Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Banques et du commerce
Fascicule 26 - Témoignages du 6 novembre 2012
OTTAWA, le mardi 6 novembre 2012
Le Comité sénatorial permanent des banques et du commerce se réunit aujourd'hui, à 15 h 30, pour examiner la teneur des Sections 1, 3, 6 et 14 de la Partie 4 du projet de loi C-45, Loi no 2 portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 29 mars 2012 et mettant en œuvre d'autres mesures.
Le sénateur Irving Gerstein (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président : Je suis ravi de déclarer ouverte cette séance du Comité sénatorial permanent des banques et du commerce. Comme vous le savez, le 18 octobre, le gouvernement a présenté le projet de loi C-45, Loi de 2012 sur l'emploi et la croissance. Le 30 octobre 2012, le Sénat a autorisé un certain nombre de comités du Sénat à entreprendre une étude préalable de divers éléments du projet de loi afin de faciliter son examen par le Sénat.
Le Comité sénatorial permanent des banques et du commerce a reçu pour mission d'examiner quatre sections de la Partie 4. La Section 1 prévoit autoriser des fonds communs de placement du secteur public à investir directement dans une institution financière sous réglementation fédérale. La Section 3 prévoit une suspension automatique et limitée à l'égard de certains contrats financiers admissibles lors de la constitution d'une institution-relais. Elle favorisera également la compensation centralisée d'instruments dérivés de gré à gré standardisés. La Section 6 incorpore les changements apportés aux Statuts du Fonds monétaire international qui découlent de la réforme du système des quotes-parts et de la structure de gouvernance de 2010. La quatrième section, la Section 14, modifie la Loi de mise en œuvre de l'Accord sur le commerce intérieur, afin de prévoir, notamment, un mécanisme pour rendre exécutoires les ordonnances sur les dépens et les ordonnances relatives à une sanction pécuniaire.
Aujourd'hui, nous sommes heureux de recevoir l'honorable Ted Menzies, ministre d'État des Finances, et l'honorable Christian Paradis, ministre de l'Industrie, qui nous brosseront un tableau général de ces quatre sections. Je vous remercie d'avoir accepté notre invitation, surtout avec un aussi court préavis.
Honorables sénateurs, les ministres sont ici pour une heure, mais leurs représentants respectifs resteront pour les deux heures au complet.
Messieurs les ministres, la parole est à vous.
L'honorable Ted Menzies, C.P., député, ministre d'État (Finances) : Monsieur le président, je vous remercie de nous permettre, à mon collègue et à moi, de vous tracer ce qui me paraît être un portrait général d'une partie fort importante de la Loi d'exécution du budget. Comme vous le verrez, nous sommes accompagnés par des représentants bien renseignés, au cas où vous nous poseriez, au ministre Paradis ou à moi, des questions très complexes, auxquelles nous serions incapables de répondre.
Le président : Ce n'est pas le ministre Paradis qui m'inquiète, mais plutôt ce que vous avez dit à votre sujet.
M. Menzies : Monsieur le président, je vous remercie de votre indulgence. Je constate que j'ai son entier appui.
Je vous remercie de nous donner l'occasion de vous parler aujourd'hui du projet de loi C-45, Loi de 2012 sur l'emploi et la croissance. Il s'agit d'une mesure législative essentielle pour poursuivre la mise en œuvre du Plan d'action économique de 2012. Je serai bref afin que vous ayez tout le temps voulu pour poser des questions.
Permettez-moi tout d'abord de remercier rapidement le président et le vice-président, ainsi que tous les sénateurs du comité pour le travail considérable qu'ils ont accompli jusqu'ici dans le cadre de l'examen parlementaire de la Loi sur le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes. Je crois que vous faites un travail crucial, et je vous remercie des efforts que vous déployez.
Je reconnais que les travaux du comité au cours de la dernière année ont été très approfondis, et je salue vos efforts. Nous sommes impatients d'en connaître les résultats.
Toutefois, je suis reconnaissant au comité d'avoir pris le temps d'examiner le projet de loi C-45, qui concerne la réforme du secteur financier, ainsi que d'autres éléments connexes, avant de terminer cet examen important. Comme vous le savez, ce projet de loi met en œuvre des mesures essentielles du Plan d'action économique de 2012, un plan pour entretenir la croissance économique du Canada, stimuler la création d'emploi et assurer la prospérité à long terme. Il atteint cet objectif grâce à quelques mesures ciblées, qui assurent le maintien de la solidité et de la stabilité du secteur financier du Canada.
Voilà ce dont j'aimerais vous parler aujourd'hui. Comme nous le savons tous, le système financier canadien — sur lequel toute la population compte beaucoup, que ce soit dans le cadre de prêts aux petites entreprises ou d'achats quotidiens à l'épicerie — est largement reconnu comme étant le système financier le plus solide et le mieux réglementé du monde. En fait, pendant cinq années consécutives, le Forum économique mondial a désigné le système financier du Canada comme étant le plus solide au monde.
Comme le disait il y a quelques semaines la très respectée directrice générale du FMI, Christine Lagarde : « Le Canada est un pays doté d'un des secteurs financiers les plus solides au monde. Le reste du monde peut tirer d'importants enseignements de son expérience dans la construction d'un système financier plus solide et plus sûr. » Ces paroles ont d'autant plus de poids qu'elles sont celles de madame Lagarde.
Néanmoins, malgré la quantité d'éloges reçus sur la scène internationale, le Canada ne peut faire preuve de complaisance. Nous devons être vigilants et relever les défis au fur et à mesure qu'ils se présentent. Pour préserver cet avantage, le projet de loi sur l'emploi et la croissance prévoit de nouvelles initiatives qui tablent sur ce bilan. Bien que relativement modestes, ces mesures sont importantes pour assurer la solidité du système financier canadien. Je décrirai brièvement les trois mesures clés au comité.
La première mesure découle d'une modification apportée par la première mesure législative de mise en œuvre du Plan d'action économique de 2012, le projet de loi C-38 du printemps dernier. Vous vous souviendrez peut-être que cette mesure législative comprenait une disposition pour veiller à ce que les institutions financières puissent affronter leurs concurrentes étrangères sur un pied d'égalité.
Plus précisément, la mesure permet aux fonds communs de placement du secteur public répondant à certains critères, notamment la vocation commerciale, d'investir directement dans une institution financière canadienne. Il s'agit d'une mesure plutôt simple. Les fonds communs de placement du secteur public ont toujours fait des investissements, d'ailleurs ils sont déjà autorisés à en faire dans d'autres secteurs de l'économie canadienne.
En outre, des pays avec lesquels le Canada est en concurrence directe autorisent les fonds communs de placement à investir dans des institutions financières, notamment l'Australie, les États-Unis, la Suisse et le Royaume-Uni. Le projet de loi C-45 renforce simplement la mesure législative que le Parlement a déjà adoptée au printemps dernier en coordonnant et en mettant en œuvre des changements techniques visant à appuyer la politique établie en vertu de la loi.
La deuxième mesure dont je souhaite parler remplit deux fonctions. Elle renforce le cadre de stabilité financière du Canada, et elle respecte un engagement clé pris lors du G20 d'appuyer un important programme de réformes du secteur financier — en cours dans le monde entier — en améliorant la réglementation de la compensation centrale de produits dérivés de gré à gré. Lorsque les représentants commenceront à répondre aux questions, ils parleront peut-être de produits dérivés hors cote. C'est la même chose que les produits dérivés de gré à gré.
Comme l'indiquait récemment le Rapport sur la stabilité financière dans le monde du FMI :
Durant la crise financière, le marché des contrats sur risque de défaut, qui est un compartiment de celui des dérivés de gré à gré, s'est trouvé sous les feux de la rampe lorsque les difficultés des marchés financiers ont commencé à s'intensifier et que le risque de la contrepartie que comporte un marché où la compensation s'effectue pour l'essentiel bilatéralement est devenu apparent. Les autorités ont dû prendre des décisions coûteuses concernant les banques Lehman Brothers et AIG, qui ne reposaient que sur des informations partielles quant à l'effet de chaîne de la faillite de ces sociétés.
La communauté internationale a donc entrepris une action coordonnée pour resserrer la surveillance de ce segment du secteur financier mondial. C'est pourquoi la déclaration des dirigeants du G20 prononcée en septembre 2009 à Pittsburgh énonçait que : « Nous avons convenu de conjuguer nos efforts pour [...] améliorer le marché des dérivés de gré à gré et créer des outils plus puissants afin de tenir les grandes sociétés multinationales responsables des risques qu'elles prennent. » Depuis, le gouvernement, la Banque du Canada, les Autorités canadiennes en valeurs mobilières et le Bureau du surintendant des institutions financières ont coordonné leurs activités afin de mettre en œuvre la réforme des marchés des produits dérivés hors cote du Canada afin de les rendre conformes aux engagements pris lors du G20.
Dans le cadre de ces réformes, la Loi de 2012 sur l'emploi et la croissance prévoit apporter des modifications législatives nécessaires à la compensation et au règlement des paiements pour favoriser la compensation centralisée des produits dérivés de gré à gré, ainsi que renforcer le cadre de stabilité financière du Canada. Bref, ces mesures aideront le secteur financier à maintenir des capitaux suffisants, tout en fournissant les outils de réglementation et de supervision nécessaires pour s'assurer que les produits dérivés hors cote sont utilisés de manière sûre et efficace.
Comme l'a déclaré Mark Carney, de la Banque du Canada au cours de sa récente comparution devant le Comité des Finances de la Chambre des communes : « Nous avons intérêt à nous souvenir que [...] ce sont des marchés énormes au niveau mondial. Ils exposent les institutions financières mondiales à des risques réels et systémiques. Ce qu'on appelle l'infrastructure de ces marchés de ces produits dérivés s'est avéré insuffisant pendant la crise, et il faut y remédier. Tout d'abord, nous voulons savoir ce qui se passe sur ces marchés [...] afin de permettre aux responsables de la réglementation et aux autorités de constater le volume réel d'activités, de relever les tendances, de détecter les vulnérabilités [...] et de prendre, au besoin, les mesures qui s'imposent. À la différence de ce qui se passe sur le marché boursier, on ne dispose pas d'un registre central des transactions, et cela n'est pas acceptable. On y remédie actuellement. C'est le premier élément. Le Canada va de l'avant dans ce domaine. »
En préconisant ces modifications législatives, le Canada continuera d'occuper un rôle de chef de file dans la promotion d'une réglementation solide du secteur financier au pays et à l'étranger.
Le projet de loi C-45 prévoit aussi apporter des modifications à une autre partie du projet de loi C-38 du printemps dernier. Il s'agit plus précisément de l'engagement international du Canada de ratifier des accords importants portant sur la réforme des quotes-parts et de la gouvernance du FMI. L'accord a été conclu en 2010, lors de la réunion des ministres des Finances et des gouverneurs des banques centrales du G20, en Corée. Cet accord accroît l'efficacité et la légitimité du FMI en faisant plus de place aux marchés émergents et aux pays en développement et en leur assurant une meilleure représentation, qui tient compte de leurs économies en pleine expansion. Le Canada a ratifié ces réformes à l'été 2012 pour respecter l'engagement qu'il avait pris lors du G20 avant les assemblées annuelles du FMI qui ont eu lieu le mois dernier, à Tokyo. La dernière étape consiste à mettre à jour l'annexe de la Loi sur les accords de Bretton Woods afin d'y incorporer les réformes apportées à la structure de gouvernance. Il s'agit d'une disposition de coordination, ainsi que d'une modification corrélative pour veiller à ce que nos lois nationales cadrent avec la nouvelle version des dispositions de l'accord se rapportant au FMI.
Je veux être très clair quant à ce dernier point. Il s'agit d'une disposition de coordination pour assurer la conformité entre les lois canadiennes et internationales. Elle ne crée aucune nouvelle obligation pour le Canada, et n'a rien à voir avec les ressources dont dispose le FMI.
Monsieur le président, je terminerai en disant que les mesures que j'ai brièvement présentées aujourd'hui sont peut- être moins bien connues que d'autres mesures du projet de loi sur l'emploi et la croissance, mais je suis convaincu que celles-ci seront fort avantageuses pour les Canadiens et l'économie, car elles assureront le maintien de la solidité et de la stabilité du système financier, au Canada et à l'étranger.
Je vous remercie de votre temps. Je cède la parole à mon collègue, M. Christian Paradis.
[Français]
L'honorable Christian Paradis, C.P., député, ministre de l'Industrie : Monsieur le président, je suis ici aujourd'hui pour vous parler de la partie IV, section 14, de la Loi d'exécution du budget.
[Traduction]
Elle concerne l'Accord sur le commerce intérieur. Je vais faire une petite mise en contexte avant d'expliquer ce que nous faisons.
Le commerce intérieur a plus que doublé depuis la signature de l'accord en 1994. Il dépasse maintenant les 300 millions de dollars par année. Règle générale, les services sont le secteur économique le plus actif à l'intérieur du pays. Les services liés aux domaines des finances, de l'assurance et de l'immobilier arrivent en tête, il est suivi de près par les services professionnels, scientifiques et techniques.
Le minerai, le carburant et les dérivés du pétrole et du charbon sont les marchandises les plus activement échangées, par opposition aux services. Le commerce intérieur provincial se chiffre à 120 millions de dollars en Ontario, à 60 millions de dollars au Québec, à 58 millions de dollars en Alberta et à 30 millions de dollars en Colombie-Britannique, soit les quatre provinces qui effectuent le plus grand nombre d'échanges interprovinciaux. Dans les plus petites provinces, le commerce intérieur est plus important que le commerce international. Ainsi, en Ontario, au Québec et en Alberta, le commerce international représente le double du commerce intérieur, alors que le Manitoba, la Nouvelle-Écosse et l'Île-du-Prince- Édouard, par exemple, effectuent autant d'échanges commerciaux internationaux qu'intérieurs. En général, les provinces et les territoires font affaire avec des provinces plus grandes et avec des provinces voisines. Voilà pour le contexte.
Je m'adresse à vous aujourd'hui afin d'obtenir votre soutien pour un projet de loi visant à renforcer les dispositions relatives au règlement des différends de l'Accord sur le commerce intérieur.
[Français]
L'Accord sur le commerce intérieur est un mécanisme important pour créer des marchés plus efficients, concurrentiels et productifs au Canada.
[Traduction]
L'accord est fondé sur un consensus. Il reflète la volonté des gouvernementaux fédéral, provinciaux et territoriaux de travailler ensemble à l'élimination des obstacles à la circulation des produits, des services et des personnes au Canada. En outre, il comprend un processus de règlement des différends ouvert aux particuliers et aux gouvernements qui vise à inciter les parties à respecter leurs engagements.
La seule critique formulée à l'égard de ce processus est qu'il n'est pas assez sévère.
[Français]
Effectivement, même s'il y a eu des décisions rendues par le passé, elles ne vont pratiquement nulle part. Il y a eu beaucoup de demandes de la part des intervenants de différentes associations, et lors de la rencontre qui s'est tenue à Yellowknife, l'été dernier, il a été décidé d'aller de l'avant et de faire en sorte que lorsqu'il y aurait des pénalités qui seraient décidées contre des parties, soit différents gouvernements ou des personnes, c'est-à-dire suite à des litiges pris par des personnes contre des gouvernements ou de gouvernement à gouvernement qu'il y ait des pénalités pour les gouvernements et qu'on puisse les exécuter de façon efficace et par voie judiciaire s'il y a besoin. C'est ce qu'on veut faire au niveau fédéral.
Jusqu'à récemment les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux faisaient face à peu de sanctions pour le non respect des modalités de l'accord lorsqu'ils ne se conformaient pas en temps opportun, et la crédibilité même de l'accord s'en trouvait entachée.
Tous les gouvernements ont reconnu que cela minait la crédibilité de l'Accord sur le commerce intérieur et que des mesures étaient nécessaires pour donner du mordant au processus de règlement des différends.
[Traduction]
C'est pourquoi tous les gouvernements ont approuvé les modifications au processus de règlement des différends lors des réunions du CCI en 2008 et 2012, qui a instauré des sanctions, notamment pécuniaires.
[Français]
Le projet de loi proposé permet donc au gouvernement du Canada de mettre en œuvre ces modifications et, plus particulièrement, trois points essentiels. Il veille à ce que le paiement de toute sanction pécuniaire puisse être effectué à partir du Trésor et applique ces sanctions par l'entremise de la Cour fédérale du Canada. On judiciarise le processus de façon fort simple. Cela implique des critères plus stricts relativement à la nomination des personnes à des groupes spéciaux sur le règlement des différends parce que ce sont ces groupes spéciaux qui sont en charge de rendre des décisions qui ont des impacts pécuniaires réels, donc cela prend des experts.
[Traduction]
Il apporte également quelques changements d'ordre administratif, mettant à jour les références comprises dans la loi. Il y a un plus grand nombre d'incohérences dans la version anglaise que française, mais nous nous assurons de tout passer au peigne fin afin de maintenir l'uniformité.
Comme le Canada entame son mandat d'un an à titre de président du Comité du commerce intérieur, cette initiative met en évidence le fait que le gouvernement du Canada est déterminé à travailler avec ses partenaires provinciaux et territoriaux pour s'entendre sur des améliorations significatives à l'accord; à renforcer le recours pour les entreprises, les travailleurs et les consommateurs du Canada lorsqu'ils constatent des obstacles au commerce interne; et faire savoir au monde entier que le Canada est l'un des meilleurs endroits pour faire du commerce. Toute entreprise souhaitant faire affaire au Canada se réjouirait d'apprendre que tous les ordres de gouvernement s'entendent pour réduire les tracasseries administratives et stimuler le commerce.
Merci, monsieur le président.
Le président : Merci à vous, monsieur le ministre.
Si possible, j'aimerais poser la première question au ministre Menzies, à propos des produits dérivés de gré à gré dont il est question dans la section 3. Dans un récent article publié dans le Globe and Mail, Kevin Carmichael a dit ceci :
Si les marchés du crédit ont été paralysés durant la crise financière, c'est en grande partie à cause de la vente, en privé, ou encore de gré à gré, de contrats de dérivés valant des billions de dollars. Lorsque les investisseurs ont perdu confiance en ces actifs, le système financier mondial s'est figé, car personne ne savait qui était exposé à toutes ces pertes.
Depuis 2009, le G20 cherche à faire en sorte qu'une telle situation ne puisse se reproduire. L'idée consiste à faire en sorte que la majorité de ces dérivés passe par une instance centrale, ce qui garantirait la satisfaction des parties concernées et l'enregistrement de la transaction dans une sorte de dépositaire central.
Pouvez-vous nous en dire davantage au sujet du fonctionnement de ce système de compensation centrale et de la participation du Canada au sein de celui-ci?
M. Menzies : Comme l'a si bien fait remarquer M. Carmichael, c'est le manque de transparence qui posait vraiment problème. Avant d'entrer en politique, je me servais d'instruments dérivés dans le courant de mes affaires, mais pas à si grande échelle. Je m'en servais pour couvrir mes risques; c'est, je crois, le but dans lequel ils ont été conçus à l'origine. On pourrait dire qu'ils sont maintenant surutilisés. Personne ne savait ce qui en advenait. Personne ne connaissait l'ampleur des engagements afférents, qui ont fini par causer une bonne partie des problèmes. La réduction des risques systémiques est un de nos principaux objectifs.
Tous nos partenaires du G20 s'entendent pour dire que la situation risque de se reproduire si le système demeure tel quel. Les modifications proposées mettront simplement en place un mécanisme de compensation pour les instruments dérivés semblable à celui qui entre en jeu à la clôture de la bourse tous les jours. Tout devra être réglé à la fin de la journée, et ce, de façon transparente qui met clairement en évidence les parties à la transaction. Il est important de respecter cet engagement envers le G20 si l'on veut protéger notre excellent système financier.
Il est possible que les représentants ministériels aient autre chose à ajouter. J'ai simplement fait un survol de la question, ajoutant ici et là des réflexions personnelles.
Le président : Monsieur Rudin, propose-t-on que chaque pays membre du G20 mette au point son propre système ou plutôt l'établissement d'un système central auquel tous les pays participeraient?
Jeremy Rudin, sous-ministre adjoint, Direction de la politique du secteur financier, ministère des Finances Canada : On envisage un certain nombre de contreparties centrales, dont certaines se spécialiseront dans certains types d'instruments dérivés.
L'idée, c'est que la contrepartie centrale s'interposera entre les deux parties aux transactions bilatérales. La société A n'aura plus pour contrepartie la société B, mais plutôt la contrepartie centrale. Il y aura un certain nombre de contreparties centrales, qui se spécialiseront éventuellement dans certains types d'instruments. Nous avons déjà des contreparties centrales au Canada, notamment pour les produits négociés en bourse et le marché au comptant. Il n'existe aucune contrepartie centrale pour les produits dérivés de gré à gré. Peut-être qu'on en créera une, mais ce n'est pas nécessaire.
Le président : Merci beaucoup.
[Français]
Le sénateur Massicotte : Je remercie nos deux ministres et leurs conseillers d'être parmi nous aujourd'hui pour discuter de ces amendements à des projets de loi assez importants. Le sujet qui me préoccupe est la partie IV. Cela fait 30 ou 40 ans qu'on parle de l'importance du commerce intérieur. On sait que c'est un aspect important, même pour la qualité de vie des Canadiens et Canadiennes; on sait également que la loi existante donne beaucoup d'autorité au gouvernement fédéral pour s'imposer dans cet accord, car il est très clair que tout obstacle va à l'encontre de l'intention de la loi existante. Cependant, comme le ministre l'a bien rappelé, c'est quelque chose qu'on n'a pas utilisé beaucoup, qu'on n'a pas imposé à ce jour, malgré l'importance de tous les obstacles, car souvent ce n'est pas très politiquement facile de l'imposer.
Monsieur le ministre — et M. Paradis voudra peut-être aussi répondre —, le problème, avant, c'était un manque de volonté politique, pas juste de votre gouvernement mais depuis longtemps. Pensez-vous que, maintenant, avec ces amendements-là, premièrement, toutes les provinces vont l'adopter?
Deuxièmement, parle-t-on vraiment d'un changement de méthode par lequel on va vraiment faire en sorte de s'assurer d'avoir un commerce intérieur sans obstacle, souvent arbitraire ou de manipulation?
M. Paradis : Je pense que c'est un pas dans cette direction. J'espère pouvoir aller plus loin éventuellement mais, comme vous le dites, cela comporte un aspect politique. On a eu des litiges par le passé; souvenez-vous du cas de la margarine jaune au Québec, ou d'autres cas dans certaines provinces. Ils devenaient des enjeux politiques, voire symboliques. On trouvait un accord qui était bon pour une chose mais pas pour une autre. Finalement, après avoir répertorié des cas comme cela, fortement politisés, qui nuisaient au commerce, c'est une bonne chose que les provinces et le gouvernement fédéral, en 2008 et en 2012, aient pu s'entendre pour mettre ces procédés à exécution.
Ce qui est intéressant ici, selon moi, c'est que, au niveau fédéral, on envoie un signal clair pour dire que si une personne ou un gouvernement a une ordonnance contre un gouvernement quelconque, la seule façon de faire est que l'ordonnance devra être déposée au greffe de la Cour fédérale et cela devient immédiatement judiciarisé et exécutoire, et sans possibilité d'appel.
Il y a une ferme volonté qui s'exprime. Est-ce que des progrès devraient être encore faits? La réponse est oui, mais une grosse part de la solution repose sur la volonté politique. C'est là qu'est tout l'enjeu.
Tout le monde parle de plus en plus des vertus des traités de libre-échange et d'ouvrir les marchés avec les différents pays, que ce soit les pays émergents, l'Europe ou autre; mais ici même, à l'intérieur de notre pays, c'est effarant d'entendre dire parfois que les coûts de transport ou autres sont trop élevés pour faire du commerce. C'est un exemple que je donne; est-ce que cela va aller plus loin dans le futur? J'espère que oui, mais je pense que la résolution de différends, le fait que cela devienne exécutoire, c'est un pas dans la bonne direction.
Le sénateur Massicotte : Il y a beaucoup à faire, même au sens des professionnels. Pour poursuivre sur ma question, je ne sais pas si je comprends bien le projet de loi. Disons qu'une décision est prise par un comité expert, et qu'une province n'est pas d'accord. La cour a le droit d'imposer au Québec, par exemple, une pénalité jusqu'à 5 million de dollars; le Québec peut-il dire : « D'accord, je paie les 5 millions, c'est minime, mais je m'oppose à ouvrir mon marché à ce commerce »? Est-ce que c'est possible?
M. Paradis : Non; voici ce qui va arriver. Premièrement, il y a eu des pénalités graduelles, au prorata de la population. Un groupe d'expert va juger en première instance; il y a des possibilités d'en appeler aussi avec un groupe d'appel. Une fois que c'est terminé, lorsqu'on veut exécuter la décision, c'est là qu'on la dépose au greffe de la Cour fédérale, dans le cas du fédéral, et le fédéral doit payer à même le Trésor si c'est exécutoire via l'ordonnance de la cour. Cela continue après ça, il peut y avoir d'autres litiges. Si un gouvernement persiste à s'opposer à l'accord, les litiges peuvent s'enchaîner.
Là où c'est intéressant et où une nuance devrait être faite, c'est que les provinces ont convenu que, maintenant, les particuliers peuvent intenter des recours contre les gouvernements. Cependant, on a bien pris soin de déterminer que la personne serait dédommagée pour les dépends seulement, et que le solde serait investi dans un fonds sur l'avancement du commerce intérieur, pour être sûr d'éviter les poursuites frivoles.
Cela avance prudemment, mais je pense qu'il y a une volonté, en bout de ligne, d'améliorer le commerce au sein de la fédération.
[Traduction]
Le président : Je vais devoir intervenir parce qu'il y a un vote au Sénat à 16 h 30. Permettez-moi de régler cette question, sénateur Massicotte. Combien de temps faudra-t-il aux sénateurs pour se rendre jusqu'à l'enceinte? Dix minutes? Poursuivons donc jusqu'à 16 h 20.
[Français]
M. Paradis : Ce qui est intéressant, comme je vous le disais, sénateur, c'est que, cette année, le fédéral deviendra président de la ronde 2013; et encore là, ce sera une belle occasion de tester la volonté des provinces à aller de l'avant. Il est certain que, pour ma part, comme ministre, je vais prendre cette direction-là. Je pense que c'est une occasion qu'il faut saisir.
Le sénateur Massicotte : C'est très important.
[Traduction]
Le sénateur Tkachuk : Bienvenue aux ministres. J'aimerais revenir sur certaines des questions déjà posées, notamment au sujet des dérivés de gré à gré et de la chambre de compensation. Le sénateur Gerstein a demandé si on envisage la création d'une chambre internationale ou de plusieurs chambres nationales. Je n'ai pas compris la réponse. S'il s'agit d'une chambre internationale, quels pays la composeraient? Serait-ce une chambre de compensation canadienne ou bien nord- américaine? Comment fonctionnera-t-elle et en quoi contribuera-t-elle à la transparence?
M. Rudin : Les chambres de compensation ne sont pas des entités gouvernementales, mais elles sont réglementées et supervisées par le gouvernement. Divers pays y participent. Celles qui se spécialisent dans les produits dérivés de gré à gré sont actuellement composées de diverses sociétés étrangères. Ce ne sont pas des sociétés canadiennes. Nous avons des contreparties centrales pour d'autres types de produits au Canada, mais pas pour les instruments dérivés de gré à gré.
Il y a toute une gamme de chambres de compensation, elles ne relèvent donc pas du gouvernement. Ce sont les gouvernements qui demandent, voire même exigent, la mise en place d'un tel système, mais celui-ci ne relèvera pas d'eux.
Le sénateur Tkachuk : Pour qui est-il conçu? Qui bénéficiera de la transparence accrue, les citoyens, les banques ou les gouvernements? Qui le surveillera; sera-t-il même possible de le surveiller? Il s'agit, après tout, de dérivés négociés sur les marchés hors cote.
M. Rudin : Les efforts visant à accroître la transparence consistent à exiger que toute transaction de gré à gré soit inscrite dans ce qu'on appelle un répertoire des opérations, géré par une organisation chargée de recueillir tous les renseignements sur les transactions et en faire un résumé. Certains de ces renseignements seront rendus publics. La majorité d'entre eux seront seulement divulgués aux organismes de réglementation.
Le sénateur Tkachuk : Tous ces principes financiers, je ne suis jamais sûr de bien les comprendre.
J'aimerais revenir au commerce interprovincial, question qu'étudie le Comité des banques depuis un certain nombre d'années. On peut dire qu'elle engendre une certaine frustration. Le programme tiendra-t-il compte des principaux obstacles au commerce qui figurent à l'ordre du jour des réunions des ministres fédéral-provinciaux du Commerce, dont le but est de trouver des façons d'éliminer ces obstacles?
Le projet de loi d'initiative parlementaire sur le vin me vient à l'esprit. C'était une mesure si simple. Il est incroyable que, dans un pays comme le nôtre, il faille présenter un projet de loi d'initiative parlementaire...
Le président : Je vous prie d'en arriver à la question, sénateur Tkachuk.
Le sénateur Tkachuk : Une remise en contexte s'impose, sénateurs. Il s'agit après tout d'un projet de loi de nature financière.
M. Paradis : Je partage votre frustration. C'est pourquoi j'ai dit, plus tôt, qu'il s'agit d'un processus graduel. La volonté politique est ferme à cet égard. L'accroissement de la force exécutoire de nos décisions constitue un pas dans la bonne direction.
Les ministres fédéral et provinciaux se réunissent tous les ans. La réunion de 2013 sera présidée par le gouvernement du Canada. Je répète que je suis d'accord pour dire que ce sera une bonne occasion de promouvoir ce programme et de cerner les possibilités qui s'offrent à nous, si les provinces sont favorables à l'idée.
Il y a également le nouveau fonds dont j'ai parlé, qui s'annonce intéressant; il faut encore en préciser certains paramètres, cependant. Quiconque obtient gain de cause contre le gouvernement se fera dédommager pour les coûts encourus, et le solde sera versé dans un fonds pour l'avancement du commerce intérieur.
Les provinces et le gouvernement fédéral cherchent encore comment investir cet argent pour promouvoir le commerce intérieur. Il pourrait être intéressant d'envisager des moyens de mieux cerner les obstacles afin de mieux pouvoir les éliminer.
Le travail continue. Cela fait des années qu'on ne fait aucun progrès dans le dossier, mais les choses commencent à bouger un peu. J'espère que la tendance se maintiendra, étant donné les efforts que nous déployons pour conclure des accords de libre-échange avec d'autres pays. Nous devrions également promouvoir le libre-échange au sein du Canada même. Beaucoup d'occasions s'offrent à nous. Lorsqu'une région prend un essor, d'autres pourraient lui donner un coup de main.
Le président : Veuillez excuser l'interruption, monsieur le ministre, mais je dois passer aux autres questions.
Le sénateur Ringuette : Mes questions seront courtes et j'espère que les réponses le seront aussi.
À combien s'élevait notre engagement envers le FMI il y a cinq ans et à combien s'élève-t-il aujourd'hui? Quelle incidence les modifications proposées au conseil d'administration auront-elles sur la représentation du Canada à ce conseil?
Monsieur le ministre Paradis, vous avez parlé de l'expérience des membres des organes d'examen. Quelle est la composition du groupe? Il y a également la question de la représentation des provinces. Chaque secteur d'activité a-t-il son propre organe, ou y en a-t-il un seul pour tous les domaines? Est-ce suffisamment court comme question?
M. Menzies : Parfaitement. C'est vous tous qui avez le dernier mot.
Vite fait, nos engagements financiers resteront les mêmes. Ils n'augmenteront pas. Si c'est là ce que vous...
Le sénateur Ringuette : Je vous ai demandé à combien s'élevait cet engagement il y a cinq ans et à combien il s'élève aujourd'hui.
M. Menzies : Je m'en remets à M. Stewart. J'ajoute simplement qu'il s'agit de tenir compte de l'évolution des marchés émergents, qui sont de plus gros joueurs qu'ils ne l'étaient lorsqu'ils se sont joints au FMI. Il s'agit de refléter leur influence et le poids de leur voix.
J'invite maintenant M. Steward à répondre à la question pointue.
Rob Stewart, sous-ministre adjoint, Finances et échanges internationaux, ministre des Finances Canada : Veuillez m'excuser, monsieur le ministre, mais une légère correction s'impose. Les engagements du Canada envers le FMI ont augmenté d'un peu plus d'un milliard de dollars comparativement à il y a cinq ans.
Le sénateur Ringuette : Quels sont les chiffres?
M. Stewart : Ils sont passés de 23,4 milliards de dollars à 24,5 milliards de dollars.
Le sénateur Ringuette : Dans les milliards, vous dites?
M. Stewart : C'est cela.
Pour répondre à votre question sur la représentation du Canada au conseil d'administration, elle restera la même.
M. Paradis : Au sujet des groupes de règlement des différends, nous proposons d'ajouter des dispositions permettant au gouverneur en conseil d'imposer de nouvelles exigences en matière d'expérience. Je cède la parole à Mme Campbell, qui vous donnera de plus amples détails.
Krista Campbell, directrice générale, Direction générale de la politique stratégique, Industrie Canada : Toute instance gouvernementale peut nommer des candidats. Lorsque la création d'un groupe s'impose, ses membres sont nommés à partir de la liste. Les membres doivent avoir de l'expérience en droit administratif ou en règlement de différends, mais ne se spécialisent pas dans un seul secteur d'activité, comme l'agriculture ou le secteur de l'automobile. Leurs connaissances sont vastes.
Le sénateur Ringuette : En un mot, un nouveau groupe est constitué pour chaque différend.
Mme Campbell : Oui.
Le sénateur L. Smith : Monsieur Menzies, vous avez mentionné combien il est important que les pays membres adoptent les règlements et réformes proposés par le FMI. Dans quelle mesure êtes-vous certain que les parties concernées donneront suite aux recommandations? Le degré d'adhésion aux normes de Bâle I, II et III varie d'un pays à l'autre, et tout écart peut avoir une incidence sur les finances mondiales. D'après les rencontres que vous avez faites dans ces sphères, quelle est votre impression de la situation?
M. Menzies : Le ministre Flaherty serait davantage en mesure de répondre à cette question. Je rencontre moins de gens que lui, mais j'assiste quand même à divers forums. J'ai confiance. Peut-être qu'un des représentants ministériels pourrait préciser s'il existe des peines en cas de manquement, nous parler des exigences en place et nous dire si elles font, ou non, consensus. Je n'ai pas réponse à ces questions.
M. Rudin : Les normes de Bâle III constituent, à mesure qu'elles sont mises en œuvre, les normes minimales internationales pour ce qui est du capital des banques et potentiellement de leurs liquidités. Il est important d'en être conscient et d'en encourager la mise en œuvre dans le monde entier.
Les mécanismes qui ont été mis en place ont surtout trait à l'examen par les pairs et à la reddition de comptes. Mis en œuvre par le Conseil de stabilité financière, qui est présidé par un Canadien, le gouverneur Carney, ce processus permet d'examiner de près les plans établis par tous les pays membres pour la mise en œuvre de Bâle III. Il s'agit d'un processus qui vise à assurer la transparence, et dans une large mesure, à exercer des pressions pour que les gens se conforment aux exigences.
Le sénateur L. Smith : Qu'est-ce que cela signifie d'un point de vue pratique? Évidemment, il est essentiel que ces mécanismes soient mis en œuvre. Les parties concernées sont-elles prêtes à le faire?
M. Rudin : Voici ce qu'ont déclaré très récemment les leaders du G20 : « Nous convenons également de prendre les mesures nécessaires pour la mise en œuvre intégrale, rapide et cohérente de [...] Bâle III ainsi que pour en assurer la concordance avec les normes convenues à l'échelle internationale. » Je crois que c'est la garantie la plus ferme que nous avons.
Le sénateur Moore : Je veux revenir sur la question du sénateur Tkachuk au sujet de la Corporation canadienne de compensation de produits dérivés. Sur son site web, la corporation dit qu'elle occupe une place unique, et qu'elle compte plus de 30 membres compensateurs, dont les principales institutions financières et les firmes de courtage au Canada. Pouvez-vous fournir une liste de ces membres à la greffière, s'il vous plaît?
M. Rudin : Nous fournirons cette liste si elle est publiée.
Le sénateur Moore : Que voulez-vous dire? La corporation est assujettie à la loi canadienne. Ne s'agit-il pas d'une entité canadienne?
M. Rudin : La CDCC est une filiale du Groupe TMX, et je suppose que la liste de ses membres a été publiée. Si c'est le cas, nous la fournirons au comité.
Le sénateur Moore : M. Menzies, vous avez dit qu'il faut réduire les risques systémiques et que les choses doivent être réglées quotidiennement. Les montants et les parties concernées sont-ils inscrits quelque part de façon quotidienne, et cette information est-elle publiée?
M. Menzies : Je vais laisser M. Rudin répondre à cette question.
M. Rudin : Désolé, sénateur, je n'ai pas compris la question.
Le sénateur Moore : Tous les jours, il faut régler les transactions liées à ces instruments dérivés. Lorsque les transactions sur les marchés sont réglées, connaissons-nous de jour en jour les montants et les parties concernées, et est- ce que cette information est publiée?
M. Rudin : Je crois que vous voulez savoir si on connaît, par exemple, quels sont les risques assumés ou les contrats conclus par un intermédiaire par rapport à une banque donnée. La réponse est non. Ce sont des renseignements commerciaux confidentiels. Les banques ne veulent pas faire affaire avec des intermédiaires si elles doivent révéler leur position par rapport au marché. C'est le genre d'information auquel les organismes de réglementation concernés devraient pouvoir accéder de façon confidentielle par le biais du répertoire des opérations.
Le sénateur Moore : La CDCC ne publie pas l'information. Comment rassurer les marchés s'ils ignorent ce qui se passe? Je ne vois pas en quoi cela améliore la situation par rapport à 2008-2009.
M. Rudin : L'intermédiaire est là surtout pour veiller à ce que les deux parties à la transaction soient protégées même en cas de défaillance de l'autre partie. Essentiellement, c'est l'intermédiaire qui assume les risques liés à la transaction entre les deux parties.
La protection d'un intermédiaire contre les risques est une tout autre chose. L'intermédiaire doit être bien capitalisé. Il y a des règles qui exigent que chaque membre ou partie à la transaction fournisse des garanties au cas où une de ces parties ferait faillite. C'est toute une opération, et ces procédures sont supervisées. Les modifications que nous proposons étendraient la portée des pouvoirs de supervision des intermédiaires détenus par la Banque du Canada. Il est fort probable que cela renforce le système financier, car si une des parties — une banque d'investissement, par exemple — concluait un grand nombre de contrats de produits dérivés de gré à gré avec de nombreuses autres parties, nous aurions l'assurance que ces autres parties ne feraient pas faillite ou ne seraient pas mises en péril en cas de faillite de cette banque, puisque l'intermédiaire serait là pour protéger la transaction grâce à sa capitalisation et à ses garanties.
Le sénateur Moore : Je comprends, mais cela n'encourage-t-il pas une partie à prendre des risques indus, sachant qu'elle a des garanties? Qui leur fournit ces garanties? Je suppose que ce ne sont pas les contribuables. J'espère que non.
M. Rudin : Cette initiative comprend trois volets. D'abord, les institutions financières réglementées doivent détenir des fonds propres à l'égard de ces transactions même si ces institutions font affaire avec un intermédiaire. En outre, il y a des exigences pour réduire ou atténuer — sinon éliminer — les risques que l'intermédiaire fasse faillite.
Le président : Premièrement, je remercie les ministres d'avoir comparu devant le comité.
Deuxièmement, j'aimerais que les fonctionnaires restent sur place. Je crois qu'il nous faudra quelques minutes pour nous rendre au Sénat. Habituellement, le vote prend environ 10 minutes, et il nous faudra 10 minutes pour revenir.
(La séance est suspendue.)
——————
(La séance reprend.)
Le président : Nous allons reprendre la séance. Je vais commencer par remercier nos témoins d'être restés et d'avoir attendu la fin de ces votes. Je suis certain que vous êtes habitués à la tenue de ces votes dans les deux chambres.
Monsieur Rudin, jusqu'à présent, le sénateur Tkachuk, le sénateur Moore et moi-même vous avons posé trois questions pour que vous nous expliquiez comment ce type de marché sera mis en place, et comment il fonctionnera. Si j'ai compris vos réponses, ce marché était encadré par le Groupe TSX. Comment cela fonctionne-t-il à l'échelle internationale? Pouvez-vous en dire davantage à ce sujet, dans la mesure du possible?
M. Rudin : J'en serais ravi. Peut-être qu'un exemple plus concret vous aiderait à comprendre.
Les dispositions proposées dans le projet de loi dont vous avez été saisis visent à favoriser la compensation centralisée de produits dérivés de gré à gré. Actuellement, le plus important type de produit dérivé de gré à gré au Canada — celui qui est le plus utilisé par les parties canadiennes — s'appelle l'échange de taux d'intérêt. Nous allons en parler plus en détail si vous le voulez. Ce qui importe, c'est qu'il n'y a actuellement aucun intermédiaire au Canada qui offre des services de compensation pour les échanges de taux d'intérêt.
La société qui gère le plus grand volume de ce type de produit — M. Wayne Foster me corrigera si je me trompe — est LCH.Clearnet, une société établie à Londres comprenant le service SwapClear, qui s'occupe de l'échange de taux d'intérêt. Un certain nombre d'institutions financières canadiennes sont déjà membres de LCH.Clearnet. Grâce à ce projet de loi, il sera plus facile pour cette société d'offrir des services de compensation centralisée à leurs clients, qui sont parfois des parties à un contrat bilatéral de produits dérivés de gré à gré ou à un accord d'échange de taux d'intérêt. Si elles sont adoptées, ces modifications aideront les institutions financières canadiennes membres de LCH SwapClear, une société établie à Londres, à offrir à leurs clients des services de compensation centralisée.
Comme je l'ai dit, il y a des services de compensation centralisée et quelques intermédiaires au Canada. La Corporation canadienne de compensation de produits dérivés, ou CDCC, s'occupe principalement — mais pas exclusivement — de la compensation centralisée de produits dérivés négociés en bourse, plutôt que de produits dérivés de gré à gré. D'autres entreprises souhaitent se lancer dans la compensation centralisée de produits dérivés de gré à gré. Il y a de la variété partout dans le monde. Il est possible que des institutions financières canadiennes décident d'être membres d'autres sociétés intermédiaires qui s'occupent des produits dérivés de gré à gré, que ce soit aux États-Unis ou dans un autre pays. Il est aussi possible, mais pas nécessairement, que quelqu'un crée un intermédiaire au Canada qui générera un grand volume d'échanges, ce qui n'a pas été le cas jusqu'à présent.
Le sénateur Moore : Nous avons la Corporation canadienne de compensation de produits dérivés. Vous dites qu'il existe une chambre de compensation à Londres, et une autre aux États-Unis. Est-ce exact?
M. Rudin : Oui.
Le sénateur Moore : N'y a-t-il pas une entité centrale qui recueille cette information à la fin de chaque journée pour que nous ayons une idée de l'exposition au risque que nous essayons de gérer?
M. Rudin : Je crois comprendre la question. Une initiative connexe mais distincte consiste à inscrire tous ces échanges de gré à gré dans des répertoires des opérations. Un répertoire des opérations permet de regrouper des données. Il ne s'agit pas d'un intermédiaire. L'initiative du G20 vise notamment à inscrire tous ces échanges dans des répertoires des opérations. Si tout se passe bien, on inscrira dans le répertoire toute l'information relative à un type particulier de...
Le sénateur Moore : On inscrira l'information de toutes ces entités de compensation.
M. Rudin : Oui. Il se pourrait qu'il y ait quand même une spécialisation. Il pourrait y avoir un répertoire des opérations mondial pour un certain type de produit dérivé, et un autre pour un autre type de produit dérivé, comme les échanges de taux d'intérêt. Cependant, toute l'information dans une catégorie donnée serait inscrite dans le même répertoire. C'est l'objectif visé.
Le sénateur Moore : Je ne sais même pas si les Canadiens en général savent ce qu'est un produit dérivé. Parfois, je crois comprendre de quoi il s'agit, puis j'entends ces autres termes. C'est un sujet que j'ai bien de la difficulté à comprendre.
Y a-t-il une entité qui mise sur la possibilité que l'autre produit financier sera ou ne sera pas compensé? Dites-moi comment fonctionne un échange de taux d'intérêt. De quoi s'agit-il? Comment cela fonctionne-t-il? Je suppose qu'il s'agit d'un produit dérivé.
M. Rudin : Effectivement. J'hésite à appeler ce produit ainsi, car certains n'appellent pas cela un produit dérivé. Ils emploient les expressions « échanges » et « produits dérivés », mais ne nous préoccupons pas de cela.
Un échange de taux d'intérêt est un accord entre deux parties sur un échange de flux de paiements. D'habitude, le flux de paiements consiste à verser des paiements selon un taux d'intérêt fixe. Par exemple, je vous paie le taux d'intérêt payé sur cinq ans pour une obligation canadienne, et vous me payez un taux d'intérêt variable. Le taux d'intérêt que vous me payez est réajusté périodiquement, que ce soit en fonction d'un indice ou d'un autre facteur observé sur le marché. Nous nous entendons sur un montant nominal et sur la durée de l'accord. Supposons que nous choisissions un montant de référence, que je vous paye un taux fixe pendant cinq ans — le taux sur cinq ans payé par le gouvernement du Canada —, et que vous me payiez pendant cette période un taux d'intérêt fixe. C'est ce qu'on appelle un échange de taux d'intérêt.
Il y a un très grand marché pour l'échange de taux d'intérêt au Canada, et le gouvernement du Canada participe à ce genre d'échange.
Le sénateur Tkachuk : Pour poursuivre sur ce sujet, avant 2008 — et peut-être encore aujourd'hui —, les gens cachaient- ils de façon délibérée les risques qu'ils assumaient, ou était-ce la nature des échanges qui cachait le risque?
M. Rudin : C'est une très bonne question. Je dirais que c'était un mélange des deux. La nature de ces échanges bilatéraux faisait en sorte qu'il était difficile de donner un aperçu de la position dans laquelle se trouvait chaque institution ou partie. Je crois que cela représentait parfois un défi pour les institutions, comme nous l'avons découvert lors de la crise financière.
Par ailleurs, il semble que certaines institutions financières — mais pas toutes — aient cherché à dissimuler le niveau de risque qu'elles assumaient. Je crois que cela ne fait aucun doute.
Le sénateur Day : Mes questions porteront sur le libre-échange intérieur. Les chiffres fournis par le ministre Paradis concernent-ils le commerce intérieur, c'est-à-dire le commerce bilatéral, ou seulement le commerce à l'extérieur de la province?
Mme Campbell : Il s'agit des échanges effectués au Canada entre les provinces et les territoires.
Le sénateur Day : Les données sur l'Ontario ont-elles trait au commerce bilatéral entre l'Ontario et les autres provinces?
Mme Campbell : Oui.
Le sénateur Day : Dans le cas de la Nouvelle-Écosse, le commerce est partagé environ à parts égales entre le commerce intérieur et le commerce international.
Mme Campbell : Oui.
Le sénateur Day : Si vous avez les données sur le Nouveau-Brunswick, j'aimerais les connaître, puisque c'est ma province.
Mme Campbell : Je n'ai pas ces données. Le commerce suivrait à peu près la même tendance; il serait partagé environ à parts égales. Nous pouvons cependant vérifier ces données.
Le sénateur Day : On vend beaucoup de bois d'œuvre sur le marché américain, et je me demandais si la situation avait changé.
J'appuie les initiatives concernant le commerce intérieur, et pendant de nombreuses années, j'étais très déçu que nous n'ayons pas avancé dans ce dossier. Ma première question de fond est la suivante. Pourquoi ces modifications figurent-elles dans ce projet de loi d'exécution du budget plutôt que dans un projet de loi distinct, comme le projet de loi C-14, par exemple?
Mme Campbell : C'est une question technique à laquelle je ne pourrais pas répondre. Il s'agirait plutôt de déterminer le lien entre le projet de loi d'exécution du budget et la gestion de la Chambre et les affaires parlementaires.
Le sénateur Day : Vous n'avez pas de réponse à cette question.
Mme Campbell : Non.
Le sénateur Day : Parlons du mécanisme de résolution des différends. Pouvez-vous m'en parler?
Mme Campbell : Absolument, oui.
Le sénateur Day : Est-ce le même mécanisme de résolution des différends que celui qui figure dans l'APIE entre le Canada et la Chine, qui vient d'être porté à notre attention?
Mme Campbell : Je ne suis pas ici pour parler de l'APIE entre le Canada et la Chine. Je peux dire que les dispositions proposées pour la résolution des différends sont semblables à celles mises en œuvre dans le cadre de l'ALENA, qui permet aux parties de se consulter afin de déterminer s'il y a une façon d'arriver à un consensus sur la façon dont on devrait régler le problème, et d'amener différentes parties à se conformer aux règles de façon volontaire. En outre, il y a un certain nombre de mesures et d'étapes qui permettent aux parties de collaborer afin de résoudre les différends avant de s'adresser à un tribunal. Lorsque l'affaire se rend jusqu'à un tribunal, il est plus facile de faire en sorte qu'une administration se conforme aux règles avant qu'une sanction soit imposée. L'objectif serait de réduire les différends commerciaux à l'échelle nationale de façon volontaire et consensuelle.
Le sénateur Day : Je n'ai pas le projet de loi C-45 ici, mais je vais trouver tout cela.
Ces mécanismes que vous venez de décrire — la médiation, la conciliation et l'arbitrage — figurent-ils tous dans le projet de loi?
Mme Campbell : On ne les trouve pas dans le projet de loi, mais dans l'accord comme tel. Le projet de loi ne fait que mettre en place des sanctions pécuniaires. Ce que je viens de vous dire sur le fonctionnement du mécanisme de résolution des différends se trouve donc dans l'accord et peut être consulté sur le site web de l'Accord sur le commerce intérieur. Nous pouvons fournir d'autres renseignements. Comme je l'ai dit, le projet de loi ne fait que faciliter la mise en place des sanctions pécuniaires.
Le sénateur Day : Je n'ai pas bien compris. Vous avez semblé dire qu'il n'y avait pas de mécanisme de résolution des différends avant celui dont on a convenu l'été dernier.
Mme Campbell : Il n'était pas contraignant.
Le sénateur Day : Il faut sûrement une loi pour mettre en œuvre un accord entre les parties.
Mme Campbell : Il existe une mesure législative appelée Accord sur le commerce intérieur, mais les rouages se trouvent en fait dans un accord qui est publié par toutes les parties. Cette formule permet d'apporter des changements à la mise en œuvre de la loi sans qu'il soit nécessaire de les faire approuver par toutes les administrations — c'est-à-dire par toutes les assemblées législatives du Canada — même s'il s'agit de modifications mineures. Dans les faits, c'est presque un moyen de s'occuper de la réglementation. Les ministres parviennent à des ententes. Ils signent un protocole d'amendement qui affirme que toutes les administrations en sont arrivées à un consensus. Nous apportons les modifications dans la loi, mais c'est plutôt ce document, l'Accord sur le commerce intérieur, qui présenterait les étapes qui vous intéressent.
Le sénateur Day : Le mécanisme de règlement des différends figure déjà dans la loi et n'est mis en œuvre par aucune modification prévue en vertu du projet de loi C-45?
Mme Campbell : L'essentiel du processus de règlement des différends figure au chapitre 17 de l'accord. Ce chapitre expose la façon de traiter les différends entre des gouvernements ou entre une personne et un gouvernement. Comme le ministre l'a dit, ce projet de loi donne du mordant au processus en ce sens qu'il prévoit des sanctions pécuniaires et qu'un gouvernement sera appelé à rendre des comptes s'il continue de tarder à régler des irritants au commerce intérieur. Une ordonnance de la cour fédérale pourrait soumettre le gouvernement fédéral à une sanction pécuniaire. De même, une ordonnance d'une cour provinciale pourrait soumettre un gouvernement provincial à une obligation semblable.
Le sénateur Day : Merci. Je comprends.
Le président : Je crois comprendre que M. Stewart aimerait revenir sur une déclaration qu'il a faite plus tôt au cours de la réunion.
M. Stewart : J'aimerais m'excuser car j'ai induit le comité en erreur lorsque j'ai répondu à la question du sénateur Ringuette sur notre engagement envers le FMI. J'ai dit que notre engagement avait augmenté d'un peu plus d'un milliard de dollars. Par rapport à il y a cinq ans, l'augmentation serait de 11 milliards de dollars, somme qui comprend une convention de prêt bilatérale établie par le gouvernement en 2009.
Le sénateur Moore : Notre engagement est passé de 3,4 à 11 milliards de dollars?
M. Stewart : Il est passé de 13 milliards à 23 milliards et il est maintenant de 24 milliards de dollars.
Le président : Je vous remercie de cette précision.
M. Stewart : Toutes mes excuses.
Le président : Il n'y a pas de quoi.
Le sénateur Stewart Olsen : À titre d'éclaircissement, ai-je raison de supposer que tous les pays augmentent aussi leur contribution, ou est-ce seulement le Canada?
M. Stewart : Oui. Dans l'entente de 2010 sur les quotes-parts, tous les membres du FMI ont accepté d'augmenter leur contribution. À part cela, il y a des engagements bilatéraux avec le FMI, dont certains ont été pris en 2009 et d'autres, avec des pays autres que le Canada, qui ont été pris en 2012.
Le sénateur Moore : J'aimerais poser une question sur la partie du projet de loi qui traite du FMI, puis je reviendrai sur le commerce intérieur.
Dans les notes d'information, on peut lire que les ministres des Finances du G20 ont convenu de la réattribution des quotes-parts lors de la réunion qui a eu lieu en Corée en octobre. De quoi s'agit-il? Qu'est-ce qu'une quote-part? Est-ce le montant d'argent que chaque pays s'engage à fournir au FMI et est-ce que le nombre de votes varie en fonction de ce montant? On lit que cela nuit quelque peu à certains pays moins riches. Qu'est-ce qu'une quote-part relative?
M. Stewart : La quote-part est l'élément fondamental de la participation au FMI. Il s'agit du montant de la souscription au FMI, somme dont chaque pays est responsable.
Le sénateur Moore : Un montant dont chaque pays est responsable, c'est compris.
Ils ont convenu de réattribuer les quotes-parts pour favoriser les pays sous-représentés et les marchés émergents dynamiques des pays en développement. Je suppose que l'Inde, la Russie et le Brésil figurent ainsi parmi les dix premiers pays. Cependant, plus de la moitié de la réattribution de 6 p. 100 viendra d'autres pays en développement, qui perdront des voix lors des votes en raison de la réforme. Qu'est-ce qui se passe? Leur demande-t-on de réduire leur quote-part? Pourquoi y a-t-il une incidence négative sur ces pays?
M. Stewart : Il s'agit d'une réattribution relative. Tous les pays ont accepté une augmentation, mais celle des pays en développement est légèrement plus faible, relativement parlant, par rapport aux marchés émergents dynamiques. À la suite d'un changement global de la répartition des parts, l'influence et la gouvernance que ces marchés ont acquises au FMI sont légèrement plus importantes.
Le sénateur Moore : Je présume que le FMI est toujours largement dominé par les États-Unis et la France, n'est-ce pas?
M. Stewart : C'est exact, mais il y a eu un modeste glissement.
S'ajoutent à cela le changement apporté à la participation et la modification des modalités de gouvernance, par laquelle les Européens ont renoncé à deux des sièges qu'ils détenaient au conseil d'administration.
Le sénateur Moore : À qui ces sièges ont-ils été cédés? Aux marchés émergents?
M. Stewart : Pas nécessairement à des pays dont le marché est émergent et dynamique, en fin de compte, mais à d'autres pays qui ne sont pas Européens. Il s'agit d'une modification de la représentation au sein du conseil d'administration, qui compte 24 membres, ce qui enlève par conséquent du pouvoir à l'Europe.
Le sénateur Moore : Quels sont les deux pays qui ont été admis au conseil d'administration?
M. Stewart : Cela n'a pas encore été confirmé parce que les réformes de 2010 dont nous parlons ne sont pas encore entrées en vigueur sur cet aspect. Le Canada a approuvé ces réformes dans le dernier projet de loi d'exécution du budget.
Le sénateur Moore : Sait-on de quels pays il s'agit?
M. Stewart : C'est de notoriété publique, mais aucune annonce officielle n'a été faite.
Le sénateur Moore : Que disent les rumeurs?
Le sénateur Day : Regardez la télévision.
M. Stewart : Il est entendu qu'il y a glissement au sein des administrations européennes afin de donner davantage de pouvoir aux pays d'Europe de l'Est.
Le sénateur Moore : Je vais passer à ma question sur le commerce intérieur. Dans les notes fournies par la Bibliothèque du Parlement, on lit que : « La Section 14 modifierait la Loi de mise en œuvre de l'Accord sur le commerce intérieur de manière à prévoir la force exécutoire des décisions découlant du [mécanisme de règlement des] différends [...]. » Nous avons parlé de cela. Vous avez parlé de lenteurs. Est-ce que cela est un problème assez fréquent pour que nous devions avoir recours à une loi pour que les provinces ou les administrations mettent en œuvre la décision à laquelle en arrive le processus de règlement des différends? Est-ce que les décisions sont accueillies de façon telle que les gens décident de ne pas les mettre en œuvre si elles ne leur sont pas favorables? Est-ce que c'est ce qui se produit? Est-ce pour cela que nous devons procéder ainsi?
Mme Campbell : Il y a eu des cas où les administrations ont réagi plus lentement aux discussions et ont tardé à se conformer aux décisions. En moyenne, il y a environ trois différends qui vont jusqu'au groupe spécial de discussion. La grande majorité des différends sont réglés et des sanctions ne seraient pas nécessaires. Toutefois, des intervenants se sont manifestés et nous ont dit que c'est l'un des points faibles de l'accord. En effet, ce dernier ne contient pas de recours final pour exiger des comptes et rendre un gouvernement publiquement responsable et pour pouvoir dire : « Vous avez continuellement manifesté de la lenteur, malgré qu'on vous ait donné de nombreuses occasions de vous conformer volontairement. Nous allons maintenant imposer une sanction. »
Le sénateur Moore : Ce nombre, trois, est-ce pendant une certaine période ou est-ce une moyenne annuelle?
Mme Campbell : Il s'agit d'une moyenne annuelle. Depuis l'entrée en vigueur de l'accord en 1995, je crois qu'il y a eu 52 différends. Il est difficile pour un gouvernement ou pour une personne de déposer une plainte contre un gouvernement. Comme je l'ai souligné, des efforts considérables sont déployés pour veiller à ce que les parties ne soient pas obligées d'avoir recours à un groupe spécial. Toutefois, annuellement, il n'y a pas un grand nombre de différends liés à l'accord.
Le sénateur Moore : Il n'y a pas un grand nombre?
Mme Campbell : Il n'y a pas un grand nombre.
Le sénateur Moore : Est-ce qu'il y en a trois?
Mme Campbell : Il y a eu 52 différends, cela donne donc en moyenne trois par année.
Le sénateur Moore : Parmi ces cas, y a-t-il un seul cas de différend attribué à la lenteur ou le sont-ils tous? Est-ce qu'il s'agit de 52 cas de non-conformité à la décision rendue?
Mme Campbell : Je n'ai pas les chiffres devant moi. Cependant, je pense qu'il y a eu 42 différends entre gouvernements. Je pense que 33 ont été réglés. Je vais vérifier les chiffres et confirmer ce renseignement. Il y en a deux ou trois qui ne sont pas résolus, mais dans la plupart des cas, les gouvernements veulent montrer qu'ils réduisent les barrières nuisant au commerce. Toutefois, comme je l'ai mentionné, certains intervenants se sont manifestés avec beaucoup de véhémence pour dire que l'accord n'avait pas de mordant. Si une administration ne respecte pas la décision rendue, est-ce que cela incite un intervenant ou un autre gouvernement à dire : « Cela est très important pour moi et je sais que cela donnera quelque chose »?
Le sénateur Moore : En ce qui concerne les intervenants qui ont communiqué avec vous à ce sujet, s'agit-il de gouvernements provinciaux ou s'agit-il principalement de personnes?
Mme Campbell : Toutes les provinces ont accepté ces changements afin que l'Accord sur le commerce intérieur soit entièrement basé sur le consensus. Elles étaient toutes d'accord. Parmi les organisations d'intervenants, on compte la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante et la CGA, l'Association des comptables généraux accrédités. Plusieurs entreprises ont souligné que le manque de mordant constituait un problème.
Le président : Honorables sénateurs, comme vous le savez, on nous a demandé d'examiner quatre sections de la Partie 4 du projet de loi C-45. Nous avons entendu les deux ministres aujourd'hui. Il y a des témoins du ministère des Finances et d'Industrie Canada dans la salle. Ma question est donc la suivante : les membres du comité veulent-ils poser d'autres questions sur les articles qui leur ont été transmis et au sujet desquels ils aimeraient avoir des précisions?
Nous avons deux autres réunions, demain et jeudi, où des témoins de l'extérieur comparaîtront pour discuter de divers aspects du document à l'étude. Je voulais seulement m'assurer que personne ne voulait poser d'autre question sur les articles pendant que les témoins du ministère des Finances et d'Industrie Canada sont devant nous.
Comme il n'y a pas d'autre question, au nom des membres du comité, je veux remercier M. Rudin, Mme Campbell, M. Stewart, M. Foster et Mme Pearse d'avoir comparu devant nous aujourd'hui.
(La séance est levée.)