux États-Unis qui ont reçu plus de 100 milliards de dollars?
M. Flaherty : Oui, un montant qu'elles ont remboursé, monsieur le sénateur.
Le sénateur Moore : Oui, je le sais. Je le sais, mais ce que je veux dire, c'est qu'elles étaient en difficulté. Ce n'est pas comme...
M. Flaherty : Elles étaient financièrement...
Le sénateur Moore : Allez-y.
M. Flaherty : Je ne suis pas certain de votre question, mais les banques étaient financièrement saines. Elles avaient un problème de liquidité. Nous avions déjà assuré ces hypothèques par l'intermédiaire de la SCHL, si bien qu'elles étaient de toute façon ajoutées au passif du gouvernement du Canada. Nous avions acheté beaucoup d'entre elles afin d'augmenter les liquidités du système. Nous avons récupéré tout notre argent, et nous avons même fait un profit de 2,5 milliards de dollars.
Le sénateur Moore : Oui, j'ai entendu ça.
M. Flaherty : Ce n'est pas un renflouement.
Le sénateur Moore : C'est tant mieux, parce que c'était l'argent des contribuables canadiens. Ce n'était pas votre argent. Ce n'était pas l'argent de votre gouvernement; c'était l'argent du peuple. Je pense que personne ne savait au Canada que nos banques à charte recevaient de l'argent du programme TARP de la Federal Reserve Bank des États- Unis. Je ne me souviens pas qu'il en ait été question dans les pages financières. C'est Bloomberg qui en a parlé, il y a seulement deux mois environ. Personne n'en avait parlé. Je ne me souviens pas vous avoir entendu en parler, pas plus que les banques. Or, je pense que c'est important de le savoir.
En tout cas, on vous a posé des questions sur l'Union européenne et sur l'évolution possible de la situation là-bas.
Cependant, il y a deux autres choses qui me semblent troublantes. La première est que la dette moyenne des ménages se chiffre actuellement à 152 p. 100 du revenu disponible. J'aimerais savoir ce que vous en pensez.
Deuxièmement, pour moi, le véritable scandale dont personne ne parle, c'est la dette de 16 billions de dollars qu'accusent les États-Unis, dont les intérêts quotidiens s'élèvent à 4 milliards de dollars. Étant donné que nos économies sont si interdépendantes, j'aimerais connaître votre point de vue à ce sujet, et savoir quelles sont les mesures que nous prenons, éventuellement pour protéger l'économie canadienne au cas où les États-Unis ne parviendraient pas à mieux équilibrer leur situation financière. Une des échéances pour le remboursement de cette dette est fixée au 31 décembre 2012. J'aimerais connaître votre point de vue à ce sujet.
M. Flaherty : La situation financière des États-Unis s'est détériorée depuis plusieurs années. Lorsque nous avons été élus pour la première fois, en 2006, nous avions eu un débat sur les mesures que nous pourrions prendre pour protéger l'économie canadienne face au déficit et à la dette des États-Unis. La réponse était que nous devions avoir des budgets équilibrés, rembourser la dette publique et s'assurer que nos affaires étaient en bon ordre.
Et puis, la récession est arrivée. Nous avons mis en application la première partie du Plan d'action économique du Canada et nous avons décidé très rapidement d'accuser des déficits importants afin d'éviter un chômage massif — des millions de chômeurs au Canada — et une longue et grave récession. La formule a donné de bons résultats. La récession n'a duré ici que trois mois. Au Canada, nous n'avons jamais enregistré des taux de chômage à deux chiffres.
Le projet de loi et le budget qui suivra l'automne prochain définiront l'orientation que nous prendrons afin de protéger le Canada du mieux que nous pourrons au cours des prochaines années.
J'ai récemment donné un discours devant des représentants du secteur bancaire à New York et j'ai évoqué tous les éléments positifs que l'on trouve au Canada : notre bon système financier, la réglementation, la supervision, nos banques, et cetera. Un membre de l'auditoire est venu me voir par la suite et m'a dit que j'avais oublié de mentionner quelque chose de vraiment important au sujet du Canada. Quand je lui ai demandé ce que c'était, il m'a dit : « Vous avez un gouvernement qui sait prendre des décisions et les mettre en oeuvre. »
Le sénateur Stewart Olsen : Bravo!
M. Flaherty : L'immobilisme politique est un problème très grave aux États-Unis et beaucoup d'Américains le déplorent. Ils sont incapables de prendre des mesures pour régler leur problème de déficit et de dette. Quelles que soient les mesures qu'ils pourraient prendre — bien entendu, je pense qu'ils devraient réduire les deux —, ils se trouvent dans une position de blocage politique, comme je l'ai dit.
Le sénateur Harb : Merci beaucoup, monsieur le ministre d'être venu avec votre équipe.
Ma première question concerne la modification apportée à la Loi sur les sociétés de prêt et de fiducie. Pouvez-vous nous parler des produits analogues aux rentes viagères — qui sont dans les faits de véritables rentes viagères — et nous expliquer la raison d'être de cette modification? Il s'agit des articles 205 à 208 de la section 2, partie 4.
J'aimerais savoir exactement si cette modification a été proposée en réponse à la demande précise de certaines banques du Canada qui ont décidé d'offrir ce service, par exemple, sous la forme d'un mécanisme de retraite offert aux personnes de 55 ans et plus? Quelle est la raison d'être de cette modification?
M. Flaherty : Je vous en ai donné la raison un peu plus tôt : au Canada, la loi exige la séparation entre les banques qui offrent des services bancaires et les sociétés d'assurance qui offrent des services d'assurance, pour des raisons de concurrence et de choix pour les Canadiens. En effet, le secteur bancaire propose des produits tels que les rentes viagères qui sont, à notre avis, des services d'assurance plutôt que des services bancaires.
Par conséquent, afin de respecter la loi, nous précisons clairement dans le projet qui, s'il est accepté par le Parlement, fera en sorte que de tels produits d'assurance soient offerts par des compagnies d'assurance, si elles le jugent approprié.
Cela modifie également le régime réglementaire, étant donné qu'il est différent pour les sociétés d'assurance et les banques.
Le sénateur Harb : Je vous pose maintenant ma deuxième question pour savoir pourquoi vous voulez autoriser désormais certaines entités fédérales à acheter des actions dans les banques. Jusqu'à présent, c'était interdit. Il y avait bien une raison d'empêcher ces entités du secteur public d'acheter des actions dans les banques. Maintenant, ce serait permis. Pour quelle raison?
M. Flaherty : La raison, c'est que nos institutions financières souffrent d'un désavantage concurrentiel sur le plan international. La plupart de nos concurrents autorisent les fonds communs de placement du secteur public à investir dans les institutions financières de leur propre pays. Comme je l'ai dit, cela permettrait aux institutions financières canadiennes, qui souhaiteraient faire ce type d'acquisitions, d'accroître leur capital, par exemple, en imitant leurs concurrents dans d'autres pays.
Le sénateur Harb : J'ai une dernière question concernant l'obligation pour les employés et les employeurs de déposer leur convention collective.
M. Flaherty : Ah, oui.
Le sénateur Harb : Pourquoi voulez-vous qu'ils déposent un exemplaire de leur convention collective? Et si cela se faisait, est-ce que ce document serait assujetti à la Loi sur l'accès à l'information? Autrement dit, une convention collective conclue entre un employeur et un employé pourrait-elle être rendue publique?
M. Flaherty : Dans le discours du Trône de 2010, le gouvernement avait annoncé qu'il étudierait des façons de mieux protéger les travailleurs dont les employeurs font faillite. Dans le projet de loi, nous demandons aux employeurs du secteur privé assujettis à la réglementation fédérale, d'offrir à leurs employés des régimes d'invalidité de longue durée. Ils seront tenus d'assurer ces régimes et c'est la raison pour laquelle nous voulons pouvoir le constater dans les conventions collectives.
Actuellement, si nous voulons consulter une convention collective, ou si les employeurs ne veulent pas nous la fournir, nous devons les poursuivre pour l'obtenir. Nous pensons qu'il serait plus efficace d'exiger le dépôt d'un exemplaire de la convention collective auprès du ministre du Travail.
Le sénateur Tkachuk : Bienvenue monsieur le ministre, et merci pour les réponses que vous avez fournies jusqu'à présent.
Les offres d'emploi ont continué à augmenter au cours des deux derniers mois. Je pense que c'est positif pour le pays. Cependant, vous avez aujourd'hui l'occasion de commenter cette croissance devant nous et devant la population canadienne. Pouvez-vous nous dire quelles sont les deux ou trois politiques les plus importantes qui sont, d'après vous, à l'origine de cette croissance économique?
M. Flaherty : C'est une bonne question.
Je l'attribue à une bonne assise financière au pays; à de bons principes économiques et financiers. Actuellement, le Canada fait franchement l'envie de la plupart des économies avancées du monde, étant donné que nous avons des assises financières et économiques saines, malgré le fait que nous avons investi massivement les deniers des contribuables et emprunté beaucoup pendant la grande récession. C'était un choix conscient que nous avons fait pour protéger les Canadiens des pires conséquences d'une récession qui nous venait de l'extérieur. Je pense que c'est fondamental.
Je crois également qu'il est fondamental de bâtir une main-d'oeuvre suffisamment formée et abondante pour que notre économie puisse continuer à croître à l'avenir. Je répète que cela fait partie du projet de loi d'exécution du budget et de celui qui sera présenté en automne — cette volonté est inscrite dans le plan budgétaire global ainsi que dans le budget et les documents budgétaires.
C'est extrêmement important pour éviter la stagnation de notre économie au cours des années à venir. Cela entraîne des modifications aux dispositions de l'assurance-emploi qui sont des désincitations à l'emploi, mais par ailleurs, cela encourage les personnes atteintes d'une invalidité à travailler — et beaucoup souhaitent le faire. Cette modification bénéficie également aux personnes âgées qui souhaitent continuer à travailler — et c'est le cas de beaucoup d'entre elles. Dieu merci, nous vivons désormais plus longtemps et en bonne santé. Cette modification est également favorable aux Autochtones puisqu'elle leur ouvre la porte à la formation, surtout les jeunes Autochtones qui souhaitent entrer dans la population active. Tous ces emplois bien rémunérés existent, en particulier dans l'Ouest canadien. C'est un autre élément important du plan économique.
Je vais m'arrêter ici.
Beaucoup de pays ne disposent pas d'un bon plan financier. Non seulement nous en avons un, mais notre gouvernement a montré qu'il est capable de le mettre en oeuvre et de maintenir le cap.
Le président : Merci. Voilà qui termine le premier tour de questions. Dans le deuxième tour, nous avons droit à une seule question. Il faut être très précis.
Le sénateur Ringuette : Merci, monsieur le président.
J'aimerais revenir à la réserve de change et à l'explication de M. Rudin. Pour commencer, l'économie canadienne n'a pas doublé au cours des cinq dernières années.
Deuxièmement, la valeur du dollar canadien a augmenté de plus ou moins 5 p. 100.
Troisièmement, vous nous avez dit que nous avions des euros dans cette réserve de 60 milliards de dollars. Quel est le pourcentage d'euros que contient ce fonds? La situation actuelle de nombreux pays européens risque de se détériorer considérablement, mettant ainsi le dollar canadien en danger et menaçant de diminuer sa valeur.
M. Flaherty : Voilà une question intéressante à laquelle M. Rudin a très envie de répondre.
Le président : Monsieur Rudin, la parole est à vous.
Le sénateur Ringuette : Vous l'avez chargé de répondre à ma première question.
Le président : Une réponse concise, monsieur Rudin.
M. Rudin : Je n'ai pas apporté avec moi toutes les données sur la réserve de change. Cependant, je sais que les deux devises principales sont le dollar américain qui représente plus de la moitié du portefeuille et l'euro qui représente la majeure partie du reste et que nous disposons également d'une petite quantité de yens.
En ce qui a trait à l'exposition des contribuables, je disais que le gouvernement constitue ses réserves en contractant des dettes dans des devises étrangères et que la dette servant par la suite à faire l'acquisition d'actifs étrangers correspond étroitement aux actifs sous-jacents.
Par exemple, le gouvernement a émis, il y a quelques années, une obligation libellée en euros. À mesure que la valeur des actifs libellés en euros chute, la valeur du passif libellé en euros décroît pratiquement au même rythme. De même, lorsque la valeur des actifs libellés en dollars américains augmente, les obligations libellées en dollars américains augmentent aussi pratiquement au même rythme.
Le président : Merci, monsieur Rudin.
Au nom du comité, j'aimerais vous remercier, monsieur le ministre, ainsi que vos collaborateurs, d'être venus témoigner aujourd'hui.
Nous allons suspendre nos travaux pendant 10 minutes, afin de permettre aux membres du comité de se rendre à la Chambre pour signaler leur présence, puis de revenir.
Nous reprendrons la séance à 14 h 10, en compagnie des témoins du ministère des Finances.
(La séance est suspendue.)
——————
(La séance reprend.)
Le président : Mesdames et messieurs les membres du comité, nous allons maintenant nous pencher sur les différentes sections. Je vous demande de procéder section par section en présentant pour commencer une brève introduction pour chacune des sections, après quoi nous passerons aux questions du comité. Nous allons commencer par la section 2 concernant les produits analogues aux rentes viagères.
Monsieur Rudin, veuillez nous présenter cette section.
M. Rudin : Je vais compléter brièvement les commentaires présentés par le ministre à ce sujet.
Les modifications de la section 2 mettent en application une décision ou sollicitent l'approbation du Parlement relativement à une proposition rendue publique en décembre dernier qui visait à clarifier la distinction entre les banques et les sociétés d'assurance afin de préciser dans la loi que les banques ne peuvent proposer des rentes viagères pour la bonne raison que, d'un point de vue de réglementation prudentielle, ces produits doivent être réglementés en vertu des dispositions de la Loi sur les sociétés d'assurance et non pas de celles de la Loi sur les banques; du point de vue des consommateurs et du point de vue du choix, ces produits doivent être offerts par des sociétés d'assurance et non pas par les banques.
Le président : Merci. Passons maintenant aux questions.
Le sénateur Ringuette : J'ai bien compris ce qu'a dit le ministre lorsqu'il a déclaré que vous souhaitiez établir une norme applicable dans l'ensemble du pays aux institutions assujetties à la réglementation fédérale. Toutefois, l'article 2008 interdit également aux coopératives de proposer des rentes viagères. Or, j'ai toujours cru que les coopératives relevaient des compétences provinciales.
M. Rudin : Comme nous venons de le voir, il y a une disposition dans la Loi sur les banques; une disposition semblable existe dans la Loi sur les sociétés coopératives de crédit qui s'applique uniquement aux fiducies et aux sociétés de prêt assujetties à la réglementation fédérale; et enfin, la Loi canadienne sur les coopératives contient une disposition qui concerne uniquement les coopératives assujetties à la réglementation fédérale. Ainsi que vous l'avez indiqué, la grande majorité des coopératives relèvent actuellement de la réglementation provinciale.
Le sénateur Ringuette : Toutes les coopératives, comme Desjardins et les Caisses populaires acadiennes au Nouveau- Brunswick, ne seront pas touchées par cette disposition?
M. Rudin : C'est exact.
Le président : Nous allons maintenant passer à la section 10 concernant les institutions financières.
M. Rudin : Je vais encore compléter brièvement ce qu'a dit le ministre à cet égard. Ici, le gouvernement propose de modifier les lois qui s'appliquent aux institutions financières assujetties à la réglementation fédérale afin que certains fonds communs de placement du secteur public, des fonds souverains et des fonds de pension publics en général — certains d'entre eux uniquement — soient autorisés à acquérir directement des actions dans des institutions financières assujetties à la réglementation fédérale, opération qui n'est pas autorisée en vertu de la réglementation actuelle.
L'achat d'actions serait assujetti à l'approbation du ministre des Finances pour cette catégorie particulière de placements. D'autre part, ces fonds communs de placement devraient respecter certains autres critères conçus pour s'assurer que ces fonds communs soient investis sur la base d'objectifs commerciaux. Comme l'a expliqué le ministre, le but est de fournir aux institutions financières canadiennes des sources supplémentaires d'investissement de capitaux stables et à long terme.
Le sénateur Harb : Quand j'ai posé la question au ministre, il a eu l'amabilité de me donner la première partie de la réponse que j'attendais. J'espère que vous allez me donner la deuxième partie de la réponse. Pourquoi était-il interdit auparavant à ces fonds d'investir dans les banques?
M. Rudin : Je vais faire de mon mieux pour répondre, après vous avoir rappelé que je ne suis pas un historien du cadre législatif canadien.
Je peux vous dire cependant qu'il me paraît assez clair, si l'on consulte l'histoire, qu'une interdiction ferme et assez générale empêche le gouvernement d'être propriétaire d'institutions financières assujetties à la réglementation fédérale; cela s'applique aux gouvernements canadiens, tant au niveau national qu'aux autres paliers de gouvernement, ainsi qu'aux gouvernements étrangers; au fil des ans, ces critères ont été adoucis de manière assez contrôlée et délibérée.
Par exemple, les institutions financières dont les propriétaires sont des gouvernements étrangers ont été autorisées à avoir des filiales en pleine propriété au Canada, en vertu de la loi fédérale. Nous en avons quelques-unes, par exemple, celle de la State Bank of India au Canada, mais ce n'est pas la seule. Une exception a été faite à cet égard.
À la suite de l'aggravation de la crise financière, le gouvernement a proposé et le Parlement a approuvé une disposition permettant au gouvernement fédéral d'acheter des actions dans des institutions financières assujetties à la réglementation fédérale, mais uniquement dans le but de renforcer la stabilité du système financier canadien. C'était une mesure particulière et bien encadrée, une exception par rapport à l'interdiction générale.
Dans le projet de loi S-5 que votre comité a sans doute étudié, le gouvernement proposait d'étendre les possibilités pour les institutions financières appartenant à des gouvernements étrangers au-delà de la capacité d'avoir des filiales en pleine propriété. Ce fut une libéralisation progressive, mais ciblée et contrôlée par comparaison à ce qui était proche d'une interdiction générale.
Le sénateur Harb : Si les nouvelles dispositions avaient été en place lorsque le gouvernement a pris en charge les obligations, par l'intermédiaire de la SCHL et des banques, afin d'éliminer 55 milliards de dollars des livres comptables des banques pour leur fournir des liquidités, le gouvernement n'aurait pas eu besoin d'agir de la sorte; il aurait tout simplement investi dans ces banques et fait d'énormes profits. Est-ce que c'est ce que vous voulez dire?
M. Rudin : Je crois qu'il faut faire une distinction importante entre le fait de détenir des actions d'une banque, opération qui a pour effet d'injecter des capitaux dans une banque, et le fait pour le gouvernement de devenir propriétaire et de prêter de l'argent à une banque ou à une autre institution financière, ou d'acheter les actifs d'une banque. Il est courant, partout dans le monde, à mon avis, pour les gouvernements d'avoir le pouvoir, généralement attribué aux banques centrales, de prêter de l'argent aux institutions financières qui font face à des difficultés. La règle — à peu près la même dans le monde entier — étant que l'on prête à une institution solvable, avec une bonne garantie. C'est un droit dont dispose la Banque du Canada depuis longtemps et dont elle a usé à de nombreuses reprises au cours de la crise financière.
Le Programme d'achat de prêts hypothécaires assurés contient certains éléments analogues, mais il se présentait comme une acquisition d'actifs plutôt que comme un prêt. Encore une fois, permettez-moi de préciser qu'il s'agit de l'achat d'actions dans l'institution et non pas de l'achat d'actifs. Le résultat est similaire, quoique pas exactement le même, au prêt contre une garantie que les banques centrales pratiquaient dans le monde entier.
Le sénateur Ringuette : Vous avez dû faire une évaluation ou vous devez avoir une idée du montant d'argent que les fonds communs de placement du secteur public peuvent investir dans une banque. Quelle est cette estimation?
M. Rudin : Avant de répondre à votre question, j'aimerais porter à votre attention un aspect important. Contrairement à de nombreux investisseurs, un fonds commun de placement du secteur public ne peut acheter des actions dans une institution financière assujettie à la réglementation fédérale que s'il en fait directement l'acquisition auprès de l'institution financière, dans le cadre d'une émission initiale. La loi ne leur permet pas de faire l'acquisition d'actions dans le cadre d'une deuxième émission.
En procédant ainsi, l'institution financière cherche à accroître sa capitalisation globale et elle agit de la sorte pour diverses raisons. Les institutions hésitent à augmenter les émissions d'actions, car cela contribue à diluer le nombre d'actionnaires existants. C'est pourquoi elles doivent avoir une raison particulière d'agir ainsi. Ensuite, elles concluent une entente précise avec un groupe précis d'investisseurs, relativement à cette acquisition.
À l'échelle mondiale, les fonds communs de placement du secteur public détiennent une grande proportion de fonds. Je n'ai pas les statistiques sous la main. Il n'existe aucune façon particulière de faire de telles estimations de ces transactions. Il faut attendre qu'une institution financière assujettie à la réglementation canadienne ait besoin d'acquérir de nouveaux capitaux et souhaite faire appel à un fonds commun de placement du secteur public.
Le sénateur Ringuette : Cette mesure est sur le point d'être proposée dans un projet de loi budgétaire. Je ne peux pas croire que vous ne disposiez d'aucune estimation de tels montants pour des fonds communs de placement canadiens ou étrangers. C'est très difficile à croire.
Ce qui m'inquiète dans tout cela, c'est que, depuis quelques années, nous avons vu nos banques canadiennes atteindre de nouveaux sommets en termes de profits et de bonus accordés à leurs chefs de la direction. Actuellement, les fonds communs de placement du secteur public canadien servent essentiellement au secteur privé pour renforcer son engagement à l'égard de l'économie. Je ne vois pas pourquoi nous devrions soumettre les fabricants ou les autres Canadiens qui contribuent à l'économie, ou pourquoi ils devraient être mis en concurrence avec les banques canadiennes pour attirer les investissements des fonds communs de placement du secteur public. Voilà ce qui me préoccupe dans toute cette affaire. Cette disposition ouvre un nouveau marché pour les fonds communs de placement du secteur public canadien et soumet le secteur privé à des difficultés supplémentaires, alors qu'il a besoin de fonds pour accroître ses mesures de productivité, pour acheter du matériel, pour faire des dépenses en immobilisations, et cetera.
J'espère que vous comprenez qu'en permettant aux fonds communs de placement du secteur public d'acquérir des actions des banques canadiennes, on nuit à la capacité du secteur manufacturier d'avoir accès à ce capital. Est-ce que vous comprenez cela?
Le président : Est-ce une question?
Le sénateur Ringuette : Oui.
Le président : Est-ce que vous comprenez cela, monsieur Rudin?
M. Rudin : Je pense avoir suivi votre argumentation, mais je ne partage pas votre point de vue.
Si je vous ai bien comprise, vous dites que d'autres entreprises canadiennes souhaiteraient accueillir les investissements des fonds communs de placement du secteur public et qu'actuellement — étant donné que les fonds communs de placement du secteur public ne peuvent investir dans des institutions financières assujetties à la réglementation fédérale — leurs investissements canadiens doivent être dirigés vers d'autres sources. Il deviendra très attrayant d'investir au Canada dans des institutions financières assujetties à la réglementation fédérale et cela aura pour effet de réduire les investissements dans d'autres secteurs.
Le sénateur Ringuette : Oui, vous avez bien compris.
M. Rudin : Bien. Je ne partage pas ce sentiment pour plusieurs raisons. Tout d'abord, l'ouverture que nous proposons est relativement restreinte. Les fonds communs de placement du secteur public peuvent de manière générale investir sur le marché primaire ou secondaire dans des sociétés cotées en bourse ou des compagnies privées canadiennes, plus ou moins sans restriction, à l'exception du secteur des télécommunications, ou s'ils détiennent de ce fait une participation majoritaire, ce qui déclencherait l'application de la Loi sur Investissement Canada. La barre est quand même assez haute, puisqu'il faut obtenir l'approbation de l'institution financière assujettie à la réglementation fédérale ainsi que celle du ministre.
Par ailleurs, les fonds communs de placement du secteur public gèrent une quantité importante de capitaux et le Canada est un secteur relativement petit dans l'univers des investissements. Je ne pense pas que les fonds communs de placement étrangers aient déjà tant investi au Canada qu'ils ne puissent augmenter leur présence au Canada.
Le sénateur Tkachuk : L'augmentation des fonds propres de catégorie 1 ne permet-elle pas aux banques d'augmenter leur capacité de prêt aux fabricants et autres entreprises?
M. Rudin : Oui, dans le sens suivant : Au Canada, nous appliquons des normes strictes en matière de fonds propres établies par notre surintendant et que nos banques respectent. Nos banques disposent déjà de capitaux suffisants et sont en bonne position pour se donner les outils nécessaires pour gérer et augmenter les prêts aux particuliers. La nouvelle formule leur donnera la possibilité de se procurer des capitaux lorsqu'elles en ont un besoin particulier, par exemple, en cas de tension sur les marchés financiers mondiaux ou pour financer une expansion qui nécessiterait des capitaux supplémentaires.
[Français]
Le sénateur Hervieux-Payette : Je continuerai dans la même veine. Je suis d'accord avec ma collègue que, malgré les prétentions ou les chiffres qu'on a, à savoir que les banques ont beaucoup de liquidités pour prêter à nos PME et même à nos grandes entreprises, quand on est sur le terrain, on s'aperçoit que ce n'est pas aussi libéral que cela et peut-être même un peu conservateur, la possibilité de prêter aux entreprises canadiennes.
Alors, j'aimerais savoir qui a demandé cette modification. Est-ce qu'elle vous a été faite au ministère des Finances et quand? Parce qu'il faut quand même justifier cette demande. Qui aurait intérêt à faire ces modifications? Est-ce que ce sont les institutions financières, les banques, les sociétés de fiducie et les compagnies d'assurance qui ont demandé cette ouverture?
M. Rudin : Il y a un intérêt généralisé parmi les banques qui sont sous réglementation fédérale et aussi les compagnies d'assurance qui sont sous la juridiction du fédéral. Depuis 2007-2008, lorsque nous avons vu des investissements substantiels des fonds publics communs dans de grandes institutions financières, par exemple UBS, CD, Merrill Lynch, et cetera, on a reçu des représentations de l'industrie demandant si une telle liberté pouvait leur être accordée.
Le sénateur Hervieux-Payette : Donc, ce sont uniquement les compagnies étrangères qui ont fait ces demandes?
M. Rudin : Non, c'est les compagnies canadiennes, en général, qui s'intéressent à élargir le bassin d'investisseurs potentiels.
Le sénateur Hervieux-Payette : Vous passez par une autre porte. Tantôt vous avez parlé d'une banque étrangère qui fait des opérations au Canada en vertu de la partie 2 de la Loi sur les banques. Eux, ils ont déjà peur. Est-ce que c'est parce que dans leur sections, ils n'ont pas la permission de faire ces opérations?
M. Rudin : Malheureusement, je n'ai pas bien compris votre question.
Le sénateur Hervieux-Payette : Je ne me souviens plus du nom. Je crois que vous avez parlé de la banque UBS qui aimerait faire des investissements.
M. Rudin : Par exemple, oui.
Le sénateur Hervieux-Payette : Ma première question est liée à cela.
M. Rudin : Les institutions financières canadiennes ont remarqué que les banques étrangères comme UBS avaient la liberté d'accepter l'investissement des fonds publics communs qui n'étaient pas disponibles à nos institutions. Nous nous sommes demandé si le gouvernement pourrait leur accorder un champ d'action semblable à celui des grandes institutions financières.
Le sénateur Hervieux-Payette : Est-ce que cette mesure existe chez nos partenaires du G8?
M. Rudin : Je crois que les pays du G8 ont un accès plus libéral que celui que nous offrons actuellement. Certains n'ont pas de restrictions que nous pouvons identifier, d'autres ont des restrictions, mais un tel investissement n'est pas du tout interdit.
Le sénateur Hervieux-Payette : Puisqu'il faut la permission du ministre, quels sont les critères établis? On ne voit pas les critères dans la loi. Il n'y a pas de cadre qui nous explique les circonstances dans lesquelles le ministre le permettra.
M. Rudin : Ces critères existent.
Le sénateur Hervieux-Payette : Quels sont les facteurs pertinents?
M. Rudin : J'avoue que c'est difficile à voir parce que cela fait référence aux autres articles de la loi existante qui ne sont pas dans ce projet de loi.
Le ministre peut prendre en considération plusieurs critères tels que l'aptitude de l'investisseur potentiel, en tant que propriétaire ou investisseur dans une institution financière, incluant ses ressources financières, son plan d'affaires, son expérience, sa moralité, son intégrité, son expérience liée aux institutions financières, l'avis du surintendant des institutions financières en ce qui concerne les questions potentielles, l'intérêt du système financier canadien qui est toujours là pour le ministre, ainsi que la sécurité nationale et les relations internationales du Canada.
Le sénateur Hervieux-Payette : Merci, monsieur le président.
[Traduction]
Le président : Monsieur Rudin, je vais vous demander de commenter la section 11 et la section 36, Loi sur les banques, en guise d'introduction. Ensuite, nous accepterons des questions sur ces deux sections.
M. Rudin : Avec plaisir. Cette fois encore, le ministre ayant déjà présenté ces deux sections, je vais me contenter de compléter un peu ce qu'il a dit.
La section 11 propose de modifier la loi afin de renforcer le cadre de surveillance et de gouvernance de la Société canadienne d'hypothèques et de logement. Toutes ces modifications se limitent aux activités commerciales de la SCHL. Comme l'a mentionné le ministre, la SCHL exerce d'autres activités, mais ses activités commerciales couvrent actuellement l'assurance hypothécaire et la titrisation des hypothèques.
Ces améliorations permettront notamment d'inclure dans la loi pertinente des objectifs supplémentaires pour la SCHL afin qu'elle puisse gérer son rendement ou s'acquitter de son mandat commercial. Ces modifications contribueront à favoriser la stabilité du système financier, y compris le marché de l'habitation et conféreront au ministre des Finances des pouvoirs législatifs et réglementaires en matière de réglementation des programmes de titrisation. Comme l'a mentionné le ministre, les modifications confèrent au Bureau du surintendant des institutions financières des pouvoirs à l'égard de l'examen et de la surveillance des opérations commerciales de la SCHL. En vertu des modifications, le sous-ministre du ministère responsable, qui est actuellement Ressources humaines et Développement des compétences Canada, ainsi que le sous-ministre des Finances, siégeront désormais au conseil d'administration de la SCHL.
En outre, la section 11 porte création d'un cadre législatif concernant les obligations sécurisées. Il y a deux ans que le gouvernement a annoncé son intention d'adopter un cadre législatif concernant l'émission des obligations sécurisées. Le projet de loi serait la concrétisation de cette volonté. Les obligations sécurisées sont des titres de créance émis par des institutions financières et réunis dans un fonds d'éléments d'actifs de haute qualité, en général des prêts hypothécaires à l'habitation. Les banques canadiennes sont actives dans ce secteur, de même que la Caisse Desjardins.
Elles ont déjà émis des obligations sécurisées, mais dans un cadre contractuel et non législatif. Le gouvernement avait déjà annoncé qu'il avait l'intention de créer un cadre législatif afin de rendre le marché plus robuste et plus stable. Cette mesure permettra de concrétiser cet engagement.
Le président : Pouvez-vous, s'il vous plaît, nous présenter un sommaire de la section 36?
M. Rudin : Bien sûr.
Le ministre en a parlé brièvement. La section 36 ajoute à la Loi sur les banques un préambule qui vise à préciser que la loi a pour objectif de faire en sorte que les activités bancaires entreprises par les banques partout au Canada soient régies selon les mêmes normes fédérales de haute qualité. L'objectif du préambule est de réaffirmer l'intention du Parlement, une fois que le projet de loi sera approuvé par le Parlement, de faire en sorte que les activités bancaires relèvent exclusivement des compétences fédérales.
Le sénateur Harb : J'aurais quelques questions au sujet de la section 11. Le gouvernement semble vouloir qu'un sous-ministre siège au conseil d'administration de la SCHL. Qu'en est-il des autres sociétés d'État? Les sous-ministres sont-ils membres d'office de ces sociétés?
M. Rudin : Il y a toutes sortes de configurations. N'étant pas un expert dans ce domaine, je vous en parle sous toutes réserves. Cependant, je pense que la majorité des sociétés d'État n'ont pas de membres d'office, même si cette formule est très courante dans le secteur financier. Je pense que la Société d'assurance-dépôts du Canada a cinq membres d'office : le sous-ministre des Finances, le gouverneur de la Banque du Canada, le surintendant des institutions financières, le surintendant adjoint des institutions financières et le commissaire de l'Agence de la consommation en matière financière du Canada. Dans le cas de la Banque du Canada, le sous-ministre des Finances est membre d'office.
Le sénateur Harb : En lisant les articles et en prenant un peu de recul, ce qui me frappe, c'est que j'ai l'impression que l'on se dirige vers la privatisation de la SCHL. Est-ce vers là que nous nous dirigeons avec de telles mesures?
Vous la placez sous la responsabilité du BSIF. Vous lui imposez un conseil d'administration et toutes sortes de règles et de règlements. Vous voulez créer un registre. Dites-moi ce qu'il en est.
M. Rudin : Le ministre en a parlé lorsqu'on lui a posé une question relativement à certaines de ses récentes déclarations à ce sujet. Il a été très clair. À très long terme, croit-il que la seule formule possible soit de disposer d'un organisme d'assurance hypothécaire appartenant au gouvernement? Il a été très clair là-dessus aujourd'hui et la réponse est non. Par ailleurs, il a bien précisé qu'il ne s'agit pas d'un dossier sur lequel il travaille actuellement.
Bien entendu, je ne peux pas me prononcer de manière plus précise que le ministre à cet égard.
Le sénateur Ringuette : L'article 352 prévoit que le ministre des Finances peut non seulement approuver la garantie des titres vendus par la SCHL, il donne également au ministre des Finances le pouvoir de fixer les droits que la société d'État devra payer pour pouvoir émettre des titres en garantie des hypothèques.
Le président : Quelle est la question?
Le sénateur Ringuette : Ma question porte sur les droits. Pourquoi le ministre des Finances imposerait-il des droits à une société d'État simplement pour l'autoriser à vendre des titres sécurisés? Quel serait le montant de ces droits? Là encore, c'est en rapport avec l'article 352.
M. Rudin : En vertu de la Loi nationale sur l'habitation et par l'intermédiaire des programmes de titrisation, des titres adossés à des créances hypothécaires et des obligations hypothécaires du Canada, la SCHL fournit une garantie aux investisseurs : ils récupéreront leur capital et recevront en temps opportun le paiement de tous les intérêts. C'est très précieux pour les investisseurs, car ils savent que la SCHL est un agent de l'État et que ses obligations sont celles de Sa Majesté. Cela fait vraiment partie des activités commerciales de la SCHL.
Le sénateur Ringuette : Le remboursement de ces fonds a toujours fonctionné de cette manière.
M. Rudin : La SCHL se livre à une activité commerciale et cet article du projet de loi prévoit la possibilité, mais non pas l'obligation, qu'un droit soit versé au Trésor public relativement à cette garantie, de la même manière que les institutions financières ou les assureurs, qui ont pour fonction d'offrir des garanties financières, obtiennent un droit. J'aimerais vous signaler que dans certaines circonstances, les sociétés d'État paient des droits au Trésor public.
Par exemple, dans le secteur des pensions, le règlement en matière de pensions permet à une société privée de compenser une partie de son déficit de solvabilité à l'aide d'une lettre de créance émise par une institution financière contre le paiement d'un droit. De la même manière, les nouvelles dispositions de la loi prévoient que les sociétés d'État qui exercent des activités commerciales versent un droit à la Couronne pour que le traitement soit comparable à celui d'une entreprise privée afin de recevoir un soutien au crédit.
Le sénateur Ringuette : Quelle serait l'augmentation que ce droit entraînerait dans le budget de fonctionnement et le portefeuille d'assurance de la SCHL et cette augmentation aurait-elle une répercussion sur les frais payés par le contribuable pour obtenir une assurance hypothécaire?
M. Rudin : L'article 352 fait allusion aux activités de titrisation de la Société canadienne d'hypothèques et de logement plutôt qu'à ses activités d'assurance hypothécaire, et cela donne plusieurs possibilités au ministre des Finances, notamment celle de fixer une limite en matière d'exposition au risque que la SCHL peut prendre et éventuellement exiger un droit pour compenser les risques supplémentaires ou résiduels assumés par l'État.
Le sénateur Moore : Monsieur Rudin, je me demandais si vous pouviez, vous ou vos collègues, m'expliquer ce que c'est exactement une obligation sécurisée. Ce serait utile également pour le public canadien.
M. Rudin : Certainement, avec plaisir.
Une obligation sécurisée est une obligation — un titre de créance — vendue par une institution financière. Il s'agit d'une obligation de l'institution, au même titre qu'une créance non garantie, sauf qu'elle est plus attrayante pour les investisseurs, étant donné qu'elle est adossée par ailleurs à un collatéral apporté en garantie de cette obligation. Par conséquent, si, pour une raison quelconque, l'institution s'avère incapable d'effectuer les paiements, elle est en défaut de paiement. Les détenteurs des obligations sécurisées, plutôt que d'attendre le processus de résolution, ont automatiquement accès à ce groupe d'actifs. Celui-ci est maintenu à une valeur qui est souvent supérieure au montant qu'il faudrait débourser pour honorer cette obligation.
Le sénateur Moore : Rembourser l'obligation.
M. Rudin : Cela rend le titre de créance plus sûr et permet, par exemple, à une institution financière qui n'a pas le cote AAA d'émettre un titre de créance coté AAA.
L'autre avantage pour les investisseurs c'est qu'en cas d'insolvabilité de l'institution émettrice du titre de créance, le remboursement se fera de manière accélérée. S'il s'agit d'une obligation de 10 ans et que l'émetteur devient insolvable au bout de 3 ans, l'institution s'efforcera de verser immédiatement un paiement forfaitaire afin de régler la dette dans le cadre d'un processus de restructuration ou de liquidation. Une obligation sécurisée est garantie par un groupe collatéral qui continue à produire des liquidités, si bien que l'obligation sécurisée continue d'exister tant que le collatéral est suffisant et le remboursement se fera comme prévu, selon le calendrier établi, plutôt que d'être accéléré. Cette formule est également très intéressante pour les investisseurs qui cherchent à obtenir cet actif, parce qu'ils souhaitent harmoniser la période de remboursement avec un autre engagement. Ils ne veulent pas prendre le risque d'un remboursement accéléré.
Le sénateur Moore : Dans l'exemple dont il est question, qui administrerait ces actifs pour s'assurer qu'au bout de sept ans, les détenteurs de l'obligation sécurisée récupèrent leur argent? Qui est chargé d'administrer ces fonds? Est-ce le syndic de faillite?
M. Rudin : Si l'on établit un cadre législatif, c'est justement pour que ce soit défini clairement, à l'intention des investisseurs, bien entendu. Je ne l'ai pas vraiment en tête, mais une partie de la démarche consistera à définir quel sera l'agent chargé d'administrer le groupe collatéral afin d'offrir une garantie supplémentaire aux investisseurs.
Le sénateur Moore : Est-ce que ce ne serait pas l'institution émettrice, la banque?
M. Rudin : Non. Il faut que ce soit une entité non touchée par la faillite.
Le sénateur Moore : Un tiers.
M. Rudin : Toutes les dispositions relatives au fonctionnement de ce programme doivent être précisées dans la loi. La SCHL serait chargée d'administrer le programme.
Le sénateur Moore : Serait-elle le seul administrateur du registre? Je pense que ce serait le cas, d'après ce que j'ai lu dans les documents d'information, mais la SCHL est-elle le seul administrateur désigné?
M. Rudin : Oui.
[Français]
Le sénateur Hervieux-Payette : Une question à SCHL et une sur la partie 36. On se souvient de Fanny May et la Freddie Mac, qui sont devenus tout d'un coup des corporations, revenues entre les mains du gouvernement après avoir failli de façon mémorable.
Je me pose la question sur l'utilité de se mettre à penser à privatiser la SCHL. On peut se demander à ce moment-ci, quand la SCHL va sur le marché pour son financement, est-ce qu'elle n'est pas une société qui peut obtenir des capitaux à des coûts moindres en termes de pourcentage d'intérêt que les sociétés privées, compte tenu que le gouvernement du Canada garantit la SCHL?
M. Rudin : Pour répondre à la question, je vais commencer en vous rappelant qu'il y a deux aspects, grosso modo, des activités de la SCHL. Il y a l'aspect commercial, y compris la titrisation et l'assurance-hypothèque. Dans les activités commerciales, la SCHL ne fait pas de prêt, elle n'a pas besoin de prêter pour prêter à nouveau les fonds aux autres. Bien sûr, pour le logement social, il y a un aspect de prêt. Dans ce cas, c'est le gouvernement qui fait le prêt au début et qui emprunte à nouveau les fonds à la SCHL. Le coût est exactement le même que celui de financement du gouvernement du Canada. Et c'est la même chose avec la Banque de développement du Canada et le Crédit agricole.
Le sénateur Hervieux-Payette : Dans le cas de Genworth et de la SCHL, est-ce que la garantie de prêt dans le cas de la SCHL est de 90 et celle de Genworth de 80?
M. Rudin : La garantie de Genworth et de l'autre compagnie d'assurance hypothécaire privée, Canada Garanty, est vraiment au détenteur de la police d'assurance. Genworth, par exemple, assure une hypothèque qui était émise par une banque et puis la garantie du gouvernement c'est que, en cas de faillite de Genworth, le gouvernement remboursera une partie, pas 100 p. 100.
Le sénateur Hervieux-Payette : Quatre-vingts pour cent?
M. Rudin : Il y a un 90 p. 100, mais dans le sens que le premier dix p. 100, calculé dans le montant principal, au début de l'hypothèque, n'est pas remboursé par le gouvernement. Pour le cas de la SCHL c'est différent parce qu'elle fait partie du gouvernement. La garantie implicite est de remplir toutes les obligations de la SCHL, c'est-à-dire à 100 p. 100. Il y a cette différence.
[Traduction]
Le président : Je tiens à souligner à tous les membres du comité que les questions que nous posons aujourd'hui ont uniquement pour but d'obtenir des précisions. Nous entendrons demain le témoignage du président de la SCHL et nous pourrons continuer à lui poser des questions à ce sujet.
Le sénateur Hervieux-Payette : Ma question suivante concerne la banque. J'aimerais avoir une précision au sujet de la section 36. Quelle est son utilité? En lisant l'explication, j'ai l'impression que l'on cherche à faire indirectement ce qui n'est pas possible directement, c'est-à-dire appliquer aux banques des règles qui seraient nécessairement imposées par une commission de la sécurité nationale.
M. Rudin : Comme le ministre l'a expliqué, la section 36 a pour objet d'exprimer l'intention du Parlement — si et quand le texte sera adopté — de régir les banques exclusivement selon des normes fédérales. Le ministre a donné l'exemple du règlement sur la communication de renseignements aux consommateurs. Actuellement, certaines provinces estiment qu'elles disposent de règlements concernant la communication de renseignements aux consommateurs qui s'appliquent aux banques, de sorte que les banques doivent à la fois se conformer aux obligations fédérales et aux obligations provinciales.
On a affirmé — pas le gouvernement fédéral, mais d'autres sources — qu'il n'y a pas de conflit entre ces deux normes, étant donné qu'il est possible techniquement de respecter les deux. Il est possible de communiquer aux consommateurs les renseignements exigés par la norme fédérale ainsi que ceux exigés par la norme provinciale. Ce préambule qui s'appliquerait à ce secteur particulier établit le point de vue du Parlement selon lequel il existe un conflit et que la norme fédérale de communication des renseignements doit être la seule à s'appliquer, étant donné que la multiplication des normes nuit à l'intention fédérale d'informer clairement les consommateurs. Le double emploi est source de confusion plutôt que de clarté.
Le sénateur Hervieux-Payette : La question de la consommation ne relève pas des compétences provinciales?
M. Rudin : Le point de vue du gouvernement fédéral est que la compétence sur les banques est exclusive. Par conséquent, les obligations de divulgation qui s'appliquent aux banques s'appliquent dans toutes les régions du Canada et sont les seules exigences en matière de communication de renseignements.
Le président : Merci, monsieur Rudin. Nous avons encore deux sections à passer en revue avant 15 heures.
Le sénateur Moore : Merci. J'aimerais aborder un point concernant la SCHL, dans la partie 4.
Dans le cas des 33 milliards de dollars et des papiers commerciaux adossés à des actifs, les investisseurs prennent la quotité ou doivent attendre très longtemps pour récupérer leur argent. Si les règles que vous proposez avaient été en place, est-ce qu'on aurait pu éviter une telle situation?
M. Rudin : C'est une très bonne question, sénateur. Je vais réfléchir à toutes les conséquences.
Le sénateur Moore : Était-ce votre mission ou votre intention lorsque vous avez préparé ces modifications? Avez- vous pensé à cette situation au moment de les mettre au point? Selon moi, il faudrait y réfléchir. Nous en avons déjà parlé au comité au cours de nos travaux portant sur d'autres sujets. Aurait-on pu éviter une telle situation? Dans la négative, pouvez-vous renforcer ces règles de manière à éviter que cela se produise?
Le président : Monsieur Rudin, si vous préférez répondre par écrit, vous pourrez faire parvenir votre réponse au greffier.
M. Rudin : Je pense que ce serait préférable.
Le président : Nous aussi. Nous allons rapidement changer de témoins et nous avons deux autres sections à examiner. Nous allons d'abord écouter les déclarations liminaires et ensuite nous passerons aux questions.
Anthony Giles, directeur général, Direction de la politique stratégique, de l'analyse et de l'information sur les milieux de travail, Ressources humaines et Développement des compétences Canada : Merci beaucoup. Je m'appelle Anthony Giles et je suis directeur général de la Politique stratégique au programme de la main-d'oeuvre de RHDCC. Je vais vous parler de la section 22.
Brièvement, la section 22 propose d'apporter deux modifications distinctes au Code canadien du travail. La première propose de modifier la partie 1 du code afin d'exiger que les employeurs et leurs syndicats soumettent un exemplaire de leurs conventions collectives au ministre du Travail. C'est une exigence qui existe déjà, mais il n'y a aucun mécanisme pour les encourager à le faire. Cette modification changera cet état de chose.
La deuxième modification de la section 22 se rapporte à la partie 3 du Code canadien du travail. La partie 3 concerne les normes de travail. Cette modification obligerait les employeurs dont les régimes d'invalidité de longue durée ne sont pas assurés, à protéger ces régimes par une assurance pour que les employés, qui perçoivent des indemnités d'invalidité de longue durée au moment d'une faillite, puissent continuer à recevoir ces prestations tant que durera leur invalidité. Cette modification concernera les personnes qui commencent à recevoir des prestations au moment où la loi entrera en vigueur. Elle ne sera pas rétroactive.
Gerard Peets, directeur principal, Direction de la planification et de la stratégie, Industrie Canada : Merci. Je suis accompagné de Patricia Brady, directrice chargée de la politique d'investissement en vertu de la Loi sur Investissement Canada.
La section 28 apporterait deux modifications à la Loi sur Investissement Canada. La première consiste à améliorer la transparence en permettant au ministre de l'Industrie ou au ministre du Patrimoine canadien de rendre publics plus de renseignements sur le processus d'examen des investissements. La deuxième modification consiste à ajouter un outil d'application pour encourager les investisseurs à respecter les engagements qu'ils prennent dans le cadre du processus d'examen des investissements.
En matière de transparence, plus précisément, les modifications proposées à l'article 480 du projet de loi permettraient au ministre d'annoncer publiquement qu'il a fait parvenir à un investisseur un avis préliminaire signalant qu'il n'est pas convaincu de l'avantage net probable de l'investissement. Il pourrait également expliquer publiquement les raisons qui l'ont amené à émettre un tel avis, dans la mesure où cela ne porterait pas préjudice à l'entreprise canadienne ou à l'investisseur.
Pour ce qui est de l'application, la modification proposée à l'article 479 du projet de loi autoriserait le ministre à accepter toute garantie de la part des investisseurs pour le paiement de pénalités imposées par un tribunal pour avoir brisé leurs engagements.
Le président : Il nous reste cinq minutes pour les questions. Je vous demande de poser des questions très courtes. Si les témoins ne peuvent y répondre rapidement, ils feront parvenir leur réponse par écrit au greffier qui se chargera de les distribuer.
Le sénateur Hervieux-Payette : Les employés de Nortel auraient-ils été dans une meilleure situation aujourd'hui si cette section avait déjà été en place?
La clarification des critères et leur publication auraient-elles eu une incidence sur l'avenir de Noranda et d'Alcan et des entreprises étrangères qui achètent ces compagnies, dans le sens que ces dispositions auraient permis de protéger la production et les emplois? Bien entendu, si les investisseurs n'investissent pas les 3 milliards de dollars comme ils le promettent, ils feront face à d'importantes pénalités.
M. Giles : Pour répondre rapidement à votre première question, les employés de Nortel n'auraient pas bénéficié de cette nouvelle clause, puisqu'elle ne s'applique qu'aux entreprises placées sous réglementation fédérale. Nortel relève des compétences provinciales.
Le sénateur Hervieux-Payette : Des sociétés comme Air Canada?
M. Giles : Oui, ce serait le cas dans ce genre de sociétés.
Le sénateur Hervieux-Payette : Merci. Et Noranda et d'autres sociétés?
M. Peets : Pouvez-vous répéter la question?
Le sénateur Hervieux-Payette : Je demandais si les nouveaux critères que pourrait appliquer le ministre — en plus d'exiger une plus grande transparence — permettraient de protéger les emplois et de s'assurer que l'acquéreur respecte ses engagements. Très souvent, l'acquéreur affirme qu'il va investir, mais au bout du compte, il se contente d'acheter le droit de fermer l'entreprise et de faire faire le travail à l'extérieur du pays. Quelles seraient les garanties sur le plan de la protection des emplois et de la production?
M. Peets : La nouvelle mesure d'application accorde au ministre le pouvoir d'accepter une garantie pour le paiement. Il n'y a pas de nouveaux facteurs, mais le ministre peut accepter une garantie. Et si un tribunal émet une ordonnance, cette garantie pourra être réalisée.
Le sénateur Hervieux-Payette : Est-ce que ces nouveaux critères protégeraient les emplois d'une façon ou d'une autre? Quand l'acquéreur présente son offre, il s'engage devant le ministre à agir dans le meilleur intérêt du Canada, à protéger les emplois et à investir dans l'entreprise qu'il achète. Je ne pense pas que vous pourrez obtenir une garantie suffisante pour protéger les emplois du personnel.
M. Peets : Le respect des engagements peut inclure plusieurs aspects, mais ils sont tous particuliers. Je ne sais pas si ma collègue souhaite ajouter quelque chose.
Patricia Brady, directrice, Direction de la politique d'entreprise d'investissement, d'insolvabilité et de la concurrence, Industrie Canada : Les modifications proposées en matière d'application n'apporteraient pas de changement aux types d'engagements offerts par les investisseurs. Ces engagements sont donnés sur une base volontaire. Ils ne sont pas imposés par le ministre. Cependant, ils portent souvent sur la protection des emplois pendant une certaine période de temps et sur les autres critères d'avantages nets qui sont définis dans la loi et qui ne changent pas avec ces investissements.
En ce qui a trait au respect des engagements, les modifications visent à encourager les investisseurs à se conformer en offrant des garanties. C'est une façon d'appuyer les engagements en offrant une garantie financière. Les modifications visent à encourager le respect des engagements de cette façon.
Le sénateur Hervieux-Payette : Qui fixe le montant?
Le montant est déterminé par l'investisseur. Celui-ci propose une garantie et en négocie le montant avec le ministre.
Le président : À tous nos témoins, ceux qui sont présents maintenant avec nous et ceux que nous avons entendus plus tôt, je tiens à exprimer mes plus grands remerciements au nom de tout le comité. Merci infiniment. Voilà qui met un terme à nos travaux.
(La séance est levée.)