Délibérations du Comité sénatorial permanent de
l'Énergie, de l'environnement et des ressources naturelles
Fascicule 4 - Témoignages du 20 octobre 2011
OTTAWA, le jeudi 20 octobre 2011
Le Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles se réunit aujourd'hui, à 8 h 34, pour étudier l'état actuel et futur du secteur de l'énergie du Canada (y compris les énergies de remplacement).
Le sénateur W. David Angus (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président : Je déclare ouverte cette séance du Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles.
Nos invités de ce matin sont à Ottawa depuis quelques jours, parcourant les coulisses du pouvoir et organisant des expositions sur le mail de la rue Sparks. J'espère que vos actions ont porté fruit et que vous êtes maintenant prêts à vous consacrer à la partie la plus importante de votre séjour ici — pour nous, tout au moins, c'est la partie la plus importante, car, depuis que nous avons pris connaissance, à Montréal, du sujet qui vous occupe, nous avons très hâte d'entendre vos divers points de vue. C'est à l'occasion de cette rencontre que les représentants de Robert Transport nous ont donné une assez bonne description du projet, de ses avantages et inconvénients, ainsi que des difficultés posées par les stations de ravitaillement ainsi que par le chevauchement des compétences et toutes les autres questions auxquelles le secteur fait face au Canada.
Avant d'aller plus loin, j'aimerais préciser qu'il s'agit de la suite de notre étude du secteur de l'énergie du Canada, démarche qui a pour but d'élaborer un cadre stratégique national afin de rendre notre filière énergétique plus efficiente, plus durable et plus propre. Cette étude est en cours depuis plus de deux ans. Nous nous préparons actuellement à conclure nos travaux et nous espérons être en mesure de présenter un rapport au début du mois de juin 2012.
La seule autre chose qu'il nous reste à faire, en plus de continuer à entendre des témoins représentant divers groupes et diverses sources d'énergie, est de terminer nos consultations nationales en Alberta, en Saskatchewan, au Manitoba et en Colombie-Britannique et, éventuellement, dans le Nord, ce que nous avons l'intention de faire, si tout va bien lundi soir.
Vous êtes cinq, mais je me rends compte que la tête de votre équipe est Alicia Milner, présidente de l'Alliance canadienne pour les véhicules au gaz naturel. Sous sa direction éclairée et capable, l'association a restructuré et élargi ses effectifs, augmenté son appui aux entreprises canadiennes qui mènent des activités sur les marchés d'exportation et établi un partenariat avec la chaîne de valeur du gaz plus étendue pour favoriser une meilleure compréhension des avantages du gaz naturel en tant que ressource abondante au Canada.
Mme Milner est également vice-présidente de l'Association mondiale des véhicules au gaz naturel, NGV Global. Elle a récemment été nommée au sein du Conseil consultatif national sur l'efficacité énergétique, organisme qui s'insère parfaitement dans le champ de notre étude.
Mme Milner est accompagnée de Fred Zweep, président du Vedder Transportation Group; de Sam Shaw, vice-président, Élaboration de la politique sur le gaz naturel, Économie du gaz naturel, de la société Encana, qui est bien connu de notre comité. Monsieur Shaw, merci de revenir témoigner.
De Peterbilt Canada, nous avons M. Dan Kaye, directeur des ventes. Bienvenue.
La société Westport Innovations est représentée par Jonathan Burke. Nous avons beaucoup entendu parler de la société de M. Burke. Je pense qu'elle est établie en Colombie-Britannique et qu'elle fabrique des camions à usage spécialisé.
Il semble que le groupe que vous avez réuni ce matin sera en mesure de couvrir tous les aspects de la question.
Je suis David Angus, du Québec, le président du comité. Le sénateur Grant Mitchell, de l'Alberta, assure la vice-présidence. De la bibliothèque du Parlement, nous avons M. Mark LeBlanc et Mme Sam Banks. De la Saskatchewan, nous avons le sénateur Rob Peterson; de l'Alberta, le sénateur Tommy Banks; de Nouvelle-Écosse, le sénateur Fred Dickson; des Territoires du Nord-Ouest, le sénateur Nick Sibbeston. Vous connaissez tous très bien notre greffière, comme, du reste, tous les Canadiens qui regardent nos délibérations sur le Web. Quand je regarde ces retransmissions, je ne me vois jamais, ce qui me paraît très bien.
De Colombie-Britannique, nous avons le sénateur Richard Neufeld; du Québec, le sénateur Judith Seidman; du Manitoba, le sénateur Janis Johnson; du Nouveau-Brunswick, le sénateur John Wallace; et le seul sénateur élu pour le moment, Bert Brown, de l'Alberta.
Nos travaux ont commencé légèrement en retard par rapport à d'habitude, parce que nous avons généralement deux groupes de témoins, mais je pense que nous avons largement de quoi discuter jusqu'à l'arrivée du comité du sénateur Wallace.
Je crois que Mme Milner va présenter une déclaration préliminaire.
Alicia Milner, présidente, Alliance canadienne pour les véhicules au gaz naturel : Merci, sénateur Angus, pour vos aimables commentaires et vos paroles de bienvenue.
Comme vous l'avez dit, nous avons en effet présenté le premier camion gros porteur au GNL certifié SmartWay du Canada, hier, dans le mail de la rue Sparks. Les conditions météorologiques ont failli remettre en question cette exposition, mais elle a quand même eu lieu et a suscité beaucoup d'intérêt, pas seulement de la part des parlementaires, mais également de la part des passants qui ont emprunté le mail pendant la journée. Merci de l'avoir souligné. Nous sommes heureux d'avoir été en mesure de faire venir ce véhicule dans la rue Sparks. Ce n'était pas un camion de chez Zweep, il venait plutôt de chez Robert, mais M. Zweep vous parlera sans aucun doute plus longuement du projet Vedder au cours de la matinée.
Nous sommes ici pour vous parler des corridors de camionnage intelligents et de la façon dont l'industrie peut tirer parti de cette occasion d'investissement, étant donné les avantages dont dispose le Canada en matière d'énergie et de technologie novatrice.
Comme vous l'avez mentionné, le rapport préliminaire sur l'énergie durable présenté en juin par le comité est bien entendu très pertinent pour le sujet qui nous intéresse et quant à l'utilisation du gaz naturel dans les transports. Les questions générales de la compétitivité, de la sécurité et d'une économie moins productrice de carbone ont une incidence sur les questions que nous allons examiner ici aujourd'hui. Dans notre secteur industriel, il est certain que l'élément commun concerne les avantages en matière économique, environnementale et sécurité énergétique que le Canada peut véritablement tirer de la transition vers une économie moins productrice de carbone.
L'utilisation du gaz naturel dans le secteur des transports présente plusieurs avantages, le premier étant d'offrir un choix dans un secteur de notre économie où ce choix est actuellement inexistant. Le Canada est un pays exportateur net, mais certaines de nos régions sont vulnérables, étant donné, par exemple, que les raffineries du Québec et des Maritimes sont tributaires du pétrole importé.
En deuxième lieu, il y a la réduction des émissions de carbone. Les véhicules lourds qui vont faire l'objet de nos commentaires aujourd'hui, figurent parmi les sources de carbone dont la croissance est la plus rapide au Canada et il y a très peu d'options pour réduire les émissions de carbone en provenance de ces sources.
Troisièmement, un nouveau marché pour une ressource canadienne abondante. Chacun sait que le Canada est le troisième plus grand producteur de gaz naturel au monde. L'ouverture d'un marché comme celui des transports qui consomme 30 p. 100 de l'énergie secondaire serait très importante pour nous sur le plan des ressources, et je sais que M. Shaw en parlera tout à l'heure.
Enfin, l'augmentation des investissements du secteur privé, que ce soit pour la production du carburant, la fabrication des pièces d'équipement et des stations, ou l'assemblage des véhicules. M. Kaye nous présentera le point de vue de Peterbilt. Beaucoup d'autres avantages s'offrent à nous, si nous savons en tirer parti.
Nous félicitons le comité de s'intéresser à cette importante question de la consommation d'énergie et nous vous encourageons à continuer à scruter le secteur des transports. De manière générale, lorsqu'il s'agit de transports, on peut dire que ce sont les véhicules de tourisme qui retiennent surtout l'attention, et à juste titre, puisqu'ils représentent 96 p. 100 de tous les véhicules qui circulent sur nos routes. Cependant, nous allons nous intéresser aujourd'hui aux poids lourds. Ils ne représentent que 4 p. 100, mais produisent un tiers des émissions de carbone de la circulation routière, ce qui est une très grosse proportion. Nous pensons détenir une très bonne solution canadienne à ce problème.
Le président : Quand vous parlez de « véhicules lourds », vous utilisez un terme générique. Pouvez-vous préciser ce que ce terme recouvre?
Mme Milner : Plus précisément, ce sont les véhicules moyens et lourds, même si l'inventaire national du Canada comprend une catégorie pour les véhicules légers qui regroupent les automobiles, les camionnettes et les VUS, et une catégorie qui comprend tous les autres poids lourds. Les camionnettes de livraison urbaine, les camions à ordures, les camions gros porteurs sont considérés comme des véhicules moyens et lourds, mais pour simplifier, nous leur donnons l'appellation de véhicules lourds, comme le fait l'inventaire national.
Le président : Tous les camions.
Mme Milner : Tous les camions et les autobus qui circulent sur nos routes appartiennent à cette catégorie.
Comme nous l'avons dit, certains représentants de l'industrie qui nous accompagnent aujourd'hui nous donneront leurs points de vue sur cette opportunité à partir de leurs perspectives différentes. Tout d'abord, M. Fred Zweep, président de Vedder Transport nous parlera de l'investissement dans le parc automobile. Vedder a lancé, il y a trois semaines, le premier projet de camions au GNL dans l'Ouest canadien, à Abbotsford, en Colombie-Britannique, et M. Zweep nous en parlera plus en détails.
Deuxièmement, M. Dan Kaye, ici présent, représente Peterbilt Canada qui est, comme vous le savez, l'une des deux seules usines de fabrication de camions au Canada et notre chef de file en ce qui a trait au carburant de remplacement, y compris le gaz naturel.
Troisièmement, pour le secteur de la fabrication de moteurs, nous avons M. Jonathan Burke, de Westport Innovations. Comme beaucoup de membres du comité le savent, Westport et sa coentreprise Cummins Westport est le leader du marché de la fabrication de moteurs au gaz naturel pour gros porteurs en Amérique du Nord. Ils fournissent des moteurs à plus de 20 différents fabricants de camions et d'autobus. Actuellement, le Canada détient le monopole sur ce marché, essentiellement grâce à cette technologie très innovatrice.
Enfin, nous sommes accompagnés de M. Sam Shaw, de Encana, qui représente le secteur du gaz naturel et des investissements connexes. Encana occupe une position de leadership sur le marché des transports et je sais que M. Shaw va vous parler de certaines des initiatives d'Encana en vue de faire avancer ce dossier en tant qu'acteur de premier plan dans le secteur de l'énergie.
Avant de vous exposer la perspective de l'industrie, je tiens à présenter aux membres du comité un rapport auquel l'industrie a consacré une bonne partie de l'an dernier et dont beaucoup d'entre vous ont peut-être pris connaissance : L'utilisation du gaz naturel dans le secteur du transport canadien — Plan d'action pour le déploiement. Ce document a été publié par Ressources naturelles Canada en janvier de cette année. Ce rapport est véritablement le résultat d'un processus très large lancé par les parties intéressées. Tous avaient compris que les perspectives d'approvisionnement en gaz naturel avaient radicalement changé au Canada. À partir de là, il fallait se demander sur quel aspect il fallait se pencher dans le secteur des transports. Sur quel marché faut-il commencer à intervenir? La conclusion qui s'est imposée visait les véhicules moyens et lourds qui reviennent au dépôt le soir ou qui fonctionnent dans les corridors régionaux. Je suis certaine que beaucoup d'entre vous savent que l'infrastructure demeure le défi, dans le secteur du gaz naturel comme dans beaucoup d'autres secteurs du carburant de remplacement. C'est l'éternel problème de la poule et de l'oeuf. En mettant l'accent sur les véhicules qui retournent au dépôt après la livraison et sur les corridors régionaux, nous pouvons minimiser cet investissement dans l'infrastructure et maximiser les avantages et la transition vers le gaz naturel.
En plus du rapport, je voudrais signaler au comité que le budget 2011 a mis en place un programme d'écoÉNERGIE de 1,4 million de dollars pour les carburants de remplacement dans la palette de programmes de l'Office de l'efficacité énergétique de RNCan. C'était une mesure très utile pour l'industrie. Cela fait deux années consacrées à l'établissement de codes et de normes et au développement des ressources en matière de sensibilisation et de liaison. L'industrie s'associe actuellement au ministère dans le cadre de ces activités et le moment n'aurait pu être mieux choisi. Maintenant que nous avons un projet de camions au GNL dans l'Ouest, notre premier projet de camions à ordures dans l'Ouest du Canada et le projet de camions au GNL de la flotte Robert au Québec, nous recueillons beaucoup de données et nous devons classer de manière systématique les résultats observés. Nous avons besoin de pionniers comme Fred Zweep, mais nous ne voulons pas de défis. Nous voulons aplanir les obstacles et faire en sorte qu'il soit facile pour les flottes automobiles de faire la transition de manière rentable et opportune.
Avant de donner la parole à nos partenaires de l'industrie, j'aimerais souligner certains investissements qui ont été faits au Canada en 2011 dans le secteur du gaz naturel pour véhicules lourds. Ces investissements sont importants. Tout d'abord, il y a le projet Robert, en Ontario et au Québec. C'est un projet d'environ 60 millions de dollars touchant 180 camions au GNL, un investissement supérieur à ce qu'il aurait été pour un projet comparable de véhicules utilisant du carburant diesel. L'inauguration de la première station a eu lieu lundi de cette semaine à Boucherville, dans le dépôt de la société Robert. Une deuxième station ouvrira ses portes à Mississauga d'ici un mois environ et une troisième est en projet à Québec. Robert est un des plus grands transporteurs du Canada. Une partie de la flotte de cette société, environ 15 p. 100, participera au projet. Elle sait exactement où vont ses camions et qu'avec un rayon d'action de 1 000 kilomètres et deux stations et éventuellement une troisième, elle n'aura aucun problème à répondre aux demandes de ses clients en matière de transport des marchandises. C'est un projet formidable et nous considérons également qu'il s'agit d'un point de départ pour le corridor de camionnage intelligent entre Windsor et Québec.
Deuxièmement, dans l'Ouest du Canada, les investissements ont été plus variés jusqu'à présent et répartis entre la Colombie-Britannique et l'Alberta. J'ai mentionné le premier projet de camions à ordures du Canada, au centre de gestion des déchets de Coquitlam, en Colombie-Britannique. Ce centre dispose désormais de 20 camions qui reviennent tous au garage le soir pour être rechargés pendant la nuit. Ce modèle qui commence au Canada, est déjà bien implanté aux États-Unis et nous nous attendons à ce qu'il fasse école. Mentionnons à ce titre que la ville de Surrey, en Colombie-Britannique, était récemment la première municipalité à inclure dans son processus d'appels d'offres une condition exigeant l'utilisation de gaz naturel comme carburant de remplacement produisant de plus faibles émissions. Nous considérons qu'il s'agit là d'une mesure progressiste et d'un bon levier que nous continuerons à encourager.
Je vais laisser M. Zweep parler plus en détails du projet Vedder et des stations associées à ce projet.
Enfin, il y a eu aussi des investissements dans le secteur de l'approvisionnement du marché en carburant. Encana a investi dans des unités de liquéfaction mobiles afin que le marché s'habitue au GNL comme carburant pour les poids lourds et d'abaisser cet obstacle pour que les flottes puissent se familiariser avec ce nouveau mode de fonctionnement avant de devoir prendre un engagement plus complet.
Enfin, il y a l'annonce faite par Shell que beaucoup d'entre vous ont entendue, à la fin septembre. Shell construit une installation de liquéfaction en Alberta. C'est très intéressant parce que cela fait partie d'une stratégie mondiale de Shell qui a choisi le Canada pour faire ce premier investissement. Nous avions invité le directeur général au dîner d'hier soir avec les parlementaires. Il a parlé de cet investissement. Il a déclaré que l'investissement dans cette installation serait de 250 millions de dollars, mais je vous indique plutôt un chiffre de 50 millions de dollars. Pour le Canada, c'est un gain fantastique qui permettra d'approvisionner le marché de l'Ouest en carburant. Actuellement, la seule installation de GNL dans l'Ouest se trouve en Colombie-Britannique, dans le Lower Mainland et dans l'île de Vancouver. Par conséquent, c'est vraiment une bonne nouvelle.
En conclusion, j'aimerais souligner, comme je l'ai indiqué, qu'il y a des possibilités dans la chaîne d'approvisionnement en carburant pour les entreprises canadiennes, les pièces pour véhicules, la fabrication de véhicules et les stations. J'aimerais vous donner une idée des avantages dont nous pourrons bénéficier lorsque le gaz naturel commencera à pénétrer le marché. Quels seront-ils et quel sera leur ordre de grandeur? Nous parlons de nouveaux véhicules qui seront tous construits en usine. Si 5 p. 100 des nouveaux camions et autobus vendus au cours des 10 prochaines années fonctionnent au gaz naturel, cela représentera environ 18 000 véhicules. C'est une estimation relativement modeste. Selon nos estimations, cela mènera à la création d'environ 1 200 emplois et autorisera une réduction équivalente à une mégatonne de dioxyde de carbone dans un des secteurs où la croissance est la plus grande. Par conséquent, c'est un résultat relativement important pour un degré de pénétration relativement modeste et qui nous paraît réalisable. Je suis heureuse d'être accompagnée aujourd'hui par mes collègues de l'industrie qui vont pouvoir vous expliquer comment cela est possible.
Le président : Merci de votre exposé. C'était clair et bien construit. Les groupes qui viennent témoigner devant nous citent toutes sortes de chiffres. On nous a dit, par exemple, que 55 p. 100 de l'électricité produite en Ontario est d'origine nucléaire. On nous a dit que tel pourcentage de l'ensemble des émissions de gaz à effet de serre produites au Canada provient des véhicules lourds. Savez-vous quel est ce pourcentage et savez-vous quelle serait la réduction que l'on pourrait obtenir si vos projets étaient appliqués à l'échelle nationale?
Mme Milner : J'aimerais vous brosser un tableau complet. Ce que je peux vous dire, c'est que depuis 1990, dans le secteur des véhicules, les véhicules lourds sont responsables de la moitié de la croissance des émissions. Je crois que c'est près de 20 mégatonnes, mais je n'en suis pas absolument certaine. C'est une proportion extrêmement importante et considérable sur le plan national.
Je crois par ailleurs qu'il faut souligner qu'il est très important d'encourager la réduction des émissions grâce aux technologies vertes dans le cas des voitures de tourisme dont les émissions de carbone ont diminué depuis 1990; cependant, ce n'est pas le cas pour les véhicules utilitaires légers et les VUS, contrairement aux véhicules du tourisme. Par conséquent, il est important que les progrès technologiques permettent de réduire les émissions des véhicules utilitaires légers, mais il ne faut pas non plus perdre de vue le secteur qui pose problème, celui des véhicules lourds où l'on peut combattre l'augmentation des émissions grâce aux nombreuses technologies utilisant le gaz naturel auxquelles on peut désormais faire appel.
Le président : Vous l'avez mentionné, mais à quel endroit procède-t-on à la liquéfaction du gaz utilisé dans ces véhicules?
Mme Milner : Actuellement, il existe quatre installations d'écrêtement des pointes au Canada. Les services de distribution achètent le gaz en période creuse, pendant l'été, lorsqu'il est le moins cher, le refroidissent et l'entreposent dans de grands réservoirs, qui sont en fait des thermos géants, jusqu'à l'hiver, lorsqu'on en a besoin, les jours les plus froids de l'année. Ces quatre installations se trouvent à Montréal, dans le nord de l'Ontario, près de Sudbury, dans le Lower Mainland, à Delta, en Colombie-Britannique, et sur l'île de Vancouver. C'est tout pour le Canada. La seule autre source de GNL se trouve actuellement à l'installation Irving, le Canaport de Saint John, au Nouveau-Brunswick.
Pendant de nombreuses années, Westport avait un projet de démonstration en Ontario, en 2005 et 2006. Avec le financement du transport et grâce à TDDC — Technologies du développement durable du Canada — et d'autres partenaires, cette démonstration a suscité beaucoup d'engouement car elle a été couronnée de succès et a démontré qu'elle présentait des avantages sur le plan des émissions. Le problème était que nous n'avions pas d'approvisionnement en GNL. À cette époque-là, nous ne pouvions pas poursuivre l'expérience au Canada. C'est désormais possible. Il existe maintenant quelques installations. Comme vous le savez, il y a Gaz Métro. Dans l'Ouest, FortisBC occupe désormais ce secteur et affirme qu'elle a ce carburant en réserve, mais qu'elle ne l'utilise pas et qu'elle investira pour agrandir les installations d'écrêtement des périodes de pointe afin de livrer plus de carburant sur le marché. On voit aussi des intervenants du secteur privé comme Shell et d'autres sociétés, qui s'intéressent à cette possibilité et qui font un investissement direct. Cela se passe à l'extérieur des services publics, ce qui, à mon avis, est extrêmement utile.
Le président : Merci de ces précisions. Vous alliez passer le micro à un de vos collègues.
Mme Milner : Je vais laisser la parole à M. Fred Zweep, le président de Vedder Transport.
Fred Zweep, président, Vedder Transportation Group : Vedder Transport a adopté la technologie. Je vais vous donner un bref historique : fondée en 1956, la société Vedder Transport est une entreprise internationale de transport. Nous avons deux entreprises principales de camionnage. La première est Can-Am West Carriers, une compagnie générale de transport de marchandises et Vedder Transport, un transporteur de vrac liquide ou de produits de qualité alimentaire dans l'Ouest du Canada.
Pour vous donner un exemple, notre entreprise est aujourd'hui le plus grand transporteur de lait de tout le Canada. Nous récoltons 1,6 million de litres de lait brut directement dans les fermes du Lower Mainland, en Colombie-Britannique, et nous les transportons vers les usines de conditionnement en vue de la consommation humaine. Aujourd'hui, nous employons environ 650 personnes. Nous sommes une entreprise familiale privée exploitée par la famille qui en est propriétaire et dont le siège social se trouve à Abbotsford, en Colombie-Britannique.
Notre décision de nous intéresser au gaz naturel liquéfié et à la technologie des moteurs au gaz naturel reposait sur deux raisons principales. En tant qu'utilisateurs de carburant diesel traditionnel, nous ressentions le besoin, et nous avions continuellement des pressions en ce sens, d'examiner d'autres moyens de réduire nos dépenses liées à la prestation des services à notre clientèle. Jusqu'à présent, les transporteurs utilisant des véhicules de la classe 8 comme les nôtres n'ont pas eu d'autres possibilités d'utiliser des carburants de remplacement dans le cadre de notre modèle de gestion. C'était une raison importante. Nous cherchions l'occasion de faire nos livraisons à moindre coût, d'être plus compétitifs dans le secteur commercial où nous évoluons.
La deuxième raison était la réduction de notre impact sur l'environnement. Aujourd'hui, grâce aux nouvelles technologies, l'utilisation du gaz naturel nous permet de réduire nos émissions de gaz à effet de serre de 27 à 30 p. 100, ce qui équivaut à une réduction importante de l'impact environnemental.
Au niveau de l'investissement, lorsqu'on envisage d'utiliser le gaz naturel et la technologie créée par Westport Innovations, il faut s'attendre à une augmentation importante du coût de la flotte de camions si l'on décide d'utiliser la technologie du moteur au gaz naturel. Vedder Transport, en collaboration avec son partenaire Peterbilt, a fait l'acquisition de 50 véhicules fonctionnant au gaz naturel. Cela représente une dépense d'équipement de 11,3 millions de dollars. La dépense normale pour des moteurs diesel traditionnels aurait été de 7 millions de dollars. Cela représente donc un excédent de dépenses de 4,3 millions de dollars. L'écart est assez important, surtout dans un secteur où les marges sont relativement minces.
Il y a 24 mois, nous avons commencé à nous intéresser à notre projet et à notre taux initial de rendement sur cette dépense supplémentaire de 4,3 millions de dollars. Il y a un an, au moment de définir le taux initial de rendement, compte tenu du prix d'un baril de pétrole et de la volatilité quotidienne des prix du marché, nous avions noté un écart de 40 p. 100 en termes de taux de rendement pour l'équivalent de chaque litre diesel que nous consommerions. Avec l'ajout de 50 véhicules à notre flotte, nous allons supprimer 500 000 litres de carburant diesel par mois et les remplacer par leur équivalent en gaz naturel.
Il y a 12 mois, la période initiale de rendement aurait été d'environ 22 mois. En raison de la réévaluation continue des prix et de la volatilité du prix d'un baril de pétrole, l'écart se situe aujourd'hui à 61 plutôt qu'à 40 cents. Notre période initiale de rendement du capital investi est passée de 14 à 16 mois. C'est le rendement que nous avons pu constater.
Par ailleurs, lorsqu'on nous demande si nous allons adopter la nouvelle technologie, nous avons l'impression pour passer pour des pionniers; Robert Transport, dans l'Est du Canada et Vedder, dans l'Ouest. C'est une technologie qui existe depuis plusieurs années. Mon collègue Jonathan Burke, de Westport, pourra vous l'expliquer. Nous sommes encore des pionniers parce que notre secteur de l'industrie a une attitude tellement traditionnelle. C'est un peu risqué d'adopter une nouvelle motorisation, mais c'est aussi extrêmement excitant.
Lorsque nous nous sommes penchés sur le cycle de vie et que nous avons demandé à nos groupes de génie de comparer le cycle de vie d'un tracteur diesel conventionnel par rapport à un véhicule équipé d'un moteur au gaz naturel, selon l'usage que nous en faisons — les chiffres varient selon l'usage et l'intensité des conditions —, les 50 véhicules traditionnels que nous aurions acquis auraient eu un cycle de vie de sept à neuf ans. Avec une période de récupération de 14 ou même 22 mois, il y a certainement place pour de meilleurs résultats sous l'angle de la gestion.
Dans le cas des moteurs au gaz naturel, la combustion est plus propre, ce qui, en termes simples, réduit les résidus dans les chambres de combustion. Le cycle de vie serait au moins le même. Les moteurs au gaz naturel dans lesquels nous avons investi auront un cycle de vie de huit à 10 ans.
En revanche, nous faisons face à un certain nombre de défis — et Mme Milner en a très bien parlé. L'un d'entre eux est le réseau de distribution ou plutôt les limites de ce réseau au Canada. Pour mettre en oeuvre notre projet, nous nous sommes associés avec une société de services publics de Colombie-Britannique, FortisBC, et nous avons construit une station temporaire d'avitaillement sur notre propriété. À la fin de l'automne 2011, nous mettrons en chantier une première station permanente. Au départ, cette station permanente sera destinée à notre propre matériel, mais nous comprenons parfaitement que Vedder Transport ne représentera au cours des années à venir, qu'une petite partie des membres de l'industrie qui adopteront cette technologie.
En terminant, je dirais que je me sens des obligations à la fois à l'égard de mon personnel et de mes clients. Les chauffeurs sont ceux qui auront à utiliser cette technologie quotidiennement. Le 1er septembre, lorsque nous avons réceptionné le matériel et que nous avons commencé à faire nos essais à Abbotsford, nous avons retenu les services d'un ancien chauffeur qui travaille depuis 50 ans chez nous. Il s'appelle Walter Martins et il va prendre sa retraite à la fin de l'année, après 50 ans de bons et loyaux services. C'est Walter qui a eu l'honneur de conduire le véhicule. Après l'essai, je lui ai demandé : « Alors, Walter, qu'est-ce que vous en pensez? » Il s'est retourné, m'a regardé et a répondu : « Mais Fred, c'est un camion comme les autres. » Et c'est tout à fait vrai. Finalement, c'est aussi simple que cela.
Le plus intéressant dans tout cela, c'est que Walter est un chauffeur qui a connu le moteur à essence, puis les moteurs diesel et enfin les moteurs diesel électroniques et qui maintenant conduit un véhicule fonctionnant au gaz naturel sans que cela change sa façon de faire. On ne pouvait pas espérer mieux.
Les moteurs au gaz naturel offrent un autre avantage sur le plan de la santé et du bien-être des chauffeurs. Le niveau de décibels d'un moteur diesel conventionnel a un impact important sur l'acuité auditive des chauffeurs, malgré les améliorations apportées depuis une dizaine ou une vingtaine d'années. Nos chauffeurs nous font remarquer que les véhicules sont plus silencieux. C'est une des choses qu'ils ont remarquées immédiatement dès qu'ils ont pris le volant.
Quels sont les commentaires de nos clients? Ce sont nos clients qui nous ont poussés à rechercher d'autres solutions. Notre clientèle appartient aux industries agricoles du monde entier et en particulier du Canada. Nos clients sont fiers que nous ayons franchi le pas et que nous ayons fait l'investissement nécessaire et trouvé des solutions de remplacement afin d'augmenter l'efficience de nos activités tout en reconnaissant que nous devons aussi contribuer à protéger la santé et le bien-être en minimisant l'impact environnemental que nous imposons chaque jour par l'utilisation de notre équipement.
Le président : Merci beaucoup. Je pensais que Walter allait vous répondre, lorsque vous lui avez demandé ses impressions, qu'il allait signer un autre contrat pour 70 ans.
M. Zweep : J'aurais bien aimé.
Dan Kaye, directeur des ventes, Peterbilt Canada : C'est un camion comme les autres, mais c'est un Peterbilt.
Bonjour, mesdames et messieurs les sénateurs et merci de prendre le temps d'écouter l'histoire de Peterbilt et de ses initiatives et engagements à l'égard des carburants de remplacement, en particulier la technologie GNL.
Peterbilt est une filiale de PACCAR, multinationale du secteur de la technologie qui vend des véhicules dans le monde entier sous les marques Peterbilt, Kenworth et DAF. Nous fabriquons nos camions à Denton, au Texas, à Mexicali, au Mexique, et dans notre usine ultramoderne de Sainte-Thérèse, au Québec. Nous sommes fiers d'être le seul véritable fabricant de poids lourds au Canada.
La protection et la préservation de l'environnement est une valeur capitale pour Peterbilt. Société qui figure parmi les chefs de file au Canada, Peterbilt reconnaît ses responsabilités en matière de réduction de l'impact environnemental de ses produits et s'efforce de demeurer une société soucieuse de sa responsabilité et de sa sensibilité à l'égard de l'environnement. Nous avons introduit sur le marché des poids lourds et des camions utilitaires de taille moyenne une large gamme de camions, tracteurs et camions à ordures LCF hybrides et fonctionnant au gaz naturel. Peterbilt offre aussi une des plus larges gammes de matériel certifié intelligent pour la collecte des ordures fonctionnant au diesel et plus de 80 p. 100 de toutes les pièces et composantes d'un nouveau Peterbilt sont recyclables.
À mesure que se poursuit la hausse des prix du diesel, les clients envisagent d'autres options de carburant sans pour autant sacrifier le rendement ou le service. Peterbilt a pris un engagement ferme à l'égard du GNL. Sur le plan technique, Peterbilt se donne pour objectif d'offrir à ses clients une large gamme de produits très performants et économes sur le plan de la consommation et nous offrons actuellement la gamme la plus complète de véhicules au gaz naturel dans les catégories du transport routier, du transport régional et des camions à vocation spécialisée.
Nous proposons deux choix de moteur utilisant la technologie GNL, le Cummins Westport ISL et le Westport HD à usage industriel. Cette technologie utilise un carburant moins coûteux et plus propre que le diesel, sans compromis pour le couple moteur, la puissance, l'économie de carburant ou l'agrément de conduite, en plus de réduire de 25 à 27 p. 100 les émissions de gaz à effet de serre.
Nos groupes propulseurs au gaz naturel complètent nos autres produits tels que nos véhicules hybrides électriques destinés à un usage intensif moyen, aérodynamiques, légers et conventionnels, ainsi que nos systèmes de réduction du ralenti, qui dépassent tous les attentes et les exigences de nos clients.
Il s'est vendu un peu plus de 600 véhicules au GNL en Amérique du Nord. Nous sommes fiers d'annoncer que Peterbilt a vendu 232 de ces unités au Canada à deux sociétés courageuses, Robert Transport au Québec et Vedder Transport en Colombie-Britannique. Au nom de Peterbilt, nous vous remercions d'avoir cru en cette technologie de calibre mondial et d'avoir décidé de vous engager, mais également pour avoir eu l'audace d'être les premiers à apporter le changement dans cette industrie compétitive et ultraconservatrice. Nous vous remercions d'avoir pris ce rôle de chef de file.
Le président : Vous avez dit que Peterbilt fait partie du groupe PACCAR du Canada. Est-ce que PACCAR du Canada fait partie du groupe PACCAR international?
M. Kaye : PACCAR est une société établie à Seattle, dans l'État de Washington et nous sommes Peterbilt, une filiale de PACCAR. Peterbilt Canada est une filiale de PACCAR.
Le président : Est-ce que PACCAR est une société ouverte dans l'État de Washington?
M. Kaye : En effet.
Jonathan Burke, vice-président, Westport Innovations : Merci de nous avoir invités ce matin. Je tiens d'abord à remercier mon collègue de Peterbilt d'avoir vanté les mérites de notre merveilleux produit, si bien que je n'ai pas à le faire moi-même.
Ce matin, j'aimerais vous parler de Westport. Nous sommes une compagnie relativement jeune, par comparaison à Vedder, Peterbilt et PACCAR. Nous sommes issus de l'Université de Colombie-Britannique en 1995, grâce à une technologie mise au point à l'origine par un professeur de génie mécanique extrêmement novateur à l'Université de Colombie-Britannique qui, pendant le premier embargo sur les livraisons de pétrole, avait pensé faire fonctionner les moteurs diesel avec un carburant de remplacement. En tant qu'ingénieur mécanicien, il adorait les moteurs diesel, connaissant leurs formidables caractéristiques, leur puissance, leur couple moteur, leur frugalité, et cetera. Il savait d'autre part que le moteur diesel jouait un rôle clé dans le transport de marchandises, le secteur de la navigation et l'industrie du rail. Jusqu'en 1995, il a réuni à l'université des étudiants au doctorat et à la maîtrise et a mis au point la technologie dont a parlé M. Kaye, qui est maintenant utilisée dans les tracteurs Peterbilt. À propos, je suis fier que M. Hill ait reçu le prix Manning Innovation vendredi dernier à Edmonton, un prix qui souligne ses années d'innovation. M. Hill continue d'ailleurs à venir travailler à Westport trois jours par semaine et à exercer ses fonctions de professeur émérite à l'Université de Colombie-Britannique.
Comme beaucoup de jeunes entreprises, notre société a vivoté pendant quelque temps, jusqu'à ce que nous trouvions des modèles de gestion compatibles avec notre objectif de déployer une technologie relativement novatrice et hautement perturbatrice dans le secteur du camionnage. C'est la technologie utilisant le gaz naturel comme carburant. Comme l'ont indiqué mes collègues, l'introduction du gaz naturel dans l'industrie du camionnage pose de formidables défis. Il faut disposer d'une infrastructure, de la technologie et, surtout, il faut que les clients aient envie de l'adopter, de bien l'adopter et de l'intégrer dans leurs flottes afin qu'elle soit commercialement viable.
Pour ce faire, nous avons conclu des partenariats avec des sociétés comme PACCAR et Peterbilt. Nous avons lancé notre première coentreprise avec la Cummins Engine Company de Columbus, dans l'Indiana, en 2001. Nous avons touché nos premières recettes en 2003. Je suis fier d'annoncer qu'au cours de notre dernier exercice, nos recettes ont dépassé 140 millions de dollars et que nous avons consacré 40 millions de dollars pour la recherche et le développement ici même, au Canada.
Nous employons au Canada, en Colombie-Britannique, en Alberta, en Ontario et au Québec, plus de 300 Canadiens dans le secteur de la recherche-développement de cette technologie. Nous employons près de 700 personnes dans le monde entier, dans le cadre d'activités implantées dans de nombreux pays, à Beijing, en Inde, à Columbus, dans l'Indiana, à Lyon, en France, ainsi que dans d'autres villes des États-Unis. Tel que mentionné, nous sommes reconnus comme un chef de file mondial des technologies du transport industriel au gaz naturel, mais nous continuons à nous intéresser aux véhicules utilitaires légers. Nous avons conclu des partenariats avec General Motors et avec la Ford Motor Company. Nous vendons notre technologie à Fiat, Volvo et plusieurs autres fabricants du monde afin de multiplier les véhicules fonctionnant au gaz naturel dans le monde entier.
Jusqu'à récemment, nos produits ne se sont pas très bien vendus au Canada. Cependant, nous en avons vendus dernièrement au Vedder Transportation Group, à Waste Management, comme Mme Milner l'a mentionné et à Robert Transport, au Québec. Jusqu'à présent, plus de 99 p. 100 de nos recettes proviennent de notre marché mondial. Nous avons vendu plus de 33 000 moteurs qui ont été mis en service dans des villes comme Beijing pour les Jeux olympiques de 2008, à Delhi, en Inde, pour aider à améliorer la qualité de l'air, à Los Angeles, en Californie, à Washington D.C., à Boston et la liste continue. Notre société en est très fière et je peux vous dire que nos employés sont eux aussi très fiers de savoir que juste à côté de chez nous, à Abbotsford, en Colombie-Britannique, on produit la technologie qui permet de transporter le lait que nous buvons et les édulcorants qui entrent dans la composition de nos produits alimentaires.
Le sentiment de fierté était très fort à Québec, lundi matin, au moment de l'ouverture de la station à Boucherville. Nous avons pris part, en 2005-2006, au projet de démonstration des Technologies du développement durable du Canada avec Challenger Motor Freights de Cambridge, Ontario. Le projet a obtenu un succès extraordinaire, mais comme l'a mentionné Mme Milner, l'infrastructure d'avitaillement posait problème. À la fin du projet, malgré l'intention de Challenger et des autres participants de mettre éventuellement d'autres en service, l'impossibilité de mettre en place l'infrastructure d'avitaillement a été un obstacle infranchissable.
C'est un très bon signe pour le Canada que l'on voie maintenant ces camions circuler. Ils utilisent le gaz naturel produit ici même au pays. Nous protégeons l'environnement, nous réduisons les gaz à effet de serre et, surtout, nous apportons un avantage économique extraordinaire à une industrie qui en a bien besoin, l'industrie du camionnage, industrie qui transporte tous les produits alimentaires que nous consommons et tous les meubles que nous utilisons. Au Canada, pratiquement tous les produits de consommation sont transportés par camion à un moment ou un autre. Merci.
Le président : Est-ce que l'effectif mondial de 700 employés dont vous avez parlé comprend les 300 employés qui font de la R-D?
M. Burke : En effet. Nous avons près de 200 employés en Europe et il y a environ 20 personnes à Detroit, dans le Michigan, ainsi qu'à d'autres endroits aux États-Unis. Nos services d'entretien et de réparation se trouvent aux États-Unis. Les sociétés Wal-Mart, Coca-Cola, UPS et autres sont au nombre de nos clients aux États-Unis et nous assurons là-bas un service d'entretien et de réparation.
Le président : Merci beaucoup.
Nous allons maintenant écouter M. Shaw.
Sam Shaw, vice-président, Élaboration de politiques, Économie du gaz naturel, Encana Corporation : Merci monsieur. Bonjour, mesdames et messieurs les sénateurs et permettez-moi tout d'abord de vous féliciter d'avoir donné l'exemple avec votre rapport Attention Canada! C'est un document fascinant et j'attends avec impatience le prochain rapport qui portera sur les avantages du transport au gaz naturel.
Le gaz naturel est indispensable à ces camions et aux autres innovations. Encana est un des plus grands producteurs de gaz naturel en Amérique du Nord. Il est apparu clairement à Encana que, puisque nous disposons d'une ressource naturelle sûre en grande quantité, nous devons en tirer parti. L'économie du gaz naturel a été créée afin de promouvoir la demande en gaz naturel dans quelques secteurs clés, notamment les transports et la production d'énergie. Depuis la dernière fois que je me suis adressé à votre comité, je peux vous dire que les ressources de gaz naturel découvertes aujourd'hui sont plus grandes qu'hier. En fait, la production de gaz naturel aux États-Unis a atteint un nouveau record, une production de 66 milliards de pieds cubes par jour, un nouveau record pour les États-Unis.
Le président : Est-ce que cette augmentation tient compte du gaz de schiste?
M. Shaw : Oui, une partie du gaz découvert, en particulier au Canada et aux États-Unis est du gaz de schiste. Ces réserves sont exploitables grâce au progrès technologique. La technologie du gaz naturel s'applique en amont et en aval. Le Canada est un chef de file dans ce domaine.
Ce qui fait entre autres l'intérêt du gaz naturel, c'est qu'il est abondant et, grâce à cette abondance, les prix ont baissé depuis quatre ou cinq ans, ce qui en fait un carburant concurrentiel pour le camionnage.
Nous faisons également preuve de leadership avec certains de nos partenaires de cette industrie en expansion. Cette année, nous avons signé un contrat avec Heckmann pour 200 camions. Ce mouvement prend lui aussi énormément d'ampleur. Le transport par véhicule utilisant le gaz naturel suscite de plus en plus d'intérêt, mais j'aimerais souligner que nos activités ne se limitent pas au secteur routier. Nous utilisons des installations de forage qui fonctionnent maintenant au gaz naturel et qui sont silencieuses, efficientes et économiques.
Nous avons noté également, comme cela a déjà été mentionné, qu'une des lacunes à laquelle se heurte l'utilisation du gaz naturel est l'infrastructure. Comment assurer le ravitaillement? Nous travaillons sur un certain nombre d'initiatives. À Encana — c'est une première en Amérique du Nord —, nous avons fabriqué deux camions mobiles de réapprovisionnement qui sont au service de l'industrie du camionnage. Ils sont actuellement en activité.
Nous installons des stations de GNC. Nous en comptons déjà six et, je signalerais à l'attention des sénateurs de l'Alberta que nous avons ouvert la plus récente à Strathmore, en Alberta, au mois de septembre. Diverses entreprises ont investi des millions de dollars dans l'infrastructure et la production.
Autre élément concernant le déploiement du gaz naturel, nous sommes convaincus qu'il est important pour nous de donner l'exemple. L'an prochain, en 2012, 200 véhicules de notre propre parc automobile fonctionneront au gaz naturel. Je pense que cela atteste de notre foi dans le gaz naturel et nos partenaires nous emboîteront aussi le pas en déployant leurs propres véhicules fonctionnant au gaz naturel.
Il suffit de savoir que le gaz naturel est abondant, propre et fiable et que c'est une ressource nationale.
Le président : Votre société est perçue comme une entreprise productrice de gaz naturel et nous suivons dans les journaux l'évolution des prix du gaz et des perspectives du secteur gazier. Je sais que nous sommes ici pour étudier le camion au GNL, mais j'aimerais vous donner la possibilité de donner votre point de vue, puisque nos travaux sont diffusés sur la chaîne CPAC : quelles sont les perspectives dont nous devons tenir compte dans notre étude de l'énergie?
M. Shaw : Avant de vous répondre, permettez-moi de souligner, à l'intention des investisseurs actuels ou futurs dans la société Encana qu'ils doivent faire preuve de prudence vis-à-vis de ce que je vais déclarer au sujet des perspectives futures.
Il est important de comprendre, comme on en a parlé un peu plus tôt, que l'on a décidé de dissocier les prix du pétrole et du gaz naturel, en raison des réserves massives. Ces réserves ne se trouvent pas uniquement en Amérique du Nord, mais partout dans le monde. Il y a du gaz naturel en Pologne, en Allemagne, au large des côtes d'Israël, en Australie et en Chine. De fait, l'Australie veut devenir le premier exportateur de GNL du monde, supplantant encore une fois le Qatar.
Il est clair que les prix resteront bas, même lorsque l'on commencera à diversifier le marché et à penser à exporter le GNL sur les marchés asiatiques et ailleurs. Encore une fois, je pense que cela se fonde sur l'existence de réserves massives et que si la demande augmente, on trouvera d'autres réserves de gaz naturel, mais il faut attendre que la demande se manifeste pour augmenter l'exploration.
Le président : Merci beaucoup. J'espère que vous m'excuserez pour cette question.
M. Shaw : Certainement. Merci beaucoup.
Le président : Vous ne m'avez pas demandé de vous poser cette question quand je vous ai rencontré dans l'ascenseur. Elle est sortie directement de mon esprit inquisiteur.
Madame Milner, est-ce que tous les membres de votre équipe ont pris la parole?
Mme Milner : Oui, merci.
Le président : Nous allons donc donner la parole à notre vice-président, le sénateur Mitchell.
Le sénateur Mitchell : Merci beaucoup. Tous ces exposés ont été très inspirants. Souvent, quand on parle des changements climatiques, on s'aperçoit qu'il y a toujours un côté négatif. Par exemple, ce n'est pas commercial ou c'est dangereux. Dans ce cas, par contre, il me semble qu'il n'y a aucun côté négatif. Quelque chose m'a peut-être échappé.
Ma première question se rapporte aux estimations selon lesquelles il y aura 5 p. 100 de véhicules lourds fonctionnant au gaz en 2020. Pourquoi 5 p. 100 et pas 50 ou 75 p. 100?
Mme Milner : Il me semble que cela nous ramène à une question posée un peu plus tôt par le sénateur Angus. La réalité, c'est que l'on ne part pas de zéro, mais presque. Actuellement, l'utilisation du gaz naturel dans les transports représente moins d'un dixième de 1 p. 100 de la demande nationale total de gaz naturel. Est-ce que la percée pourrait être supérieure à 5 p. 100? Absolument.
Sur les 36 000 autobus et camions vendus chaque année au pays, combien sont-ils retournés à la base? Combien circulent dans les corridors régionaux et pourraient être équipés? Oui, le chiffre pourrait être légèrement supérieur à 5 p. 100, mais nous savons également que beaucoup de choses doivent fonctionner en parallèle. Nous avons nos pionniers parmi les transporteurs, il y a des fabricants qui ont décidé de relever le défi, mais ils doivent aussi avoir un réseau de concessionnaires et s'assurer qu'ils soient tous au même diapason afin que l'on puisse obtenir les mêmes informations sur le carburant de substitution, par exemple, auprès d'un concessionnaire, que l'on soit à Moose Jaw ou à Halifax. Il y a beaucoup de choses à mettre au même niveau pour appuyer l'expansion du marché. C'est une partie importante du travail fait par Ressources naturelles Canada.
Est-ce que le pourcentage pourrait être plus élevé? Certainement. Je pense que l'on réalise également qu'il faut mettre en place les éléments essentiels et s'assurer qu'il n'y a pas d'obstacles ou aplanir ces obstacles, comme le font les groupes Vedder Transport du monde.
Le sénateur Mitchell : Monsieur Zweep, vous avez indiqué je crois qu'il vous fallait investir 4,3 millions de dollars de plus pour votre projet. Vous avez dit je crois que vous prévoyez récupérer cet investissement en 14 à 16 mois. À titre de précision, pouvez-vous confirmer que vous allez récupérer 4,3 millions de dollars en exploitant 50 camions en 14 à 16 mois?
M. Zweep : C'est exact.
Le sénateur Mitchell : C'est de l'argent tombé du ciel.
M. Zweep : C'est exact.
Le sénateur Mitchell : Pourquoi tout le monde ne vous imite-t-il pas? Est-ce que cela tient à la mentalité de l'industrie? Vous l'avez qualifiée à plusieurs reprises de « conventionnelle » ou « conservatrice ». La résistance au changement est une tendance naturelle. Quels sont les risques qu'entraîne une telle décision lorsque le potentiel est si important, évident et rapide? Est-ce que les prix du gaz naturel vont grimper beaucoup plus rapidement, faisant en sorte que les économies ne soient pas au rendez-vous?
M. Zweep : Notre industrie, dont le rôle est de fournir un service de transport par véhicules lourds, est extrêmement conventionnelle et hésite énormément à adopter de nouvelles technologies. La mentalité consiste moins à agir qu'à attendre que quelqu'un le fasse et à observer les conséquences.
Nous savons qu'il y a des flottes de transporteurs en Amérique du Nord et en particulier au Canda qui observent le déploiement chez Robert ainsi que chez Vedder en Colombie-Britannique. Depuis quatre mois, il ne se passe pas un jour sans que je reçoive un appel d'un transporteur traditionnel canadien qui cherche à s'informer. À la fin de la conversation, mon interlocuteur me dit généralement qu'il va attendre de voir comment cela se passe, révélant ainsi le caractère traditionnel et attentiste de notre industrie.
Mme Milner : En guise de complément, j'aimerais ajouter que l'autre défi véritable que rencontre le gaz naturel comme carburant dans le secteur des transports est une question d'échelle. Si vous avez besoin d'une station pour l'avitaillement de vos véhicules, surtout s'il s'agit d'une station privée, vous ne pouvez pas commencer avec deux ou trois véhicules. Ce n'est pas suffisant. Il faut commencer avec 15, 20 ou 30 camions afin d'avoir une base suffisante pour que les coûts tout compris du carburant livré, y compris les dépenses de construction de la station, soient inférieurs au prix du diesel.
J'aimerais rappeler aux sénateurs que ce qui est important ici, ce n'est pas tant le prix absolu du gaz naturel que l'écart avec le prix du pétrole brut, qui a toujours existé plus ou moins mais qui s'est aujourd'hui élargi considérablement. C'est un pas de géant et je crois que M. Kaye a dit que c'était un acte « courageux » de la part de ces premières flottes. Je crois que le mot est juste. Ces transporteurs ont beaucoup de mérite, parce qu'ils ont fait un pas important dans une direction que les autres n'ont même pas encore empruntée.
Le sénateur Mitchell : Félicitations et merci, parce qu'à mon avis, nous avons besoin de ce genre de leadership dans cet important enjeu que sont les changements climatiques.
Lorsque vous parliez de l'échelle et de la nécessité de faire ce premier pas énorme, j'ai pensé aux sables bitumineux. Là aussi, il a fallu faire un grand pas. L'exploitation des sables bitumineux n'aurait jamais commencé si tôt, peut-être plus tard, ou peut-être pas du tout sans la collaboration entre le gouvernement et le secteur privé. Le gouvernement de l'époque avait une participation de 12 p. 100 dans Syncrude. C'est lui qui a lancé l'entreprise. Ensuite, à la fin des années 1990, le gouvernement de l'époque a modifié la structure fiscale, ce qui a permis à l'exploitation des sables bitumineux de décoller et de devenir un puissant moteur de développement économique au Canada.
Je vais vous poser une question de pure forme : nous le faisons pour cette industrie, mais la vôtre représente une possibilité extraordinaire comme il y en a au Canada. Je remarque qu'une partie de la technologie est canadienne, que des emplois sont créés partout et que nous pourrions être des chefs de file dans le monde. Si vous étiez première ministre, quelle mesure prendriez-vous pour accélérer le développement de cette initiative?
Mme Milner : J'adopterais un crédit d'impôt d'une durée d'application limitée portant sur 50 p. 100 des coûts supplémentaires d'achat du véhicule. J'insisterais pour partager le risque avec le propriétaire de la flotte, mais à abaisser tout obstacle à l'adoption de la technologie. Nous voulons que tous les intervenants prennent des risques personnels et on peut y parvenir en leur accordant un crédit d'impôt partagé sur les coûts supplémentaires. Nous n'avons pas présenté cette demande ou recommandation au gouvernement dans le cadre de son cycle budgétaire, car nous savons qu'il ne veut pas déroger de son objectif de restrictions budgétaires, mais nous estimons que la bonne approche consisterait à adopter une mesure de ce type pendant plusieurs années. Il faut envoyer un signal rassurant. Les programmes de démonstration initiale et autres activités du genre sont merveilleux, mais ils ne font rien pour rassurer le marché. La démarche est totalement improductive si l'on donne l'impression que la flotte est là, mais qu'elle a disparu six mois plus tard.
Cette année, nous avons eu l'occasion de comparaître devant le Comité fédéral des finances et nous avons recommandé, en plus de mettre en oeuvre les recommandations du plan d'action, de collaborer avec les industries productrices de carburant de remplacement, afin de déterminer quelles sont les mesures efficaces à prendre. Nous savons que les technologies existent, non seulement dans le secteur du gaz naturel, et qu'elles sont de plus en plus commerciales, mais elles ne se répandent pas sur le marché. Je suis certaine que beaucoup d'entre vous connaissent les statistiques sur les véhicules de tourisme hybrides : 3 p. 100 du marché, après une décennie. Comment pouvons-nous encourager certaines de ces technologies peu polluantes à se diffuser sur le marché, et envoyer le bon signal? Je suis convaincue cependant que l'on enverrait un bon signal en accordant quelques avantages fiscaux pour une durée limitée. Tel devrait être l'objectif de ces discussions.
M. Zweep : Nous ne pouvons que partager ce point de vue.
Le sénateur Mitchell : Lorsque vous parlez de crédits d'impôt, est-ce qu'il s'agirait d'un montant déductible aux fins de l'impôt afin que le gouvernement ne subisse aucune perte nette de recettes?
Mme Milner : C'est exact, il s'agit d'un report d'impôt.
Le sénateur Mitchell : Excellente idée. On pourrait dire, à la blague, que si le gouvernement ne construisait pas de prisons, il aurait peut-être l'argent nécessaire.
Le président : Bien entendu, le sénateur Mitchell, en tant que chef de l'opposition en Alberta, a appuyé le développement des sables bitumineux. Je tiens à vous remercier, monsieur le sénateur, d'avoir demandé quels seraient les incitatifs que le gouvernement pourrait proposer pour vous aider. En guise de complément, j'aimerais vous demander si vous vous heurtez à certains obstacles réglementaires que le gouvernement pourrait éliminer afin de rendre les choses plus faciles?
M. Shaw : Je vais peut-être commenter en vous présentant un exemple précis avant d'extrapoler vers certaines recommandations que nous avons présentées au Comité des finances. Je vais tout d'abord vous parler d'une pièce que nous avons fabriquée pour une pompe d'avitaillement qui devait être installée à Strathmore. Cette pièce fabriquée au Manitoba avait été homologuée dans cette province, mais il a fallu attendre trois mois de plus pour qu'elle soit homologuée en Alberta.
On parle d'avantages concurrentiels. Je pense qu'il faudrait harmoniser les normes interprovinciales. Il faudrait également harmoniser les normes américaines relatives au GNC et au GNL. Je recommanderais fortement que le conseil de coordination de la réglementation se penche là-dessus. Les normes elles-mêmes étant parfois des obstacles, nous devons donc nous pencher sur cette question.
L'autre obstacle vient du fait que nous oublions le partenariat. Le sénateur Mitchell a bien fait de souligner que le développement des sables bitumineux s'est fait grâce à un partenariat. Il faut que les dirigeants du gouvernement et de l'industrie collaborent afin de créer une économie du gaz naturel au Canada. Il est absolument indispensable de prendre une position de leadership en réfléchissant ensemble à une façon d'encourager une industrie pour l'ensemble de nos produits, pour notre prospérité, pour tous les programmes qui doivent être financés, en gardant à l'esprit toutes les recettes qui découleront d'une économie du gaz naturel.
En terminant, je dirais qu'il ne faut pas oublier que les obstacles ne sont parfois que des courbes d'adoption. Il a fallu sept ans pour que les VUS occupent véritablement une part de 12 p. 100 du marché de l'industrie automobile. Il faut du temps. Entre-temps, nous avons besoin de leadership et nous devons conjuguer nos efforts, que ce soit en nous intéressant aux recherches appliquées existantes et, sur le plan opérationnel, à la commercialisation, au déploiement ou à la production.
Le sénateur Banks : Le sénateur John Buchanan, qui a été pendant de nombreuses années premier ministre de la Nouvelle-Écosse et pendant longtemps membre de notre comité, ne manquait jamais d'établir un lien personnel direct avec les témoins. Il leur demandait d'où ils venaient et ensuite, il formulait une hypothèse.
Madame Milner, avez-vous un lien avec les Milners d'Edmonton?
Mme Milner : Non, pas du tout.
Le sénateur Banks : John était meilleur que moi, mais cela ne vous enlève rien, madame Milner, Vous avez fait une excellente présentation.
Mme Milner : Merci beaucoup.
Le sénateur Banks : Merci d'être venue.
Pardonnez-moi d'entrer dans les détails techniques, mais permettez-moi de régler ce point technique tout de suite. Ma question s'adresse à M. Zweep. Si l'on vous offrait un incitatif tel que proposé par M. Shaw, est-ce que vous souhaiteriez obtenir une exemption directe pour les entreprises, une déduction fiscale ou une déduction pour amortissement accéléré? Quelle serait votre préférence?
M. Zweep : J'aurais une préférence pour la déduction pour amortissement accéléré.
Le sénateur Banks : Si vous récupérez 4,3 millions de dollars, somme qui représente votre coût supplémentaire, en 14 mois, est-ce que cela veut dire qu'au cours de la prochaine période de 14 mois, une autre somme de 4,3 millions de dollars tombera directement dans votre caisse? Je suppose que cet argent provient essentiellement des économies de carburant.
M. Zweep : On peut penser en effet qu'une somme de 4,3 millions de dollars viendra s'ajouter aux résultats nets d'exploitation de l'entreprise, mais en fait, ce n'est pas tout à fait exact. Ce montant de 4,3 millions de dollars est partagé avec nos clients afin de les aider à réduire leurs coûts d'exploitation.
Aujourd'hui, le carburant diesel représente le poste de dépense le plus important dans les coûts d'exploitation d'une entreprise ou d'un service de transport. On nous met constamment au défi de trouver d'autres moyens de réduire les coûts pour le compte de notre clientèle. C'est notre clientèle et, en bout de ligne, les consommateurs qui sont les bénéficiaires de la diminution des coûts de livraison.
Le sénateur Banks : En résumé, vous serez plus compétitifs.
M. Zweep : Exactement.
Le sénateur Banks : Monsieur Shaw, vous avez parlé du GNL et du GNC. La compagnie ATCO, entre autres, a eu des flottes de véhicules fonctionnant au GNC, comme beaucoup de compagnies de taxi pendant longtemps. Quels sont les avantages de l'un et l'autre type de carburant?
M. Shaw : Il est clair que l'on utilise généralement le GNC dans les véhicules de tourisme, en raison de la taille du réservoir, et cetera, et le GNL pour les véhicules plus grands. Là encore, c'est une question d'espace et de distance. M. Burke pourra vous parler des aspects techniques. Il est important de savoir que les caractéristiques techniques du FEO sont extrêmement cruciales, car on peut adapter l'équipement à n'importe quel type de carburant, que ce soit au GNC ou au GNL. Les FEO des États-Unis commencent à proposer ce type de choix. Ford, Dodge et GM ont annoncé la production de camionnettes fonctionnant au GNC. Ces camionnettes disposent de l'espace suffisant pour être dotées de réservoirs qui leur permettent de fonctionner de cette manière. C'est un des éléments de cette équation.
Le sénateur Banks : La règle ici, c'est que toute personne qui utilise un sigle sans l'expliquer doit payer un dollar. Pouvez-vous nous expliquer ce qu'est un FEO?
M. Shaw : C'est le fabricant d'équipement d'origine. Je vous prie de m'excuser, sénateur Banks.
M. Burke : Peterbilt est un exemple de FEO. Il y a deux autres sigles. Le gaz naturel liquéfié, GNL, un gaz naturel semblable à celui que nous utilisons chez nous, mais qui est refroidi à moins 190 degrés Celsius, température à laquelle il devient liquide. Cela nous permet d'entreposer du gaz naturel comme pour notre barbecue ou notre plaque de cuisson dans un espace beaucoup plus réduit. Le gaz est comprimé et occupe un espace 600 fois plus petit que s'il était acheminé par un tuyau à une pression ambiante. Au Canada, le gaz naturel comprimé atteint une pression de 3 000 psi, tandis qu'aux États-Unis, la pression est de 3 600 psi. Cela vous donne une idée des différences ou des écarts entre les codes et les normes. On produit essentiellement ce gaz en prenant du gaz naturel et en le comprimant, à l'aide d'un gros compresseur et en l'entreposant dans un récipient qui ressemble à une bonbonne de plongée sous-marine. Cette bonbonne est installée dans le coffre d'un véhicule ou entre les longerons de cadre de châssis. Les camions de transport régionaux peuvent utiliser le GNC, mais dès qu'un camion doit franchir autour de 600 à 1 000 kilomètres, il doit vraiment être équipé de réservoirs pour le GNL afin d'avoir suffisamment de carburant dans un espace suffisamment réduit pour ne pas être limité dans le trajet qu'il est censé effectuer.
En plus du GNL et du GNC, il y a le gaz naturel renouvelable. Il existe au Canada des compagnies qui explorent cette filière et certaines compagnies membres de l'Alliance canadienne pour les véhicules au gaz naturel sont les chefs de file mondiaux de ce type de gaz. Le gaz naturel renouvelable est un gaz obtenu à partir de sources telles que les déchets, les stations de traitement des eaux usées et les sites d'enfouissement. Même les produits forestiers fournissent en pourrissant sur le sol du méthane qui peut être capté et utilisé dans la production de gaz naturel.
Le sénateur Banks : Madame Milner, M. Shaw a parlé de la multiplication des nouvelles découvertes de gaz naturel dans de nombreux endroits où il y a 20 ans on n'en ignorait l'existence. C'est un facteur, mais nous devons constituer, ne croyez-vous pas, un marché national pour notre gaz naturel, étant donné qu'il est tout à fait possible, voire probable, que le marché américain pour l'écoulement de notre gaz naturel va diminuer considérablement au cours d'un avenir très proche?
Mme Milner : C'est tout à fait vrai. Je crois que nos exportations en direction du marché américain ont diminué d'environ 20 p. 100 en quatre ans. Nous pensons que la tendance va se maintenir. La très modeste pénétration de 5 p. 100 du gaz naturel dans le secteur des véhicules lourds, facteur que nous avons inclus dans la proposition que nous avons présentée en vue de la préparation du budget fédéral, compenserait environ 8 p. 100 de cette diminution que nous avons observée au cours des quatre dernières années. C'est un élément relativement modeste et ciblé, mais important dans le contexte plus large du Canada. Le défi est bien réel et il se posera à nous à l'échelle régionale, étant donné que le marché de l'Ontario et du Québec se situe dans la région qui repose sur le schiste Marcellus. Cela pose un défi particulier pour l'Alberta qui achemine son gaz par le réseau de transport transcanadien. Cette ressource va devoir surmonter de nombreux défis et c'est dommage pour plusieurs raisons, car elle présente des avantages sur le plan des émissions et de l'abordabilité, mais les choses changent rapidement en Amérique du Nord.
Le sénateur Brown : Je vous remercie tous les deux de l'exposé que vous nous avez présenté ce matin et pour la présentation d'hier soir. Malheureusement, ce matin le vin ne coule pas à flot comme hier soir.
J'aimerais me concentrer surtout sur les camions Peterbilt. Je voudrais savoir combien coûte un camion-tracteur Peterbilt clés en main. J'aimerais avoir des renseignements au sujet de Westport Innovations — à moins que ce ne soit Westport Motors?
M. Kaye : Westport est associé à cette technologie.
Le sénateur Brown : Quels sont les autres moteurs que vous êtes prêts à accepter, par exemple les moteurs GM, Caterpillar, Cummins, John Deere? Pouvez-vous installer ces moteurs dans un camion Peterbilt ou n'acceptez que certains moteurs particuliers?
M. Kaye : Pour répondre à la première question, sans la technologie GNL, nos camions se vendent entre 80 000 et 120 000 $ environ. Pour la technologie GNL, il faut rajouter de 70 000 à 75 000 $. Le prix d'achat est assez élevé et c'est un des obstacles auxquels sont confrontées des compagnies comme Vedder et Robert.
Quant aux autres moteurs, Peterbilt et PACCAR sont associés à Cummins, et nous avons notre propre moteur, un moteur PACCAR. Le moteur Cummins adopte la technologie que nous avons mise au point avec Westport, notre partenaire.
Le sénateur Brown : Je crois que l'élément le plus important pour vous, ce sera les stations-service dont nous avons parlé hier soir dans le secteur d'Edmonton à Calgary et Red Deer. Ces corridors seront les plus importants au Canada car ils permettront de rentabiliser les coûts supplémentaires des camions. Est-ce qu'il y a des projets de corridors en Ontario? Au Québec, il doit y en avoir, puisque la technologie est déjà utilisée dans cette province.
M. Kaye : Pour ce qui est de la facilité de maintenance de ces camions, on ne peut pas parler uniquement du Canada. Il faut considérer l'Amérique du Nord dans son ensemble, étant donné que ces camions circulent au nord et au sud. Le réseau PACCAR dispose de plus de 250 stations-service en Amérique du Nord. Nous avons actuellement l'infrastructure nécessaire pour assurer l'entretien des camions au GNL. La mise à niveau de ces stations-service pour qu'elles puissent assurer les réparations est une opération assez coûteuse. Non seulement cela coûte plus cher, mais nos concessionnaires doivent engager des frais pour mettre leurs installations à niveau afin de pouvoir faire l'entretien des moteurs au GNL.
Le sénateur Brown : Actuellement, la taxe d'accise étant ce qu'elle est, vous êtes quand même dans une position favorable par rapport à la taxe qui frappe le carburant diesel.
M. Kaye : Bien entendu. Il faut savoir également que Peterbilt étant un pionnier de cette technologie, c'est une chance extraordinaire pour nous et le fait de nous associer à Westport et de vendre notre produit à d'excellentes compagnies comme Vedder et Robert, constitue une énorme valeur ajoutée.
M. Shaw : Sénateur Brown, pour poursuivre dans la même ligne, un des éléments intéressants qu'a apporté le sénateur Banks me paraît crucial. Nous avons un avantage concurrentiel, mais je pense qu'il faut le mettre en perspective, car le Canada doit faire face à la concurrence. Face à la généralisation de l'usage du gaz naturel aux États-Unis, les camionneurs du Canada doivent en effet faire face à la concurrence américaine, car aux États-Unis, l'adoption du gaz naturel est plus avancée qu'au Canada. Je pense que mes collègues ne me contrediront pas. Cependant, il y a aux États-Unis certaines conditions qui encouragent très clairement le déploiement de l'infrastructure. Les États encouragent la construction d'une infrastructure et le projet de loi sur le gaz naturel actuellement étudié au Congrès comprend un volet concernant l'infrastructure.
Parlant de concurrence, je pense que l'on commence à voir que les États-Unis encouragent l'industrie à se tourner vers le gaz naturel dans le secteur des transports. Je vous rappelle que 70 p. 100 du pétrole étranger importé par les États-Unis est destiné au transport. Par conséquent, c'est un élément extrêmement important.
Le sénateur Neufeld : Je vous remercie d'être venus témoigner.
Vous avez tous présenté des comptes rendus très complets. C'est encourageant, comme l'a dit le sénateur Mitchell, de vous entendre parler de quelque chose dont nous avons toujours rêvé, soit l'utilisation du gaz naturel dans les transports. Je ne veux pas me faire taper sur les doigts par le président, mais j'aimerais revenir aux incitatifs avant de parler du GNL.
Il y a six ou huit ans, il était question d'importer du GNL d'autres régions du monde afin de répondre aux besoins du Canada. Encana sait très bien, monsieur Shaw, que la province de la Colombie-Britannique a mis en place toutes sortes d'incitatifs — non pas le gouvernement fédéral, mais le gouvernement provincial — afin d'encourager le développement de l'industrie du gaz de schiste, comme au Texas. Aujourd'hui, la situation a changé. L'Office national de l'énergie a accordé à Encana et ses partenaires un permis d'exportation de GNL à partir de Kitimat. La situation a totalement changé par rapport à ce qu'elle était il y a six ou huit ans. Il y a beaucoup d'éléments nouveaux, mais les gouvernements ont décidé de prendre une part active et la province de la Colombie-Britannique a décidé d'encourager la fracturation, de s'intéresser à toutes ces techniques dans le cadre de nos évaluations environnementales et à collaborer avec Westport, une excellente compagnie de Colombie-Britannique. Je sais tout cela parce que j'étais là et parce que j'y ai participé directement. Nous avons entamé un processus au Canada et je pense que nous devons maintenir ces incitatifs ou ces encouragements destinés au secteur du camionnage, à la création de stations d'avitaillement et autres infrastructures partout au Canada, car je pense que le gaz est le carburant de l'avenir. C'est le combustible fossile le moins polluant que nous connaissions et nous avons suffisamment de réserves pour des décennies, quoi qu'on en dise. Tout ce que vous faites dans ce domaine est très apprécié. Nous avons besoin de continuer à collaborer avec vous.
Monsieur Zweep, connaissez-vous les chiffres permettant de comparer le coût du gaz naturel nécessaire pour remplacer le carburant diesel dans un camion?
M. Zweep : Selon l'utilisation que l'on fait de la flotte de camions, le coût d'un litre de carburant diesel s'élève aujourd'hui à environ 1,15 $ le litre en Colombie-Britannique. Dans nos usages industriels pour lesquels nous utilisons du matériel fonctionnant au gaz naturel, la consommation est d'environ 4,5 milles au gallon. En coût réel, cela nous revient aujourd'hui à environ 1 $ du mille en termes d'équivalent diesel.
Pour notre équipement fonctionnant au gaz naturel, le coût d'un litre de gaz naturel se situe autour de 60 cents, un peu plus ou un peu moins, par litre d'équivalent diesel, selon les ratios d'aujourd'hui. Cet écart a augmenté de 21 cents par rapport à l'an passé. Au cours d'une période de 12 mois il y a un an, l'écart d'un litre d'équivalent diesel était d'environ 40 cents.
Une façon de calculer consiste à établir qu'un baril de pétrole de 45 gallons représente 170 litres en équivalent diesel américain. Étant donné qu'un baril de pétrole se transige aujourd'hui à environ 88 $, le coût du litre de diesel livrable serait d'environ 61 ou 62 cents. Le prix du gaz naturel étant aujourd'hui d'environ 3,61 $, un litre de gaz naturel en équivalent diesel coûte environ 13 ou 14 cents.
À cela, il faut ajouter les taxes et le coût de l'infrastructure. Voilà comment nous constituons nos modèles, en fonction des coûts, lorsque nous faisons une comparaison entre le diesel et le gaz naturel.
Depuis 15 ans, nous tenons un registre global des dépenses de notre entreprise en carburant. Nous suivons le prix du carburant diesel, étant donné que c'est notre élément de coût le plus élevé. D'une année à l'autre, compte tenu des fluctuations, le carburant diesel augmente en moyenne de huit cents par litre par année civile.
Le sénateur Neufeld : C'est beaucoup. Je vous remercie de m'avoir fourni ces chiffres.
Je m'en voudrais de ne pas faire un peu de publicité pour le gaz de Colombie-Britannique, pas seulement pour le gaz de l'Alberta. Le Canada est un grand producteur de gaz naturel et les deux plus grands bassins que nous connaissons aujourd'hui au Canada et en Amérique du Nord sont ceux de Horn et Montney. C'est dans cette région que de nombreuses sociétés investissent 5 milliards de dollars par an pour développer les ressources dans le nord-est de la Colombie-Britannique. Il y a des investissements énormes qui se font dans cette région.
Quant aux stations d'avitaillement, vous en construisez une sur place. En serez-vous propriétaire?
M. Zweep : C'est exact.
Le sénateur Neufeld : Quels seront les coûts d'installation de cette station? Vous n'êtes pas obligé de nous donner des chiffres, si vous ne le souhaitez pas. Ce sera une station desservant les 50 camions dont vous avez fait l'acquisition.
M. Zweep : Sur notre propriété, compte tenu des coûts d'infrastructure des opérations mécaniques et du prix du terrain, les coûts sont de l'ordre de 4 à 4,5 millions de dollars.
Le sénateur Neufeld : Je me demande quels seraient les coûts actuels d'installation d'une station-service fournissant du carburant diesel et de l'essence. Je parie que les coûts seraient presque aussi élevés. Avez-vous eu de la difficulté à obtenir des permis?
M. Zweep : Non. Nous avons adopté une approche coopérative et lorsque nous avons envisagé d'adopter le gaz naturel, nous avons réuni tous les intervenants. Nous avons rencontré les autorités municipales, civiles et provinciales et toutes ont appuyé sans réserve notre démarche. Tout s'est très bien passé.
Le sénateur Neufeld : Lorsque M. Robert est venu témoigner, il nous a dit qu'une de ses plus grandes difficultés a été de construire les stations ou plutôt une station pour faire le plein de ses véhicules.
D'après vous, qui devrait construire ces stations au Canada pour permettre aux véhicules au GNL de se ravitailler? Sans tenir compte des concessions fiscales qu'accordent les gouvernements, qui devrions-nous mentionner dans un rapport comme responsable de la construction de ces stations?
M. Shaw : Permettez-moi de donner le point de vue d'Encana. Selon nous, c'est évidemment l'industrie privée qui devrait s'en charger. C'est ce que nous faisons partout en Amérique du Nord et bien sûr, nous sommes les premiers intéressés puisque nous construisons ces stations afin de pouvoir déployer nos propres flottes, mais nous envisageons d'ouvrir ces stations à nos partenaires et ensuite au public.
Je crois qu'il est essentiel que l'industrie fasse l'investissement nécessaire pour installer cette infrastructure. Il faut tenir compte des aspects plus fondamentaux de l'ensemble du réseau de distribution. Vous avez parlé des stations. Au Canada, le nombre des stations-service diminue. Cependant, je ne peux pas vous donner des chiffres. Cela est attribuables en partie à la concurrence, mais s'il est question de modifier la distribution, pourquoi ne pas aller là où se trouve la demande? Je vous renvoie au commentaire que j'ai fait un peu plus tôt au sujet de nos unités mobiles de ravitaillement. C'est ainsi que nous nous rendons chez les camionneurs pour les approvisionner ou, mieux encore, dans le cas des véhicules de tourisme, nous envisageons de nous rendre à domicile, en collaboration avec nos partenaires aux États-Unis. Si vous avez un barbecue au gaz, pourquoi ne pas envisager de faire le plein de votre Honda Civic qui fonctionne au gaz naturel? Je crois que les canaux de distribution sont en train de changer et que l'on fera peut-être appel aux services publics plutôt qu'à des sociétés comme Encana, Shell ou autre. Encore une fois, tout est ouvert et l'avenir pourra nous apporter de nouvelles formes de distribution.
Mme Milner : Comme M. Shaw l'a mentionné à la fin de son intervention, les services publics réglementés ont un rôle à jouer lors des premières étapes du développement d'un marché. Les projets Vedder et Robert ont tous deux bénéficié de la collaboration très solide d'un service public. Il est clair que les compagnies locales de distribution de gaz naturel sont très compétentes dans la manipulation des carburants, qu'elles ont de bonnes relations avec les autorités locales et disposent de tout un réseau pour la distribution du carburant sur le marché.
Nous considérons que les services publics devraient jouer un rôle plus grand au cours des premières étapes. Cependant, depuis la déréglementation entrée en vigueur il y a neuf ou 10 ans, les services publics sont beaucoup plus limités dans les activités qu'ils peuvent entreprendre tout en obtenant un taux de rendement garanti. Nous sommes en train de préparer un document à l'intention du gouvernement de la Colombie-Britannique où il est question de l'article 18 du Clean Energy Act. Il faudra définir quelles seraient les mesures utiles que pourrait prendre un service public au départ en évitant de mettre en place des conditions qui feraient obstacle à l'entrée sur le marché d'intervenants du secteur privé, une fois que le marché commencerait à se développer. C'est au départ que le problème se pose. En effet, les divers intervenants du secteur privé ne vont pas nécessairement se donner la peine d'aider le groupe Vedder Transportation à se lancer dans une nouvelle initiative. Il est essentiel d'avoir cette aide au départ; les services publics ont les ressources nécessaires, les connaissances et les compétences pour offrir cette aide. J'ajouterais même que le fait de pouvoir compter sur l'intervention d'un plus grand service public au départ présente un autre avantage, celui d'éviter le risque de la pratique de prix d'éviction par un puissant intervenant du secteur privé qui déciderait d'imposer son monopole dans un secteur géographique, comme nous l'avons vu aux États-Unis. Cet intervenant gardera essentiellement pour lui-même les deux tiers de la marge bénéficiaire sur le prix du carburant, comme l'a signalé M. Zweep un peu plus tôt, ne laissant que des miettes à la flotte d'utilisateurs. Une telle attitude ne favorise absolument pas le développement du marché. C'est là que le gouvernement peut exercer un rôle pour faire en sorte d'éviter, aux premières étapes de développement du marché, les pratiques d'établissement de prix abusifs qui ont pour effet de tenir à l'écart nos très importants intervenants du secteur privé. Nous voulons proposer des conditions favorables et non pas ériger des obstacles.
Le sénateur Neufeld : Excellent commentaire. Quand on y pense, cela ne fait pas très longtemps que nous envisageons d'utiliser le GNL dans les transports; c'est relativement nouveau. Je suis certain que vous trouverez au sein du gouvernement de la Colombie-Britannique des partenaires désireux de collaborer avec vous.
Mme Milner : Ils sont très réceptifs.
Le président : On dit ici que M. Sam est une des 50 personnes les plus influentes de l'Alberta. J'aimerais ajouter que le sénateur Neufeld est une des trois personnes les plus influentes de la Colombie-Britannique.
Le sénateur Banks : J'aimerais poursuivre dans la même ligne que le sénateur Neufeld. La réponse qu'il a reçue s'appliquerait très bien à une flotte de camions qui reviendrait chaque soir au point de départ. Par contre, un camion qui se rendrait à Winnipeg devrait se réapprovisionner en GNL à Yorkton ou dans les environs. Qui construira une telle station-service? Est-ce que ce sera vous? Vous avez parlé de construire des stations-service pour approvisionner votre flotte, ajoutant qu'elles seraient éventuellement ouvertes à d'autres. Il s'agissait de votre flotte de camions qui revient chaque soir au dépôt. Or, un camionneur qui doit franchir 900 milles pour se rendre de Calgary à Winnipeg doit s'arrêter en chemin pour refaire le plein. Il transporte une lourde charge et le plein qu'il a fait au départ ne va pas le mener très loin. Est-ce que de telles stations-service seraient aussi privées?
M. Shaw : Comme je l'ai dit un peu plus tôt, cela nécessite la collaboration entre l'industrie, les producteurs, les distributeurs et le gouvernement. Bien entendu, il y a d'autres éléments qui vont participer à cet ensemble dont nous avons parlé, pas seulement les camions lourds, notamment les services municipaux de transport, et cetera. En travaillant de concert, on créera la demande nécessaire pour l'implantation de l'infrastructure. Là encore, c'est faire un saut dans l'inconnu — c'est un dilemme. Il faut se pencher sur la question et faire une analyse de marché afin de s'assurer que les camions puissent être approvisionnés au moment où ils ont besoin du carburant.
Il s'agit vraiment de conjuguer les efforts. Au moment de mettre en oeuvre un plan d'infrastructure — Encana et d'autres intervenants ont à coup sûr de tels plans —, il faut prendre en compte la demande, mais il faut aussi faire un saut dans l'inconnu.
Un simple retour en arrière de quelques années sur les actions entreprises par Encana montre que notre société a fait ce saut en vue de la création d'une infrastructure, alors que la demande n'existait pas et nous commençons à construire. On revient encore à l'histoire de la poule et de l'oeuf. On travaille en collaboration avec d'autres pour obtenir la synergie nécessaire pour créer la demande d'implantation d'une infrastructure pour desservir l'industrie.
Le sénateur Peterson : Je vous remercie de votre exposé très instructif.
Vous avez évoqué divers défis tels que les risques opérationnels et le coût de la technologie. Qu'en est-il des risques sur le plan de la sécurité que présentent vos initiatives?
M. Burke : Au niveau de la sécurité, les camions au GNL et au GNC circulent depuis très longtemps. On en trouve partout dans le monde, y compris au Canada. Un peu plus tôt, quelqu'un a mentionné les taxis au GNC. Ces véhicules font l'objet de tests rigoureux de la même manière que les véhicules à essence et à carburant diesel. Sur le plan de la sécurité, il y a un point important à souligner en ce qui a trait au GNL et au gaz naturel en général. En cas d'accident très grave impliquant un camion dont le réservoir de GNL serait perforé ou endommagé, provoquant ainsi une fuite, le GNL s'évapore dès qu'il est libéré et se dissipe, étant donné qu'il est plus léger que l'air. Sur ce plan-là, il n'y a aucun risque.
Inversement, un véhicule diesel peut perdre son carburant lors d'un accident. Le diesel se répand alors sur la route, coule dans le caniveau et souille les environs. Le gaz naturel est moins inflammable que l'essence et le carburant diesel. Nous associons le gaz à une certaine notion de danger, étant donné que nous l'acheminons directement dans nos foyers, dans nos chaufferies et autres espaces confinés. Je me demande s'il y a des gens qui ont une cuisinière diesel dans leur cuisine ou un barbecue à essence. Le GNL est un carburant très sûr.
Le sénateur Peterson : Vous avez indiqué avoir dépensé 40 millions de dollars en R-D l'an dernier. Tous ces fonds provenaient-ils de chez vous?
M. Burke : L'an dernier, nous avons consacré près de 40 millions de dollars à la R-D et il semble que nous allons même dépasser ce chiffre cette année. Les sommes que nous avons consacrées à la R-D depuis le début atteignent près de 280 millions de dollars. Tous les fonds que nous avons recueillis proviennent du marché des actions. Notre société est cotée en bourse depuis ses débuts. En 1995, notre titre a été introduit à la Bourse de l'Alberta. Nous sommes actuellement cotés à la Bourse de Toronto et au NASDAQ. Tous nos capitaux proviennent d'investisseurs en Europe, au Canada et aux États-Unis. Depuis peu, nous avons des investisseurs en Asie et dans d'autres parties du monde.
Le sénateur Peterson : Bravo et félicitations à votre directeur des finances.
Le président : Bravo aussi aux investisseurs.
Le sénateur Seidman : Je partage le point de vue de mon collègue. Les exposés que vous nous avez présentés ce matin ont été extrêmement intéressants. Étant de Montréal, nous sommes très fiers de l'entreprise Robert et de ses réalisations. Vous avez dit que ces camions ont pris la route lundi. Je suppose donc que la société Robert a surmonté les obstacles réglementaires dont elle nous avait fait part et qui concernait l'obtention de permis de Transports Canada.
Mme Milner : En effet.
Le sénateur Seidman : Pardonnez-moi si vous l'avez déjà mentionné dans vos exposés. Il est clair que Transports Canada est un élément très important et que votre capacité à aller de l'avant en dépend. J'aimerais savoir quels sont vos liens avec Transports Canada et s'il y a des problèmes dont nous devrions avoir connaissance.
Mme Milner : Je ne dirais pas qu'il s'agit de problèmes, je préférerais qualifier la situation de complexe. Je vais vous donner l'exemple d'une démarche réalisée par les Transports Robert aux premières étapes de leur projet. Le président Claude Robert est un homme très dynamique et entreprenant, comme vous le savez. Il voulait faire avancer son projet car il y voyait de nombreux avantages. Il s'est donc adressé à la Ville de Mississauga pour demander l'autorisation de construire une station pour GNL. Le fonctionnaire à qui il s'est adressé a regardé dans un document, n'a pas trouvé la réponse, et lui a simplement déclaré : « Je suis désolé, monsieur Robert, mais vous ne pouvez pas aller de l'avant. » Point final.
Il est vraiment important de sensibiliser le marché aux canaux existants. J'ai mentionné le programme de Ressources naturelles Canada et c'est un élément important. Avant que les fonctionnaires nous posent leurs 169 questions, nous voulons les aider à rester sur le bon chemin et obtenir les informations nécessaires de la manière la plus facile possible. Dans ce cas, il s'est adressé à GazMétro qui savait exactement où obtenir les réponses à ces questions. Il est tout simplement indispensable de rester en contact avec ses partenaires. À Transports Canada, M. Robert a surpris les fonctionnaires en leur disant qu'il ne comprenait pas leurs exigences. La Loi sur le transport des marchandises dangereuses de 1992 impose des conditions au transport du GNL. Ils s'en sont aperçus alors que c'était déjà fait.
L'important est d'obtenir les informations nécessaires. Du point de vue de l'industrie, le camionnage en particulier, c'est une nouvelle avenue qui s'ouvre. Il faut féliciter Westport et les autres compagnies du secteur d'avoir fait l'effort de comprendre ce monde. Est-ce que tous les intervenants de l'industrie le comprennent? Pas nécessairement. Savons-nous à quelle porte aller frapper à Transports Canada? De plus en plus. Cependant, le ministère est grand et complexe et en tant qu'organisme de réglementation de la sécurité des nouveaux véhicules au Canada, il y a plus de travail à faire à ce niveau, mais je peux dire que nous avons déjà entamé le dialogue et que nos partenaires à Ressources naturelles Canada poursuivent également de leur côté des discussions avec Transports Canada.
J'aimerais ajouter par ailleurs que ces discussions ne touchent pas uniquement le transport routier mais tous les autres modes de transport, notamment le transport ferroviaire, maritime et hors route. Et d'ailleurs, c'est beaucoup plus intéressant pour Transports Canada, étant donné que le ministère est le premier intervenant dans un grand nombre de ces modes de transport.
Le sénateur Seidman : Tout cela me paraît positif et j'en suis très heureuse. Vous avez dit que la sensibilisation et la communication étaient un élément important. Estimez-vous que vous avez progressé dans ce secteur?
Mme Milner : C'est une question difficile. Il y a beaucoup à faire. L'important, c'est qu'il y a beaucoup d'informations disponibles. Le problème actuellement, c'est que ces informations se trouvent à 300 endroits différents, que certaines sont en anglais, d'autres en français, qu'il y a un manque d'homogénéité et qu'elles couvrent un large éventail; cela va de la différence volumétrique entre le GNL et le carburant diesel, aux questions sur les camions, sur les inspections et les modifications à apporter au garage.
Il y a beaucoup d'informations et, en collaborant avec RNCan, nous avons essayé de les répartir selon les grandes catégories que nous devons définir afin de pouvoir les diffuser de manière adéquate. Petit à petit, nous y parvenons.
Le programme avec RNCan comprend deux aspects : le premier consiste à mettre en place un site web national qui sera essentiellement un portail, dans les deux langues officielles. Il ne s'agit pas de fournir les mêmes informations que les sociétés commerciales, mais d'offrir le point de vue objectif d'une tierce partie afin de renforcer le degré de confiance du marché. Deuxièmement, ils ont l'intention de mettre en place deux pôles régionaux, du personnel ressource qui peut présenter des ateliers et intervenir en première ligne pour répondre aux questions, encore une fois dans les deux langues officielles et dans une perspective régionale, un pôle dans l'Est et un autre dans l'Ouest. Nous pensons que ce sera extrêmement utile aussi.
Le sénateur Seidman : Il semble que certaines provinces soient naturellement prédisposées. En effet, vous semblez avoir fait de plus grands progrès au Québec, en Colombie-Britannique, en Ontario, en Alberta aussi peut-être, d'après ce que j'ai lu. Qu'avez-vous à dire à ce sujet? Qu'est-ce qui a facilité le développement dans ces provinces plutôt qu'ailleurs?
Mme Milner : La question est intéressante. Pour le moment, je ne mettrai pas nécessairement l'Ontario sur cette liste. Nous avons eu quelques entretiens préliminaires avec les représentants de l'Ontario, mais il y a eu beaucoup de changements politiques dans cette province. L'Ontario a essentiellement bénéficié des retombées de l'initiative Robert, mais le contexte est différent. On note certainement dans les provinces productrices, en particulier la Colombie-Britannique, l'Alberta et plus récemment la Nouvelle-Écosse, un intérêt pour cette possibilité d'exploiter une ressource provinciale tout en réduisant les émissions polluantes.
Au Québec, par contre, l'élément clé est la protection de l'environnement. Si la société Robert a reçu un financement, c'est parce que son initiative entraînait une réduction des émissions polluantes. Dans cette province grande productrice d'hydroélectricité, le secteur des transports est la plus grande source d'émissions de carbone. Je crois qu'il est à l'origine de 45 p. 100 des émissions. La province a appliqué de nombreuses mesures comme les limiteurs de vitesse pour les camions et autres réglementations, mais elle a épuisé toutes les possibilités dans cette direction et recherche d'autres options. Voilà l'élément moteur qui a poussé le Québec à agir.
Il faut reconnaître d'autre part que dans d'autres provinces comme la Saskatchewan où la ressource existe, le secteur de la distribution du gaz ne s'est pas encore engagé dans cette direction. Souvent les services publics sont vraiment le point de départ et sont souvent aussi des acteurs essentiels, ne serait-ce qu'en recueillant les demandes qui leur sont soumises et en les renvoyant à Peterbilt, Westport ou ailleurs.
Je dois reconnaître qu'en Saskatchewan, au Manitoba et dans les Maritimes, le secteur de distribution locale ne manifeste pas le même intérêt à l'égard du gaz naturel et je pense que cela explique le retard qu'accusent ces régions.
M. Shaw : Je vais répondre à quelques-unes de vos questions concernant l'information. Ce qui est vraiment important actuellement, c'est de s'implanter sur le marché, en particulier dans la formation professionnelle dans le domaine automobile afin de préparer des mécaniciens capables d'entretenir et de réparer des véhicules fonctionnant au gaz naturel. En tant qu'ancien président et chef de la direction du Northern Alberta Institute of Technology, je peux dire que nous avons fait beaucoup de travail dans le secteur de l'automobile. C'est indispensable. Le programme de formation doit être constitué en collaboration avec les fabricants de moteurs et autres équipements. Ça, c'est une chose.
Ensuite, ayant siégé au Conseil des sciences, de la technologie et de l'innovation du Canada, je peux dire que la recherche appliquée est absolument essentielle. Si nous voulons être concurrentiels dans une économie mondiale, nous devons nous assurer de choisir les secteurs sur lesquels nous voulons mettre l'accent. Il est clair que Westport est une entreprise gagnante. Or, elle est issue de UBC, du secteur de la recherche appliquée. Il nous fallait un chercheur avec une idée brillante. Par ailleurs, nous devrions nous réjouir du fait que la recherche soit commercialisée. Nous devons multiplier nos efforts dans le domaine du gaz naturel. On pourrait par exemple chercher un moyen de réduire le coût des réservoirs.
Parlant des provinces, je travaille avec le nouveau partenariat de l'Ouest : la Saskatchewan, l'Alberta et la Colombie-Britannique. Les ministères de l'énergie des trois provinces s'intéressent aux possibilités du gaz naturel en aval, dans le but de définir un cadre stratégique.
Comme je l'ai dit un peu plus tôt, je suis convaincu qu'il s'agit d'un engagement important où l'industrie et le gouvernement doivent travailler ensemble pour veiller à la mise en valeur d'une ressource que nous avons la chance d'avoir en abondance dans notre pays.
Le sénateur Wallace : À peu près toutes les informations que vous nous avez présentées ce matin ont été extrêmement intéressantes et instructives, en particulier les commentaires de M. Zweep concernant la différence de coûts entre le carburant diesel et le gaz naturel. Le gaz naturel semble avoir un avantage considérable sur le plan du marketing.
Cela étant dit, vous parlez de partenariats avec le gouvernement fédéral à plusieurs niveaux différents, sur le plan financier et autres, au niveau de la réglementation, en matière de R-D et aux étapes exploratoires, mais vous insistez surtout aujourd'hui sur la commercialisation, c'est-à-dire la distribution de votre produit sur le marché, la recherche de clients et les coûts associés à la mise en place de cette infrastructure.
Ce qui me frappe, c'est que le gaz naturel présente des avantages très nets par rapport au carburant conventionnel, en matière de prix, de rendement énergétique des équipements et d'avantages sur le plan de l'environnement. Ce sont là des atouts que n'importe quelle compagnie de marketing peut faire valoir à vos clients afin d'étendre votre marché. Une fois que vous aurez agrandi votre marché, il vous sera plus facile d'étendre l'infrastructure.
Cela dit, pourquoi le gouvernement devrait-il financer cet aspect de vos activités — la commercialisation, le réseau de distribution de votre structure?
Je le compare au réseau de distribution d'essence et de carburant diesel, une infrastructure que, me semble-t-il, le gouvernement ne finance pas. S'il encourage le secteur du pétrole et du gaz, de la R-D et de l'exploration du pétrole lourd, le gouvernement fédéral ne se mêle pas, il me semble, de la commercialisation au détail. Pourquoi devrait-il encourager le développement du gaz naturel au niveau du détail, pour ainsi dire?
Mme Milner : C'est une très bonne question, une question que l'on nous a posée dans d'autres réunions à Ottawa. On s'est fait demander par exemple si le gouvernement devait avoir un rôle dans ce domaine et pourquoi un tel rôle ne devrait-il pas se limiter à une certaine forme d'assistance pour surmonter les obstacles posés par les codes et les normes, à des programmes de sensibilisation et de liaison et autres mesures de ce type.
Ma réponse comprend deux parties. Sur le plan de l'infrastructure tout d'abord, en dehors de nous aider à surmonter certains de ces obstacles, nous n'envisageons pas pour le gouvernement fédéral un rôle direct sous la forme d'une participation financière à l'infrastructure. En outre, pour revenir au commentaire de M. Shaw concernant le regroupement des partenaires, il y aurait un rôle de coordination du mouvement afin de contribuer à lui donner de l'élan. Par contre, nous ne voyons aucun besoin au niveau de la flotte pour les consommateurs.
Malgré les importantes économies de carburant que l'on envisage actuellement, je sais que toutes les études théoriques faites sur la demande en matière de nouvelles technologies concluent que les consommateurs s'intéresseront à cette innovation mais minimiseront considérablement l'encaisse future, en raison de tous les risques perçus. Supposons que Vedder veuille vendre ses camions dans quatre ans. Est-ce qu'il y aura un marché au pays pour ce type de camions? Quelles seront les conséquences sur le plan financier? Est-ce que les coûts d'entretien seront conformes aux prévisions, et cetera?
Le plan d'action a corroboré tout cela pour une certaine échelle de développement et selon le type de flotte, l'analyse de rentabilisation est excellente. Alors, pourquoi la mise en oeuvre est-elle si difficile au Canada? C'est la question fondamentale qui mène aux recommandations.
Pour revenir à la structure des coûts, le problème du gaz naturel se situe au niveau des véhicules. M. Kaye y a fait allusion un peu plus tôt. C'est une industrie très jeune. Westport n'a pas encore vendu un millier de moteurs, même si son entreprise conjointe Cummins Westport en a vendu des dizaines de milliers. Pour la première fois il y a deux ans, Cummins Westport a commencé à vendre plus de moteurs pour les camions à ordures, les camions spécialisés, les marchés ne recevant pas d'encouragement. Auparavant, il vendait principalement ses produits en Californie, au Texas, dans l'État de New York, régions où le secteur recevait des incitatifs et où, là encore, l'échelle était suffisante. Comment réduire cette structure de coûts? Le plan d'action se penche également sur cette question. Cependant, si le gouvernement doit jouer un rôle, ce sera seulement un rôle temporaire. Nous voulons que des mesures soient prises pour réduire cette structure de coûts, pour diminuer le coût des composantes et, une fois que le gouvernement se retirera, que toutes les conditions soient en place pour qu'une nouvelle industrie puisse vraiment s'épanouir. Je pense qu'il s'agit plutôt d'encourager une industrie naissante jusqu'à ce qu'elle atteigne un volume suffisant.
Je vais vous donner un autre petit exemple. Les camions à ordures au gaz naturel existent sans doute depuis une décennie. Ce marché s'est développé essentiellement aux États-Unis, à l'exception de 24 unités qui existent actuellement au Canada depuis deux ans. Au cours de cette décennie, le coût supplémentaire d'achat d'un camion à ordures au gaz naturel a été réduit de moitié. Pour quelle raison? Au début, on prenait un châssis construit par une société comme Peterbilt, on l'envoyait ailleurs pour monter la carrosserie et ailleurs encore pour l'installation du moteur. Aujourd'hui, maintenant que les grands joueurs ont compris qu'il y avait une demande potentielle, une compagnie comme McNeilus aux États-Unis, un des plus grands fabricants de carrosseries en Amérique du Nord, installe sur place les moteurs au gaz naturel. On assiste donc à une intégration de la chaîne d'approvisionnement, mais les vendeurs doivent s'assurer que la demande existe sur le marché, faire les investissements nécessaires et intégrer le montage afin de commencer réellement à réduire la structure de coûts pour le consommateur. Je ne sais pas si cela répond totalement à votre question.
Le sénateur Wallace : À peu près.
Je vais poursuivre avec une question complémentaire sur les types d'incitatifs financiers que vous souhaiteriez obtenir du gouvernement fédéral pour vous aider à mettre en place cette infrastructure à l'étape de la commercialisation. Vous avez dit que cet incitatif s'appliquerait uniquement sur une période limitée.
Mme Milner : Oui.
Le sénateur Wallace : Quelle serait la durée de cette période?
Mme Milner : Nous avons proposé une période de cinq ans et l'incitatif s'appliquerait uniquement aux flottes de véhicules et pas à l'infrastructure.
Le sénateur Johnson : Quelle est la situation au Manitoba? Je n'en ai pas beaucoup entendu parler. Pouvez-vous me dire comment on pourrait encourager le développement dans cette province? J'aimerais également parler du camionnage, parce que j'ai siégé au comité qui a étudié ce secteur pendant deux ans. Je pense que vous y avez participé, mais je ne sais pas si vous aviez comparu. Pouvez-vous commencer par nous dire ce qui se passe au Manitoba et ce que nous pourrions faire pour améliorer la situation là-bas?
Mme Milner : Le Manitoba est un cas intéressant. C'est un peu une énigme. Il existe au Manitoba deux sociétés qui assemblent déjà des véhicules au gaz naturel. Il s'agit de New Flyer Industries, une entreprise très prospère, et aussi maintenant Motor Coach Industries qui fabrique des autobus urbains. Ces deux fabricants ont commencé à monter des véhicules au gaz naturel cette année. Ils ont reçu leur première commande du Los Angeles Transit. Nous comptons également parmi nos membres une compagnie qui s'appelle Kraus Global. Cette entreprise installée à Winnipeg, qui fabrique des appareils de distribution de gaz naturel pour les stations-service, obtient d'excellents résultats à l'échelle mondiale. Kraus Global vend exclusivement à l'extérieur du Canada. Ce qui manque malheureusement au Manitoba, c'est un engagement de Manitoba Hydro, le distributeur local de gaz.
Le sénateur Johnson : Nous sommes au courant.
Mme Milner : Cette industrie étant relativement modeste, nous devons mettre toutes les chances de notre côté et nous diriger vers les secteurs où les perspectives sont les plus favorables. Si nous n'avons pas espoir de trouver un partenaire qui saura nous épauler, nous devons nous tourner vers une autre région du Canada.
Le sénateur Johnson : Nous devons convaincre Manitoba Hydro de participer.
Mme Milner : Ce serait formidable.
Le sénateur Johnson : Je tiens à vous féliciter pour l'alliance. Je pense que c'est une initiative extraordinaire et la seule façon de procéder à l'avenir, surtout avec les camions intelligents et les camions de gros tonnage. Vous avez fait beaucoup de chemin depuis l'étude que nous avons réalisée il y a quelques années, alors qu'il ne se passait rien dans ce domaine. Par conséquent, c'est une industrie très jeune. Dans le cas de notre étude, que nous conseillez-vous de faire, non seulement sur le plan d'une intervention du gouvernement fédéral comme l'a suggéré le sénateur Wallace, mais également pour la mise au point d'une stratégie énergétique nationale et durable? Comment envisagez-vous une telle initiative? Toute la question du développement durable est également de votre ressort.
Mme Milner : C'est une question importante. Tout d'abord, pour ce qui est des questions générales de durabilité, il est important de commencer par définir les ressources dont nous disposons et de bien préciser quels seraient les avantages sur le plan des émissions. Ensuite, je crois qu'il faudrait trouver les différentes niches au Canada. On parle du Canada comme d'un même bloc monolithique, mais en réalité, il est composé de nombreuses régions présentant des possibilités différentes. Pour vous donner un exemple précis, les véhicules électriques sont promis à un brillant avenir dans des provinces comme la Colombie-Britannique, le Manitoba, le Québec qui, grâce à l'hydroélectricité, ont des taux d'émissions polluantes très bas. Cependant, la situation n'est pas la même dans les autres régions du Canada, car les différences sont nombreuses d'une région à l'autre. Il est très difficile de répondre à votre question.
Le sénateur Johnson : La situation va évoluer, tout comme votre alliance elle aussi évolue. Au Manitoba, je peux vous dire que nous savons comment brancher les voitures. Nous serions prêts à adopter cette stratégie. Merci beaucoup d'être venus.
Le président : Madame Milner et messieurs, merci pour vos exposés instructifs. Nous aurions aimé passer plus de temps avec vous hier, mais il y avait tant d'autres choses, le sénateur Wallace connaît bien son ancienne compagnie Irving. Leur soirée a été plutôt réussie et il y avait les nouveaux juges à la Cour suprême. Vous avez choisi une journée très occupée. Voilà. Je pense que nous avons de bonnes relations avec votre organisation et j'espère que vous resterez en contact avec nous lorsque les conclusions de notre rapport commenceront à se préciser. Vous avez tous été extraordinaires aujourd'hui. Madame Milner, si nous avons d'autres questions, nous vous les ferons parvenir, et si vous éprouvez le besoin de nous donner des précisions ou de nous éclairer sur certaines questions, restez en contact avec nous.
Mme Milner : Merci.
Le président : Mesdames et messieurs les sénateurs, s'il n'y a pas d'autres questions, je vais ajourner la séance.
(La séance est levée.)