Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Banques et du commerce
Fascicule 18 - Témoignages du 17 mai 2012
OTTAWA, le jeudi 17 mai 2012
Le Comité sénatorial permanent des banques et du commerce se réunit aujourd'hui, à 10 h 30, afin d'étudier la teneur des éléments des Sections 2, 10, 11, 22, 28 et 36 de la Partie 4 du projet de loi C-38, Loi portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 29 mars 2012 et mettant en œuvre d'autres mesures.
Le sénateur Irving Gerstein (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président : Honorables sénateurs, nous poursuivons ce matin notre étude préalable de certaines sections de la partie 4 du projet de loi C-38, soit la Loi sur l'emploi, la croissance et la prospérité durable. Dans la foulée du travail que nous avons entamé hier en présence du ministre, nous accueillons les représentants de deux organismes qui seront touchés par ce projet de loi.
Au cours de la première heure, nous allons recevoir les témoignages de Karen Kinsley, présidente et première dirigeante de la Société canadienne d'hypothèques et de logement. Elle est accompagnée de Sébastien Gignac, avocat général. Chers collègues, nous disposons d'une heure pour ce groupe de témoins.
Madame Kinsley, vous avez la parole.
Karen Kinsley, présidente et première dirigeante, Société canadienne d'hypothèques et de logement : Je suis très heureuse d'être parmi vous aujourd'hui pour discuter du projet de loi C-38, la Loi sur l'emploi, la croissance et la prospérité durable, dans la mesure où il concerne les activités de la Société d'hypothèques et de logement.
Organisme national responsable de l'habitation au Canada, la SCHL a vu son mandat et ses responsabilités évoluer de façon considérable au cours des six dernières décennies. Cette évolution est particulièrement évidente dans le domaine du financement de l'habitation.
[Français]
Dans les années 1950, la SCHL a mis en œuvre l'assurance-prêt hypothécaire afin de rendre l'accession à la propriété plus abordable aux Canadiens. Nos programmes de titrisation ont pris forme dans les années 1980 avec l'introduction des prêts hypothécaires, suivis des obligations hypothécaires du Canada en 2001.
Plus récemment, on a participé à l'amélioration de la liquidité du marché du crédit, grâce au Programme d'achat de prêt hypothécaire assuré. C'est une mesure temporaire instaurée par le gouvernement au cours de la crise économique mondiale. Ces programmes de titrisation aident à garantir une source de fonds à faible coût pour le financement hypothécaire à l'habitation.
[Traduction]
Au fil des ans, la SCHL est sans contredit devenue une importante institution financière au Canada. Ensemble, notre assurance prêt hypothécaire et nos programmes de titrisation, des activités qui sont exercées sur un mode commercial, sont devenus des éléments essentiels du système de financement hypothécaire et synonyme de solidité et de bon fonctionnement.
La SCHL contribue à la stabilité du système d'habitation en comblant les lacunes laissées sur le marché. D'ailleurs, nous sommes le seul assureur-prêt hypothécaire à offrir de l'assurance pour les grands immeubles locatifs, et une proportion considérable des prêts pour propriétaires-occupants à rapport au prêt-valeur élevé que nous assurons est consentie dans les régions rurales et les petites collectivités, lesquelles sont généralement moins bien servies par les assureurs privés. Ensemble, ces prêts ont représenté 46,5 p. 100 de nos activités d'assurance prêt hypothécaire en 201l.
Comme toutes les grandes institutions financières au Canada — et ailleurs dans le monde — la SCHL se voit imposer des attentes plus élevées en matière de gouvernance, de responsabilisation et de gestion des risques.
Dans le contexte des efforts permanents du gouvernement pour renforcer le système de financement de l'habitation, le budget de 2012 prévoyait des améliorations à apporter au cadre de régie et de surveillance de la société. Des mesures précises visant à concrétiser cet engagement seront adoptées par l'entremise du projet de loi C-38.
Par exemple, le mandat de la SCHL est élargi afin d'inclure désormais la stabilité du système financier, y compris celle du marché de l'habitation, en tant qu'objectif de ses activités commerciales.
En outre, le ministre des Finances aura des pouvoirs législatifs et réglementaires en ce qui a trait aux programmes de titrisation et à tout nouveau programme commercial de la SCHL.
Le Bureau du surintendant des institutions financières, ou BSIF, aura le mandat de juger, au moins une fois par année, de la sécurité et de la solidité des activités commerciales de la SCHL. Le BSIF présentera ses conclusions au Conseil d'administration de la SCHL ainsi qu'au ministre des Finances et au ministre des Ressources humaines et du Développement des compétences.
[Français]
Le conseil d'administration de la SCHL comptera 12 membres votants, au lieu de 10, car le sous-ministre des Ressources humaines et Développement des compétences Canada et le sous-ministre des Finances en feront dorénavant partie.
[Traduction]
À titre de société d'État, la SCHL doit continuer de respecter les exigences en matière de régie et de responsabilisation en vertu de la Loi sur la gestion des finances publiques, de la Loi sur la Société canadienne d'hypothèques et de logement et de la Loi nationale sur l'habitation. Nous continuerons également d'être responsables devant le Parlement, par l'intermédiaire du ministre des Ressources humaines et du Développement des compétences.
Dans le budget de 2012, le gouvernement a également annoncé qu'il présenterait un cadre législatif pour les obligations sécurisées. Un cadre de ce genre favorisera la stabilité financière en aidant les prêteurs à accéder à de nouvelles sources de financement et en accroissant la robustesse du marché des obligations sécurisées canadiennes.
Le projet de loi C-38 établit la SCHL comme l'administrateur du programme des obligations sécurisées. C'est-à-dire qu'elle approuvera les émetteurs, tiendra un registre des émetteurs, des programmes et des garants, entre autres, et qu'elle s'assurera que les émetteurs se conforment aux exigences du programme des obligations sécurisées, notamment en ce qui concerne les informations à fournir.
[Français]
Tous ces changements favoriseront la stabilité du marché de l'habitation et profiteront par conséquent à tous les Canadiens.
[Traduction]
Merci encore de m'avoir donné l'occasion de comparaître aujourd'hui. Je serais heureuse de répondre à toutes vos questions.
Le président : Merci pour cet exposé liminaire, madame Kinsley. Vous disiez que les grands immeubles correspondent à une proportion considérable des prêts que vous assurez. De plus, une proportion importante des prêts pour propriétaires-occupants à rapport prêt-valeur élevé est consentie dans les régions rurales, étant donné que ces dernières sont généralement moins bien servies. Pourriez-vous expliquer au comité quelles sont les différences entre la SCHL et les assureurs privés en ce qui concerne le degré de risque accepté?
Mme Kinsley : Je peux vous citer l'exemple des grands immeubles résidentiels. Cette catégorie comprend, entre autres, les immeubles locatifs ainsi que les maisons de soins infirmiers et les foyers pour personnes âgées. L'exemple le plus évident serait peut-être celui des maisons de soins infirmiers et des foyers pour personnes âgées, étant donné que le soutien des soins de santé représente une composante essentielle de leurs charges d'exploitation. Du point de vue de leur construction, ce sont des installations à vocation particulière. Encore une fois, les risques sont liés tout autant au fonctionnement de l'établissement qu'au bâtiment lui-même. Voilà justement un segment de marché où les assureurs privés ne sont pas du tout actifs. Nous ne sommes pas en mesure de vous dire pourquoi ces derniers refusent de le faire, mais, en même temps, nous savons qu'il s'agit d'établissements à vocation différente, par rapport aux prêts pour propriétaires-occupants que nous accepterions d'assurer, puisque cela correspond en réalité à la grande majorité de nos activités. Dans les localités rurales et de plus petite taille, le problème en est surtout un de masse critique, dans bien des cas. Souvent la perte que subirait un assureur dans un tel segment de marché serait plus élevée parce qu'il s'agit des fois de régions rurales où le marché est plus petit. Ainsi l'étendue du marché, dès lors qu'il s'agit de revendre une propriété, peut être assez minime, de sorte que la perte sera plus élevée. Voilà donc quelques exemples de différences de risque entre les petits marchés ruraux et différents types d'immeubles résidentiels.
Le sénateur Oliver : Comme vous le savez, le comité a, sur plusieurs années, mené des études approfondies sur la question de gouvernance. Par exemple, le comité a examiné la situation de sociétés n'ayant qu'une personne comme PDG et président du conseil d'administration, et a conclu que ce n'était pas une bonne chose et que, pour assurer une bonne gouvernance, ces deux postes devraient être occupés par deux personnes différentes. Il a également examiné les comités de vérification, et a déterminé que, premièrement, les membres du comité de vérification devraient posséder des connaissances en finances et, deuxièmement, que le président devrait avoir la désignation de comptable agréé ou quelque chose de semblable.
Pour ma part, je m'intéresse surtout aux nouvelles exigences en matière de gouvernance et comment vous comptez les remplir. Avez-vous déjà établi des mécanismes en ce sens? Dans l'affirmative, en quoi consistent les différentes étapes et de quelle manière allez-vous modifier votre régime de gouvernance?
Mme Kinsley : Merci pour ces questions. Je voudrais, tout d'abord, répondre à un ou deux points que vous avez soulevés. À ce sujet, je peux vous affirmer que nous suivons à la lettre les pratiques exemplaires en matière de gouvernance que vous avez décrites. Les postes de PDG et de président du conseil sont complètement distincts chez nous. Je suis aussi heureuse de vous signaler que, sur les huit administrateurs qui font actuellement partie de notre conseil d'administration, 50 p. 100 d'entre eux ont la désignation de comptable agréé.
Le sénateur Oliver : Y a-t-il des avocats? Il est toujours bon d'avoir des avocats.
Mme Kinsley : Je préfère ne pas me prononcer là-dessus, sénateur. S'agissant de connaissances financières, comme je l'ai dit dans mon exposé liminaire, nous jouons un rôle important dans ce domaine. Que 50 p. 100 des administrateurs aient ces qualifications-là en dit long sur le sérieux que nous attachons à nos responsabilités. À bien des égards, nous avons déjà incorporé dans nos mécanismes de régie et de surveillance à la SCHL, le genre de mesures que vous décrivez, du moins en ce qui concerne ces deux éléments.
En ce qui concerne les mesures qui s'appliqueront à l'avenir, vu ce qui est recommandé dans ce projet de loi, je dirais que le plus important changement en matière de régie et de surveillance concerne la disposition selon laquelle le Bureau du surintendant des institutions financières sera désormais obligé d'effectuer un examen annuel des activités de la SCHL. Je crois qu'il s'agit là du changement le plus important ou significatif que propose le projet de loi en matière de gouvernance et de surveillance.
Le sénateur Oliver : Vous allez également obtenir deux nouveaux administrateurs. La composition du conseil d'administration passe de 10 à 12, avec l'ajout de deux sous-ministres principaux.
Mme Kinsley : C'est exact. J'ai indiqué justement tout à l'heure que nous aurons deux sous-ministres, le premier de Finances Canada, et le deuxième, de Ressources humaines et Développement des compétences Canada. Il s'agira de membres votants. Leur inclusion portera de 10 à 12 le nombre d'administrateurs de la Société.
Le sénateur Oliver : Avez-vous établi des procédures en vue d'être en conformité avec celles qu'applique le BSIF en matière de surveillance?
Mme Kinsley : Nous sommes prêts à faire l'objet de cette surveillance. Bien entendu, tant que les agents du BSIF n'auront pas entamé leurs activités de surveillance, nous ne saurons pas quels renseignements précis seront exigés.
Depuis de nombreuses années, nous affirmons publiquement que nous suivons d'ores et déjà les directives et lignes directrices du BSIF en ce qui concerne la gestion des capitaux et de gouvernance. Nous sommes au courant des exigences du BSIF relativement aux activités des assureurs hypothécaires privés, et nous suivons bon nombre des directives en question. À certains égards, nous avons déjà une assez bonne idée des éléments clés qui vont les intéresser. Cependant, tant que leurs agents ne seront pas sur place pour faire le travail qui est attendu d'eux, je ne saurai pas vraiment où tout cela peut mener, même si nous sommes ouverts et assez efficaces dès lors qu'il s'agit de répondre aux demandes qui nous sont adressées.
Le sénateur Dawson : Avant de poser des questions qui font suite à celles soulevées par le sénateur Oliver, j'aimerais simplement attirer votre attention sur un courriel que j'ai fait parvenir au président plus tôt. Je voudrais citer le document envoyé par le Barreau du Québec en français. Le barreau a adressé une lettre au sénateur Joseph A. Day en demandant à comparaître au sujet du projet de loi C-38, et en exprimant également le vœu que d'autres comités puissent l'inviter à comparaître. J'ai fait suivre cette lettre au président en lui faisant remarquer que certains comités sénatoriaux sont déjà en train d'étudier le projet de loi, si jamais le Barreau souhaite faire parvenir ses observations. La lettre se lit ainsi :
[Français]
À tout le moins, le Barreau du Québec demande formellement d'être entendu par les comités parlementaires du Sénat et de la Chambre qui seront chargés d'examiner les dispositions relatives à la disposition du projet de loi C- 38.
[Traduction]
Je n'avais pas l'adresse électronique du greffier, et je l'ai donc fait parvenir au président. Je l'ai fait suivre également à moi-même, étant donné que je suis président du Comité sénatorial permanent des transports et des communications. Je ne l'avais pas reçue, mais on m'a informé que le Barreau voulait être entendu et j'ai donc décidé de le transmettre à d'autres présidents de comités.
Donc, toujours sur la question de la gouvernance, vous acceptez de toute évidence que le BSIF surveille vos activités. Ne pensez-vous pas qu'il devrait exercer cette même responsabilité à l'égard d'EDC et de BDC?
Mme Kinsley : C'est une question qu'il faudrait peut-être poser aux responsables du BSIF. Je ne sais pas en quoi consistent le mandat ou les exigences de cet organe. Je crois qu'il est prévu que ces derniers comparaissent devant le comité après nous. Je vous recommande donc de leur poser la question directement.
Le sénateur Dawson : Dans ce cas, j'essaierai de revenir quand ils seront présents.
Le président : Ils vont témoigner pendant la deuxième heure.
Le sénateur Dawson : Je vais donc leur poser la question plus tard.
Le président : C'était ça votre question?
Le sénateur Dawson : C'était ça ma question.
Le sénateur L. Smith : Dans votre exposé et les documents que nous avons reçus au sujet du projet de loi, il est question d'obligations sécurisées. Ces dernières vont-elles remplacer la garantie? Pourriez-vous nous éclairer au sujet des obligations sécurisées et nous expliquer ce que cela signifie pour la SCHL et les consommateurs?
Mme Kinsley : En ce qui concerne la première partie de votre question sur la possibilité que ces obligations remplacent les programmes actuels de titrisation qu'offre la SCHL à l'heure actuelle — c'est-à-dire les obligations hypothécaires et les titres adossés à des créances hypothécaires — la réponse est non. Les obligations sécurisées visent à offrir un nouveau moyen d'accéder à des crédits liés au marché hypothécaire, en dehors des programmes qui sont actuellement en place.
La grande distinction entre les deux programmes concerne les obligations hypothécaires du Canada et les garanties adossées à des créances hypothécaires. Les hypothèques ou prêts sous-jacents sont tous assurés, soit par la SCHL, soit par un assureur privé. Les garanties de remboursement offertes aux investisseurs sont des garanties qu'offre la SCHL au nom du gouvernement. Voilà un mécanisme qui est déjà en place à l'heure actuelle.
La raison pour laquelle les obligations sécurisées constituent une nouvelle façon d'accéder aux crédits concerne deux grandes différences que prévoit le projet de loi : premièrement, les actifs sous-jacents ne seront pas assurés; et, deuxièmement, les garanties de remboursement sont offertes à l'investisseur par l'entité d'émission, et ces garanties sont adossées aux actifs sous-jacents. Donc, il y aura, en réalité, trois programmes distincts. Nous en administrons deux à l'heure actuelle, soit ceux qui concernent les assurances liées aux hypothèques sous-jacentes et les garanties offertes aux investisseurs par le gouvernement; ces programmes ne changeront pas. Le troisième programme est celui des obligations sécurisées, qui ne font l'objet d'aucune garantie du gouvernement relative aux actifs ou au remboursement du capital et des intérêts de l'obligation. Il s'agit de mécanismes différents et la forme de chacun des programmes restera inchangée à l'avenir.
Quant aux consommateurs, les effets de base sont de deux ordres. Premièrement, chacun de ces programmes augmente la capacité des établissements à accéder à une bonne réserve de crédits pouvant financer des prêts hypothécaires. En 2008, nous avons été témoins des conséquences d'un vif resserrement du crédit par suite de la crise économique mondiale. Or, ces programmes faciliteront l'accès au financement hypothécaire sur le marché hypothécaire intérieur.
De façon générale, les consommateurs profiteront de cet accès au crédit par l'entremise de ces programmes individuels. À un niveau plus individuel, ce changement influera sur le coût pour les consommateurs, c'est-à-dire les taux d'intérêt qui s'appliqueront aux hypothèques qu'ils prennent. Les frais liés à ces crédits, qu'ils passent par les programmes de garantie ou le programme d'obligations sécurisées, peuvent faire en sorte de réduire le coût pour les établissements de prêts, par rapport à d'autres sources de financement. Ce coût est normalement répercuté sur les consommateurs, dans un marché concurrentiel, par le biais de taux d'intérêt inférieurs. Il y a la question de l'offre, c'est-à-dire de l'accès au financement dans un premier temps, et celle des coûts, c'est-à-dire les coûts pour les consommateurs qui passent par les taux d'intérêt qu'on leur impose.
Le sénateur L. Smith : Les garanties adossées aux créances hypothécaires vont-elles évoluer avec le temps?
Mme Kinsley : En raison de l'introduction des obligations sécurisées?
Le sénateur L. Smith : Oui.
Mme Kinsley : Non, parce que, pour les obligations sécurisées, le projet de loi prévoit que la valeur maximale du prêt relative aux hypothèques sous-jacentes ne peut dépasser 80 p. 100. Dans notre jargon, il s'agit de prêts à faible rapport prêt-valeur. À l'heure actuelle, la Loi sur les banques, qui est tout à fait distincte de ce dont nous avons parlé jusqu'à présent, exige que toute hypothèque dépassant le seuil de 80 p. 100 soit assurée, soit par nous, soit par un de nos concurrents du secteur privé. Bien que ces dispositions de la Loi sur les banques est toujours en vigueur, il existera toujours des dispositions législatives prévoyant l'émission de prêts hypothécaires assurés. De tels prêts hypothécaires ne sont pas admissibles aux termes du programme des obligations sécurisées.
Le sénateur Ringuette : Au fond, madame Kinsley, ce nouveau programme d'obligations sécurisées que vous allez administrer vise à fournir plus de liquidités aux institutions financières, n'est-ce pas?
Mme Kinsley : C'est exact.
Le sénateur Ringuette : Combien cette nouvelle structure vous coûtera-t-elle?
Mme Kinsley : Nous n'avons pas encore établi cela. Bien sûr, nous avons encore pas mal de travail à faire, à supposer que le projet de loi soit adopté, afin de déterminer quelles doivent en être les conditions et les modalités précises. Selon le projet de loi, les coûts que devra supporter la SCHL seront répercutés sur les émetteurs sous forme de droits. Le projet de loi prévoit l'établissement de ces droits. Il est prématuré d'en parler pour le moment, tant que nous n'aurons pas fait ce travail d'analyse qui nous permettra de déterminer les conditions et les modalités qui s'imposent, par rapport aux paramètres prescrits dans la loi, ainsi que les coûts et, donc, les droits qu'il convient d'établir.
Le sénateur Ringuette : Ces droits seront fixés par le ministre des Finances, si j'ai bien compris ce que prévoit le projet de loi. C'est bien cela?
Mme Kinsley : Le ministre des Finances a le pouvoir, aux termes de la loi, de fixer les droits. Il nous appartiendra de déterminer à combien devraient se monter ces droits, étant donné les coûts que nous devrons supporter, selon notre analyse.
Le sénateur Ringuette : Donc, vous n'avez pas d'estimation des coûts du programme pour la SCHL pour le moment?
Mme Kinsley : Pas pour le moment, sénateur.
Le sénateur Ringuette : Je trouve un peu étrange qu'on décide de faire adopter tout un projet de loi pour vous donner le pouvoir d'émettre des obligations en vue de fournir des liquidités aux banques canadiennes, alors qu'il n'existe aucune estimation du coût de cette démarche.
Mme Kinsley : Je me permets de faire une mise au point : ce n'est pas nous qui allons émettre ces obligations. Ce sont les institutions financières elles-mêmes qui le feront. Pour répondre à la deuxième partie de votre question, non, nous n'avons pas encore d'estimation du coût.
Le sénateur Ringuette : Très bien. Vous savez que le BSIF sera habilité à examiner vos livres?
Mme Kinsley : Oui.
Le sénateur Ringuette : Le BSIF compte recouvrer ses coûts par rapport à ses activités de surveillance.
Mme Kinsley : C'est exact.
Le sénateur Ringuette : Avez-vous une estimation du coût pour la SCHL des activités de surveillance du BSIF?
Mme Kinsley : Non. C'est le BSIF qui nous le dira, en fonction du travail qui doit s'accomplir, à son avis. Nous n'en savons rien pour le moment. J'ai l'impression qu'il en va de même pour le BSIF, tant que ses agents n'auront pas eu l'occasion de se familiariser avec les activités de la SCHL.
Le sénateur Ringuette : En ce qui me concerne, une de vos fonctions consiste à assurer les logements à but non lucratif dont profitent les personnes âgées et les familles. En ce qui concerne le pourcentage que représentent les différents segments de votre portefeuille, vous disiez tout à l'heure que les prêts consentis dans les régions rurales et dans les petits marchés représentent 46,5 p. 100 de vos activités d'assurance prêt hypothécaire; combien donc représente le segment des logements à but non lucratif?
Mme Kinsley : Je voudrais apporter une précision concernant la nature de nos activités dans ce domaine. En ce qui concerne les logements à but non lucratif, ces derniers font généralement l'objet d'un programme de subventions qui est financé à partir de nos crédits parlementaires, c'est-à-dire que le gouvernement vote chaque année des crédits que la SCHL utilise pour financer la construction ou la subvention de nouveaux logements abordables. Cela ne fait donc pas partie de nos opérations d'assurance prêt hypothécaire commerciales. Cependant, ces crédits ne peuvent servir à financer des projets d'habitations à but lucratif qui peuvent être pris en charge par des assureurs commerciaux, dans la mesure où ils sont considérés comme des projets commerciaux viables, selon la composition...
Le sénateur Ringuette : Vous parlez de coopératives d'habitation et de ce genre de choses?
Mme Kinsley : C'est un exemple parmi d'autres, mais ce ne serait pas le cas pour toutes les coopératives. Encore une fois, cela dépend de la nature des logements individuels. Nous envisagerions de les assurer. Je peux vous dire que cela représente une infime partie de nos activités dans le domaine des logements abordables. Je dirais qu'une bonne partie, voire même la majorité, de nos activités dans ce domaine sont financées par nos crédits parlementaires et visent l'octroi de subventions.
Le sénateur Tkachuk : Bienvenue au comité madame Kinsley. À la page 2 de votre texte, vous dites que le BSIF présentera ses conclusions au conseil d'administration de la SCHL, ainsi qu'au ministre des Finances et au ministre des Ressources humaines et du Développement des compétences. Ces conclusions vont-elles être communiquées au public?
Mme Kinsley : Non, je ne crois pas. En fait, le projet de loi renferme des dispositions qui portent directement sur cette question. Comme c'est le cas pour d'autres examens et le travail qu'effectue en général le BSIF, l'information qui en découle demeure confidentielle. Le projet de loi prévoit que ces mêmes dispositions s'appliquent aux examens qu'effectuera le bureau dans le cas de la SCHL.
Le sénateur Tkachuk : Mais vous déposez un rapport annuel.
Mme Kinsley : En effet.
Le sénateur Tkachuk : Votre rapport annuel fera-t-il état de certaines conclusions du BSIF ou d'autres renseignements concernant votre capacité financière à respecter vos obligations? Présentera-t-il au moins certains renseignements liés aux conclusions du BSIF?
Mme Kinsley : Le fait est que nous présentons d'ores et déjà de tels renseignements dans notre rapport annuel — et pas seulement le rapport de cette année qui a été déposé devant la Chambre il y a une semaine. Dans des rapports annuels antérieurs, nous avons fourni de très amples renseignements sur la qualité de notre portefeuille d'assurance prêt hypothécaire, sur notre cadre de capitalisation, sur les « tests de tension » que nous effectuons, de même que sur les résultats de ces tests et les intervalles de confiance, et cetera. Tout cela se poursuivra. Il est possible, d'ailleurs, qu'on fournisse des données encore plus complètes si, dans le cadre de son examen, le BSIF détermine que certaines informations que nous possédons devraient être communiquées au public et faire l'objet de rapports en bonne et due forme. Il ne fait aucun doute qu'on peut toujours les ajouter.
Donc, nous allons toujours nous efforcer de fournir au public des documents qui présentent les informations que requièrent les parlementaires et les citoyens canadiens.
Le sénateur Tkachuk : La SCHL est une société d'État, si bien qu'elle possède de grands instruments bancaires, en plus de mener ses activités dans le domaine du logement social. Le BSIF surveille aussi, bien entendu, les banques sous réglementation fédérale, qui sont privées. Y a-t-il une différence entre les rapports publics du BSIF sur la SCHL, par exemple, comparativement à la Banque Royale? Par exemple, si la Banque Royale avait des difficultés, une alerte quelconque serait donnée. Cette information serait publique.
Mme Kinsley : Encore une fois, je dois dire qu'il existe une différence au niveau du régime de responsabilisation, étant donné que nous sommes une société d'État, et j'ai abordé cela en diagonale dans mon exposé liminaire. Nous sommes tenus de suivre la Loi sur la gestion des finances publiques et d'autres lois auxquelles le secteur privé n'est pas assujetti.
En ce qui concerne la confidentialité et la mesure dans laquelle le BSIF communique ou non les conclusions de ses examens au public, nous pensons que son approche ne sera guère différente pour la SCHL que pour d'autres types d'examens qu'il effectue dans le secteur privé, bien que je ne sois pas au courant de ce en quoi ont pu consister ces examens. Vous voudrez peut-être explorer cette question avec le BSIF.
Le sénateur Tkachuk : En tant qu'administratrice d'une société d'État, êtes-vous d'avis que les conclusions du BSIF devraient être communiquées au public si une entité veut être reconnue comme institution financière?
Mme Kinsley : Comme je l'ai mentionné dans mon exposé liminaire, j'estime qu'il est tout à fait approprié que nous soyons tenus — et nous sommes heureux qu'il en soit ainsi — de nous conformer à des normes plus strictes en matière de gouvernance et de surveillance. Il est essentiel que nous, en tant que société, respections de telles normes, tout comme le secteur privé. Pour ce qui est de la communication d'information et d'explications au public, de transparence et de surveillance, comme le disait le sénateur Oliver, les attentes vis-à-vis de notre façon de faire sont, à vrai dire, tout à fait indépendantes, sans être distinctes de celles que pourrait avoir le BSIF. Nous nous devons de remplir ces attentes. Le BSIF nous aidera à le faire, j'en suis sûre, en nous faisant profiter, entre autres, de pratiques exemplaires. C'est une obligation qui nous incombe de toute façon, vu nos responsabilités en matière de gestion des risques et de surveillance.
Le sénateur Harb : Merci pour votre exposé.
Vous avez un très bon bilan. Quels revenus ou profits avez-vous générés pour le gouvernement du Canada au cours des derniers exercices financiers?
Mme Kinsley : En 2011, 1,5 milliard de dollars.
Le sénateur Harb : S'agit-il du montant après avoir défalqué toutes vos dépenses?
Mme Kinsley : Oui, il s'agit de notre revenu net.
Le sénateur Harb : Mon collègue vous interrogeait concernant la surveillance, étant donné la présence de ministres au sein de votre conseil, et nous comptons demander aux prochains témoins si les conseils d'administration d'autres organismes ont une représentation semblable. Si ce n'est pas le cas, j'ai un peu l'impression qu'on vous impose un carcan et un bâillon, et que vous perdez ainsi la semi-autonomie et la souplesse que vous aviez précédemment, non seulement en raison de la présence de ministres à votre conseil, mais aussi parce que le ministre a le pouvoir de fixer le montant des droits dans certains cas.
Ma question porte sur le programme des obligations sécurisées. Qui administre ce programme en ce moment?
Mme Kinsley : À l'heure actuelle, les obligations sécurisées sont émises par les institutions elles-mêmes sur une base contractuelle. Je me permets de vous expliquer la différence entre ce régime et ce qui est proposé ici. En ce moment, ce sont les institutions, par le biais d'entités qu'elles ont créées, qui administrent leurs propres programmes d'obligations.
En ce qui concerne le projet de loi, même si le processus et les garanties rattachés aux programmes actuels d'obligations sécurisées resteront inchangés, le cadre législatif proposé offre aux investisseurs qui envisagent d'acheter ces obligations un élément de normalisation et de certitude dans l'éventualité où un émetteur manquerait à ses engagements ou deviendrait insolvable.
À l'heure actuelle, les investisseurs doivent s'intéresser aux dispositions contractuelles rattachées aux programmes d'obligations sécurisées qui visent les émetteurs. À l'avenir, ils pourront s'appuyer sur les dispositions de ce cadre législatif pour savoir comment leur investissement serait traité dans un cas d'insolvabilité.
Je vous expliquais dans mon exposé que l'objectif stratégique des obligations sécurisées, comme l'a précisé le gouvernement en annonçant leur introduction, consiste à fournir une autre source d'accès au crédit et aux liquidités, et aussi à améliorer la robustesse des programmes en créant un fondement législatif et une plus grande certitude, au profit des investisseurs cherchant à investir dans ce genre d'instrument.
Le sénateur Harb : Pour moi, ce qui est proposé vous rajoute des responsabilités, au lieu d'atténuer celles que vous exercez déjà — ce qui est très bien. Qui a décidé que c'est vous qui devriez administrer ces obligations? Est-ce le gouvernement ou avez-vous constaté, par suite de consultations auprès des parties intéressées, que les organismes ou entités qui en sont chargés maintenant ne font pas un si bon travail; ou est-ce que vous avez cru bon, en raison des risques, de recommander au ministre que la SCHL se voie confier cette responsabilité? Qu'est-ce qui a donné lieu à ce changement?
Mme Kinsley : C'est le gouvernement qui a pris la décision, tout simplement. Ce dernier a préparé un document de consultation, qui a été communiqué au public, sur toute la question des obligations sécurisées. Ce document posait beaucoup de questions, dont celle de savoir comment ce programme devrait être administré. Je ne suis pas au courant des réponses issues de cette consultation, mais, à la suite de ce processus, le gouvernement a annoncé que c'est nous qui en serions les administrateurs.
Je voudrais apporter une précision, si vous permettez. Il est important de reconnaître que ce changement ne signifie aucunement que les programmes actuels posent problème. En réalité, il est interdit à bon nombre d'investisseurs dans le monde d'investir dans les obligations sécurisées en l'absence de lois nationales qui protègent leurs intérêts. Il s'agit donc d'améliorer un instrument qui existe déjà en l'appuyant sur un cadre législatif en bonne et due forme.
[Français]
Le sénateur Maltais : Vous dites dans votre rapport que la société envoie 46,5 p. 100 de ses prêts en région, dans les centres éloignés. Par rapport à la ville, aux centres urbains, quel est le taux de difficulté, par exemple, en région, où vous avez dit qu'il y a plusieurs pertes, à comparer à ceux des régions urbaines?
[Traduction]
Mme Kinsley : Encore une fois, je dirais que la principale différence entre les petits marchés et les grands centres urbains est la présence ou non d'une masse critique. Dans les petits marchés, un prêteur qui reprend une maison que nous avons assurée doit fournir certains services pendant le processus de revente de cette maison — tondre le gazon, enlever la neige, et cetera. Dans bien des cas, il coûte plus cher d'engager des gens dans les petites localités rurales et, qui plus est, le marché de la revente immobilière est moins étendu que dans un centre urbain. En conséquence, les coûts afférents aux pertes peuvent être plus élevés dans ces petits marchés.
[Français]
Le sénateur Maltais : N'était-ce pas là un objectif lorsque la Société canadienne d'hypothèques et de logement a été créée, de permettre au plus grande nombre de Canadiens à faible revenu d'acquérir une propriété, sans se faire égorger par des taux qui à l'époque étaient un peu usuraires, parce que les banques n'allaient pas en région, il y avait très peu de prêteurs, c'est pour cela que la SCHL a été créée.
Maintenant, lorsque vous parlez de valeur de revente, il faut revenir à la valeur de construction. Est-ce que vous n'avez pas des normes, mettons dans une petite ville, dans une rue où il y a des maisons de 100 000 $, en bâtir une de 450 000 $ à l'autre bout, même si la personne a des revenus qui le justifient, lorsqu'on va revenir à la revente dans le milieu, je ne crois pas qu'on touche son prix. Est-ce que vous avez une surveillance de ce côté-là?
Mme Kinsley : Absolument.
[Traduction]
Permettez-moi de préciser de nouveau que la SCHL a été créée en 1946 afin que les anciens combattants qui revenaient de la guerre aient des logements; ainsi nos activités de financement immobilier n'ont commencé que vers le milieu ou la fin des années 1950. Au départ, nous avions pour rôle de fournir des logements abordables et de soutenir les collectivités, si vous voulez. Voilà donc quelques faits concernant l'historique de la société.
J'ai remarqué que vous avez dit « centrale » en nous nommant, ce qui m'indique que vous êtes près de nos racines, car, si je ne m'abuse, la plupart des Québécois ne l'appellent plus ainsi. Vous avez parfaitement raison : nous tenons compte de la valeur d'une maison quand nous l'assurons; et vous avez également raison de dire que la construction de maisons dans les petits centres et régions rurales coûte moins cher et que le marché supporte des prix inférieurs, par rapport au centre-ville de Toronto, pour une maison semblable.
Chaque fois que nous devons prendre une décision sur une demande de prêt, nous et l'établissement de crédit déterminons, au cas par cas, dans quelle mesure la valeur de la propriété a été établie en fonction du marché où elle se trouve, et si la valeur établie est appropriée, et ce, avant que nous n'acceptions de l'assurer. Si on nous présentait une maison de 400 000 $ dans une rue où les maisons valent 100 000 $, il est évident que nous poserions bien des questions quant au bien-fondé de l'évaluation de cette propriété avant d'offrir de l'assurer.
[Français]
Le sénateur Maltais : J'ai une question concernant les logements « sociaux », dossier sur lequel vous intervenez régulièrement. Je suis rendu à un âge certain et je n'ai jamais vu un gouvernement émettre un budget pour satisfaire les revendications des groupes sociaux. Est-ce que c'est une habitude ou est-ce que cela fait partie de leur mode de vie? Est-ce que le gouvernement investit assez dans les projets d'immeubles sociaux pour les gens à faible revenu ou les personnes âgées? Est-ce que le gouvernement investit assez en collaboration avec les provinces ou est-ce qu'on va entendre encore pendant des siècles les jérémiades, après chaque budget, des groupes sociaux? Vous en construisez 30 000, ils en veulent 60 000; vous en construisez 60 000, ils en veulent 90 000, et cetera. Jusqu'où cela va-t-il aller? Est-ce qu'il y a quelque part une médiane qui vous guide pour dire : prévoyons tel montant et cela devrait suffit, il y aura des logements pour tout le monde?
[Traduction]
Mme Kinsley : Nous tenons compte des besoins grâce aux statistiques sur ce que nous appelons les besoins impérieux en matière de logement. Nous avons une définition bien précise des personnes qui n'ont pas les moyens de se payer un logement. La proportion est normalement de 30 p. 100, et Statistique Canada, à l'aide des données du recensement, nous informe du pourcentage des Canadiens qui sont dans cette catégorie.
Quand nous parlons des besoins, c'est vraiment un chiffre très précis, par rapport à l'idée que se font les gens du nombre de logements qui sont nécessaires.
En réponse à votre deuxième question concernant l'action du gouvernement dans ce domaine, je peux vous dire que les crédits parlementaires qui nous sont affectés dans ce domaine se montent à 2 milliards de dollars par année. Sur cette somme, 1,7 milliard est réservé pour les subventions accordées au titre du parc de logements actuels. Il s'agit d'un montant annuel qui permet d'aider un peu plus de 600 000 Canadiens à faible revenu. En plus des subventions versées au titre du parc de logements actuels, le gouvernement a annoncé un cadre pour la construction de nouveaux logements abordables, dont le financement prévu est de 1,4 milliard de dollars sur les trois prochaines années. Le coût de cette initiative sera supporté à parts égales par les provinces et les territoires. D'ailleurs, je suis heureuse de pouvoir vous annoncer que nous avons maintenant l'accord unanime de l'ensemble des provinces et territoires pour commencer à donner suite à ce nouveau cadre, conformément à cette condition, soit que la contribution fédérale de 50 p. 100 soit complétée par un apport de financement égal de leur part. Et le dernier élément important, en matière de financement, sur lequel j'attire votre attention concerne l'apport supplémentaire de 2 milliards de dollars, par l'entremise du Plan d'action économique du Canada, dont nous bénéficions pour la rénovation des logements sociaux actuels et la construction de nouveaux logements. Ce sont des sommes importantes qui sont engagées en partenariat avec les provinces, les territoires, les organismes à but non lucratif et les coopératives.
La question des besoins repose donc sur une mesure très précise.
[Français]
Le sénateur Maltais : J'ai une dernière question; je pense qu'elle est importante, et je ne sais pas si vous allez pouvoir me répondre. Depuis une vingtaine d'années, il y a un phénomène au Canada, dans les grandes villes, qu'on appelle « les sans-abri ». C'est un phénomène urbain, vous ne voyez pas cela en région, ou très peu, dans des cas exceptionnels. Y a-t-il une façon ou une autre, de par votre société, avec les provinces et territoires, de régler une fois pour toute ce problème de sans-abri — je ne sais pas combien cela représente de personnes, je n'ai pas de statistiques — dont on entend parler? Je trouve cela un peu inhumain, pendant la période d'hiver, que des gens, peu importe ce qu'ils sont, couchent dehors sur des bouches de métro, et cetera, dans des endroits publics, et sans chauffage, sans service sanitaire. Est-ce qu'un jour ou l'autre il y aura moyen de trouver une solution à cela?
[Traduction]
Mme Kinsley : Premièrement, la question des logements pour les sans-abri relève du mandat, non pas de la SCHL, mais de Ressources humaines et Développement des compétences Canada. Ce ministère a lancé une initiative appelée « La Stratégie des partenariats de lutte contre l'itinérance ». Nous travaillons en étroite collaboration avec le ministère dans ce domaine, car, comme vous pouvez vous l'imaginer, le secteur de l'habitation correspond à un continuum qui englobe les personnes qui n'ont pas de logement maintenant, de même que les logements du marché immobilier actuel.
La Stratégie des partenariats de lutte contre l'itinérance est une initiative lancée par le ministère dans 60 collectivités du pays, de concert avec les collectivités locales, les municipalités et divers groupes d'intervenants dans les provinces. Selon moi, les responsables des différents projets vous diraient qu'ils ont réalisé de grands progrès au fil des ans. Quant à savoir s'il est possible d'éliminer complètement l'itinérance, je dirais que c'est difficile. Bien des gens, même quand ils ont accès à un refuge, décident, pour différentes raisons, de ne pas y avoir recours. Le problème de l'itinérance est très complexe parce qu'il concerne, non seulement le manque de logements, mais aussi, dans bien des cas, des problèmes de nature différente, comme la maladie mentale, la toxicomanie, et cetera.
Dans ce monde complexe, je ne prétends pas tout comprendre, mais je comprends certainement la dynamique relative à l'habitation.
Le sénateur Moore : J'aimerais remercier nos témoins pour leur présence.
Ma première question a déjà été posée par le sénateur Tkachuk, car je pensais, moi aussi, que les rapports concernant les activités des organismes qui engagent des fonds publics seraient communiquées au public. Je ne sais pas pourquoi la décision a été prise de confier cette responsabilité au BSIF. J'espère qu'elle n'était pas motivée par le désir d'éviter que ses conclusions soient connues du public. D'ailleurs, je ne sais pas si vous avez vraiment répondu à la question du sénateur concernant ce que vous allez inclure dans votre rapport relativement aux conclusions du BSIF. Vous n'êtes peut-être pas autorisée à tout dire; je n'en sais rien. Nous devrons attendre de voir ce qui arrivera. Savez-vous comment cela va marcher? Avez-vous déjà eu des discussions avec les responsables du BSIF concernant ce que vous pourrez dire dans votre rapport au sujet de leurs conclusions?
Mme Kinsley : Pas encore, sénateur. Je pense que les représentants du BSIF seront à même de vous donner une réponse plus détaillée à ce sujet. Je suppose qu'ils nous réserveront le même traitement qu'aux autres et, autant que je sache, les recommandations ne sont pas nécessairement attribuées au BSIF dans les rapports annuels, et cetera. Cela ne veut pas dire que nous n'allons pas donner suite à leurs conclusions ou recommandations ou que nous n'en parlerons pas dans nos rapports annuels, nos plans d'activités ou dans d'autres documents publics. Quant à savoir si le rapport indiquera avec précision que le BSIF a recommandé telle chose et que la SCHL a fait telle autre chose, selon moi, il ne sera pas aussi spécifique.
Le sénateur Moore : Il y a toute une différence entre la SCHL et la Banque Royale, pour reprendre l'exemple du sénateur. Quoi qu'il en soit, nous verrons comment tout ce processus va se dérouler.
J'ai deux questions. À l'avant-dernier paragraphe de la page 1 de votre texte en anglais, vous dites que le mandat de la SCHL est élargi afin d'inclure désormais la stabilité du système financier, y compris celle du marché de l'habitation, en tant qu'objectif de ses activités commerciales. Comment cela va-t-il se faire? De quelle façon la SCHL réussira-t-elle à atteindre cet objectif, et à quels éléments devez-vous vous intéresser? Ainsi le marché de l'habitation devrait constituer un objectif de vos activités commerciales?
Je suppose que ce n'est pas ce que vous faites actuellement. Peut-être que oui. Pourriez-vous m'éclairer à ce sujet?
Mme Kinsley : Avec plaisir. Aux termes de la Loi nationale sur l'habitation, dans sa forme actuelle — et cela continuera d'être le cas — nous avons certains objectifs à atteindre par rapport à nos activités commerciales — augmenter l'offre de financement hypothécaire et l'accessibilité des logements pour les Canadiens, et améliorer le fonctionnement général du marché de l'habitation.
Les nouveaux objectifs inscrits dans le projet de loi ajoutent un degré de précision à cela dans un contexte d'attente accrue en matière de clarté et de transparence, de gouvernance et de gestion des risques. En d'autres termes, les activités commerciales de la SCHL doivent être menées en tenant compte, délibérément et explicitement, de questions liées à la stabilité du marché de l'habitation dans la mesure où elle influe sur la stabilité du marché financier dans son ensemble.
Le projet de loi précise davantage ces éléments et prévoit ceci à l'article 7.1, en ce qui concerne les objectifs généraux :
a) encourager le fonctionnement efficace et la compétitivité du marché du marché du financement de l'habitation;
On peut dire que cela fait déjà partie de nos objectifs.
b) encourager la stabilité du système financier, notamment du marché de l'habitation, et contribuer à celle-ci; et
Cette référence générale au système financier ne figure pas dans nos objectifs en ce moment et elle est ajoutée de manière explicite.
c) tenir dûment compte des risques de pertes que la société encourt.
Nous sommes donc tenus d'établir un équilibre approprié entre notre mandat d'intérêt public et nos activités commerciales, dans le contexte d'un marché de l'habitation stable, et ce, afin de contribuer à assurer la stabilité du système financier.
Le sénateur Moore : Le secteur de l'habitation semble être l'un des principaux sujets de discussion en ce qui concerne la stabilité du secteur financier. C'est bien cela?
Mme Kinsley : Oui.
Le sénateur Moore : Êtes-vous en discussions permanentes avec la personne qui en a la principale responsabilité, c'est-à-dire le gouverneur de la Banque du Canada?
Mme Kinsley : Nous échangeons effectivement de l'information en permanence.
Le sénateur Moore : C'est une relation très importante.
Mme Kinsley : Oui, très importante, comme c'est le cas pour l'échange d'information avec le secteur de l'habitation en général.
Le sénateur Moore : Vous avez mentionné que le programme des obligations sécurisées comprendra des activités telles que l'approbation des émetteurs. Quelles en seront les normes? Comment pourrez-vous déterminer si tel ou tel émetteur répond aux normes et devrait être approuvé?
Mme Kinsley : Le projet de loi établit les critères que les émetteurs qui souhaitent participer au programme devront respecter. Cela se trouve à l'article 356 du projet de loi, qui prévoit que la demande doit inclure une description du prêt, une description des actifs, de l'information sur la solvabilité, sur l'entité qui va garantir l'émission et sur l'organisme qui va faire le service de ces prêts, de même que le nom des suppléants. Le projet de loi contient donc pas mal d'information sur les facteurs que nous devrons prendre en compte.
Le sénateur Moore : Vous avez dit que les hypothèques assurées ne sont pas admissibles.
Mme Kinsley : C'est exact.
Le sénateur Moore : Oui. Donc, quelle sorte d'institutions voudront s'inscrire comme émettrices, à votre avis?
Mme Kinsley : À notre avis, toutes les grandes institutions sous réglementation fédérale voudront s'inscrire. Le projet de loi prévoit également que les caisses de crédit sous réglementation provinciale, par exemple, pourront le faire. Nous allons voir, mais je suppose que toutes les grandes institutions sous réglementation fédérale qui ont des programmes d'obligations sécurisées voudront participer au programme.
Le sénateur Ringuette : Il y a deux ans, le gouvernement du Canada a procédé à l'achat d'environ 22 milliards de dollars d'hypothèques. Je ne suis pas sûre du montant. Est-ce que c'était 55 milliards?
Mme Kinsley : Soixante-neuf milliards de dollars.
Le sénateur Ringuette : Ils ont fait cela en deux transactions.
Mme Kinsley : Vous avez tout à fait raison, sénateur. C'est cela qui a été autorisé et c'était 25 milliards de dollars au départ.
Le sénateur Ringuette : On nous a dit que la plupart de ces hypothèques étaient assurées.
Mme Kinsley : Il fallait qu'elles le soient.
Le sénateur Ringuette : Elles devaient être assurées par la SCHL.
Mme Kinsley : Elles devaient être assurées, soit par la SCHL, soit par notre concurrent du secteur privé.
Le sénateur Ringuette : Les institutions financières ont, comme pratique courante, de regrouper les hypothèques et de les vendre aux enchères sur le marché. Si j'ai bien compris, ce projet de loi empêchera les banques d'inclure les hypothèques assurées par la SCHL dans ces regroupements.
Mme Kinsley : Cela s'applique uniquement au programme des obligations sécurisées, sénateur. J'essaie de vous expliquer la différence entre les programmes actuels de titrisation qui sont déjà en place et sont garantis par le gouvernement, et en vertu desquels certains prêts sont assurés. Ces programmes vont être maintenus. Le programme d'obligations sécurisées dont il est question ici empêchera l'utilisation des prêts assurés comme nantissement sous- jacent.
Le sénateur Ringuette : Mais le gouvernement du Canada fournit une garantie, en quelque sorte, par l'entremise de ce projet de loi.
Mme Kinsley : Non.
Le sénateur Ringuette : Vous disiez tout à l'heure que le projet de loi présente un cadre qui offre plus de sécurité aux investisseurs qui optent pour ce type d'instrument.
Mme Kinsley : Le cadre offre plus de certitude, mais ce projet de loi n'offre aucune garantie.
Le sénateur Ringuette : Vous disiez que, l'an dernier, vos bénéfices nets se sont montés à 1,5 milliard de dollars. Le Cabinet vous a-t-il demandé de procéder à des compressions? Dans l'affirmative, j'ai quatre questions à vous poser.
Combien d'employés de la société, par province et par classification, ont reçu un avis de mise à pied?
Combien d'entre eux se trouvent dans les catégories EX et DM?
Combien d'employés de la société ne sont pas visés par la Loi sur l'emploi dans la fonction publique et quelle est la classification de ces employés?
Enfin, quel est le coût des salaires, des dépenses et des primes de rendement des gestionnaires de programmes de la société?
Le président : Madame Kinsley, je me permets de vous signaler que ces mêmes questions ont été posées aux autres témoins au cours de la dernière semaine. Vous n'êtes pas la seule.
Le sénateur Harb : Je suis sûr que Mme Kinsley voudra nous faire parvenir la réponse à toutes ces excellentes questions.
Je voudrais revenir sur l'annonce du gouvernement de 2011 concernant le programme de 1,4 milliard de dollars sur trois ans. Dans votre exposé, vous avez dit que le coût du programme serait partagé équitablement entre les provinces et le gouvernement fédéral.
Mme Kinsley : C'est exact.
Le sénateur Harb : Toutes les provinces font un apport de 50 p. 100 du coût; donc, quand vous exécutez le programme dans les provinces, les coûts d'exécution sont-ils également partagés à parts égales?
Mme Kinsley : Le cadre de 1,4 milliard de dollars qui a été annoncé correspond au financement fédéral, et les provinces et territoires qui ont décidé d'adopter ce cadre devront faire un apport correspondant à la moitié de cette somme.
L'ensemble des provinces et territoires ont accepté ce cadre, à deux exceptions, en ce qui concerne l'exécution : le Yukon et l'Île-du-Prince-Édouard qui ont décidé, pour des raisons de capacité et de masse critique, de maintenir le régime déjà en place. Mais l'ensemble des provinces et territoires ont accepté ce principe et ont déclaré que c'est l'orientation qu'ils voudraient prendre. Dans l'ensemble, toutes ces initiatives sont à coûts partagés; par contre, il y a eu deux exceptions, en ce sens que deux provinces qui étaient d'accord avec les principes ont décidé, pour des raisons pratiques, de nous faire continuer à exécuter le programme.
De plus, le cadre donnait aux provinces et territoires une certaine marge de manœuvre pour ce qui est de la conception et de l'exécution de leurs programmes. On estimait que les provinces et territoires sont les mieux placés pour comprendre les besoins en matière d'habitation sur leur territoire respectif et pour répondre à ces besoins à l'aide de programmes appropriés.
À l'exception de deux administrations, les provinces et territoires décideront, tout en se conformant aux principes fédéraux, de quelle manière ils souhaitent mettre en œuvre ces programmes afin de répondre aux besoins de leurs citoyens.
Le sénateur Harb : Je vous remercie. Donc, s'il ne s'agit pas d'un apport de financement égal, le partage pourrait se faire dans un rapport de 25 à 75.
Mme Kinsley : Non. C'est faux. D'après le mandat prévu, les coûts seront partagés de façon égale. Il n'y a aucune latitude à cet égard. Par contre, les administrations provinciales et territoriales ont le droit de déterminer comment elles voudront utiliser les crédits pour la conception de leur programme.
Le sénateur Oliver : La première question du sénateur Harb concernait vos bénéfices, et vous avez dit que ces derniers se sont montés à 20,5 milliards de dollars en 2011. Je ne pense pas que les Canadiens comprennent bien l'ampleur de vos opérations financières, de vos actifs, de vos avoirs et de votre portefeuille. Pourriez-vous nous donner vos chiffres? Dans quelle mesure la SCHL est-elle grande?
Le sénateur Harb : Ou petite?
Mme Kinsley : Je serais très heureuse de vous fournir certaines statistiques. Le montant des assurances actuellement en vigueur, qui constituent une bonne partie de nos activités commerciales, se montait à 567 milliards de dollars à la fin de décembre 2011. Nos actifs avaient une valeur de 291 milliards de dollars à la fin décembre 2011. Notre revenu total l'an dernier était de 14 milliards de dollars, et notre revenu net s'est chiffré à 1,5 milliard de dollars. Comme nous vous l'avons déjà fait remarquer, nous sommes une grande institution financière.
Le président : Dans ce même ordre d'idées, vous avez nécessairement une politique de radiation ou une façon d'inscrire les mauvaises créances, et cetera. Vous est-il déjà arrivé d'avoir à radier ponctuellement une somme d'argent importante?
Mme Kinsley : Pour les obligations?
Le président : Non, pour les créances liées aux hypothèques.
Mme Kinsley : Dans le cadre de nos activités d'assurance hypothécaire, nous établissons une provision pour les demandes de règlement. Telle est la nature de notre activité. Peut-être pourrais-je répondre à la question dans ce contexte-là. Avons-nous déjà subi des pertes importantes du côté de nos activités d'assurance hypothécaire? Est-ce bien de cette façon que je devrais interpréter votre question?
Le président : Oui.
Mme Kinsley : Il ne fait aucun doute que nous avons subi des pertes. Songez, par exemple, aux récessions des années 1980 et 1990. Depuis que nous avons commercialisé nos activités, soit dans les années 1990, nous avons réussi à composer avec toutes ces tendances cycliques grâce aux primes et aux droits que nous prélevons.
Le président : Au nom de tous les membres du comité, je voudrais vous remercier, madame Kinsley, pour votre présence ce matin.
Monsieur Gignac, nous n'avons pas vraiment eu l'occasion d'entendre vos observations, étant donné, bien entendu, les réponses que nous a faites Mme Kinsley. Nous vous remercions et vous souhaitons bonne chance.
Honorables sénateurs, au cours de la deuxième partie de notre réunion, nous allons recevoir les représentants du Bureau du surintendant des institutions financières Canada. Nous sommes ravis d'accueillir Penny Lee, directrice principale, Groupe de l'assurance multirisques, et Patty Evanoff, directrice principale, Division de la législation et de l'approbation. Chers collègues, nous disposons d'une heure pour ce groupe de témoins.
Madame Evanoff, vous avez la parole.
Patty Evanoff, directrice principale, Division de la législation et de l'approbation, Bureau du surintendant des institutions financières Canada : Je m'appelle Patty Evanoff, et je suis directrice principale de la Division de la législation et des approbations du BSIF. Je suis accompagnée de Penny Lee, directrice principale du Groupe des assurances multirisques. Nous vous remercions de nous avoir invitées à traiter de certains articles du projet de loi C-38, la Loi d'exécution du budget.
Comme vous l'avez déjà entendu ce matin, aux termes des modifications qui sont proposées aux lois en vigueur, le BSIF serait chargé de contrôler la sécurité et la stabilité des activités commerciales de la Société canadienne d'hypothèques et de logement, qui consistent principalement en des programmes d'assurance hypothécaire et de titrisation.
Le BSIF examinerait et évaluerait donc à la SCHL les éléments sur lesquels il se concentre normalement lorsqu'il contrôle des institutions financières fédérales. À l'heure actuelle, nous surveillons trois assureurs privés de prêts hypothécaires. À cette fin, nous examinons des questions telles que la gestion du risque occasionné par l'usage de modèles financiers, la qualité de l'information communiquée à la haute direction et au conseil d'administration, les preuves documentaires des décisions de souscription et la qualité des simulations de crise.
Cependant, la SCHL est une société d'État dotée d'un mandat de politique sociale qui se situe au-delà du périmètre proposé du rôle de surveillance qu'exercerait le BSIF. De plus, la société est soumise aux principes de gouvernance et aux exigences en matière de responsabilisation définis dans sa loi habilitante.
Par ailleurs, le gouvernement réglemente les activités de la SCHL, détermine la taille et la forme de l'organisme et, évidemment, établit les règles sur les prêts hypothécaires assurés.
Si le projet de loi C-38 recevait la sanction royale, le BSIF entreprendrait un programme d'examen et d'évaluation des activités commerciales de la SCHL et communiquerait ses conclusions et ses recommandations au conseil d'administration de la société, au ministre des Finances et au ministre des Ressources humaines et du Développement des compétences, pour qu'ils y donnent suite.
Ces nouvelles attributions représentent une première pour le BSIF et, compte tenu de la taille et de la complexité de la société, il faudra compter un certain temps avant que le BSIF évalue ses activités commerciales, comme ce serait le cas pour toute institution du secteur privé contrôlée par le BSIF. Nous réfléchissons actuellement aux plans opérationnels qui lui permettront de s'acquitter de sa nouvelle fonction.
Madame Lee et moi serions heureuses de répondre à vos questions, sénateurs. Merci beaucoup.
Le président : Merci de cet exposé liminaire, madame Evanoff. La surveillance des assureurs hypothécaires doit certainement reposer sur un processus de réglementation. Vu la complexité des opérations que vous devez contrôler, serez-vous obligés de modifier vos pratiques usuelles pour la SCHL, par rapport à ce que vous faites actuellement à l'égard des assureurs hypothécaires du secteur privé que vous surveillez?
Mme Evanoff : Nous allons appliquer à la SCHL notre cadre de surveillance axé sur les risques, qui est souple, et met l'accent sur les activités importantes menées par une institution financière. Je devrais peut-être demander à Mme Lee de vous donner des détails à ce sujet, étant donné ses responsabilités en matière de supervision.
Penny Lee, directrice principale, Groupe de l'assurance multirisques, Bureau du surintendant des institutions financières Canada : Si vous permettez, je voudrais apporter quelques précisions par rapport aux observations de Mme Evanoff dans son exposé liminaire. Nous avons recours à un cadre interne de surveillance pour notre travail de supervision. Cet outil nous aide à exécuter notre travail. Nous mesurons chaque risque rattaché à l'entreprise concernée, et nous examinons les mesures de contrôle en vigueur qui visent à gérer ces risques. Nous examinons, par exemple, des risques tels que le crédit, les risques du marché, ainsi que les risques liés aux assurances et aux opérations. La sécurité et la viabilité constituent nos principales priorités.
Ce cadre nous oblige également à tenir compte de risques futurs. Nous explorons actuellement différents moyens de recenser les risques en développement et potentiels. Nous en tenons compte dans l'exécution de nos activités de supervision.
Notre travail comprend également ce que nous appelons les examens d'évaluation de risques, c'est-à-dire des examens effectués dans les locaux des diverses institutions financières, de même que la surveillance en permanence. Comme notre travail est axé sur les risques, de temps en temps il nous faut rajuster nos priorités.
Notre cadre couvre tous les éléments significatifs qui permettent d'établir le profil de risque d'une institution. Ainsi, nous examinons les pratiques de gestion des risques, les pratiques de gestion des risques et de souscription, la gouvernance des risques et la surveillance, de même que la solvabilité de l'institution, y compris ses ratios de capitalisation.
Voilà donc un très bref résumé des éléments fondamentaux de notre cadre de supervision.
Le sénateur Tkachuk : Bienvenue au comité. Je voudrais revenir sur certains éléments que j'ai soulevés tout à l'heure. Je crois que vous étiez présente quand je posais mes questions au témoin précédent. Vous dites que vous êtes chargée de surveiller trois autres organisations qui offrent des assurances. Les autres témoins nous ont dit que les rapports sont soumis à l'examen du ministre, mais ne sont pas communiqués au public. Quand vous examinez les activités d'un établissement privé, qu'arrive-t-il aux informations que vous rassemblez?
Mme Evanoff : La nature de notre rôle est telle que la confidentialité revêt une très grande importance. D'ailleurs cela vaut, non seulement pour le BSIF, mais aussi pour tous nos homologues dans le monde entier. Cette confidentialité s'impose pour deux raisons fondamentales : premièrement, pour protéger les renseignements commerciaux sensibles des institutions, qui mènent leurs activités dans un monde concurrentiel. Comme nous l'avons mentionné tout à l'heure, la SCHL a trois concurrents dans le secteur privé. Par ailleurs — et c'est un facteur un peu différent mais tout aussi important — la confidentialité incite l'entité réglementée à faire preuve d'ouverture et de transparence. Si les résultats de nos activités de supervision étaient publics, les cadres supérieurs et autres responsables de l'institution contrôlée nous fourniraient en conséquence des renseignements moins significatifs. La confidentialité est un principe fondamental qui sous-tend le contrôle prudentiel dans le monde entier.
Le sénateur Tkachuk : Ce n'était pas vraiment le sens de ma question. Je ne suis pas trop préoccupé par la question de la viabilité, bien entendu. Il ne conviendrait pas de diffuser des renseignements commerciaux privés. Cependant, si jamais un problème devait surgir, qu'arriverait-il à ce moment-là? Que faites-vous quand il y a un problème? Quand vos observations vous amènent à conclure que la viabilité de l'institution financière est menacée, que faites-vous?
Mme Evanoff : Notre mandat exige que nous déterminions dans quelle mesure les institutions financières sont viables, bien entendu. Quand nous découvrons un problème, ou nous prenons nous-mêmes des mesures, ou alors nous exigeons que l'institution concernée prenne les mesures correctrices qui s'imposent. Nous avons plusieurs moyens de faire cela, entre autres — et c'est sans doute le moyen le plus important — collaborer avec la haute direction et le conseil d'administration de l'institution, qui sont chargés de l'administrer et de prendre des mesures correctrices. Mme Lee voudrait peut-être développer un peu plus.
Mme Lee : C'est bien que nous ne parlions que des éléments négatifs. Si nous options pour cette solution, nous serons obligés de parler des éléments positifs, et il faut dire que les gens peuvent également mal interpréter la situation. C'est pour cette raison qu'il est vraiment essentiel que nos informations restent confidentielles.
Le sénateur Tkachuk : Je suppose que mes questions s'adressent surtout à vous, madame Lee.
La SCHL exécute à la fois des programmes commerciaux et des programmes de logements sociaux. Comment faites- vous pour séparer ces deux secteurs d'activités? Comment fait la société pour les séparer? Comment pouvez-vous savoir ce qui est à vocation sociale et ce qui est à vocation commerciale? La SCHL a-t-elle des entités distinctes ou est-ce que tout est ensemble?
Mme Lee : Je crois savoir que les opérations commerciales de la SCHL sont à part. Nous ne sommes pas suffisamment au courant de la structure de la SCHL à l'heure actuelle pour bien comprendre quels sont ses éléments constitutifs, mais je crois savoir que les opérations commerciales sont à part.
Le sénateur Tkachuk : A-t-elle créé une entité distincte à cette fin ou se contente-t-elle d'avoir deux séries de livres?
Mme Lee : Je crois savoir que ces opérations font partie intégrante de l'activité globale de la société.
Le sénateur Tkachuk : Avez-vous des inquiétudes à ce sujet ou pensez-vous que les programmes sociaux de la société pourraient éventuellement mettre en péril la stabilité financière de leurs opérations de prêts commerciaux privés?
Mme Lee : C'est une bonne question. À l'heure actuelle, nous ne pouvons pas vraiment nous prononcer sur la question étant donné que nous n'avons pas eu l'occasion d'examiner les activités de la SCHL afin de comprendre quel pourrait être l'impact sur ses opérations commerciales. C'est un élément sur lequel nous avons l'intention de nous pencher dans le cadre de notre examen des activités de la SCHL.
Le sénateur Tkachuk : Si le Comité des banques vous appelait tous les deux ans au sujet de la SCHL, seriez-vous prête à venir témoigner devant le comité?
Mme Lee : Avec plaisir.
Le président : J'en prends note.
Le sénateur Tkachuk : Oui, marquez-le.
Le président : Merci pour la question, et pour la réponse aussi.
Le sénateur Dawson : Je suis un grand admirateur du BSIF, alors que peu de gens le sont, tout simplement parce que vous n'êtes pas connus. Pour moi, votre bureau représente le secret le mieux gardé du système financier canadien. J'ai toujours été impressionné par la qualité de votre travail. Il est possible que je ne pose pas la bonne question aux bonnes personnes, mais vous m'avez entendu tout à l'heure.
Maintenant que vous êtes chargés de surveiller la SCHL, pourquoi pas BDC et EDC également? Si vous devez inspecter les banques, les compagnies d'assurances, la SCHL et la Société du crédit agricole, ai-je tort de penser que les seules entités de ce genre qui ne font pas encore partie de votre mandat sont BDC et EDC?
Mme Evanoff : Le gouvernement a choisi d'inclure dans nos responsabilités la surveillance de la SCHL alors que, jusqu'à présent, nos responsabilités visaient exclusivement les institutions financières du secteur privé et les régimes de retraite privés, tout simplement parce que nous sommes déjà chargés de réglementer les trois assureurs hypothécaires du secteur privé. En d'autres termes, nous avons l'expérience nécessaire pour être à même d'assumer ce nouveau rôle.
Quant aux deux autres institutions gouvernementales, et d'autres aussi éventuellement, je ne peux pas vraiment répondre à cette question parce que c'est le gouvernement qui a décidé de nous confier la responsabilité de la SCHL.
Le sénateur Dawson : J'aurais dû être là hier quand le ministre était présent; j'aurais pu lui poser la question.
Le sénateur Oliver : Je crois que Mme Evanoff a sans doute déjà répondu à la question que j'allais poser, puisqu'elle dit que le BSIF est déjà chargé de contrôler les trois assureurs privés. Si ce projet de loi est adopté, la SCHL relèvera désormais de votre responsabilité et, comme une bonne partie de vos activités consistent à effectuer des évaluations de risques, votre travail d'évaluation des banques sera-t-il facilité maintenant, puisque vous aurez à surveiller les activités à la fois des institutions de prêts qui financent les hypothèques et les assureurs hypothécaires qui les garantissent contre le risque de non-remboursement? Est-ce que cela va faciliter votre évaluation des banques commerciales? Dans l'affirmative, de quelle manière votre travail sera-t-il plus facile?
Mme Lee : Merci pour cette question. Je pense que cela va nous donner une meilleure vue d'ensemble du marché de l'habitation.
Le sénateur Oliver : Oui, c'est ce que je pensais.
Mme Lee : Nous constatons justement que les enjeux qui touchent les assureurs hypothécaires — c'est-à-dire ceux qui garantissent les hypothèques — s'appliquent aux prêteurs aussi. Cela devrait nous donner une meilleure vue d'ensemble, et ce serait utile.
Le sénateur Oliver : Les trois assureurs privés sont-ils aussi grands que la SCHL?
Mme Lee : Non, ils représentent entre 20 et 25 p. 100 du marché.
Le sénateur Oliver : Donc, mieux connaître les activités de l'entité correspondant à 75 p. 100 du marché vous aidera certainement, étant donné que l'évaluation des risques correspond à une partie très importante de vos activités.
Mme Lee : Oui, tout à fait.
[Français]
Le sénateur Hervieux-Payette : Vous faites un excellent travail. Lors de la crise en 2008 et 2009, nos banques, comme la CIBC et la Banque de Montréal, ont reçu un appui de la Banque du Canada, des Américains et de la Société canadienne d'hypothèques et de logement.
Vous qui supervisiez nos banques, avez-vous avisé le ministre des Finances de ces difficultés? Vous avez été les premiers à signaler la situation et à aider à trouver une formule pour nous assurer de la solidité de notre système financier. Est-ce que BSIF est intervenu dans ce dossier?
[Traduction]
Mme Evanoff : Pendant la crise financière, qui n'a eu guère d'impact sur les institutions canadiennes, comme vous le savez, je crois que bon nombre de banques centrales et d'autres entités dans le monde ont établi des mécanismes de soutien en liquidités qui étaient un peu plus consistants que les mécanismes standard, ce qui a permis à des institutions nationales, qui auraient normalement été en bonne posture financière, d'en profiter si elles avaient besoin de liquidités.
En ce qui concerne nos conseils et des discussions que nous avons eues au cours de cette période, je pense que nous vous avons déjà parlé du Comité de surveillance des institutions financières qui est présidé par le surintendant. Le comité est composé du gouverneur de la banque centrale, du président de la SADC, de l'administrateur de l'Agence de la consommation en matière financière du Canada et du sous-ministre des Finances. Il y aurait eu des discussions régulières au sujet de la situation mondiale.
[Français]
Le sénateur Hervieux-Payette : Selon le mandat que vous aurez maintenant avec la Société canadienne d'hypothèques et de logement, recevrez-vous des rapports mensuels sur le processus d'examen de la solidité de l'institution? Enverrez-vous des gens à l'intérieur de la société pour faire l'inspection des livres aux trois mois? Quel est le processus ou le mécanisme en place pour s'assurer que la société en question ne présente pas de risques exagérés et que vous puissiez informer le ministre des Finances de sa situation financière?
[Traduction]
Mme Lee : Étant donné que la surveillance de la SCHL devient une nouvelle responsabilité du BSIF, il nous faudra un certain temps pour comprendre les principaux facteurs de risque au sein de la société, et dans quelle mesure ils sont bien gérés. Comme je vous l'expliquais plus tôt, le cadre de surveillance exige un contrôle permanent et l'examen des évaluations des risques. Nous sommes en train d'évaluer en ce moment ce en quoi pourrait consister le plan de surveillance de la SCHL et comment nous allons y donner suite. Pour cela, nous aurons recours à nos ressources internes, mais il nous faudra également recruter d'autres employés. Au moins une fois par année, nous présenterons nos conclusions au conseil d'administration de la SCHL, ainsi qu'aux ministres des Finances et de RHDSC.
Le sénateur Hervieux-Payette : Dans le cas des banques, irez-vous sur place pour examiner les livres et poser des questions, ou allez-vous simplement recevoir des rapports mensuels de la part des institutions concernées? Est-ce que vous allez dans les locaux des institutions pour effectuer votre travail?
Mme Lee : Oui, nous allons dans leurs locaux et nous y rencontrons les cadres supérieurs. Nous rencontrons aussi les cadres opérationnels. De temps en temps, nous rencontrons même les administrateurs.
Le sénateur Hervieux-Payette : Quelle est la différence entre la SCHL et les deux autres compagnies privées qui oeuvrent dans ce secteur? Je suppose que le portefeuille de la SCHL est sans doute plus important que celui de Genworth, mais, tout compte fait, Genworth, en tant que compagnie américaine, est beaucoup plus grande que la SCHL. Vous avez déjà un système. Comptez-vous créer un système différent pour la Société canadienne d'hypothèques et de logement, ou toutes les institutions dont les activités sont semblables vont-elles être analysées de la même façon?
Mme Lee : Notre méthode de surveillance à l'égard de la SCHL sera semblable à celle que nous employons pour les assureurs hypothécaires privés.
Le sénateur Hervieux-Payette : Mon collègue a posé cette question aux témoins précédents. Qui sera chargé de préparer les rapports, à qui seront adressés ces rapports et comment en serons-nous informés? C'est vous qui êtes chargés de faire l'évaluation et la surveillance de la SCHL et, bien entendu, tout cela relève du ministère des Finances. Mais quels renseignements seront transmis aux parlementaires à ce sujet en fin de compte? Il est important que nous sachions quel type de rapport nous allons recevoir. S'agira-t-il d'un rapport annuel de société, comme celui de Genworth, ou d'un autre type de rapport?
Mme Evanoff : Le projet de loi prévoit que nous présentions nos rapports aux deux ministres responsables ainsi qu'au conseil d'administration. Il incombe ensuite aux ministres et au conseil d'administration de donner suite à nos recommandations. Je crois que le projet de loi prévoit également que la SCHL élabore un plan, dans le cadre de la planification de ses activités, en vue de donner suite aux recommandations.
Comme nous vous l'avons fait remarquer ce matin, nous n'avons pas l'intention de communiquer au public les conclusions de nos activités de surveillance, à cause de l'importance de la confidentialité, d'après notre mandat, et d'après celui de tout autre organisme de réglementation semblable dans le monde. Il convient de noter, cependant, que Mme Kinsley a déclaré ce matin que la SCHL communique au public des informations financières et d'autres observations au sujet de ses activités par le biais de son rapport annuel.
Le sénateur Hervieux-Payette : En d'autres termes, les chiffres qu'elle va nous fournir seront les mêmes, sauf que nous n'aurons pas vu les recommandations.
Mme Evanoff : Pas les recommandations détaillées, non.
Le sénateur Hervieux-Payette : Il s'agira en conséquence des mêmes chiffres concernant l'utilisation des crédits et des programmes qui sont en vigueur. Nous recevons le rapport annuel de la SCHL chaque année. Je voulais plutôt savoir quel mécanisme de communication permettra au public canadien et aux parlementaires de suivre la situation. Allons-nous recevoir des données plus pertinentes? Vos activités de surveillance vont-elles simplement nous permettre de savoir que certains ratios ne cadrent pas tout à fait avec les normes établies pour ce genre d'activités?
Mme Evanoff : Sénateur, je dirais que c'est semblable à ce qui se ferait pour un établissement privé, en ce sens que nous nous attendons à ce que les institutions concernées donnent suite aux recommandations qui découlent de notre surveillance, dans la mesure où il en existe, afin que leurs systèmes de gestion des risques sous-jacents soient plus robustes et donnent lieu à différentes améliorations qui pourraient potentiellement être communiquées au public.
Le sénateur Hervieux-Payette : A-t-on sollicité votre opinion, vous qui êtes experts en la matière, lorsqu'il a été question de fournir 69 milliards de dollars aux banques pour leur permettre de surmonter la crise des liquidités? Est-ce qu'on vous a demandé votre avis sur la possibilité que cela mette en péril la situation de la SCHL? Quelqu'un, quelque part, a dû dire : « Oui, allons-y » et c'était certainement quelqu'un au ministère des Finances, puisque c'est ce dernier qui aurait autorisé la SCHL à racheter des hypothèques d'une valeur de 69 milliards de dollars.
Mme Evanoff : Il y aurait certainement eu des consultations auprès des agences concernées, consultations dirigées par le ministère des Finances, concernant les programmes qui étaient mis en œuvre à l'époque. Encore une fois, il s'agissait de permettre à nos institutions financières d'obtenir des liquidités ou des crédits, si elles en avaient besoin.
Le sénateur Hervieux-Payette : Mais ce n'est pas votre unité qui a évalué les risques de cette opération?
Mme Evanoff : En ce qui concerne la SCHL, non.
[Français]
Le sénateur Maltais : Je reviens aux trois assureurs que vous avez mis sous surveillance. Je ne vous demanderai pas leurs noms, soyez tranquilles, mais qu'est-ce qui vous a amenés à surveiller ces gens? Avez-vous reçu de mauvais rapports? Y avait-il des indices qui laissaient croire que les choses étaient un peu floues? Comment cela est-il arrivé?
[Traduction]
Mme Evanoff : Nous sommes chargés de réglementer l'ensemble des institutions financières constituées sous le régime d'une loi fédérale au Canada. Toutefois, il n'existe que trois compagnies offrant des assurances hypothécaires qui soient constituées sous le régime de la loi fédérale, et nous sommes responsables des trois. Il ne s'agit pas d'une responsabilité particulière qui nous a été confiée; elles relèvent nécessairement de nous, sur le plan de la surveillance, aux termes de la Loi sur les sociétés d'assurances.
[Français]
Le sénateur Maltais : D'accord. J'ai une autre question. Vous dites dans votre mémoire que la Société canadienne d'hypothèques et de logement est une société d'État qui a un mandat de politique sociale. Les gens qui vous ont précédé, nous ont bien expliqué leur mandat et la façon dont ils agissaient au plan de la politique sociale. Est-ce que la politique sociale est plus à risque qu'une politique d'affaires ordinaire? Est-ce que la politique sociale quant aux logements sociaux pour les personnes défavorisées ou vivant en régions éloignées ou les personnes âgées serait pour vous différente de celle de n'importe quel autre assureur?
[Traduction]
Mme Lee : Tant que nous n'aurons pas commencé à travailler directement avec la SCHL, il nous sera difficile d'émettre une opinion sur son volume d'affaires. C'est très difficile pour le moment, parce que nous ne possédons pas suffisamment d'information à ce sujet.
[Français]
Le sénateur Maltais : On peut vous faire des suggestions peut-être. J'aimerais bien que les politiques sociales soient vues d'un autre œil que les politiques habituelles sur les affaires. Il faudra avoir une vue d'ensemble sur la portée que cela peut avoir sur les citoyens. La politique sociale du logement doit demeurer une priorité. J'imagine que vous allez devoir examiner les livres dans cette optique aussi. Alors, dans votre examen, je vous suggérerais de garder une portée sociale.
[Traduction]
Mme Evanoff : J'insiste sur le fait que le BSIF s'est vu confier cette responsabilité afin que nous puissions profiter de notre expertise en matière d'assurance hypothécaire privée et de surveillance dans ce domaine pour aider la SCHL. Il s'agit surtout de favoriser ses opérations commerciales. Le fait est que le mandat social de la SCHL dépasse le rôle qu'on nous a confié.
Le président : Je crois que les membres du comité seraient d'accord pour dire qu'il ne convient pas que vous vous écartiez de cette approche.
Le sénateur Harb : Merci beaucoup pour votre exposé. Vous faites face à une situation difficile en ce sens que la SCHL a non seulement un mandat commercial, mais aussi un mandat dans le domaine du logement social. Selon vous, en quoi votre rôle est-il différent de celui du vérificateur général, par exemple, qui évalue les activités des ministères et organismes du gouvernement, effectue des vérifications de l'optimisation des ressources et présente différents rapports?
Mme Evanoff : Le vérificateur général examine des éléments autres que les activités financières à proprement parler d'une entité, dans la mesure où ces éléments existent. Le rôle du vérificateur consiste en réalité à effectuer des vérifications d'optimisation des ressources et à déterminer si l'entité gouvernementale remplit son mandat et s'il y aurait lieu d'améliorer ses pratiques de façon à ce qu'elle puisse plus facilement remplir son mandat, et cetera. Notre action est différente. En tant que surveillant du secteur financier et d'organisme de contrôle prudentiel, notre rôle consiste à évaluer la sécurité et la solidité d'une institution financière et c'est ce que nous comptons faire à l'égard de la SCHL. Nous n'allons donc pas examiner la totalité de ses activités.
Le sénateur Harb : Vous disiez tout à l'heure que vous ne savez toujours pas comment vous allez vous y prendre. Mais quelqu'un doit bien le savoir. S'agit-il d'une initiative de votre organisme, du gouvernement ou de la SCHL? Qui a eu cette idée-là?
Mme Evanoff : C'est une initiative du gouvernement, sénateur.
Le sénateur Harb : Il a dû y avoir des discussions au sein de votre conseil sur la raison d'être de cette initiative et ce qui l'a motivée. En répondant à une question de mon collègue, vous avez évoqué le besoin de confidentialité quand vous faites une évaluation, ce qui semble logique, et dans ce cas, vous traitez directement avec l'organisation que vous évaluez. Par contre, dans ce cas-ci, on dirait que vous devez traiter non seulement avec le conseil d'administration, mais également avec le ministre des Finances et le ministre des Ressources humaines. D'après le projet de loi, vous avez déjà deux représentants au sein de ces deux ministères. Pourquoi aller plus loin que cela? Pourquoi ne pas simplement vous arrêter au conseil d'administration, puisque ces deux organismes sont déjà représentés au conseil d'administration, est-ce pour éviter toute possibilité de confusion? Ils ont déjà un mécanisme de communication qui passe par le conseil d'administration. Le ministre des Finances a son représentant, et il en va de même pour le ministre des Ressources humaines. Il me semble que, à leur place, je traiterais cet organisme comme je traite tous les autres organismes. C'est-à-dire que je présenterais mon rapport au conseil d'administration, ou aux cadres supérieurs, et c'est tout. Aller plus loin va créer plus de confusion qu'autre chose.
Mme Evanoff : Encore une fois, il s'agit d'une décision du gouvernement. En ce qui concerne le cadre de communication, j'imagine que cette façon de faire est motivée par le fait que les deux ministres responsables sont chargés de surveiller certaines activités de la SCHL.
Le sénateur Stewart Olsen : Merci de votre présence. La discussion est fort intéressante. Je comprends très bien et je respecte le principe de confidentialité qui sous-tend l'ensemble de vos activités.
J'aimerais revenir sur la question des mécanismes de communication. Quand vous présentez votre rapport au conseil, de quelle manière assurez-vous le suivi après? Combien de temps après allez-vous retourner voir les responsables pour déterminer si on a donné suite à vos recommandations?
Mme Evanoff : Mme Lee a déjà évoqué notre démarche de surveillance permanente. Je vais donc lui demander de répondre à la question.
Mme Lee : Selon notre régime de surveillance permanente, nous nous attendons à ce que la SCHL nous présente un plan d'action et nous nous occupons du suivi, non seulement du plan d'action, mais des délais fixés pour les différentes mesures. Cela fera partie du travail de surveillance permanente et régulière que nous effectuerons auprès de la SCHL.
Le sénateur Stewart Olsen : Supposons que vous n'ayez rien trouvé et que votre rapport soit très positif; allez-vous préparer des rapports annuels? À quelle fréquence allez-vous mener vos activités? Là je parle, non seulement de la SCHL, mais de vos activités de surveillance auprès des entreprises et des banques. À quelle fréquence effectuez-vous vos examens?
Mme Lee : La fréquence de nos examens dépend de la taille, du niveau de risque et de la complexité des entreprises concernées.
Le sénateur Stewart Olsen : C'est donc en fonction du degré de risque?
Mme Lee : C'est étroitement lié au profil de risque et, pour une grande banque, cet examen pourrait se faire plusieurs fois par année. Dans le cas de la SCHL, nous nous sommes engagés à effectuer au moins une évaluation des risques chaque année. Il pourrait y en avoir plus. Tout dépendra de ce que nous considérerons comme des risques pour la société.
Le sénateur Stewart Olsen : Ce serait certainement une supposition de votre part, étant donné que vous n'avez pas encore examiné les activités de la société et donc vous n'êtes pas au courant de l'ampleur de la tâche. Mais quand pensez- vous présenter votre premier rapport? Combien de temps cela pourrait-il vous prendre?
Mme Lee : C'est une très bonne question. Si je ne m'abuse, nous nous sommes engagés à préparer des rapports annuels et j'imagine que nous voudrons commencer à préparer des rapports au moins au début de la prochaine année. Ce serait aussitôt que possible.
Le sénateur Moore : Merci à vous deux pour votre présence. En réponse à la question du sénateur Maltais, vous avez dit que vous n'examinez que les activités commerciales de la SCHL. Quelles sont ces activités?
Mme Evanoff : Les programmes d'assurance hypothécaire et de titrisation sont les deux meilleurs et les deux plus importants exemples.
Le sénateur Moore : Voilà pour l'assurance hypothécaire. Mais les activités de contrôle liées aux assurances représentent la somme de 567 milliards de dollars; donc, allez-vous également vous intéresser à ces dernières?
Mme Evanoff : Oui, sénateur.
Le sénateur Moore : J'ai posé cette question hier aux responsables du ministère des Finances qui pensaient peut-être pouvoir nous faire parvenir la réponse, mais je vais également vous poser la question. Il y a eu le problème des papiers commerciaux adossés à des actifs à un moment donné, qui représentait un risque pour les investisseurs canadiens correspondant à 33 milliards de dollars. Si ce projet de loi avait été en vigueur à cette époque, aurait-il été possible d'éviter ce problème?
Mme Evanoff : Malheureusement, je ne peux pas vraiment vous répondre, sénateur. La grande majorité des problèmes n'étaient pas liés à des papiers commerciaux adossés à des actifs qui avaient été parrainés par des banques; il s'agissait de PCAA émis par des institutions qui ne sont pas réglementées par le BSIF.
Le sénateur Moore : Donc, vous n'auriez pas eu l'occasion d'examiner leur ratio de liquidités, et cetera, étant donné qu'il ne s'agissait pas d'organismes fédéraux?
Mme Evanoff : C'est exact.
Le sénateur Moore : S'ils avaient voulu le faire, et si ce projet de loi est adopté, ils pourraient présenter une demande, mais il faudrait qu'elle soit examinée et autorisée par la SCHL.
Quel est le budget annuel du BSIF; le savez-vous?
Mme Lee : Je suis désolée; je l'ignore.
Le sénateur Moore : Peut-être pourriez-vous nous faire parvenir cette information?
Combien d'employés avez-vous?
Mme Evanoff : Un peu plus de 500.
Le sénateur Moore : Serez-vous obligés de faire du recrutement pour être en mesure d'effectuer ce travail pour la SCHL?
Mme Evanoff : Il nous faudra certaines ressources additionnelles. À l'heure actuelle, nous sommes en train de déterminer combien d'employés de plus il nous faut. Nous avons 500 et quelques employés, mais rappelez-vous que nous examinons les activités de 400 et quelques institutions financières. Notre stratégie de surveillance inclut une démarche nous permettant d'affecter les ressources à une institution individuelle en fonction de certains critères, et nous allons faire ce même genre d'analyse pour la SCHL.
Le sénateur Moore : Veuillez faire parvenir cette information au greffier pour que nous ayons une idée de ce qui est nécessaire.
Le sénateur Ringuette : Pour ce qui est de votre rôle de surveillance des institutions financières, vous avez un barème pour le recouvrement de vos coûts. Quel pourcentage des coûts de vos opérations est recouvrable?
Mme Evanoff : Le recouvrement de nos coûts est de 100 p. 100 pour les institutions financières que nous surveillons. Il y a des règlements sur les évaluations qui prévoient une formule pour le calcul des frais que doit payer chaque type d'institution. Si je ne m'abuse, il existe une légère différence à l'heure actuelle entre les institutions financières acceptant des dépôts et les sociétés d'assurances. Il est possible que les critères soient différents dans l'un et l'autre cas. Cette formule vise à prévoir le recouvrement de frais équitables auprès des institutions individuelles pour nos activités de surveillance.
Le sénateur Ringuette : Pourriez-vous faire parvenir une copie de ce document au greffier pour la gouverne des membres?
Mme Evanoff : Oui.
Le sénateur Ringuette : Mesdames, vous êtes les heureuses gagnantes de mes quatre questions de bingo. Je crois savoir que vous n'avez pas les réponses aujourd'hui, mais je vous invite à les faire parvenir au greffier du comité.
Combien d'employés du Bureau, par province et par classification, ont reçu un avis de mise à pied?
Combien de ces personnes occupaient un poste d'EX ou de sous-ministre?
Combien d'employés du bureau ne sont pas visés par la Loi sur l'emploi dans la fonction publique et quelles sont leurs classifications?
Combien coûte la gestion des programmes dans votre ministère; en d'autres termes, quel est le montant total des dépenses engagées au titre des salaires, des dépenses, des primes, et cetera, pour les titulaires de postes de gestionnaires dans votre ministère?
Mme Evanoff : Je vais vous obtenir cette information, sénateur. Je vous remercie.
Mais, si je peux me permettre, nous n'administrons pas de programmes gouvernementaux, à proprement parler, et la réponse à votre troisième question est donc zéro.
Le sénateur Ringuette : Vous avez certainement des gestionnaires chez vous, puisque vous êtes chargés de gérer un programme. Vous gérez la surveillance des institutions financières, qui constitue un programme en bonne et due forme. Je sais qu'il ne s'agit pas d'un programme gouvernemental, mais c'est un programme qu'exécute le bureau.
Le sénateur Oliver : Les témoins précédents nous ont expliqué l'ampleur de leurs activités, qui sont très considérables. Vous dites que vous espérez présenter un rapport d'ici la fin de la première année, et que vous avez beaucoup de pain sur la planche étant donné que la nature des activités de la société ne vous est pas vraiment familière. Serez-vous obligés d'engager de nouveaux employés pour compléter votre effectif? Dans l'affirmative, combien d'employés; avez-vous établi un budget; et combien cela coûtera-t-il?
Mme Lee : Nous sommes actuellement en train d'élaborer un plan. Tant que nous n'aurons pas rencontré les responsables de la SCHL pour mieux comprendre la situation, il nous sera difficile d'évaluer le nombre d'employés supplémentaires qu'il nous faut. Nous avons une certaine expertise à l'interne, mais il nous faudra d'autres employés; pour le moment, nous ne savons pas combien.
Le sénateur Oliver : S'agit-il d'une quinzaine ou d'une vingtaine de nouveaux experts techniques?
Mme Lee : Tout dépend de ce que nous allons faire cette année, par rapport à l'année prochaine et celle d'après. Quand nous aurons compris comment la SCHL est organisée et comment fonctionnent ses programmes, nous aurons une meilleure idée du type de personnel qu'il nous faut et quand nous en aurons besoin.
Le sénateur Oliver : Si les nouveaux employés et les avantages sociaux auxquels ils ont droit représentent une dépense de plusieurs millions de dollars, d'où proviendra cet argent?
Mme Lee : Nous allons recouvrer nos coûts directement auprès de la SCHL sous la forme de droits d'évaluation réguliers.
Le sénateur Oliver : Allez-vous recouvrer 100 p. 100 de vos coûts?
Mme Lee : Oui.
Le sénateur Oliver : J'ai posé certaines questions aux témoins précédents au sujet de la gouvernance. Quelles nouvelles activités allez-vous mener relativement à la gouvernance de la SCHL? Nous savons que, aux termes du projet de loi, il y aura deux administrateurs de plus, ce qui donnera un conseil d'administration composé de 12 membres. Pensez-vous examiner sérieusement certains aspects de sa structure de gouvernance?
Mme Lee : Il nous est difficile d'examiner la gouvernance au niveau du conseil d'administration, étant donné que nous n'assistons pas aux réunions de ce dernier. Par contre, nous avons l'habitude de rencontrer les administrateurs, de leur poser des questions et d'entamer une discussion sur les différents éléments de risque et les activités qui font l'objet de rapports à l'intention du conseil. Nous examinons également les rapports à proprement parler qui sont communiqués au conseil, afin de savoir s'ils sont clairs et complets. Voilà le genre de choses que nous devrons examiner afin de comprendre s'il y a lieu ou non de faire des recommandations à ce sujet.
Le sénateur Oliver : Est-ce que vous voudrez savoir, par exemple, si le conseil d'administration se réunit en l'absence du PDG?
Mme Lee : Oui, s'il s'agit de réunions à huis clos avec le vérificateur interne. Il y a un certain nombre de directives courantes en matière de gouvernance dont nous tenons compte.
Le sénateur Oliver : Cherchez-vous à savoir si le conseil d'administration effectue des autoévaluations?
Mme Lee : Oui. Il existe des lignes directrices en matière de gouvernance d'entreprise et nous tenons compte de la mesure dans laquelle la société concernée suit ces lignes directrices. De plus, elles vont être actualisées cette année.
Mme Evanoff : Il faut tenir compte du fait qu'il s'agit d'une société d'État et que les administrateurs sont choisis conformément à un cadre législatif.
Le président : Voilà qui termine la période des questions. Madame Evanoff, madame Lee, au nom de tous les membres du comité, je voudrais vous transmettre nos sincères remerciements pour votre présence parmi nous aujourd'hui. Je soupçonne que votre influence est beaucoup plus significative que ce qu'on pourrait penser dans le contexte de cette réunion, et je crois pouvoir parler pour bon nombre de Canadiens en vous disant cela. C'est sans doute grâce à votre groupe, plus qu'à n'importe quel autre groupe au Canada, que les Canadiens peuvent bien dormir la nuit, sachant que vous surveillez attentivement les activités de nos institutions financières. Pour cela, nous vous sommes extrêmement reconnaissants, et je vous saurais gré de bien vouloir transmettre nos remerciements à la surintendante ainsi qu'à vos associés. Nous apprécions beaucoup le travail que vous faites.
Le sénateur Hervieux-Payette : Je voudrais ajouter, si vous permettez, que je me sens encore plus en sécurité, étant donné que ce sont toutes des femmes.
Le président : C'est noté.
(La séance est levée.)