Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Banques et du commerce
Fascicule 26 - Témoignages du 8 novembre 2012
OTTAWA, le jeudi 8 novembre 2012
Le Comité sénatorial permanent des banques et du commerce se réunit aujourd'hui, à 10 h 30, pour étudier la teneur des Sections 1, 3,6 et 14 de la Partie 4 du projet de loi C-45, Loi no 2 portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 29 mars 2012 et mettant en œuvre d'autres mesures.
Le sénateur Hervieux-Payette, C.P. (vice-présidente) occupe le fauteuil.
[Français]
La vice-présidente : J'aimerais souhaiter la bienvenue au ministre Tomas Hockin et à M. Thomas Bernes et les remercier de nous aider dans notre examen du projet de loi C-45.
Pendant cette réunion, notre comité examinera deux de ses dispositions et nous prévoyons consacrer une heure à chacune. Pendant la première heure, nous examinerons la Section 6 de la Partie 4, qui modifierait l'annexe un de la Loi sur les accords de Bretton Woods et les accords connexes. Ces amendements portent sur les règles et règlements du Fonds monétaire international. J'ai présenté M. Hockin et M. Bernes.
Pendant la deuxième heure, nous examinerons la Section 14, de la Partie 4, qui modifierait la Loi de mise en œuvre de l'accord sur le commerce intérieur afin de refléter les changements apportés au chapitre 17, de l'Accord sur le commerce intérieur. Le but visé est majoritairement de rendre exécutoire les ordonnances relatives aux dépenses et aux sanctions pécuniaires. Je présenterai les autres panélistes ultérieurement.
[Traduction]
L'honorable Thomas A. Hockin, C.P., directeur exécutif, Fonds monétaire international : Je suis heureux d'être de retour parmi vous. Dans une autre décennie, je témoignais devant votre comité et, je vous l'avoue, je devais défendre le budget. Je l'ai fait pendant quatre ans et les échanges les plus détaillés et les plus enrichissants que j'ai eus ont été avec vous. Je suis donc très heureux d'être de retour et de revoir de vieux amis et collègues.
Mes fonctions sont bien ciblées. M'accompagne aujourd'hui Thomas Bernes, qui est probablement la plus haute autorité au Canada dans le domaine du Fonds monétaire international. Personne d'autre ne pourrait vous donner un aussi bon contexte historique et contemporain sur le FMI. À nous deux, nous espérons donc bien répondre à vos questions.
Comme je suis arrivé au FMI tout juste après la crise financière de 2009, on ne peut donc pas me l'imputer, mais je suppose qu'on peut me reprocher de n'en être pas sorti. Je ne prétends pas être en mesure de répondre aux vastes questions que l'on peut se poser à propos du FMI, parce que c'est au gouvernement du Canada à le faire. D'ailleurs, je ne représente pas seulement le Canada, mais aussi l'Irlande et les Antilles de langue anglaise. Je dois donc de représenter les intérêts d'une large clientèle.
Je vous remercie de votre invitation. À titre de directeur exécutif représentant le Canada au FMI, je me réjouis de cette occasion qui m'est offerte de parler de l'action que mène l'institution et du rôle important qu'y joue le Canada. Mon intervention d'aujourd'hui est d'autant plus opportune que l'on met en œuvre les quotes-parts de 2010 et les réformes de la gouvernance. Je suis heureux de constater que le Parlement a ratifié ces mesures. Mais il est clair que certains éléments de régie interne restent à régler.
Je commencerai par quelques observations sur le rôle du FMI, puis je passerai à l'article du projet de loi C-45 qui a trait au volet gouvernance de la réforme de l'institution et qui est particulièrement intéressant.
Comme vous le savez tous, le FMI a pour rôle d'assurer la stabilité du système monétaire et financier international. C'est donc une institution essentielle pour la coopération internationale en matière économique, surtout depuis trois ans. L'institution est en effet de plus en plus au premier plan dans la lutte contre la crise financière mondiale. À bien des égards, elle sert aussi de ressource pour le G20.
Aux termes de l'article 4 de ses statuts, le FMI aide les pays membres à adopter et à conserver de bonnes politiques économiques. Les 188 pays qui en sont membres font l'objet d'une visite et d'un rapport. Le fonds offre aussi une assistance technique grâce aux contributions de certains gouvernements membres et le Canada fait d'ailleurs une contribution considérable à ce titre.
Le FMI accorde des prêts aux pays qui font face à des difficultés financières, difficultés qui se manifestent habituellement par une crise de la balance des paiements. Cependant, comme vous le savez, ces prêts sont assortis de conditions pour faire en sorte d'avoir un rendement approuvé de la part de l'autorité qui a obtenu de l'aide.
Le FMI ne prête qu'aux pays qui consentent à suivre des programmes qui les guideront et qui prévoient souvent des réformes assez rigoureuses pour les remettre sur la voie de la viabilité. Nous examinons donc avec eux les projections concernant la dette et leur disons : « D'accord, si vous empruntez cette somme du FMI, que devez-vous faire non seulement pour la rembourser, mais aussi pour garder un niveau d'endettement soutenable? »
Passons maintenant à la gouvernance. Le conseil d'administration du FMI siège dans une pièce pas tellement plus grande que celle-ci et il est composé de 24 directeurs. Dix-neuf d'entre nous représentent un groupe de pays et cinq autres, un seul pays, le leur. Lorsque je suis arrivé au conseil, le délégué chinois, qui siège à côté de moi, m'a dit : « Regardez ce conseil, Tom, il est composé de huit Européens plus le directeur, qui est lui aussi européen. Cela fait neuf sur 24. Est-ce que cela reflète réellement l'économie mondiale? » Les Chinois ne se montrent pas particulièrement récalcitrants à cet égard, mais mon collègue voulait simplement le mentionner.
C'est cela qui servira de toile de fond à mon intervention : comment peut-on équilibrer la composition du conseil? Pour être efficace, le rôle du FMI doit refléter les intérêts de ses 187 membres et c'est pour cette raison que sa structure de gouvernance doit refléter l'économie mondiale d'aujourd'hui.
Si de nombreuses économies de marchés émergents et de pays en développement ont connu une croissance très rapide ces dernières années, le poids de leur vote et leur représentation au conseil d'administration du FMI a évolué beaucoup plus lentement. Il est donc essentiel de renforcer la voix et la représentation de ces dynamiques marchés émergents — et je ne parle pas seulement des pays d'Asie, mais aussi des pays de l'Europe de l'Est et centrale — pour conserver, non seulement l'efficacité du FMI et le caractère équitable des décisions qui sont prises au conseil, mais aussi la crédibilité de l'institution, la crédibilité de ses recommandations stratégiques et la crédibilité du type de surveillance qu'elle exerce. Nous surveillons en effet tous les pays du monde.
Est-ce que l'institution reflète cette nouvelle réalité? Nous devons prendre des décisions difficiles sur les types de conditions dont nous assortissons les prêts. Et ce faisant, le conseil doit rester crédible.
Une étape importante a été franchie à l'automne 2010, lorsque les pays membres ont convenu en principe d'un ensemble détaillé de réformes des quotes-parts et de la gouvernance. Il s'agit d'une série de réformes en trois parties, qui s'est amorcée au sommet du G20 de Corée. Lors de leur réunion, les pays du G20 veillent à ce que ces réformes soient menées à bien.
À propos de ce processus en trois parties, je crois comprendre que le comité en a étudié cette année le premier élément, qui porte sur les quotes-parts. Comme vous vous en souvenez peut-être, les ressources globales provenant des quotes-parts — soit le montant provenant des contributions de tous les membres — ont été augmentées. Les quotes-parts seront donc réalignées afin de donner plus de poids aux marchés émergents et aux pays en développement. Cette première étape est une forme de réalignement. Cette augmentation des quotes-parts s'est avérée nécessaire pour s'assurer que le FMI a des ressources suffisantes pour assumer son rôle, qui consiste à préserver la stabilité économique et financière mondiale. Comme vous le savez, le FMI ne tourne pas le dos aux pays qui sont dans le besoin, à condition qu'ils soient disposés à améliorer leur propre situation par des réformes.
Le FMI doit montrer aux marchés qu'il défend ses membres. Il doit donc pouvoir disposer d'importantes liquidités pour éviter que les crises ne se propagent en servant de pare-feu. Voilà pourquoi les quotes-parts ont été doublées. À mon avis, le FMI dispose désormais de ressources suffisantes, même si certains membres ont décidé récemment d'aller plus loin et de hausser temporairement leur contribution compte tenu des défis que doit relever l'Europe. Les contributions sont donc passées d'environ 500 milliards de dollars à près d'un billion. Toutefois, l'apport récent de 0,5 billion constitue une mesure de relance temporaire face à la crise en Europe. On n'a pas encore décidé d'y avoir recours. Nous aurons ce matin un dernier bilan sur la Grèce. D'ailleurs, on n'a même pas encore reçu de nouveau programme provenant de la Grèce.
Comme vous le savez sans doute, le Canada n'a pas participé à ce dernier exercice facultatif parce qu'il n'avait aucun rapport avec l'entente de 2010 sur les quotes-parts.
Le second élément de cet ensemble de réformes en trois parties a trait à un amendement des statuts du Fonds monétaire international, par lequel on modifiera la procédure de vote pour établir la composition du conseil d'administration et la pondération des votes par pays. Il s'agit de l'amélioration de la structure de gouvernance dont j'ai parlé au début et sur laquelle nous délibérons aujourd'hui.
Pour vous donner un peu de contexte, le conseil d'administration s'occupe des nombreuses opérations quotidiennes du FMI. Mais nous sommes tellement occupés que nous nous rencontrons quatre jours par semaine. Franchement, les comités ne semblent pas très bien fonctionner. Comme on n'aime pas déléguer, on s'assure de ne manquer aucune réunion de comité. Les opérations quotidiennes sont en fait menées par le conseil d'administration qui comprend 24 membres. Dix- neuf de ces administrateurs sont actuellement élus au nom d'un pays alors que cinq d'entre eux sont nommés par les intervenants les plus importants pour représenter leur seul pays, à savoir les États-Unis, le Japon, l'Allemagne, le Royaume-Uni et la France. Les 19 administrateurs élus fonctionnent selon un système dans le cadre duquel chaque administrateur représente un groupe de pays. Ces groupes de pays sont établis à l'occasion d'élections qui se tiennent tous les deux ans. Le fait de voter pour un administrateur ou un pays donné entraîne l'adhésion au groupe de pays représentés par l'administrateur en question. Lors du vote tenu la semaine dernière, les pays antillais et l'Irlande ont choisi une fois de plus de rester dans le groupe dont le Canada fait partie.
Actuellement, les statuts du FMI stipulent que les cinq administrateurs nommés ne peuvent pas participer à l'élection et ne peuvent donc pas former des groupes. Ainsi, les Américains, les Français ou les Allemands ne peuvent pas inviter un groupe d'autres pays à se joindre à eux pour accroître leur poids ou leur vote. L'amendement approuvé par le Parlement, sur lequel nous délibérons aujourd'hui et qui se reflétera dans la Loi sur les accords de Bretton Woods et les accords connexes aux termes du projet de loi C-45, éliminera les postes d'administrateurs nommés, ce qui permettra à tous les membres de participer au système de groupes. Je ne pense pas qu'aucun pays ne veuille se joindre aux Américains, parce qu'aucun, ou du moins la grande majorité d'entre eux, ne serait entendu. Nous avons pris cette décision pour permettre aux pays avancés d'Europe, tels que la France, l'Allemagne et le Royaume-Uni, par exemple, de donner suite à l'engagement qu'ils avaient pris aux termes de l'entente de 2010 de réduire leur représentation globale au sein du conseil en faveur de pays émergents. Voilà pourquoi l'élection des membres du conseil est une sorte de condition préalable à cette mesure. Plus précisément, le nombre de postes d'administrateurs occupés par des pays avancés d'Europe serait réduit de deux en faveur des économies émergentes et en développement. Ainsi, si l'on pénétrait cet après-midi dans la salle du conseil, on verrait qu'il y a deux administrateurs européens de moins.
L'amendement proposé à la réforme du conseil entrera officiellement en vigueur lorsqu'il aura été entériné par les trois cinquièmes des membres, soit 113 membres représentant 85 p. 100 du total des voix. Vous serez heureux d'apprendre qu'il a été ratifié par 125 membres ou 69 p. 100 du total des voix. S'il y a un nombre suffisant de pays à avoir ratifié l'amendement proposé, la part des voix de ces 125 pays n'est pas suffisante pour que la réforme entre en vigueur, puisqu'elle doit atteindre 85 p. 100. Mais l'élection américaine étant derrière nous, on s'attend à ce que les États-Unis ratifient ces réformes. Comme ces derniers détiennent, je crois, 16,75 p. 100 du vote, leur ratification sera à elle seule suffisante pour que les réformes entrent en vigueur.
Je suis optimiste, car les réformes de 2010 seront prochainement ratifiées par un nombre suffisant de pays. De toute façon, on a officiellement négocié aujourd'hui au conseil un certain réalignement. Nous faisons ainsi des progrès pour donner à ces marchés dynamiques émergents un peu plus de représentation au détriment de la représentation européenne, ce qui était la raison essentielle de cette réforme.
[Français]
La vice-présidente : Merci, monsieur le ministre.
Monsieur Bernes, est-ce que vous complétez la présentation du ministre? Vous pourrez répondre à nos collègues. Nous avons une heure, vous pouvez faire peut-être une courte analyse additionnelle.
[Traduction]
Thomas A. Bernes, chercheur émérite et ancien directeur exécutif, Centre pour l'innovation dans la gouvernance internationale : Merci. C'est pour moi un honneur d'être ici. La dernière fois que j'ai eu le plaisir de témoigner devant un comité parlementaire, j'étais fonctionnaire, ce qui entraîne d'autres contraintes sur ce que l'on peut dire ou ne pas dire. J'avais l'habitude de comparaître en compagnie d'un ministre qui disait : « J'ai un expert à mes côtés. Vous savez donc à qui j'adresserai les questions difficiles que vous aurez à me poser. » Maintenant que M. Hockin et moi-même sommes dans la même position, nous nous en occuperons tous les deux.
La question de la gouvernance du système financier international, au cœur duquel se trouve le FMI, est très importante. Le projet de loi dont vous êtes saisis et qu'a décrit M. Hockin vise à donner effet à une entente conclue au sein du G20 et du FMI en 2010. D'aucuns l'ont qualifiée de réforme historique. Pour moi, c'est un tout petit pas en avant. Ces réformes sont souhaitables et nécessaires. Le présent projet de loi qui leur donne effet est donc opportun, mais ce n'est qu'une première avancée bien modeste.
Par rapport aux ressources approuvées du FMI, il s'agit de leur 14e augmentation. Ces ressources sont examinées après quelques années et c'est la 14e fois qu'elles l'étaient. Il y a lieu de noter à ce sujet que cette dernière augmentation met à disposition du FMI les ressources qui étaient à peu près les siennes en 1998, par rapport à la taille de l'économie mondiale. Depuis 1998, l'économie mondiale a grandi de 125 p. 100; les échanges mondiaux, de 200 p. 100; et les marchés de capitaux, beaucoup plus encore. De par cette augmentation, nous revenons à peu près au niveau où nous étions en 1998 s'agissant de la capacité du FMI de réagir à des crises mondiales, en l'occurrence de fournir cette protection, qui rassure les marchés de capitaux sur la présence du fonds en cas de crise.
À mon avis, c'est donc du rattrapage.
De plus, la question devient très complexe lorsque l'on parle des finances du FMI et je suis sûr que M. Hockin en conviendra. On a eu un outil de financement supplémentaire appelé Nouveaux accords d'emprunt, qui découlent en fait d'une initiative proposée par le Canada au sommet de 1995 tenu à Halifax. Dans le cadre de cette initiative, un groupe de pays, qui reflète plus ou moins la composition du G20, a accepté, sous certaines conditions, de mettre d'autres ressources à disposition du fonds en cas de crise. Lorsque la crise a éclaté en 2008, 2009, ils ont convenu d'accroître le montant de ces ressources. Lorsque la dernière augmentation des quotes-parts entrera en vigueur — elle ne l'est pas encore entièrement —, les sommes engagées dans le cadre des Nouveaux accords d'emprunt diminueront d'autant. Ainsi, le fonds ne disposera alors d'aucune nouvelle ressource supplémentaire nette pour protéger le système.
Si je puis me permettre d'ajouter un commentaire sur les ressources, il faut savoir que lorsque le Canada ou d'autres pays engagent une somme, ils utilisent le FMI un peu comme ils le feraient d'une coopérative de crédit. On y dépose de l'argent et on le retire lorsqu'on en a besoin. Lorsque l'on retire ces fonds pour financer un programme, des intérêts sont versés lorsque la somme est remboursée. On peut donc retirer de l'argent à tout moment en cas de crise, puisque cet argent n'est pas bloqué et porte de l'intérêt. Comme l'a affirmé Bob Rubin devant un comité américain des finances lorsqu'il était secrétaire au Trésor, le FMI n'a jamais coûté un seul centime au contribuable américain. Je pense que l'on pourrait avancer le même argument au Canada. Il est important de comprendre que la façon de procéder n'est pas la même qu'à la Banque mondiale ou dans les banques de développement régional où les sommes engagées sont bloquées et donnent lieu à un coût réel.
Voilà pour le côté financier.
Sur le plan de la gouvernance, comme l'a dit M. Hockin, parmi les 24 membres du conseil du FMI, il y en a neuf qui viennent de l'Europe. Peu importe la façon dont on évalue l'économie mondiale, le poids de l'Europe au sein de cette économie ne représente pas une proportion de neuf sur vingt-quatre. En 2010, il a été convenu qu'elle cèderait deux sièges. D'après ce que je comprends, cela signifie qu'elle a cédé deux des sièges des pays développés. Par exemple, au lieu que ce soit la Belgique qui préside un groupe, c'est maintenant la Pologne qui occupe l'un des sièges réservés aux pays d'Europe. La Pologne est effectivement un marché émergent comparativement à la Belgique, qui a le statut d'économie développée, mais le fait est qu'elle occupe tout de même un siège réservé aux pays européens.
Je dirais que le rééquilibrage requis n'a pas encore pris forme. Les dispositions permettant d'élire tous les présidents, plutôt que de laisser les cinq principaux actionnaires nommer tout simplement les leurs, sont nécessaires pour aller de l'avant. Toutefois, il y a beaucoup de chemin à parcourir.
À titre d'exemple, la Banque centrale européenne n'a pas de rôle officiel au sein du conseil du FMI. Il y a l'Union européenne, mais la Banque centrale européenne — qui est sans aucun doute la deuxième, troisième, quatrième banque centrale en importance dans le monde — n'a pas encore de rôle officiel. Il y a beaucoup de travail à accomplir afin de redéfinir ce que devraient être le rôle et la représentation appropriés de l'Europe au sein du conseil du FMI.
La façon dont nous pouvons atteindre l'équilibre nécessaire entre les diverses économies émergentes de la Chine, du Brésil, du Mexique et de l'Afrique du Sud est également une question importante. Une bonne partie des discussions concernant la réforme de la gouvernance sont axées sur les petits progrès et la question des quotes-parts. On est sur le point de débuter le quinzième examen des quotes-parts, qui est censé être complété au cours de la prochaine année. Je doute que nous puissions atteindre cet objectif.
Même si ces enjeux sont d'une importance symbolique, je crois qu'il existe un programme de gouvernance beaucoup plus vaste. D'abord, quelle est la relation entre le G20, qui se dit le principal forum de coopération économique, et le FMI? Cela n'a pas été défini.
Ensuite, quel est le rôle des ministres des pays membres en ce qui concerne le FMI? Il y a ce qu'on appelle le CMFI, le Comité monétaire et financier international, un comité ministériel qui se réunit deux fois l'an, mais il s'agit seulement d'un comité consultatif qui n'a aucun pouvoir officiel. On se demande, au sujet de la bonne gouvernance et de la responsabilité, si les ministres ne devraient pas assumer un rôle plus officiel et être tenus responsables des mesures prises. Au bout du compte, les décisions prises par le FMI reflètent celles prises par les pays membres.
Pour ce qui est du conseil du FMI — nous avons l'administrateur actuel, et j'ai agi à titre d'administrateur pour le Canada de 1995 à 2001 —, une question se pose à savoir s'il devrait s'agir d'un conseil de surveillance ou d'un conseil d'administration. Quelle devrait être sa responsabilité? Cela a une incidence importante sur la surveillance, par exemple, qui est au cœur même du rôle du fonds. M. Hockin a parlé de l'article 4, qui porte sur l'examen annuel par le FMI de toutes les économies du monde qui sont, au bout du compte, approuvées par le conseil. Cela mène à un processus en vertu duquel le personnel tente de prévoir dans une certaine mesure la réaction du conseil.
On se demande si la fonction de surveillance devrait être indépendante ou non et si le personnel devrait être autorisé ou non à exprimer son point de vue sans devoir passer par un processus d'approbation officiel. Il existe un compromis entre l'efficacité technique et les points de vue par rapport au rôle politique. Toutefois, si on consulte certaines études indépendantes qui ont été réalisées sur la surveillance du FMI — et j'ai déjà dirigé le Bureau indépendant d'évaluation du FMI —, j'ai toujours dit que c'était un peu comme le vérificateur général du FMI. Ses membres étaient nommés de façon indépendante et ils décidaient de ce qu'ils voulaient examiner. Ils ne se sont pas penchés sur l'aspect financier, mais sur la responsabilité du FMI en matière de politiques.
Ils ont réalisé un certain nombre d'études. Si on se reporte, par exemple, à leurs études sur le rôle du FMI relativement à la surveillance de l'économie américaine dans la période précédant la crise de 2008, il est clair qu'ils n'ont pas vu le problème, comme bien des gens. Cependant, c'est devenu un exercice superficiel en partie parce que les membres du personnel craignaient de contester les États-Unis au conseil. Il est vraiment question de reddition de compte et de responsabilité en ce qui concerne la fonction de surveillance, et cela nous amène à la question du rôle que devrait tenir le conseil. Ses membres sont-ils là en leur qualité de meilleurs économistes au monde, qui jugent les points de vue de ce qui est sans contredit le meilleur groupe d'experts économiques au monde, ou sont-ils là dans un but beaucoup plus large, soit d'assurer la reddition de compte de l'institution?
Le programme de réforme comprend également la nomination du directeur général de l'institution et d'autres dirigeants et la représentation de la diversité des membres du personnel. Comme vous le savez, selon la tradition, le directeur général du FMI a toujours été un Européen. En contrepartie, le président de la Banque mondiale a toujours été un Américain. À la dernière rencontre, il y a eu une élection. L'Europe a encore gagné. Le Canada a appuyé un autre candidat qui était très solide, selon moi.
Quoi qu'il en soit, compte tenu de la crise européenne, la question qui a été soulevée est celle de savoir si le ministre des Finances d'un grand pays d'Europe est la personne la mieux placée pour s'occuper, dans une institution, de comprendre le fonctionnement des économies européennes.
Deuxièmement, en ce qui a trait aux nominations des autres dirigeants, le poste numéro deux au FMI est toujours occupé par un Américain. Il a été nommé sans aucune discussion; en fait, c'était une approbation de routine du conseil.
Le troisième élément est la diversité du personnel. La plupart des économistes sortent des grandes universités privées des États-Unis. Il y a peu de place au sein du FMI pour les diplômés d'autres établissements dans le monde et pour la diversité des opinions.
Tous ces problèmes nuisent au fonctionnement et à la gouvernance du fonds; cela fait partie du programme plus vaste de réforme. Ce qui a été fait et ce qui est inclus dans le présent projet de loi n'est qu'un petit pas vers ce programme de réforme.
[Français]
La vice-présidente : Merci, monsieur Bernes. Mon collègue, le sénateur Tkachuk, voulait dire un mot plus général concernant la présentation de M. Hockin. Je vais donc lui donner la parole en premier.
[Traduction]
Le sénateur Tkachuk : Soyez les bienvenus, monsieur Bernes et monsieur Hockin. J'aimerais souligner qu'il ne s'agit pas de la première visite de M. Hockin au Comité sénatorial permanent des banques et du commerce. Il est venu une première fois il y a probablement un quart de siècle, à l'époque où il était ministre d'État chargé de renforcer la surveillance de notre système financier. On a tendance à oublier que le système de réglementation des années 1970 et 1980 était plutôt faible. Deux banques avaient fait faillite : la Norbanque et la Banque Commerciale du Canada. Une troisième, la Banque de la Colombie-Britannique, était venue bien près de la faillite.
M. Hockin a présenté une mesure législative qui a permis de créer un organisme de réglementation unique et puissant, le Bureau du surintendant des institutions financières. Cette mesure a donné à la Société d'assurance-dépôts du Canada de plus grands pouvoirs pour protéger les intérêts des déposants assurés et des autres créanciers. Les organismes fédéraux de réglementation ont obtenu des pouvoirs plus étendus et plus clairs pour prendre le contrôle des institutions financières qui étaient insolvables ou qui pouvaient enfreindre les exigences réglementaires. Les normes relatives à l'insolvabilité ont été resserrées.
Ses réformes, combinées à l'implantation par son successeur, Gilles Loiselle, de normes strictes de solvabilité en 1992, ont permis aux banques canadiennes de devenir les banques les plus solides au monde. Nous vous en remercions, monsieur Hockin.
C'était il y a bien longtemps. Comme je suis vieux, je m'en souviens. Je pense qu'il est important de s'en rappeler et de remercier les politiciens qui font des choses remarquables.
La vice-présidente : Il vous reste une minute pour votre question.
Le sénateur Tkachuk : Merci, madame la présidente. Je comprends, mais nous devons parler de cela.
Je ne connais pas beaucoup le fonctionnement du FMI. Toutefois, quel était son objectif initial lorsqu'il a été mis sur pied par les nations membres? Était-il considéré un peu comme une assurance ou, comme vous l'avez mentionné, une coopérative de crédit — une mise en commun de ressources pour favoriser ses propres membres ou pour examiner les secteurs à l'extérieur de ses rangs? Ce sera ma première question.
M. Hockin : C'était dans un hôtel de Bretton Woods, mais dans quel État?
M. Bernes : Au New Hampshire.
M. Hockin : J'y suis allé. Il y a des photos dans la salle à manger de la rencontre avec John Keynes, entre autres. Que pensaient-ils?
M. Bernes : Il s'agissait essentiellement d'un programme d'assurance. Le FMI comptait 44 membres, au début. Souvenez-vous qu'à l'époque, nous utilisions le système d'étalon-or, un système différent. Cependant, c'était une façon de soutenir les membres qui étaient aux prises avec un problème lié à la balance des paiements à court terme. « À court terme » était censé vouloir dire de un à trois ans. À ce moment-là, il y avait des taux de change fixes; si un pays était en crise, il ne pouvait pas s'ajuster. Il demandait la permission du fonds pour changer son taux de change et il pouvait emprunter pour financer certains des coûts d'ajustement qui y étaient associés mais qui devaient être remboursés dans une période de un à trois ans.
Le sénateur Tkachuk : Qu'est-ce qui déclenche un accès aux fonds? Qu'est-ce qui déclenche la crise? Je dirais qu'aujourd'hui, bon nombre des membres du FMI sont aux prises avec des difficultés financières énormes. Ils ne peuvent pas tous y avoir accès, de toute évidence.
Comment ces décisions sont-elles prises? Il y a l'Irlande et la Grèce. La Grande-Bretagne connaît des difficultés, et les États-Unis ont de graves problèmes. Comment le FMI détermine-t-il quels pays ont besoin de son aide financière?
M. Bernes : Un pays présente une demande dans le cadre d'un programme. L'un des problèmes, c'est qu'aucun pays ne veut demander un prêt au FMI parce que cela entache sa réputation. Essentiellement, il serait exclu des marchés de capitaux. Ce qui pose problème, notamment, c'est que les pays ne règlent pas certains problèmes avant d'être vraiment acculés au mur.
Le fonds a créé ce qu'on appelle des prêts de précaution. En principe, ce sont des prêts qui peuvent être octroyés, au besoin, pour rassurer un peu les pays et leur permettre d'entreprendre des réformes plus rapidement. Au bout du compte, cependant, un pays — que ce soit la Russie ou le Mexique durant la crise précédente ou certains pays européens aujourd'hui — doit prendre cette décision. Le fonds examinera ensuite la demande. Il concevra un programme accompagné de conditions indiquant qu'il s'attend à ce que le pays entreprenne des réformes, en échange de quoi il lui accordera un prêt. Les réformes sont nécessaires, car nous voulons être certains d'être remboursés.
Le rendement du fonds est très bon. Je crois qu'il n'y a qu'un seul pays d'Afrique qui n'a jamais remboursé son emprunt. Habituellement, l'argent du fonds est remboursé.
Le personnel élabore un programme, qui est ensuite présenté au conseil pour approbation.
M. Hockin : J'ai une petite précision. Sur les 188 pays membres, nous en avons 60 qui participent actuellement à un programme.
Depuis 18 mois, il y a un peu moins de préjugés à ce chapitre qu'auparavant. Je ne parle pas du prêt de précaution, car on n'obtient pas ce prêt si on n'a pas un bon rendement, de toute façon. Certains pays estiment que s'ils participent à un programme du FMI, cela va redorer leur image sur les marchés financiers; il y a donc une évolution en ce qui concerne les préjugés.
Le sénateur Tkachuk : Ce n'est pas du désespoir.
M. Hockin : Exactement.
Le sénateur Harb : J'ai une question simple. Nous parlons des cinq principales économies. Ceux qui pensent que le Japon est actuellement la deuxième puissance économique du monde se trompent. À l'heure actuelle, c'est la Chine. En fait, le Japon arrive au troisième rang, suivi de l'Allemagne, de la France, de l'Italie, et ainsi de suite.
Qu'ont-ils pensé lorsqu'ils ont choisi les cinq membres permanents en excluant la Chine? Ils font une réforme. Dans le cadre des élections américaines, l'un des principaux candidats voulait déclarer la Chine nation hostile sur le plan des politiques monétaires. Qu'ont-ils pensé lorsqu'ils ont exclu la Chine?
M. Hockin : Savez-vous ce qui est arrivé en ce qui concerne la Chine, monsieur Bernes?
M. Bernes : La Chine était l'un des membres fondateurs du FMI, mais en raison des événements, Taïwan a occupé le siège et la Chine a été exclue durant de nombreuses années.
Les cinq directeurs ont été choisis en 1944 dans le cadre de l'accord initial de Bretton Woods et on a adopté une formule pour établir les quotes-parts. La formule était en partie arithmétique et en partie politique, à l'époque, et elle a été mise en place. Dans chacun des examens des quotes-parts, et nous en avons fait 14, il est très difficile d'apporter des changements, car il faut l'accord de ceux qui détiennent le pouvoir; et ceux qui ont le pouvoir des votes n'aiment pas le céder.
J'étais au conseil lorsqu'il a été question d'inclure la Chine. Bien des discussions d'ordre technique ont eu lieu. Selon le calcul présenté par le personnel, la Chine devait avoir la même quote-part que le Canada — pas le groupe canadien, mais le Canada. Je me rappelle que certains de mes collègues du G7, à l'époque, étaient venus me demander s'il était acceptable pour nous d'un point de vue politique que cela la place au même niveau que nous. Nous avons répondu par l'affirmative. Sur le plan économique, elle est supérieure et le restera; c'était logique, mais il s'agissait d'un problème politique, et il était trop difficile de changer la situation.
Le sénateur Harb : Voilà le genre de discussion que nous devrions avoir, en un sens, car cela ne donne pas beaucoup de crédibilité à ces institutions sur le plan de la gouvernance. La Banque mondiale a la même formule, je suppose, puisqu'elle a les cinq mêmes grands pays et les suspects habituels. L'Union européenne est une puissance économique, et c'est très bien d'avoir trois sièges aux États-Unis. Ils se liguent, de toute évidence, pour tout et pour rien lorsque cela ne correspond pas à leurs objectifs.
Monsieur Hockin, discute-t-on beaucoup au conseil pour prendre une décision raisonnable et logique sur le plan économique?
M. Hockin : Je veux vous dire ce que j'ai observé au cours des trois dernières années.
Premièrement, les Chinois contribuent de façon positive et écrivent des commentaires sur tout. Il semble qu'ils n'aient pas encore une idée précise de la structure qu'ils souhaiteraient voir au conseil. Leur comportement n'est pas nuisible mais plutôt constructif. Toutefois, je dirais qu'ils ne semblent pas avoir une stratégie globale en ce qui concerne les institutions multilatérales en général et le FMI en particulier.
Deuxièmement, depuis que Meg Lundsager, l'actuelle administratrice qui représente les États-Unis est au FMI, il y a eu trois présidents. Je lui ai demandé comment était-ce possible et elle a dit : « Je crois qu'ils ont oublié que je suis ici. » Elle est très compétente, très discrète et elle n'abuse pas de son pouvoir. On n'a pas l'impression que les Américains abusent de leur pouvoir dans les réunions, cependant, l'Europe donne un peu cette impression, en raison de la crise. Les pays européens tiennent des réunions préliminaires entre eux avant les réunions du conseil pour être sûrs d'adopter une position commune. C'était un problème de premier plan pour nous.
Le sénateur Oliver : Vous êtes tous les deux des experts au FMI. Nous sommes des législateurs et nous sommes ici en raison du projet de loi dont nous sommes saisis; vous avez lu les articles 185 à 192. Êtes-vous convaincus que le projet de loi dont nous sommes saisis reflète les Statuts du FMI qui ont été actualisés?
M. Bernes : Oui.
M. Hockin : Oui.
Le sénateur Oliver : J'ai une autre question sur ce que vous avez dit au sujet de ceux qui prennent les décisions et des rapports entre certains organes importants. Vous avez parlé du G20 et du rôle du FMI. Vous avez tous les deux dit que si nous sommes ici aujourd'hui, c'est parce que les pays du G20 ont décidé en Corée d'apporter des changements aux quotes-parts et à la gouvernance. La question des quotes-parts a déjà été examinée, et c'est au tour aujourd'hui de celle de la gouvernance. À la suite des recommandations formulées par les pays du G20, les changements ont été apportés.
Cela ne veut-il pas dire que c'est le G20 qui détermine ce qui se passe au niveau de la gouvernance du FMI? Existe-t- il un autre groupe qui pourrait prendre une décision qui nous ferait venir ici aujourd'hui pour discuter de ces changements? Comprenez-vous ma question?
M. Bernes : Oui. J'essaie de mettre l'accent sur la nature des rapports entre le G20 et le FMI. La décision du G20 concernant ces changements est politique et le FMI les a officiellement approuvés.
Les pays du G20 sont les plus puissants en termes de droits de vote et ils représentent la plus grande part de l'économie mondiale — les membres les plus puissants du FMI. Dans une certaine mesure, s'ils parviennent à un accord, ils peuvent, s'ils le veulent, l'imposer. Le problème, c'est que près de 170 autres pays se demandent ce qu'eux-mêmes font. Ils voudraient avoir leur mot à dire. L'une des questions qui se posent au sujet des rapports entre le FMI et le G20 est la suivante : que faire pour que les autres pays aient le sentiment qu'il existe un processus consultatif qui permet que leurs points de vue soient pris en compte?
La bonne nouvelle, c'est que le G20 est plus représentatif que le G7. Il y a 20 ans, c'était le G7 qui prenait ces décisions. Nous avons fait des progrès et le FMI s'est élargi. Par contre, des marchés émergents tels que la Chine, le Brésil, et cetera, estiment encore qu'ils n'ont pas véritablement voix au chapitre au sein du FMI. La Banque mondiale a les mêmes problèmes que vous venez de mentionner. Les pays BRIC, soit le Brésil, la Russie, l'Inde et la Chine, ont annoncé récemment qu'ils envisageaient de créer une banque BRIC sur le modèle de la Banque mondiale, mais où ils auraient plus de pouvoir et d'influence. Cela montre bien que la situation est encore tendue, car beaucoup de pays estiment que leur voix au chapitre n'est pas suffisante.
M. Hockin : Je ne vois pas ce que je peux ajouter de mieux aux propos de M. Bernes. Dans un contexte plus large, la crise qui a frappé le monde en 2008 était financière. Le G20, qui représente 85 p. 100 de l'économie mondiale, devait agir. Même l'ONU n'est pas intervenue et a attendu de voir ce que le G20 pouvait faire. Que ce soit à Londres, à Pittsburgh ou en Corée, le G20 a naturellement essayé de mettre fin à cette crise économique mondiale. Le FMI a fini par se retrouver au beau milieu de tous ces efforts parce que, d'une certaine façon, il joue le rôle d'expert auprès du G20.
Le mois dernier, j'ai assisté à la grande réunion du Conseil économique et social de l'ONU, l'ECOSOC, et j'ai appris que ses membres recherchaient une mission. Ils sont un peu jaloux de voir tous les efforts entrepris par le G20 et le FMI. Je pense que c'est dû au fait qu'il ne s'agit pas de quelque chose de permanent et parce que nous essayons de mettre fin à la crise économique qui est à l'origine de la prédominance du G20 dans les affaires internationales. Quand d'autres problèmes surgiront, par exemple sur le plan de l'environnement, et cetera, on pourrait assister à une multiplication des activités du G20.
Le sénateur Ringuette : Qui préside le conseil?
M. Bernes : La directrice générale, et c'est une très bonne présidente, même si elle n'est pas présente tout le temps. Elle préside environ un tiers des réunions. Le premier directeur général adjoint, David Lipton, qui est américain, est aussi très compétent. Il préside un tiers des réunions. Les quatre autres directeurs généraux adjoints président aussi le conseil.
Le sénateur Ringuette : Quel est le nombre d'employés du FMI — ceux qui l'administrent, qui occupent des postes ou des postes désignés par des pays? Combien de personnes sont employées par le FMI?
M. Hockin : Il y a deux grands édifices de 14 étages chacun et 2 500 employés. Soixante-dix pour cent sont des économistes, il y a quelques sociologues et des avocats. Environ 7 p. 100 du budget est affecté au conseil. Mon bureau compte huit employés originaires d'Irlande, du Canada et des Caraïbes qui me prodiguent des conseils et qui sont en contact avec les capitales pour veiller à ce que je ne m'éloigne pas trop de leurs attentes. Voilà comme ça fonctionne.
Le sénateur Ringuette : Vous disposez d'un billion de dollars et d'un fonds en fiducie. Des 188 membres, combien — ceux qui ont versé de l'argent dans ce fonds — sont des actionnaires légitimes, mais pas d'un point de vue juridique?
M. Hockin : À moins d'avoir payé sa contribution, il est interdit de voter. Il faut savoir que les quotes-parts sont comme des capitaux d'apport ou des capitaux souscrits; ce ne sont pas nécessairement des capitaux versés. Ils peuvent être demandés. On y souscrit.
Le sénateur Ringuette : Vous dites que les 188 pays ont souscrit une quote-part ou se sont engagés à la verser...
M. Hockin : Oui.
Le sénateur Ringuette : ...conformément à leur niveau de développement économique, et ainsi de suite?
M. Hockin : Tout à fait.
Le sénateur Ringuette : Franchement, je crois que vous allez très bientôt vous trouver devant un très grand dilemme sur le plan de l'infrastructure ou des opérations, ainsi que l'a indiqué M. Bernes, me semble-t-il. Vous avez une infrastructure énorme pour administrer même pas un billion de dollars en termes réels du fait que des quotes-parts n'ont pas été mises dans la cagnotte, si je vous comprends bien.
M. Hockin : Oui.
Le sénateur Ringuette : La répartition des membres du conseil et les quotes-parts nécessaires pour pouvoir voter, et cetera, soulèvent en moi des préoccupations. Il n'y aura probablement pas de réponses aujourd'hui à toutes mes questions en raison du peu de temps dont nous disposons, mais si vous avez des observations à propos de mes commentaires, je vous prie de nous en faire part.
M. Bernes : Comme vous l'avez dit, cela pourrait prendre beaucoup de temps.
Le sénateur Ringuette : Oui.
M. Bernes : Votre question sur l'identité de la personne qui préside le conseil — et M. Hockin a dit que c'est le directeur général, en l'occurrence la directrice générale — en soulève une autre qui entre dans le cadre de la réforme. Évidemment, on se demande s'il ne faudrait pas que le président soit quelqu'un d'autre que le directeur général. Si la personne qui occupe le poste de direction le plus élevé et le fonds signifient la même chose, le directeur général nomme le secrétaire qui collabore avec le membre du personnel pour rédiger le procès-verbal, le compte rendu de la discussion; le conseiller juridique est nommé par le directeur général. Cette question fait partie du débat. Faudrait-il que le président soit quelqu'un d'autre? Faudrait-il qu'au moins certaines nominations à des postes supérieurs, le secrétaire du conseil et le conseiller juridique, soient des nominations conjointes afin de donner le sentiment qu'il y a une certaine responsabilité et reddition de comptes à l'égard de l'autre organisation.
C'est une question très importante sur le plan de la gouvernance — c'est ce que j'essayais de faire valoir — et que l'on commence juste à examiner.
M. Hockin : Je voudrais rejoindre les propos de M. Bernes. Je pense que nous faisons des progrès, mais il reste encore à étudier l'aspect de la gouvernance qu'il a mentionné.
Le sénateur Ringuette : Qui nomme le directeur général?
M. Hockin : Le conseil.
La vice-présidente : Étant donné qu'il y a un fonds, mais aussi des dépenses d'exploitation, est-ce que ces dépenses sont divisées selon la même quote-part que la contribution au fonds? Si vous devez verser des salaires à 2 500 employés, il faut probablement leur donner aussi des bureaux dans un édifice et payer le loyer, et cetera. C'est quelque chose de différent. Le Canada remplit certainement un chèque pour ces dépenses.
M. Hockin : M. Bernes peut ajouter plus de détails à ma réponse, mais c'est à peu près la situation. Les dépenses d'exploitation du FMI s'élèvent à environ 9 millions de dollars par année, mais il y a des fonds en fiducie qui servent à financer l'aide technique accordée aux pays pauvres, et cetera. Ces fonds sont financés séparément par des pays tels que le Canada, le Japon et la Grande-Bretagne. Il ne faut pas croire que tous les pays membres contribuent au fonctionnement du FMI. Certains de ces fonds, par exemple les fonds spéciaux en fiducie, sont financés séparément.
Le sénateur Massicotte : Nous parlons bien sûr de dispositions et de modifications précises qui concernent des lois existantes. Pour que ce soit bien clair, ma question s'adresse à M. Bernes qui a très bien résumé les mesures à prendre pour améliorer la gouvernance du FMI. Beaucoup d'articles ont été publiés dans la presse pour exprimer la nécessité d'améliorer la gouvernance et la division de la représentation.
D'après ce que je vous ai entendu dire, vous n'y êtes pas opposé; mais ce que l'on propose est un progrès qui n'est pas satisfaisant. Ce n'est pas ce que l'on vise, mais c'est un progrès quand même. Vous êtes donc en faveur de ces modifications. Ai-je bien compris?
M. Hockin : C'est exact, mais il y a trois choses en jeu et je n'ai pas parlé de la troisième qui est le mode de calcul de la quote-part. Quels facteurs examine-t-on? Le PIB, la transparence, la variabilité de l'économie et la quantité des réserves. Nous les étudions aussi. Les pays à marchés émergents dynamiques ont des opinions bien arrêtées sur le mode de calcul de la formule. La plupart veulent utiliser la PPA et lui accorde beaucoup plus d'importance qu'au PIB au prix du marché. C'est le dilemme auquel je serai confronté au cours des prochaines semaines parce que nous devrons prendre une décision à ce chapitre. Ça entrera dans le cadre de la gouvernance. Je comparaîtrai probablement devant le comité cet hiver pour en discuter.
Le sénateur Massicotte : À titre de question d'intérêt, j'ai lu votre rapport trimestriel qui est, à mon avis, bien rédigé et qui résume les enjeux. Toutefois, je suis déçu que l'on n'en parle pas plus ou qu'on ne lui accorde pas plus de crédibilité au Canada, par exemple. Je suppose que vous en êtes très satisfait. Vous avez dit que vous pensiez avoir les meilleurs économistes au monde. Cependant, quand vous fournissez un rapport en expliquant qu'il a été approuvé par le conseil et qu'il est donc trop politique, pour quelle raison ne nous incite-t-il pas plus au changement? Regardez ce qui se passe en Espagne. C'est la même chose. Avez-vous des commentaires?
La vice-présidente : Sénateur Stewart Olsen, nous devons terminer dans quelques minutes, veuillez donc poser votre question et nous aurons une réponse aux deux questions.
Le sénateur Stewart Olsen : Vous avez dit que vous avez augmenté 14 fois les quotes-parts et que vous songez une fois de plus à le faire. En 2010, il me semble que nous avons accepté l'augmentation des quotes-parts.
Sur quoi fondez-vous votre décision? Vous avez un grand fonds en fiducie qui se chiffre en billions de dollars. Comment allez-vous décider des sommes qu'il vous faudra dans ce fonds en fiducie pour revenir les demander, parce que 14 fois, c'est un grand nombre de fois pour revenir demander de continuer à augmenter les quotes-parts des pays, particulièrement en période de ralentissement économique mondial. Comment décidez-vous du montant dont vous aurez besoin pour ce fonds en fiducie?
M. Hockin : C'est une estimation approximative basée sur des prévisions économiques mondiales. On se base vraiment sur ces prévisions. Nous ne sommes jamais sûrs d'avoir suffisamment d'argent.
Le sénateur Stewart Olsen : À quel montant du fonds décidez-vous de demander une augmentation des quotes-parts? Vous n'êtes pas en train d'accumuler de l'argent seulement dans le but d'avoir un énorme fonds, n'est-ce pas?
M. Hockin : Il n'y a pas de réponse mécanique à votre question.
La vice-présidente : C'est une question d'ordre général sur la façon dont nous bâtissons la réputation du FMI auprès de la population du Canada. Je pense que c'est un grand défi, mais vous avez peut-être quelques idées. Nous nous arrêterons ici.
M. Bernes : Le billion de dollars par année provenait d'intérêts perçus sur des prêts accordés. Pour revenir à mon commentaire où j'ai cité Bob Rubin, les contribuables américains et canadiens n'ont jamais dépensé un sou pour le FMI. Les coûts d'exploitation sont payés par les emprunteurs.
À propos des 14 examens, la quote-part n'a pas été augmentée à chaque fois. Quelquefois la décision était négative, on trouvait que l'augmentation n'était pas justifiée. Cependant, la dernière augmentation a eu lieu, comme j'essayais de le dire, en 1998. Par conséquent, nous essayons de suivre le rythme de la croissance de l'économie. La question est de déterminer le montant du fonds en fonction de l'économie globale tout en prévoyant les problèmes potentiels qui pourraient survenir.
Nous parlons de susciter l'adhésion à l'article 4, mais il s'agit de la façon de produire un plus grand effet. C'est un débat. Les employés du FMI se sont toujours considérés comme une sorte de conseillers qui ont la confiance du gouvernement. Nous nous présentons, nous produisons le rapport et nous le peaufinons.
Beaucoup d'employés font valoir — et à bon droit, je pense — que dans le monde actuel ils doivent être plus que seulement des conseillers du gouvernement; ils doivent se préparer à jouer un rôle public. Cela veut dire qu'ils doivent développer leur capacité de publier ces rapports et de les médiatiser en nouant le dialogue avec la collectivité, les députés et les médias. En Grèce, par exemple, on savait ce qui se passait et on aurait dû et aurait pu établir le bien-fondé des prévisions plus tôt, avant le début de la crise.
Pour en revenir à l'exemple canadien, je pense que les rapports du Canada ont été très bons. L'un des arguments qu'ils présentent toujours est le besoin de réformer l'assurance-emploi au Canada. Vous pouvez vous imaginer ce qu'un groupe d'économistes dira d'un programme d'assurance-emploi avec des dimensions régionales, et la réaction politique que nous savons que cela suscite chez nous.
Cela crée toujours des tensions et cela explique pourquoi certains gouvernements préfèrent rester discrets concernant le rapport.
M. Hockin : En outre, s'agissant du rapport canadien, chaque année depuis quatre ou cinq ans, ils ont demandé la création d'une commission nationale des valeurs mobilières. Ce sujet fait parfois la une de la section affaires. On n'en parle pas davantage vu qu'il s'agit d'une bonne nouvelle. Dans la plupart des pays, ces articles 4 reçoivent beaucoup d'attention des médias. N'oubliez pas que les autorités doivent convenir de publier le rapport et elles ne sont pas toutes disposées à le faire. Je suis fier que le Canada ait toujours accepté de le faire, car ce n'est pas le cas de tous les pays.
La vice-présidente : Merci beaucoup, monsieur Hockin, et vous aussi monsieur Bernes. Je crois que nous savons un peu mieux où nous nous situons. Je pense que votre travail vous attend, monsieur Hockin. Merci.
[Français]
Nous accueillons aujourd'hui à notre comité l'honorable David Ramsay, MAL, président, ministre de l'Industrie, du Tourisme et de l'Investissement des Territoires du Nord-Ouest, pour le Comité du commerce intérieur, ainsi que Mme Carole Presseault, vice-présidente, Affaires gouvernementales et réglementaires, de l'Association des comptables généraux accrédités du Canada.
Du Conseil canadien des chefs d'entreprise, nous recevons également M. Joe Blomeley, analyste de la politique ainsi que M. John Dillon, vice-président, politique, et avocat-conseil.
Je souhaite la bienvenue à nos experts.
[Traduction]
Monsieur Ramsay, la parole est à vous pour le premier exposé. Nous avons un peu moins d'une heure. Pouvez-vous prononcer vos remarques liminaires en cinq ou six minutes environ?
L'honorable David Ramsay, MAL, président, Comité du commerce intérieur, ministre de l'Industrie, du Tourisme et de l'Investissement des Territoires du Nord-Ouest : Oui, je peux le faire. Bonjour tout le monde. C'est pour moi un honneur d'être ici aujourd'hui pour représenter les ministres fédéral-provinciaux-territoriaux responsables du commerce intérieur. Je suis président du Comité du commerce intérieur et ministre de l'Industrie, du Tourisme et de l'Investissement au sein du gouvernement des Territoires du Nord-Ouest.
À titre de président du Comité du commerce intérieur, je suis ravi d'informer le comité sénatorial que notre comité appuie la loi d'exécution du budget fédéral, qui modifierait la Loi de mise en œuvre de l'Accord sur le commerce intérieur et abrogerait le paragraphe 28(3) de la Loi sur la responsabilité civile de l'État et le contentieux administratif afin de tenir compte des modifications apportées récemment à l'Accord sur le commerce intérieur.
L'Accord sur le commerce intérieur est un accord commercial intergouvernemental qui a été conclu par les premiers ministres canadiens en 1994. Le gouvernement du Canada, toutes les provinces, le Yukon et les Territoires du Nord-Ouest en sont signataires. Le Nunavut s'attache maintenant à le devenir lui aussi.
Cet accord vise à réduire et à éliminer, dans la mesure du possible, les entraves à la libre circulation des personnes, des biens, des services et des investissements au Canada et à créer un marché national ouvert, efficace et stable. Les ministres responsables du commerce intérieur se réunissent régulièrement pour discuter et envisager les mesures qu'ils pourraient prendre et les modifications qu'ils pourraient apporter à l'accord pour faciliter davantage la réduction et l'élimination des entraves au commerce, à l'investissement et à la mobilité de la main-d'œuvre au Canada.
En 2004, le Conseil de la fédération a aussi enjoint au Comité du commerce intérieur d'améliorer la procédure de règlement des différends. Pour ce faire, le comité a récemment modifié l'accord.
Afin de donner effet aux modifications dont il est question dans le dixième et le quatorzième protocole visant à modifier l'accord, il faut modifier la loi. Ces protocoles tiennent compte des modifications au chapitre de l'accord portant sur la procédure de règlement des différends et comprennent de nouvelles sanctions pécuniaires et des modifications à la procédure de règlement des différends.
Plus être plus précis, les ministres responsables du commerce intérieur ont signé le Dixième protocole de modification en 2009. En conséquence, des sanctions pécuniaires ont été ajoutées aux procédures de règlement d'un différend entre un gouvernement et un gouvernement. Le Dixième protocole de modification en 2009 prévoit que les parties prennent les mesures nécessaires pour, premièrement, garantir qu'une ordonnance sur les dépens prévus au tarif rendue par un organe décisionnel puisse être exécutée de la même façon qu'une ordonnance contre le ministère public rendue par les tribunaux supérieurs de cette partie; et, deuxièmement, garantir que toute ordonnance visant les sanctions pécuniaires qui est rendue par le groupe spécial de l'observation des décisions puisse être exécutée, soit de la même façon qu'une ordonnance contre le ministère public rendue par les tribunaux supérieurs de cette partie, soit par le dépôt d'une lettre de crédit auprès du secrétariat.
Les ministres responsables du commerce intérieur ont aussi approuvé en principe le Quatorzième protocole de modification en juin 2012, qui intègre la structure de base des procédures de règlement des différends entre un gouvernement et un gouvernement aux procédures de règlement des différends entre une personne et un gouvernement et comprend un certain nombre d'autres modifications qui découlent de l'examen de l'équité dans les procédures de tout le chapitre sur les procédures de règlement des différends. Les modifications visent à garantir l'équité des procédures tout en garantissant la cohérence des procédures de règlement des différends entre un gouvernement et un gouvernement et entre une personne et un gouvernement.
En raison du principe de common law voulant que l'État ne puisse être actionné sans sa permission, chacune des parties à l'accord doit faire en sorte qu'elle dispose des mesures législatives adéquates et qu'elle est habilitée à mettre en vigueur la procédure élaborée par le truchement du dixième et du quatorzième protocoles de modification. L'ensemble des provinces et des territoires signataires de l'accord, dont les Territoires du Nord-Ouest, ont pris des mesures pour soit promulguer soit modifier les lois appropriées afin de créer les mécanismes nécessaires pour appliquer les modifications.
Les Territoires du Nord-Ouest ont récemment modifié leur loi. Le commissaire des Territoires du Nord-Ouest a approuvé le projet de loi 7, Loi modifiant la Loi sur l'organisation judiciaire, le 6 novembre dernier. Ce projet de loi a ajouté une disposition à la Loi sur l'organisation judiciaire des T.N.-O. qui prévoit que les ordonnances commerciales à l'encontre des T.N.-O. sous le régime de l'Accord sur le commerce intérieur puissent être déposées auprès du greffier de la Cour suprême des Territoires du Nord-Ouest. Une fois déposée, une ordonnance serait applicable à l'encontre du gouvernement des Territoires du Nord-Ouest de la même façon que les autres ordonnances de cette cour. En ajoutant cette disposition, les Territoires du Nord-Ouest seront sur un pied d'égalité avec les autres signataires de l'accord.
Le Comité du commerce intérieur est d'accord avec les modifications proposées à la loi fédérale équivalente à l'étude aujourd'hui. Les modifications récentes qui y ont été apportées pour améliorer le chapitre de l'accord portant sur le règlement des différends représentent une étape importante qui montre à l'industrie que le Comité du commerce intérieur est à l'écoute et qu'il cherche constamment des façons d'améliorer la Loi de mise en œuvre de l'Accord sur le commerce intérieur.
Encore une fois, je tiens à vous remercier infiniment de m'avoir donné l'occasion de m'adresser à vous aujourd'hui.
La vice-présidente : Merci, monsieur Ramsay. Vous devez être fier de ce que vous avez réalisé en ce qui concerne votre accord.
[Français]
Je vais demander à Mme Presseault de faire sa présentation. Toutefois, étant donné que votre texte est un peu plus long, je vous demanderais, si possible, de laisser du temps pour que les honorables sénateurs puissent poser des questions et de vous en tenir à quatre ou cinq minutes.
Carole Presseault, vice-présidente, Affaires gouvernementales et réglementaires, Association des comptables généraux accrédités du Canada : Madame la vice-présidente, je vous assure que mon texte est plus long que ce que j'ai l'intention de vous présenter. J'ai toutefois quelques messages que j'aimerais transmettre.
Je vous remercie beaucoup de cette occasion de vous faire ma présentation. Il me fait plaisir de me retrouver autour de cette table pour discuter d'un dossier qui tient à cœur nos membres, les 75 000 CGA et étudiants au Canada et dans plus de 90 pays.
Nos membres, en tant que conseillers de confiance d'entreprises de toutes tailles, savent que les effets des obstacles au commerce intérieur et à la mobilité peuvent nuire à la croissance des entreprises. Comme le ministre l'a indiqué, l'accord date de 1995. Il avait comme objectif la réduction et, dans la mesure du possible, l'élimination de ces obstacles. Toutefois, au fil des ans, certaines faiblesses de l'accord sont devenues évidentes. CGA-Canada a eu l'occasion d'acquérir une perspective plutôt unique de ces faiblesses, puisque nous avons participé à trois différents arbitrés selon les règles de l'ACI, et j'aimerais partager cette perspective avec vous aujourd'hui.
[Traduction]
Nous sommes ravis d'appuyer les modifications proposées. Comme le ministre l'a mentionné, les modifications proposées qui se trouvent à la section 14 sont essentielles pour permettre au gouvernement fédéral de respecter ses obligations conformément à l'Accord sur le commerce intérieur. Avant ces modifications, qui ont été approuvées par le Comité sur le commerce intérieur, peu d'incitatifs poussaient les gouvernements à se conformer aux décisions des groupes spéciaux; et c'est la raison pour laquelle nous y sommes favorables. Comme le ministre l'a expliqué, en juin dernier, le Comité sur le commerce intérieur a décidé d'élargir les sanctions pécuniaires et les dispositions exécutoires de manière qu'elles s'appliquent aussi aux procédures de règlement des différends entre une personne et un gouvernement. Ce sont là des mesures que CGA-Canada et plusieurs associations représentant les intérêts de divers secteurs et professions réclament depuis un certain nombre d'années. Après tout, ce sont les particuliers, les entreprises et les organisations du secteur privé qui se heurtent aux obstacles au commerce interprovincial et à la mobilité de la main-d'œuvre. Je reparlerai de ce thème un peu plus tard.
Nous félicitons le Comité sur le commerce intérieur d'en avoir pris conscience et d'avoir approuvé ces modifications, et nous désirons particulièrement souligner le leadership dont a fait preuve le ministre Ramsay, qui a assuré la présidence du Comité sur le commerce intérieur au cours de la dernière année.
J'aimerais soulever ce matin deux points à propos de ces modifications. En premier lieu, il semble que, malgré ces modifications, les particuliers n'auront pas accès aux sommes découlant des sanctions pécuniaires imposées aux gouvernements. Ces sommes seraient plutôt versées dans un fonds de développement du commerce intérieur. Nous avons été un peu surpris par cette mesure, et ne sommes pas les seuls. En effet, il n'en avait pas été question dans le cadre de discussions publiques et il n'en est pas question non plus dans le projet de loi. Cela dit, nous croyons comprendre que cela fait partie des modifications. On nous dit que ces renseignements ne seront disponibles qu'au moment de la publication du Quatorzième protocole de modification approuvé en juin, laquelle n'aura lieu que lorsque le protocole aura été ratifié par tous les signataires de l'ACI, ce qui pourrait prendre plus de 18 mois. Bien que nous sachions que ce fonds a été créé pour promouvoir les objectifs liés au commerce intérieur, et nous sommes d'accord avec cela, nous ne savons pas pourquoi les particuliers ne seront pas compensés pour les dommages subis en raison des obstacles au commerce.
Deuxièmement, j'aimerais parler du processus qui a mené aux modifications. Comme je l'ai mentionné plus tôt, les entreprises et les organisations comme la nôtre et celles de nos membres et d'autres se heurtent à des obstacles, mais elles ne sont pas consultées concernant les modifications. Ce point témoigne du manque de transparence et de participation des parties prenantes dans l'élaboration et la réforme de la Loi de mise en œuvre de l'ACI.
Au fil des ans, nous nous sommes penchés sur le processus de gouvernance de l'ACI et en sommes venus à la conclusion que ce processus doit prévoir une plus grande participation des parties prenantes. Il est essentiel, pour assurer la légitimité du processus et gagner la confiance du public, de faire plus de place aux parties prenantes et d'accroître la transparence de l'ensemble du processus.
En terminant, j'aimerais parler brièvement de la possibilité qu'aura le gouvernement fédéral, à titre de président du Comité du commerce intérieur. En juin dernier, les ministres ont convenu d'étudier les paramètres d'un nouveau chapitre potentiel concernant les obstacles techniques au commerce. En se penchant sur cette question, le gouvernement pourrait aider grandement les entreprises et faire avancer considérablement deux dossiers clés, soit celui du commerce international et celui de la réduction des formalités réglementaires.
Dans le dossier des formalités, le gouvernement a fait de réels progrès. Toutefois, comme nous le rappellent régulièrement nos membres et leurs clients, ce n'est pas uniquement le nombre de règlements à respecter qui pose problème, mais aussi le double emploi et les chevauchements entre les réglementations des divers ordres de gouvernement. Il faut adopter une approche fédérale-provinciale harmonisée en matière de réglementation, et l'ajout à l'ACI d'un chapitre sur les obstacles techniques pourrait bien être l'outil idéal pour y arriver.
[Français]
Enfin, nous avons d'autres idées sur la façon de simplifier le mécanisme de règlement de différends pour le rendre plus accessible aux citoyens et plus rapide. Nous nous ferons un plaisir de discuter de ces idées avec vous.
Je vous remercie de nous avoir accordé ce bref temps aujourd'hui. Je suis toute disposée à répondre à vos questions.
La vice-présidente : Merci. Je demande à M. Blomeley d'aller directement au but afin que nous ayons au moins 30 minutes pour la période des questions.
[Traduction]
Joe Blomeley, analyste de la politique, Conseil canadien des chefs d'entreprise : Merci de m'avoir invité à discuter de la Section 14 de la Partie 4 du projet de loi C-45.
Je m'appelle Joe Blomeley et je suis analyste au Conseil canadien des chefs d'entreprise où je me penche surtout sur les questions économiques nationales. Le conseil est un organisme non partisan et sans but lucratif formé des PDG de 150 entreprises canadiennes d'importance.
Le Conseil canadien des chefs d'entreprise estime que la libre circulation des biens, des services, des personnes et des investissements au Canada est essentielle à la compétitivité de notre économie et à la prospérité future de tous les Canadiens. Le Canada estime être l'une des économies les plus ouvertes au monde, mais les entreprises et les particuliers canadiens continuent de se heurter à des obstacles internes qui coûtent à l'économie canadienne près de 14 milliards de dollars par année. Des organes internationaux d'influence comme l'OCDE et le FMI, ainsi que le rapport important du Groupe d'étude sur les politiques en matière de concurrence, ont plusieurs fois cité nos obstacles au commerce interprovincial comme un facteur important pour expliquer les piètres résultats du Canada en matière de productivité. En outre, la perception, légitime ou non, que le Canada est en proie à des obstacles affecte la vision que les investisseurs étrangers ont de notre pays.
Le moment est donc bien choisi pour discuter de l'Accord sur le commerce intérieur du Canada et de la façon de renforcer l'union économique nationale. En particulier, je vous sais gré de me donner l'occasion de discuter des procédures de règlement des différends. Des procédures réellement efficaces sont primordiales pour atteindre les objectifs de l'ACI.
À cette fin, le conseil tient à féliciter le Comité sur le commerce intérieur pour les modifications qu'il a récemment apportées aux procédures de règlement des différends, notamment celles qui s'attachent à améliorer les procédures de règlement des différends entre une personne et un gouvernement. En ouvrant davantage le processus aux particuliers, aux entreprises privées et aux associations, le Comité sur le commerce intérieur a pris une mesure importante pour favoriser une économie de libre marché au Canada.
Le conseil était au nombre de ceux qui se sont réjouis du renforcement considérable de l'accord en 2009, en particulier de l'application de sanctions monétaires, de la suspension des privilèges relatifs aux règlements des différends vis-à-vis des parties qui ne seraient pas en conformité, et d'autres modifications aux procédures d'appel. Ces mécanismes d'application semblent modifier considérablement la tendance trop fréquente qu'ont les gouvernements de ne pas se conformer. Nous espérons que le Comité du commerce intérieur continuera de surveiller l'efficacité de ces modifications et de tabler sur leur succès. Plus les procédures de règlement des différends seront fortes, plus elles dissuaderont les provinces de maintenir ou d'adopter des politiques discriminatoires.
Enfin, le conseil recommande vivement aux gouvernements, en particulier le gouvernement fédéral qui présidera la prochaine réunion du Comité sur le commerce intérieur, de donner suite à d'autres questions pressantes, dont l'enregistrement des sociétés, les écarts relatifs aux permis d'affaires, les obstacles techniques au commerce et la mobilité de la main-d'œuvre. La mobilité de la main-d'œuvre est une question particulièrement pressante. Au cours de la dernière année, nos membres n'ont cessé de réitérer le besoin pour le conseil de se pencher sur l'atténuation des pénuries de main-d'œuvre et les écarts entre l'offre et la demande de main-d'œuvre. Sans travailleurs qualifiés pour faire le travail, bien des possibilités de développement économique prometteuses pourraient être retardées ou carrément perdues. Le vieillissement de notre population signifie que pareilles pénuries risquent de s'aggraver et de devenir plus fréquentes au fil des ans, ce qui fait qu'il est de plus en plus important pour le Canada d'encourager la libre circulation des personnes au pays.
Bien que le Comité sur le commerce intérieur ait réalisé des progrès appréciables, notamment grâce au travail du Groupe coordonnateur de la mobilité de la main-d'œuvre auprès des associations, le chapitre de la main-d'œuvre reste lacunaire puisque les provinces peuvent toujours exiger unilatéralement de certains professionnels qu'ils reçoivent de la formation supplémentaire si elles jugent que la profession est « exceptionnelle ». De même, il reste des différences importantes s'agissant des normes professionnelles et des exigences relatives à la certification. Le comité doit s'efforcer de rassembler toutes les professions pour faciliter la pleine mobilité de la main-d'œuvre, renforcer l'union économique, et rehausser la compétitivité et la productivité du Canada.
En terminant, permettez-moi de vous remercier encore une fois de nous avoir permis de discuter des modifications apportées récemment à l'ACI. Nous nous ferons un plaisir de répondre à vos questions.
[Français]
La vice-présidente : J'aurais une question de précision.
[Traduction]
Dans les deux cas, votre organisme et Mme Presseault... je vois que vous aimeriez participer au processus pour faire avancer le dossier? Je crois que vous n'y avez pas du tout participé. Ai-je raison?
Mme Presseault : Je pense que vous avez raison. Nous avons eu des possibilités. Nous avons peu d'occasions de discuter avec les membres du Comité sur le commerce intérieur, et cela est conforme à son mécanisme traditionnel de réforme. Nous n'avons pas peur d'exprimer nos points de vue et nous avons participé activement à la révision des dispositions sur la mobilité de la main-d'œuvre dont parlent mes collègues. Nous avons fait connaître nos préoccupations. Nous avons publié beaucoup d'informations concernant notre expérience de l'Accord sur le commerce intérieur. En fait, nous avons mené une coalition d'organismes dont font partie les membres du Conseil canadien des chefs d'entreprise et nous faisons des déclarations, mais nous n'échangeons pas suffisamment avec les membres du Comité sur le commerce intérieur. Comme je l'ai expliqué, la création de ce fonds nous a pris par surprise. Il n'en est pas question dans le projet de loi; elle est mentionnée dans un document d'information que nous avons obtenu, sinon, nous ne l'aurions pas su.
Nous revenons à la discussion sur la gouvernance. Ce sont les membres de notre organisme et d'autres organisations et entreprises canadiennes qui sont touchés par les obstacles. Ils devraient participer à la discussion.
La vice-présidente : Je demanderais au ministre Ramsay de se prononcer sur la participation future des divers organismes à l'évolution de ces accords.
M. Ramsay : La participation est certainement une question importante. J'estime que plus nous pouvons inclure des représentants comme ceux qui ont témoigné au Comité du commerce intérieur aujourd'hui, plus nous prendrons des décisions éclairées. Les réunions ministérielles fédérale-provinciales-territoriales n'ont lieu qu'une fois par année. Si les ministres n'ont l'occasion de se réunir qu'une fois par année habituellement, il est peu probable que nous réussirons à rassembler ces gens. Lorsque ces occasions se présentent, la participation est cruciale. Si l'on estime qu'une meilleure participation s'impose, on pourra certainement en discuter à la prochaine réunion fédérale-provinciale-territoriale sur le commerce intérieur.
La vice-présidente : Avant votre rencontre, on pourrait rendre publiques les modifications proposées pour à tout le moins sonder l'opinion publique avant que vous passiez à l'étape suivante. Ce n'est qu'une suggestion. Notre comité est toujours là pour aider le pays à progresser sur le plan économique. J'imagine que toutes les industries au Canada et les personnes concernées l'apprécieront. Même si vous ne vous rencontrez qu'une fois par année, je suppose que des employés qui travaillent pour vous pourraient communiquer avec les différents groupes. C'est un petit pas en avant, et je sais qu'il reste encore beaucoup à faire.
Le sénateur Massicotte : Je vous remercie d'être parmi nous aujourd'hui. Depuis maintenant plusieurs décennies, tout le monde convient que le commerce intérieur est extrêmement important et qu'il faut absolument l'améliorer. Il pourrait même rehausser la qualité de vie des Canadiens bien plus que ne le font les nombreux accords commerciaux que nous avons signés avec d'autres pays. On parle de grosses sommes d'argent. Toutes les provinces sont sur la même longueur d'onde jusqu'à ce qu'il y ait une question délicate sur le plan politique pour une province. Nous nous trouvons tout à coup des excuses pour expliquer pourquoi cette théorie n'est pas valable dans notre province.
Comme M. Ramsay est le politicien qui représente les autres provinces, je vais lui demander de répondre à mes questions. Ce projet de loi va-t-il enfin nous empêcher de nous replier sur nous-mêmes et nous permettre de conclure des accords de libre-échange entre provinces? Est-ce un mécanisme de contrôle adéquat?
M. Ramsay : Absolument. Nous voyons le processus de règlement de gouvernement à gouvernement et les sanctions pécuniaires comme étant la voie à suivre pour régler le problème. Nous croyons assurément que ce sera un pas dans la bonne direction.
Le sénateur Massicotte : Monsieur Blomeley, êtes-vous du même avis?
M. Blomeley : Depuis que les modifications ont été apportées en 2009, selon le Secrétariat de l'ACI, chaque fois qu'un groupe d'experts a été saisi d'un litige, le gouvernement fautif a décidé de changer de cap, ce qui n'était pas le cas avant 2009. Ma collègue, Mme Presseault, a peut-être quelque chose à ajouter à ce sujet, étant donné que son organisation a participé au processus de règlement des différends.
Mme Presseault : Vous voulez savoir si le processus est adéquat. La réponse courte est oui. Nous disposons d'un mécanisme pour faire appliquer la loi, mais il n'existait pas avant que ces changements soient apportés.
En fait, ces changements étaient nécessaires pour permettre au Parlement d'adopter la Section 14. Le gouvernement fédéral ne peut pas contester le mécanisme de règlement des différends à l'heure actuelle et ne le fera pas jusqu'à ce qu'il adopte le projet de loi. Cela dépasse son mandat, pour ainsi dire.
Les gouvernements du Manitoba, de la Colombie-Britannique, de l'Alberta et de la Saskatchewan sont intervenus en notre nom dans un différend nous opposant au gouvernement de l'Ontario et l'affaire a été réglée très rapidement. J'ai une copie du rapport du groupe d'experts. Il nous éclaire sur l'orientation à prendre pour mettre en œuvre les dispositions du chapitre 7 portant sur la mobilité de la main-d'œuvre. Le rapport est très clair. J'ai lu tous les rapports du groupe d'experts depuis que le chapitre 7 a été mis en œuvre. Comme M. Blomeley l'a dit, c'est clair et les gouvernements sont maintenant engagés.
Les obstacles seront-ils éliminés? Il y a un incitatif puissant pour les abolir.
La vice-présidente : Le rapport est-il disponible?
Mme Presseault : Absolument. Il est affiché en ligne.
La vice-présidente : Pourriez-vous en remettre un exemplaire à notre greffière, qui pourra ensuite distribuer des copies aux membres?
Mme Presseault : Oui.
[Français]
Le sénateur Massicotte : Madame Presseault, la question est-elle celle de la mobilité de vos comptables pour aller travailler dans d'autres provinces, sans autres conditions ou obstacles?
Mme Presseault : L'enjeu était que, sous le chapitre 7 sur la mobilité de la main-d'œuvre, un gouvernement avait la possibilité d'émettre un avis d'exemption — je vais le dire en anglais...
[Traduction]
... qui atteignait un objectif légitime en matière de protection publique, de santé ou de sécurité des consommateurs. Aux termes des dispositions du nouveau chapitre 7, les gouvernements pouvaient émettre un avis d'exception.
En raison de cet avis d'exception, nos membres n'ont pas respecté les exigences en Ontario. Comme l'ont fait les gouvernements des provinces de l'Ouest, nous avons soutenu que cela allait à l'encontre des principes prévus au chapitre 7. Je dirai brièvement que le principe veut que si vous avez été certifié par un organisme de réglementation dans une province, vous devriez être reconnus en tant que tel dans une autre province, sans documents, exigences, évaluations ou examens additionnels.
Au bout du compte, le groupe d'experts a fait valoir que le gouvernement de l'Ontario n'avait pas prouvé que l'avis d'exception était valide. C'est un peu fort, car l'avis d'exception peut être un outil efficace s'il est utilisé pour les bonnes raisons, mais pourrait également être un obstacle déguisé au commerce. Dans ce cas-ci, le groupe d'experts a jugé qu'il constituait un obstacle au commerce.
Le sénateur Massicotte : De nombreuses provinces ont utilisé la même approche avec d'autres professions, et c'est un gros problème.
Mme Presseault : Le comité comprendra probablement. Il y a une exception raisonnable pour la profession juridique, car les traditions de droit civil et de common law ne sont pas les mêmes. Ce serait là une exception valable. Il y en a d'autres qui ne le seraient peut-être pas cependant.
Nous savions que divers gouvernements provinciaux examinaient des exceptions, mais ils attendaient l'issue de notre affaire pour pouvoir comprendre les répercussions du chapitre révisé portant sur la mobilité de la main-d'œuvre. Comme il est nouveau, le chapitre doit être mis à l'épreuve, et nous l'avons bien testé récemment.
Le sénateur Harb : Monsieur Ramsay, savez-vous si toutes les provinces et tous les territoires sont conformes aux normes de l'Organisation mondiale du commerce?
M. Ramsay : Oui, bien entendu.
Le sénateur Harb : Le sont-ils?
M. Ramsay : Oui.
Le sénateur Harb : Ma deuxième question concerne...
M. Ramsay : Je saurais gré au sénateur de répéter la question.
Le sénateur Harb : Les gouvernements provinciaux et territoriaux respectent-ils les normes de l'Organisation mondiale du commerce? Sont-ils conformes aux normes?
M. Ramsay : Je ne peux pas répondre à cette question pour l'ensemble des provinces et des territoires. Il m'est difficile de répondre à cette question.
Le sénateur Harb : C'est assez important cependant, car on veut que tout le monde soit sur un pied d'égalité, comme on dit — c'est-à-dire que tout le monde suive les mêmes règles. On peut dire que c'est probablement la règle la plus facile à respecter car le Canada s'y conforme en tant que nation.
M. Ramsay : C'est l'objectif, monsieur le sénateur. Nous respectons les normes, du moins c'est ce que je pense, mais je ne voudrais pas répondre au nom des autres provinces ou territoires.
Je suis d'accord avec vous cependant.
Le sénateur Harb : Dans tous les accords commerciaux, il y a toujours deux principes. Il y a le principe de précaution et le principe d'exclusion. Conformément au principe de précaution, les gouvernements peuvent prendre des mesures car ils ne veulent pas que la santé et la sécurité de leur population soient affectées, si bien qu'ils établissent des mesures. Conformément au principe d'exclusion, les gouvernements fixent des restrictions au commerce parce qu'ils veulent protéger certains produits dans leur province, leur territoire ou leur nation.
Je veux mentionner ceci plus précisément. J'imagine que vous avez eu des discussions avec vos collègues des provinces au sujet des normes du travail, par exemple, car vous serez confrontés à des problèmes si vos normes ne sont pas les mêmes : les normes en matière de santé et de sécurité, les normes environnementales et les normes relatives à la mobilité des techniciens — un ingénieur ou un comptable, par exemple, qui pourraient se déplacer d'une province à l'autre sans se heurter à aucun obstacle. Avons-nous tenu des discussions à ce sujet ou avons-nous convenu de quelque chose? Pouvez-vous nous expliquer ce qui se passe?
M. Ramsay : Puisque notre territoire est peu peuplé — 43 000 habitants —, il est dans notre intérêt de permettre une libre circulation de la main-d'œuvre et des marchandises. C'est certainement quelque chose que nous souhaitons instaurer. Nous n'aimons pas voir des obstacles être érigés. Je vous remercie de votre question.
Le sénateur Moore : Monsieur Ramsay, avez-vous entendu ce que Mme Presseault a dit au sujet du Fonds de développement du commerce intérieur? Portiez-vous attention lorsque nous en avons parlé?
M. Ramsay : Oui.
Le sénateur Moore : Elle a indiqué que les gens n'auraient pas accès aux sanctions infligées aux gouvernements, mais que ces fonds seraient plutôt déposés dans ce qu'on appelle le Fonds de développement du commerce intérieur. Pourquoi ne rembourserait-on pas le montant de la sanction à celui qui a été lésé par un obstacle? Que fera-t-on de l'argent que contient le fonds, tel qu'il est proposé actuellement?
M. Ramsay : Je vais demander à mon sous-ministre de répondre à cette question. Il est ici avec moi.
Le sénateur Moore : Allez-y, je vous prie.
Peter Vician, sous-ministre, ministère de l'Industrie, du Tourisme et de l'Investissement, gouvernement des Territoires du Nord-Ouest : Merci. Je ne sais pas si vous pouvez voir à l'écran ce que je vous montre. C'est l'objectif du fonds, qui consiste à se diriger vers la répartition de cet argent pour assumer les coûts associés aux actions qui sont intentées. C'est ce que nous cherchons à faire.
Ces questions n'ont pas encore été réglées au comité; les discussions se poursuivent. Toutefois, le but consistait à mettre sur pied le fonds et à pouvoir payer ces coûts.
Le sénateur Moore : Le fonds servira à payer les coûts engagés par une partie? De qui parle-t-on? Si c'est un particulier, vous dites que l'argent serait utilisé pour payer les frais d'un gouvernement dans une action intentée par un particulier?
M. Vician : Oui.
Le sénateur Moore : Qu'en est-il du particulier?
M. Vician : On explore actuellement la possibilité de recouvrer l'argent dépensé grâce à ce fonds. La question n'a toutefois pas été entièrement réglée entre les provinces et les territoires. Ces discussions se poursuivent.
Le sénateur Moore : Le particulier pourrait subséquemment réclamer une compensation pour les coûts qu'il a dû assumer, n'est-ce pas?
M. Vician : Oui, pour les coûts associés à l'action intentée. Je répète que les discussions sont actuellement en cours, monsieur le sénateur.
Le sénateur Moore : Prévoit-on rembourser la totalité ou une partie des frais judiciaires?
M. Vician : Je présume que ce serait une partie des frais.
Le sénateur Moore : Je vois. Pensez-vous que ces discussions ou ces négociations feront en sorte qu'une personne pourra recevoir un remboursement complet un jour? Si on rembourse la partie lésée, pourquoi ne pourrait-elle pas recevoir une pleine compensation comme un gouvernement partie à une action? Je ne comprends pas.
M. Vician : En principe, sénateur, c'est l'intention. Ce processus n'a pas encore été réglé entre les provinces et les territoires. Les dispositions relatives aux sanctions qui, espérons-le, ne seront jamais appliquées, prévoient que si des coûts ont été engagés à cause d'une action et d'une décision rendue par le groupe d'experts, des sanctions seront infligées. Ces sanctions serviront au recouvrement des coûts. Ce qui me pose problème aujourd'hui, c'est que je ne peux pas vous dire catégoriquement que ce point a été réglé. L'objectif consiste à établir la structure des peines et le fonds.
Le sénateur Moore : Les deux parties, dont celle reconnue coupable de négligence, pourraient-elles demander d'avoir accès à ces fonds, ou est-ce seulement la partie qui a obtenu gain de cause qui peut en faire la demande?
M. Vician : Cela n'a pas encore été déterminé, sénateur. Il faudra en discuter.
Le sénateur Moore : En théorie, un gouvernement qui perd sa cause pourrait demander une compensation, même s'il a agi de façon répréhensible.
M. Vician : L'article 17 prévoit un mécanisme de règlement des différends de gouvernement à gouvernement et l'application de sanctions pécuniaires. En principe, c'est le même scénario pour les différends entre un particulier et un gouvernement. Les parties auraient accès au fonds. On n'a pas encore réglé la façon dont ces fonds seront remboursés.
Le sénateur Moore : L'idée, c'est que les deux parties, le gagnant et le perdant, puissent avoir accès à ces fonds.
M. Vician : Oui. Il faudra en discuter.
Le sénateur Moore : Je ne comprends pas.
La vice-présidente : Nous nous sommes aperçus qu'il reste du travail à faire. Le processus n'est pas terminé.
Vous avez parlé des représentants des consulats canadiens et de la productivité. Pourriez-vous nous donner un exemple concret? Je vais vous expliquer ce que je sais au sujet des obstacles.
Quand nous avons parlé des obstacles au Canada, la bière était autrefois le produit qu'on ne pouvait pas transporter d'une province à l'autre. Les touristes se demandaient pourquoi il en était ainsi. Cette règle a-t-elle changé depuis? Pouvez-vous dire sans vous tromper que le consommateur paiera moins cher?
Je veux montrer quelle serait l'incidence d'éliminer les obstacles au quotidien. Cela se rapporte à ce que nous consommons ou aux projets qui doivent être menés. J'imagine que nous réfléchirons beaucoup aux raisons pour lesquelles les gens peuvent venir ici pour travailler, et cetera. J'aimerais que vous nous donniez plus de détails à ce sujet.
M. Blomeley : Je pense à deux exemples, dont le besoin de main-d'œuvre. Nous avons des entreprises qui font face à des pénuries de main-d'œuvre dans leurs provinces et qui sont à la recherche de travailleurs partout au pays. Si elles n'arrivent pas à en trouver rapidement, les coûts pourraient augmenter à cause des retards importants, et ces coûts pourraient être refilés aux consommateurs.
L'autre exemple qui me vient à l'esprit, ce sont les économies d'échelle, notamment pour les pratiques d'enregistrement des entreprises et les écarts. Si une entreprise pancanadienne doit s'enregistrer dans différentes provinces, cela fait augmenter les coûts et réduit les possibilités de créer des économies d'échelle. Nos entreprises sont de plus grande taille et peuvent surmonter certains de ces obstacles plus facilement que les petites et moyennes entreprises. Les PME qui veulent prendre de l'expansion se sentiraient bloquées par certains des obstacles en place.
Si le mécanisme de règlement des différends renferme les dispositions musclées dont il a besoin grâce à ces modifications, cela contribuera peut-être à régler certains de ces problèmes.
La vice-présidente : Monsieur Ramsay, j'ai travaillé à régler les problèmes de main-d'œuvre dans ma province il y a de cela plusieurs années. À l'époque, nous avions l'impression que le Programme des normes interprovinciales Sceau rouge réglait bon nombre de ces problèmes. Qu'est-il advenu de ce programme? Concluons-nous entente après entente mais maintenons tous ces obstacles? Est-il plus facile pour un menuisier ou d'autres gens de métier accrédités de travailler dans n'importe quelle province s'il n'y a pas d'obstacles? J'ai entendu dire que dans certaines régions de l'Alberta, on a fait venir des Chinois. Conformément à quelles règles des étrangers peuvent-ils travailler dans des chantiers de construction alors que nos propres travailleurs ne peuvent pas déménager là-bas? J'aimerais obtenir des précisions à ce sujet. Ces changements contribueront-ils à abolir ces obstacles? Le Programme Sceau rouge a-t-il un certain poids?
M. Ramsay : Le but, c'est certainement de contribuer à régler le problème. Dans les Territoires du Nord-Ouest, c'est le ministre de l'Éducation, de la Culture et de l'Emploi qui s'occupe des dossiers relatifs au travail. Je suis responsable du développement économique.
En ce qui concerne l'exploitation des ressources dans les Territoires du Nord-Ouest, nous accueillons 3 000 travailleurs migrants qui viennent d'autres régions du Canada. La pénurie de main-d'œuvre nous pose problème tandis que nous continuons d'exploiter nos ressources pétrolières et gazières. Nous avons donc besoin de travailleurs migrants qui viennent travailler dans les Territoires du Nord-Ouest. C'est un problème dont nous sommes bien conscients. Comme notre petit territoire est doté d'un potentiel élevé en matière de ressources, c'est important pour nous. Il revient aux autres provinces ou territoires de choisir s'ils partagent notre avis. Ils adoptent certainement une approche différente.
La vice-présidente : Dois-je comprendre que vous avez accueilli des travailleurs étrangers ou juste des gens des autres provinces ou territoires?
M. Ramsay : Comme les autres provinces et territoires, nous faisons venir un petit nombre d'étrangers. Nous n'en accueillons probablement pas autant que dans les provinces plus importantes. Comme je l'ai mentionné, 3 000 travailleurs migrants sont venus de partout au pays pour travailler dans les Territoires du Nord-Ouest dans nos mines de diamants et notre industrie pétrolière et gazière en plein essor. Nous faisons l'exploitation du pétrole dans les Territoires du Nord-Ouest depuis les années 1920, mais nous allons de l'avant avec un projet d'envergure dans la région centrale de la vallée du Mackenzie. Nous comptons un grand nombre de travailleurs migrants dans les Territoires du Nord-Ouest sur lesquels nous dépendons pour stimuler la croissance de notre économie.
Le sénateur Moore : J'ai une question concernant l'accès au fonds. Tout le monde se dit être ravi de cette modification législative parce qu'elle donnera du poids à l'accord en ajoutant des sanctions pécuniaires. Je ne vois pas comment la partie reconnue coupable, par exemple une province, peut payer une sanction et récupérer l'argent par après. Je remets en question l'effet dissuasif. C'est insensé à mes yeux. Je ne pense pas que la partie qui se traînait les pieds ou qui ne respectait pas l'accord devrait pouvoir récupérer l'argent qu'elle a dû payer. C'est illogique.
La vice-présidente : Avez-vous quelque chose à dire à ce sujet, monsieur Ramsay? Avons-nous raison de penser que le plaignant et la partie reconnue coupable partagent la sanction?
M. Ramsay : Je vous remercie de cette observation. Je vais consulter mes collègues et je m'engage à vous fournir une réponse à cette question importante.
La vice-présidente : Monsieur Dillon, aimeriez-vous intervenir?
John Dillon, vice-président, politique, et avocat-conseil, Conseil canadien des chefs d'entreprise : Oui. Je voudrais apporter une perspective différente.
Comme mon collègue l'a mentionné, dans la plupart des affaires qui ont été soumises au processus de règlement des différends, le gouvernement n'a pas été obligé de payer une amende, mais la pratique ou la politique discriminatoires ont été éliminées. C'est ce que nous cherchons tous à faire ici.
Je ne pense pas que beaucoup de gouvernements provinciaux ou territoriaux voudraient devoir dire que nous maintiendrons une pratique et paierons l'amende. Nous espérons que dans le cadre de ce processus, les gouvernements examineront la possibilité de verser une plus grande part de ces fonds aux instigateurs de l'affaire. Toutefois, dans la majorité de ces causes, tout ce que ces entreprises ou ces personnes voulaient, c'était de mettre fin à la pratique discriminatoire.
[Français]
La vice-présidente : Vous aviez un commentaire?
Mme Presseault : Je voudrais donner un petit point de vue historique.
[Traduction]
Dans une contestation menée dans le cadre des procédures antérieures de règlement entre une personne et un gouvernement, nous avons obtenu gain de cause et le remboursement des frais. On nous a remboursé 30 000 $. Nous savons tous que les coûts se sont élevés à plus de 30 000 $.
Par ailleurs, je sais maintenant que les objectifs du fonds font toujours l'objet de discussion. Nous l'ignorions; cela nous a surpris. Nous savons qu'il avait pour but d'éviter que des plaintes vexatoires ou non fondées soient déposées. Lorsque la plainte atteint cette instance, c'est qu'elle vaut la peine d'être entendue. Je pense qu'un processus de sélection est en place pour s'assurer du bien-fondé des plaintes avant d'en saisir le groupe d'experts.
Je conviens qu'il est nécessaire d'avoir en place un excellent accord qui contient des dispositions musclées pour veiller à l'élimination de ces obstacles.
La vice-présidente : Monsieur Ramsay, je n'ai plus de questions. Je tiens à vous remercier d'avoir pris le temps de nous rencontrer. Il est incroyable que vous soyez si loin, mais en même temps, si proche d'Ottawa. Nous vous sommes reconnaissants des précisions que vous avez apportées. Nous savons que vous avez du travail à faire, alors nous vous souhaitons de faire du mieux que vous pouvez dans l'intérêt des Canadiens.
[Français]
Je voudrais remercier Mme Presseault de sa présentation et de sa volonté de continuer et de participer directement à l'évolution de ce processus. Monsieur Blomeley, monsieur Dillon, merci beaucoup.
(La séance est levée.)