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BANC - Comité permanent

Banques, commerce et économie

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Banques et du commerce

Fascicule 29 - Témoignages du 7 février 2013


OTTAWA, le jeudi 7 février 2013

Le Comité sénatorial permanent des banques et du commerce se réunit aujourd'hui, à 10 h 33, pour étudier le projet de loi C-28, Loi modifiant la Loi sur l'Agence de la consommation en matière financière du Canada.

La sénatrice Céline Hervieux-Payette (vice-présidente) occupe le fauteuil.

[Français]

La vice-présidente : Bonjour et bienvenue à cette réunion du Comité sénatorial permanent des banques et du commerce. Le comité aujourd'hui tient sa deuxième réunion sur l'étude du projet de loi C-28, Loi sur le chef du développement de la littératie financière.

En décembre 2010, après avoir examiné la question pendant 18 mois, le Groupe de travail sur la littératie financière a publié son rapport. La première de ses recommandations portait sur la création d'un poste de responsable de la littératie financière, et je lis le mandat :

Le groupe de travail recommande que le gouvernement du Canada nomme une personne, qui relèverait directement du ministre des Finances, pour occuper le poste de Responsable national. Le Responsable de la littératie financière devrait avoir pour mandat de collaborer avec les partenaires afin de superviser la stratégie nationale, mettre en œuvre les recommandations et faire la promotion de la littératie financière au nom de tous les Canadiens.

Ce projet de loi mettra en œuvre cette première recommandation. Nous aurons aujourd'hui deux séances, d'une heure chacune. Nous accueillerons à chacune de ces séances un groupe de témoins. Chaque témoin ou organisation disposera de cinq minutes, plus ou moins, pour faire une déclaration liminaire, après quoi nous aurons une courte période de questions.

Notre premier groupe de témoins est composé des personnes éminentes suivantes, que nous sommes heureux d'accueillir : M. Donald Stewart, ex-président du Groupe de travail sur la littératie financière. Bienvenue, monsieur Stewart. M. Stewart est l'ancien chef de la direction de la Financière Sun Life.

Comparaît également Mme Laurie Campbell, directrice exécutive de la Credit Canada Debt Solutions. Mme Campbell a été membre du Groupe de travail sur la littératie financière. Credit Canada Debt Solutions offre des services conseils en matière de crédit.

Le dernier témoin de ce panel, et non le moindre, est M. Douglas Melville, ombudsman et chef de la direction de l'Ombudsman des services bancaires et d'investissement, qui dirige une équipe chargée de faire enquête sur les plaintes des consommateurs à l'égard du secteur bancaire canadien et surtout de les régler.

Donald Stewart, ex-président, Groupe de travail sur la littératie financière, à titre personnel : Merci pour l'invitation et bonjour à tous.

[Traduction]

e vous entretiendrai brièvement au sujet des recommandations du Groupe de travail sur la littéracie financière dans le contexte de vos audiences de ce matin. Sachez que le groupe de travail a publié il y a environ deux ans un rapport intitulé Les Canadiens et leur argent. Le rapport contient une trentaine de recommandations à l'appui d'une stratégie nationale sur la littéracie financière au Canada et se trouve à l'adresse www.financialliteracyincanada.com. Le rapport est le fruit d'un travail considérable effectué par les membres du groupe et de mémoire remis au groupe par un certain nombre de témoins ici présents.

J'aborderai brièvement les trois grands thèmes couverts par le rapport : le leadership, un site web centralisé et l'éducation.

Le groupe de travail croit qu'un responsable national jouera un rôle central dans la coordination des diverses ressources de littéracie financière qu'utilisent les nombreux intervenants partout au Canada. En fait, la littéracie financière nationale recoupe tous les segments de la société : les consommateurs, les parents, les enseignants, les jeunes, un grand nombre d'organismes de bienfaisance, les employeurs, les chercheurs et les décideurs politiques.

Nous croyons que, pour joindre ce public incroyablement diversifié, le gouvernement du Canada devrait continuer d'ériger, de concert avec les intervenants, un vaste site web centralisé contenant de l'information financière fiable pour les consommateurs. Je dis « continuer », parce que l'Agence de la consommation en matière financière du Canada s'en va déjà dans cette direction depuis un certain temps.

Passons au troisième sujet, l'éducation. Le groupe de travail a entendu de nombreux spécialistes de l'éducation et tous s'accordent sur plusieurs points. La littéracie financière englobe des connaissances essentielles qui s'acquièrent tout au long de la vie. Le système scolaire constitue le fondement de cet apprentissage continu.

Le marché du travail offre un bon moyen d'atteindre un public large et diversifié parce que, bien sûr, les gens sont souvent plus réceptifs à l'apprentissage dans un contexte de groupe, ou lorsqu'ils commencent un nouvel emploi ou qu'ils adhèrent à un programme d'épargne ou de retraite au travail.

Le groupe de travail s'est également penché sur le concept des moments propices à l'apprentissage, des moments clés de la vie des gens, comme le départ de la maison, le début des études collégiales, le premier emploi, l'achat d'une maison, l'arrivée du premier enfant et l'âge de la retraite. Puisque presque toutes ces transitions, pour ne pas dire l'ensemble, s'accompagnent de produits et de services financiers, le secteur financier joue un rôle important dans ce processus d'apprentissage.

Les programmes gouvernementaux sont présents partout au Canada et doivent occuper une place importante dans l'apprentissage continu. En fait, vous pourriez penser, comme l'a fait le groupe de travail, et bien qu'il s'agisse d'une perception différente du gouvernement, que le gouvernement est une grande institution financière. Le gouvernement est en communication directe avec les Canadiens, en particulier les Canadiens à faible revenu. Tous les gouvernements du pays peuvent aider le secteur bénévole à inculquer des connaissances financières à leurs clients et ils peuvent promouvoir la littéracie financière auprès de certains segments de la population.

Merci encore une fois du privilège d'avoir comparu devant vous. Je serai ravi de répondre à vos questions.

Laurie Campbell, directrice exécutive, Credit Canada Debt Solutions : Bonjour, honorables sénateurs et collègues témoins. Je vous remercie de me donner l'occasion de m'exprimer sur le projet de loi C-28. Je garderai également mes observations brèves.

En tant que membre du Groupe de travail sur la littéracie financière, je peux parler des recommandations formulées par le groupe de travail. Toutefois, j'aimerais parler plus précisément de l'aspect des recommandations qui touchent le projet de loi C-28. Je suis entièrement d'accord avec la nécessité d'un dirigeant financier travaillant sous l'égide de l'Agence de la consommation en matière financière du Canada.

Dans mes fonctions chez Credit Canada Debt Solutions, j'ai pu constater très clairement les graves conséquences d'un manque de connaissances financières. En 2012, notre organisme a aidé plus de 60 000 personnes, et les raisons de l'endettement sont très diverses. Cependant, il apparaît évident que le manque de compétences de base pour gérer ses finances et ses dettes arrive en tête de liste des problèmes auxquels font face ces personnes.

Souvent, les gens ne comprennent pas la pleine portée des intérêts composés sur leurs dettes, et ils ne savent pas comment préparer un simple budget ou épargner pour les imprévus. Les gens que nous rencontrons sont confrontés à une myriade de problèmes, ils sont parfois victimes d'arnaques et de pratiques douteuses comme celles qu'exercent les entreprises de règlement de dettes, auprès desquelles les gens versent des milliers de dollars sans jamais arriver à régler leurs dettes. C'est pourquoi notre organisme se réjouit de voir le gouvernement fédéral aller de l'avant et donner une place importante à la littératie financière.

J'espère que le chef du développement de la littératie financière sera capable de rassembler les nombreux organismes qui, partout au Canada, offrent divers services de littératie financière à leurs collectivités. Je sais que M. Donald Stewart a parlé à certains des témoins qui se sont présentés devant le groupe de travail. Nous sommes tous très impressionnés par la richesse des renseignements et des organisations qui existent pour offrir des services de littératie financière.

En revanche, on remarque un manque de cohérence et de coordination quant à ces efforts. C'est pourquoi nous espérons que, de concert avec un comité consultatif, le chef du développement de la littératie financière diffusera l'information existante sur la littératie financière, établira les besoins au pays à ce chapitre et veillera à ce que les personnes qui offrent des services de littératie financière reçoivent la formation dont ils ont besoin, le cas échéant. Il est impossible d'offrir à l'échelle du pays un programme uniformisé. Le chef du développement de la littératie financière devra veiller à ce qu'il existe des outils d'éducation financière taillés en fonction de la situation et de la période de vie de la personne qui reçoit les services. Nous pourrons y parvenir grâce à des efforts communs et en mettant sur pied un site web national présentant un éventail de renseignements sur les différents aspects de la littératie financière. Cependant, il est très important que la réussite de tout le processus soit évaluée. C'est ici que les compétences du chef du développement de la littératie financière deviendront très utiles et importantes, de façon à éviter le gaspillage de ressources et d'efforts.

On peut comprendre qu'il faudra un certain temps avant d'être en mesure d'évaluer l'impact; toutefois, les importants paramètres permettant d'en mesurer l'efficacité devraient être en place afin d'accomplir cette fonction importante. Il pourrait s'agir notamment de sondages, d'observations venant des organismes de littératie financière qui offrent des programmes de littératie financière à leurs clients, du gouvernement et des institutions financières et des données lorsque possible. Cela pourrait comprendre les données sur l'utilisation de certains véhicules d'épargne, entre autres.

Je me réjouis à l'idée de pouvoir collaborer dans l'avenir avec l'ACFC, le chef du développement de la littératie financière et les organismes de littératie financière, à mesure que nous progresserons vers une société mieux informée sur les questions financières.

Dans le cadre de ses efforts, Credit Canada Debt Solutions participe au Groupe d'action sur la littératie financière. D'autres témoins vous en parleront aujourd'hui; et d'autres ont peut-être parlé hier des travaux du GALF. Pour votre gouverne, j'ai joint à mon exposé un projet de plan d'action sur la littératie financière et le rôle que pourrait jouer le nouveau chef du développement de la littératie financière, qui ont été préparés par le Groupe d'action sur la littératie financière.

Merci beaucoup de m'avoir entendue aujourd'hui. Je suis prête à répondre à vos questions et vos commentaires.

Douglas Melville, ombudsman et chef de la direction, Ombudsman des services bancaires et d'investissement : Merci de votre aimable invitation à témoigner devant vous aujourd'hui au sujet du projet de loi C-28, Loi modifiant la Loi sur l'Agence de la consommation en matière financière du Canada.

Nous sommes encouragés par le projet de loi C-28 et le projet de création du poste de chef du développement de la littératie financière. Nous sommes d'autant plus enthousiastes que cette initiative ait été placée sous la direction d'une seule instance, l'ACFC. Confier cette initiative à une seule agence, dont le mandat est déjà de protéger les consommateurs et de les informer sur les produits et les services financiers, précisément comme l'ACFC, constitue une politique publique judicieuse et fournira un bon centre de référence pour les Canadiens à la recherche d'outils et de renseignements utiles sur les questions financières qui les intéressent.

Une personne dotée de bonnes connaissances en finances a plus de chances de prendre des décisions financières éclairées, sur un grand nombre de questions soulevées par M. Stewart, que ce soit pour la retraite, pour l'achat d'une propriété ou pour mettre de l'argent de côté pour l'éducation des enfants. Il s'agit des décisions importantes qui ont des répercussions non seulement sur ces personnes, mais aussi sur l'économie générale du pays. Pour véritablement améliorer l'éducation financière des citoyens dans l'intérêt de tous les Canadiens, et voir les résultats escomptés se réaliser, les mesures prises doivent s'inscrire dans un cadre national de protection des consommateurs; c'est pourquoi nous croyons qu'il est très logique que cela se fasse à l'ACFC. Il faut un centre de convergence regroupant l'ensemble des intérêts et des capacités des intervenants, comme Mme Campbell l'a mentionné, et chargé d'établir des objectifs clairs et mesurables. Pour ce faire, il faudra une collaboration entre les divers ordres de gouvernement et d'autres organismes qui interviennent auprès des consommateurs, comme le nôtre.

L'OSBI règle des différends entre les firmes d'investissement et de services bancaires participantes et leurs clients s'ils ne parviennent pas à les régler entre eux. Indépendants et impartiaux, nous offrons nos services gratuitement aux consommateurs, nous avons donc une perception directe de la situation et sommes alors dans une position unique pour comprendre les types de défis en matière de littératie financière auxquels sont confrontés les Canadiens lorsqu'ils interagissent avec leurs fournisseurs de services financiers. Au fil de nos 17 années d'expérience au cours desquelles nous avons aidé des milliers de Canadiens à résoudre leurs conflits avec leurs institutions financières, nous avons acquis une conscience aiguë des répercussions que peuvent avoir ces défis sur la vie des Canadiens et leur santé financière. Même si notre travail se limite à déterminer si une personne a subi des pertes financières en raison d'une action ou de l'inaction de son institution financière, nous pouvons assurément constater comment le degré de littératie financière influe sur les choix et la capacité à gérer efficacement les questions financières complexes de la vie quotidienne au pays.

Malheureusement, notre travail consiste habituellement à recoller les pots cassés. Pourtant, tout comme dans le domaine des soins de la santé, la prévention du problème permet à la fois de gagner temps et argent et d'éviter le stress et les difficultés découlant des problèmes financiers. Du point de vue de la littératie financière, il ne suffit pas aux consommateurs de recevoir des dépliants sur les produits ou des formulaires d'information utile et de lire les renseignements en petits caractères. Encore faut-il qu'ils les comprennent pour être en mesure de faire des choix éclairés et appropriés.

Tous les Canadiens bénéficieraient d'un degré plus élevé de connaissances financières, mais certains groupes, comme les aînés, comme le groupe de travail l'a souligné, sont particulièrement vulnérables et disposent de moins de temps pour récupérer leurs pertes. D'autant plus que nombre d'entre eux sont à la retraite et dépendent de revenus fixes. La plupart des aînés ont travaillé dur toute leur vie et sont susceptibles d'avoir épargné en prévision de leur retraite. Nous sommes témoins du plus important transfert de richesses entre générations de l'histoire du Canada. Il est triste de constater que certains abusent de cette population vulnérable dans le but de s'enrichir. Nous avons souvent été témoins de fraudes criminelles, de mauvais conseils en matière de placements, et malheureusement, d'escroqueries par leurs propres amis et les membres mêmes de leur famille.

Une analyse des volumes de cas que nous traitons a révélé qu'environ la moitié des plaintes que nous recevons provient des aînés, une énorme surreprésentation comparativement à leur proportion dans la population canadienne. De nombreux facteurs expliquent la situation. Certains diront que c'est parce qu'ils ont le temps de déposer des plaintes, mais je ne crois pas que ce soit le cas. Je pense que les réalités socioéconomiques, les choix de vie, les mauvais traitements à l'égard des aînés et la littératie financière, objet même de la discussion d'aujourd'hui, sont tous des facteurs qui expliquent cette réalité. Ces facteurs ne s'excluent pas mutuellement et, en fait, bon nombre de plaintes que nous recevons présentent divers problèmes sous-jacents qui compliquent la situation.

Il nous tarde de partager notre expertise, nos connaissances, et notre expérience avec le nouveau dirigeant et l'ACFC à l'avenir. Merci de m'avoir invité à témoigner aujourd'hui. Je suis prêt à répondre à vos questions.

Le sénateur Massicotte : Il s'agit d'un objectif d'un sujet très important, et d'un fondement pour le bon fonctionnement de la société, surtout lorsque les forces du marché ne peuvent pas toujours fournir une réponse facile à ceux qui doivent prendre des décisions financières. Merci pour tous vos efforts. Ils sont louables et essentiels.

Les renseignements que nous avons déjà entendus et ce que vous nous avez dit aujourd'hui confirment qu'il y a un manque de connaissances financières; et vous avez parlé des aînés. On pourra dire la même chose dans 100 ans : il n'y en aura jamais assez; il y aura toujours des lacunes et les gens continueront de mal comprendre quels sont les objectifs. Avons-nous une idée de l'ampleur des lacunes au Canada comparativement aux États-Unis, à l'Europe en général ou à la Suède. A-t-on déjà fait cette comparaison? Sommes-nous dans une pire situation que d'autres pays, ou ont-ils tous un certain degré de déficit en littératie financière?

M. Stewart : Voilà une excellente question. Malheureusement, je devrais répondre de façon plutôt qualitative que quantitative, parce qu'il n'y a pas de mesure mondiale. Des efforts ont été faits pour que des étudiants participent à des évaluations internationales, mais il n'y a pas d'évaluation mondiale. Par contre, nous pouvons parler de ce qui se fait dans d'autres pays et décrire leur situation.

On peut dire que de nombreux pays ont fait un travail considérable au cours de la dernière décennie en matière de stratégie nationale pour la littératie financière. Ils comprennent tous que c'est un effort qui ne se terminera jamais et qu'il ne sera jamais parfait. Il semble que certains pays ont de l'avance par rapport au Canada. Nous ne croyons pas que c'était le cas parce que certains pays ont une population plus petite et moins variée, et leur stratégie nationale n'est pas la même que celle du Canada, où des avancées considérables se faisaient dans chaque province, mais sans qu'il y ait une coordination nationale. Cela n'enlève rien au fait que de bons efforts étaient déployés d'un océan à l'autre au Canada.

Nous croyons que le Canada était quelque part dans la moyenne, par rapport aux pays qui ont une stratégie nationale, comme l'Australie, la Nouvelle-Zélande, les États-Unis et le Royaume-Uni, en particulier, qui ont servi de comparatif au groupe de travail parce que leurs travaux ont été le plus publiés. Nous sommes dans la moyenne, d'après ce que nous avons pu constater, mais il ne s'agit pas d'une réponse quantitative.

Le sénateur Massicotte : Monsieur Stewart, je crois que votre rapport comprend 30 recommandations. En fait, je pense que ces nominations découlent un peu du rapport, dans lequel vous recommandez que le gouvernement fédéral joue un rôle de chef de file et distribue les responsabilités. Dans votre rapport, vous parlez aussi beaucoup, et je suis complètement d'accord, du besoin de reddition comptes, de définition des objectifs et de mesures.

M. Stewart : Oui.

Le sénateur Massicotte : Vous appuyez évidemment ce projet de loi et la création de ce poste. Êtes-vous inquiet que le mandat soit vague et qu'ils doivent rendre des comptes à quelqu'un d'autre? Pourrions-nous nous perdre dans la forêt, et que ce que vous déclarez très important, la reddition de comptes, soit minée ou pas atteinte? Une personne de plus parmi les milliers de bureaucrates à Ottawa ne fera pas une grande différence à moins qu'il y ait des mesures réelles.

M. Stewart : Je crois fermement au pouvoir de chaque personne. Je pense que les choix de chaque personne sont absolument essentiels. Nous avons été impressionnés par une enquête à l'échelle mondiale de l'industrie de la littératie financière, si je puis dire, ou des aspects de la littératie financière dans la vie, effectué par la commissaire de la Nouvelle- Zélande, qui est prodigieuse. Non seulement s'occupe-t-elle de la littératie financière, mais également de la retraite. Bien que la Nouvelle-Zélande n'ait environ que quatre millions de citoyens, le pays connaît les mêmes défis et complexités que les autres en matière de littératie financière.

Si vous me le permettez, je dirais que le groupe de travail croit que si on choisit la bonne personne, on pourra avancer considérablement, quels que soient la structure et les paramètres.

Mme Campbell : Si vous me permettez d'ajouter quelque chose, je pense qu'il sera essentiel d'avoir un comité consultatif pour aider ce dirigeant et pour rassembler l'expertise nécessaire afin d'exécuter une bonne stratégie en matière de littératie financière. L'une de nos recommandations principales était de mettre en place un comité consultatif qui pourra appuyer les dirigeants.

Le sénateur Massicotte : Est-ce que le comité consultatif correspond à ce que vous appelez le « conseil des partenaires » dans votre rapport?

Mme Campbell : Oui.

Le sénateur Massicotte : Les membres représenteront ce que vous présentez dans votre rapport?

Mme Campbell : Exactement. Un ensemble représentatif de personnes, qui pourraient provenir d'organisations publiques, privées, communautaires, de toute organisation ou groupe qui a un intérêt dans le domaine de la littératie financière. Nous aimerions que les entreprises, tout comme le gouvernement et les ONG, participent à ce processus.

Le sénateur Massicotte : Vous mettez aussi beaucoup l'accent sur le besoin d'un site web. Il y a beaucoup de gens dans ce domaine. Et un besoin immense de coordination, et vous parlez beaucoup du site web. Est-ce que cela proviendra de ce poste? Est-ce un résultat naturel, ou un travail qui devra être fait séparément?

M. Stewart : Nous considérerions important que ce poste veille à ce qu'il y ait un site web de haute qualité. Il est intéressant de visiter les sites web du gouvernement du Canada, car il y en a beaucoup qui concernent la littératie financière. On constate une toile bigarrée qui exige de la coordination, malgré le bon travail fait par l'ACFC. Il s'agit d'une recommandation centrale qui serait une responsabilité importante de ce poste.

[Français]

Le sénateur Maltais : Monsieur Melville, je suis heureux de constater votre présence. Depuis le temps que je dis que les personnes âgées sont une clientèle malmenée par la littératie financière, soit par leur incompréhension ou parce qu'elles connaissent mal les nouvelles technologies.

Lorsque vous avez parlé d'éducation, monsieur Stewart, on sait que l'éducation est de juridiction provinciale. Est-ce que vous avez des ententes avec les provinces pour que ce soit diffusé dans les écoles? Comment cela va-t-il fonctionner? Les jeunes sont aussi une clientèle cible et pas assez informés, c'est l'évidence, ils n'ont pas l'expérience de la vie.

Avez-vous des ententes avec les provinces à ce sujet?

M. Stewart : Malheureusement, je parle en anglais.

Le sénateur Maltais : Pas de problème, nous avons des interprètes qui sont compétents.

[Traduction]

M. Stewart : Nous n'avons pas conclu d'accords. Nous avons tenu des discussions dans l'ensemble du pays, et, bien sûr, le comité est très au fait des pressions et des forces qui existent. Bien sûr, le gouvernement fédéral a des responsabilités dans le domaine de l'éducation pour certaines parties de la population — des responsabilités liées aux Premières nations — et a l'occasion de faire du travail dans ce domaine qui pourrait servir de modèle. Toutefois, le succès de la littératie financière au pays à l'avenir reposera sur des discussions, des négociations et la conclusion d'accords avec les provinces et les territoires sur leurs programmes. Nous avons été encouragés par nos discussions avec le Conseil des ministres de l'Éducation, mais ça ne sera pas imposé. Il faudra de l'encouragement et de la participation.

[Français]

Le sénateur Maltais : Monsieur Melville, vous êtes l'ombudsman des banques. Il n'y a pas seulement les banques qui offrent des services financiers, il y a les compagnies d'assurance, il y a une panoplie d'institutions au Canada qui offrent des services financiers. Est-ce que les autres services financiers sont soumis à vos directives ou à votre autorité?

[Traduction]

M. Melville : Je devrais probablement clarifier les limites de notre mandat, sénateur. Notre bureau s'occupe des plaintes des consommateurs portant sur des services bancaires et des investissements. Il y a des organisations semblables à la nôtre qui s'occupent de l'assurance-vie et de l'assurance-santé, et une autre qui s'occupe de l'assurance-dommages au Canada. Nous coordonnons nos travaux de façon informelle. Il y a même parfois des enquêtes qui touchent deux de nos bureaux, et nous allons alors collaborer. Malheureusement, certaines des autres organisations dont vous parlez, comme les bureaux de crédit, ne sont pas couvertes par notre mandat. Ils ont en fait présenté certaines des plaintes les plus intéressantes que nous avons vues, parce qu'ils dépendent des banques et des autres fournisseurs de crédit pour obtenir les renseignements qui sont inscrits au dossier de crédit d'un citoyen, il est parfois difficile de corriger ces problèmes.

[Français]

Le sénateur Maltais : Est-ce indiscret de vous demander combien vous recevez de plaintes par année?

[Traduction]

M. Melville : Nous recevons entre 6 000 et 8 000 demandes par année de la part des Canadiens. Sur celles-ci, nous allons faire environ de 800 à 1 000 enquêtes complètes. La compensation que nous recommandons est fondée sur ces enquêtes. Dans environ un tiers des cas sur lesquels nous faisons enquête, nous recommandons une compensation pour les consommateurs, sur la base de ce que nous constatons pendant l'enquête.

[Français]

Le sénateur Maltais : Le grand défi du projet de loi sera de retracer ces gens qui ont besoin d'information, que ce soit les jeunes ou les personnes âgées. Pourtant, nous avons au Canada un système auquel peu de gens échappent : Revenu Canada. Est-ce qu'il n'y aurait pas moyen de glisser dans leur rapport d'impôt une brochure les mettant en garde, leur disant que vous existez et comment vous rejoindre. Il y en a peut-être quelques-uns qui seront exclus mais vous allez rejoindre la grande majorité de cette façon.

[Traduction]

M. Melville : Je pense que vous avez absolument raison. Les recherches que nous avons faites indiquent que moins que 2 p. 100 des Canadiens connaissent l'existence des bureaux comme le nôtre. Cependant, ils ont besoin de nous lorsqu'ils ont besoin de nous. Se faire connaître coûte très cher, probablement un million de dollars par point de pourcentage. Je n'ai pas ces ressources, et je ne pense pas que qui que ce soit jugerait qu'il serait approprié qu'on nous les fournisse.

Pour revenir à votre question, quelle est la bonne façon de communiquer avec chaque consommateur pour qu'ils aient les renseignements et les connaissances nécessaires lorsqu'ils en ont le plus besoin? Pour les sociétés qui participent à notre système, nous nous attendons à ce que lorsqu'une plainte a été examinée à l'interne et les travaux conclus, qu'elles informent le client de la possibilité de contacter notre bureau. Dans la plupart des cas, cela fonctionne très bien et, je crois, nous offre un système aussi étanche que possible. Lorsque les sociétés ne le font pas, nous contactons les hauts dirigeants, mais en général, le taux de conformité est assez bon.

Le sénateur L. Smith : Madame Campbell, pourriez-vous nous expliquer un peu le manque de cohérence chez les participants?

Mme Campbell : Lorsque le groupe de travail se déplaçait de ville en ville pour entendre des témoins, nous avons constaté que de nombreux groupes ne savaient pas que d'autres groupes faisaient un travail en matière de littératie financière, et nous ne le savions pas non plus. Je pense que de nombreuses organisations fonctionnent en vase clos. Elles ont élaboré leur propre programme de littératie financière et l'offrent de façon indépendante, et le groupe de l'autre côté de la rue fait exactement la même chose. Il y a dédoublement des efforts.

Le chef du développement de la littératie financière et nous devons être conscients du niveau d'expertise qui est présenté par ces programmes de littératie financière. Je ne dis pas qu'ils manquent d'expertise, mais offrir une plateforme pour les renseignements en matière de littératie financière qui soit diffusée partout au pays par ces organisations assurerait une cohérence du message entendu par tous les Canadiens, ce qui correspond à ce que l'ACFC juge approprié.

J'ai moi-même été surprise de voir le vaste nombre d'organisations qui travaillaient dans le domaine de la littératie financière et qui font un excellent travail. Je n'en avais aucune idée, et notre organisation existe depuis près de 50 ans. Je ne savais pas que tout cela existait, alors il faut évidemment faire certains efforts de coordination.

Le sénateur L. Smith : Vous parlez de vase clos. Pour revenir à ce qu'a dit le sénateur Maltais à propos des champs de responsabilités, est-ce que le nouveau dirigeant n'aura qu'à trouver un champion dans chaque province pour briser les vases? Quelle serait votre recommandation à ce sujet?

M. Stewart : Pour être efficace, le nouveau dirigeant devra communiquer avec chaque province. J'appuie ce qu'a dit Mme Campbell. La diversité, la variété du travail et le manque d'appréciation pour ce que font les autres présentent un problème et une opportunité.

Un chef efficace devra être capable de travailler de manière constructive dans chaque province. Le groupe de travail était composé d'hommes et de femmes de partout au pays et nous avons pris cela pour modèle du type de groupe de travail qui pourrait être utile. Une personne bien placée et qui s'y connaît dans une province peut apporter une aide très précieuse qui permettra au chef national d'être efficace dans chaque province et territoire.

Le sénateur L. Smith : Aurez-vous votre mot à dire quant à la sélection de cette personne ou quant à la création d'un profil?

Mme Campbell : On ne nous l'a pas encore demandé.

M. Stewart : Je crois que tous les membres du groupe de travail se sont profondément investis pour assurer la réussite continue des efforts de littératie financière au Canada. Nous serions tous prêts à répondre à l'appel et à aider. J'ai un emploi, tout comme Mme Campbell, mais nous aimerions tous prêter main-forte. Je crois pouvoir m'aventurer à dire que chaque personne serait prête à donner de son temps et à participer, mais nous étions membres d'un groupe de travail qui n'existe plus.

Le sénateur L. Smith : Si j'en parle, c'est parce qu'il serait utile de bénéficier des perspectives tant pratiques que théoriques dans cette recherche. Certains des représentants du gouvernement ont peut-être une approche plus théorique, c'est-à-dire qu'ils n'ont pas travaillé dans une institution financière et n'ont pas été en contact avec les gens de la base.

M. Stewart : Je crois qu'on peut dire que tout le monde serait prêt à proposer son aide.

Mme Campbell : Absolument.

[Français]

La vice-présidente : Suite aux questions des honorables sénateurs, j'aimerais clarifier certaines choses. Au Canada comme dans les pays développés — ou non développés —, on retrouve des personnes illettrées. Dans ces cas, la communication écrite n'est pas le moyen de leur enseigner comment gérer leur vie. Évidemment, il existe beaucoup de matériel écrit qui, même pour les personnes ayant un niveau d'éducation assez élevé, est déjà compliqué.

Supposons que, comme bénévole, vous participiez à une réunion de développement stratégique avec le nouveau chef du développement de la littératie financière et que vous passiez un week-end avec lui. Quelles priorités établiriez-vous? À quelle clientèle vous adresseriez-vous afin d'obtenir le maximum d'impact d'une personne accompagnée de cinq ou six fonctionnaires pour aider à solutionner la question? Je crois que dans une réunion de développement stratégique d'un plan stratégique, vous êtes la personne la mieux placée pour l'aviser. Il ne peut pas concevoir le tout seul du jour au lendemain. Il a besoin de l'expertise que vous avez récoltée à travers le pays.

À partir de votre expérience et de votre rapport, on a parlé de deux clientèles : celle des jeunes et celle des personnes âgées. Je ne néglige ni l'une ni l'autre. Toutefois, il faut préparer nos jeunes pour l'avenir et faire en sorte qu'en vieillissant ils seront plus aptes à gérer leurs affaires et plus habiles avec les outils électroniques. Pour ce qui est des personnes âgées, s'ils se retrouvent dans la rue du jour au lendemain, je comprends que M. Melville les aidera à redresser leurs finances. Cependant, en général, les dommages faits sont quand même très importants.

Le sénateur Maltais et moi somme conscients que, au Québec, certaines personnes âgées ont perdu des montants importants. D'ailleurs, j'en ai dans ma famille, nul besoin de sonder la population des personnes âgées, qui ont perdu des centaines de milliers de dollars à cause d'avis financiers de la part de gens tout à fait incompétents ou malhonnêtes.

Quelles priorités établiriez-vous avec 3 millions de dollars supplémentaires et six personnes de plus?

[Traduction]

M. Stewart : Il s'agit d'une question de première importance et vous obtiendrez probablement des perspectives individuelles.

Tout effort national déployé pour rehausser la littératie financière, dans n'importe quel pays, y compris le Canada, est inévitablement et par nature un effort de longue haleine. Ce n'est pas comme si, d'un coup de baguette magique, on pourrait rehausser le niveau de littératie financière. Cela se fera sur une très longue période et, à titre personnel, je serais donc enclin à me concentrer d'abord sur les jeunes. Il nous faut ancrer de bonnes habitudes financières dans nos jeunes gens, en passant par de bons programmes éducatifs. Un excellent exemple est celui de la Colombie-Britannique, où Planning 10 est en vigueur depuis 2004. Il s'agit d'un secret national bien gardé, mais c'est là une autre histoire.

Si vous arrivez à inculquer efficacement la littératie financière aux jeunes gens, vous placerez notre pays sur la bonne voie à long terme. Je suis d'accord pour dire qu'il existe d'autres questions pressantes, notamment les aînés, comme vous l'avez correctement souligné, mais il existe des mécanismes en place pour les aider. Toutefois, à plus long terme, à mon avis, il est important de commencer dans les écoles.

Mme Campbell : Cela est bien dit et je suis d'accord.

Sénatrice Hervieux-Payette, vous avez raison. Dans notre organisation, nous voyons de nombreuses personnes âgées, tout comme M. Melville j'en suis certaine, qui ont été victimes de fraudes ou qui ont perdu de l'argent parce qu'elles ne comprenaient pas comment tirer le meilleur parti des services financiers.

Nous devons nous concentrer sur les jeunes; cela devrait être notre point de mire. J'aime l'idée du sénateur Maltais qui consiste à rejoindre les masses en passant par certains mécanismes tels que l'Agence du revenu du Canada ou d'une autre entité par laquelle le gouvernement communique avec un grand nombre de Canadiens.

Plusieurs organisations ont étudié la question de l'analphabétisme au Canada et ont dit comment le chef du développement de la littératie financière pourrait résoudre le problème de la littératie financière. Ce serait là un gros défi pour le chef. Cela signifie qu'il nous faudra communiquer avec les gens de différentes façons, par exemple un site web où des services de conseils personnels ou des présentations éducatives individuelles, afin de pouvoir répondre aux besoins de tous les Canadiens.

Ce que le groupe de travail financier a reconnu, c'était le besoin de rejoindre les gens où ils sont et ce en fonction de leur âge. Si l'on parle de la retraite à un étudiant de 16 ans, il ne sera probablement pas intéressé et donc il s'en fiche. Par contre, parlez-leur du forfait de leur téléphone cellulaire et dites-leur comment ils peuvent tirer parti de données en ligne, et là, ils vous écouteront. Le défi pour le chef, ce sera de prendre le pouls des Canadiens où qu'ils soient, en fonction de leur méthode d'apprentissage et en fonction de ce qu'il leur sera utile à long terme en matière de littératie financière.

M. Melville : Cela m'échappe peut-être, mais je me demande comment on ne peut pas être contre en offrant un point de vue opposé? Je suis d'accord pour dire que l'éducation de nos jeunes est la solution à long terme à ce problème. Toutefois, il faut également intervenir à court terme, car nous sommes en situation de crise. Il existe des personnes vulnérables au sein de notre population.

Dans notre travail, je vois deux groupes qui sont surreprésentés et cela est tragique; les aînés, qui représentent environ la moitié des cas; et les nouveaux arrivants au Canada, qui représentent entre 10 et 20 p. 100 de nos cas. Dire qu'on n'a pas l'occasion d'intervenir au point d'entrée, lorsque les gens arrivent ici, pour les aider à bien faire face aux complexités de cette nouvelle société à laquelle ils se joignent, cela revient à abdiquer. Je crois qu'il existe des possibilités. Des groupes comme le nôtre font de leur mieux pour rejoindre la communauté, avec nos ressources limitées. Il existe des occasions pour les autres qui sont mieux placés pour offrir des services aux nouveaux arrivants canadiens. Ils peuvent faire partie de la solution. Il s'agit d'une intervention à court terme et c'est une partie nécessaire du casse-tête.

Pour répondre à votre question, je diviserai l'équipe avec d'un côté une unité de planification à long terme et de l'autre, une unité d'interventions à court terme. Je trouverai une bonne raison de diviser le budget entre ces deux priorités. Je crois que la partie intervention doit se faire maintenant. Les études de cas basées sur le travail que font de nombreuses organisations sur le terrain peuvent s'avérer intéressantes. Les médias les adorent. Pourquoi? Elles racontent des histoires d'êtres humains. Cela éduque le milieu dont vous parlez, que nous n'avons pas besoin de quitter. Certes, nous pouvons éduquer les jeunes et intervenir auprès de certains segments vulnérables de la population dès maintenant; mais ces histoires sont utiles pour éduquer l'ensemble de la population. Nous pouvons tous faire partie de la solution en communiquant toutes ces histoires.

La vice-présidente : Hier, nous avons entendu quelqu'un qui payait uniquement les intérêts du solde de sa carte de crédit. Cette personne s'est finalement rendu compte, après avoir fait des démarches, que le montant était si élevé car elle n'avait pas remboursé la dette principale et elle a dû déclarer faillite. Je peux voir comment cela peut arriver à quelqu'un ici et cela risque même d'arriver plus souvent à des gens qui arrivent ici d'un autre pays, où les cartes de crédit ne sont pas distribuées aussi généreusement. Se renseigner sur la capacité de quelqu'un à payer ne prend pas beaucoup de temps. J'ai l'impression qu'il existe des mesures que tout le monde trouverait intéressantes au sujet des cartes de crédit.

Le sénateur Moore : Monsieur Stewart, j'ai été intéressé par votre commentaire qui disait que la base de cet apprentissage continu en matière de littératie financière, c'est le système scolaire. Vous avez mentionné le modèle de la Colombie-Britannique qui s'appelle Planning 10. J'aimerais savoir ce que vous recommanderiez au chef du développement de la littératie financière pour créer un genre de système dans les écoles et j'aimerais savoir à quel âge et à quel niveau. Vous pourriez peut-être nous en dire un peu plus sur le modèle en Colombie-Britannique, nous expliquer comment il fonctionne, ses résultats et à quel niveau et à quel âge il est appliqué.

M. Stewart : Planning 10 s'adressait aux élèves de 10e année et a été introduit en 2004. L'Agence de la consommation en matière financière du Canada a pris Planning 10 et en a fait un cours beaucoup plus général intitulé La Zone disponible sur le site web de l'Agence de la consommation en matière financière du Canada.

Toutes les autorités responsables de l'éducation au Canada ont pensé à insérer la littératie financière, sous une forme ou une autre, dans leur programme respectif. Le Manitoba et l'Ontario valent la peine d'être soulignés pour leurs efforts les plus récents.

Les gens ne s'entendent pas sur l'âge le plus approprié auquel introduire la littératie financière. Certains pensent qu'on peut commencer très tôt. Ils ont souligné, non sans inquiétude, le jeune âge auquel les enfants obtiennent des téléphones cellulaires et, par conséquent, qu'il fallait leur parler des obligations en matière de dettes ou au moins leur faire comprendre la véritable signification des dépenses d'argent. On pense généralement que l'éducation sérieuse commence à peu près à ce niveau.

Le sénateur Moore : C'est-à-dire en 10e année?

M. Stewart : Oui, en 10e année, même si certains arguments indiquent qu'on pourrait commencer plus tôt. Le conseil à donner au chef, comme vous l'avez mentionné, serait de lui dire qu'il existe des systèmes d'éducation individuels qui ont des initiatives. Il serait essentiel de faire fond sur les objectifs que les autorités provinciales en matière d'éducation se sont fixés. L'idée consisterait à s'assurer que l'information disponible ailleurs est utilisée. En parlant à plusieurs ministres provinciaux, j'ai été surpris d'apprendre que personne n'avait entendu parler de Planning 10 à l'extérieur de la Colombie- Britannique, y compris les ministres de l'Éducation de nos provinces. On a l'occasion d'utiliser ce qui se fait déjà à travers le pays, mais il faut inévitablement que ces démarches soient adaptées en fonction des provinces.

Le sénateur Moore : Cette initiative est en place depuis 2004. Pour renchérir sur la question du sénateur Massicotte, à l'échelle nationale, avons-nous fait des études? À la suite de ce plan 2010, la Colombie-Britannique est-elle en tête des provinces dans le domaine de la littératie financière chez les jeunes? Avons-nous fait un suivi pour voir quels ont été les résultats de ce plan?

M. Stewart : La Colombie-Britannique a réalisé plusieurs études qui montrent une amélioration de la littératie financière. À ce que je sache, rien n'a été fait à l'échelle nationale qui vous permettrait de comparer.

Mme Campbell : Le problème, c'est que nous n'avons pas d'autre point de comparaison. À l'automne 2011, l'Ontario a démarré un programme de littératie financière à l'intention des élèves de la 4e à la 12e année qui a été appliqué dans l'ensemble du système scolaire. Nous savons que des efforts ont été déployés partout au pays, mais il n'existe aucune analyse comparative. On peut faire des comparaisons avant et après montrant par exemple qu'un étudiant se situait à un certain niveau de littératie financière avant le cours, puis à un autre niveau, après le cours. Du point de vue longitudinal, les résultats ne sont pas sûrs. On a du mal à comparer les résultats à travers le pays, car nous n'avons aucune donnée des autres provinces.

Le sénateur Moore : C'est intéressant. D'habitude, les ministres de l'Éducation de chaque province et territoire se rencontrent et discutent de différentes choses. Il est intéressant qu'ils n'aient pas entendu parler de ce plan mis en vigueur en Colombie-Britannique.

M. Stewart : Permettez-moi de préciser que je ne me suis pas adressé à un large éventail de ministres provinciaux de l'Éducation. J'ai assisté au Conseil des ministres de l'Éducation et vous avez certainement raison. Bien évidemment, il y a un taux de roulement assez important parmi les ministres et j'ai peut-être parlé à des ministres qui n'occupaient plus ce poste. Toutefois, j'étais assez surpris de la réponse des personnes à qui j'ai parlé.

Mme Campbell : Je crois que cela indique également que le problème aujourd'hui, c'est que la littératie financière ne figure pas sur l'écran radar parmi les importants éléments d'éducation pour nos jeunes. Après mes nombreuses années d'expérience dans mon organisation, je crois que les deux choses que les jeunes ont besoin d'apprendre sont l'art d'être parents et comment gérer leur argent. Ce sont là deux éléments qui sont depuis toujours absents dans les systèmes scolaires partout au pays. Maintenant, je crois que l'on s'intéresse enfin à la question de la littératie financière et j'espère que cela fera avancer les choses à long terme.

Le sénateur Tkachuk : Madame Campbell, qu'enseignerait-on pendant huit ans? Vous avez parlé des années quatre à 12.

Mme Campbell : Cela peut sembler long.

Le sénateur Tkachuk : Vous pouvez étudier le commerce pendant quatre ans. Qu'enseignerait-on pendant huit ans?

De toutes les questions qui se posent en matière de littératie financière, d'après vous tous, quels sont celles que l'on connaît le moins?

Mme Campbell : Je vais rapidement répondre à votre question sur ce que l'on pourrait enseigner pendant huit ans.

Credit Canada Debt Solutions a participé à l'élaboration du programme en donnant des conseils. Nous avons compris qu'il y a des moments charnières dans l'éducation des jeunes. Bien sûr, toutes les commissions scolaires l'ont compris aussi. La littératie financière peut être très complexe. On pourrait commencer en 4e année en disant : « Vous recevez de l'argent de poche. Qu'en feriez-vous? » En 5e ou en 6e année vous commencez à garder des enfants. Maintenant vous recevez un revenu. Que feriez-vous de cet argent? Vous avez peut-être des économies, vous choisirez peut-être de verser cet argent à un organisme de bienfaisance ou de le dépenser. Étant donné que ces connaissances sont insérées dans le cursus, les élèves n'ont pas une année entière de littératie financière. On peut insérer ces connaissances dans le cours de mathématiques ou d'économie familiale. Il s'agit des moments propices à l'enseignement. Voilà l'objectif.

Le sénateur Tkachuk : Et pour ma deuxième question? Il n'y a pas eu de réponse à la deuxième question que j'avais posée.

M. Melville : Si vous le permettez, j'aurais une observation. Si j'avais le pouvoir magique de changer une seule chose, j'aimerais que les gens arrêtent de penser en fonction des rentrées et des sorties d'argent, et qu'ils pensent plutôt en fonction des actifs et des passifs financiers. Trop de gens se retrouvent dans le pétrin et nous font part d'histoires tragiques. Ils vivent entièrement au moment présent, dépensent tous leurs revenus, et ne pensent pas aux effets à long terme des décisions qu'ils prennent. Cela favorise les prêteurs de remise au jour de paye. Les gens se retrouvent dans ce genre de situation et se disent : « Si je peux emprunter 300 $ jusqu'à vendredi, je m'en fiche d'avoir à rembourser 325 $ lundi. » Du point de vue du flux de trésorerie cela peut leur sembler logique, mais il s'agit d'une catastrophe financière.

La sénatrice Ringuette : La question vous tient manifestement à coeur. Est-ce que vous avez tous les trois participé au groupe de travail?

M. Melville : Moi non.

La sénatrice Ringuette : Vous n'y étiez pas, monsieur Melville?

M. Melville : Non.

La sénatrice Ringuette : Madame Campbell, vous avez attaché beaucoup d'importance au conseil consultatif. Il n'y a aucune mesure dans la loi qui prévoit un conseil consultatif. Il y a toujours un processus de nomination, une question concernant le nombre de conseillers, et cetera. Ce n'est pas prévu dans la loi. Sur les 30 recommandations, nous savons que la majorité d'entre elles n'exigent aucune loi. En fait, celle-ci non plus; il ne s'agit que de créer un poste. Cependant, puisque le gouvernement a choisi de faire un processus législatif, je suis surprise que tous les enjeux de votre deuxième recommandation, c'est-à-dire sur le conseil consultatif, ne soient pas inclus dans la loi. Il n'y a aucune mesure prévue à cet effet.

Mme Campbell : Oui, je suis d'accord. Je ne souhaite pas ralentir l'adoption de la loi. Je ne veux vraiment pas dire : « Repartez à zéro, ajoutez le conseil consultatif et recommencez » car cela fait déjà deux ans, comme l'a déjà dit M. Stewart. Cependant, il s'agit d'un élément important. C'est réellement la clé. En sillonnant le pays, nous avons rencontré tellement de gens et d'organismes intelligents. Nous devons en tirer parti. Cela ne sert à rien de recommencer à zéro. Il y a une mine d'expertise et j'espère que ce chef, et voilà pourquoi le choix du chef est très important, a la prévoyance et l'humilité de nommer un conseil consultatif pour s'assurer de bien faire le travail.

La sénatrice Ringuette : Il doit disposer des moyens législatifs de le faire.

Mme Campbell : La personne doit-elle disposer des moyens législatifs, ou pourrait-elle simplement créer un comité consultatif? Voilà la question.

La sénatrice Ringuette : Il y a des implications financières qui exigeraient un assentiment du Parlement.

Mme Campbell : Bien dit.

La sénatrice Ringuette : Je veux simplement souligner que je suis d'accord avec vous que le comité consultatif est un élément clé de la stratégie.

Le sénateur Massicotte : Puisqu'il ne nous reste que trois ou quatre minutes, j'aimerais que nous nous éloignions un peu de la loi et que vous nous donniez vos commentaires. Il y a clairement un problème de littératie, et cette loi aidera. Cependant, si on se penche sur les erreurs ou sur les incompréhensions des Canadiens, on se rend à l'évidence que l'acheteur doit être averti. Les banques et les institutions financières ne sont pas toujours claires quant aux produits qu'elles vendent. Pour servir leurs intérêts égoïstes, elles induisent parfois leurs clients en erreur ou elles exagèrent les avantages de leurs investissements ou de leurs produits.

Comment composer avec ce problème? Nous disons : « Pauvre consommateur, il est ignorant. » En outre, le vendeur a peut-être exagéré, et nous devons peut-être être plus sévères ou encore pénaliser ces gens de façon plus sérieuse. Avez- vous des commentaires là-dessus?

M. Stewart : Je crois qu'il faut constamment relever la barre. Dans son rapport, le groupe de travail a donné un exemple clair de renseignements incompréhensibles comme domaine d'inquiétude. C'était vers la page 70 ou 71 du rapport. Il y avait un dépliant qui était rédigé à un niveau bien supérieur à ce qui était compréhensible pour un lecteur moyen, donc pour une bonne partie du public cible.

Je sais que bon nombre d'institutions financières s'attaquent à ce problème, mais quelles autres mesures doivent être prises à l'échelle mondiale? Je travaille actuellement dans le domaine des services financiers dans d'autres administrations et je vois une forte tendance à utiliser des produits et des dépliants plus compréhensibles et plus simples. Le Canada doit déployer les mêmes efforts mais la meilleure méthode pour y arriver sera composée de multiples facettes.

Le sénateur Massicotte : Faudrait-il adopter une loi? Le gouvernement doit-il être plus autoritaire et exercer un plus grand droit de regard afin d'assurer que tous les renseignements soient divulgués et bien compris?

M. Stewart : L'OCDE a établi 10 principes pour les consommateurs de produits financiers dans la dernière année environ. Ces principes visent à améliorer la transparence, l'efficacité et l'intelligibilité de la communication. Le Canada doit adopter et est en voie d'adopter ces principes. Il doit les mettre en œuvre et si c'est nécessaire, il doit se doter d'une loi pour le faire.

La vice-présidente : J'ai envie de vous dire ce que nous entendons à la télévision : « Vous êtes plus riche que vous ne le pensez. » En entendant cela, on se sent bien. Le problème, c'est qu'il faut éviter d'aller magasiner après avoir entendu cela. Cependant je crois que nous avons bien compris. Nous avons des lois concernant la publicité trompeuse, mais il y a une différence entre la publicité trompeuse et les directives qui manquent de clarté. Il s'agit du temps nécessaire pour parcourir un document. Quand on lit un long document rédigé en petits caractères, on le trouve facilement ennuyeux. L'exemple par excellence est sans doute le prospectus. Je connais bien peu de gens qui sont en mesure de lire tout le prospectus, même ceux qui vendent ces produits.

Je veux vous remercier de votre témoignage ainsi que de votre rédaction du rapport. Vous pouvez être fiers de votre contribution pour aider à créer ce nouveau poste. Nous espérons qu'ils continueront de tabler sur vos talents et qu'ils trouveront une femme formidable pour le poste.

[Français]

La vice-présidente : Je souhaite la bienvenue à nos nouveaux témoins. J'aimerais d'abord les présenter et je présenterai M. Bryant à la fin. D'abord, nous avons M. Gary Rabbior, président de la Fondation canadienne d'éducation économique, une organisation sans but lucratif qui offre des programmes d'éducation dans le but de permettre aux gens de prendre des décisions économiques avec compétence et assurance. M. Nicholas Cheung, directeur de l'Institut Canadiens des Comptables Agréés, une association qui représente les comptables agréées canadiens tant sur la scène nationale qu'internationale. Nous avons deux autres personnes qui appartiennent à la même association mais qui ont deux fonctions différentes, Mme Eleanor Farrell, directrice du Bureau de l'investisseur à la Commission des valeurs mobilières de l'Ontario et M. Tom Hamza, président du Investor Education Fund, une organisation à but non lucratif qui a été mise sur pied par la Commission des valeurs mobilières de l'Ontario et qui est financée par les règlements et les amendes issus de ces poursuites.

Notre dernière vedette est M. John Hope Bryant, président et directeur général de Hope Incorporated, qui témoignera par videoconférence de la Californie. Operation HOPE est le banquier privé des travailleurs pauvres de la classe marginale, de la classe moyenne qui a du mal à joindre les deux bouts. Sa mission vise à mettre la libre entreprise et le capitalisme au service de tous, ce qu'ils appellent les silver rights.

[Traduction]

Merci d'avoir pris le temps de nous faire part de votre expérience, et bienvenue au Canada par satellite.

[Français]

Pour ce qui est de la Commission des valeurs mobilières de l'Ontario, est-ce que vous avez une ou deux déclarations? Allez-vous tous les deux prendre la parole?

[Traduction]

Monsieur Bryant, nous vous gardons pour le dessert, et vous verrez comment procéder.

Gary Rabbior, président, Fondation canadienne d'éducation économique : Merci beaucoup. Je suis heureux d'être ici avec vous aujourd'hui. Je tiens à remercier le comité de m'avoir donné cette occasion. Ma déclaration compte deux volets. Premièrement, je parlerai un peu de la fondation, ce qu'elle est et ce qu'elle fait. Deuxièmement, je vous ferai part de mes idées sur ce dont le Canada a besoin au chapitre du leadership dans le secteur de la littératie financière.

La fondation est un organisme national sans but lucratif et apolitique fondé en 1974. J'y travaille depuis 1978, et je la dirige depuis 1981. Le temps passe vite. Nous travaillons à l'échelle nationale. Nous travaillons avec les écoles. Nous sommes très actifs dans les écoles et auprès des ministères de l'Éducation ainsi que des commissions scolaires. Nous travaillons avec les nouveaux arrivants au Canada. Nous travaillons avec les personnes économiquement défavorisées, avec le grand public et avec les parents.

Voici quelques exemples de nos activités, dont vous avez aussi parlé dans la séance précédente. Nous travaillons avec les ministères de l'Éducation du Manitoba, de la Saskatchewan et de l'Alberta pour que ces provinces intègrent l'éducation financière à leur programme d'études obligatoire, de la 4e à la 10e année. Il ne s'agit pas, comme vous pourriez le penser, d'un programme intensif de six ans. Il s'agit plutôt d'un programme qui est intégré aux différentes matières du cursus.

Il y a une feuille de route qui indique ce qui doit être intégré, où on doit l'intégrer, et où on donne des plans de cours pour aider les professeurs. Le Manitoba est déjà bien avancé, la Saskatchewan a un an d'expérience, et l'Alberta est sur le point de commencer.

Comme le sait M. Hamza, l'Ontario fait de même. On a indiqué que la littératie ou la sensibilisation financière sera intégrée de la 4e à la 10e année. L'Ontario ne s'est pas encore doté d'une stratégie complète. À l'heure actuelle, les commissions scolaires et les écoles répondent à l'appel du ministère, mais personne n'est en charge du projet et on ne sait pas encore comment la mise en œuvre se passera.

En revanche, notre projet Building Futures in Canada existe maintenant au Manitoba, en Saskatchewan et en Alberta. Nous espérons aussi que les provinces de l'Atlantique l'adopteront. Nous avons discuté avec la Colombie- Britannique et appris qu'ils ont l'intention de faire une refonte complète du cursus scolaire. Le programme Planning 10 est bon, mais le monde de l'éducation est en évolution constante. C'est pour cette raison qu'il faut savoir s'adapter aux circonstances, donc Planning 10 pourrait changer aussi.

J'espère que vous avez reçu notre agenda pour les nouveaux arrivants au Canada, qui aide les nouveaux arrivants à relever leurs défis d'intégration. L'agenda les renseigne sur l'argent et les questions d'ordre financier. Nous avons distribué plus de 600 000 exemplaires de cet agenda au Canada par le biais de 1 000 agences d'aide aux immigrants. Il existe en anglais et en français. Il est disponible gratuitement et les bibliothèques s'en servent, les gens s'en servent pour perfectionner leur anglais langue seconde et pour se préparer en vue d'obtenir la citoyenneté canadienne.

Nous venons d'annoncer la mise sur pied d'un programme, de concert avec la Banque de Montréal, intitulé « La journée Parlons argent avec nos enfants ». Tellement de gens ont de la difficulté à lancer ou à catalyser les discussions financières avec les enfants. Notre programme à deux volets se déroulera le 17 avril prochain. Le programme au foyer encouragera les parents et les tuteurs d'enfants de tous âges à participer à une activité. Il peut s'agir d'une discussion à la table de la cuisine, d'un film, d'une émission de télévision, d'un livre, bref de quelque chose pour lancer la discussion. Nous savons que les jeunes doivent avoir ces discussions. Ils ont besoin d'être plus confiants pour poser des questions et lancer la discussion à la maison est très important à cet égard.

Le programme comprendra aussi un volet scolaire visant à encourager tous les enseignants de 7e année, ou de la première année du secondaire au Québec, peu importe leurs matières, à parler ce jour-là d'un sujet se rapportant à l'argent, pour lancer la discussion. Nous savons qu'on peut faire de tous les jours la Journée parlons argent avec nos enfants, mais nous espérons que ce sera un catalyseur qui aura un effet tout au long de l'année.

Nous avons aussi une publication, que nous vous avons transmise intitulée Money and Youth. C'est une ressource dont on a distribué des exemplaires gratuits aux écoles de l'ensemble du pays, en anglais et en français. On en a distribué plus de 300 000 copies. Nous venons d'en imprimer encore 20 000, il y a trois semaines, et les stocks sont déjà épuisés.

Le Manitoba en distribue des exemplaires à chaque élève de 10e année de la province, pour leur donner accès à un guide de littératie financière. Le document vise les élèves de 10e, 11e et 12e année.

Voilà une partie de nos activités. Nous participons aussi à celle du Groupe d'action sur la littératie financière, ou GALF, dont Mme Campbell a parlé et dont M. Hamza est aussi membre. Toutes ces organisations ont aussi préparé ensemble un mémoire que nous vous avons fait parvenir, je ne sais pas s'il vous a été distribué, présentant notre point de vue sur le rôle du chef du développement de la littératie financière et sur ses priorités d'action. Ce document fait consensus auprès des sept organisations s'occupant de littératie financière au Canada et présente nos vues, et il vous a été envoyé à vous et à d'autres qui peuvent s'intéresser à ce dont nous pourrions avoir besoin à l'avenir.

Je tiens à vous dire que le défi d'améliorer la littératie financière peut certes sembler colossal, mais il l'est encore plus qu'on le pense. C'est un travail difficile. Beaucoup de gens, d'efforts et d'argent ont été consacrés en présumant qu'il fallait que des gens qui savent des choses les disent à d'autres qui ont besoin de les savoir. En réalité, ce genre d'enseignement ne marche pas. Dans notre secteur, nous sommes axés sur l'offre. Beaucoup de gens s'intéressent à ces questions qui sont très sérieuses. Cependant, au lieu d'avoir un effort axé sur l'offre, soit donner quelque chose aux gens, il faut l'axer sur la demande, pour que les gens veuillent ce qui est disponible.

Chez nos leaders, beaucoup d'efforts doivent servir à améliorer la communication avec le public, les parents, les enfants et d'autres pour faire comprendre pourquoi cette information est importante, assez pour que les gens s'y intéressent, et non pas simplement trouver des occasions de dire aux gens ce qu'on pense qu'ils devraient savoir. Par le passé, ce genre de démarche n'a pas été fructueuse.

Je vous ai déjà présenté mon exposé. Je ne sais pas si vous pourriez y retrouver une figure que je vous ai donnée. Autrement, voici une donnée tirée d'un livre intitulé A Whack on the Side of the Head, de Roger Von Oech. Je vous présente cela pour que, si vous le pouviez, vous compreniez combien il est difficile de déterminer quelle figure ne devrait pas s'y trouver. Rapidement, je peux vous dire que comme la plupart des gens et des enfants auxquels j'ai enseigné, vous choisiriez l'option B. C'est vrai, c'est la seule où il n'y a pas de ligne droite. Cependant, l'option A est la seule à avoir des discontinuités. Dans le cas de C, c'est la seule où il y a une asymétrie. D est la seule où il y a une ligne droite et une ligne courbe et E, la seule qui a l'air de la projection d'un triangle non euclidien dans un espace euclidien.

Or, qu'est-ce qui intéresse les jeunes? La bonne réponse la plus évidente. Ils choisissent la plus évidente parce que dans les écoles, on traite l'information. On ne fait plus d'éducation. C'est presque futile. On bourre le crâne des jeunes avec le programme. Ça entre par ici, ça sort par là et tout ce qu'ils veulent, c'est traiter l'information.

En littératie financière, le défi, ce n'est pas de trouver des occasions d'asseoir dans une salle des personnes âgées ou des jeunes pour leur dire ce qu'ils devraient savoir. Il faut les faire participer. Il faut leur laisser le temps d'apprendre. L'apprentissage est un processus complexe et variable. De plus en plus, on essaie de rejoindre des masses de gens en leur donnant plus d'informations. Je pense que pour le directeur du développement, comprendre le problème lié à l'éducation et à l'apprentissage fait partie du défi. Il faut aller au-delà des manières traditionnelles et systémiques existantes qui ont été employées pour nous enseigner, moi, d'autres adultes et ceux qui nous ont précédés. Pour certains rédacteurs du document du GALF, nous y avons décrit le défi du directeur du développement, mais je vous dirais que son défi est encore plus grand que ce qu'on a pu imaginer.

La vice-présidente : Merci, monsieur Rabbior. Je rappelle à notre prochain témoin d'être aussi bref que possible afin que les sénateurs puissent poser des questions. Nous voulons voir tous les aspects de la question et nous avons quelques témoins.

Nicholas Cheung, directeur, Institut Canadien des Comptables Agréés : Merci pour l'invitation du comité. L'Institut canadien des comptables agréés croit fermement qu'il est nécessaire d'adopter une approche concertée et coordonnée pour améliorer la littératie financière des Canadiens.

Pour ce faire, il faut nommer un chef du développement de la littératie financière chargé d'assurer la coordination des initiatives nationales visant à aider les Canadiens à mieux gérer leurs finances. Cette personne devra non seulement avoir une vision et une compréhension approfondie des enjeux en cause, mais aussi établir des liens entre les organismes sans but lucratif, le secteur privé et le gouvernement, afin de concevoir et de déployer une stratégie nationale qui aura véritablement une incidence positive sur la vie des Canadiens.

L'ICCA se réjouit à l'idée de travailler de concert avec d'autres organisations pour aider les Canadiens à acquérir des connaissances et des compétences touchant les questions financières, et à devenir plus sûrs d'eux-mêmes dans leur rapport à ces questions, de façon à ce qu'ils puissent faire les meilleurs choix possibles compte tenu des circonstances dans lesquelles ils se trouvent. Autrement dit, les décisions, ou le manque de décisions, en matière financière, importent.

De nombreux Canadiens prennent des décisions financières qui ne sont pas dans leur intérêt à long terme. Selon un sondage de l'ICCA, nombre d'entre eux, de tous les groupes d'âge, se trouvent dans une situation financière difficile, et beaucoup n'ont pas les compétences de base pour gérer leurs finances. Ils cherchent de l'aide ou ont besoin d'aide pour l'essentiel, c'est-à-dire pour épargner plus, dépenser moins et réduire leur endettement.

Par exemple, en 2012, l'ICCA a constaté que près de 60 p. 100 des répondants épargnent moins de 10 p. 100 de leur revenu annuel. En fait, le sondage montre que les gens épargnent moins aujourd'hui qu'il y a deux ans. Chez les 55 ans et plus, 43 p. 100 disent ne pas avoir assez épargné pour leur retraite et près de quatre répondants sur 10 pensent qu'ils n'auront pas fini de payer leurs dettes après avoir atteint l'âge de 65 ans.

De toute évidence, pour que l'économie soit florissante, il faut prendre des mesures permettant d'aider les Canadiens à prendre en main leurs finances personnelles.

Par son leadership intellectuel, son expertise et ses ressources, l'ICCA est déterminé à unir ses efforts à ceux du chef du développement de la littératie financière et de l'Agence de la consommation en matière financière du Canada, afin de soutenir cette importante cause. Protéger l'intérêt du public a d'ailleurs toujours fait partie du mandat de l'ICCA.

Les comptables agréés du Canada estiment qu'aider les Canadiens à acquérir des connaissances financières est essentiel à la prospérité et à la croissance future du Canada. Nous prévoyons lancer cette année un nouveau programme pancanadien d'éducation financière axé sur la collectivité, qui sera donné par nos membres.

Les Canadiens ont besoin d'aide pour mieux savoir comment améliorer leur situation financière. Pour porter des fruits, la littératie financière doit faire l'objet d'un apprentissage continu, dès le tout jeune âge. Selon notre sondage, de nombreux parents tentent d'aider leurs enfants à acquérir des connaissances financières, mais ils ont le sentiment qu'ils ne devraient pas être seuls à s'en charger.

Par exemple, la bonne nouvelle, c'est que parmi les parents canadiens d'enfants d'âge scolaire, 85 p. 100 disent avoir tenté d'inculquer des compétences financières à leurs enfants mais malheureusement, à peine plus du tiers de ces parents a l'impression d'y être parvenu. La grande majorité des répondants croient que les écoles, le secteur des services financiers et les gouvernements ont aussi un rôle à jouer.

Bien que de nombreuses organisations collaborent pour atteindre un objectif commun en matière d'amélioration de la littératie financière pour les Canadiens, aucune organisation ne peut régler efficacement tous les problèmes à elle seule. Il faut mettre au point les synergies, favoriser la collaboration, accroître l'efficience et éliminer la redondance. Ce projet de loi est une première étape essentielle à la réalisation d'une telle vision.

La mise en œuvre d'une stratégie nationale ne peut se faire sans les efforts concertés et soutenus de tous les intervenants canadiens. L'ICCA appuie le projet de loi C-28 et espère que la nomination d'un chef du développement de la littératie financière contribuera à mobiliser toutes les parties prenantes. L'union fait la force et, en travaillant ensemble, nous avons le pouvoir d'améliorer la littératie financière des Canadiens.

Eleanor Farrell, directrice, Bureau de l'investisseur, Commission des valeurs mobilières de l'Ontario : Bonjour, m'accompagne aujourd'hui Tom Hamza, président du Fonds pour l'éducation des investisseurs. Nous remercions le comité de nous avoir invités à participer à cette audience publique sur le projet de loi C-28. Nous ferons tout d'abord une allocution conjointe avant de répondre à vos questions.

La CVMO défend depuis longtemps dans le cadre de son mandat la littératie financière et l'éducation des investisseurs. En 2001, la CVMO a fondé le Fonds pour l'éducation des investisseurs, devenu, en matière financière au pays, le site web le plus populaire et l'outil de formation le plus important des professeurs et des étudiants. Nous sommes heureux de voir que les recommandations du Groupe de travail sur la littératie financière sont en cours d'exécution. Nous appuyons tout particulièrement la modification proposée afin de créer le poste de chef du développement de la littératie financière au sein de l'Agence de la consommation en matière financière au Canada.

Le secteur de la littératie financière n'est pas à court de documents et de programmes offerts par des groupes sans but lucratif, des gouvernements, des organes de réglementation et le secteur lui-même. Un chef du développement en la matière pourrait y déceler les éventuelles lacunes et formuler des recommandations pour les combler.

De plus, nous sommes heureux de voir qu'il se focalisera sur la collaboration. La collaboration exigera des intervenants au pays qu'ils se concentrent sur des résultats particuliers. Nous nous réjouissons de pouvoir travailler avec le nouveau chef.

Nous sommes également d'accord pour que le chef appuie la recherche. L'éducation des investisseurs doit, pour être efficace, mobiliser les Canadiens de manière à pouvoir les aider à comprendre comment répondre à leurs besoins en matière de placements. Il est donc d'une importance cruciale que nous cernions et comprenions mieux les enjeux et les préoccupations des Canadiens pour établir les façons les plus efficaces de promouvoir la littératie en matière financière et pour les investisseurs.

Le Bureau de l'investisseur fait appel à une recherche ciblée et à des programmes de communications directes pour analyser ces questions, formuler des recommandations et mettre en place des améliorations au sein du programme d'éducation pour les investisseurs de la CVMO. Le groupe de travail a suivi cette approche et nous encourageons le chef à faire de même.

Le projet de loi C-28 représente un pas important dans la voie de la littératie financière. En s'y connaissant mieux en matière financière, les Canadiens seront en mesure de prendre les décisions les plus judicieuses pour leurs finances et leurs placements et de mieux se protéger sur un marché financier d'ampleur planétaire toujours plus complexe.

Il est essentiel pour la CVMO d'assurer une solide protection aux investisseurs dans chacune de ces tâches. L'éducation des investisseurs est une composante importante de notre volet de protection des investisseurs. Les organes de réglementation, les pouvoirs publics, les enseignants et le secteur financier jouent tous un rôle dans l'éducation des investisseurs, aspect vital de la santé financière à long terme des Canadiens et de notre économie.

Merci. Tom Hamza, du Fonds pour l'éducation des investisseurs, conclura notre allocution.

Tom Hamza, président, Fonds pour l'éducation des investisseurs : Le Fonds pour l'éducation des investisseurs est l'un des membres fondateurs, ainsi qu'avec M. Rabbior de la FCEE, du Groupe d'action sur la littératie financière, et nous avons collaboré avec la plupart des grands groupes œuvrant pour la littératie financière au Canada. Nous comprenons et appuyons fermement la coordination et l'harmonisation des ressources confiées à ce poste.

Nous aimerions que le comité sénatorial se penche sur quelques observations dans le cadre de son étude du projet de loi qui vise à établir des paramètres pour cette fonction.

Un rôle important doit être d'axer les priorités de ce chef sur des arguments factuels en vue de prendre des mesures fondées sur la recherche. Bien des gens croient savoir ce qu'il faut faire et il existe beaucoup de recherche qui n'est pas encore harmonisée. Il convient d'établir des arguments convaincants qui appuieraient la priorisation des sujets ayant le plus d'influence sur la vie des Canadiens.

Qui plus est, parce que son bureau constitue le principal dépositaire de l'information et de la connaissance en matière de littératie financière, le chef du développement de la littératie financière pourra démontrer un leadership éclairé et avoir l'autorité nécessaire pour coordonner les activités entre le gouvernement, le secteur industriel et le secteur à but non lucratif. Nous sommes convaincus qu'il s'agit d'une étape fondamentale pour renforcer les acquis actuels. Ce sont les premières étapes à franchir pour faire avancer la littératie financière au Canada.

L'autre volet à mettre de l'avant, ce qui est très important, est la communication. L'un des éléments critiques de ce rôle est d'être perçu comme le chef par le public et par le milieu de la littératie financière. Ce bureau devrait être autorisé à communiquer ses intentions et ses priorités s'il veut avoir un écho auprès des Canadiens. L'organisme devrait avoir les moyens de communiquer directement avec les Canadiens, par la voie des médias sociaux et des médias classiques. Son pouvoir de persuasion se trouvera solidifié de beaucoup s'il est perçu comme une autorité morale, du fait de son expertise et de sa capacité de transmettre son message directement.

Ce n'est pas toujours le message qui importe le plus, mais plutôt la façon dont on transmet le message dans bien des cas. Si nous ne comprenons pas bien notre public cible, il est difficile d'avoir un écho auprès des Canadiens afin de les inciter à renforcer leurs connaissances et à changer leurs habitudes.

Enfin, nous avons corédigé le document-cadre du GALF qui vous a été remis et en sommes de fervents défenseurs. Le document présente un plan d'action global et un ensemble de priorités détaillées, et nous estimons que cette démarche permettra d'orienter ce bureau dans la bonne direction.

Nous attendons avec impatience de travailler avec le nouveau chef du développement de la littératie financière. Au nom de la Commission des valeurs mobilières de l'Ontario et du Fonds pour l'éducation des investisseurs, nous vous remercions de nous avoir donné l'occasion de résumer nos opinions.

La vice-présidente : Merci à vous deux. Maintenant je cède la parole à M. Bryant. Vous travaillez avec une des clientèles les plus vulnérables, alors j'imagine que vous avez de bonnes idées pour ce nouveau poste au Canada. Vous avez la parole.

John Hope Bryant, président et directeur général, Operation HOPE : En effet. D'abord je vous dois une visite. J'aurais été là en personne. Je crois qu'il est important d'être présent dans la vie. On ne peut pas élever les enfants par l'entremise des courriels. Il faut être présent dans la vie. C'était mon anniversaire hier, et j'ai dû participer à une formation du travail d'équipe ici en Californie. Sinon, sachez que j'aurais été là en personne avec vous.

Encore une fois, je vous dois une visite à l'avenir. J'adore le Canada. Évidemment, vous êtes le voisin et un ami des États-Unis, mais vous êtes aussi un ami à moi. Étant donné mes nombreuses visites au Canada pour prononcer les discours, je me considère un Canadien honoraire. Que Dieu vous bénisse pour cette invitation.

La vice-présidente : Je vous en prie.

M. Bryant : Encore une fois, vous avez démontré que vous êtes avant-gardiste et visionnaire. Je ne pouvais pas me présenter en personne alors vous m'avez proposé une vidéoconférence. Ce n'est qu'un exemple. Vous n'avez pas jeté l'éponge. En ce qui a trait à la littératie financière, vous prenez des mesures et vous avez une longueur d'avance sur la plupart des autres pays qui ont du mal à se remettre de la crise économique mondiale. Bien sûr, les Canadiens et le gouvernement canadien doivent faire face à des répercussions de la crise aussi, mais vous vous en êtes sortis mieux que la plupart des pays. Vous n'êtes pas paralysés par la peur non plus.

Hélas, la plupart des chefs dirigent leurs pays en fonction de la peur, ce qui les met sur la défensive et entraîne des dommages. Vous avez pris une démarche audacieuse et visionnaire. On vous le reprochera. On est toujours puni pour une bonne action, mais ça ne veut pas dire que vous faites fausse route. Certains diront que la création de ce nouveau poste de chef du développement de la littératie financière est imparfaite. J'adore le nom du poste, surtout qu'on mise sur le leadership. Quand on vous le reprochera, je rétorquerai qu'il ne faut pas mépriser une bonne idée simplement parce qu'elle n'est pas la meilleure.

Le fondateur du réseau social LinkedIn a dit que si vous n'êtes pas le moindrement gêné par la diffusion de votre produit 1.0, c'est que vous l'avez diffusé trop tard. Il est important d'agir et de faire des ajustements en cours de route.

Maintenant, très rapidement, quelques observations. Je suppose que vous connaissez notre travail, alors je ne vous encombrerai pas de détails. Mais peut-être ne savez-vous pas que j'ai conseillé les trois derniers présidents américains — les présidents Bush et Clinton, et maintenant le président Obama, des membres de partis opposés. C'est un enjeu sans couleur politique. Peut-être ne savez-vous pas non plus que sous la présidence de M. Clinton, j'ai lamentablement échoué à faire donner la priorité à cet enjeu. Le pays est entré en crise sous la présidence de M. Bush, et les pauvres et les défavorisés ont été des plus touchés. Ce qui est curieux, c'est que la classe moyenne, qui était au centre de cette crise, était tout aussi vulnérable que les pauvres, d'après ce que nous avons constaté. Le problème, c'est que les pauvres n'avaient pas les moyens financiers de la classe moyenne pour réagir ou se protéger. En gros, cette crise venait du fait que des gens, à bien des égards, avaient demandé combien ils devraient payer et non pas combien était le taux d'intérêt. Il ne faut jamais seulement demander le montant des mensualités quand il y a aussi un taux d'intérêt. Évidemment, il y en a qui ont fait preuve de cupidité et qui ont appliqué des pratiques abusives mais le consommateur, malheureusement, s'est fait complice de ce crime.

J'ai décidé d'encourager une politique avec le président Bush. Il ne m'a pas répondu pendant sept ans parce qu'il s'occupait d'autres choses, mais lors de sa dernière année il a fait de la littératie financière une politique fédérale aux États-Unis en raison de tous les efforts d'Opération HOPE — donc je félicite les organismes sans but lucratif présents à cette séance — et il a créé le President's Advisory Council on Financial Literacy. J'ai été le vice-président du Committee of the Underserved. Nous avons eu un certain succès, mais cela n'est pas allé loin. Le président Obama l'a continué avec le President's Council on Financial Capability. J'ai été le président du Subcommittee for the Underserved and Community Empowerment. Ceci est un point que j'aimerais faire brièvement sur votre nouveau poste.

À certains égards, je pense que j'ai échoué. Je le répète : je pense qu'à certains égards, quand on a réussi à convaincre le président Bush à faire de la littératie financière une politique fédérale du gouvernement américain par décret, nous avons échoué. Si on veut endormir un jeune, il suffit de lui donner un cours traditionnel sur la littératie financière. Personne ne veut un prêt-automobile; on veut une belle voiture. Personne ne veut une hypothèque, ce qui est ce que nous avons aux États-Unis. On veut devenir propriétaire, peut-être trop. Aucun jeune ne veut qu'on lui fasse la leçon sur la réussite au secondaire, ou l'obtention de bonnes notes, ou même les régimes 401(k), ou les moyens de placement que vous avez au Canada. Ils vont s'endormir; ils ne vont pas vous écouter. Quelqu'un a parlé de miser sur la demande, le client. C'est tout à fait exact. Il faut habiliter les gens. Les gens réagissent quand il est question de craintes et d'aspirations. Nous avons découvert que nous ne devrions pas promouvoir la littératie financière en soit mais plutôt la dignité financière. C'est l'hémisphère droit du cerveau ensuite l'hémisphère gauche, pas uniquement l'hémisphère gauche ou l'hémisphère gauche et ensuite l'hémisphère droit. C'est-à-dire qu'on ne commence pas par l'analyse. Surtout avec les pauvres et les défavorisés, il faut encourager leurs aspirations si on veut qu'ils prennent leur vie en main et qu'ils s'intéressent à leurs aspirations et rêves. La littératie financière est le moyen d'y arriver.

Nous avons mis l'accent, au niveau présidentiel, sur des conseils de littératie financière locaux maintenant. Avec mon Subcommittee for the Underserved and Community Empowerment, nous avons créé 115 conseils de littératie financière des maires partout aux États-Unis. Mon objectif cette année est de doubler ce chiffre pour atteindre 250. Mon objectif pendant le mandat d'Obama est d'atteindre 2 500 villes qui auront leurs propres conseils. Je ne vais pas entrer dans les détails puisque votre temps est limité, mais je répondrai aux questions si vous vous intéressez à comment cela mise sur la responsabilisation.

Le directeur du Consumer Financial Protection Bureau, Richard Cordray, est un de mes amis. Je lui envoie une copie de votre projet de loi maintenant; il en sera impressionné. Je l'ai accueilli il y a deux semaines au nouveau HOPE Center que nous avons construit au King Center à Atlanta, en Géorgie. Nous croyons en deux choses. Premièrement, que Martin Luther King serait en train de faire ce travail s'il était vivant aujourd'hui. Pour notre génération, ça équivaut à la lutte pour les droits civils. Si vous ne comprenez pas la langue de l'argent et si vous n'avez pas de compte bancaire, vous êtes un esclave économique dans l'environnement d'aujourd'hui. Deuxièmement, et ceci porte sur la question plus générale de la pauvreté, la question de M. Cordray et votre question de protection, on parle beaucoup de protection dans votre projet de loi, et à juste titre. J'ai dit à Richard Cordray que si on n'a pas une responsabilisation solide des consommateurs, on est limité en ce qui a trait à la protection des consommateurs. Quand quelqu'un prend la décision la plus importante de sa vie, assis à la table de cuisine, sur un véhicule financier à long terme pour devenir propriétaire de maison, un véhicule de 30 ans ou quoi que ce soit, il n'y a pas de policier d'hypothèque ou d'achat de maison assis avec eux; la personne prend cette décision et d'autres décisions qui transformeront sa vie. Nous savons tous que la principale cause de divorce aux États- Unis et dans le monde développé est l'argent; j'imagine que c'est également vrai au Canada. La principale raison pour laquelle les minorités abandonnent l'université n'est pas scolaire, c'est l'argent. On est seul quand on prend ces décisions. Il faut se prendre en charge.

Nous avons créé deux stratégies d'habilitation qui sont ambitieuses — encore une fois, nous allons au-delà de la protection, de la littératie financière, des outils, et nous nous tournons vers la dignité financière, c'est-à-dire l'habilitation, pour dynamiser les gens et les encourager à reprendre leur vie en main.

Au sujet des communautés qui ont une cote de crédit de 700 et ici aux États-Unis, c'est la cote de crédit qui compte — nous avons constaté que ces encaisseurs de chèques, point de prêts sur salaire, magasins de location avec option d'acheter et les prêteurs sur biens ne sont pas racistes. Ils ne discriminent pas sciemment, ils font simplement du marketing ciblé. Ils ciblent un voisinage qui a une cote de crédit de 550, qui a certaines caractéristiques : faible niveau de littératie financière, faible niveau de Q.I. financier, faibles niveaux de bien-être, d'espoir, de participation, d'estime de soi, et cetera. Ce sont des enjeux de l'hémisphère droit du cerveau. Nous avons augmenté les cotes de crédit de 120 points en moyenne avec nos HOPE Center et nos conseils financiers au cours de 18 mois. Quand on fait passer de 550 à 670 la cote de crédit de quelqu'un, on transforme leur vie.

Nous espérons maintenant — et c'est ce que nous faisons au HOPE Financial Dignity Center au King Center à Ebenezer Church — qu'au cours des cinq prochaines années les magasins d'alcool deviendront des dépanneurs, les encaisseurs de chèques, les prêteurs sur salaire et les magasins de location avec option d'achat deviendront des coopératives de crédit et des banques grâce aux forces du marché et en utilisant la littératie financière pour aider et non pas faire de la charité. C'est l'héritage que nous croyons que Richard Cordray a pour son Consumer Financial Protection Bureau ici aux États-Unis : en fin de compte l'habilitation par le biais de la littératie financière.

La dernière chose que nous faisons est auprès des enfants. Nous avons desservi presque un million d'enfants dans des quartiers à faible revenu, 3 000 écoles et notre message pour les jeunes sur la littératie financière était le suivant, ce qui est important : ne faites pas ceci ou cela; n'allez pas à l'encaisseur de chèques. Cependant, personne ne va changer sa vie parce qu'on lui a dit ce qu'il ou qu'elle ne devrait pas faire; il faut avoir une vision pour soi-même. Nous avons maintenant un partenariat de 100 ans avec l'organisation Gallup — encore une fois, je ne vais pas vous donner les détails puisque votre temps est limité, mais je répondrai à vos questions si vous en avez — pour mesurer le bien-être, l'espoir et la participation, qui relèvent tous de l'hémisphère droit; l'énergie économique, l'hémisphère droit, et la littératie financière, l'hémisphère gauche; dans chaque école aux États-Unis. À quelle fin? Pour faire changer ces chiffres. Comment? En utilisant une stratégie d'intervention, qui comprend HOPE Business in a Box. Nous ciblons, entre maintenant et 2020, 30 millions d'enfants, de la 4e à la 12e année. C'est ce qu'il faut maîtriser, ce qu'il faut réussir pour le reste de nos vies, et les résultats seront le PIB, les emplois, les petites entreprises et l'entreprenariat. Nous allons créer des entreprises en offrant entre 50 et 500 $ lorsque nous faisons des événements de promotion à leurs écoles. Pensez à un Shark Tank pour enfants, si vous avez cette émission de télévision au Canada. Sinon, en gros, c'est un entrepreneur qui propose son idée à des juges. Nous allons prendre des jeunes et leur donner deux minutes sur l'estrade à leur école et les laisser présenter leur idée d'entreprise à des chefs d'entreprise, et nous financerons leur entreprise. Ceci va donner vie au concept de littératie financière et le transformer dans leur vie et rendre l'école attirante encore pour une génération, ce qui est un défi pour tout pays développé.

Je vais m'arrêter là. Je vous ai donné beaucoup de matière à réflexion. Je voulais vous donner le contexte pour vous montrer que ce n'est pas une question partisane; ça fait partie d'un long chemin dans l'histoire commençant avec Martin Luther King au niveau mondial des droits civils aux droits de connaissance financière. Ceci mérite l'attention du gouvernement. La démocratie était l'enjeu du XXe siècle, mais l'argent, le capital, les finances et l'entreprise sont l'enjeu du XXIe siècle. Ça touche tous les niveaux de la société, mais particulièrement la classe moyenne et ceux qui ont moins d'argent qu'eux, les gens qui sont nécessaires pour la stabilité.

Les stratégies en place, telles que vous les avez, sont essentielles. Il y a aussi les stratégies pour l'avenir qui sont nécessaires. C'est essentiellement ce qu'on pourrait appeler « l'habilitation ». Je vous ai donné quelques idées, une pour les jeunes et une pour les adultes, qui devraient vous guider. Je vous félicite de votre leadership.

La vice-présidente : Merci, monsieur Bryant, de votre exposé. Vous êtes toujours le bienvenu au Canada et à Ottawa. Nous sommes toujours ravis de vous accueillir.

Le Canada c'est presque le paradis, mais ce qui a mené à cette initiative est le fait que la dette des Canadiens représente 152 p. 100 de leur revenu. Il faut qu'on s'attaque à la question de la dette que les Canadiens contractent par rapport à leurs hypothèques, leurs voitures, leurs cartes de crédit, et cetera. Ça peut sembler paradisiaque d'avoir certaines choses, mais c'est toujours mieux d'avoir fini de les payer. Merci beaucoup de votre exposé.

Le sénateur Massicotte : Notre rôle principal au Sénat est d'examiner ce projet de loi qui a été adopté à la Chambre des communes et ensuite de voter pour ou contre. Si je comprends bien vous êtes tous pour ce projet de loi et vous n'avez aucun amendement à proposer. Est-ce exact?

M. Bryant : Oui.

M. Rabbior : Oui.

Le sénateur Massicotte : Monsieur Bryant, vous n'êtes pas Canadien. Y a-t-il quoi que ce soit dans le projet de loi qui est erroné ou qui devrait être amendé?

M. Bryant : L'orientation est bonne, comme je l'ai dit. Ma seule recommandation au comité serait de réfléchir à une phrase axée sur les aspirations ou l'habilitation des Canadiens. Il y a deux façons de faire de l'argent : gagner davantage et dépenser moins. Vous vous concentrez sur la dette, c'est bien noté, et sur la gestion des finances. Cependant, il faut aussi que vous vous concentriez sur le rêve canadien. Sinon les gens perdront espoir. On pourrait faire participer le secteur privé, la libre entreprise et d'autres pour encourager la croissance du PIB au pays et encourager les Canadiens aussi. Ce serait ma seule recommandation.

Le sénateur Massicotte : Monsieur Cheung, vous avez dit que les Canadiens n'épargnaient pas assez.

Je suis d'accord quant à la question de la littératie financière. Cependant, ça c'est l'aspect technique. C'est un peu comme perdre du poids. Tout le monde sait que l'embonpoint n'est pas bon pour la santé, pourtant une grande proportion de Canadiens font de l'embonpoint. Par rapport aux épargnes, tous les Canadiens savent qu'il est important d'épargner, donc je ne sais pas si c'est vraiment un manque de connaissance ou plutôt un manque de volonté, de vision ou d'estime de soi. Ça va au-delà de la littératie et de la compréhension. Comment faire en sorte que les Canadiens épargnent davantage?

M. Cheung : Votre analogie quant à la perte de poids est certainement bonne. C'est une analogie que j'ai déjà utilisée. Il est facile de grossir tout comme il est facile de dépenser davantage et de s'endetter. Cependant il est important d'agir; et chacun peut agir. Cela dépend entièrement de notre volonté. Si l'on veut perdre du poids ou dépenser moins ou réduire nos dettes, on peut le faire. On peut avoir les connaissances mais il faut prendre le contrôle de ses finances pour pouvoir améliorer sa situation financière.

Selon la recherche que j'ai consultée, les Canadiens se retrouvent dans des conditions financières difficiles. D'un autre côté il y a de l'espoir, puisque deux Canadiens sur cinq qui ont répondu à notre sondage ont noté une amélioration de leur situation financière. Comment ont-ils fait ça? Ils ont remboursé ou réduit leurs dettes et ont amélioré leur situation financière en général, et ils en ont appris davantage.

Bien que l'éducation en matière financière soit importante à toutes les étapes de la vie, cela commence dès la jeunesse. Lorsqu'on leur a posé la question, 50 p. 100 des jeunes ont indiqué déjà s'inquiéter de questions financières et vouloir apprendre à mieux épargner. Lorsqu'on a demandé à des adultes canadiens qui devrait enseigner cela aux jeunes, ils ont indiqué, dans l'ordre, les parents, les écoles, le gouvernement et les institutions financières. Lorsqu'on a demandé aux jeunes et aux enfants de qui ils aimeraient recevoir de l'éducation en matière de littératie financière, ils ont indiqué leurs parents, une réponse qui est arrivée de loin en tête de liste. Le problème, comme nous l'avons indiqué, c'est que les parents n'instruisent pas forcément bien leurs enfants en matière financière. Cela continue à être une sorte de sujet tabou. J'espère que nous allons continuer à accroître les ressources destinées à aider les parents à enseigner cela à leurs enfants pour qu'ils puissent mettre en pratique ces connaissances, les apprendre et les conserver en grandissant.

Le sénateur Massicotte : Madame Farrell, vous avez parlé de la nécessité de motiver, ce qui est l'aspect le plus difficile. Une solution se trouve du côté de ceux qui offrent des services, dans votre cas des services financiers. Selon moi, il y a beaucoup d'information trompeuse qui circule et des entreprises cherchent à profiter de gens qui ne s'y connaissent pas très bien en matière financière pour les inciter à acheter leurs produits. Peut-être que l'autre organe doit être plus sévère ou contraignant ou peut-être que davantage de lois sont nécessaires pour s'assurer que ces entreprises fournissent des renseignements complets dans une langue simple dans leurs présentations. Y a-t-il des commentaires là-dessus? Que fait la CVMO à cet égard?

Mme Farrell : La CVMO cherche à protéger les investisseurs. Cela s'inscrit dans notre mandat. Nous avons compris que le fait de donner plus de renseignements aux gens n'est pas une bonne chose. Madame la présidente a mentionné plus tôt le prospectus. Nous sommes conscients que pour l'investisseur au détail moyen, un prospectus est incompréhensible. Les Autorités canadiennes en valeurs mobilières ont mis en place la nécessité de donner des renseignements sur les fonds. Il s'agit d'un document présentant les éléments clés qui caractérisent un fonds mutuel que les investisseurs devraient consultés avant de prendre la décision d'investir dans un fonds. L'objectif de toutes les commissions des valeurs mobilières au pays est d'aider l'investisseur à mieux comprendre les choses afin d'investir de façon mieux éclairée. L'office de l'investisseur a aussi été créé et j'y suis depuis le mois de septembre, à tenter de mieux comprendre les besoins des investisseurs et leurs comportements afin d'adapter de façon plus efficace la réglementation et l'enseignement qui leur est destiné en fonction de leurs besoins.

M. Rabbior a mentionné plus tôt le fait de solliciter l'investisseur pour les aider à mieux comprendre le processus et à y participer davantage. Cela est nécessaire. En plus de mettre en place des règlements et de s'assurer que des mesures de protection et de divulgation adéquates sont en place, nous voulons aussi solliciter les investisseurs pour les faire participer de façon plus active à leurs prises de décisions en matière d'investissement.

[Français]

Le sénateur Maltais : Une toute petite question. On parle beaucoup d'éducation des jeunes, de la littéracie financière pour les jeunes, la classe moyenne et les personnes âgée. Personne n'a parlé de la façon dont vous allez éduquer le secteur financier. Ce dernier reçoit l'argent des jeunes. Avez-vous un programme pour éduquer les banques à bien conseiller les gens?

[Traduction]

M. Rabbior : Je ne sais pas si ce sont des renseignements confidentiels, je vais donc m'en tenir à des considérations générales. Cependant, je sais qu'une institution financière s'est donné le mandat d'accroître la littératie financière de l'ensemble de son personnel. Elle travaille sur une stratégie pluriannuelle et a lancé une enquête afin de déterminer dans quel domaine le personnel a besoin d'aide, afin de mettre sur pied un plan destiné à accroître la littératie financière dans l'ensemble de l'organisation. Je pense que ce dont vous avez parlé est reconnu par les banques. Elles doivent s'assurer de bien comprendre les choses elles aussi, surtout si elles sont le premier point de contact avec les gens. Nous espérons que cela témoigne de plus grands efforts de leur part pour accroître la littératie financière de leurs employés.

[Français]

Le sénateur Maltais : Lors de la crise financière, j'ai vu beaucoup de mes concitoyens faisant affaire avec des institutions financières reconnues dont le conseiller financier avait deux ou trois diplômes émis par les banques, et pourtant, ces gens ont perdu 40 000, 50 000 et même 100 000 $ dans leur REER. Peut-être faudrait-il non seulement éduquer les membres de la société, mais également les institutions financières.

La vice-présidente : Merci, sénateur Maltais. Je pense que nous sommes tous d'accord avec vous.

[Traduction]

La sénatrice Ringuette : Ma question sera brève. C'est en fait une demande. Je veux demander à M. Bryant de fournir au comité les différents programmes et stratégies sur lesquels vous travaillez car, à mon avis, vous faites exactement ce dont parlait M. Rabbior tout à l'heure, c'est-à-dire que vous faites ce que vous pouvez, mais la stratégie de pression a quand même ses limites dans le domaine de la littératie et de la dignité financières. Il faudrait également établir une stratégie de pression, ce que vous faites, à mon avis. Votre documentation serait la bienvenue.

M. Bryant : Je rédigerai un document afin de ne pas empiéter sur le temps précieux du comité. Je le mettrai par écrit et vous l'enverrai. Je pourrais même faire une courte présentation vidéo. Je tâcherai de faire parvenir le document au comité d'ici sept jours. Je préparerai un article sur la politique publique, un sur la collectivité et un sur l'engagement du secteur privé afin que ce soit une stratégie globale.

Je signale que ce que la jeune femme a dit à propos du secteur bancaire est une discussion distincte qui pourrait prendre à elle seule deux heures, alors je ne m'y pencherai pas.

La sénatrice Ringuette : Je suis tout à fait d'accord avec vous.

M. Bryant : Soyons clairs concernant ce que les messieurs ont dit au sujet des parents. Les parents ne répondent pas parce qu'ils ont honte. Soyons honnêtes. L'argent est une question qui suscite des émotions. La moitié de ceux dont la maison a été saisie aux États-Unis n'ont pas, jusqu'à récemment, appelé leur prêteur. Ce n'est pas que le prêteur leur a donné une mauvaise réponse. Ils n'ont tout simplement pas appelé. C'est cela, la honte. Il s'agit d'une question d'ordre financier, mais c'est surtout un enjeu qui suscite des émotions, comme a noté un des sénateurs. Notre travail avec Gallup porte sur l'économie comportementale. C'est la prochaine frontière. Il faut faire les liens si on veut susciter un changement fondamental au sein de la société. Il y a des limites à accabler les gens de règlements, comme vous venez de dire. Vous devriez le faire; c'est important de mettre en place la charpente. Toutefois, une fois la charpente érigée, il faut construire la maison. La maison, c'est ce à quoi on aspire.

La vice-présidente : On a reçu un témoin qui a dit qu'il faut avoir des mesures de prévention avant que les gens tombent malades, alors je présume que vous travaillez sur cet aspect de la question plutôt que de réparer les pots cassés après coup.

Le sénateur Tkachuk : Nous avons eu ici des discussions sur les façons de mieux informer les consommateurs lorsqu'ils obtiennent une hypothèque ou un prêt, et de rendre ces informations plus claires, mais le problème n'est-il pas en partie le cumul de règlements et de lois que nous avons? Quand on regarde les documents que les compagnies de cartes de crédit envoient à des clients potentiels, on comprend qu'elles sont en train de se protéger et d'expliquer toutes les lois imposées par le gouvernement. Ce sont des pages et des pages; il n'y a donc pas de place pour la clarté. Qu'est-ce qu'une hypothèque? Une hypothèque garantit que vous êtes assurés jusqu'au cou à cause de toutes les lois au niveau provincial et fédéral. C'est cela, une hypothèque. En ajoutant des lois, on allonge le document sans le rendre plus limpide. Ensuite, il vous faut un livre qui explique clairement ce que dit le document parce qu'il est complexe. Il ne s'agit pas simplement de dire : « Mettons toutes les choses au clair au sujet des cartes de crédit. » C'est complexe à cause de la montagne de lois régissant ces cartes de crédit.

Je ne sais pas comment nous allons nous en sortir, mais je pense que la dernière chose dont nous avons besoin, c'est d'ajouter encore plus de lois qui vont rendre un contrat d'hypothèque ou de carte visa plus complexe ou plus long. Je ne sais pas comment y arriver, mais il faut commencer quelque part parce que je suis d'accord avec vous pour dire que nous avons tous besoin de littératie financière. Ce n'est tout simplement pas si simple.

Le sénateur Massicotte : Y a-t-il une question?

Le sénateur Tkachuk : Je leur demande de commenter mes remarques sur toute cette question. C'est ce que je veux savoir.

M. Hamza : Il est clairement impossible de nier que certains de ces documents juridiques sont rédigés dans un style alambiqué. C'est en grande partie la raison pour laquelle nous voulons améliorer la littératie financière. Par exemple, quand un visiteur sur notre site web veut obtenir de l'information sur les hypothèques, on ne lui fournit pas 45 éléments d'information; on s'en tient à trois ou cinq éléments sur lesquels il doit se concentrer pour distinguer un produit d'un autre et pour comprendre les répercussions à long terme du produit, ce qui lui donnera la capacité de prévoir, grâce aux outils ou aux calculatrices, quelles seront les conséquences de sa décision.

Il faut agir en quelque sorte pour améliorer la littératie financière. À mon avis, notre rôle doit être de guider les gens car pour certains, la littératie financière fait en sorte que tout le monde en sache davantage. On peut également voir la littératie financière d'une façon complètement différente quand on a 22 ans et des prêts étudiants, quand on a 28 ans et on fait des économies en vue d'acheter une maison et de se marier, et quand on a 35 ans et on a des enfants. Dans chacun de ces cas, le rôle de la littératie financière est de faire dissiper le brouillard autour d'un sujet complexe que l'on ne comprend pas assez bien pour saisir. Il s'agit de donner aux gens de l'information d'une façon claire et compréhensible, ce qui leur permet d'être nettement mieux informés afin de prendre de meilleures décisions.

Bien entendu, nous n'avons pas le mandat de changer le contrat de carte de crédit, mais en ce qui concerne la littératie financière, notre rôle est essentiellement de guider celui qui doit prendre la décision.

M. Rabbior : Rapidement, on dit souvent que le monde financier est complexe de nos jours. Pour faire suite à ce qu'a dit M. Hamza, cela fait ressortir l'un des rôles que nous devons assumer en tant que leader. En voulant améliorer la littératie financière, nous nous apercevons que les autres n'ont pas besoin de tout savoir. À mon avis, le leader pourrait demander ce que les autres ont besoin de savoir afin de tout mettre en contexte. Si nous accablons les gens avec ce que nous pensons qu'ils ont besoin de savoir, ils ne vont rien apprendre. Trop d'information nuit à l'action. Nous devons rendre l'information gérable. Il ne s'agit pas seulement de leur besoin de savoir, mais également de la nécessité de leur fournir les questions qu'ils doivent poser pour se protéger. Si nous rendons l'information plus gérable et que nous leur disons, « Assurez-vous de poser ces questions », c'est le mieux que nous puissions faire.

Le sénateur Tkachuk : Merci. C'était une bonne réponse.

La vice-présidente : Monsieur Bryant, puisque vous ne venez pas souvent au Canada, avez-vous un dernier conseil à nous donner?

M. Bryant : Premièrement, je vous félicite d'avoir agi ainsi. Ce n'est pas la fin; c'est le début. Cette crise économique mondiale changera le cours des choses. Rien ne sera plus jamais pareil. Je ne veux pas que vous pensiez que vous travaillez seulement sur un petit programme marginal. Aux États-Unis, 26 millions de personnes n'avaient pas le droit de vote en 1962. Aujourd'hui, 40 millions de personnes n'ont pas de compte de banque. Il y a plus de gens qui n'ont pas de compte de banque de nos jours que de gens qui n'avaient pas le droit de vote dans le pays le plus riche du monde dans le passé. La Grèce n'est pas aux prises avec des problèmes de droit de vote ou d'autres problèmes de ce genre; le pays a un problème de dette. Il est au bord de la faillite. Il n'a pas de PIB. L'Europe est confrontée au même problème. Il en va de même pour l'Afrique. Nous sommes aux prises avec le même problème et, tout compte fait, vous également.

Il vous faudra être audacieux devant cette situation. Ne soyez pas dur envers vous-même parce que vous n'avez pas la solution ultime. Il s'agit d'un pas dans la bonne direction, mais c'est un processus. C'est un marathon, pas une course de 100 mètres. Je vous appuie entièrement. Vous siégez à un moment décisif de l'histoire.

Martin Luther King est vénéré comme chef du mouvement de la défense des droits de la personne, et à juste titre. Les gens ne savent pas que son père, Martin Luther King, a siégé au conseil d'administration d'une banque pendant 40 ans. Il y a siégé alors qu'il était l'un des pasteurs de l'Ebenezer Baptist Church, et les membres ont discuté du rôle de la libre entreprise et du capitalisme. Martin Luther King fils, qui avait un doctorat, était très bien vêtu, mais c'est son père qui lui avait acheté ses vêtements. C'est son père qui a payé pour ses études, son doctorat, sa caution pour le sortir de prison et les impôts sur l'argent reçu avec le prix Nobel de la paix qu'il a offert en don. Je m'en vais en Norvège cette semaine pour faire un discours là-bas.

Les gens ne sont pas conscients qu'avec les droits de la personne, on ne peut pas faire prospérer quoi que ce soit sans un sens aigu des affaires et sans stabilité financière. Ces différents aspects peuvent coexister. Ils ne s'excluent pas. Cependant, il faut des visionnaires comme vous pour que le train ne déraille pas, pour que les entrepreneurs puissent prospérer, pour que les familles puissent jouir d'une stabilité et que les Canadiens soient en sécurité. Que Dieu vous bénisse.

La vice-présidente : Merci aux sénateurs et aux témoins. Je pense que c'était instructif. Un projet de loi est effectivement à l'étude, mais en même temps, tout ce qui a été dit sera consigné au compte rendu. Le nouveau dirigeant pourra profiter de tous ces renseignements. Merci beaucoup.

(La séance est levée.)


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