Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Banques et du commerce
Fascicule 21 - Témoignages du 13 juin 2012
OTTAWA, le mercredi 13 juin 2012
Le Comité sénatorial permanent des banques et du commerce se réunit aujourd'hui, à 16 h 20, pour étudier le projet de loi C-311, Loi modifiant la Loi sur l'importation des boissons enivrantes (importation interprovinciale de vin pour usage personnel).
Le sénateur Irving Gerstein (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président : Honorables sénateurs, c'est avec plaisir que je déclare ouverte la réunion du Comité sénatorial permanent des banques et du commerce. Comme vous le savez, le Sénat nous a renvoyé, lundi soir dernier, le projet de loi C-311, Loi modifiant la Loi sur l'importation de boissons enivrantes (importation interprovinciale de vin pour usage personnel), que nous connaissons mieux sous le nom de projet de loi sur le vin.
Nous accueillons cet après-midi trois groupes de témoins. Nous entendrons tout d'abord le parrain du projet de loi, M. Dan Albas, député d'Okanagan—Coquihalla. Nous disposons d'environ 25 minutes pour cette partie de la séance.
Monsieur Albas, la parole est à vous.
Dan Albas, député d'Okanagan—Coquihalla, parrain du projet de loi : Merci, monsieur le président. Je voudrais remercier mes collègues des efforts opportuns qu'ils ont déployés et qui nous ont permis de nous rendre rapidement à l'étape actuelle de l'étude du projet de loi. Je sais que le Sénat est une véritable ruche par les temps qui courent. C'est pourquoi, pour ne pas monopoliser trop de temps, je vous expliquerai brièvement pourquoi il s'agit d'une mesure modeste qui est cependant importante pour l'industrie vinicole canadienne.
Je vous demande un peu d'indulgence, étant donné qu'il s'agit de ma première présence devant un comité sénatorial. C'est avec beaucoup de respect que je comparais devant vous tous. Vous avez appuyé d'emblée mes efforts à titre de nouveau député, et je vous en remercie.
Pourquoi ce projet de loi est-il important? Pour bien comprendre cette mesure législative, il faut connaître l'industrie vinicole canadienne, et en particulier les petites entreprises familiales. Je ne crois pas qu'il soit nécessaire de vous préciser que les établissements vinicoles canadiens produisent quelques-uns des meilleurs vins au monde.
Le problème des petits producteurs, c'est tout simplement qu'ils n'ont pas les moyens d'écouler leur vin par l'intermédiaire des régies provinciales des alcools qui détiennent le monopole, car, selon la province, ils devraient acquitter une commission de 50 à 60 p. 100. Autrement dit, ils devraient sacrifier la moitié de toute leur production pour vendre leur vin par l'intermédiaire de leur régie provinciale des alcools.
La plupart des petits producteurs ne pourraient pas survivre. Leur capacité de production ne leur permet tout simplement pas d'absorber de tels coûts. Ils doivent donc écouler eux-mêmes leurs produits, c'est-à-dire en les vendant à partir des caves à vin ou à l'extérieur du pays. Pourquoi à l'extérieur du pays? Parce qu'une loi a été adoptée il y a 83 ans pour interdire la vente directe au Canada. Autrement dit, un établissement vinicole ontarien peut vendre son vin à un client au Japon, au Texas ou en Chine, mais non à un client à Calgary ou Vancouver. Avec une telle interdiction illogique, faut-il s'étonner que 70 p. 100 des vins vendus au Canada proviennent de l'étranger?
Ce qui frustre encore davantage les producteurs de vin canadiens, c'est la popularité grandissante de l'œnotourisme. Des milliers de touristes canadiens ont délaissé la Nappa Valley en Californie pour envahir la magnifique vallée de l'Annapolis, la pittoresque région de Niagara en Ontario ou ma splendide circonscription d'Okanagan—Coquihalla.
Et ces touristes canadiens ne peuvent pas acheter légalement du vin et le rapporter chez eux.
Je vous donne un exemple qui nous touche plus près. Nous connaissons tous des gens qui travaillent à Ottawa mais qui vivent de l'autre côté de la rivière à Gatineau. S'ils achètent une bouteille de vin à Ottawa et la rapporte à Gatineau, ils contreviennent à une loi fédérale désuète. Étonnant, n'est-ce pas? Et ceux qui font ce genre d'achat assez fréquemment seraient probablement bouleversés d'apprendre qu'ils violent cette loi. Les contrevenants encourent non seulement une amende mais également une peine d'emprisonnement.
Je suis convaincu que, pour beaucoup d'entre nous, une telle loi est non seulement absurde, mais fait également perdre des ventes à notre industrie vinicole, l'empêchant de prendre de l'expansion, de créer des emplois et d'appuyer nos économies régionales.
Il y a 25 ans environ, la Colombie-Britannique comptait environ 20 vineries, soit à peu près le même nombre qu'on retrouve actuellement en Nouvelle-Écosse. Aujourd'hui, il y a bien au-delà de 200 vineries en Colombie-Britannique, et l'industrie vinicole y crée plus de 3 000 emplois. Songez donc au potentiel que recèle une province comme la Nouvelle- Écosse qui, comme nous l'avons appris au Comité des finances, possèderait de 40 000 à 50 000 acres de terre agricole pouvant servir à la culture du raisin. Le prix d'une terre agricole est de 3 000 à 4 000 $ l'acre. À titre de comparaison, une acre se vend environ 100 000 $ dans ma région. C'est le coût initial. Il faut par la suite investir temps et énergie. La mise en valeur d'une acre de vignoble peut coûter jusqu'à 20 000 $.
Malheureusement, la Nouvelle-Écosse compte un peu moins d'un million d'habitants. Il serait donc très avantageux qu'elle puisse avoir accès à l'ensemble du marché canadien. On pourrait dire la même chose pour la Colombie- Britannique, le Québec et l'Ontario. D'autres provinces découvrent également des terres arables où on peut cultiver le raisin.
Le projet de loi C-311 constitue peut-être une mesure modeste, qui serait susceptible cependant de dynamiser toute l'industrie vinicole canadienne. Nous savons déjà que la production intérieure ne répond pas aux demandes du marché canadien du vin. Toutes les mesures que nous pouvons prendre pour appuyer davantage l'industrie vinicole canadienne se traduiront par la création d'emplois et des investissements plus importants dans notre grand pays.
Il est essentiel de préciser l'objet de mon projet de loi qui vise à modifier la Loi sur l'importation des boissons enivrantes.
Il ne serait plus illégal qu'un particulier achète du vin d'une vinerie et le transporte ou le fasse transporter d'une province à une autre province selon les quantités permises par les lois de cette dernière, pour sa consommation personnelle.
Cela signifie que vous pourriez apporter légalement du vin dans votre province. Ce qui est plus important cependant, c'est que vous pourriez commander du vin par Internet et vous le faire livrer directement. Ces modifications permettront aux vineries canadiennes d'avoir accès à l'ensemble du marché canadien. Elles auront donc les mêmes débouchés commerciaux intérieurs que les autres secteurs d'activité dans notre grand pays.
Au cours de l'année écoulée, aucun des propriétaires d'entreprise vinicole que j'ai rencontrés ne m'a dit que les augmentations des recettes qu'entraînerait ce projet de loi ne seraient pas réinvesties dans l'entreprise. Les producteurs de vin canadien ont déjà élaboré des plans d'expansion intéressants si le projet de loi est adopté. Le cas échéant, John Skinner de Painted Rock a souligné qu'il envisage d'ouvrir un centre de dégustation de vin. M. Anthony Holler de Poplar Grove Winery à Penticton m'a indiqué que, selon son plan d'affaires, il vendrait 15 000 bouteilles de vin supplémentaire par année.
J'ai observé que, dans l'ensemble de notre grand pays, une vaste majorité appuyait le projet de loi. Ce qui est rarissime, mon projet de loi a reçu l'appui unanime de tous les partis à la Chambre des communes. Je dois remercier tous les parlementaires de leur contribution jusqu'à présent.
J'hésite à appeler le Sénat l'autre endroit, lorsque je me trouve dans son enceinte. L'autre endroit, ce serait plutôt la Chambre des communes.
Ce soir, nous avons une très bonne occasion de rapprocher le projet de loi C-311 de la sanction royale et d'appuyer une industrie émergente qui pourra créer et créera des emplois dans bien des régions du pays.
Je vous demande donc votre appui pour que le projet de loi C-311 soit adopté. Je serai ravi de répondre à vos questions. J'en ai beaucoup appris sur notre procédure parlementaire, et je vous suis reconnaissant de votre contribution.
Le président : Je vous remercie de votre déclaration préliminaire. Vous avez signalé que nous pourrions commander du vin par Internet et qu'il nous serait livré directement.
Je sais que la question a déjà été soulevée, mais je me demande si des mineurs ne pourraient pas ainsi utiliser la carte de crédit de leurs parents pour se faire livrer du vin sans qu'aucun contrôle ne soit exercé. Qu'en pensez-vous?
M. Albas : C'est une question fort pertinente, monsieur le président. Tout d'abord, personne ne veut que des mineurs puissent se procurer des boissons alcoolisées. C'est naturellement illégal. Dans ma province, la Colombie-Britannique, FedEx Canada a établi un système intra-provincial pour s'assurer que les mineurs ne peuvent se faire livrer des boissons alcoolisées. D'une façon plus pragmatique cependant, je dirais que plus de mineurs essaieraient probablement de recourir à d'autres moyens plutôt que d'utiliser la carte de crédit et d'attendre, disons, trois jours pour que leur achat leur soit livré. J'ignore si l'on choisirait parmi les excellents vins produits dans ma province, en Ontario ou en Nouvelle-Écosse, mais j'inclinerais à penser que ce serait davantage l'amateur de vin qui veut adhérer à un club du vin, qui a lu un article sur un nouveau vin de la Colombie-Britannique, du Niagara ou de la vallée de l'Annapolis dans le National Post ou le Globe and Mail et qui veut simplement goûter à ce produit qu'un critique a qualifié de « prochain grand vin ». C'est davantage l'amateur de vin qui veut une plus vaste de gamme de choix.
Le président : Nous n'avons plus que 15 minutes à notre disposition pour cette partie de notre séance. Avant d'accueillir nos autres témoins, je voudrais donc demander aux intervenants de poser de brèves questions.
Le sénateur Massicotte : De but en blanc, je conviens que le projet de loi favoriserait le commerce interprovincial du vin. Je serais porté à croire que nous devrions l'appuyer.
Certains ne sont pas d'accord cependant. Je pense bien sûr à certaines régies provinciales des alcools. Pourquoi? Nous le leur demanderons, mais on peut supposer que c'est parce qu'elles perdront des recettes et que ces achats seront moins imposés. Est-ce bien le cas?
M. Albas : Lors d'une séance du Comité des finances de la Chambre des communes, un représentant de l'Association canadienne des sociétés des alcools a fait valoir deux problèmes : premièrement, le commerce international; deuxièmement, la perte de recettes éventuelle. Le comité sait que le projet de loi visera à la fois les vins canadiens et les vins des autres pays. Par vin canadien, on entend un vin qui porte la mention « Cellared in Canada » ou l'acronyme VQA, ou encore tout autre vin canadien de qualité supérieure.
D'après ce que j'ai appris de l'industrie, on s'attend à ce que le projet de loi profite davantage aux vins attestés VQA, particulièrement à ceux des vineries familiales.
En ce qui concerne la perte de revenus évoquée, je crois que c'est plutôt le contraire qui va se produire. Il ne fait aucun doute que l'adoption du projet de loi C-311 fera augmenter les ventes de vin. Je sais que tous les propriétaires de vinerie sont frustrés de ne pouvoir vendre leur vin dans d'autres provinces en raison de la LIBE.
Actuellement, toutes les régions vinicoles du pays doivent percevoir la TVH sur les ventes de vin, quel que soit l'endroit. Si les ventes augmentent, la TVH rapportera davantage aux gouvernements fédéral et provinciaux. Cette taxe s'applique également aux frais d'expédition, une autre source de revenus.
Il faut se rappeler aussi qu'il existe une nette distinction entre les recettes provinciales et celles touchées par les régies provinciales des alcools qui exercent un monopole. Examinons maintenant le cas des industries connexes. La première tonnellerie au Canada se trouve à Oliver, tout près de ma circonscription. On y fabrique les tonneaux pour le compte de l'industrie vinicole canadienne. Voyons quelles sont les répercussions d'une nouvelle vinerie : création d'emplois, fabrication de réservoirs en acier, augmentation des ventes et accroissement du tourisme. On visite ma région pour y jouer au golf et goûter à nos vins, pour séjourner dans nos hôtels et manger dans nos restaurants. Je le répète, c'est une mesure modeste.
Le sénateur Massicotte : Ce projet de loi n'est-il pas inutile, étant donné l'opposition qui se manifeste en Colombie- Britannique, où l'on cherche déjà à annuler les avantages de votre projet de loi?
M. Albas : Encore une fois, nous enlevons un pouvoir au gouvernement fédéral pour l'accorder aux provinces.
Le sénateur Massicotte : Le pouvoir d'intervenir.
M. Albas : J'estime que chaque province est en mesure de juger ce qui lui convient le mieux. J'encourage particulièrement les responsables des régions vinicoles à tenir compte des avantages qu'en récolteront l'agrotourisme et les industries connexes. On pourra notamment créer un nouveau site web pour faire la publicité de ses vins ou de ses tonneaux, comme ceux fabriqués à Oliver. Il faut faire la part des choses et voir le tableau d'ensemble.
Certaines de ces préoccupations ne portent que sur un aspect et ne tiennent pas compte de tous les avantages que nous récolterons. Je le répète, les ventes et les investissements accrus dans l'industrie vinicole canadienne ne feront pas que rehausser la qualité de nos vins. Elles entraîneront également une augmentation des recettes.
[Français]
Le sénateur Maltais : Je voudrais vous féliciter parce qu'on attend cette modification à la loi depuis longtemps. Je viens du Québec, d'une région en particulier, où il y a beaucoup de petits vignobles. Ce ne sont pas des gens choyés par le monopole de la SAQ. Ils sont réduits à vendre leur vin devant la maison et dans quelques dépanneurs. La question de la taxe me passe 100 pieds par-dessus la tête, parce que c'est peut-être 25 000 bouteilles de vin qui vont circuler d'un bout à l'autre du Canada. Pour une fois, on va boire du vin, autre chose que de la taxe. Je n'ai pas de regrets.
Vous nous avez rassurés à propos des mineurs. C'est une interrogation que nous avions. Vous avez tout à fait raison : lorsqu'un jeune veut boire une bouteille de vin, il n'attendra pas 33 jours. Il va aller au dépanneur ou il va la faire acheter par un autre ou il va la prendre dans le bar de son père.
Je tiens à vous dire merci car cela va nous permettre de faire connaître l'éventail de production de vin au Canada. En Colombie-Britannique, il y a des vins extraordinaires, médaillés en Europe, et on n'est pas capable d'en avoir. On va pouvoir au moins y goûter, en faire venir une caisse. Je ne crois pas qu'un particulier puisse faire venir 25 caisses de vin de la Colombie-Britannique. C'est utopique de le penser; c'est de permettre, lorsqu'on va en voyage, de rapporter une ou deux bouteilles, selon la loi. C'est surtout le fait de faire connaître les produits canadiens.
Ce que vous faites dans le domaine du vin ouvre la porte dans d'autres domaines, tels les fromages fins. On n'a pas encore cette possibilité. Des initiatives comme cela à la Chambre des communes, bravo. Je ne crois pas que beaucoup de monde autour de la table soit contre cela. Je n'ai pas de questions. Vous avez répondu à ma question sur les mineurs. Encore une fois, chapeau!
[Traduction]
Le sénateur Moore : Merci, monsieur Albas, de comparaître devant nous et d'avoir proposé ce projet de loi qui, si j'ai bien compris, a été appuyé par votre collègue, Scott Brison, qui en est le coparrain.
J'aurais quelques questions. Ce projet de loi ne vise-t-il que les vins élaborés au Canada? Vous avez indiqué que c'était bel et bien le cas, mais ce n'est pas précisé dans le projet de loi, même si ce l'est peut-être dans une autre disposition de la Loi sur l'importation des boissons enivrantes. Le projet de loi vise-t-il uniquement les vins canadiens?
M. Albas : C'est une question pertinente, et je vous en remercie. La question a été abordée souvent lors des séances du Comité des finances. Si nous indiquions sur l'étiquette que le contenu est 100 p. 100 canadien, nous pourrions faire l'objet d'une contestation commerciale pour avoir accordé un avantage préférentiel.
Cependant, les représentants de l'industrie m'ont bien précisé que celui qui sera le plus avantagé au Canada, c'est principalement le petit producteur, celui dont le produit porte l'attestation VQA ou est de qualité supérieure. Dans une succursale d'une régie provinciale des alcools qui exerce un monopole, vous ne trouvez pas les quelque 206 vins de la Colombie-Britannique.
Le sénateur Moore : Faudrait-il se préoccuper de la possibilité que le projet de loi soit incompatible avec les dispositions de l'ALENA? Pour le reste, nous estimons que les Canadiens sauront tirer leur épingle du jeu.
M. Albas : Effectivement.
Le sénateur Moore : Lorsque j'ai entendu parler de votre initiative, je me suis dit que ce serait magnifique que des gens de ma province puissent commander du vin de la Colombie-Britannique par téléphone ou Internet ou que des gens de la Colombie-Britannique puissent commander du vin de ma province. Les Canadiens pensent que cela est possible, alors que ce n'est pas le cas, du moins en ce qui concerne la Colombie-Britannique où un règlement a été établi le lendemain de l'adoption de votre projet de loi à la Chambre.
J'ai parlé aujourd'hui avec le président de la Régie des alcools de la Nouvelle-Écosse. J'ignorais que la Nouvelle- Écosse était le troisième producteur de vin au pays, mais je savais que nous étions parmi les cinq premiers. Les gens de la Nouvelle-Écosse appuient votre projet de loi, mais ils se disent inquiets étant donné qu'il faut un règlement pour préciser ce qui est autorisé.
Les responsables des autres régies des alcools provinciales vous ont-ils fait part de leurs observations? Que pensez- vous de ces problèmes et quelles seront les répercussions de ce changement sur les activités commerciales?
M. Albas : J'ai déjà évoqué la façon dont le projet de loi viendra en aide essentiellement aux petits producteurs qui, souvent, ne réussissent pas à écouler leurs produits. Je vous donne un exemple : en Ontario, 30 vineries VQA se livrent concurrence sur un territoire restreint, et 85 p. 100 de leurs ventes s'effectuent sur le site même de l'exploitation. Une région vinicole comme la Nouvelle-Écosse aura donc davantage de débouchés.
Nous précisons que ce sont les gouvernements provinciaux qui auront la compétence dans ce domaine. Une province pourra certes imposer certaines restrictions, si après avoir consulté son industrie et ses consommateurs, elle estime nécessaire de le faire. Le projet de loi a été élaboré pour avantager les provinces et non pour les désavantager.
Le sénateur Moore : Certes. Avez-vous consulté les régies provinciales des alcools pour connaître leur avis ou espérez-vous plutôt qu'elles prendront le train en marche et modifieront leur réglementation en conséquence?
M. Albas : Toutes les fois que vous donnez des pouvoirs à une organisation ou à une province, il lui appartient de prendre les choses en main. C'est exactement l'objet de ce projet de loi. Quelques provinces pourraient-elles mettre en œuvre des restrictions? C'est tout à fait possible, mais au bout du compte, le commerce du vin sera beaucoup plus libéralisé qu'il ne l'est à l'heure actuelle. Je devrais signaler que la loi actuelle ne constitue pas seulement un obstacle commercial, mais elle érige en infraction criminelle la possession d'une seule bouteille de vin. Il fallait à mon avis rectifier le tir.
Je le répète, près de 70 p. 100 des vins consommés au Canada sont importés. Les grands et les petits producteurs de vin canadiens ont répété à maintes reprises que le projet de loi stimulera les investissements et les ventes tout en créant des emplois au Canada.
Le sénateur Massicotte : D'après mon interprétation, la modification proposée à la loi autorise un particulier d'une province à importer du vin ou une autre boisson alcoolisée d'une autre province s'il ne le fait pas pour la revente ou un autre usage commercial. Il n'est pas précisé qu'il doit s'agir d'un vin canadien. Je sais que c'est ce que vous souhaitez, mais nous pouvons nous prononcer uniquement sur ce qui figure dans le projet de loi. Celui-ci permet l'importation de vin d'une province et d'un autre pays, ce que j'appuie intégralement. Est-ce bien le cas?
M. Albas : Oui. Le projet de loi ajoute une exception autorisant l'importation de vin pour un usage non commercial, conformément à la LIBE. Nous essayons d'aplanir les difficultés, de façon à éviter toute contestation commerciale. Ce problème a été soulevé à maintes occasions lors des séances du Comité des finances.
Le sénateur Massicotte : Voilà qui est bien. Merci, monsieur le président.
Le président : Quelqu'un a soulevé une question au sujet de temps dont les sociétés des alcools provinciales pourraient avoir besoin pour s'adapter à la nouvelle loi. Pourriez-vous nous dire quand on a commencé à entendre parler de ce projet de loi? Depuis combien de temps les sociétés des alcools provinciales savent-elles que cette mesure pourrait être instaurée?
M. Albas : Si vous parlez à certains défenseurs de l'industrie du vin, et je suis certain que vous en entendrez prochainement, ils vous diront que cette loi leur met des bâtons dans les roues depuis les tout débuts. Si les simples consommateurs n'ont pas trop pâti, la loi a néanmoins freiné la croissance de l'industrie.
Le président : Quand avez-vous déposé initialement votre projet de loi?
M. Albas : En octobre dernier.
Le président : Elle figure au programme législatif depuis lors?
M. Albas : Oui. Ici encore, il s'agit d'une loi habilitante. Il revient à chaque province de prendre une décision en vertu des lois. Je les inciterais fortement à avoir une bonne discussion avec leurs consommateurs pour faire connaître les avantages et les inconvénients, et à consulter également l'industrie. Le fait de discuter d'agrotourisme, des aspects dérivés et des autres facettes de la mise en marché aura un effet positif sur l'économie.
Le sénateur Massicotte : Le régime en vigueur au Canada fait que la régie des alcools relève des provinces. Par exemple, si je vivais aux États-Unis et voulais importer un vin d'Italie, est-ce qu'une interdiction s'applique? Est-ce facile? Peut-on payer par carte de crédit ou faire expédier la marchandise?
M. Albas : Certainement. Il existe plusieurs cas de figure, mais je vous donnerai l'exemple d'un cas dont j'ai entendu parler dans le journal récemment. Un résidant de l'Ontario accueillait deux couples de visiteurs, un du Texas et l'autre de Montréal. Les deux aimaient son vin et voulaient en faire livrer une caisse chez eux. Il leur a alors demandé d'où ils venaient. Le couple texan lui a répondu qu'il venait du Texas, et il leur a indiqué qu'il n'y avait aucun problème. Ils n'avaient qu'à remplir un formulaire et il leur ferait parvenir le vin en question, mais quand le couple de Montréal a voulu faire de même, il leur a répondu que malheureusement, les règlements du Canada faisaient en sorte qu'il ne pouvait leur vendre légalement du vin.
Vous pouvez imaginer la frustration des consommateurs de vin devant l'injustice flagrante de cette situation. Imaginez alors celle qu'éprouvent ceux qui ont probablement investi une large partie de leur vie, de leurs capitaux et de leur énergie dans leur entreprise. L'ouverture d'un établissement vinicole est une opération très complexe et extrêmement onéreuse. Il faut non seulement cultiver les raisins et composer avec la complexité afférente à la création de l'entreprise, mais il faut aussi se charger de la production, et rien n'est garanti. Pour bien des petits vignobles familiaux, il s'agit d'une démarche simple, mais cruciale.
Le sénateur De Bané : J'aimerais vous féliciter pour ce que vous faites. Selon moi, toutes les mesures qui permettent aux gens de laisser libre cours à leur initiative ont du bon. Avec ce projet de loi, vous permettrez à nos producteurs, dont la production n'est pas suffisante pour vendre leurs vins à une société des alcools, qui exige des quantités considérables, de vendre leurs produits à des particuliers. Vous libérez l'énergie. Le consommateur et le producteur en sortent tous deux gagnants. Je vous félicite à 300 p. 100.
M. Albas : Merci beaucoup, monsieur.
Le président : Merci, Monsieur Albas. Je sais que vous avez une journée chargée. Nous vous remercions d'avoir comparu.
M. Albas : Merci beaucoup. J'ai bénéficié d'une exemption personnelle pour le dernier vote.
Le président : Messieurs et mesdames les sénateurs, au cours de la seconde partie de la séance, nous entendrons deux organisations. Nous avons le plaisir d'accueillir Dan Paszkowski, président, Association des vinicultures du Canada, ainsi que Mme Shirley-Ann George, fondatrice, Alliance of Canadian Wine Consumers, qui compte peut-être quelques membres parmi nous.
Chers collègues, la présente séance doit durer 45 minutes. Monsieur Paszkowski, nous vous écouterons en premier, après quoi Mme George prendra la parole. Nous aurons ensuite du temps pour vous poser des questions. La parole est à vous, monsieur.
Dan Paszkowski, président, Association des vinicultures du Canada : Bonjour. Comme le président l'a indiqué, je m'appelle Dan Paszkowski et suis président de l'Association des vinicultures du Canada. Je vous remercie sincèrement de l'avoir invité à comparaître au nom des membres de mon association afin de traiter du projet de loi C-311.
Les membres de notre association produisent environ 90 p. 100 du vin fabriqué au Canada, et je puis affirmer en toute confiance que le reste des producteurs appuient autant que nous le projet de loi C-311.
On compte plus de 400 établissements vinicoles vivant du fruit de la vigne répartis dans six provinces au Canada, dont 196 se trouvent en Colombie-Britannique, 135 en Ontario, 70 au Québec et 22 dans les provinces Maritimes.
Comme l'a souligné M. Albas, l'industrie vinicole est en pleine croissance au Canada, stimulant les investissements dans les régions rurales et favorisant l'épanouissement d'une importante industrie du tourisme, qui a une vaste influence sur l'économie du pays. Directement, nos fabriques de vin paient le traitement, les salaires et les avantages sociaux de plus de 12 000 Canadiens.
La majorité des établissements vinicoles canadiens appartiennent à des entrepreneurs qui produisent de petits volumes de vin de qualité supérieure. Le nombre de fabriques a augmenté considérablement au Canada depuis 15 ans, tout comme l'a fait la variété de vins canadiens. Cette croissance est bénéfique, mais elle peut présenter des défis quand le modèle de mise en marché se limite à la vente de gros et de détail, modèle qui n'a pas connu de changement en profondeur depuis 84 ans.
Le Canada est un pays producteur de vin reconnu sur la scène internationale pour la qualité de ses produits. Au pays, cependant, les vins entièrement canadiens certifiés VQA ne constituent que 6 p. 100 des ventes totales de vin, situation peu reluisante quand on la compare à celle d'autres pays producteurs de vins, comme l'Argentine, qui monopolise 96 p. 100 de son marché national, ou l'Espagne et l'Italie, qui desservent respectivement 94 et 93 p. 10 de leur marché.
À l'heure actuelle, les établissements vinicoles du Canada ne peuvent vendre leurs vins que sur place ou par l'entremise du réseau de succursales de la société des alcools de leur province. À défaut d'être inscrits auprès de la société des alcools, ils ne peuvent qu'attendre qu'un client emprunte leur route de gravier pour faire une vente, bien que certaines fabriques aient une route pavée. En Ontario et en Colombie-Britannique, les établissements vinicoles sont également autorisés à vendre leurs produits directement aux consommateurs à l'intérieur du territoire provincial.
Nous devons vendre notre vin et vider nos cuves avant les prochaines vendanges. Si le vin reste en inventaire, il devient plus difficile pour le producteur d'obtenir du financement pour appuyer d'autres facettes de ses activités.
De nos jours, le consommateur veut pouvoir acheter ses vins canadiens préférés comme bon lui semble, que ce soit chez un détaillant, au vignoble, par téléphone ou en ligne. Les producteurs de vins le savent, car ils reçoivent des commandes en ligne et par téléphone de clients intéressés, mais ils ne peuvent leur vendre leurs produits en raison de la Loi sur l'importation des boissons enivrantes de 1928.
Fait intéressant, les sociétés des alcools provinciales ont également indiqué que cette loi les empêche de satisfaire les consommateurs et les fabricants qui réclament l'expédition directe de vin. Ce n'est pas de notre faute; nous ne faisons qu'obéir à la loi fédérale.
Le projet de loi C-311 élimine l'obstacle qu'impose le gouvernement fédéral et donne aux provinces le pouvoir légal de satisfaire les consommateurs, qui demandent de plus en plus de pouvoir recevoir directement des produits. Il est ainsi possible d'ouvrir le marché canadien aux établissements vinicoles de toutes les régions du pays.
Les provinces, reconnaissant que la loi fédérale est désuète, ont établi des règles permettant aux consommateurs d'importer du vin « sur leur personne ». Malheureusement, les mesures se limitent au transport personnel, varient d'une province à l'autre et imposent des restrictions au chapitre de la quantité. Par exemple, le Québec autorise l'importation de 1,5 litre et l'Ontario, de 9 litres par voyage. Le projet de loi C-311 vient toutefois légaliser ces règles, puisqu'il est actuellement illégal pour quiconque de traverser une frontière provinciale avec un vin qui n'a pas été acheté ou consigné par la province.
Les sociétés des alcools provinciales ont également convenu que les consommateurs veulent de plus en plus acheter des vins particuliers issus de petits producteurs spécialisés, qu'ils ne trouvent pas chez les détaillants. Le programme de commandes privées ne constitue pas un volet important des activités des sociétés des alcools, puisqu'il est onéreux, peu connu et pas particulièrement convivial. Comme on peut le lire sur le site Web de la LCBO, il faut parfois trois ou quatre mois pour recevoir une commande effectuée dans le cadre de ce programme, et la situation est assez semblable dans les autres provinces.
Si cette solution de rechange nous encourage, nous faisons remarquer que le programme de commandes privées ne peut remplacer la vente directe au consommateur et les rapports directs qui s'établissent avec le client lors de la vente de produits vinicoles de qualité supérieure directement à la fabrique.
Depuis que la Cour suprême des États-Unis a décidé, en 2005, d'autoriser la livraison directe de vins au pays, l'AVC fait des pieds et des mains pour éliminer les obstacles interprovinciaux au transport de vins au Canada. Cela n'a rien de nouveau. Nous avons discuté de la question avec l'Association canadienne des régies d'alcool, mais en 2009, nous n'avons pas réussi à instaurer un régime de vente directe aux consommateurs pour les producteurs de vins. Quelques velléités de démarches ont eu lieu ces quatre dernières années. Ici encore, ce n'est pas nouveau.
Au cours des six dernières années, nous avons consulté les consommateurs, les fabricants de vin du Canada, l'industrie américaine et de nombreux avocats spécialisés dans le domaine du commerce et des alcools, tout en maintenant des échanges constants avec l'Agence du revenu du Canada et d'autres ministères fédéraux. Forts de ces conseils éclairés, nous considérons qu'il importe de dissiper d'importantes idées fausses au sujet des répercussions du projet de loi C-311.
Tout d'abord, ce projet de loi n'ouvrira pas la porte à l'évasion fiscale. Comme c'est le cas pour tous les produits, les taxes provinciales s'appliqueront dans la province où l'achat interprovincial s'effectue. Les producteurs expédiant leurs vins à un consommateur adulte d'une autre province devront percevoir les taxes, les impôts et les droits au nom de la province. La taxe de vente sur les expéditions directes deviendra une nouvelle source de revenus, même pour les provinces dépourvues d'industrie vinicole.
De plus, le projet de loi C-311 et les ventes directes au consommateur n'auront pas de conséquences néfastes sur les ventes des sociétés des alcools provinciales. La province de l'Ontario a autorisé les ventes directes, qui ont augmenté de 77 p. 100 entre 2002 et 2010, et représentent environ 2 p. 100 des ventes totales. La LCBO a depuis vu passer sa part des ventes de vins totales dans la province de 82,6 à 84,1 p. 100.
Sachez en outre que le projet de loi C-311 ne contreviendra pas aux règles du commerce international, puisque les vins importés seront traités de la même manière que les vins produits au pays. La mesure ne pourra malheureusement se limiter aux vins canadiens, comme on l'a indiqué plus tôt, puisque cela pourrait donner lieu à une plainte devant une organisation commerciale.
Enfin, le projet de loi et l'expédition directe aux consommateurs ne réduiront en rien les obligations au chapitre de la responsabilité sociale et ne permettront pas aux mineurs de commander du vin en ligne. L'Ontario et la Colombie- Britannique autorisent l'envoi direct de vin depuis plus de 10 ans, et l'accès des mineurs à l'alcool n'a jamais posé de problème. Qui plus est, aucun vin ne sera vendu à un prix inférieur à celui du prix de référence sociale fixé par la province, et le messager devra exiger la signature d'un adulte lors de la livraison de l'envoi direct. Les producteurs pourront éviter d'envoyer des colis à des communautés où la consommation d'alcool est interdite grâce à des logiciels de traitement des commandes, et les messagers pourront faire des vérifications supplémentaires.
Nous considérons que le projet de loi C-311 offrira aux établissements vinicoles du Canada un nouveau débouché qui permettra de créer un marché intérieur plus fort pour les vins canadiens, une assise solide pour que l'industrie puisse concrétiser ses ambitions de croissance, de nouvelles occasions touristiques en région vinicole, de nouveaux emplois et des revenus supérieurs pour le gouvernement.
Je terminerai en indiquant que les règles provinciales autorisant l'importation de vin « sur sa personne » constituent un point de départ. L'intention légale du projet de loi C-311 est simple et permet aux citoyens canadiens de pouvoir, pour la première fois en 84 ans, visiter une région vinicole du Canada et d'en ramener du vin ou d'y acheter des produits et de les faire expédier chez eux, de commander du vin en ligne auprès d'un vignoble de l'extérieur de leur province pour le faire livrer à leur domicile, d'adhérer à un club de vin canadien d'une autre province et de se faire livrer de nouveaux crus et des vins de petits producteurs.
L'expérience nous a montré que les provinces peuvent mettre ces règles en place très rapidement. Nous demandons donc que le projet de loi C-311 soit adopté sans tarder. Le concept n'a rien de nouveau et fait l'objet de débats depuis des années entre les gouvernements provinciaux et les sociétés des alcools de toutes les régions du pays. Merci. Je répondrai à vos questions avec plaisir.
Shirley-Ann George, fondatrice, Alliance of Canadian Wine Consumers : Au nom des amateurs de vin du Canada, nous sommes heureux que vous ayez demandé l'avis de l'Alliance of Canadian Wine Consumers. Nous représentons une organisation spéciale de citoyens bénévoles qui s'est principalement fait connaître grâce à sa campagne, « FreeMyGrapes ». Nous existons pour une seule raison : nous voulons que les Canadiens puissent légalement acheter directement du vin des producteurs canadiens et faire livrer leurs achats d'une province à l'autre pour leur usage personnel. C'est ce que nous appelons les ventes de vin directement des établissements vinicoles aux consommateurs.
Nous appuyons pleinement le projet de loi C-311, qui élimine la sanction criminelle fédérale qui interdit actuellement aux Canadiens d'accéder à un éventail de vins produits dans d'autres provinces. Il élimine également l'outil que les sociétés des alcools provinciales utilisent pour empêcher les producteurs de vins d'accepter les commandes de consommateurs dont ils ont tant besoin. En bref, il s'agit d'un pas en avant crucial dans le cadre des efforts que nous déployons pour que les vins canadiens soient plus accessibles aux adultes canadiens.
J'ai cinq brèves observations à formuler. Tout d'abord, les Canadiens veulent que les obstacles interprovinciaux soient abattus. Nous considérons que les consommateurs devraient jouir d'un choix élargi et d'un marché national unifié, et qu'en 2012, tout devrait être accessible par Internet. Peu importe l'endroit où l'on vit au Canada, on devrait pouvoir visiter un établissement vinicole et faire livrer ses achats à la maison, adhérer au club de vin et aller sur le site Web d'un producteur pour commander un vin dont on a entendu parler par le bouche-à-oreille ou sur un blogue.
Nous bénéficions du soutien de Canadiens des quatre coins du pays. Ils ont signé nos pétitions en ligne et en format papier, envoyé des lettres à leurs députés et se sont joints à nos pages Facebook et Twitter. En fait, un marathon de « gazouillis » de quatre heures aura lieu cet après-midi afin d'appuyer le projet de loi C-311, auquel participeront des Canadiens de toutes les régions du pays, qu'il s'agisse de producteurs de vin, de consommateurs ou d'autres parties intéressées de l'industrie.
Étant donné que la majorité des adultes canadiens sont en faveur de l'élimination de cet obstacle à la circulation de vins entre les provinces, on ne s'étonnera pas que la loi actuelle et ses dispositions archaïques soient tournées en ridicule dans la presse, la radio, la télévision et les médias sociaux nationaux et locaux.
De plus, c'est abordable. Nous avons soigneusement élaboré notre initiative de ventes de vin directement des établissements vinicoles aux consommateurs pour qu'elle ait le moins d'effet possible sur les revenus des provinces. Notre analyse s'appuie sur les faits et les chiffres de ShipCompliant, l'entreprise qui étudie les répercussions des ventes directes de vin des établissements vinicoles aux consommateurs aux États-Unis, où il est maintenant légal de vendre du vin d'un État à l'autre dans 38 des 50 États.
Seulement 0,6 p. 100 des vins produits aux États-Unis sont expédiés d'un état à l'autre. Si nous reprenons cette donnée pour le Canada en supposant qu'il n'y a pas de chambardement économique, et nous pourrions tous convenir que c'est une projection très prudente, on parle d'entre 0,001 et 0,015 p. 100 des revenus de la régie des alcools. Ce n'est même pas une erreur d'arrondissement.
Par ailleurs, nous croyons que l'augmentation des taxes et des emplois et d'autres avantages économiques pour les provinces permettront largement de couvrir les coûts. Les provinces productrices de vin — et vous aimeriez peut-être savoir que chaque province a aujourd'hui ses propres vineries — bénéficieront de l'augmentation du tourisme, des ventes de vin, de raisins et de fruits.
Parce que l'expédition du vin coûte cher, l'achat de vin directement des vineries est attrayant seulement pour les vins qui ne sont pas accessibles localement, et on le fera surtout pour les vins de haut de gamme. À titre d'exemple, je connais une personne qui a commandé deux caisses de vins de la Colombie-Britannique. Puisque c'est illégal, je ne la nommerai pas. Il en a coûté 106 $. Ce n'est pas banal et on ne le ferait pas pour des bouteilles de vin à 10 $, mais bien pour de bons vins.
Comme aux États-Unis, cela veut dire que les points de vente d'alcool ont toujours la grande majorité des ventes au détail; 98 p. 100 des vins sont achetés localement.
Troisièmement, la grande majorité des vins canadiens ne nous sont tout simplement pas accessibles. Il ne suffit que de marcher dans les allées du magasin d'alcool le plus près pour s'apercevoir qu'une très petite partie des plus de 450 vineries canadiennes sont représentées sur les tablettes, et chacune de ces vineries a plus d'une étiquette. Le fait est que l'espace sur les tablettes sera toujours limité et qu'il sera toujours impossible d'acheter ces vins à moins de le faire directement des vineries.
Quatrièmement, ce sont les petites entreprises, les entreprises rurales et familiales qui en sortiront les plus gagnantes. La plupart sont des petites vineries qui ne peuvent pas vendre ou ne vendront pas leurs vins par l'intermédiaire des régies des alcools. De plus, le tourisme vinicole et culinaire augmentera, ce qui aidera les nombreuses petites entreprises, comme les hôtels, les restaurants et les organisateurs de visites vinicoles. L'expérience des États-Unis montre que chaque état qui autorise la vente de vin directement de vineries a vu ses ventes de vins locaux augmenter.
Enfin, le projet de loi n'empêche pas les provinces de réglementer la vente de vin convenablement. Par exemple, les provinces peuvent toujours établir des règlements pour limiter les changements proposés quant à la vente de vin directement des vineries, comme nous l'avons demandé. Elles peuvent toujours protéger les mineurs par des moyens comme ceux que Dan a mentionnés, c'est-à-dire exiger une pièce d'identité prouvant l'âge de la personne lors de la livraison, un système qui s'est révélé efficace.
En terminant, nous voulons remercier l'excellent député Dan Albas d'avoir présenté son projet de loi d'initiative parlementaire, et nous sommes ravis du soutien unanime qu'il a reçu de la Chambre des communes. Aujourd'hui, les amateurs de vins du Canada vous demandent à vous, les membres du Comité sénatorial des banques, de voter vous aussi en faveur du projet de loi C-311.
Le président : Madame George, pourriez-vous nous en dire un peu plus au sujet de l'Alliance de consommateurs de vin canadien? Êtes-vous à la tête de cette organisation?
Mme George : Oui. C'est une organisation communautaire soutenue par des gens qui se sont inscrits en ligne ou par des outils comme Facebook et Twitter. Elle est maintenant plus qu'une alliance de consommateurs de vin canadien. Par exemple, je ne sais pas si certains d'entre vous viennent de la Colombie-Britannique, mais on y mène présentement une campagne très active intitulée « FreeMyGrapes ». Nous avons également l'appui de sommeliers de partout au pays, d'amateurs de vin et des médias, tant les médias traditionnels que ceux qui suivent l'industrie vinicole.
Le président : Merci beaucoup.
Le sénateur L. Smith : Monsieur Paszkowski, au cours de votre exposé, vous avez dit que le vin canadien ne représente que 6 p. 100 des ventes totales de vin. Avez-vous fait des calculs sur la croissance et la taille possible du marché pour nos producteurs de vin canadiens? Quels sont les chiffres?
M. Paszkowski : Comme Mme George l'a dit, il est difficile de faire des calculs exacts. Toutefois, nous avons examiné ce qui se passe aux États-Unis pour déterminer ce qui pourrait se passer sur le marché canadien. Dans ce pays, à peu près 2 p. 100 de la production totale est vendue directement au consommateur, et 1 p. 100, soit la moitié, de cela représente le vin qui est acheté lors de dégustations. On ignore donc si le vin demeure dans l'état de la Californie ou s'il en sort. L'autre 1 p. 100 est aussi vendu directement au consommateur; le consommateur achète une caisse de vin à la vinerie et la fait expédier chez lui, dans son état, ou il s'agit d'un achat en ligne ou par téléphone par un club de vin.
Au Canada, concernant le montant pour des vins VQA faits entièrement de raisins cultivés au Canada et, comme Mme George l'a mentionné, si les frais de transport sont de 4 $ la bouteille, on n'achètera pas de vins à 10 $; ce seront des vins de qualité supérieure d'au moins 15 $. Nous estimons que cela représente à peu près entre 25 000 et 30 000 caisses de vin.
Ce n'est pas une panacée, mais il s'agit d'une très grande quantité pour les petits et moyens producteurs. Cela peut représenter une bonne partie de leurs ventes. C'est aussi important pour les grandes vineries, mais cela ne représenterait qu'un faible pourcentage de leurs ventes.
Le sénateur L. Smith : Vous avez dit que les vineries emploient environ 12 000 personnes.
M. Paszkowski : Directement, oui.
Le sénateur L. Smith : Même si cela a des répercussions sur un créneau de petits producteurs, il serait intéressant d'examiner les petits et gros producteurs. Si l'on faisait une analyse, ce serait également un outil de marketing pour vous et votre association quant au tourisme, aux investissements et au modèle de croissance économique.
M. Paszkowski : Tout à fait. Nous savons que les visites des consommateurs dans les vineries ont des répercussions importantes sur le tourisme. À notre avis, l'accès à nos vins stimulera le tourisme. Une nouvelle vinerie n'a pas la capacité financière ou les quantités qu'il faut pour vendre ses produits par l'intermédiaire des régies des alcools. Ce n'est pas que les vineries refusent de le faire, car cela leur permettrait de se faire connaître par des millions de consommateurs lorsqu'ils se rendent dans l'un des établissements gouvernementaux les plus visités au pays. Toutefois, si une vinerie peut établir ce lien avec les consommateurs et augmenter le niveau de profitabilité et réinvestir, elle peut alors s'intégrer au système des régies des alcools. C'est comme un inventaire virtuel pour les régies. À long terme, tout le monde en tirera profit : le tourisme, les régies des alcools, les vineries et les consommateurs.
Le sénateur L. Smith : Que pensez-vous de la résistance qu'opposent les régies provinciales? Qu'en pensez-vous? Les régies craignent-elles que des tiers tentent de promouvoir d'autres types de produits qui pourraient profiter des mêmes avantages, comme de l'expédition de bières d'une province à l'autre, et cetera? Est-ce possible?
M. Paszkowski : Je pense que c'est possible, mais ce n'est pas comparable au vin, et il n'y a aucune raison d'étendre cela à d'autres produits. La situation des produits très alcoolisés et de la bière n'est pas comparable à celle du vin. Ils sont plus facilement accessibles au pays, du moins la plupart des marques. Par exemple, l'expédition de produits comme la bière de la Colombie-Britannique à la Nouvelle-Écosse coûterait extrêmement cher et la qualité du produit diminuerait en cours de route. Le rhum Captain Morgan's se vend presque partout.
Le sénateur L. Smith : Je voulais plutôt savoir s'il y a des effets négatifs. Au Québec, il semble qu'au gouvernement québécois ou à la SAQ, on voit d'un mauvais œil la possibilité que le projet de loi soit adopté. Sont-ils paranoïaques sans raison? C'est ce qui sous-tendait ma question.
M. Paszkowski : Je pense qu'ils sont paranoïaques sans raison.
Le sénateur Massicotte : Je suis aussi convaincu que l'adoption du projet de loi aiderait les négociants en vins sur le plan économique. C'est très bien. Cela nous inciterait tous à en acheter pour des raisons de simplicité, mais aussi de prix, qui seraient moins élevés. C'est une bonne chose d'encourager les producteurs canadiens. C'est très positif.
Je dois admettre que si je suis en faveur du projet de loi, c'est aussi parce que je suis contre les monopoles. À l'heure actuelle, tous les monopoles des provinces ont le plein contrôle. Je n'ai pas le droit d'acheter du vin de l'Ontario. Cela dit, ils en retirent des sommes importantes et il n'y a pas de concurrence à moins que j'agisse de façon illégale.
Si le projet de loi était adopté, pourquoi ne pourraient-ils plus s'assurer qu'on ne peut pas acheter du vin d'une autre province? C'est ce qui me préoccupe. J'aime la concurrence. Je pense que c'est essentiel à notre compétitivité, mais ils détestent cela parce qu'ils aiment imposer des taxes très élevées sur l'alcool. Qu'est-ce qui les empêchera de conserver leur monopole si le projet de loi est adopté?
M. Paszkowski : Le projet de loi ne change pas la situation de monopole. Il s'agit d'une modification très simple qui permet d'expédier du vin directement au consommateur. Nous aimons que le pays ait un système de régies des alcools. Nous collaborons très bien avec elles. C'est dommage que bon nombre d'entre elles ne vendent pas un plus grand nombre de vins canadiens. Nous espérons que cela les encouragera à vendre plus de vins canadiens à l'avenir.
Nous avons de bonnes relations avec les régies d'alcool, et le projet de loi ne contient rien qui changerait quoi que ce soit à cet égard. Nous n'avons jamais eu l'intention de changer ce système. L'objectif n'est que de pouvoir vendre nos produits d'une nouvelle façon.
Le sénateur Massicotte : Si j'ai bien compris, au Québec, nous ne pouvons même pas importer une seule bouteille; donc, cela ne changera rien. Même si nous adoptons le projet de loi, je ne pourrai pas acheter une caisse de vins de la Colombie-Britannique et la faire expédier au Québec.
M. Paszkowski : Si le projet de loi est adopté, il y aura une zone grise pour ce qui est des achats en ligne et de la quantité. Nous espérons que les provinces se réuniront et que les consommateurs feront des pressions pour que la quantité soit raisonnable. Je ne pense pas que 1,5 litre soit raisonnable.
Mme George : Par ailleurs, le projet de loi reçoit un fort appui des consommateurs. Le projet de loi C-311 retire les sanctions fédérales pour l'expédition. Nous ne nous attendons pas à ce que les provinces soient désireuses d'affronter l'appui important des consommateurs en leur imposant des sanctions. Premièrement, leur mise en œuvre coûterait cher. Comment saura-t-on que le vin a été expédié? Allons-nous vraiment mettre des consommateurs en prison pour avoir acheté un produit canadien légal?
Nous nous attendons à ce que les régies des alcools continuent à se battre pour conserver le contrôle de leur monopole. Si vous et moi avions le monopole, nous pourrions faire la même chose. Toutefois, nous croyons qu'en définitive, compte tenu du tollé que cela provoquerait, si les provinces mettent en place des restrictions, elles entendront de fortes protestations de la part des Canadiens.
Le sénateur Massicotte : J'espère que vous avez raison, mais je ne suis pas optimiste. Il y a plusieurs mois, au Québec, une personne est décédée et a légué beaucoup de bouteilles de vin. La SAQ a découvert que le vin avait été importé d'autres provinces, et elle envisageait de faire payer des sommes importantes aux descendants pour le vin qui avait été expédié illégalement d'une province à l'autre. Cette histoire a surpris tout le monde. La personne est décédée; laissons au moins ses descendants savourer le vin. C'est incroyable.
[Français]
Le sénateur Maltais : Je voudrais savoir, juste pour rassurer le sénateur Massicotte, rappelez-vous que la brasserie Dow avait fermé parce que des gens avaient trop consommé. Il faut boire du tonneau et non pas le tonneau.
Combien on exporte de vin vers les États-Unis de l'ensemble du secteur privé? Est-ce qu'on en exporte, d'abord?
[Traduction]
M. Paszkowski : Oui. Nous ne sommes pas de grands exportateurs. L'une des raisons pour lesquelles nous souhaitons cela, c'est que nous voulons établir des liens d'affaires au Canada. C'est un tremplin vers le marché de l'exportation, mais les États-Unis seraient notre plus important marché.
[Français]
Le sénateur Maltais : Il avait une inquiétude de certaines sociétés des alcools disant que la libre circulation des vins, incluant les vins chiliens et d'autres vins. Je ne crois pas, comme citoyen du Québec, que j'irais importer une bouteille de vin du Chili qui est vendu en Colombie-Britannique. Je pense que c'est déplacé. Je veux acheter une bouteille de vin produit en Colombie-Britannique parce qu'on n'en a pas au Québec, mais le vin du Chili, je peux en avoir au baril. Je n'ai pas d'intérêt à y faire traverser le Canada. Il ne faut pas penser que c'est sérieux leur approche. C'est simplement du vent en l'air, c'est le cas de le dire. Je ne crois pas que ce soit un empêchement. Ce que j'aime dans le projet de loi, c'est ce que le député nous a bien expliqué, c'est la libre circulation des produits canadiens. C'est ce que les consommateurs recherchent. De l'Est à l'Ouest, c'est normal qu'on puisse goûter les différents produits.
Les petits producteurs qui vendent devant leur porte, est-ce qu'ils perçoivent des taxes? Et de quelle façon ils en font part au gouvernement, par des rapports annuels? Je ne sais pas comment vous fonctionnez.
[Traduction]
M. Paszkowski : Comme je l'ai dit au cours de mon exposé, des taxes seront perçues. L'achat de vin ne sera pas traité différemment de l'achat de skis de Colombie-Britannique. Le propriétaire du magasin vous donnera le prix des skis incluant la taxe de vente provinciale de l'Ontario. Il en sera de même pour le vin. La vinerie inclura le prix total — et il existe des logiciels pour le faire; ce n'est pas très difficile à faire, tant qu'on sait où est expédié le vin — peu importe les taxes et les impôts de la province.
Par exemple, concernant la taxe de vente de l'Ontario, s'il faut ajouter des frais de 20 cents pour la bouteille, qu'il s'agisse d'une écotaxe ou d'une taxe sur les bouteilles, ils seraient calculés dans le prix.
La Saskatchewan percevrait des taxes.
[Français]
Le sénateur Maltais : Pourquoi les sociétés des alcools ne ramassent pas les bouteilles vides alors que les compagnies de bière ramassent leurs bouteilles vides et leurs cannettes de bière? Pourquoi serais-je pris avec les bouteilles de la Société des alcools du Québec? Ce n'est pas le contenant que j'achète, c'est le contenu. Pourquoi serais-je pris avec ces bouteilles?
[Traduction]
M. Paszkowski : C'est une bonne question. On les ramasse dans différentes provinces. D'après ce que j'ai lu dans les médias, bon nombre de résidents du Québec apportent leurs bouteilles à la Brewers Retail en Ontario pour percevoir le montant. Je pense que c'est logique. Chaque province détermine qui peut percevoir les taxes sur les bouteilles; cela varie d'une province à l'autre.
En ce qui concerne le vin chilien, je pense que vous avez tout à fait raison, mais en Ontario, si la LCBO ne vend pas un vin du Chili que vous recherchez, elle peut le commander pour vous; vous pouvez l'obtenir par l'intermédiaire d'une autre régie des alcools; ou vous pouvez la commander directement à la vinerie au Chili, ce qu'on ne peut pas faire au Canada. On ne peut pas commander une bouteille directement dans une vinerie canadienne.
Le sénateur Massicotte : Vous avez répondu qu'évidemment, on percevra les taxes de vente applicables à la province de résidence du consommateur, mais si j'importe du vin de l'Europe, par exemple, du moins au Québec, on me fera payer non seulement la taxe de vente, mais aussi des frais pour l'importation, ou peu importe. Me fera-t-on faire payer cette somme également si j'achète du vin de la Colombie-Britannique? En d'autres termes, le prix qu'on paie en achetant localement est très différent du prix en magasin. Ces frais sont-ils aussi compris?
M. Paszkowski : Non. La marge est quelque chose de différent.
Le sénateur Massicotte : Je ne parle pas de la marge. Si j'importe du vin de l'Europe et que j'habite au Québec, on me fera payer non seulement les taxes de vente, mais aussi un droit important — il ne s'agit pas d'une marge ou d'un profit, mais simplement de frais d'administration, je suppose, et ils obtiennent des sommes importantes.
M. Paszkowski : Dès l'arrivée du vin au Canada, il doit d'abord être réceptionné par la régie des alcools, au point d'entrée dans la province. Si le vin a été commandé directement auprès du producteur, je pense que c'est Douanes Canada qui s'en occupe. Pour le compte de toutes les régies des alcools, il prélève une marge — je crois qu'elle est de 102 p. 100 — sur le vin arrivant au Canada. Cependant, tout vin étranger doit d'abord être réceptionné dans la province dans laquelle il arrive. Autrement dit, il doit passer par la régie des alcools et il fait l'objet du prélèvent exigé avant d'être autorisé à...
Le sénateur Massicotte : Est-ce que c'est une taxe d'accise fédérale?
M. Paszkowski : Non. À part la taxe de vente harmonisée ou la taxe de vente provinciale, toutes les régies prélèvent une marge. C'est un coût de service pour le vin qui passe dans le système de vente au détail et de distribution de la régie. Son taux varie selon la province. Il est de 66 p. 100, en gros, en Ontario et de 148 p. 100, je crois, au Nouveau- Brunswick. Il y a le prix du producteur, qui est le prix FOB, la taxe d'accise, un prix franco dédouané puis, en plus, la marge prélevée par la régie.
Au fur et à mesure, après tous les autres prélèvements, taxe de vente provinciale, TPS, taxe pour la bouteille, on arrive au prix final. Par exemple, en Ontario, pour une bouteille de vin qui se vend 15 $, le producteur obtiendra à peu près 6,75 $, et la marge de la LCBO sur ce produit serait d'environ 6,77 $.
Le sénateur Massicotte : Près de 100 p. 100. Si j'achète une caisse en Europe, elle m'est livrée, mais elle doit s'arrêter à l'entrepôt de la SAQ. Ce n'est donc pas une marge; la SAQ ne fait rien, si ce n'est de la garder quelques heures avant qu'elle ne me soit livrée. Malgré tout, elle me facturera quand même 80 p. 100 de plus sur ce vin?
M. Paszkowski : Oui. L'Ontario ou la Colombie-Britannique, qui autorisent la livraison directe de vins de la province, ne prélèvent pas de marge dans ce cas-là. Le prix n'est pas majoré. Le producteur fait tout le travail, il prépare l'expédition, la caisse, et cetera, de sorte qu'il n'y a pas de majoration. Le coût du service est proportionnel au service fourni.
Le sénateur Massicotte : Une belle activité.
Le président : Monsieur Paszkowski et madame George, le comité vous remercie beaucoup pour vos exposés.
Chers collègues, dans le troisième et dernier groupe de témoins, nous sommes très heureux d'accueillir les représentants de l'Association canadienne des sociétés des alcools, MM. Patrick Ford, directeur principal des Politiques et relations gouvernementales à la LCBO, et Stéphane Garon, directeur des Services juridiques de la Société des alcools du Québec, la SAQ.
Nous disposons d'environ 35 minutes. M. Ford, vous avez la parole.
Patrick Ford, directeur principal, Politiques et relations gouvernementales, LCBO, Association canadienne des sociétés des alcools : Merci de l'occasion que vous nous offrez de vous rencontrer aujourd'hui. L'Association canadienne des sociétés des alcools représente les 13 sociétés ou régies des alcools du Canada. Je suis Patrick Ford. Mon collègue et moi représentons aujourd'hui l'association.
Nous respectons l'appui important et la bonne volonté suscités par le projet de loi de M. Albas. Cependant, je voudrais aussi saisir l'occasion pour apporter des éclaircissements sur le projet de loi et l'appui des régies à l'industrie canadienne du vin et faire part de certaines propositions de l'association.
Nous pourrons peut-être aussi vous éclairer sur la structure complexe des prix, dont vous parliez tout à l'heure.
Les membres de l'association vendent annuellement pour plus d'un milliard de dollars de vins canadiens. L'industrie canadienne du vin a connu une croissance rapide et constante, grâce, en grande partie, à ses excellents vins, en partie aussi à l'appui des régies canadiennes des alcools et des gouvernements des provinces.
Comme on l'a dit, chaque province et territoire du Canada possède un programme pour les commandes privées. Nous travaillons sur ces programmes. Ils varient par leur envergure et leur structure, mais ils autorisent l'importation, dans toute province ou tout territoire du Canada, de tout vin fabriqué dans n'importe quelle autre province ou partout dans le monde, des vins qui peuvent ne pas être déjà offerts en succursale. Les délais décrits dans certains exposés précédents sont périmés. Par exemple, la LCBO assure qu'on peut importer un vin de partout au Canada en moins de 15 jours.
Après l'annonce faite par la Colombie-Britannique, la semaine dernière, concernant la possibilité, pour tous les habitants de cette province d'importer directement, s'ils le transportent sur eux, du vin acheté dans une autre province, région touristique, région vinicole, et cetera, toutes les provinces et tous les territoires ont emboîté le pas.
Comme certains l'ont fait observer et en ont discuté plus ou moins en profondeur, le projet de loi ne vise pas seulement les vins canadiens, vu nos obligations commerciales internationales. Comme les vins — chiliens, français ou autres —, pourraient dorénavant, en vertu du projet de loi, profiter de leur arrivage dans la province ou le territoire où ils sont le moins taxés, notre association craint pour les recettes des provinces et des territoires et elle redoute un surcroît de concurrence pour les vins canadiens.
D'après nous, l'industrie mondiale du vin serait en meilleure position si elle pouvait profiter de ce transport interprovincial, en profitant des divers taux de majoration pratiqués par les provinces pour envoyer les vins dans celle qui prélève le moins de taxes, pour ensuite les expédier dans une autre province.
Déjà, il se crée des entreprises, en Ontario du moins, pour importer de cette façon des vins français haut de gamme en Ontario. Cela a pour effet de priver les régies d'une partie des taxes, de faire subir à l'industrie canadienne du vin une concurrence accrue et de priver absolument la province où le vin aboutit des taxes qu'elle aurait prélevées.
Enfin, avant de céder la parole à M. Garon, je précise, pour répondre aux observations de M. Albas sur les prélèvements des régies et à d'autres observations, également, que, dans chaque province et territoire, les gouvernements successifs ont décidé d'employer les recettes du commerce des alcools pour financer les soins de santé et d'éducation et leurs autres priorités. On ne peut pas comparer cette situation avec le commerce interprovincial de skis, auquel quelqu'un a fait allusion.
L'Association des vignerons du Canada a rassuré le Parlement, le comité et tous les premiers ministres que toutes les taxes, tous les droits et tous les prélèvements seront perçus, mais pas les marges, comme on l'a fait observer dans la discussion qui vient de se tenir. L'année dernière, les régies des alcools du Canada ont remis plus de 6 milliards de recettes nettes aux gouvernements des provinces et des territoires, destinés à la santé et à l'éducation. La plus grande partie de cette somme provenait de la marge qu'elles prélevaient.
C'est ce que j'avais à dire.
[Français]
Stéphane Garon, directeur, Services juridiques, Société des alcools du Québec (SAQ), Association canadienne des alcools : Je vais faire mes remarques en français mais je serai heureux de répondre en anglais ou en français.
Les autorités sont respectueuses du processus qui a eu lieu et du fait que le projet de loi obtient le support de tous les partis à la Chambre des communes. Tel que déjà mentionné, les sociétés des alcools sont en faveur d'un accès facile et complet à tous les vins canadiens. Mon collègue en a parlé; il y a de nombreux listings. À titre d'exemple, la SAQ a 400 produits canadiens listés en vente. Ceci dit, la SAQ aussi a toujours apporté son support à l'industrie lors de la rencontre qui a eu lieu la semaine dernière. Yvan Quirion, président de l'Association des vignerons du Québec, a fait sa présentation et en a profité pour remercier la SAQ de son support au fil des ans.
Ceci dit, le projet de loi C-311 ne change pas le fait que la vente des boissons alcooliques est de juridiction provinciale. Vous en avez parlé et la ministre du revenu national, Mme Shea, l'a d'ailleurs répété à quelques reprises. Malheureusement, malgré les commentaires qui ont été faits, toutes les provinces ne sont pas à la même place. Certaines sont plus prêtes que d'autres. Dans ce contexte-ci, gardons en tête que ce n'est pas la SAQ qui légifère ou règlemente mais les gouvernements par le biais de leurs ministères.
La réalité est que pour apporter de tels changements à sa réglementation ou à ses lois, dans certains cas, il s'agit de lois, cela ne se fera pas du jour au lendemain. Je pense que ce ne sont pas tous les projets de loi qui ont la chance que le projet de loi C-311 a eu de commencer d'être présenté, pour la première fois en octobre 2011, et d'être ici au mois de juin 2012 dans les dernières étapes.
Nous croyons que pour éviter toute confusion et pour avoir lu les journaux au cours des dernières semaines, je pense qu'il y a un peu de confusion sur l'effet, et potentiellement les impacts, que pourrait avoir le projet de loi C-311. Nous croyons qu'il serait important qu'un amendement soit apporté pour qu'une période de transition soit prévue pour permettre aux sociétés des alcools, mais surtout aux gouvernements provinciaux, de s'adapter à un nouveau régime. On parle d'une période d'environ 12 mois qui permettrait aux divers gouvernements de faire ce qu'il est nécessaire pour maintenant accommoder cette nouvelle situation où le commerce interprovincial est permis.
Aussi, il est important que le gouvernement fédéral, une fois le projet de loi adopté, soit en mesure de donner des informations claires et une communication claire sur à quel moment et les impacts de ce qui est permis ou non maintenant que le projet de loi C-311 aura été adopté.
Nous sommes disponibles pour quelques questions que vous pourriez avoir et je suis convaincu que vous en avez quelques-unes.
[Traduction]
Le président : Merci beaucoup, messieurs.
Le sénateur Greene : D'après votre témoignage, l'importation de vins et d'alcools se ferait systématiquement par la province qui les taxe le moins. Pourquoi est-ce mauvais? En quoi une taxe, une taxe élevée, c'est bon?
M. Ford : J'ai mentionné tout à l'heure que cela découle d'une sorte de consensus à la grandeur du pays, dans les provinces et les territoires, d'une décision prise par les gouvernements successifs pour financer à partir du Trésor, avec le produit des ventes des alcools, leurs programmes. C'est une sainte taxe, comme on entend parfois. Des responsables de la santé publique sont d'avis qu'un prix plus élevé de l'alcool tend à diminuer ses ventes. Il existe certainement beaucoup d'études en ce sens. Aujourd'hui, nous parlons surtout du fait que c'est une vache à lait pour les provinces.
Le sénateur Greene : D'accord. Ces recettes sont importantes pour les provinces, bien sûr, mais elles continueraient d'entrer ou de s'accumuler si les régies des alcools n'existaient pas.
M. Ford : C'est vrai.
Le sénateur Greene : Ce n'est qu'un mécanisme. Les provinces n'en ont pas besoin pour maintenir leurs recettes élevées.
J'aimerais savoir pourquoi les régies provinciales des alcools ne tiennent pas davantage de vins canadiens.
M. Ford : Je pense que ça s'améliore beaucoup. Comme j'ai mentionné, les ventes, l'année dernière, dans l'ensemble des régies, ont excédé un milliard de dollars. En Ontario, les ventes de vins canadiens ont dépassé 360 millions. Pas plus tard que la semaine dernière, nous avons entendu parler d'une liste imposante de produits fabriqués au Québec et dans d'autres provinces.
L'année dernière, en Ontario encore, on a établi une distinction importante entre les vins de coupage renfermant du vin importé et les vins typiquement VQA, 100 p. 100 canadiens. L'année dernière, la LCBO a vendu plus de 1 000 vins VQA de la Colombie-Britannique et de l'Ontario. Cependant, on ne s'est pas arrêté là et, les régies des alcools de partout au pays se sont nettement engagées à continuer de vendre davantage de vins canadiens.
Le sénateur Greene : Je vous laisse sur cette question : êtes-vous opposé au projet de loi?
M. Ford : D'après nous, il est inutile. Ce n'est pas une question d'accès. Nous avons déjà en place des systèmes pour les commandes privées. Dans chaque province, il est désormais possible de transporter des produits provenant d'une autre province. Il ne s'agit pas d'accès; il s'agit d'argent. Il s'agit de déterminer si les provinces pourront continuer à prélever les recettes provenant de la marge qu'elles imposaient. C'est la question d'après nous.
Le sénateur Greene : Merci.
Le président : Monsieur le sénateur Greene, vous semblez visiblement satisfait de ces réponses.
Le sénateur Greene : Pas du tout, en fait. J'allais dire que, en ce qui concerne cette industrie, mon opinion est qu'elle devrait être privatisée et ce n'est que de cette manière que, d'après moi, nous jouirons d'un libre-échange pour le vin partout au Canada. Je pense que, pour beaucoup de consommateurs, ce serait un avantage exceptionnel.
M. Ford : Si vous permettez, bon nombre de provinces et de territoires ont examiné la question en profondeur. Au moins une province ou un territoire a cédé complètement le commerce des alcools, du moins la vente de détail, à l'entreprise privée, mais en continuant de le contrôler et de l'assujettir à des permis. Dernièrement, en Ontario, Don Drummond a été chargé, par notre ministre des Finances d'examiner les services publics de la province, notamment la LCBO et son éventuelle privatisation. Cet ex-économiste en chef de la Banque TD a conclu que, actuellement, ce n'était absolument pas une bonne idée et qu'un modèle privé ne serait pas aussi lucratif. Quand, particulièrement, une régie jouit d'une certaine exclusivité, ce qui est en grande partie le sujet des discussions d'aujourd'hui, les recettes sont au rendez-vous.
Le sénateur Massicotte : Monsieur Ford, ai-je bien entendu? Vous avez dit que toutes les régies des provinces se sont entendues pour autoriser l'expédition de vins canadiens, sans frais, d'une province à l'autre. C'est bien cela?
M. Ford : Dans un certain nombre de provinces et de territoires, des mécanismes étaient en place depuis un certain nombre d'années, à cette fin, mais, tout simplement à la faveur de l'annonce faite, la semaine dernière, par la Colombie-Britannique, toutes les provinces et tous les territoires autorisent désormais les Canadiens qui y sont domiciliés à rapporter, quand ils reviennent d'un autre territoire ou province, du vin, des spiritueux ou de la bière. On ne parle pas ici de cargaison, mais de transport de ces marchandises sur sa personne.
Le sénateur Massicotte : Je ne peux pas aller chez mes amis de la Colombie-Britannique et commander une caisse de vin et la faire livrer là-bas? Je dois l'apporter personnellement?
M. Ford : C'est ce qui est exigé. Dans ce cas, les provinces ne prélèvent pas de marge.
Le sénateur Massicotte : C'est très contraignant.
[Français]
Vous dites ne pas être en désaccord. On entend le commentaire que vous avez besoin d'une période de transition. Vous dites que la loi n'est pas nécessaire. Mais même si la loi est adoptée, cela ne change aucunement votre contrôle du produit. D'abord, oui, cela ne donne rien, mais cela ne donne aussi rien de ne pas l'adopter. Cela ne vous enlève rien.
M. Garon : En fait, je vais être très candide dans ma réponse, il va sans dire qu'au stade où on est rendu, la question à se poser est plus ou moins pertinente.
Le commentaire que je vais faire est le suivant : si vous avez lu les journaux au cours des dernières semaines, vous avez sûrement conclu qu'il y a une certaine confusion qui entoure le projet de loi. Le commentaire que vous faites est très vrai. Comme tel, le gouvernement fédéral choisit de se retirer d'un champ de compétence provinciale. Personne n'est contre la tarte aux pommes. Ceci dit, il faut garder en tête que toutes les provinces ne sont pas au même niveau. Prenons l'exemple du Québec parce que je suis impliqué dans les discussions. Il y aura une certaine mise à niveau à faire pour justement permettre qu'il y ait ce genre de transaction.
Le risque à courir, c'est que demain matin, les gens pensent, parce que le projet de loi est adopté, qu'ils peuvent procéder à l'achat en ligne. Cela dit, ils enfreindraient une loi sans vraiment le savoir. On veut éviter cela et faire en sorte de mettre en place les mécanismes qui vont leur permettre de procéder à ce genre de transactions. Ce serait malheureux que les gens croient que présentement les provinces sont en mesure d'accommoder ce genre de commerce. Ce n'est pas le cas.
Le sénateur Massicotte : Vous n'êtes pas contre le projet de loi mais vous demandez une période de transition?
M. Garon : Comme je l'ai expliqué, notre position est que ce n'est pas nécessaire. Mais là où on est rendu, je ne m'oppose pas à l'adoption de ce projet de loi mais cependant, une fois l'argument voulant que ce ne soit pas nécessaire n'a pas été accepté, il faut prendre l'argument de dire qu'on s'en va là, je ne suis pas prêt à vous suivre. Est-ce que vous vous me donnez le temps de me positionner et de me donner les outils pour le faire?
Le sénateur Massicotte : Je vous souhaite bonne chance. Comme parlementaire, vous nous demandez d'avoir de la sympathie pour la SAQ pour donner une période d'un an pour s'organiser avec ce projet de loi.
M. Garon : La SAQ ne légifère pas, il faut faire le commentaire à M. Bachand, celui qui est mon ministre, qui lui légifère. Moi j'applique et j'utilise la loi qui m'est donnée. Présentement les outils que j'ai en main ne me le permettent pas.
Le sénateur Massicotte : Vous avez une crainte que les gens, peut-être des sénateurs, vont importer des vins dans la province qui taxent le moins et faire le transport interprovincial de ces vins.
M. Garon : Oui.
Le sénateur Massicotte : Mais s'ils font cela, c'est illégal, parce que, dans le projet de loi proposé, il faut que ce soit une consommation personnelle, dans une quantité raisonnable. Vous dites oui, c'est illégal, mais comment on va pogner ces gens-là? C'est la même chose qu'aujourd'hui, ces gens opèrent, mais c'est difficile de trouver les coupables.
M. Garon : Votre commentaire est très valide. À cet égard, un des arguments apportés en faveur de l'amendement a toujours été que la possibilité de renforcer une telle loi était quasi impossible. Pour l'importation de primeur, présentement il y a des annonces dans le Globe and Mail d'agents qui disent que si on achète ce vin, un bordeaux ou un bourgogne de telle année, il est à la LCBO pour 85 $. Je l'importe en Saskatchewan et, si je le livre chez vous, il va coûter 58 $. Cela se fait.
Présentement, je vous dirais que c'est difficile de comprendre qu'on puisse permettre à une province de faire les frais de ce genre de situation. Donc, nous, tout ce qu'on dit, c'est : donnez-nous le temps d'encadrer et de faire en sorte que le carré de sable soit clair pour tout le monde et, une fois cela fait, on pourra procéder adéquatement.
[Traduction]
Le sénateur L. Smith : Monsieur Ford, vous avez mentionné, en ce qui concerne le vin, des ventes de 1 milliard de dollars.
[Français]
Monsieur Garon, vous avez mentionné que 420 vins canadiens sont offerts à la SAQ.
[Traduction]
Monsieur Ford, sur ce milliard, pour relativiser, combien retourne au producteur? Quel pourcentage?
M. Ford : Dans une régie des alcools, chaque dollar de recettes est partagé à peu près également entre le producteur, les frais d'exploitation de l'entreprise et la marge ou le profit empoché par la province ou le territoire. Dans une certaine mesure, cela dépend du produit, bière, vin et spiritueux.
Le sénateur L. Smith : Serait-il exact d'affirmer que, s'il y a eu pour un milliard de dollars de ventes de vins au pays, 500 millions sont retournés au producteur?
M. Ford : Je pense que c'est peut-être un peu moins que cela, mais c'est le bon ordre de grandeur.
Le sénateur L. Smith : Très approximativement, ce serait combien?
M. Ford : Bien au-dessus du tiers, c'est certain.
[Français]
Le sénateur L. Smith : Monsieur Garon, quand vous mentionnnez les 400 produits sur la liste, j'ai eu l'occasion dans ma carrière de travailler dans le commerce de détail. Le positionnement sur les tablettes est très important, versus le vin des autres pays, dans les SAQ, quel pourcentage sur les tablettes va être accordé aux vins canadiens? Et est-ce que cela va être égal dans toutes les SAQ ou est-ce qu'on verra quelques bouteilles dans une place et quelques autres dans une autre place?
M. Garon : Toutes les succursales de la SAQ ont une section de vins canadiens. Ceci dit, tout dépendant entre une express et une signature, proportionnellement. Ceci dit, les vins canadiens sont depuis plusieurs années très recommandés par nos conseillers qui ont été formés.
Je peux vous dire, pour avoir été un client longtemps, nous sommes tous des clients de la SAQ, cela m'est arrivé à plusieurs reprises de me faire suggérer un vin canadien. La SAQ fait la promotion des vins canadiens de façon assez uniforme. Ceci dit, on ne se fera pas de cachette : au fil des ans, la SAQ s'est développé une position très enviable comme détaillant de vins européens, français, italiens. Mais ceci dit, un n'empêche pas l'autre. Ils ne sont pas mutuellement exclusifs. Et je vous dirais qu'on est toujours ouvert à avoir plus de listings de vins canadiens. M. Paszkowski l'a exprimé. Il y a une question de volume aussi. Est-ce que le vignoble est assez gros pour pouvoir nous fournir?
Je pourrais vous dire que le commentaire fait lundi par M. Quirion, de l'Association des vignerons du Québec, sur le support qui lui a été apporté et les efforts que la SAQ déploie pour lui permettre de mettre ces vins sur les tablettes compte tenu de l'exposition que cela leur donne et de la circulation, on est dans une position que je n'ai pas à rougir et dont la SAQ n'a pas à rougir.
Le sénateur L. Smith : Avez-vous une idée du pourcentage de vins canadiens vendus dans la SAQ?
M. Garon : Nous sommes probablement — de façon générale, on va avoir entre 15 et 20 p. 100 de vins qui sont canadiens.
Le sénateur L. Smith : Quand vous demandez le...
[Traduction]
Le sénateur Moore : Quatre cents?
Le sénateur L. Smith : Non. Il dit qu'environ 20 p. 100 de tous les vins vendus au Québec, par la SAQ, seraient des vins canadiens.
[Français]
Vous avez demandé une période de transition de 12 mois. Est-ce que c'est juste de dire que tous les 13 boards au Canada vont s'occuper de coordonner leur position?
M. Garon : Il faut faire attention.
Le sénateur L. Smith : Je ne veux pas être méchant.
M. Garon : Je n'ai aucun problème avec ces commentaires. Patrick Ford l'a dit, comme société des choix ont été faits. Quelqu'un m'a servi l'argument qu'il avait acheté un vin que nous on vend 20 $ et qu'il l'avait acheté 12 $ au Costco ou en Floride. Mais le mien, il vient avec un système de santé gratuit. Des choix de société ont été faits. À ce jour, on a tous à remercier nos prédécesseurs de l'avoir fait. Ceci dit, nous, on regarde le potentiel.
[Traduction]
Le président : Nous devons passer à la prochaine question.
Le sénateur Ringuette : Je vous ai écoutés tous les deux bien attentivement. Monsieur Ford, vous avez dit, tout comme M. Garon, que la possibilité d'importer du bordeaux en Saskatchewan, puis de le vendre en ligne à la faveur d'un système de distribution interprovincial vous inquiétait.
Toutefois, vous avez demandé un amendement pour une période de transition. Vous n'avez pas demandé d'amendement pour, peut-être, prévenir — soyons francs — les manigances, peu importe votre volonté d'aider les producteurs de vins canadiens. Est-ce exact? Pourquoi n'avez-vous pas proposé d'amendement pour corriger cette situation? Ce n'est pas un projet de loi nouveau. Il a été déposé en octobre, à ce qu'on m'a dit.
M. Ford : C'est une réalité de notre pays. Heureusement, il n'y a pas de contrôles aux limites des provinces et des territoires. Il y aura toujours, dans une certaine mesure, transport de vin, de spiritueux et de bière. Nous en prenons acte et nous l'acceptons. C'est la raison de l'aval de toutes les provinces. Ce qui nous inquiète, c'est davantage les entreprises qui sont de loin les premières à profiter d'une mesure visant à favoriser l'industrie canadienne du vin, grâce à des bordeaux ou à des vins du Chili ou d'ailleurs.
Une telle période de transition permettra à chaque province et territoire de déterminer la meilleure façon de s'adapter au projet de loi afin d'appuyer l'industrie vinicole canadienne et d'en optimiser l'approvisionnement. Le projet de loi prévoit quelques limites, permis ou systèmes qui pourraient entrer en ligne de compte. Il se peut que certains territoires ou provinces préfèrent renforcer leur système de commande privé actuel et qu'ils privilégient le cybercommerce, d'ailleurs beaucoup plus convivial pour ce type de transactions, qui demeurent réglementées par une régie des alcools. D'autres gouvernements provinciaux ou territoriaux pourraient décider quant à eux de mettre en place un système d'expédition directe. Quoi qu'il en soit, la décision n'incombe ni à une régie des alcools ni à l'Association canadienne des sociétés des alcools; nous savons qu'elle appartient aux gouvernements des provinces et des territoires.
Le sénateur Ringuette : On nous a dit tout à l'heure que le projet de loi a été présenté en octobre dernier. Puisque votre association est relativement petite et ne compte que 14 membres, vous auriez dû avoir amplement le temps de vous réunir pour examiner les enjeux que vous nous avez présentés aujourd'hui, et pour trouver des pistes de solutions en réponse à vos préoccupations.
Je comprends le dilemme que vous pose le projet de loi. Toutefois, je ne comprends pas pourquoi vous n'avez rien fait pour le résoudre depuis octobre.
M. Garon : La période d'octobre à juin n'est pas si longue dans la vie d'un projet de loi. Il s'agit d'ailleurs d'un projet de loi d'intérêt privé. La SAQ en discute depuis janvier; j'en parle moi aussi, et nous y travaillons tous. Les subtilités du gouvernement sont telles que les choses n'avancent pas toujours aussi vite qu'on le souhaiterait. Le problème, c'est que la gestion pourrait devenir beaucoup plus difficile que ce à quoi on s'attend. Comme je le dis depuis mes débuts, comment pourrons-nous revenir en arrière, au bout du compte? Voilà où en est notre réflexion.
[Français]
Le sénateur Maltais : Monsieur Garon, sur 67 producteurs ou vignobles québécois, avec combien faites-vous affaire?
M. Garon : Honnêtement, je n'ai pas ce chiffre. Je vous dirais qu'ils sont tous encouragés à soumettre leurs produits. Je l'ai mentionné tout à l'heure, M. Quirion, président de l'Association des vignerons du Québec, est venu lundi pour nous remercier de notre travail. J'imagine que nous faisons un pas trop mauvais travail.
Le sénateur Maltais : Je ne vous critique pas, je voulais juste savoir à combien de ces 67 producteurs vous en achetez.
M. Garon : Je n'ai malheureusement pas ce chiffre en tête.
Le sénateur Maltais : Dans une des remarques du ministre des Finances, concernant le transport des vins canadiens d'un océan à l'autre, il y avait d'autres vins parce que, pour s'en tenir à la loi sur le libre-échange, cela n'excluait pas les autres vins, du Chili, de l'Argentine et que sais-je.
Pour moi qui demeure à Québec, je ne vois pas pourquoi je ferais venir une bouteille de vin chilien de la Colombie- Britannique, je ne comprends pas sur quoi est basé cet argument. Je ne connais pas beaucoup de Québécois qui, par Internet, commanderait une bouteille de vin du Chili qui est déjà en vente chez vous.
M. Garon : Je ne veux pas parler pour le ministre, mais je pense que la situation à laquelle il faisait référence c'est que, via Internet, vous n'achetez pas un vin chilien, vous achetez un bordeaux 2009 qui, à sa livraison, vaut 150 $ la bouteille.
Le sénateur Maltais : Excusez-moi de vous interrompre, mais ce n'est pas ma question. Si on peut acheter une bonne bouteille de vin en Colombie-Britannique qu'on n'a pas au Québec, je ne ferai pas venir une bouteille de vin chilien que je peux avoir au Québec.
M. Garon : Sur ce point je suis entièrement d'accord avec vous. Je vous dirais que vous pouvez faire venir votre bouteille de vin de Colombie-Britannique. C'est ce qu'on vous dit.
Le sénateur Maltais : Dans plusieurs régies des alcools du Canada, il y a une consigne sur la bouteille de vin. Peut- être que vous pourriez mettre une consigne et cela compenserait les taxes perdues. Vous avez enlevé le sac de papier, qui était très biologique, qui se détruisait lui-même, et vous nous laissez avec les bouteilles. Je trouve qu'au niveau écologique, c'est un peu...
M. Garon : Je vais être franc avec vous, c'est assez particulier comme commentaire étant donné la politique de développement durable de la SAQ. Je vais vous donner les chiffres : 84 p. 100 des bouteilles vendues à la SAQ sont retournées à travers les bacs bleus. Avec ce verre, nous avons déjà commencé, avec la chaire en environnement de l'Université de Sherbrooke, à faire des planchers de ciment dans lesquels on intègre le verre. La consigne fonctionne dans certaines provinces; mais je vous dirais que, au Québec, le bac bleu fonctionne pas mal mieux.
Le sénateur Maltais : Oui, mais attention, on est rendu avec trois bacs; si on en prend un clair pour les bouteilles claires, un brun pour les bouteilles brunes, on est rendu à quatre bacs. Il faut arrêter, sinon il va falloir s'acheter du terrain pour pouvoir mettre les bacs — dans la ville de Québec en tout cas.
Lorsque vous achetez une majorité de votre vin dans les pays étrangers, est-ce qu'il y a une consigne dessus?
M. Garon : Présentement, non, il n'y a pas de consigne. Dans l'appel d'offres, des points sont accordés pour ceux qui vont utiliser du verre léger. Pour la question du verre, sénateur, nous gérons cet aspect de notre commerce de façon impeccable. Quatre-vingt-quatre pour cent, c'est plus que ce qui est retourné à la consigne. Je comprends votre point, mais il n'y a pas de revenu à tirer de ça parce que les cinq cents de consigne, de toute façon, vont à l'environnement, tandis que la majoration utilisée par la SAQ va à la santé et à l'éducation.
[Traduction]
Le sénateur Harb : J'aimerais poser une question concrète. Essentiellement, le projet de loi ne fait qu'abolir la pénalité et permettre l'importation. Il ne change absolument rien à l'échelle provinciale. Il est toujours possible d'imposer des interdictions et des amendes, et d'accorder des autorisations ou non. M. Ford a tout à fait raison de dire qu'une grande confusion règne. Certains croient que le projet de loi permettra d'importer 20 ou 30 bouteilles, mais c'est faux.
Il y a des limites à respecter. L'Ontario permet l'importation de neuf litres. Quelle pénalité pourrait écoper une personne qui excède cette quantité? S'expose-t-elle à une amende ou à une peine d'emprisonnement, comme c'est le cas en vertu de la loi fédérale?
M. Ford : Monsieur le sénateur, même si de telles dispositions viennent tout juste d'être adoptées dans certains territoires ou provinces — il y a environ un an en Ontario, et une semaine en Colombie-Britannique —, nous savons tous que ce genre d'activité a toujours eu lieu. C'est ainsi que les gens importent les produits; ils visitent une région vinicole en allant voir un ami de l'autre côté de la frontière, ou pour toute autre raison. Nous ne restreignons pas la fréquence des importations. Les membres de l'Association canadienne des sociétés des alcools ont décidé ensemble d'imposer des normes minimales harmonisées, qui limitent chaque personne à une caisse de vin par voyage. L'Alberta n'a fixé aucun plafond, et le Manitoba non plus, je crois. Quoi qu'il en soit, nous nous penchons sur la question, et nous nous sommes engagés à imposer une limite minimale d'une caisse. Nous nous efforçons tous d'atteindre cet objectif.
[Français]
Le sénateur Harb : Pour faire suite à l'intervention de M. Garon sur la question de la transition, d'après moi, personne ne peut empêcher votre organisation d'aller à Québec et de dire que, jusqu'à ce qu'il y ait un arrangement avec le reste des provinces, on va appliquer tel projet de loi ou telle mesure provinciale afin qu'il y ait une certaine logique dans le système.
[Traduction]
M. Garon : En octobre 2011, nous n'avons pas hésité à emprunter l'autoroute 20 jusqu'à Québec.
Lorsqu'un gouvernement décide de réglementer un secteur, il y a toujours des freins et des contrepoids, bien entendu, et chacun est en train d'évaluer la situation.
Puisque je proviens du secteur privé, je suis toujours surpris du fonctionnement de la machine gouvernementale et du temps nécessaire pour faire bouger les choses. À la réunion de lundi, l'Association canadienne des sociétés des alcools a toutefois déclaré fermement que chaque membre allait inciter son gouvernement à procéder à une certaine harmonisation. Il est inutile de commencer dès maintenant à fixer une limite d'une caisse dans une province et de deux bouteilles dans une autre, ou encore d'imposer toutes sortes de normes différentes. À la vitesse où vont les choses, une période d'un an nous permettrait de choisir convenablement la meilleure solution.
Le sénateur Tkachuk : J'ai quelques questions à ce sujet. Les régies des alcools vendent-elles leur espace d'étalage?
M. Ford : La pratique varie d'une régie à l'autre. Les plus importantes proposent assurément un programme leur permettant de vendre les espaces d'étalage de choix aux brasseries, aux distilleries ou aux établissements vinicoles prêts à en payer le prix. En magasin, certains espaces offrent bel et bien une meilleure occasion commerciale que d'autres, comme ce que nous appelons souvent la « tête de gondole », ou encore les « prolongateurs de rayon » utilisés dans certaines provinces pour mettre des produits en évidence un peu en retrait. Certains espaces sont vendus, mais ce n'est pas le cas pour la grande majorité des produits. Cette pratique est courante dans le secteur du détail aussi, notamment dans les épiceries.
Le sénateur Tkachuk : Je comprends. Mais un petit établissement vinicole qui vient de voir le jour en Colombie- Britannique, en Ontario ou au Québec devra rivaliser avec les produits déjà offerts s'il veut obtenir un espace de choix, sans quoi il ne sera probablement pas vendu à la régie des alcools.
M. Ford : À vrai dire, les magasins tels que BCLDB en Colombie-Britannique, LCBO ou NSLC offrent couramment des espaces de choix gratuits à ces petits établissements, surtout dans les provinces où se trouvent des vignobles. Il en va de même à la SAQ, où les produits locaux sont bien en évidence. La LCBO place ces produits à l'avant du magasin. C'est d'ailleurs dans ce magasin qu'ils occupent le meilleur espace. Sur le plan commercial, le linéaire au sol qui leur est accordé est plus important qu'il ne le serait normalement en fonction des ventes. Nous collaborons donc avec les petits producteurs pour veiller à ce que des programmes leur conviennent.
Le sénateur Tkachuk : Les régies des alcools font-elles de l'argent, mis à part les taxes? Sans les taxes, réaliseraient-elles un bénéfice?
M. Ford : Les taxes représentent une portion relativement petite du revenu total de la plupart des régies des alcools au Canada. Certaines n'en perçoivent pas. Par exemple, l'Alberta n'impose aucune taxe de vente au détail.
Le sénateur Tkachuk : Non, je parle plutôt de la taxe sur les boissons alcoolisées. Chaque province a son magasin d'alcools, qui impose une taxe sur les boissons alcoolisées, en plus de la taxe de vente provinciale et des taxes à la consommation. Quoi qu'il en soit, les provinces perçoivent une taxe. Sans cette taxe, le magasin d'alcool réaliserait-il un bénéfice, si l'on calcule la différence entre son prix d'approvisionnement et son prix de vente?
M. Ford : Permettez-moi d'abord de vous expliquer. J'ai établi une distinction entre une taxe et une marge bénéficiaire notamment par souci de précision lorsqu'il est question des différents éléments de la structure de prix, car c'est loin d'être simple. De nombreux aspects entrent en ligne de compte. Cette structure est le fruit de décennies de gouvernements successifs, qui y ont tous mis leur grain de sel.
Toute activité à laquelle s'adonne une régie des alcools pour maximiser sa rentabilité est une source de bénéfice. Par exemple, si une régie des alcools incite ses clients à acheter davantage de produits de première qualité, à savoir des produits VQA entièrement canadiens plutôt que des vins de coupage canadiens moins dispendieux, elle réalisera un meilleur bénéfice et pourra remettre une somme plus importante à la province. D'une manière générale, on incite les régies des alcools à générer des profits additionnels en plus de leur assiette fiscale.
Le sénateur Massicotte : La réponse est non.
Le sénateur Tkachuk : C'est la rumeur qui circule.
M. Garon : Ne croyez pas les rumeurs. Le coût de nos affaires représente uniquement 18 p. 100 de chaque dollar de revenu. À mes yeux, une entreprise capable de gérer 400 points de vente offrant des milliers de produits, de réunir trois syndicats et d'assumer des coûts de 18 p. 100, c'est une entreprise qui réalisera un bénéfice.
Le sénateur Tkachuk : Je ferais moi aussi de l'argent si je pouvais empocher les taxes.
J'ai deux ou trois autres questions. Vous avez donné l'exemple d'une personne qui achète une bouteille de vin dans un établissement vinicole de la Colombie-Britannique. Si je demandais directement à l'établissement de me faire parvenir trois ou quatre caisses de vin, aucune taxe ne s'appliquerait à la transaction, pour une raison ou pour une autre. L'établissement ne doit-il pas percevoir une taxe sur le vin? Ne doit-il pas appliquer toutes les taxes sur les boissons alcoolisées, puis envoyer l'argent au gouvernement provincial de la Colombie-Britannique?
M. Ford : Compte tenu de la structure de prix, la majeure partie du revenu des provinces est attribuable à la taxe qu'on appelle la « marge bénéficiaire ». Cette marge est l'élément le plus important, mais elle ne s'applique pas à ce genre de transaction. Aucune marge bénéficiaire provinciale n'est perçue sur un produit acheté auprès d'un établissement vinicole, qu'il s'agisse d'une expédition directe ou d'un client qui visite l'établissement en Ontario ou en Colombie-Britannique, puis qui rapporte la bouteille à la maison. Certaines taxes s'appliquent, mais pas la plus importante.
Le sénateur Tkachuk : Par conséquent, toutes les taxes sur les boissons alcoolisées s'appliquent. Je ne suis pas certain de comprendre ce qu'il manque. Je parle de la différence entre le prix d'acquisition d'une bouteille et son prix de vente, ou encore la différence entre le prix de gros et le prix de détail. Cela n'a rien à voir avec les taxes. Le propriétaire de l'établissement vinicole empochera la différence, après quoi il payera les taxes sur les boissons alcoolisées de la Colombie-Britannique. Impossible de s'y soustraire; tout le monde doit payer les taxes.
M. Ford : La taxe s'applique.
Le sénateur Tkachuk : Bien entendu, mais je veux savoir si elle est perçue. J'ai l'impression que c'est l'établissement vinicole qui paie au gouvernement provincial toutes les taxes sur les boissons alcoolisées de ses produits.
Le sénateur Massicotte : Les témoins utilisent l'expression « marge bénéficiaire » pour nommer ce que vous appelez la « taxe sur les boissons alcoolisées ».
Le sénateur Tkachuk : Je vois.
M. Ford : Lors de la vente d'un produit, tant les détaillants privés américains que les régies des alcools canadiennes doivent percevoir les taxes et appliquer les marges bénéficiaires. Pour notre part, nous remettons la vaste majorité de la marge bénéficiaire au gouvernement provincial après avoir couvert nos dépenses. Aux États-Unis, celle-ci représente le profit des détaillants; c'est ainsi qu'ils font de l'argent. Voilà qui peut être déroutant, et c'est pourquoi nous clarifions un peu la distinction entre une taxe et une marge bénéficiaire.
Le sénateur Tkachuk : J'ai une dernière question.
C'est important. Si un établissement ne faisant pas partie de la régie des alcools vend des boissons alcoolisées pour emporter, comme une taverne ou un bar, il empoche l'argent et paie ensuite l'ensemble des taxes, n'est-ce pas?
M. Ford : Dans la plupart des provinces et des territoires, l'établissement s'approvisionnerait au magasin de la régie des alcools locale. C'est elle qui lui vendra le produit. Selon le type d'établissement dont il s'agit, le prix de vente sera fixé en majorant le coût de 200 à 400 p. 100. C'est d'ailleurs cette marge qui permettra à l'établissement de réaliser un bénéfice.
Le sénateur Tkachuk : C'est une nouvelle façon d'aborder les affaires.
Le sénateur Moore : Ma question est liée à la discussion, en quelque sorte. En fait, elle s'apparente peut-être davantage à la question du sénateur Greene, qui vous a demandé si vous étiez contre le projet de loi. Je crois que vous avez répondu oui, monsieur Ford, puis avez dit le trouver inutile. Vous avez également ajouté que tout est une question d'argent, et que les provinces perdront des revenus qu'elles tirent actuellement des marges bénéficiaires.
Vous avez dit que les différentes régies des alcools ont versé l'an dernier 6 milliards de dollars aux provinces, je crois. Quelle part de cette somme est attribuable à l'industrie vinicole canadienne?
M. Ford : Je ne connais pas le chiffre exact.
Le sénateur Moore : Pourriez-vous le trouver, puis le faire parvenir au greffier? J'aimerais le savoir.
M. Ford : Sans problème. Nous devrons poser la question à l'ensemble des provinces et des territoires. Nous obtiendrons peut-être l'information plus rapidement si nous commençons par les plus importantes.
Le sénateur Moore : Monsieur Garon, vous ignorez combien de producteurs de vin québécois se trouvent sur vos tablettes. Lorsque vous avez préparé votre témoignage au sujet de l'industrie vinicole, ne vous est-il pas venu à l'esprit que nous vous poserions cette question?
M. Garon : 76.
Le sénateur Moore : ... 67. Il l'ignorait lorsque le sénateur Maltais lui a posé la question.
M. Garon : Je n'ai pas l'information. Veuillez m'excuser.
Le sénateur Moore : Je vous invite à trouver la réponse et à nous la faire parvenir, car ce serait révélateur.
Le président : Monsieur Ford, avez-vous une dernière remarque?
M. Ford : J'ai peut-être répondu partiellement à la question du sénateur Moore. Il est important de mentionner que lorsque des ventes sont réalisées, même par les régies des alcools de la Colombie-Britannique et de l'Ontario, les principales régions productrices, les gouvernements provinciaux offrent des programmes de subvention à l'industrie vinicole de l'Ontario et de la Colombie-Britannique afin de couvrir une partie des coûts associés à la vente au détail. Toutes proportions gardées, il coûte assurément moins cher de vendre un vin canadien qu'un vin importé dans le système de régie des alcools du Canada.
Le président : Messieurs Ford et Garon, je vous remercie. Au nom du comité, je tiens à vous dire que nous vous sommes reconnaissants de votre témoignage.
Êtes-vous d'accord pour que le comité procède à l'examen article par article du projet de loi C-311, Loi modifiant la Loi sur l'importation des boissons enivrantes (importation interprovinciale de vin pour usage personnel)?
Des voix : Oui.
Le président : L'étude du titre est-elle reportée?
Des voix : D'accord.
Le président : L'article 1 est-il adopté?
Des voix : Oui.
Le président : Le titre est-il adopté?
Des voix : D'accord.
Le président : Le projet de loi est-il adopté?
Des voix : D'accord.
Le président : Puis-je faire rapport du projet de loi sans modification au Sénat?
Des voix : Oui.
Le président : Merci beaucoup. La séance est levée.
(La séance est levée.)