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ENEV - Comité permanent

Énergie, environnement et ressources naturelles

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent de
l'Énergie, de l'environnement et des ressources naturelles

Fascicule 2 - Témoignages du 27 septembre 2011


OTTAWA, le mardi 27 septembre 2011

Le Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles se réunit aujourd'hui, à 17 h 7, pour étudier l'état actuel et futur du secteur de l'énergie du Canada (y compris les énergies de remplacement).

Le sénateur W. David Angus (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Bonsoir, mesdames et messieurs. Bienvenue à tous à cette réunion officielle du Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles. Nous poursuivons notre étude du vaste secteur énergétique du Canada ainsi que nos travaux qui visent l'élaboration d'un cadre stratégique pour une perspective nationale sur ce sujet.

Nous avons l'honneur d'avoir parmi nous ce soir le tout nouveau ministre canadien des Ressources naturelles, M. Joe Oliver. Je peux vous dire que M. Oliver est un très vieil ami. Nous nous sommes connus à la Faculté de droit à Montréal. Il a dépassé de loin les projets qu'il avait à cette époque et il s'est lancé en politique à un âge avancé après avoir eu une carrière très brillante dans le secteur des services financiers. Il a particulièrement été remarquable à la direction de l'Association canadienne des courtiers en valeurs mobilières qu'il a gérée très efficacement. Il s'est ensuite lancé en politique et a été élu au Parlement. Le premier ministre l'a nommé à son cabinet.

Monsieur le ministre, nous vous souhaitons la bienvenue. Je crois que vous êtes accompagné du sous-ministre de votre très important portefeuille.

[Français]

M. Serge Dupont — un Québécois, je crois —, bien expérimenté dans les matières en question, en jeu.

[Traduction]

Monsieur le ministre, permettez-moi de vous présenter les membres du comité de façon à ce que vous sachiez qui ils sont. Juste à ma droite se trouve le sénateur Grant Mitchell, de l'Alberta. Il est le vice-président du comité. À sa droite, nous avons Marc LeBlanc et Sam Banks, de la Bibliothèque du Parlement, qui nous rendent des services inestimables. À leur droite, le seul sénateur élu, Bert Brown, de l'Alberta. Ensuite, le sénateur John Wallace, de la grande province du Nouveau-Brunswick. À sa droite une personne que le comité accueille toujours volontiers, qui n'est pas membre du comité mais qui s'intéresse particulièrement aux questions liées à l'énergie à l'environnement. Je ne pense pas qu'elle ait besoin d'être présentée. J'ai nommé Nancy Greene Raine, l'une des meilleures athlètes canadiennes de haut niveau et l'athlète féminine du XXe siècle. C'est extraordinaire. Vous voyez à sa droite l'ancien ministre des Ressources naturelles et de certaines questions connexes de la Colombie-Britannique, Richard Neufeld. De la belle province de la Nouvelle- Écosse, le sénateur Fred Dickson. Lynn Gordon, la greffière du comité, est assise à ma gauche. Nous avons aussi un brillant musicien qui fait de son mieux pour jouer juste et garder le tempo, le sénateur Tommy Banks, de l'Alberta. À côté de lui, un sympathique sénateur du Québec, ma collègue de Montréal, Judith Seidman. À la gauche de celle-ci, originaire du Manitoba, nous avons un grand sénateur et mon amie, Janis Johnson, qui est au Sénat depuis bien longtemps.

[Français]

Puis un autre Québécois, transplanté du Manitoba, le sénateur Paul Massicotte.

[Traduction]

De la Saskatchewan, le sénateur Robert Peterson.

Chers collègues, comme vous le savez, notre étude sur l'énergie est déjà bien avancée. Nous nous sommes engagés à mettre fin, d'ici le mois de juin 2012, à nos délibérations commencées il y a maintenant deux ans et demi et à en faire rapport.

Au fait, notre comité compte maintenant un autre excellent sénateur du Yukon, le sénateur Dan Lang, qui a beaucoup d'expérience dans les affaires gouvernementales.

Nous avons beaucoup à faire. Pour notre réunion de jeudi matin, je vous demanderais de rester après avoir entendu les témoins afin que nous puissions examiner notre plan de travail, les budgets, et cetera. Je n'entrerai pas dans les détails maintenant.

J'ai eu l'occasion de rencontrer le ministre, au moins deux fois sinon plus, pour parler de sa comparution devant nous. Comme vous le savez, c'est le premier jour de notre retour, et nous avons le ministre parmi nous, nous sommes donc très chanceux. Je crois bien qu'il a promis de répondre à la plupart des questions que nous poserons sur la politique gouvernementale et l'orientation de cette politique.

Nous savons tous, soit dit en passant, monsieur le ministre, que l'énergie relève, dans beaucoup d'aspects, de la compétence provinciale et cela nous cause quelques difficultés sur la façon dont nous devons approcher diverses questions. Il existe certainement une forte compétence concomitante en termes de responsabilités de votre ministère. On va peut-être vous poser des questions à ce sujet. Cependant, ce qui nous intéresse, c'est de savoir quelle politique le gouvernement suivra concernant ces questions. Je ne crois pas que vous aurez des surprises.

Il me semble que vous avez une déclaration préliminaire. Je vous prie de commencer, la parole est à vous.

L'honorable Joe Oliver, C.P., député, ministre des Ressources naturelles : Merci beaucoup de m'avoir présenté aussi chaleureusement. Je suis honoré d'être parmi vous. Je vous remercie de m'avoir invité à rencontrer le comité. C'est la première fois que je comparais devant le comité à titre de ministre des Ressources naturelles et c'est avec plaisir que je viens vous rencontrer au tout début de cette nouvelle session parlementaire.

[Français]

J'aimerais profiter de cette occasion pour parler des priorités du gouvernement en ce qui concerne le secteur de l'énergie du Canada.

[Traduction]

Le 2 mai, la population canadienne a donné à notre gouvernement le mandat de se concentrer sur la création d'emplois et l'économie. Depuis juillet 2009, l'économie canadienne a créé près de 600 000 nouveaux emplois, mais la reprise économique mondiale demeure fragile et trop de Canadiens et Canadiennes cherchent encore du travail. Voilà exactement la raison pour laquelle notre secteur de l'énergie est si important.

Le Canada s'impose comme une superpuissance énergétique.

[Français]

Nous avons à notre disposition d'énormes actifs énergétiques qui génèrent des richesses économiques à la grandeur du pays.

[Traduction]

En fait, l'énergie représente près de 7 p. 100 de notre produit intérieur brut et crée des centaines de milliers d'emplois, directs et indirects, à l'échelle du pays. Cette richesse énergétique fournit au Canada un avantage économique unique que nous utilisons pour renforcer notre place au sein du marché mondial.

Voici quelques chiffres. Le Canada est le sixième producteur de pétrole au monde et ses réserves sont les troisièmes plus importantes. Nous occupons le troisième rang pour la production de gaz naturel et d'hydroélectricité. Nous occupons le deuxième rang mondial pour la production d'uranium. Notre portefeuille d'énergie renouvelable est de plus en plus important. Nous sommes de loin le plus grand fournisseur de ressources énergétiques à l'un des principaux marchés mondiaux, les États-Unis.

[Français]

La façon dont nous exploitons ces précieuses ressources aura de grandes conséquences sur notre pays, sur notre compétitivité mondiale, sur notre environnement et sur notre qualité de vie.

[Traduction]

Notre secteur de l'énergie a toujours été synonyme d'opportunités au Canada — offrant aux travailleurs des emplois bien rémunérés et des produits pour nos marchés. L'an passé, le secteur de l'énergie à procuré plus de 270 000 emplois directs.

[Français]

Ce secteur a également soutenu des centaines de milliers d'emplois dans d'autres secteurs comme la construction, la fabrication et les services financiers.

Le Canada est l'un des rares pays au monde à être riche en énergie, à posséder une main-d'œuvre hautement qualifiée et à compter sur un solide système d'innovation.

[Traduction]

Il est aussi capable d'accroître sa production d'énergie de manière durable sur le plan écologique et économique. Une des principales sources de notre richesse énergétique se trouve dans les sables bitumineux de l'Alberta.

Le Canada a la chance de se classer au troisième rang mondial pour les réserves de pétrole prouvées avec 174 milliards de barils. Seuls l'Arabie saoudite et le Venezuela se classent avant notre pays.

Environ 97 p. 100 de ces réserves sont concentrées dans les sables bitumineux. Et comme la technologie évolue, les réserves de pétrole pourraient croître et atteindre quelque 315 milliards de barils.

Au cours des 25 prochaines années, nous escomptons que le développement des sables bitumineux comptera pour 2,3 billions de dollars du produit intérieur brut canadien et pour 480 000 emplois par an.

[Français]

Nous savons que les ressources canadiennes, qu'il s'agisse des sables bitumineux ou de l'hydro-électricité écologique, sont essentiels au maintien de la sécurité énergétique de l'Amérique du Nord et du monde pour les générations de demain.

[Traduction]

C'est pourquoi le gouvernement du Canada appuie des projets comme le Pipeline Keystone XL.

Les relations que nous entretenons avec les États-Unis sont très importantes, mais les marchés émergents de l'Asie le sont de plus en plus. La Chine vient tout juste de prendre la place des États-Unis comme le plus grand consommateur d'énergie au monde. Nous devons évidemment faire parvenir nos produits en Chine pour exploiter ce marché. Voilà pourquoi nous appuyons la diversification du marché.

C'est pourquoi des projets comme celui du Pipeline Northern Gateway méritent une attention particulière. Toutefois, nous respectons le processus de réglementation et nous verrons à ce que tous les projets soient durables sur le plan de l'environnement.

Exploiter le plein potentiel de l'énergie future du Canada signifie aussi aller au-delà de la richesse du pays en hydrocarbures. Les investissements du gouvernement ont déjà contribué à la réalisation de quelques projets vraiment novateurs. Nous trouvons de nouveaux moyens d'accroître notre leadership en électricité propre, car 75 p. 100 de notre énergie électrique est déjà produite à partir de sources non émettrices.

L'énergie nucléaire sera un élément clé de la diversification des sources d'énergie sans émissions du Canada. En 2010, l'énergie nucléaire a généré 15 p. 100 de l'électricité du Canada. Dans la province de l'Ontario, 58 p. 100 de l'électricité a été générée par l'énergie nucléaire. Ce secteur crée des milliers d'emplois et des milliards de dollars en activités économiques.

[Français]

Je vous assure que notre industrie nucléaire est solide et que nous prenons des mesures concrètes pour la renforcer encore plus.

[Traduction]

La restructuration d'Énergie atomique du Canada limitée a été une décision difficile à prendre, mais nécessaire pour positionner l'avenir de la technologie CANDU avec SNC-Lavalin, une firme d'ingénierie solide et reconnue à l'échelle mondiale.

Au-delà de l'énergie nucléaire, nous comptons aussi sur l'hydroélectricité, qui a toujours été une de nos plus grandes ressources d'énergie. Nous continuerons d'appuyer le réseau de production d'énergie propre par notre soutien au projet hydroélectrique du Bas-Churchill. En plus d'augmenter la production d'énergie propre dans le Canada atlantique, ce projet renforcera notre statut de superpuissance énergétique mondiale. Il permettra également de créer des milliers d'emplois dans le Canada atlantique.

Nous voulons faire davantage pour accroître l'efficacité énergétique afin de réduire notre consommation énergétique et promouvoir la conservation. Nous investissons aussi dans l'innovation et dans les technologies d'énergie propre pour améliorer la productivité, résoudre les problèmes environnementaux et créer de nouveaux emplois pour nos concitoyens.

Notre nouvelle initiative écoÉNERGIE sur l'innovation, de 97 millions de dollars, appuiera de nombreux projets dans tout le Canada. Il s'agit notamment de projets concernant la production écologique de l'électricité et les énergies renouvelables, qui favoriseront la collaboration entre l'industrie, les collèges et universités du Canada et le gouvernement.

Ces investissements contribueront à forger l'avenir énergétique propre du Canada et à réduire véritablement ses émissions, tout en appuyant la création et la croissance des emplois.

Depuis 2006, le gouvernement du Canada a consacré plus de 10 milliards de dollars à la réduction des émissions de gaz à effet de serre et à la durabilité de l'environnement. Évidemment le gouvernement n'a pas fait cela tout seul. Nous collaborons avec les provinces et les territoires afin de renforcer la position du Canada au sein du marché énergétique mondial en suivant une vision collective, des principes communs et des objectifs clairs. La collaboration nous permet de mieux exploiter notre potentiel énergétique, de développer nos marchés, de nous imposer comme fournisseur d'électricité propre, de créer des emplois pour les Canadiens et d'assurer leur prospérité. En travaillant ensemble, nous réalisons déjà des progrès considérables à divers égards, notamment en ce qui concerne la promotion de l'efficacité énergétique, l'assurance de la fiabilité du réseau électrique et l'amélioration de la transparence et de la prévisibilité du processus de réglementation.

Monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du comité, le Canada a une histoire captivante en matière d'énergie. Le secteur énergétique du Canada est un élément essentiel de l'économie nationale. Nous maximisons nos ressources et diversifions nos marchés. Notre richesse énergétique abondante nous permet de créer des emplois et de nous imposer comme superpuissance mondiale en matière d'énergie. Par nos investissements stratégiques dans l'énergie propre, l'industrie canadienne saura s'imposer dans l'innovation et la création d'emplois.

Je tiens à vous remercier et de m'avoir invité à comparaître devant le comité. C'est avec plaisir que je répondrai à vos questions.

Le sénateur Mitchell : Monsieur le ministre, c'est un plaisir de vous accueillir. Bien entendu, nous savons que vous êtes occupé. Il est donc notable que vous ayez pris le temps de venir nous voir. J'aimerais aborder quelques points bien précis.

Nous menons une étude à long terme sur la stratégie énergétique canadienne. Par conséquent, nous avons été très enthousiasmés de voir la collaboration apparente entre vous et les autres ministres de l'Énergie du pays à Kananaskis. J'aurais quelques questions concernant cette réunion.

Nous sommes nombreux à croire que, si le Canada veut adopter une stratégie d'ensemble afin d'être considéré comme une superpuissance en matière d'énergie propre — et j'aimerais que le terme « superpuissance en matière d'énergie propre » soit le mantra utilisé et non seulement « superpuissance en matière d'énergie » —, il doit tenir compte des changements climatiques. Cependant, ce qui est ressorti de la réunion de Kananaskis, c'est une entente portant sur cinq priorités : la réforme de la réglementation, l'efficacité énergétique, l'information et la sensibilisation concernant l'énergie, les nouveaux marchés et le commerce international, et la fiabilité d'un réseau électrique intelligent et de l'offre d'électricité.

Des inquiétudes se profilent : le fait que les changements climatiques, la réduction des gaz à effet de serre et l'amélioration de notre réputation à l'échelle internationale afin de nous permettre de vendre efficacement nos produits ne semblent pas être aussi prioritaires que certains l'auraient cru dans le cadre d'une stratégie énergétique commune. Pourriez-vous nous faire part de vos commentaires à ce sujet?

M. Oliver : Avec plaisir. Je vais d'abord parler très brièvement de la réunion de Kananaskis.

Tous les ordres de gouvernement doivent jouer un rôle important dans l'adoption de politiques énergétiques qui nous aideront à atteindre notre objectif, soit de faire du Canada un chef de file mondial reconnu dans ce secteur. J'ai toujours fait valoir qu'il fallait être un chef de file dans l'utilisation sécuritaire et durable de l'énergie et dans l'innovation et qu'il fallait agir de manière socialement et écologiquement responsable. On ne le dit pas toujours, mais cela fait partie intégrante de notre approche.

Comme vous l'avez souligné, à Kananaskis, les ministres de l'Énergie et des Mines ont convenu d'examiner ensemble plusieurs questions stratégiques liées à l'énergie et basées sur des principes communs, dont le fait que nous devons maintenir une approche privilégiant le rôle du marché en ce qui concerne les politiques énergétiques et que nous devons être régis par des systèmes de réglementation efficaces, efficients et transparents. Nos décisions doivent s'appuyer sur un respect mutuel de nos compétences. Le gouvernement fédéral respecte les compétences provinciales.

L'autre question concerne l'importance du développement et de l'utilisation durables de l'énergie.

En nous appuyant sur ces principes, nous avons parlé de l'approvisionnement énergétique responsable, de la prospérité économique, de l'utilisation énergétique, des connaissances et de l'innovation. Nous avons développé des plans d'action et des politiques détaillés bien précis au sujet desquels je pourrais donner des précisions. Essentiellement, ils portent sur l'efficacité énergétique, l'offre de l'électricité, un réseau électrique intelligent, l'information et la sensibilisation concernant l'énergie, les marchés et le commerce international, et la réforme énergétique.

Votre question portait plus particulièrement sur l'énergie propre. Je tiens à vous assurer que le gouvernement se concentre sur l'énergie propre, l'amélioration de l'efficacité énergétique et le développement de sources d'énergie de rechange. À ce titre, il a investi plus de 10 milliards de dollars.

Il existe un ensemble de programmes. Par exemple, le budget de 2011 prévoit 97 millions de dollars pour l'avancement du leadership canadien en matière de développement et de promotion de technologies d'énergie propre. Cette somme s'ajoute aux investissements permanents du gouvernement du Canada pour améliorer notre compétitivité tout en rapprochant le Canada de son objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre de 17 p. 100 sous les niveaux de 2005 d'ici 2020. La réduction de 17 p. 100 constitue l'objectif global du gouvernement du Canada, ce qui est identique à l'engagement pris par les Américains à Copenhague. Peut-être que d'autres pays suivront. Nous nous approchons de cette cible, et ce, de différentes façons.

Un autre exemple serait le 120 millions de dollars que nous avons investi dans le projet de captage et de stockage de carbone de Shell Quest — que j'ai visité — qui permettra de capturer, de transporter et de stocker du dioxyde de carbone provenant d'une usine de traitement de sables bitumineux en Alberta. En fait, elle est située à Fort Saskatchewan, au nord d'Edmonton. Ce projet pourrait réduire de 40 p. 100 les émissions de carbone. Au cours des 15 dernières années, les émissions de carbone provenant du traitement des sables bitumineux ont été réduites de 30 p. 100.

Les sables bitumineux constituent en réalité un projet technologique, et la technologie utilisée ne cesse de s'améliorer. On prévoit que l'écart entre les sables bitumineux et le pétrole classique continuera de diminuer. Je ne suis pas le seul à le dire; le dernier énoncé des incidences environnementales publié par le département d'État relativement au projet XL de Keystone — dont il me fera plaisir de discuter dans quelques instants, si vous le désirez — avance que l'écart entre le pétrole classique et les sables bitumineux diminue.

Nous sommes en train d'accomplir de grandes choses. J'ignore jusqu'où cela ira ou à quelle vitesse les choses vont progresser, mais il est clair que la technologie continuera de progresser.

Il existe un projet à l'Université de la Colombie-Britannique qui constitue un autre bon exemple d'initiative d'énergie propre. Dans le cadre de ce projet, on utilise la biomasse pour produire à petite échelle et sur place de la chaleur et de l'électricité propre, entre autres pour les universités, les installations industrielles et les communautés éloignées du Nord. Nous avons affecté 8 millions de dollars à ce projet.

Ce ne sont là que quelques exemples, mais tous ces projets et toutes ces initiatives sont concernés par l'investissement considérable de 10 milliards de dollars du gouvernement.

Le sénateur Mitchell : Je trouve intéressante votre référence à ces programmes. Si je ne m'abuse, vous avez dit que ces programmes allaient permettre au gouvernement d'atteindre son objectif de 2020. Est-ce que quelqu'un a dressé une liste de tous ces programmes et calculé la réduction totale qu'ils allaient entraîner afin de voir si cette réduction atteindra vraiment 17 p. 100 d'ici 2020? Il existe très peu de preuves concrètes que ces programmes ou d'autres programmes proposés vont entraîner des réductions suffisantes pour atteindre cet objectif. Nous nous demandons si vous prenez vraiment cette question au sérieux. Le gouvernement en fait-il suffisamment pour atteindre l'objectif de 2020?

M. Oliver : Honnêtement, sénateur, c'est le sénateur Kent, le ministre de l'Environnement, qui pourrait vous répondre. Je crois qu'il doit venir témoigner devant le comité cette semaine.

Le président : Il n'a pas encore été nommé au Sénat; c'est un ministre.

M. Oliver : Oui, pardonnez-moi. J'ignore pourquoi j'ai dit cela. Il viendra témoigner...

Le président : Mardi prochain.

M. Oliver : Oui, mardi prochain. Nous avons une liste de projets dont nous sommes responsables, mais d'autres ministères font également des progrès dans ce secteur. C'est le cas notamment du transport.

Si l'on regarde le cycle de vie complet des émissions de gaz à effet de serre, en partant de la tête du puits au tuyau d'échappement, environ 70 p. 100 des émissions proviennent du transport — les voitures, les camions, et cetera. Cela ne veut pas dire que l'extraction n'est pas une partie importante du problème, mais elle représente 30 p. 100 des émissions.

Nous faisons ce qu'il faut à cet égard dans le cadre de l'objectif global fixé par le gouvernement.

Le sénateur Mitchell : Premièrement, votre département joue-t-il un rôle direct dans l'élaboration de règlements relatifs aux émissions liées aux sables bitumineux, règlements qui, nous dit-on, seront publiés bientôt? Deuxièmement, savez-vous quand ces règlements vont être publiés? Troisièmement, s'il faut faire du captage et du stockage de carbone pour que les émissions liées au traitement des sables bitumineux respectent les cibles fixées, est-ce que la publication de ces règlements sera retardée jusqu'à ce que nous ayons une technologie de captage et de stockage de carbone qui fonctionne ou une solution temporaire a-t-elle été envisagée? Quelle est la situation?

M. Oliver : Encore une fois, c'est le ministère de M. Kent qui établit les règles. En tant que ministre concerné, mon opinion est sollicitée, mais c'est le ministre Kent qui est responsable de ce dossier.

Quant à l'efficacité du captage de carbone, cet énorme projet a pour but, entre autres, de démontrer que ça fonctionne très bien. Nous aurons des résultats très bientôt.

Le sénateur Mitchell : Vous avez dit que vous alliez parler de Keystone.

Je n'ai pas d'autre question et j'aimerais laisser la parole à quelqu'un d'autre. Cependant, lorsque vous aborderez Keystone, pourriez-vous nous donner une idée du nombre d'emplois qui seront créés au Canada et aux États-Unis?

M. Oliver : D'accord.

Le président : Monsieur le ministre, étant donné les contraintes de temps avec lesquelles nous devons composer — certains d'entre nous ont un point de vue différent à ce chapitre —, si vous pouviez être plus bref dans vos réponses, ce serait utile. J'ai une longue liste de sénateurs qui veulent intervenir.

Le sénateur Banks : Une longue liste de personnes de marque.

Monsieur le ministre, bienvenue dans vos nouvelles fonctions. Nous vous souhaitons la meilleure des chances.

Comme l'a souligné notre estimé président, nous menons depuis un bon moment maintenant une étude sur l'énergie dans son ensemble au pays. Le comité a déjà étudié certains aspects de cette question.

Au fil des ans, des chefs de file de l'industrie représentant tous les secteurs de l'énergie nous ont répété la même chose au sujet des contraintes réglementaires ou des réductions des émissions : « Établissez simplement les règles et dites-nous quelles sont ces règles, et nous nous adapterons. » Jusqu'à maintenant, nous n'avons pas été clairs à ce sujet.

Cependant, il y avait une constante dans leur discours — et je remarque qu'il en a également été question lors de la réunion de Kananaskis à laquelle vous avez participé —, soit une recommandation sur la façon de fixer le prix du carbone. Il est juste de dire que tous ces chefs de file, sans exception, se sont dit en faveur d'une taxe sur le carbone, peu importe le nom que l'on lui donne. Mais selon eux, une grande partie du problème auquel vous et le ministre Kent êtes confrontés porte sur le prix du carbone et l'intégration des coûts ultérieurs du carbone. Pourriez-vous nous donner votre point de vue — et, j'imagine, celui du gouvernement — sur la question?

M. Oliver : Vous savez que le gouvernement n'appuie pas une taxe sur le carbone. Il a fait campagne contre une telle taxe et a remporté ses élections. Il n'a donc pas l'intention d'imposer une taxe sur le carbone.

Le sénateur Banks : Même si l'industrie est d'avis qu'il s'agit de la meilleure solution?

M. Oliver : Je ne crois pas que ce sentiment soit unanime au sein de l'industrie.

Le sénateur Neufeld : J'ai écouté attentivement vos propos, monsieur le ministre, et plusieurs questions me sont venues à l'esprit concernant le nucléaire. Étant donné ce qui s'est produit au Japon et en Europe et le fait que certains pays semblent croire que l'utilisation du nucléaire pour produire de l'électricité n'est pas la solution, croyez-vous que ce secteur va continuer de prendre de l'expansion ou va-t-il stagner? Je fais référence ici à l'EACL. L'organisme n'a pas vendu de réacteur depuis un bon moment. Quel est l'avenir du secteur? Qu'arrivera-t-il, selon vous? Le gouvernement a investi des millions de dollars au fil des ans dans EACL. J'aimerais connaître votre opinion sur la question.

M. Oliver : Premièrement, il ne fait aucun doute que la santé et la sécurité des Canadiens est la principale préoccupation du gouvernement. C'est un élément prioritaire dans toutes ses décisions. Nous avons un organisme de réglementation solide et compétent en la Commission canadienne de sûreté nucléaire.

J'ai discuté avec le président de la commission, M. Michael Binder, après la catastrophe de Fukushima Daiichi. Il m'a assuré que nos réacteurs nucléaires étaient très sécuritaires et qu'il n'y avait rien à craindre. Il a tout de même ordonné aux responsables des réacteurs nucléaires au Canada d'examiner les leçons retenues de la catastrophe au Japon. Toutes les mesures nécessaires adoptées à la suite de cet examen permettront probablement d'améliorer la sécurité de nos réacteurs.

Notre situation et celle du Japon sont différentes. Nos réacteurs n'ont pas été bâtis sur des terres vulnérables aux secousses séismiques et ils sont à l'abri des tsunamis. Ces deux éléments ont joué un rôle clé dans cette tragédie au Japon.

Notre point de vue n'a pas changé : l'énergie nucléaire est pour nous une source d'électricité qui ne crée aucune émission. Lorsqu'elle est proprement réglementée, elle est sécuritaire, fiable et écologique.

J'ai discuté hier avec des représentants de la Société nucléaire canadienne à Toronto et je leur ai mentionné qu'un nombre important de nouvelles centrales nucléaires allaient ouvrir un peu partout dans le monde. Je crois qu'il y en aura plus de 90. Il s'agit cependant d'un nombre brut; le nombre net est plus élevé. Il est question ici d'investissements très importants, soit plusieurs milliards de dollars par centrale.

Nous croyons que l'énergie nucléaire est ici pour toujours ou au moins pour encore longtemps. La décision du gouvernement de vendre le volet commercial d'EACL, celui responsable du réacteur CANDU, visait à protéger les contribuables canadiens et à placer ces intérêts entre les mains d'une entreprise canadienne solide qui entretient des liens internationaux et qui possède une expertise dans le domaine. Nous avons confiance en cette industrie et en son avenir.

Le sénateur Neufeld : C'est une bonne nouvelle.

Vous parlez également dans vos notes des sables bitumineux de l'Alberta. Je sais à quel point ils sont importants pour le Canada, non seulement pour l'Alberta. Vous avez parlé du pipeline Keystone qui transportera du bitume des sables bitumineux et du pipeline Northern Gateway qui transportera du bitume vers la côte Ouest en passant par Kitimat.

Vos notes ne mentionnent rien au sujet du gaz naturel, sauf que le Canada est le troisième producteur de gaz naturel au monde. Dans ma province, on estime que les réserves — non récupérables — de gaz naturel s'élèvent à environ 1 000 billions de pieds cubes. Il y a un processus en cours qui vise à construire un port pour le GNL en vue du transport vers les marchés asiatiques. Je crois que c'est aussi important que de transporter les produits provenant du sable bitumineux aux États-Unis. D'ailleurs, c'est beaucoup plus important, et je vais vous dire pourquoi.

Actuellement, les États-Unis consomment annuellement entre 23 et 24 billions de pieds cubes de gaz naturel, et environ 12 p. 100 de ce gaz naturel provient du Canada, et cela tient compte d'une partie du GNL provenant des zones extracôtières. En raison de l'utilisation du fluide de fracturation hydraulique et du développement du gaz de schiste, non seulement au Canada, mais principalement aux États-Unis, on croit que, dans environ 25 ans, les États-Unis n'importeront qu'environ 1 p. 100 du gaz naturel dont ils ont besoin. Il est donc très important pour le Canada — et non seulement pour la Colombie-Britannique — de percer les marchés asiatiques.

Il n'y a rien dans vos notes au sujet du gaz naturel. C'est le combustible fossile le plus propre que nous avons. Il offre un potentiel énorme en matière de carburant, ce qui permettrait de réduire de beaucoup les GES. Je ne dis pas qu'il remplacera le pétrole, mais il s'agit d'un marché énorme et d'une occasion extraordinaire pour le Canada.

Peut-être pourriez-vous nous en dire davantage sur la position du ministère des Ressources naturelles du Canada au sujet du gaz naturel, de la possibilité de l'utiliser davantage au pays et d'en faire l'exportation ailleurs qu'aux États- Unis qui sont, pour le moment, notre seul client. Nous devons percer d'autres marchés dans le monde.

M. Oliver : J'aimerais dire d'abord très brièvement que, comme vous le savez, la réglementation concernant l'extraction et la production de gaz naturel en zones extracôtières, y compris le gaz de schiste, est une compétence provinciale.

Par l'entremise de la Commission géologique du Canada, le gouvernement du Canada fournit des renseignements scientifiques utilisés par les provinces lorsque celles-ci prennent des décisions concernant l'aménagement des ressources naturelles à explorer et la protection de l'environnement. L'industrie continue d'accroître sa transparence dans le cadre de ses activités de fracturation hydraulique.

Nous croyons qu'il y a un avenir pour le gaz naturel. Les provinces devront prendre certaines décisions concernant le gaz de schiste. Si je ne m'abuse, vous savez que le ministère de l'Environnement du Canada a entrepris quelques études à ce sujet, car c'est lui qui est responsable de l'utilisation de produits chimiques. Il en sera question plus tard.

Pour ce qui est de l'exploration pétrolière et gazière, du forage et de toutes les activités possibles en la matière, une approbation réglementaire est requise. Le processus suit son cours, mais je crois que c'est assurément la voie de l'avenir. Comme vous le savez, des quantités très importantes de gaz de schiste ont été découvertes ailleurs dans le monde, ce qui ne manquera pas de changer la donne selon les intervenants internationaux de l'industrie.

Le sénateur Peterson : Il est possible que ma question s'adresse également au ministre Kent, mais je vais vous la poser et vous me direz ce qu'il en est.

Vous avez consacré plus de la moitié des sommes prévues dans le Fonds pour l'énergie propre à des activités de captage et de stockage du CO2. Existe-t-il des paramètres à cet égard? Connaissons-nous bien les formations géologiques permettant le stockage du CO2? Y a-t-il un véritable projet de stockage en cours? Je sais que la Saskatchewan utilise de grandes quantités de CO2 pour la récupération améliorée du pétrole, mais on n'en fait pas le stockage. Où en sommes-nous à ce chapitre?

M. Oliver : Je peux seulement vous donner une réponse générale. La structure géologique de notre pays renferme un grand nombre d'aquifères, des emplacements naturels pour le captage et le stockage du carbone. Nous sommes privilégiés en la matière comme nous le sommes aussi, en toute franchise, dans l'ensemble du tableau des ressources naturelles. Nous sommes incroyablement chanceux de ce côté et je ne crois pas que nous nous en rendions toujours compte, mais c'est l'un des aspects à considérer. Il y a donc une structure géologique en place pour le stockage des émissions; il faut simplement que la technologie fasse ses preuves.

Le sénateur Peterson : Vous n'avez toujours pas de véritable lieu de storage où du CO2 serait déjà emmagasiné?

M. Oliver : Nous le faisons, dans le cadre du grand projet en question, qui bénéficie d'un financement. On parle ici de plus d'un milliard de dollars. Nous avons investi 120 millions de dollars, le gouvernement de l'Alberta a injecté un montant beaucoup plus considérable et le secteur privé a aussi participé. C'est nettement plus qu'un milliard de dollars au total. Je ne me souviens pas de la somme exacte. C'est peut-être 1,2 milliard ou quelque chose du genre. C'est un investissement très considérable qui permettra, comme je l'ai indiqué, une réduction d'environ 40 p. 100, selon nos attentes, des émissions de gaz à effet de serre.

Le sénateur Johnson : Bienvenue, monsieur le ministre, et félicitations pour votre nomination.

Je m'intéresse au cours inférieur du fleuve Churchill et aux efforts déployés là-bas pour développer une source d'énergie propre. Lorsque notre comité a visité le Canada atlantique, il a beaucoup été question de la garantie de prêt consentie par le gouvernement fédéral au titre de ces projets, laquelle va permettre de réduire les coûts des immobilisations et, en bout de ligne, les tarifs d'électricité pour les consommateurs. La garantie de prêt fédérale marque-t-elle un changement quant au rôle du gouvernement dans les grands projets énergétiques revêtant une importance nationale?

M. Oliver : On peut dire que notre participation est assujettie à trois critères. Il faut d'abord que le projet soit d'importance nationale ou régionale; deuxièmement, qu'il soit viable du point de vue économique; et, troisièmement, qu'il soit une source d'énergie propre ou qu'il contribue de manière significative à réduire notre empreinte carbone. Le projet du cours inférieur du Churchill satisfait à ces trois critères, ce qui ouvre la voie à de nouvelles initiatives dans la même veine. Aucun engagement n'a toutefois été pris en ce sens.

Le sénateur Johnson : Auriez-vous quelque chose à ajouter au sujet du potentiel du cours inférieur du fleuve Churchill quant à la production d'énergie propre? Devrais-je plutôt adresser ma question au ministre de l'Environnement? Je sais que des milliers d'emplois seront créés, mais en quoi cela permettra-t-il de réduire les coûts de l'énergie dans la région de l'Atlantique? Les gens de cette région s'attendent à payer beaucoup moins pour leur énergie une fois ces projets terminés. Ont-ils raison de le croire?

M. Oliver : Je ne saurais vous le dire, mais je pourrais vous parler des autres résultats qui seront obtenus. Il y a d'abord les gaz à effet de serre...

Le sénateur Johnson : Nous voulons que ces gens sortent gagnants après ce qui s'est produit dans le cours supérieur du Churchill.

M. Oliver : Je pense qu'ils auront de quoi se réjouir.

Les émissions de gaz à effet de serre devraient être réduites d'environ 4,5 millions de tonnes par année. C'est la première chose. On créera de l'emploi à raison de 46 000 années-personnes, ce qui produira des revenus totaux de 3,5 milliards de dollars pour les travailleurs et les entreprises, et de plus de 750 millions de dollars en impôts fédéraux et provinciaux. C'est un projet important procurant des avantages économiques considérables qui ne se limiteront pas à Terre-Neuve-et-Labrador, même si c'est, bien sûr, cette région qui en bénéficiera le plus.

Le sénateur Johnson : Je sais que certains États américains, notamment en Nouvelle-Angleterre, envisagent également l'avenue hydroélectrique, mais je n'aborderai pas ce sujet aujourd'hui.

Le sénateur Brown : Félicitations pour votre nouveau poste, monsieur le ministre. J'ai bien apprécié l'exposé que vous avez présenté à la chambre de commerce de Calgary.

J'étais très heureux de vous entendre insister sur le fait que nous n'avons pas besoin d'une taxe sur le carbone dans nos efforts pour réduire la pollution énergétique — si on peut utiliser cette expression — et que nous devrions employer ces sommes à des fins utiles, plutôt que d'obtenir en retour de simples documents, mais rien de concret. Je me réjouis de cette approche.

Je ne sais pas si vous-même ou M. Kent vous intéressez à la qualité de l'air et au rétablissement des sites, qu'ils soient minés comme pour les sables bitumineux, forés dans le cas des puits de pétrole ou utilisés pour faire passer les pipelines. Je ne sais pas si vous êtes conjointement responsables de ces questions ou si elles relèvent davantage de vous ou de M. Kent. J'aimerais bien que vous m'aidiez à y voir plus clair.

M. Oliver : C'est d'abord et avant tout une responsabilité provinciale. Il faut surtout savoir que les entreprises sont tenues d'assurer une régénération complète des cours d'eau et des sols. C'est l'élément clé. Au fur et à mesure que le projet se déroule et avance sur le terrain, on prend les mesures nécessaires à cette régénération.

Il y a quelques mois, lorsque j'ai visité les sites d'exploitation des sables bitumineux, on m'a obligé à traverser une forêt infestée de moustiques pour me montrer que c'était bel et bien le cas. Je peux vous assurer que personne n'aurait pu deviner que nous nous trouvions sur un ancien site d'exploitation minière. En fait, on a même dû défricher un sentier pour nous parce que la forêt était trop dense.

L'objectif, comme la loi l'exige, est une régénération complète des sols et des cours d'eau, ce qui est essentiel. Certains pays n'en font pas autant, soit dit en passant, mais c'est le cas actuellement au Canada.

Je me permets un dernier commentaire concernant les sols utilisés. On nous inonde d'images, sur certains réseaux plus particulièrement, et je dois avouer que lorsqu'on se rend sur place, tout cela semble immense — c'est extrêmement vaste — mais il faut savoir que cela ne représente qu'un millième de notre forêt boréale et que tous ces sites seront régénérés. Ainsi donc l'industrie, tant par sa bonne volonté qu'en vertu des obligations qui lui incombent, se comporte de façon responsable du point de vue environnemental.

Le sénateur Brown : Si je vous comprends bien, c'est donc au départ le rôle de l'entreprise, mais vous-même et le ministre Kent devez également vous assurer que les choses sont faites comme il se doit. Est-ce un portrait fidèle de la situation?

M. Oliver : Je crois que ce sont surtout le ministre de l'Environnement et la province qui ont un rôle à jouer. Je me contente de faire valoir l'utilité des mesures prises.

Le sénateur Brown : Merci.

Le sénateur Wallace : Mes questions vont porter sur le sujet déjà abordé par le sénateur Johnson. Le cours inférieur du fleuve Churchill est un secteur névralgique pour les gens du Canada atlantique et ce projet soulève énormément d'enthousiasme dans ma région. Vous avez parlé de certains des avantages de ce projet et j'en conviens totalement avec vous.

Il y a un autre aspect que je trouve particulièrement intéressant et je pense qu'il va dans le sens de votre objectif de favoriser une vision commune et une collaboration plus étroite entre le gouvernement fédéral et les provinces. Ce projet réalisé à Terre-Neuve produira de l'énergie propre, mais il procurera aussi une nouvelle source d'électricité pour les quatre provinces de l'Atlantique, ce qui en fait une initiative extrêmement avantageuse pour notre région du pays. Lorsque les lignes électriques traverseront le Nouveau-Brunswick pour transporter cette énergie au-delà de la frontière américaine, on pourra constater l'énorme potentiel d'exportation pour la région, avec les emplois et toutes les retombées qui s'ensuivent.

C'est également un bon exemple des possibilités qui s'ouvrent à nous lorsque des provinces conjuguent leurs efforts pour concrétiser une vision commune. Pourriez-vous nous indiquer comment vous percevez, du point de vue fédéral, cette nécessité d'encourager une telle approche fondée sur la collaboration et les visions communes?

M. Oliver : C'était l'un des objectifs de la conférence fédérale-provinciale sur l'énergie qui s'est tenue à Kananaskis. C'est une compétence que nous partageons. Les provinces ont un rôle clé à jouer sur la scène des ressources naturelles. Bien que nous respections leur compétence dans ce secteur, nous croyons que nous pouvons tous choisir de travailler ensemble; c'est l'essence même de l'approche de collaboration à laquelle ont adhéré le Québec, l'Ontario tout comme l'ensemble des provinces et des territoires.

Cet effort de collaboration pancanadienne est primordial si nous souhaitons atteindre notre grand objectif : que le Canada soit reconnu comme une superpuissance énergétique capable de développer ses ressources de façon responsable tant du point de vue social qu'en matière environnementale. C'est un exemple de réussite de tout premier plan qui nous incite encore davantage à vouloir conjuguer nos efforts pour la réalisation d'autres projets.

Le sénateur Wallace : Comme toutes les bonnes idées semblables, il apparaît judicieux de vouloir encourager une collaboration accrue entre les provinces, mais il faut que quelqu'un enclenche le processus pour que l'initiative puisse aller de l'avant. Considérez-vous qu'il incombe principalement à votre ministère de lancer cet effort de collaboration, ou estimez-vous plutôt que la démarche doit s'amorcer à l'échelon des provinces qui détermineront au fur et à mesure la suite des choses?

M. Oliver : Nous devons agir en chef de file, mais nous n'allons bousculer personne dans ce dossier, la Constitution ne nous le permettrait pas de toute manière.

J'aimerais faire ressortir un autre aspect de la question. Comme chacun le sait, tout cela est déterminé au départ par les gens eux-mêmes et l'attitude de la population. C'est ce qui décide du résultat politique, lequel influe ensuite sur les décisions stratégiques du gouvernement. J'estime très important de nous engager dans un dialogue national avec les Canadiens pour bien les renseigner sur les faits en cause et les mobiliser aux fins de la création d'une vision globale pour notre pays. Il faut notamment que tous réalisent bien l'importance de nos ressources naturelles pour notre prospérité et soient en mesure d'envisager les questions environnementales dans leur contexte de manière à bien saisir la réalité des choses.

Comme je l'indiquais, l'exploitation de nos sables bitumineux ne compte que pour un millième des émissions planétaires. Je crois qu'il vaut la peine de le répéter parce que bien des gens l'ignorent. Nous devons nous montrer rigoureux en exposant les faits à nos concitoyens tout en insistant sur l'importance de ces éléments pour tous les Canadiens, d'un océan à l'autre. Pour ce faire, nous devons livrer aux gens un message direct — pas simpliste, mais clair — pour pouvoir commencer à les gagner à notre cause. Ce n'est pas une tâche facile ni un processus instantané, mais l'adhésion progressive des citoyens finit par influer sur l'environnement politique et les décideurs gouvernementaux, ce qui donne en bout de ligne des stratégies fonctionnelles qui servent nos intérêts nationaux.

Le président : Au nom de mes collègues et en mon nom personnel, j'aimerais vous remercier, monsieur le ministre, d'avoir cité presque textuellement notre rapport préliminaire intitulé Attention Canada! En route vers notre avenir énergétique, dont vous avez sans doute pris connaissance et qui préconise un dialogue national sur ces mêmes sujets. Nous avons essayé d'expliquer aux Canadiens la provenance de leurs ressources énergétiques.

Nous avons déjà commencé à établir le cadre de notre rapport final qui comprendra une section sur les mythes à détruire. Avec l'aide de notre personnel, nous avons relevé un certain nombre de croyances plutôt troublantes qui prévalent chez nos concitoyens concernant nos systèmes énergétiques. Nous pourrons ainsi mieux cibler nos efforts dans la suite de nos travaux.

[Français]

Le sénateur Massicotte : Merci, monsieur le ministre, d'être parmi nous cet après-midi, c'est très apprécié.

Vous avez dit que, d'ici 2020, l'objectif du gouvernement, en référence de l'année 2005, est une diminution de 17 p. 100. Si je comprends bien, c'est un objectif atteignable et raisonnable. Est-ce exact?

M. Oliver : Oui, c'est correct, et cela vient de nos obligations en vertu de la Convention de Copenhague.

Le sénateur Massicotte : Et vous êtes confiant qu'on va être capable d'atteindre cet objectif-là?

M. Oliver : À ma connaissance, oui.

Le sénateur Massicotte : En ce qui concerne EACL, vous affirmez être optimiste quant à l'énergie nucléaire. Je le suis aussi. Cependant, je dois dire que le Japon a ébranlé un peu ma confiance. J'appuie totalement votre entente avec SNC-Lavalin, selon moi, elle était nécessaire. Lorsqu'on examine l'historique de cette compagnie, on s'aperçoit qu'elle n'a pas vendu un réacteur depuis plusieurs années.

Quand notre comité a interrogé différents experts sur le consommateur potentiel de cette énergie, on a eu un son de cloche selon lequel la technologie et son prix n'étaient pas compétitifs. Peut-être que l'énergie nucléaire a un avenir intéressant, mais plusieurs experts s'entendent pour dire que EACL ne ferait pas partie du marché. En somme, pourquoi êtes-vous optimiste? Y a-t-il quelque chose qu'on ne comprend pas qui pourrait nous laisser croire que le futur est reluisant, mis à part la maintenance des contrats existants?

M. Oliver : Je ne peux pas décrire le marché de manière précise, mais on sait que la province de l'Ontario est en train de décider si elle veut procéder avec la centrale nucléaire Darlington. Récemment, en Argentine, un renouvellement de contrat de construction de l'ordre de 400 millions de dollars a été octroyé. Le fait que l'Institut international de l'énergie nucléaire ait projeté 90 nouveaux réacteurs est aussi encourageant.

Je pense que même s'il y avait des difficultés financières, le réacteur CANDU a bonne réputation. En tenant compte du fait que SNC-Lavalin est une compagnie ayant plusieurs succès à son actif et qu'elle est prête à utiliser ces technologies, je crois que cela indique un avenir raisonnable ou même mieux.

Le sénateur Massicotte : Est-ce que SNC-Lavalin investit une somme importante à risque dans cet engagement?

M. Oliver : Les dépôts de l'ordre de 15 millions de dollars n'étaient pas tellement significatifs, mais la compagnie a investi en ressources de manière significative afin que cela soit un succès. Ce n'est pas un effort qu'ils voudraient faire s'il n'y avait pas d'espoir.

Le sénateur Massicotte : J'espère, parce que, d'après nos connaissances concernant ceux qui prévoyaient un achat de réacteur, il n'y avait aucun réacteur CANDU. J'espère que votre optimisme est bien fondé.

Vous avez fait un commentaire, il y a quelques jours, au sujet d'un pipeline pour satisfaire le besoin d'énergie de l'Asie. La plupart des membres du comité vous appuient, mais nous reconnaissons aussi qu'il y a une résistance assez importante, politique et sociale. Néanmoins, je crois qu'il est très important pour notre pays de diversifier notre clientèle.

Est-ce faisable? Peut-on espérer que cela sera accompli d'ici cinq à 10 ans?

M. Oliver : Comme je l'ai dit, nous respectons le processus réglementaire. Il faut aussi consulter les communautés autochtones. Cela prend du temps, mais c'est quelque chose que nous pouvons faire. La stratégie de diversification de nos marchés est absolument fondamentale pour le pays. Nous pouvons, je pense, obtenir le succès recherché, mais non sans difficulté de temps à autre. C'est normal et inévitable.

[Traduction]

Le sénateur Dickson : Monsieur le ministre, je me dois de vous féliciter. Les gens qui nous regardent ce soir ont eu droit à un excellent exposé sur le brillant avenir que nous réservent nos ressources énergétiques.

Le sénateur Neufeld a exprimé mes sentiments beaucoup mieux que je ne saurais le faire. J'entrevois des possibilités extraordinaires pour le gaz naturel dans le secteur des transports, de même que pour le gaz de schiste. Plus nous pourrons entrer rapidement dans le vif du sujet, mieux ce sera.

Il y a, dans ma région du Canada atlantique, deux projets que j'aimerais porter à votre attention. Je pense notamment à l'exploitation de l'énergie marémotrice de la baie de Fundy dont vous n'avez pas parlé dans votre allocution. Il y a là un potentiel énorme à exploiter. J'aimerais savoir comment votre gouvernement et vous-même entrevoyez ce projet.

Il y a, par ailleurs, une question plutôt simple, relativement aux éléments soulevés par le sénateur Johnson, pour autant que la Nouvelle-Écosse soit concernée — et c'est ma province — qui consiste à savoir combien le consommateur paiera pour son énergie. C'est un sujet très controversé en Nouvelle-Écosse. Voilà qui peut nous mener à bien des questions ou des solutions. En regardant les notes documentaires qu'on nous a remises, je constate notamment que le règlement final pour le secteur de l'électricité alimentée au charbon n'entrera en vigueur qu'en 2015, bien qu'il sera publié en 2012. Plusieurs se demandent quels seront les coûts de ces nouvelles mesures réglementaires pour notre province et comment ils se traduiront quant au tarif à payer par le consommateur. On note un écart se chiffrant en millions de dollars entre certains montants fournis à cet effet par votre ministère ou par celui du ministre Kent. Si vous pouviez répondre à cette dernière question d'abord, car elle est primordiale pour les citoyens de notre province. Comme vous le savez, les tarifs énergétiques sont l'un des enjeux dans le dossier de la fermeture de l'usine NewPage à Port Hawkesbury.

M. Oliver : Votre deuxième question est très importante, mais c'est plutôt le ministre de l'Environnement qui devrait y répondre. C'est lui qui est responsable de cette réglementation et qui serait en mesure de vous renseigner en toute connaissance de cause.

Le sénateur Dickson : C'est une chose que je peux comprendre, mais il me semble que vous aurez également un rôle à jouer et je serais simplement curieux de savoir combien vous chiffreriez instinctivement les coûts de ces mesures réglementaires pour une province comme la Nouvelle-Écosse. Comme vous le savez, la Nouvelle-Écosse compte énormément sur les carburants fossiles pour la production d'électricité. Peut-on prendre l'échéance de 2015 et la remplacer par 2020? Quel est le truc?

M. Oliver : Dans la mise en oeuvre de ces règlements, nous nous efforçons toujours de trouver le juste équilibre entre les objectifs environnementaux et le contexte économique. Ce n'est pas tout le monde qui le fait, mais nous le faisons. Tout dépend de la situation. Nous devons examiner le projet concerné et les règles qui s'appliquent pour déterminer quels seront les impacts dans le secteur visé. Cette façon de faire est absolument essentielle si l'on ne veut pas s'embarquer dans une approche de type idéologique, ce qui n'est jamais une bonne chose.

Je ne peux pas vous répondre directement, mais je vais vous exposer ma démarche.

Je sais que l'énergie marémotrice suscite beaucoup d'enthousiasme. Je crois que la puissance marémotrice générée par la baie de Fundy est équivalente à celle produite par tous les fleuves du monde. C'est tout à fait extraordinaire. Cependant, la technologie voulue doit être mise au point. Les turbines doivent être suffisamment solides pour résister à cette puissance et à la corrosion qui affecte toute structure souterraine. On s'emploie à régler ces questions. Comme pour bien d'autres projets visant les énergies de remplacement, la technologie est en constante amélioration, mais on ne peut prédire exactement comment les choses tourneront ou combien de temps il faudra. Il y a toutefois beaucoup d'optimisme dans le Canada atlantique.

Le président : Il est intéressant, monsieur le ministre, que vous parliez de la baie de Fundy et du potentiel qu'elle recèle en énergie marémotrice. Notre comité a tellement cette étude à coeur que son président s'est rendu la semaine dernière dans le secteur d'Annapolis Royal pour voir de ses yeux ce qu'il en est et en apprendre davantage sur la situation. Il a été fort surpris, et horrifié, d'apprendre que les pales des générateurs ont été complètement arrachées lorsqu'on les a mises en place. C'est une source d'une puissance incroyable. Comme vous le disiez, nous sommes vraiment privilégiés.

Je sais qu'il nous reste peu de temps, mais je voudrais ajouter deux choses. Il y a encore deux sénateurs qui ont des questions à poser. J'espère que vous pourrez demeurer des nôtres pour leur répondre. Par ailleurs, nous voudrions bien donner suite à votre proposition de discuter de Keystone. Pour votre gouverne, comme pour celle de vos collaborateurs et de votre personnel, je vous signale, dans le contexte du dialogue souhaité avec les Canadiens, que nos délibérations sont diffusées sur le réseau CPAC; qu'il y a également webdiffusion; que nous avons notre propre site consacré à cette étude à l'adresse www.canadianenergyfuture.ca; et que nous sommes sur Twitter. Parallèlement à nos discussions de ce soir, il y a des échanges sur Twitter où vos propos sont repris fidèlement et favorablement. Nous avons besoin de votre coopération et de l'aide de vos collaborateurs pour la poursuite de cette initiative, car nous estimons sincèrement travailler dans l'intérêt national. Il n'est aucunement question ici de partisanerie politique; nous allons tous travailler ensemble de manière consensuelle.

Le sénateur Seidman : Je veux vous féliciter à mon tour pour le travail que vous accomplissez en tant que ministre.

Je vais revenir à un thème abordé souvent ce soir, c'est-à-dire le défi que constitue clairement la collaboration avec les provinces et les territoires pour suivre une vision collective, des principes communs et des objectifs clairs. Ce sont exactement les mots que vous avez employés. Je dois dire que lorsque vous avez répondu à la question du sénateur Wallace, pour donner des détails à ce sujet, j'ai été ravie de vous entendre parler de la sensibilisation du public et de la participation de la population. Comme le président l'a souligné, notre comité a beaucoup parlé des idées fausses qui sont véhiculées et du fait que quelqu'un doit jouer un rôle de leadership.

Je vais me concentrer un peu sur le Québec et vous poser une question au sujet de la fracturation. Je crois que vous avez annoncé récemment que le gouvernement fédéral, précisément votre ministère, se penchera sur la fracturation dans l'optique de la sécurité. Comme vous le savez, le Québec a décrété un moratoire sur la fracturation, et je pense que d'autres provinces ont fait de même. Vous en avez parlé. Pourriez-vous nous dire exactement ce que vous vous apprêtez à faire?

M. Oliver : Premièrement, comme je l'ai dit, la réglementation concernant le forage terrestre de gaz naturel et les activités d'exploitation, incluant la fracturation, relève principalement des provinces. Il faut que la réglementation, les pratiques optimales et la surveillance réglementaire nous permettent de nous assurer que la fracturation hydraulique est effectuée d'une manière qui n'entraîne pas la contamination des eaux souterraines. C'est l'objectif visé. La fracturation s'effectue habituellement à des milliers de pieds sous les formations aquifères. Jusqu'à maintenant, aucun cas de contamination de ces formations causée par la fracturation hydraulique n'a été répertorié au Canada.

Le fluide de fracturation hydraulique est pompé dans le puits de forage jusqu'à ce que la pression soit suffisamment élevée pour fracasser la roche, ce qui crée un réseau de fractures permettant au gaz de s'échapper. C'est la technique qui est utilisée dans l'industrie depuis les années 1960, je crois. Il ne s'agit pas d'une nouvelle technologie, mais on essaie de l'améliorer.

Chaque province adopte une approche différente. Comme vous l'avez souligné, le Québec a imposé un moratoire, tandis que d'autres provinces examinent cette possibilité. La Colombie-Britannique a décidé d'aller de l'avant. Environnement Canada est en train de mener des études, dont nous attendons les résultats.

Comme je l'ai mentionné plus tôt, le secteur de l'exploitation du gaz de schiste est très développé dans d'autres pays. Dans ce domaine, les États-Unis ont environ cinq ans d'avance sur nous. Nous devons nous demander si nous voulons développer ce secteur au Canada. Si c'est ce que nous choisissons de faire, nous bénéficierons d'un approvisionnement en gaz naturel pendant à peu près 100 ou 200 ans. On a découvert de vastes réserves dans d'autres pays, ce qui, comme je l'ai dit, change un peu la donne. La différence qui existe entre le prix du gaz et celui du pétrole — vous connaissez l'évolution du prix du gaz — tient au fait que l'offre est abondante aux États-Unis en ce moment.

Cette situation a un impact, qui peut être très important, mais au Canada, il faut que tout soit conforme à la réglementation.

Le sénateur Seidman : Je sais que vous voulez parler du projet Keystone.

M. Oliver : Je peux en parler.

Le président : Vous pouvez poser votre question.

Le sénateur Seidman : Puisqu'il s'agit d'un sujet très pertinent — nous avons tous vu la manifestation massive qui a eu lieu ici hier — et que le projet Keystone est important, vous pourriez peut-être nous dire comment vous abordez ce dossier.

M. Oliver : Comme vous le savez je crois, il est question d'acheminer par pipeline le bitume extrait des sables bitumineux de l'Alberta jusqu'à la côte du golfe du Mexique, aux États-Unis, précisément au Texas, où il sera raffiné. On parle d'une capacité commerciale d'environ 500 000 barils par jour et d'une capacité totale de 700 000 barils par jour.

Ce projet permettra la création, comme je l'ai mentionné je pense, de plus de 140 000 emplois en moyenne par année au Canada — directs et indirects — et engendrera des retombées économiques de l'ordre de 600 milliards de dollars. On avait prévu que l'exploitation des sables bitumineux générerait, au cours des 25 prochaines années, une activité économique se chiffrant à environ 2,3 billions de dollars, mais ce projet ferait passer cette somme à 2,9 billions de dollars. Cela aura un très grand impact sur l'économie, l'emploi, la prospérité et la capacité des gouvernements de financer l'aide sociale, l'éducation et la santé. Il s'agit d'un projet très important.

Ce projet contribuerait à assurer la sécurité énergétique des États-Unis. Quand je me suis entretenu avec des représentants de certains groupes de réflexion américains, on m'a confié que la sécurité énergétique constituait une grande préoccupation. J'ai rencontré des législateurs et mon homologue, le secrétaire à l'Énergie, Steven Chu, et j'ai constaté qu'ils sont tous très conscients du fait que l'importation de ressources provenant d'un pays ami, fiable, stable et démocratique constitue une façon d'assurer la sécurité énergétique de leur pays. Ce n'est pas seulement réconfortant pour eux, c'est un réel avantage.

Il y a aussi la création d'emplois. Les Américains doivent absolument favoriser la création d'emplois parce que la croissance a été nulle aux États-Unis le mois dernier. Ils doivent également stimuler l'activité économique.

Il s'agit donc d'un projet très important pour le Canada et pour les États-Unis. C'est un projet avantageux pour les deux pays. Puisque l'Office national de l'énergie s'est prononcé sur le projet l'an dernier et que le département d'État a terminé son étude d'impact environnemental, dont les résultats sont positifs, nous espérons que le projet sera approuvé. Il faut attendre 90 jours après la publication de l'étude d'impact environnemental, ce qui a été fait il y a un mois, c'est- à-dire à la fin août, avant de savoir si le projet est approuvé.

La décision sera donc prise d'ici la fin de l'année. Elle appartient à la secrétaire d'État puisqu'on considère qu'il s'agit d'un projet international. Dans l'intervalle, la population est invitée à formuler des commentaires. Si la secrétaire d'État est favorable au projet et qu'aucun des principaux organismes de réglementation ne s'y oppose, alors il ira de l'avant. Dans le cas contraire, la décision appartiendra au président. Essentiellement, le président Obama prendra alors en considération les aspects que j'ai mentionnés.

L'appui n'est pas unanime. Comme vous le savez, il y a eu des manifestations à Washington et ici même à Ottawa. Nous vivons dans une démocratie, et les gens ont tout à fait le droit de manifester sur la place publique et d'exprimer leurs opinions. Je suis d'avis qu'il faut tenir une discussion sur les faits pour ensuite pouvoir déterminer ce qui est raisonnable de faire.

On m'a demandé ce que je pensais du point de vue exprimé par les manifestants, et j'ai répondu qu'ils ont le droit d'exprimer leurs opinions. Nous devons tenir compte de ce que pensent près de 35 millions de Canadiens et des répercussions qu'aura ce projet sur la population canadienne. À mon avis, les répercussions seront très positives. Il faut aller au-delà des beaux discours, des idéologies et des mythes. Il faut connaître les faits pour pouvoir prendre une décision. La réalisation de ce projet va clairement dans l'intérêt de notre pays. J'espère que le gouvernement américain en viendra lui aussi à la conclusion que ce projet va dans l'intérêt des États-Unis. Nous connaîtrons la décision cette année.

Le président : Monsieur le ministre, si je comprends bien, toutes les approbations au Canada ont été obtenues; toutes les étapes ont été franchies. Sur le plan de la politique publique, le feu vert a été donné. Lorsque les États-Unis auront rendu leur décision, les promoteurs, à savoir la société TransCanada et les entreprises qui forment le consortium, pourront aller de l'avant.

M. Oliver : C'est exact.

Le président : Je vous ai vu hier soir à l'émission « The Hour », au réseau CBC, je crois bien que c'est cela, et j'ai trouvé que vous aviez très bien réussi à expliquer ce projet. Je pense que par inadvertance vous avez déclaré que si les opposants souhaitent vous rencontrer, vous seriez heureux de discuter avec eux. Se sont-ils manifestés? Puisque la vérité fait mal, j'ai le sentiment qu'ils ne vous feront pas signe.

M. Oliver : J'ai affirmé qu'à ma connaissance, je n'ai jamais été invité à les rencontrer. On est en train de vérifier si c'est exact. À ma connaissance, on ne m'a jamais demandé de les rencontrer. Ils affirment le contraire, mais je peux dire que je n'ai jamais reçu de demande. Mon téléphone n'a pas encore sonné. Je ne les ai pas invités à venir me rencontrer, mais j'estime qu'ils ont le droit d'être entendus. La décision leur appartient.

Le sénateur Lang : Nous avons parlé du fait qu'il faut sensibiliser le public. Je pense que le sénateur Massicotte a mentionné plus tôt que dans certaines régions du pays on favorise parfois une effervescence politique et sociale, créant ainsi une opposition à la réalisation de ces projets. Je veux mettre en évidence le fait qu'une bonne partie des fonds que reçoivent les organismes en cause provient des États-Unis. J'ai entendu dire que ces sommes peuvent atteindre 300 millions de dollars.

Je suis passablement préoccupé par cette situation parce que je ne crois pas que la plupart des Canadiens savent que cet argent entre au Canada pour financer ces organismes, directement ou indirectement. Est-ce que le gouvernement prend des mesures pour que les Canadiens sachent qui finance ces organismes de sorte que, quand vient le temps de prendre des décisions, nous soyons conscients du fait que certains organismes d'ailleurs sont clairement intéressés par nos ressources et que nous puissions prendre cela en considération? Vous avez peut-être des commentaires à formuler là-dessus.

M. Oliver : Je crois qu'il s'agit d'un réel problème. Nous n'avons pas caché notre position aux Américains. Le gouvernement du Canada a fait connaître son point de vue, par l'entremise de son ambassadeur aux États-Unis et de ses consuls généraux à New York, à San Francisco et à Los Angeles. Comme je l'ai dit, je me suis entretenu avec eux. Nous faisons preuve de transparence. Nous ne sommes pas sournois; nous ne finançons aucun organisme américain de lobbying. Vous soulevez-là une question de politique publique intéressante.

Le sénateur Lang : Je crois que les Canadiens devraient être mis au courant. Cela pourrait faire partie d'un programme de sensibilisation du public élaboré par les provinces et le gouvernement du Canada pour informer le Canadien moyen de cet intérêt à l'égard de nos ressources et des sommes qui entrent au pays. Lorsqu'elles comparaissent devant un organisme de réglementation, ces organisations devraient être tenues de dévoiler leurs sources de financement.

Le président : C'est l'exploitation de l'énergie marémotrice qui est en cause, n'est-ce pas, sénateur?

Le sénateur Lang : Je crois que oui.

Le président : Monsieur le ministre, nous vous remercions, et nous remercions particulièrement votre personnel et les représentants du ministère d'avoir été indulgents en ce qui a trait à notre horaire. Je sais que vous avez une allocution à prononcer. Je pense que je peux dire à mes collègues du comité que vous avez accepté de discuter plus en détail de ces questions avec nous dans le cadre d'un dîner informel, comme l'a fait le ministre Kent, qui pourra avoir lieu à un moment qui conviendra à tous. Si M. Dupont et les autres veulent se joindre à nous, ce serait très bien. C'est à vous de décider.

M. Oliver : Je serais ravi de m'entretenir avec vous.

Le président : C'est bien aimable à vous. J'espère que vous avez aimé votre première comparution devant notre comité.

M. Oliver : Tout à fait.

Le président : C'est votre comité. N'hésitez pas à venir nous faire part de vos points de vue chaque fois que vous le souhaitez.

Je vous remercie beaucoup. Je vais demander à tous les membres de rester dans la salle. Lorsque le ministre aura quitté, j'aurai certaines choses à vous dire.

(La séance se poursuit à huis clos.)


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