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BANC - Comité permanent

Banques, commerce et économie

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Banques et du commerce

Fascicule 33 - Témoignages du 1er mai 2013


OTTAWA, le mercredi 1er mai 2013

Le Comité sénatorial permanent des banques et du commerce, auquel a été renvoyé le projet de loi S-17, Loi mettant en œuvre des conventions, des protocoles, des accords, un avenant et une convention complémentaire conclus entre le Canada et la Namibie, la Serbie, la Pologne, Hong Kong, le Luxembourg et la Suisse en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion fiscale en matière d'impôts, se réunit aujourd'hui, à 16 h 19, pour étudier le projet de loi.

Le sénateur Irving Gerstein (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Bonjour, et bienvenue au Comité sénatorial permanent des banques et du commerce.

Cet après-midi, le comité poursuivra son étude du projet de loi S-17, la Loi de 2013 pour la mise en œuvre de conventions fiscales. L'objectif du texte est de mettre en œuvre quatre traités fiscaux récemment conclus par le Canada avec la Namibie, la Serbie, la Pologne et Hong Kong. Il met également en œuvre des modifications visant les dispositions portant sur l'échange de renseignements des traités fiscaux conclus avec le Luxembourg et la Suisse.

Nous avons déjà entendu le témoignage des représentants du ministère des Finances et de l'Agence du revenu du Canada, qui ont abordé respectivement l'élaboration des politiques et la mise en œuvre des traités fiscaux.

Nous sommes heureux d'accueillir aujourd'hui Cyndee Todgham Cherniak, avocate-conseil chez LexSage Professional Corporation, ainsi que Nick Pantaleo, partenaire chez PricewaterhouseCoopers LLP. C'est aussi avec plaisir que nous souhaitons la bienvenue à Jack Mintz, directeur et titulaire de la chaire Palmer en politique publique à l'École de politique publique de l'Université de Calgary, qui se joint à nous par vidéoconférence.

Monsieur Mintz, nous serions ravis de vous entendre prononcer quelques mots d'ouverture; vous pourrez même en dire plus que quelques-uns.

Jack Mintz, directeur et titulaire de la chaire Palmer en politique publique, École de politique publique de l'Université de Calgary : Merci beaucoup. C'est un plaisir de me joindre à vous à distance, depuis Calgary.

Normalement, lorsqu'on nous demande de parler de quatre traités bilatéraux, comme ceux que le Canada a conclus avec la Namibie, la Serbie, la Pologne et Hong Kong, on se demande un peu pourquoi en faire une étude aussi approfondie. Mais de nos jours, on s'intéresse au plus haut point aux questions entourant l'imposition des revenus de source étrangère et aux politiques gouvernementales que le Canada devrait adopter à cet égard, d'autant plus que les personnes possédant un compte à l'étranger suscitent l'intérêt, tout comme certaines questions qui reviennent souvent à propos d'entreprises qui placent leur argent à l'étranger sans payer d'impôts au Canada.

Je vais commencer par en parler un peu, après quoi je serai ravi de répondre à toute question sur le sujet, pendant la discussion.

Permettez-moi de commencer par un renseignement très général. Il est très important d'établir une distinction entre fraude fiscale et évitement fiscal. En fait, on parle de fraude fiscale lorsqu'un individu déclare des revenus inexacts ou incomplets pour éviter de payer de l'impôt. C'est illégal, et l'individu s'expose ainsi à des sanctions pénales ou civiles. Il s'agit donc d'un type de problème bien spécifique qu'il faut aborder.

Ce concept fait naturellement couler beaucoup d'encre, et on peut constater dans la presse que d'aucuns se demandent si les détenteurs de comptes à l'étranger versent bel et bien de l'impôt au gouvernement canadien sur cet argent qui devrait être déclaré dans leur revenu personnel ou de société, le cas échéant.

Par ailleurs, l'évitement fiscal est un enjeu différent. Il s'agit de trouver des façons bien légales de ne pas payer d'impôt en modifiant son comportement dans le but d'obtenir une réduction fiscale. Les économistes parlent souvent des effets comportementaux des impôts. Dans une certaine mesure, chaque décision influencée par l'imposition constitue un évitement fiscal. Par exemple, si la bière est plus taxée que le vin, les consommateurs boiront plus de vin que de bière. Il s'agit pratiquement d'une forme d'évitement fiscal.

À l'échelle internationale, on parle naturellement d'évitement fiscal lorsque des entreprises ou des particuliers décident de transférer leurs revenus d'un pays à un autre, à savoir d'une nation fortement imposée à une qui l'est moins, dans le but de payer moins d'impôt ou de se soustraire partiellement à l'impôt. Ce pourrait être parfaitement légal et faire l'objet d'une politique gouvernementale qui comprend le phénomène, le tolère et l'encourage même, mais cela n'a rien à voir avec la fraude fiscale.

Les traités bilatéraux comme les quatre qui sont à l'étude poursuivent deux objectifs. Le premier est d'éviter la double imposition du revenu, ce qui peut arriver si deux pays veulent imposer le même revenu en y appliquant un taux différent. Dans la plupart des traités, un des pays peut créditer l'impôt qu'un résident a versé à l'étranger du montant qu'il aurait normalement prélevé sur ce revenu gagné à l'étranger. Sinon, les traités prévoient un régime d'exemption permettant à un résident qui a gagné un revenu à l'étranger, disons, de ne pas verser d'impôt sur celui-ci à son pays de résidence. On présume alors que la personne a payé de l'impôt sur ce revenu au pays étranger. Voilà deux mécanismes différents qui visent à éviter la double imposition, et qui font habituellement partie des traités.

De plus, le revenu des non-résidents fait souvent l'objet de retenues d'impôts pour que le pays d'accueil puisse percevoir une partie de l'argent versé à une multinationale ou à un investisseur étranger, comme des loyers, des frais, des redevances, des intérêts ou des dividendes. Dans une telle situation, on estime encore ici que ce genre d'imposition doit être crédité de l'impôt sur le revenu que le contribuable aurait versé au gouvernement de son pays de résidence.

Voilà donc un des rôles des traités, et le deuxième porte sur l'échange de renseignements. Les traités contribuent à limiter la possibilité de fraude fiscale en permettant à un gouvernement de demander à un autre des renseignements sur un contribuable. Des mesures pourraient ensuite être prises pour contraindre l'individu en question de verser la somme qu'il doit à son pays de résidence. Il s'agit là d'un élément très important des traités fiscaux qui peut en quelque sorte contribuer à prévenir la fraude fiscale.

En ce qui concerne les quatre traités à l'étude, j'aimerais dire une dernière chose à propos de Hong Kong. J'ai écrit un article il y a 12 ans environ dans lequel je disais que le Canada devrait négocier un traité avec cet État. Le taux d'imposition du revenu est relativement faible là-bas; à l'époque, il avoisinait les 16,5 p. 100. Lorsque j'ai rédigé l'article, Hong Kong ne faisait aucune retenue d'impôt et appliquait un système de traitement du revenu très différent de bien d'autres régions du monde. Son régime d'imposition est fondé sur la provenance du revenu, qui se traduit par une dette fiscale sur le revenu à la source, mais aucune imposition des revenus de source étrangère. Hong Kong n'autorise pas non plus les déductions de source étrangère. Rien d'autre n'entre en ligne de compte.

Cependant, puisque Hong Kong ne faisait pas de retenue d'impôt, certains se demandaient pourquoi le Canada devait conclure un traité avec lui étant donné que nous ne pourrions pas négocier de retenue inférieure. Or, le traité sera des plus utiles sur le plan de l'échange de renseignements. Je disais à l'époque que c'est le genre de traité que nous devions conclure. Il réglera peut-être aussi certains problèmes qui surviennent lorsqu'on tente de déterminer la provenance d'un revenu. Les traités sur la double imposition permettent également de préciser ce qu'on entend par un établissement stable et d'établir une distinction entre divers éléments qui servent à le déterminer.

Je suis ravi de ce traité avec Hong Kong, car je pense que c'était exactement la chose à faire. Je l'appuie donc sans réserve.

Je vais m'arrêter ici, monsieur le président.

Le président : Merci beaucoup. Nous allons écouter les deux autres témoins, après quoi nous passerons aux questions. Je laisse maintenant la parole à M. Nick Pantaleo.

Nick Pantaleo, partenaire, PricewaterhouseCoopers LLP : Bonjour. Je suis comptable agréé et partenaire responsable de la mission au sein du groupe national des services fiscaux du Canada, chez PricewaterhouseCoopers. Je préside aussi le chapitre canadien de l'Association fiscale internationale. Je me suis spécialisé dans la fiscalité internationale pendant la majeure partie de mes 27 années d'expérience à titre de conseiller sur l'impôt des sociétés.

En décembre 2007, le ministre des Finances Jim Flaherty m'a désigné pour siéger au Groupe consultatif sur le régime canadien de fiscalité internationale, qui a soumis son rapport final en décembre 2008.

Je tiens à vous remercier de m'accorder le privilège de vous parler aujourd'hui du projet de loi S-17, puis de répondre à vos questions là-dessus. À l'instar de tous les traités fiscaux canadiens, les traités visés par le projet de loi s'inspirent du Modèle de convention fiscale concernant le revenu et la fortune de l'Organisation de coopération et de développement économiques, ou OCDE.

Je suis en faveur de l'adoption du projet de loi S-17, et j'appuie les efforts soutenus du gouvernement pour conclure de nouveaux traités fiscaux et accords d'échange de renseignements à des fins fiscales, ou AERF, avec nos partenaires commerciaux d'aujourd'hui et de demain. Je félicite aussi les efforts déployés pour renégocier et améliorer les traités et les AERF en place afin qu'ils reflètent mieux les normes et pratiques internationales actuelles.

Comme les honorables membres du comité le savent, le Canada est un des pays développés ayant le plus important réseau de traités fiscaux. Si mes calculs sont exacts, l'entrée en vigueur du projet de loi S-17 porterait à 93 le nombre total de traités fiscaux canadiens, en plus des 30 AERF qui sont soit en vigueur, soit signés, mais non appliqués, soit en cours de négociations.

Les traités fiscaux jouent un rôle important dans le système fiscal canadien en contribuant à uniformiser les règles du jeu pour les entreprises étrangères et canadiennes qui ont des activités commerciales sur notre territoire, et en veillant à ce que les revenus gagnés au Canada soient évalués et imposés correctement.

Comme le Groupe consultatif sur le régime canadien de fiscalité internationale l'a indiqué dans son rapport final au ministre :

[...] les conventions fiscales peuvent procurer aux investisseurs d'importants avantages fiscaux, comme des retenues d'impôt plus faibles sur des paiements transfrontaliers, une imposition moindre des gains en capital dans les pays où ces gains ont été réalisés, et des mesures dans leur pays de résidence pour éliminer la double imposition.

Les traités fiscaux permettent aussi aux gouvernements d'échanger des renseignements, de s'aider mutuellement à percevoir l'impôt et de stimuler l'investissement étranger.

De plus, un des principaux objectifs du gouvernement canadien est de bâtir des relations nouvelles et plus solides en matière de commerce et d'investissement à l'échelle internationale. Ce n'est pas surprenant, étant donné que les échanges commerciaux sont responsables de plus de 60 p. 100 de l'économie canadienne et d'un emploi canadien sur cinq. À mon avis, les traités fiscaux contribuent à la réussite de ce genre d'accords commerciaux internationaux.

Il est important que les entreprises canadiennes aient plus librement accès aux marchés étrangers, à une protection des investissements étrangers et à des mesures fiscales justes au sein des pays étrangers, plus particulièrement dans les marchés émergents d'Asie, d'Amérique du Sud, d'Europe de l'Est et d'Afrique. C'est facteurs sont essentiels à la prise de décisions et à la compétitivité des entreprises canadiennes. Si celles-ci ont accès à un plus grand nombre de marchés importants, elles pourront avoir un meilleur rendement.

Le traité avec Hong Kong est un bon exemple. Comme PricewaterhouseCoopers l'a écrit dans le mémoire prébudgétaire qu'il a présenté en 2011, où il recommandait au gouvernement de commencer à négocier un traité avec Hong Kong, l'État représente une porte d'entrée dans l'Est asiatique et une plaque tournante pour bien des entreprises canadiennes qui s'intéressent à cette région du monde. Grâce au traité fiscal avec Hong Kong, les entreprises canadiennes profiteront des mêmes occasions que leurs concurrents d'autres pays qui ont eux aussi conclu un traité fiscal avec Hong Kong. Les dispositions sur l'échange de renseignements du nouveau traité permettront au Canada de mieux appliquer son régime fiscal.

Je vous remercie infiniment, et j'ai hâte de répondre à vos questions.

Le président : Merci, monsieur Pantaleo. Madame Todgham Cherniak, vous pouvez y aller.

Cyndee Todgham Cherniak, avocate-conseil, LexSage Professional Corporation : Merci de m'avoir invitée à comparaître aujourd'hui. Je suis avocate et fondatrice de LexSage, un cabinet d'avocats spécialisé en droit sur les taxes de vente et en droit commercial international, qui a désormais pignon sur rue en plein cœur de Toronto, après 20 ans sur la rue Bay.

Je ne représente aujourd'hui aucun client. Je suis une simple avocate-fiscaliste qui se trouve à être spécialisée en commerce, directrice du Conseil commercial Canada-Chine, et à enseigner les accords de libre-échange à la faculté de droit. Le commerce est ma spécialité, et c'est l'angle que je pourrai ajouter aujourd'hui.

Le projet de loi S-17 est valable, et le Sénat devrait l'adopter.

Permettez-moi de vous présenter quelques points. Les traités fiscaux facilitent les échanges commerciaux. Ils représentent la coopération, la confiance et l'amitié entre les nations. Ils empêchent aussi la double imposition, dont M. Mintz a parlé. Ils améliorent la stabilité, la transparence, la justice, l'équité procédurale et la certitude fiscale du commerce international et des transactions à l'étranger. Les traités fiscaux sont avantageux pour les entreprises canadiennes ayant des branches, des filiales ou d'autres sociétés en activité à l'étranger. Ils sont désirables pour les particuliers, les employeurs, les directeurs d'entreprise, les étudiantes, les intervenants, et ainsi de suite.

Comme M. Mintz l'a dit, le traité fiscal entre le Canada et Hong Kong est attendu depuis longtemps. J'ai moi aussi déjà écrit à ce sujet; je me demandais pourquoi nous n'avions pas encore conclu un traité fiscal avec Hong Kong, compte tenu des activités commerciales soutenues entre le Canada et Hong Kong ou la Chine.

Le traité fiscal entre le Canada et la Pologne se fait lui aussi attendre depuis longtemps.

Une fois adopté, le projet de loi S-17 permettra la mise en œuvre de quatre nouveaux traités fiscaux, de cinq protocoles, d'un accord et d'une convention complémentaire. C'est beaucoup.

Un des traités fiscaux — celui avec la Namibie — a été signé le 25 mars 2010; c'était il y a longtemps déjà. Quant aux autres accords, ils ont été signés en 2012.

Certains de ces traités offrent de bonnes occasions aux entreprises canadiennes qui ont des activités à l'étranger. Par exemple, le traité fiscal entre le Canada et Hong Kong permet aux entreprises en activité à Hong Kong et en Chine d'économiser en Asie. Nous prenons part aux négociations sur le Partenariat transpacifique, et ce sera une plaque tournante en Asie.

Le traité fiscal entre le Canada et la Pologue est la pierre d'assise de l'accord d'échange de renseignements à des fins fiscales entre le Canada et l'Union européenne, dont les négociations sont en cours. Le Canada a déjà conclu des traités fiscaux avec d'autres pays européens.

Le traité fiscal entre le Canada et la Namibie sera avantageux pour les sociétés minières et d'exploitation pétrolière en activité là-bas.

Les quatre nouveaux traités fiscaux apportent une certitude fiscale accrue concernant les retenues d'impôt sur les dividendes et les intérêts. Il y a bien d'autres certitudes fiscales, mais je ne vais pas les énumérer.

Le projet de loi S-17 donne aussi un coup de pouce au fisc canadien. Les traités fiscaux visent à prévenir l'évitement fiscal et la fraude fiscale. Le protocole concernant les accords entre le Canada et le Luxembourg inclut des dispositions sur l'aide mutuelle, l'échange de renseignements, la collaboration et la coordination. L'Agence du revenu du Canada disposera ainsi d'un meilleur outil d'application de la loi et pourra obtenir des renseignements sur les Canadiens qui détiennent des actifs au Luxembourg et qui font des affaires là-bas. La convention complémentaire entre le Canada et la Suisse offre elle aussi un outil d'application de la loi amélioré.

Comme on l'a mentionné tout à l'heure, les quatre nouveaux traités fiscaux comportent également des dispositions sur l'échange de renseignements. Par conséquent, les entreprises canadiennes qui font affaire à l'étranger seront avantagées dans tous les cas, et tout ce qui ne tourne pas rond pourra faire l'objet d'une collaboration mutuelle entre le Canada et les autres pays.

Les négociateurs des traités fiscaux du Canada ont été fort occupés. Si vous examiniez attentivement les divers accords, vous verriez que chacun d'eux est fait sur mesure. Bien qu'ils s'inspirent du modèle de l'OCDE, ils ne sont pas identiques à tous égards. Par exemple, l'accord fiscal Canada-Hong Kong prévoit une retenue d'impôt de 0 p. 100 sur les intérêts provenant de parties qui traitent l'une avec l'autre en toute indépendance. La convention fiscale Canada- Namibie s'applique aux impôts sur le revenu du pétrole et aux impôts sur le capital. L'accord fiscal Canada-Hong Kong s'applique à tous les impôts perçus par le gouvernement de Hong Kong, la région administrative spéciale en vertu de l'Ordonnance sur l'impôt sur le revenu. La convention fiscale Canada-Serbie prévoit des dispositions visant l'exercice d'une profession indépendante et d'une profession dépendante, tandis que les trois autres accords s'appliquent aux revenus d'emplois salariés.

Dans l'accord fiscal Canada-Hong Kong, la définition d'établissement stable comprend une chaîne de montage ou d'assemblage ou les activités de surveillance s'y rattachant — ce qui est bon pour les entreprises canadiennes spécialisées, entre autres, en conception architecturale, en ingénierie structurale, en construction et en gestion de projets; certaines grandes entreprises canadiennes œuvrent dans ces domaines.

C'est avec beaucoup d'intérêt que j'ai lu ces accords fiscaux — les protocoles, les accords et les conventions complémentaires. Je les appuie à cause de ce qu'ils sont et de ce qu'ils font. Les données indiquent comment les entreprises et l'économie du Canada en tireront profit. Voter en faveur du projet de loi équivaut à offrir des possibilités aux entreprises canadiennes. Tous ces accords constituent un pas dans la bonne direction. Merci.

Le président : Merci, madame Todgham Cherniak. Merci pour vos observations. Nous allons maintenant passer aux questions.

Le sénateur Black : Merci pour ces exposés formidables monsieur Mintz et monsieur, madame les autres témoins. J'aimerais poser une question à chacun d'entre vous, si on me le permet.

Je vais commencer par mon grand ami de Calgary. Avant de parler à titre de sénateur de l'Alberta, j'aimerais vous rappeler que M. Mintz est le fondateur et le directeur de l'École de politique publique de l'Université de Calgary, qui, en très peu de temps, est devenu — je suis certain que nous en conviendrons tous — la plus importante école de politique publique du Canada. Merci beaucoup pour cela.

Vous avez abordé un point qui nous intéresse, soit la distinction que vous faites entre l'évitement fiscal et l'évasion fiscale. Je serais particulièrement intéressé d'entendre ce que vous nous recommanderiez pour que le Canada maintienne un environnement commercial ouvert et réduise le nombre d'incitations à l'évitement fiscal.

M. Mintz : Premièrement, comme vous le savez probablement déjà en raison de tout ce que j'ai dit dans le passé, pour ce qui est de l'imposition des entreprises, je crois fermement en deux principes : l'un étant la neutralité — ce qui se traduit par des niveaux d'imposition similaires pour différents types d'activités commerciales —, l'autre, le maintien de faibles taux d'imposition.

Voilà deux choses dont je parle constamment et sur lesquelles j'insiste. Je suscite donc l'indignation chez certaines personnes quand je réclame des crédits d'impôts spéciaux et des exonérations fiscales. Toutefois, je fais souvent très plaisir aux gens quand je parle en faveur de faibles taux d'imposition. Je pense que ces deux principes vont de pair.

Les principes qui s'appliquent à la fiscalité internationale sont très compliqués du fait qu'un pays donné ne contrôle pas le régime fiscal du monde entier. Quand un Canadien fait des investissements dans un autre pays, il doit payer des impôts dans ce pays comme au Canada.

Ce que nous entendons par neutralité est beaucoup plus complexe. Un aspect de la neutralité, c'est d'avoir un régime qui ne prévoit pas de plus faibles taux d'imposition pour les revenus étrangers que pour les revenus nationaux — et je parle des impôts étrangers et nationaux combinés. On ne voudrait pas que les revenus d'ailleurs soient soumis à un plus faible taux que ceux d'ici. Autrement, on encouragerait les gens à investir plus de capitaux à l'étranger, ou vice versa. Il s'agit de ce qu'on appelle le principe de la neutralité à l'égard des capitaux exportés, selon lequel les taux d'imposition sont les mêmes peu importe que les capitaux aient été investis à l'étranger ou au pays. En fait, comme je l'ai mentionné plus tôt, cela nous oblige à créer un système de crédits d'impôt.

L'autre principe, c'est ce que j'appelle la neutralité à l'égard des capitaux importés. Quand on fait entrer du capital dans un pays, celui-ci doit être soumis au même taux qui s'applique à tout autre capital, indépendamment de sa provenance. En d'autres mots, tout le monde est sur un pied d'égalité. Voilà une bonne chose du point de vue de la neutralité.

Ce qui pose problème, c'est la coexistence de tous les différents régimes. On ne pourra jamais adhérer simultanément à ces deux principes à l'échelle internationale à moins d'avoir le même taux d'imposition partout dans le monde. Certains soutiennent que nous devrions peut-être nous débarrasser des impôts déterminés en fonction de la provenance — appelés les impôts sur le revenu des sociétés — ou envisager d'autres genres de mécanismes qui permettraient d'y arriver. C'est vraiment très difficile. Par conséquent, les pays font de leur mieux sur ce plan.

Quand je dirigeais le Comité technique de la fiscalité des entreprises, il y a 14 ans, nous avons formulé des recommandations pour remédier à des problèmes que nous avions étudiés. Certaines des choses qui se font dans le monde à l'heure actuelle m'inquiètent. Il en sera question au cours de l'étude que l'OCDE mène sur l'érosion de l'assiette fiscale. Je m'inquiète beaucoup de la manière dont les régimes fiscaux fonctionnent à l'échelle internationale — je parle de l'ensemble des différents régimes dans le monde : les exonérations d'impôts poussent certains à investir à l'étranger, parce qu'il s'agit d'une bonne décision du point de vue financier. Quand on rajoute à cela des impôts générateurs de distorsion — et je parle de tous les régimes pris ensemble —, nous risquons de nous retrouver avec trop ou pas assez d'investissements transfrontaliers.

À mon avis, une certaine coopération internationale serait nécessaire pour corriger certaines des importantes distorsions qui existent sur ce plan, et le Canada devrait appuyer une telle initiative. Il est très difficile pour un pays donné d'essayer de limiter ce qu'il considère être l'érosion de son assiette fiscale.

Par exemple, je pourrais présenter des arguments convaincants prônant que le Canada limite les déductions d'intérêts applicables aux investissements à l'étranger, et cela, non pas parce que ceux-ci ne sont pas soumis au fisc canadien. À mon avis, ce n'est pas là l'argument. L'argument, c'est que certaines structures fiscales favorisent trop d'investissements, comme celles qui donnent lieu à des déductions fiscales dans les deux pays. Non seulement cela érode l'assiette fiscale du Canada et celle de l'autre pays, mais cela mène également à trop de dépenses en immobilisations. Une chose que je n'aime vraiment pas, c'est quand les taux d'imposition ont des répercussions négatives, comme celle de pouvoir se prévaloir de doubles déductions pour avoir réalisé le même gain, ou même de triples déductions, dans certains cas, si on planifie bien les choses.

Il est difficile pour le Canada d'imposer de telles limites parce que, si d'autres pays ne le font pas, cela nuit à la capacité concurrentielle des entreprises canadiennes essayant d'exercer leurs activités dans un autre pays. Cela compromet la neutralité à l'égard des capitaux importés et l'égalité des chances. Voilà un bon exemple de problème pour lequel il est difficile de susciter la coopération des autres pays. Toutefois, je ne vois pas d'autre solution, car lorsqu'un pays essaie de régler le problème tout seul, ses entreprises sont défavorisées. Par conséquent, si vous souhaitez réduire l'évitement fiscal dans ce domaine, il se pourrait que la coopération internationale soit la seule façon d'établir des limites à cet égard. Certains pays ont mis en place des règles plus rigoureuses — comme les États-Unis, qui ont imposé des règles de répartition des intérêts —, mais en général, beaucoup ne le font pas. Dès lors, c'est difficile.

Le sénateur Black : Cela semble effectivement difficile. Je vous remercie.

La sénatrice Ringuette : Ma question s'adresse à vous trois. Elle vous paraîtra peut-être simpliste compte tenu de votre expertise, mais comme vous avez tous les trois signalé l'importance des conventions fiscales dans le secteur commercial, je me demande pourquoi ces conventions ne pourraient pas être négociées en même temps que les accords commerciaux.

Mme Todgham Cherniak : En 2007, je me suis penchée sur plus de 125 accords de libre-échange et j'ai rédigé un rapport à ce sujet pour le compte de la Banque asiatique de développement. Il n'existait pas d'accords semblables avant 2007. J'ai continué depuis à prendre connaissance de différents accords de libre-échange, et je peux vous confirmer que ce n'est pas pratique courante. Cela s'explique notamment du fait que ce mécanisme n'a jamais été utilisé à cette fin, pas plus par nos partenaires commerciaux que par nous-mêmes.

Il faut aussi considérer que chaque pays a ses propres conventions fiscales internationales et qu'il existe un modèle de l'OCDE en la matière. C'est donc le mécanisme qui est utilisé plus souvent qu'autrement pour la négociation des conventions fiscales.

M. Pantaleo : Comme le titre de ces conventions l'indique, elles visent à éviter les doubles impositions, à assurer la conformité et à éradiquer l'évasion fiscale. Étant donné que ces conventions existent depuis beaucoup plus longtemps que les ententes commerciales, un phénomène plus récent, on a sans doute simplement poursuivi la tradition en menant les deux processus séparément. Je conviens avec vous que ce n'est peut-être pas la façon d'optimiser l'efficience, mais les décideurs vous diraient sans doute qu'il est plus facile de mener ces négociations isolément, compte tenu notamment des ressources limitées et des contraintes de temps. Il va de soi qu'il y a tout lieu de préconiser une mise en œuvre rapide de certaines de ces conventions lorsque des accords commerciaux sont également envisagés, car les deux vont de pair.

M. Mintz : Je crois qu'il y a une raison plus fondamentale qui explique cette séparation des négociations commerciales et fiscales, et elle est valable pour tous les pays. C'est généralement un ministère, celui des Affaires étrangères, qui négocie les accords commerciaux et un autre, celui des Finances, qui s'occupe des conventions fiscales.

Cette distinction mise à part, les gouvernements ont tendance à défendre jalousement leur souveraineté fiscale, notamment en raison des importants enjeux nationaux que soulèvent les questions fiscales et le financement des services publics. C'est l'une des raisons pour lesquelles les gouvernements sont généralement peu enclins à négocier des ententes commerciales qui comprennent également des dispositions fiscales. Ils préfèrent ne pas mélanger ces deux choses.

Pour vous donner une meilleure idée, je me rappelle d'une situation qui se serait prêtée parfaitement à la signature d'une convention fiscale multilatérale avec le Canada lorsque je participais il y a plusieurs années à certains pourparlers relativement à l'accord de libre-échange Canada-Europe. Différents problèmes se sont posés en raison du manque de coordination associé à différents traités bilatéraux qui auraient désavantagé les entreprises canadiennes actives en Europe. Ces entreprises auraient en effet dû composer avec certaines situations tout à fait particulières impliquant des retenues fiscales et différentes autres difficultés attribuables à ce manque de coordination. J'ai effectivement essayé d'intégrer quelques-unes de ces questions fiscales aux pourparlers sur le libre-échange avec l'Europe, mais c'était peine perdue, car chaque pays réagissait sur-le-champ en affirmant sa souveraineté à l'égard de son propre régime fiscal et sa volonté d'en discuter uniquement dans le cadre de négociations bilatérales.

C'est un problème endémique sur lequel nous devrons un jour ou l'autre nous pencher. Dans les négociations d'accords de libre-échange, les considérations fiscales interviennent lorsqu'il est question de subventions, car elles sont parfois associées à ce qu'on appelle les exemptions fiscales.

La sénatrice Ringuette : J'ai une brève question supplémentaire. M. Mintz, vous avez parlé de l'Union européenne. Je suppose que bon nombre des pays de l'Union européenne ont conclu entre eux des conventions fiscales qui pourraient, considérées dans leur ensemble, faire partie intégrante de l'accord de libre-échange avec le Canada, sans empiéter sur l'autorité en matière fiscale exercée par chacun de ces pays. J'essaie simplement de voir comment nous pourrions simplifier le processus et nous montrer plus efficients. C'est un peu ridicule que nous passions tout ce temps à négocier un accord de libre-échange avec l'Union européenne sans en profiter pour aborder les questions de fiscalité. Après tout, d'importants efforts sont déployés pour intensifier les échanges commerciaux et ceux-ci sont étroitement reliés aux conventions fiscales. Si l'on fait abstraction des retards dans le processus et des chasses gardées des ministères des Affaires étrangères et des Finances, ne serait-il pas préférable, pour le plus grand bien du milieu des affaires, de ne pas attendre qu'un accord commercial soit conclu avant d'entamer la négociation d'une convention fiscale?

M. Mintz : J'en conviens, mais permettez-moi de faire intervenir un autre facteur. Les conventions fiscales bilatérales en vigueur mettent en fait l'accent sur deux éléments : l'impôt sur le revenu et les retenues d'impôt pour les non-résidents. Il y aurait pourtant bien d'autres enjeux à considérer quant aux ponctions fiscales des gouvernements. Pour vous donner un autre exemple dans le contexte des négociations Europe-Canada, les contributions à la sécurité sociale, les retenues pour l'assurance maladie et toutes les autres cotisations sociales ne sont pas prises en compte. S'il est vrai que ces cotisations peuvent être à l'origine de difficultés importantes, notamment lorsqu'elles touchent des travailleurs actifs dans deux pays, il n'existe aucun moyen de négocier ou de prévoir une forme quelconque d'exemption en pareil cas. Plusieurs entreprises m'ont d'ailleurs souligné cette problématique.

Nous sommes donc confrontés à différentes restrictions, et il serait bon que nous nous y intéressions davantage à l'avenir.

[Français]

Le sénateur Maltais : Ma question s'adresse à Mme Todgham Cherniak.

Dans un premier temps, je voudrais vous féliciter. Vous devez être une très bonne enseignante parce que, étant à proximité de vous, je vois que vous avez pris toutes vos notes à la main et que vous êtes bien structurée.

On sait que Hong Kong est le plus grand centre financier de l'Asie et que plusieurs entreprises canadiennes s'y sont installées; cependant, ce n'est qu'un port de pénétration vers l'Asie. Comment allons-nous fait la part des choses avec Beijing et Shanghai, par exemple, et d'autres pays près de l'Asie? Les Canadiens installés à Hong Kong peuvent-ils faire des affaires dans toutes ces villes? La Chine est très peuplée et les entreprises canadiennes, à juste droit, veulent faire des affaires dans les différentes villes de la Chine et dans les pays qui sont à proximité. Pourquoi ne pas signer un traité avec la Chine au lieu de Hong Kong?

[Traduction]

Mme Todgham Cherniak : Pour être bien franche avec vous, j'ignore si nous avons déjà une convention avec la Chine. Je croyais en fait que c'était le cas.

[Français]

Le sénateur Maltais : Si on a un traité avec la Chine, Hong Kong en fait partie, si je ne me trompe pas? Hong Kong est complètement séparée de la Chine au niveau financier?

[Traduction]

Mme Todgham Cherniak : À bien des égards, Hong Kong est considérée comme une entité distincte de la Chine, même si le Canada a pour politique de ne reconnaître qu'une seule Chine. À titre d'exemple, la Chine, Hong Kong et même le Taipei chinois sont des membres distincts de l'OMC. Malgré cette politique d'une seule Chine pour le Canada, il y a certaines choses qui sont fusionnées et d'autres qui sont séparées lorsqu'il est question de la Chine et de Hong Kong.

Je voudrais aussi souligner que la Chine a sa propre convention fiscale en plus d'un accord de libre-échange. L'un de ses premiers accords de la sorte a été conclu avec Hong Kong lorsqu'elle a intégré à la Chine. Dans le cadre des relations du Canada avec Hong Kong, une société de portefeuille installée là-bas peut commencer à faire des affaires en Chine où ces activités sont assujetties à la convention fiscale intervenue entre la Chine et Hong Kong. Il peut devenir alors un peu difficile, compte tenu de l'absence de retenues d'impôt, de rapatrier les sommes dues de Hong Kong vers le Canada.

Le président : Je crois que M. Pantaleo a quelque chose à ajouter.

M. Pantaleo : Je veux simplement confirmer que Hong Kong administre son propre régime fiscal. Hong Kong a effectivement conclu une convention fiscale avec la Chine, et il existe aussi depuis plusieurs années un traité fiscal qui lie le Canada et la Chine. En fait, nous sommes en train de renégocier ce traité-là.

[Français]

Le sénateur Maltais : Pouvez-vous nous assurer que la Chine va respecter les ententes signées avec Hong Kong?

[Traduction]

M. Pantaleo : Ce n'est pas moi qui pourrais vous l'assurer.

Mme Todgham Cherniak : Je ne vais pas me risquer à avancer une telle chose.

[Français]

Le sénateur Maltais : Si on veut signer une entente, une convention avec la Pologne, j'ai bien compris qu'on la signait avec le pays, la Pologne, et non pas avec une ville quelconque de la Pologne. Ce qui s'applique en Pologne ne s'applique pas en Chine? Expliquez-moi cela.

[Traduction]

M. Pantaleo : Je crois que nous avons une convention en vigueur avec la Pologne. Il s'agit donc ici d'une mise à jour de cette convention existante de telle sorte qu'elle soit davantage conforme aux normes internationales actuelles et tienne compte des modifications apportées à la convention fiscale modèle de l'OCDE.

Le président : Merci. Monsieur Mintz, vous aviez quelque chose à ajouter?

M. Mintz : J'aimerais peut-être apporter rapidement une précision. Hong Kong est reconnue par le gouvernement chinois comme une région administrative particulière. Cela s'inscrit dans l'entente intervenue lorsque Hong Kong a obtenu son indépendance de la Grande-Bretagne pour intégrer la Chine. Ainsi, Hong Kong peut avoir son gouvernement quasi indépendant, conclure ses propres traités et fonctionner plus ou moins comme elle le faisait avant 1997. C'est donc pour cette raison que Hong Kong a son propre réseau de conventions fiscales.

Le président : Merci, monsieur Mintz.

[Français]

Le sénateur Maltais : Monsieur le président, si vous me permettez, personne n'a répondu à ma première question. Comment allez-vous suivre les entreprises canadiennes qui s'installent à Hong Kong et qui s'en vont dans les grandes villes chinoises? Comment le Canada va-t-il récupérer ses droits fiscaux et ses impôts dans une telle situation? Comme vous venez de le dire, on va se retrouver à Shanghai et ailleurs. Comment est-ce que cela va fonctionner pour rapporter l'argent à Ottawa? Trouvez-moi le chemin.

[Traduction]

M. Pantaleo : Comme je l'indiquais, il y a une convention en vigueur entre le Canada et la Chine qui permet notamment la répartition des revenus fiscaux entre les deux pays. Lorsque des entreprises canadiennes réalisent des recettes en Chine, c'est ce pays qui est l'autorité principale en matière fiscale. Le traité permet entre autres de s'assurer que les droits des entreprises canadiennes sont respectés dans les deux pays.

[Français]

La sénatrice Hervieux-Payette : Premièrement, je vous souhaite la bienvenue. Je crois que nous sommes tous d'accord qu'il est bon que ce projet de loi ne soit pas beaucoup contesté.

J'aimerais savoir en vertu de quoi les autorités fiscales américaines auraient voulu taxer des Canadiens nés aux États-Unis et qui résident de façon permanente au Canada. Rien n'empêche ce genre de recours dans nos accords.

Récemment, la Grande-Bretagne s'est mise à poursuivre des compagnies comme Starbucks, qui ne payaient pas de taxes au Royaume-Uni, parce qu'ils envoyaient tous leurs profits dans un paradis fiscal. Avons-nous des protections contre ce genre de situation? Quand Starbucks développe un réseau de restaurants au Canada, on veut non seulement qu'ils n'engagent pas d'employés étrangers, mais aussi qu'ils paient des taxes. Comment fait-on pour nous assurer que ces compagnies étrangères paient leurs taxes? Ce matin, on apprenait qu'un montant de 29 milliards de dollars en taxes n'a pas été payé au Canada. Il doit bien y avoir quelqu'un, quelque part, qui ne paie pas de taxes.

[Traduction]

Le président : Avez-vous adressé votre question à quelqu'un en particulier?

La sénatrice Hervieux-Payette : C'est à qui voudra bien y répondre.

M. Mintz : Vous soulevez des questions qui ont une grande importance stratégique. Cela revient à ce que je disais tout à l'heure au sujet de la distinction à faire entre évasion fiscale et évitement fiscal pour bien comprendre de quoi il en retourne.

S'il s'agit d'une affaire d'évasion fiscale où quelqu'un ne déclare pas un revenu au titre duquel il devrait être imposé, les conventions peuvent être utiles du fait qu'elles permettent l'échange de renseignements, ce qui est vraiment important.

S'il est question d'évitement fiscal, par exemple lorsqu'une entreprise ne paie pas les impôts qu'elle doit à un pays, comme dans le cas de Starbucks, c'est relié à un important aspect de la politique fiscale, ce qui devient très complexe. Cela fait intervenir notamment les règles sur les prix de transfert auxquelles bon nombre de pays ont déjà adhéré. Je ne parlerais pas nécessairement d'opacité, mais c'est complexe à bien des égards. Les règles en vigueur permettent le transfert de revenus considérables d'un pays vers un autre. Par exemple, si une entreprise veut transférer ses droits de propriété intellectuelle à une filiale établie à l'étranger, il lui est facile de le faire en vertu des règles en vigueur et de faire passer ainsi ses revenus d'un pays à l'autre. Il existe ainsi différents stratagèmes assez intéressants qui permettent aux entreprises de transférer leurs revenus vers des pays à faible taux d'imposition.

Au Canada, nous avons décidé, et je dois admettre que je suis tout à fait d'accord, de réduire le taux d'imposition des sociétés pour prévenir en partie cette forme d'érosion fiscale qui sévit à l'échelle internationale. Bien avant l'an 2000 alors que le Canada avait l'un des taux d'imposition des sociétés les plus élevés de l'OCDE, je préconisais vivement une réforme en profondeur de notre régime en la matière. Je souhaitais en effet que nous réduisions leur taux d'imposition tout en élargissant notre assiette fiscale pour que le Canada puisse offrir un régime plus concurrentiel. Au cours des 13 années qui ont suivi l'an 2000, les libéraux et les conservateurs qui se sont succédé aux commandes du pays ont été en mesure de réaliser des progrès considérables en la matière. Cependant, malgré une réduction importante du taux d'imposition des sociétés qui est passé de 43 p. 100 en 2000 à un peu plus de 26 p. 100 aujourd'hui, l'impôt des sociétés en pourcentage du PIB est demeuré à peu près inchangé au cours des 10 dernières années. Comme je l'ai démontré dans un document récent, cette situation était attribuable au transfert au Canada de bénéfices en provenance de partout dans le monde. Les politiques semblables contribuent à améliorer les choses. Il sera maintenant important de voir s'il convient d'en faire davantage, notamment au chapitre des règles sur les prix de transfert et du traitement des déductions au titre des frais généraux et des intérêts. Ces questions vont toutefois au-delà de la portée des conventions fiscales. Elles concernent surtout la manière dont nous définissons et élaborons nos règles fiscales au pays.

Le président : Y a-t-il d'autres observations?

M. Pantaleo : Je voulais essayer de répondre à la première partie de votre question, sénatrice, car je crois que vous abordez un enjeu qui émerge depuis quelques mois, à savoir la volonté de l'administration américaine de contrer l'évasion fiscale dont elle s'estime victime.

Comme c'est presque toujours le cas, le contexte est un peu différent aux États-Unis. Les gens y sont imposés en fonction de leur citoyenneté. Ainsi, certains Canadiens ont récemment découvert qu'ils avaient la citoyenneté américaine ou la double nationalité du fait de leur naissance aux États-Unis pendant que leurs parents y étaient en vacances ou pour quelque autre motif. Ces gens-là se retrouvent pris dans les mailles du filet tendu par les Américains qui demandent aux institutions financières étrangères de leur fournir des renseignements sur les citoyens américains qui résident sur place, c'est-à-dire au Canada dans le cas qui nous intéresse.

C'est le Canada qui compte sans doute le plus grand nombre d'expatriés américains; je crois qu'il y en a environ un million. Comme vous pouvez sans doute vous l'imaginer, ce fut la consternation pour les Canadiens touchés. La plupart d'entre eux ne sont pas coupables d'évasion fiscale. Si certains n'ont jamais rempli de déclaration d'impôt aux États-Unis, c'est sans doute parce qu'ils ne savaient pas qu'ils devaient le faire. Il se peut fort bien qu'ils n'aient aucun impôt à payer aux États-Unis, car leur qualité de résident canadien fait en sorte, en vertu de la convention, que nous conservons la principale autorité en matière fiscale à l'égard de leur revenu au Canada. S'ils sont tout de même assujettis à l'impôt américain, les États-Unis pourraient leur accorder un crédit au titre de l'impôt déjà payé au Canada.

Tout cela étant dit, la nouvelle loi américaine, la FATCA comme on l'appelle, demeure problématique du fait qu'elle exige tout de même la production de déclarations et qu'elle prévoit des pénalités plutôt sévères. Selon ce que j'ai pu apprendre des responsables du ministère des Finances, il y a une ferme volonté, notamment de la part du ministre, d'en arriver à une entente avec les États-Unis quant à la façon dont tout cela sera administré.

Les États-Unis ont signé des accords intergouvernementaux avec d'autres pays pour faciliter l'application de cette loi. Si on fait abstraction du fardeau administratif et des coûts élevés pour les institutions financières qui doivent mettre en œuvre les systèmes nécessaires pour assurer un suivi adéquat des personnes visées, on peut noter parmi les aspects positifs que cette loi a mis en lumière la nécessité de faire en sorte que les échanges d'information deviennent automatiques, plutôt que de se faire uniquement sur demande. En effet, en vertu de la convention modèle de l'OCDE, l'ARC doit présenter une demande à l'autorité étrangère lorsqu'elle souhaite obtenir de l'information sur un contribuable dans certaines circonstances. La FATCA rendra ces échanges automatiques, comme de nombreux critiques l'ont préconisé. Lorsqu'un autre pays disposera de renseignements fiscaux qui devraient être portés à la connaissance de l'ARC, il les lui transmettra automatiquement.

C'est ce que recommandent vivement le G20 et l'OCDE, et c'est sans doute la prochaine étape dans l'amélioration des processus d'échange d'information.

Le sénateur Massicotte : Merci de votre présence aujourd'hui. Tout cela nous est évidemment extrêmement utile.

Monsieur Pantaleo, dois-je comprendre que vous êtes fiscaliste?

M. Pantaleo : Oui.

Le sénateur Massicotte : Je m'intéresse à l'évasion fiscale, plutôt qu'à l'évitement fiscal. Je m'inquiète surtout du fait que la convention proposée avec la Suisse est très précise relativement aux renseignements qui seront transmis, et qu'il nous faut donc exprimer très clairement nos besoins. Contrairement à la plupart des autres conventions qui misent davantage sur un échange libre de l'information, le traité avec la Suisse établit des limites très précises et ne permet pas de spéculer quant à l'identité du propriétaire d'un compte. Les Suisses ne répondront qu'à des questions bien identifiées.

Est-ce que cela vous gêne? Est-ce suffisant pour répondre à nos besoins? La Suisse affirme qu'elle ouvre ses livres, mais elle le fait uniquement au moyen de procédures et de méthodes très strictes. Est-ce suffisant pour nous?

M. Pantaleo : Nous pourrions soutenir que ce n'est pas assez, mais nous pouvons également faire valoir, comme je viens tout juste de le faire, que nous cheminons dans la bonne direction en faveur d'échanges de renseignements qui deviendront plus automatiques. Parmi les contraintes imposées par les dispositions actuelles telles qu'établies par la convention modèle, notons le fait qu'elles ne permettent pas à un pays, en l'occurrence le Canada vis-à-vis la Suisse, de chercher au hasard des informations. Beaucoup de gens y voient une restriction importante, d'autant plus que certains pays, dont la Suisse, le Luxembourg et l'Autriche, ont depuis toujours des lois sur le secret bancaire qui leur servent selon certains de boucliers. Ils ont les mains liées par ces lois nationales lorsque vient le temps d'échanger de l'information.

Je présume que les changements apportés aux conventions avec le Luxembourg et avec la Suisse visaient à refléter certaines modifications récentes à la convention modèle qui ont élargi le cadre d'application des traités en vigueur. Quoi qu'il en soit, je crois que nous avons déjà amorcé notre progression vers le niveau suivant où les renseignements pourront être échangés de façon plus automatique. Ainsi, la Suisse, le Luxembourg et l'Autriche ont fait savoir récemment qu'ils allaient se conformer aux normes internationales. Il s'agit seulement pour ces pays de faire le nécessaire au chapitre de leurs lois nationales.

Le sénateur Massicotte : Cette semaine, le Luxembourg a annoncé une ouverture, mais pas avant 2015. D'après ce que m'ont dit les gens de l'ARC, s'il est question de blanchiment d'argent, même dans une volonté d'évasion fiscale — bien des gens blanchissent de l'argent pour échapper au fisc — l'autre pays n'a aucune obligation de signaler le tout en vertu des conventions en vigueur. Chacun doit fournir de l'information seulement au sujet des cas d'évasion fiscale, et non de blanchiment d'argent.

La GRC nous indique que le blanchiment d'argent se chiffre à hauteur de 15 à 25 millions de dollars par année, ce qui signifie sans doute qu'il atteint entre 15 et 100 millions de dollars. N'est-ce pas tout un magot que nous sommes en train de laisser s'envoler? Il est peut-être agréable de pouvoir se convaincre que c'est suffisant, mais sommes-nous vraiment prêts à aller de l'avant avec ce processus?

M. Pantaleo : Il y a deux choses à souligner, et M. Mintz y a fait allusion. Les conventions sont assez restrictives dans leur application. Elles ne couvrent pas toutes les taxes, elles ne vont jamais aussi loin que ce que vous dites. Il y a d'autres accords multilatéraux qui ont été signés, dont la Convention multilatérale concernant l'assistance administrative mutuelle en matière fiscale. Le Canada l'a signée en 2004, mais nous ne l'avons pas encore ratifiée. Je pense que c'est à cause d'un accroc technique dans nos règles fiscales. Le gouvernement doit avoir le droit d'adhérer à des accords multilatéraux. Il a le pouvoir de signer des accords bilatéraux, mais pas celui de signer des accords multilatéraux en matière fiscale.

Cette convention est multilatérale : de 50 à 60 pays l'ont signée, et elle prévoit l'échange d'information sur des questions fiscales allant au-delà de l'impôt sur le revenu. Cela englobe toutes sortes d'autres taxes et impôts. Est-ce qu'elle va permettre de régler tous les problèmes que vous soulevez relativement au blanchiment d'argent, je n'en suis pas certain. C'est le genre d'enjeu qui pourrait nécessiter d'autres accords.

Le sénateur Massicotte : Monsieur Mintz, avez-vous des choses à dire sur cette question?

M. Mintz : M. Pantaleo vous a très bien répondu. Nous partageons son point de vue sur ces questions.

Le sénateur Patterson : Nous avons beaucoup de chance de recevoir des témoins de votre calibre. Je crois que vous convenez tous de l'importance de la convention fiscale avec Hong Kong.

Madame Todgham Cherniak, je crois que vous avez dit qu'il était essentiel de signer une convention fiscale avec Hong Kong pour aider les entreprises canadiennes qui essaient de percer le marché chinois. Vous avez dit, je crois, que cette convention rendrait les transactions de la Chine vers Hong Kong puis vers le Canada beaucoup plus simples. Pouvez-vous nous expliquer un peu comment cette convention va nous aider, s'il vous plaît?

Mme Todgham Cherniak : Oui. Je ne dirais pas qu'elle est essentielle, mais ce peut être un outil utile. Beaucoup d'entreprises canadiennes font déjà des affaires à Hong Kong et en Chine. Cette convention fiscale n'a pas encore été signée et elle ne sera pas mise en œuvre immédiatement à l'entrée en vigueur de la loi.

Cela dit, elle va être utile parce qu'il est difficile de faire sortir de l'argent de la Chine. Quand les entreprises canadiennes font des affaires en Chine, l'argent reste en Chine et y est réinvesti plutôt que de revenir au Canada pour financer des emplois et des débouchés ici. Il est bon d'accroître la certitude concernant l'argent qui passe par Hong Kong et la transparence grâce aux limites sur les retenues d'impôt. Il y a des affaires qui se font en ce moment, mais c'est un autre outil qui va nous aider.

Le sénateur Patterson : Merci.

Monsieur Mintz, Hong Kong est l'un des plus grands centres financiers d'Asie, et c'est un intermédiaire important pour les investissements financiers, particulièrement en Chine. Je pense que beaucoup de sociétés canadiennes ont un centre régional à Hong Kong pour leurs investissements en Chine et dans d'autres pays d'Asie. Pouvez-vous nous parler de la nature historique de ce phénomène qui perdure encore aujourd'hui?

M. Mintz : Je m'excuse, mais je n'ai pas de chiffres à vous donner à ce sujet aujourd'hui, je vais devoir vérifier. Cependant, je peux vous parler de ma propre expérience, parce que j'ai travaillé dans la région au cours des dernières années.

Vous avez absolument raison de dire que Hong Kong est un intermédiaire important pour investir en Chine. C'est une plaque tournante pour les Canadiens. En fait, il y a 10 ans, quand j'étais à Hong Kong, j'ai rencontré beaucoup de gens d'affaires canadiens qui faisaient des affaires en Chine. Ils avaient tendance à aller à Hong Kong avant d'aller en Chine parce qu'on y parlait anglais et qu'on y trouvait beaucoup d'institutions d'inspiration britannique auxquelles nous étions habitués. La primauté du droit est très bien établie à Hong Kong, c'est donc un bon tremplin pour les entreprises canadiennes qui veulent faire le saut en Chine. C'est l'une des raisons pour lesquelles Hong Kong demeure encore aujourd'hui un centre de transit important pour l'argent qui entre en Chine et revient au Canada.

Singapour joue également un rôle important. Je ne sais pas trop quelle est l'importance relative de Singapour pour les entreprises canadiennes par rapport à Hong Kong, mais Singapour est un autre centre financier régional important. Beaucoup d'entreprises de différents pays du monde qui font des affaires en Chine passent par Singapour. Bien sûr, la Chine essaie maintenant de faire de Shanghai un centre financier important pour que les gens entrent directement en Chine.

Il y a une chose qu'il faut savoir au sujet de la Chine et que je retiens de mon travail pour le FMI pendant quelques années en Chine, c'est qu'on dit que le Canada est un pays à régime fédéral, mais les provinces ont leurs propres règles importantes qui font parfois entrave au libre-échange de capitaux, de biens et de services avec le Canada. La Chine est un pays incroyablement décentralisé à bien des égards. Ce n'est pas parce qu'on réussit à entrer à Shanghai, par exemple, qu'on peut aller n'importe où en Chine après. Il y a beaucoup de règles et de règlements locaux qu'il faut respecter là aussi.

Le président : Cela vient clore notre première série de questions. Il va maintenant y en avoir une deuxième, et j'ai noté le nom de deux personnes qui veulent intervenir.

Le sénateur Black : J'aimerais dire aux trois témoins et pour le compte rendu que vos points de vue m'intéressent au plus haut point. Si nous n'adoptons pas ce projet de loi, quel en sera l'effet sur la compétitivité des entreprises canadiennes?

M. Pantaleo : Nous avons beaucoup parlé de la convention avec Hong Kong, vous le savez. Parlons un peu des raisons pourquoi il y a eu tant de pressions pour que le Canada signe une convention avec Hong Kong : l'un des principaux atouts concurrentiels des politiques canadiennes pour nos entreprises à l'étranger, c'est notre régime d'exemption des revenus provenant d'une entreprise exploitée activement. Nous accordons cette exemption aux filiales étrangères d'entreprises canadiennes qui exploitent activement leur entreprise, mais seulement si elles le font dans des pays avec lesquels nous avons une convention fiscale ou un AERF. C'est le désavantage concurrentiel le plus évident des entreprises canadiennes par rapport à celles des pays qui accordent le même genre d'exemption, mais sans exiger de passer par des pays avec qui ils ont signé une convention fiscale. C'est un aspect important.

Je crois qu'il y a aussi le fait que ce projet de loi prescrit des taux de retenue inférieurs pour certains paiements, particulièrement à Hong Kong. Nous avons quelques lois nationales intéressantes qui prescrivent un taux de retenue nul. Bien que depuis 15 ans, le Canada soit devenu un exportateur net de capitaux, nous dépendons toujours beaucoup des investissements faits au Canada. C'est la politique affirmée du gouvernement et l'une des raisons pour lesquelles nous privilégions des taux d'imposition concurrentiels. Il est clair que l'imposition de taux supérieurs aux investissements faits au Canada par l'intermédiaire de Hong Kong nous mettrait en position désavantageuse. Voilà deux raisons que je peux vous donner concernant la convention avec Hong Kong, du point de vue de l'importation et de l'exportation.

Mme Todgham Cherniak : Je vais reformuler votre question selon l'interprétation que j'en fais. Quel serait l'effet du statu quo, où ces conventions ne s'appliquent pas? Il y aurait d'abord l'effet négatif de la gêne. Nous sommes allés négocier ces conventions. Les conventions fiscales sont un symbole de coopération, de confiance et d'amitié entre pays. Le fait de ne pas adopter une convention qui a été négociée dit quelque chose sur cette relation. Quand on rompt une relation, quels en sont les effets négatifs?

Ensuite, nous sommes en période budgétaire partout dans le monde, et les pays ont besoin de hausser leurs revenus. Ils le font par les taxes et l'impôt. Nous avons mentionné que les conventions fiscales ne s'appliquent pas à toutes les formes de taxe, mais elles s'appliquent à un certain nombre. Si les quatre pays visés par les conventions fiscales dont traite ce projet de loi peuvent à tout moment modifier le taux d'imposition qu'ils appliquent aux entreprises étrangères, il va y avoir plus d'incertitude fiscale. Au moins, avec ces conventions, nous allons avoir plus de certitude fiscale, parce qu'il va y avoir des plafonds et des règles sur les retenues d'impôt.

Ensuite, si l'on regarde un peu les protocoles signés dans le cadre de l'accord avec le Luxembourg et la Suisse, il y a bien plus d'échange d'information. C'est pourtant ce que réclame l'Agence du revenu du Canada, donc vous lui refuseriez un outil dont elle dit avoir besoin. Il y a des dispositions sur l'échange de renseignements dans les conventions fiscales. Il n'y a pas que la Suisse et le Luxembourg qui en ont; nous en aurons nous aussi avec les six pays dont il est question ici. Ce serait utile.

Le sénateur Black : Merci beaucoup.

M. Mintz : Je suis d'accord avec ces arguments en grande partie. En somme, je ne vois que des avantages à adopter ce projet de loi; je n'y vois aucun désavantage. Comme mes collègues de ce groupe l'ont mentionné, nous avons beaucoup de gains à en tirer : de la certitude, des taux de retenue d'impôt inférieurs, de l'échange d'information, et cetera. J'ajouterais même deux choses du point de vue économique. Il ne faut jamais oublier que les retenues d'impôt sont comme un tarif applicable aux mouvements des capitaux. Si vous croyez que le libre-échange de capitaux est aussi important que le libre-échange de biens et de services, alors on peut faire valoir qu'en réduisant les retenues d'impôt applicables à la fois aux exportations et aux importations canadiennes de capitaux ne peut avoir qu'un effet positif sur l'économie canadienne.

Enfin, je dirai surtout, pour revenir à une observation précédente de Mme Todgham Cherniak, avec qui je suis totalement d'accord, qu'il faut penser au commerce en général, à l'importance des chaînes d'approvisionnement mondiales et au rôle que nous jouons dans ces chaînes. À ce titre, même la convention avec la Pologne est déterminante, compte tenu du rôle que la Pologne joue actuellement dans l'Union européenne. Il est clair que c'est fondamental dans le cas de Hong Kong. Je ne peux pas vraiment vous parler de la Serbie, puisque je ne connais pas très bien la relation du Canada avec la Serbie. Pour ce qui est de la Namibie, nous avons là-bas des intérêts miniers importants qui peuvent avoir une incidence sur notre secteur minier.

Je ne vois absolument aucun effet négatif à l'adoption de ce projet de loi; je n'y vois que des avantages.

[Français]

Le sénateur Maltais : Ma question est quelque peu complexe, mais je vais essayer de la simplifier : l'entreprise canadienne qui s'installe à Hong Kong tout en ouvrant des succursales à Shanghaï et Beijing, par exemple, sera-t-elle imposée en Chine, à Hong Kong et au Canada au moment où les profits seront rapatriés?

[Traduction]

M. Pantaleo : Je vais essayer de vous répondre. Je vous dirai que les activités menées en Chine seront imposées en Chine. Ces revenus ne seront pas imposés à Hong Kong. Comme M. Mintz l'a indiqué au début, l'imposition à Hong Kong dépend d'abord et avant tout du lieu où ont lieu les activités. Si l'État considère que les activités ont lieu à l'extérieur de Hong Kong, l'impôt de Hong Kong ne s'y appliquera pas.

Les revenus, lorsqu'ils seront rapatriés au Canada sous forme de dividendes, seront libres d'impôt. Il pourrait y avoir des retenues d'impôt sur les dividendes de la Chine à Hong Kong, je n'en suis pas certain. Les lois chinoises ont été modifiées, et je ne me rappelle plus par cœur si la convention entre la Chine et Hong Kong prescrit un taux de retenue nul.

[Français]

Le sénateur Maltais : Quel est l'avantage alors pour une entreprise canadienne de s'installer à Hong Kong? Ne pourrait-elle pas aller directement à Beijing si ce n'est qu'un endroit de transit?

[Traduction]

M. Pantaleo : Comme nous l'avons dit, la Chine peut être l'un des endroits où les entreprises canadiennes font des affaires en Asie de l'Est. Les entreprises canadiennes, pour simplifier leur gestion, ouvrent habituellement un centre régional, d'où elles gèrent leurs activités dans toute la région. Cela ne les empêche pas de gérer leurs activités directement sur le terrain, mais elles concentrent leur gestion dans leur centre régional. Par exemple, c'est là où elles vont s'occuper de la trésorerie, des devises étrangères, de l'approvisionnement et d'autres choses du genre. Je peux voir des avantages concrets à utiliser Hong Kong pour cela.

Vous avez bien raison, sénateur. Ce ne sont pas toutes les entreprises canadiennes qui vont décider de gérer leurs investissements en Chine de Hong Kong. Elles peuvent très bien en faire la gestion directement du Canada, mais beaucoup de grandes entreprises canadiennes gèrent leurs investissements étrangers de leurs sociétés mères régionales dans le monde, et Hong Kong serait un choix logique pour ce type de structure en Asie de l'Est.

M. Mintz : Le régime financier est assez rigoureux à Hong Kong, si on le compare à celui de beaucoup de régions de la Chine. Comme je l'ai déjà mentionné, la primauté du droit est bien établie à Hong Kong. Elle se fonde depuis longtemps sur la tradition britannique. C'est l'une des raisons pour lesquelles beaucoup d'entreprises aiment passer par Hong Kong et utiliser Hong Kong comme base pour entrer en Chine et même dans d'autres pays.

Je tiens à réitérer que c'est une raison importante pour laquelle j'ai plaidé il y a 12 ans en faveur d'une convention avec Hong Kong, et je suis content que nous allions enfin de l'avant.

Mme Todgham Cherniak : Pour revenir à la question initiale, je pense qu'il nous manque une partie de la réponse. Supposons qu'une entreprise canadienne ait une usine de fabrication en Chine, une filiale, pour fabriquer des biens en Chine, le but est habituellement d'envoyer ensuite les biens au Canada plutôt que de les vendre en Chine. Quand les biens sont envoyés et vendus au Canada, l'impôt sur le revenu canadien s'applique à ces activités.

Ce n'est pas dans tous les cas que les entreprises ne paient aucun impôt canadien sur le revenu. Tout dépend des circonstances de chaque accord et de la nature des activités. Lorsqu'une entreprise a une usine en Chine, d'après ce que j'ai vu, une bonne partie des biens finissent par être vendus au Canada, où les taxes de vente canadiennes et l'impôt canadien sur le revenu s'appliquent, et il y a des gens qui travaillent dans le réseau de distribution qui paient de l'impôt aussi. Ce n'est pas comme s'il n'y avait jamais d'impôt payé au Canada. Je n'étais pas certaine que cela avait été mentionné.

[Français]

Le sénateur Maltais : Je n'ai jamais dit qu'il n'y avait pas d'impôt payé au Canada. Ma question est claire : si une entreprise basée à Hong Kong ouvre des usines en Chine, je veux tout simplement savoir combien de fois elle sera imposée, au Canada, à Hong Kong et en Chine. C'est tout ce que je veux savoir. Je ne veux pas d'explications supplémentaires, ma question est très claire.

[Traduction]

Le président : Je pense que M. Pantaleo a répondu à cette question pendant le premier tour de table.

Je remercie beaucoup tous nos témoins. Vous nous avez beaucoup aidés dans nos délibérations aujourd'hui. Au nom de tous les membres du comité, j'aimerais vous exprimer notre grande reconnaissance pour votre témoignage d'aujourd'hui.

(La séance se poursuit à huis clos.)


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