Délibérations du Comité sénatorial permanent de
l'Énergie, de l'environnement et des ressources naturelles
Fascicule 5 - Témoignages du 25 octobre 2011
OTTAWA, le mardi 25 octobre 2011
Le Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles se réunit aujourd'hui à 17 h 3 pour étudier l'état actuel et futur du secteur de l'énergie du Canada (y compris les énergies de remplacement).
Le sénateur W. David Angus (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président : Bonsoir tout le monde, chers collègues et monsieur le ministre; vos fonctionnaires qui vous accompagnent et vous allez être vus, pour les besoins de notre étude sur l'énergie, par tous les spectateurs du réseau de la CPAC et de notre site Internet spécialisé.
Nous avons la chance d'accueillir aujourd'hui l'honorable John Duncan, ministre canadien des Affaires autochtones et du Développement du Nord canadien et député de Vancouver Nord, Colombie-Britannique. Le ministre a été élu à la Chambre des communes pour la première fois en 1993 et il a été réélu en 1997, 2000, 2004, 2008 et 2011. Je pense qu'il y a une petite période qui manque. De 2006 à 2007, M. Duncan a été conseiller spécial du ministre des Pêches et des Océans pour la région du Pacifique. De 2008 à 2010, il a été secrétaire parlementaire du ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien. En août 2010, M. Duncan a été nommé ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien, interlocuteur fédéral auprès des Métis et des Indiens non inscrits, et ministre de l'Agence canadienne de développement économique du Nord.
Je sais aussi qu'il a pris résolument la défense de l'industrie de la bijouterie lorsque celle-ci a dû subir pendant des années le fardeau d'une taxe d'accise. Grâce à ses efforts, et en partie aux miens au sein du comité des banques, il s'est bien fait connaître par les gens de cette communauté, qui sont nombreux à habiter à Montréal. J'espère, monsieur le ministre, que ce petit rappel d'ordre personnel ne vous aura pas gêné.
Je tiens à rappeler ce que je dis lors de la plupart de nos séances. Il s'agit d'une série de réunions du Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles, dans le cadre d'une étude que nous avons entreprise en juin 2009 au sujet du secteur de l'énergie du Canada et dans le but de faire en sorte que les Canadiens dialoguent entre eux, parlent de l'énergie et comprennent les enjeux en sachant ce qui se passe lorsqu'on fait jouer un interrupteur et que la lumière s'allume. Il y a en la matière des mythes dont il faut se débarrasser. Cette étude a éveillé l'intérêt de l'ensemble du pays et devrait vraisemblablement prendre fin en juin 2012. En attendant, nous allons nous déplacer dans votre province, monsieur le ministre, ainsi qu'en Alberta, en Saskatchewan et au Manitoba. Espérons que dans l'une de ces provinces, nous aurons l'occasion de rencontrer des témoins des territoires du Nord et des gens relevant de vos attributions spéciales que nous n'avons pas encore rencontrés. Nous nous sommes déjà organisés pour entendre certains témoins comme le chef Atleo. Nous avons déjà accueilli à plusieurs reprises le président de l'Office national de l'énergie, qui nous a indiqué que vous partagiez certaines compétences en matière de permis. Nous nous sommes impliqués à la suite de la terrible catastrophe pétrolière du golfe du Mexique. Nous avons procédé à une étude graphique pour savoir ce qui se passerait au Canada si nous avions à faire face à une telle catastrophe.
Je ne peux pas vous dire exactement combien de témoins nous avons entendus, mais c'est plus de 200 jusqu'à présent. Nous avons procédé à une étude approfondie. Nous nous efforçons aujourd'hui de préciser les détails.
J'aimerais que vous sachiez qui nous sommes. Je suis le sénateur Angus, du Québec. Je préside ce comité. À ma droite, siège le vice-président, le sénateur Mitchell, de l'Alberta. Nous avons deux collaborateurs précieux qui travaillent à la Bibliothèque du Parlement, Sam Banks et Marc LeBlanc. Représentant la Saskatchewan, nous avons le sénateur Peterson; de l'Alberta, le sénateur Banks, qui m'a précédé en qualité de président de ce comité; à sa droite, représentant Montréal, le sénateur Massicotte. Un ancien membre du comité est venu représenter ce soir un collègue absent. Sénateur Merchant, nous sommes heureux de vous voir parmi nous. À ma gauche se tient notre excellente greffière, Lynn Gordon. À sa gauche, représentant la grande province du Nouveau-Brunswick, le sénateur Wallace; à la gauche de celui-ci, représentant Montréal, au Québec, le sénateur Seidman; représentant le Manitoba, le sénateur Johnson; représentant le Territoire du Yukon, le sénateur Lang. À la gauche de ce dernier, le seul sénateur élu, le sénateur Brown, que vous connaissez, je crois, monsieur le ministre.
Je pense que vous savez par ailleurs que tout récemment, le mois dernier, nous avons reçu les ministres Kent et Oliver, de Ressources naturelles Canada et d'Environnement Canada. C'est le trio parfait, comme je l'ai dit au Sénat aujourd'hui. Vous venez compléter l'action des trois ministères qui sont si intimement imbriqués dans tout ce que nous examinons aujourd'hui.
Je n'ai reçu qu'aujourd'hui votre déclaration, mais nous pouvons nous appuyer sur toutes sortes de données de référence. Notre comité attend avec impatience ce que vous avez à lui dire et sera tout disposé à vous poser ensuite des questions, si vous le voulez bien. Monsieur le ministre, vous avez la parole.
L'honorable John Duncan, C.P., député, ministre des Affaires autochtones et du développement du Nord canadien : Merci, monsieur le président. Je suis le troisième ministre du trio. Vous avez gardé le meilleur pour la fin, j'imagine. Le jour du 18e anniversaire de ma première élection à la Chambre des communes tombe en fait aujourd'hui.
Des voix : Bravo!
M. Duncan : Il a fallu qu'un de mes collègues me le rappelle aujourd'hui. Mon portefeuille est très chargé et je l'avais oublié.
Vous avez évoqué la taxe d'accise dans le cadre du projet de loi sur la bijouterie, et vous m'aviez été d'une grande aide à l'époque. Je suis toujours le seul député du Commonwealth à avoir réussi à faire promulguer une proposition de loi d'un simple député entraînant une déduction fiscale. Ce record tient toujours, grâce à votre aide. Je veux vous présenter Janet King, qui s'occupe de nos affaires du Nord, je ne me souviens jamais de l'intitulé exact de son poste.
Le président : Elle est sous-ministre adjointe, Organisation des affaires du Nord.
M. Duncan : J'ai aussi à mes côtés Sara Filbee, chargée des dossiers de Terres du Nord Canada, et Strater Crowfoot, Pétrole et gaz des Indiens du Canada. Ce sont des gens d'une grande compétence, que je connais depuis longtemps, et je suis très heureux de les avoir à mes côtés pour parler avec vous aujourd'hui.
De toute évidence, le secteur de l'énergie du Canada joue un rôle de plus en plus important dans la prospérité de notre pays. Il reste bien sûr un certain nombre de défis présents et à venir à surmonter. La manière dont on relèvera ces défis aura une grande incidence sur l'avenir du Canada. Je suis convaincu que l'étude de la question par votre comité nous aidera à acquérir les connaissances nécessaires pour faire en sorte que le secteur de l'énergie continue de contribuer à la prospérité sociale et économique du Canada.
Votre comité a entendu divers points de vue concernant la production, la distribution, la consommation et la conservation de l'énergie. Dans le cadre de mes fonctions de ministre des Affaires autochtones et du développement du Nord canadien, un changement a été apporté depuis mon assermentation à la suite de l'élection. L'intitulé du ministère a été modifié et ce n'est plus le plus long au sein du gouvernement. On a abandonné la notion d'intermédiaire et celle de ministre chargé de l'Agence canadienne de développement économique du Nord, et cetera. L'appellation a été raccourcie et je pense qu'elle est plus globale.
Je vais vous parler de nos activités dans le secteur de l'énergie. Le mandat de mon ministère consiste à défendre les intérêts du Nord dans le cadre des revendications territoriales des Autochtones, à encourager les investissements dans le développement durable des ressources du Nord et à fournir des renseignements et des conseils à cet égard. En fait, mon ministère est résolu à miser sur le développement des ressources pour accroître les compétences des Autochtones et des résidents du Nord et de consolider l'assise économique des collectivités du Nord.
Depuis toujours au Canada, les projets de développement des ressources multiplient les possibilités économiques pour les Canadiens. Malheureusement, ces projets ont trop souvent, dans le passé, été réalisés sans la pleine participation des peuples autochtones, laissant en héritage aux collectivités du Nord un gâchis environnemental.
Nous avons tiré des leçons de cette façon d'agir. Aujourd'hui, les secteurs des ressources offrent aux peuples autochtones et aux résidents du Nord des possibilités sans précédent en matière d'emploi et de prospérité économique. Il est possible d'être prospère en adoptant une saine gestion de l'environnement. Au sein de mon ministère, un grand nombre de programmes, d'initiatives et de partenariats font appel aux secteurs des ressources, en particulier le secteur de l'énergie.
J'aimerais vous expliquer trois importants volets du travail de mon ministère. Il s'agit de la réforme de la réglementation, de la consultation et de l'accommodement, et enfin du développement durable des ressources. Parlons d'abord de la réforme de la réglementation.
Au cours des dernières années, notre gouvernement a pris des mesures pour aider les Premières nations à mettre en œuvre des projets énergétiques. Il y a deux ans, par exemple, le Parlement a modifié la Loi sur le pétrole et le gaz des terres indiennes. Grâce aux modifications apportées à la Loi, le mode de gestion du pétrole et du gaz sur les terres des réserves est aujourd'hui plus transparent, plus efficace et plus attrayant pour les investisseurs. Afin d'élaborer ces modifications, le gouvernement a suivi un processus semblable à celui que votre comité a entrepris, c'est-à-dire écouter attentivement les points de vue de chacune des personnes directement concernées.
Le Conseil des ressources indiennes a joué un rôle essentiel. Je le sais, puisque j'ai été secrétaire parlementaire pendant une partie de ce temps, collaborant avec Strater Crowfoot et d'autres intervenants. Je sais à quel point cette opération a été longue et difficile, et je pense qu'elle a débouché sur d'excellents résultats.
Outre la Loi sur le pétrole et le gaz des terres indiennes, deux autres lois complémentaires sont importantes, à savoir la Loi sur la gestion des terres des Premières nations et la Loi sur la gestion du pétrole et du gaz et des fonds des Premières nations. En vertu de ces lois, une Première nation peut assumer la gestion des terres, des ressources naturelles et de l'environnement, y compris la gestion des ressources pétrolières et les revenus découlant de l'exploitation des ressources.
Mercredi dernier, d'ailleurs, j'ai signé un protocole d'entente sur la gestion des terres des Premières nations qui permettra à encore plus de Premières nations d'assumer une responsabilité accrue en matière de gestion des terres et de saisir plus rapidement les occasions de développement économique qui se présentent. Le nombre de Premières nations membres passera presque immédiatement de 36 à plus de 50 et, compte tenu du nombre de Premières nations qui attendent de gérer, elles aussi, leurs terres, nous estimons que nous avons déjà un excellent régime de développement économique et que nous accroîtrons même la participation.
Les Premières nations peuvent aussi tirer profit des dispositions de la Loi sur le développement commercial et industriel des Premières nations. Les règlements sur les mines afférents à cette Loi autorisent l'exploitation des sables bitumineux dans les réserves de l'Alberta, ce qui serait impossible autrement. On s'appuie aussi sur cette Loi pour élaborer les règlements qui permettront à la Première nation Haisla de la Colombie-Britannique d'exploiter une installation de gaz naturel liquéfié. Toutes ces initiatives visent à assouplir la législation afin de pouvoir répondre aux besoins uniques des collectivités des Premières nations.
En outre, notre gouvernement a présenté en 2010 un plan d'action visant à améliorer les régimes de réglementation dans le Nord, avec comme objectif de simplifier les régimes de réglementation et d'éliminer les obstacles à l'investissement, tout en assurant la protection de l'environnement. Ce plan d'action prévoit des processus plus efficaces, le renforcement de l'intendance de l'environnement et une participation plus forte des Autochtones aux décisions.
Je suis ravi de vous annoncer que nous progressons rapidement et que je devrais être en mesure de présenter à nouveau le projet de loi sur l'aménagement du territoire et l'évaluation des projets du Nunavut au cours des prochaines semaines. Ce projet de loi est le fruit d'une étroite collaboration avec l'organisation inuite Nunavut Tunngavik Inc., le gouvernement du Nunavut et d'autres parties intéressées. Nous nous sommes engagés à réformer par ailleurs la réglementation dans les Territoires du Nord-Ouest.
La fermeté du cours du pétrole et des gaz naturels liquides est le principal facteur à l'origine de l'intérêt renouvelé de l'ensemble du secteur privé envers le riche potentiel pétrolier et gazier du Nord canadien. Les activités d'exploration et de développement des ressources pétrolières et gazières dans le nord, qui recèle un tiers du potentiel canadien de pétrole et de gaz naturel conventionnels, montrent des signes de progrès indéniables, un progrès qui devrait procurer des avantages économiques durables à tous les résidants du Nord. La croissance soutenue du secteur du pétrole et du gaz est tributaire de la location par bail des terres à explorer, de la capacité à explorer ces terres jugées riches en ressources et de la confiance envers la mise en place d'un régime de réglementation qui permettra le développement responsable dans le respect d'un cadre de saine gestion de l'environnement.
J'aimerais maintenant vous parler du volet consultation et accommodement. Comme tous les membres de votre comité le savent déjà, la Couronne a l'obligation légale de mener des consultations auprès des Autochtones — et, le cas échéant, de prendre des mesures d'accommodement à l'égard de ces derniers — avant d'approuver des projets susceptibles d'avoir des incidences négatives sur les droits ancestraux et issus de traités. Notre gouvernement a pris une série de mesures pour s'assurer de remplir cette obligation. Il a, entre autres, adopté une approche consolidée en matière de consultation et d'accommodement, et plus de 1 800 fonctionnaires fédéraux ont reçu une formation en vue de respecter cette approche.
Notre gouvernement travaille aussi avec d'autres groupes sur cette question. Par exemple, l'an dernier, j'ai eu le plaisir de signer avec les Mi'kmaq de la Nouvelle-Écosse et le gouvernement néo-écossais une entente sur les processus de consultation. Nous cherchons continuellement des occasions de collaboration avec les provinces afin d'harmoniser nos activités de consultation et d'accommodement.
Pour terminer, j'aimerais vous entretenir du développement durable des ressources. La liste des groupes autochtones et du Nord qui exploitent des projets novateurs d'énergie renouvelable ne cesse de s'allonger. Les exemples sont nombreux. Permettez-moi de citer un extrait d'un document de travail de l'Assemblée des Premières Nations publié un peu plus tôt cette année :
Aujourd'hui, les Premières nations de partout au pays manifestent un vif intérêt à participer aux efforts d'économie d'énergie et au développement de technologies d'énergie propre. À preuve, de plus en plus de collectivités lancent leurs propres projets d'énergie propre ou deviennent propriétaires en partie d'installations d'énergie propre.
Je peux le vérifier. Le ministère a aidé les Premières nations à organiser ces derniers mois une conférence sur l'énergie à Toronto et une autre à Vancouver. Elles ont eu beaucoup de succès et bien des gens y ont participé. De nombreuses synergies ont été constatées et l'on peut dire par conséquent qu'il se passe des choses. C'est important pour de nombreuses communautés des Premières nations qui, du fait de leur éloignement, doivent être approvisionnées en carburant diesel.
La réalité, c'est que les projets d'énergie renouvelable peuvent procurer des avantages durables aux collectivités autochtones de partout au Canada. Cela vaut aussi pour les autres types de projets énergétiques. L'an dernier, Pétrole et gaz des Indiens du Canada a perçu, pour le compte de 50 Premières nations, plus de 250 millions de dollars en redevances des sociétés pétrolières et gazières installées sur leurs terres. L'argent servira, entre autres, à améliorer le logement, l'enseignement et les réseaux d'eau et d'égout dans les réserves. Bref, il aide ces Premières nations à établir des collectivités dynamiques et à assurer un avenir meilleur à leurs enfants.
Voilà qui met fin à mon exposé, et je suis tout à fait disposé à répondre à vos questions.
Le président : Merci infiniment, monsieur le ministre. Je crois que je vais exercer les prérogatives du président et vous poser la première question. Vous avez évoqué les discussions avec les provinces. L'une des choses que nous avons apprises en procédant à cette étude, c'est que vos compétences sont bien particulières étant donné que l'énergie et l'environnement relèvent des compétences provinciales dans le reste du Canada. Nous nous rendons compte que tant que les provinces n'auront pas participé aux discussions et œuvré de concert avec le gouvernement fédéral pour élaborer une stratégie d'énergie propre faisant de nous une grande puissance en la matière, puisque c'est ainsi qu'on nous présente la politique du gouvernement, on parviendra difficilement à un résultat. Dans votre secteur, j'ai le sentiment qu'il y a une étroite collaboration avec les provinces. Pouvez-vous nous en dire un peu plus?
M. Duncan : Effectivement, les provinces interviennent beaucoup plus qu'il y a cinq ou 10 ans. Il me semble qu'étant donné les besoins de consultation, l'obligation de s'adapter et le fait que la réglementation est stricte au Canada en matière d'environnement tout en devant permettre une gestion efficace des ressources naturelles et de l'énergie, nous avons grandement besoin de nous associer avec les partenaires de l'industrie et des collectivités autochtones. Les provinces ont évidemment leur mot à dire en la matière, peut-être plus que nous dans certains domaines.
Oui, il y a une grande collaboration. Je peux vous en donner des exemples dans tout le pays, mais nous constatons que c'est un grand facteur de développement économique. Nous nous félicitons chaque fois qu'une collectivité passe au plein-emploi alors que ses perspectives en matière d'environnement n'étaient jusque-là pas très bonnes, et c'est ce que nous voyons arriver tous les jours. Chaque fois qu'une collectivité se transforme ainsi, les autres s'en rendent compte et leurs dirigeants sont davantage motivés à faire eux aussi quelque chose chez eux.
Le président : Ce sont là d'excellentes nouvelles.
M. Duncan : Nous constatons que les provinces souhaitent une harmonisation, et nous avons aussi obtenu beaucoup de succès dans ce domaine.
Le président : Pour en finir avec mes questions, je vais vous parler de ma province du Québec. Le premier ministre Charest, lorsque la grève sauvage dans le secteur de la construction et l'enquête qui en résulte lui en laissent le temps, nous parle de son Plan Nord. Avez-vous été consulté et prenez-vous part à ce projet? Il me semble qu'une grande partie du Nord du Québec est un territoire autochtone.
M. Duncan : Il se passe des choses intéressantes dans le Nord du Québec. J'ai parlé avec le ministre compétent, le ministre Lebel, qui m'a dit, par exemple, qu'à Val-d'Or on était à la recherche de 10 000 mineurs. On aimerait les avoir, mais on ne peut pas les trouver.
Je me suis entretenu avec l'Association canadienne des prospecteurs et entrepreneurs, qui m'a dit que le Nord du Québec était le lieu rêvé pour investir. Les perspectives sont excellentes dans cette région. Notre mandat, étant donné l'existence de la Convention de la Baie James dans le Nord du Québec, n'est pas aussi étendu que dans d'autres ressorts, mais nous avons un grand rôle à jouer. Au cours de l'une de mes prochaines visites, je me rendrai dans la communauté d'Oujé-Bougoumou, qui est au cœur de la culture crie. Je suis très impatient de me rendre là-bas.
Le président : Ce sera intéressant. Je vous en remercie.
Le sénateur Mitchell : Merci d'être venu, monsieur le ministre. Je sais que vous êtes occupé et nous l'apprécions.
Je suis Albertain, et l'Alberta a des difficultés quant à la stratégie de sa main-d'œuvre. J'ai parlé il y a quelques mois avec le ministre du Travail. Je l'ai rencontré par hasard et il m'a dit : « Nous avons besoin d'une stratégie de notre main-d'œuvre pour ces grands projets ». De toute évidence, les Autochtones constituent une grande source de main- d'œuvre dans des provinces comme l'Alberta car la population y est en général jeune et est tout à fait employable.
S'il vous fallait mettre en place une stratégie de la main-d'œuvre dans le cadre de votre programme sur l'énergie au Canada, quel est le rôle que jouerait votre ministère? Quel rôle devons-nous jouer pour faciliter l'emploi des Autochtones dans ce secteur?
M. Duncan : Vous avez tout à fait raison de ce point de vue. Nous avons 400 000 jeunes Autochtones qui sont susceptibles d'entrer sur le marché du travail d'ici à 2020. Alors que notre industrie doit s'attendre à une pénurie de main-d'œuvre — en supposant que notre économie ne s'écroule pas complètement, ce qui ne devrait pas être le cas, à mon avis; même dans les perspectives d'une récession mondiale, nous avons de nouvelles mines en exploitation dans nos territoires du Nord, et cela englobe aussi les provinces — nous collaborons avec les autres ministères fédéraux, les provinces et les Premières nations, à la formation et au développement des compétences.
Il y en a des exemples dans tout le pays. Pour que l'industrie puisse dispenser la formation appropriée, il faut que le personnel sache bien lire et écrire. Nous cherchons à nous assurer que, dans toute la mesure du possible, les employés parviennent au niveau de la 12e année. C'est pourquoi je me suis impliqué dans le plan d'action commun. Tout un groupe de personnes et d'institutions ont compris que l'éducation était la clé de tout. Nous travaillons en étroite collaboration avec RHDCC, qui a mis sur pied de nombreux programmes de formation professionnelle. Nous voulons faire en sorte qu'ils puissent s'appliquer à nos collectivités autochtones. Nous œuvrons en collaboration avec les provinces. Nous avons signé des accords avec les organisations régionales autochtones, les provinces et RHDCC pour assurer une formation au personnel et faire en sorte qu'il puisse occuper les emplois qui sont offerts. Nous avons obtenu du succès. Nous pouvons vous donner certains chiffres, mais il reste beaucoup à faire.
Les taux de chômage dans certaines communautés sont de 30 à 80 p. 100. Nous n'accepterions jamais de tels pourcentages dans une collectivité non autochtone. La bonne marche d'une collectivité dépend d'un tel paramètre, et nous sommes donc décidés à changer les choses. Nous en avons fait une grande priorité et nous continuons à élaborer des programmes. Chaque fois que je rencontre les fonctionnaires d'Industrie Canada, je constate qu'ils ont de nouvelles idées à notre intention. Janet King ou Sara Filbee pourront peut-être vous donner des exemples précis si elles en ont.
Sara Filbee, sous-ministre adjointe, Terres et développement économique, Affaires autochtones et Développement du Nord Canada : Lorsque j'étais à Yellowknife, j'ai rencontré les responsables de Diavik Diamond Mines. Je sais qu'il ne s'agit pas d'énergie, mais les principes à mettre en œuvre pour que les grands projets énergétiques, et les autres grands projets en général, atteignent leur potentiel sont les mêmes.
Diavik Diamond Mines est l'une des entreprises de la société Rio Tinto. Je ne peux pas vous donner de chiffres; il faudrait probablement le faire, mais j'ai oublié les précisions.
Ce qui est sûr, par contre, c'est que les responsables se sont résolument engagés à collaborer avec les collectivités locales et que les retombées sont importantes. C'est ainsi qu'ils se sont déplacés dans les collectivités pour dire à n'importe quel conducteur de motoneige qui venait à passer : « si vous pouvez conduire ce véhicule, nous pouvons vous apprendre à conduire un camion. » C'est l'attitude qu'ils ont adoptée.
Il y a aussi l'association de formation dans les métiers du secteur minier, qui dépend de RHDCC. Ses responsables assurent la formation professionnelle, préparent des gens qui n'ont aucune expérience en matière d'emploi, les aident à se familiariser avec les conditions liées à l'emploi, au fond d'une mine, par exemple, et leur facilitent l'entrée sur le marché du travail. Il y a toutes sortes de réussites, c'est probablement là l'une des meilleures, mais ce n'est pas assez. Nous avons besoin d'en faire plus, mais c'est là un très bon exemple.
M. Duncan : Lorsque nous avons fait une tournée dans l'Arctique avec le premier ministre, en août, je crois, nous avons visité la mine Meadowbank, près de Baker Lake. Baker Lake avait la réputation d'être la capitale de l'aide sociale au Nunavut, et le plein emploi y règne aujourd'hui. Tout ça à cause de la mine d'or de Meadowbank d'Agnico- Eagle, dont on nous a montré les installations de formation. Elles se trouvent sur le site même. Il y a des simulateurs, qui permettent d'assurer la formation du personnel, et les participants à la formation, lorsqu'ils estiment qu'ils sont prêts à se lancer, peuvent sortir et passer directement au véritable équipement. C'est bien différent de ce que l'on fait habituellement à l'école, où l'on est bien loin des réalités de l'entreprise. Lorsqu'ils sont en formation sur le simulateur, ils vivent dans le camp même et ils sont en contact avec les travailleurs. Ils se familiarisent avec la journée de travail, les repas, le type de logements. Ils n'ont pas subi le choc culturel de l'arrivée sur un nouveau lieu de travail. C'est formidable. C'est une véritable révolution et ça se passe dans une grande partie du Nord car il y a non seulement le plein emploi, mais aussi l'abandon des logements sociaux parce que chacun veut avoir sa propre maison. Chaque foyer possède à sa tête quelqu'un qui gagne vraiment de l'argent. Les familles se remettent à fonctionner et les retombées positives sont très nombreuses. Plus les choses se passent ainsi, plus les collectivités environnantes le souhaitent elles aussi.
C'est pourquoi je considère qu'il est important pour nous de gérer notre développement économique et de protéger notre environnement de façon à permettre aux gens d'assurer durablement leur avenir en ayant un emploi et en prenant part à l'économie.
Le sénateur Mitchell : Voilà qui est très intéressant.
J'en reviens à l'Alberta et à l'oléoduc de Kitimat, qui est controversé, et bien sûr tous les résidents de la Colombie- Britannique n'en font pas un monde, et je les comprends bien. Ce sont nos voisins. On nous dit que les Autochtones, où certains d'entre eux, ne veulent pas que cet oléoduc passe sur leur territoire.
Qu'en est-il dans la pratique et sur le plan juridique? Est-ce qu'un groupe autochtone, qu'un règlement — il n'y a pas de traités en Colombie-Britannique — des revendications territoriales soit en place ou en cours, peut mettre dans tous les cas son veto lorsqu'un projet de cette nature passe sur ses terres, ou est-ce qu'en théorie le gouvernement peut procéder à une expropriation, et quelles sont ensuite les implications dans la pratique?
M. Duncan : Je commencerai par préciser que je ne suis pas avocat, mais que la jurisprudence est constante et que le gouvernement a le devoir de s'assurer que l'on a procédé à toutes les consultations et à tous les aménagements nécessaires. Cela relève des responsabilités de mon ministère. Dans la pratique, nous envisageons tout d'abord le projet à l'échelle de l'ensemble du gouvernement et ensuite nous avons une procédure liée à l'environnement qui doit être respectée au sujet de cet oléoduc. Les conclusions n'ont pas encore été publiées.
Le sénateur Mitchell : Je vous remercie. J'aurai une autre question à vous poser lors du deuxième tour.
Le président : Dans votre exposé, vous nous avez dit avoir conclu un accord avec les Autochtones en Colombie- Britannique pour construire une usine de gaz naturel liquéfié, si j'ai bien compris. C'est à Kitimat?
M. Duncan : Oui, cette usine est à Kitimat. Nous n'avons fait que créer le cadre législatif pour qu'ils puissent gérer leur zone de compétence et prendre des décisions sur leur propre territoire en vertu des dispositions de la Loi sur le développement commercial et industriel des Premières nations, dont le sigle est FNC en anglais. Auparavant, en qualité de ministre, moi-même ou mes prédécesseurs devions entériner chaque opération foncière en apposant sa signature, ce qui ne nous permettait pas de nous adapter à la rapidité de l'évolution du monde des affaires et a causé un handicap aux Premières nations pendant des décennies. Nous avons maintenant de nombreux textes de loi traitant de la gestion foncière et des ressources en pétrole et en gaz, et je me ferai un plaisir de demander à M. Crowfoot de vous en parler.
Le président : Tout dépend du temps qui vous est imparti. Huit autres intervenants restent inscrits sur notre liste et je vais donner la parole à notre spécialiste des questions du Nord, le sénateur Lang, de Whitehorse. Éventuellement, M. Crowfoot pourra rajouter ses commentaires. Que vouliez-vous lui faire dire?
M. Duncan : M. Crowfoot connaît bien Pétrole et gaz des Indiens du Canada, la loi et le centre des ressources. Il a pris la peine de venir ici et je considère que c'est une excellente personne-ressource.
Le président : Je crois savoir que vous allez peut-être devoir nous quitter avant la fin, et nous interrogerons alors en détail M. Crowfoot, Mme King et Mme Filbee. Par conséquent, pendant que vous êtes là, je vais vous laisser entre les griffes du pit-bull de Whitehorse.
Le sénateur Lang : Au préalable, je tiens à reconnaître le travail du ministre, en collaboration avec le premier ministre, sur un certain nombre de dossiers du Nord que ne connaissent pas la plupart des Canadiens. Je sais que vous avez largement participé à la conclusion d'un accord visant à étendre le régime de santé aux trois territoires. Le gouvernement du Canada a pris là d'importants engagements financiers tout en apportant des modifications à l'entente passée avec le Yukon en matière de partage des recettes tirées des ressources naturelles, ce qui doit nous permettre d'acquérir une plus grande indépendance vis-à-vis du gouvernement du Canada. Je tiens à ce que l'on prenne acte du travail réalisé par le bureau du ministre et de tout ce qu'il a fait dans ce domaine.
Pouvez-vous nous donner quelques précisions alors que vous vous exprimez sur une scène publique? Je sais que vous avez été directement ou indirectement responsable d'un certain nombre de ces projets. Vous pourriez peut-être nous tenir au courant de ce qui se passe actuellement. Il y a tout d'abord l'oléoduc de la route de l'Alaska. Je ne sais pas si vous êtes bien au courant de ce projet. Il n'a pas beaucoup fait parler de lui. En l'occurrence, cet oléoduc partirait de l'Alaska pour descendre jusqu'en Colombie-Britannique et en Alberta. Ce serait une très bonne chose pour le Yukon, à notre avis, car on pourrait ainsi répondre à une partie de nos besoins énergétiques tout en se procurant des recettes fiscales. On commence à reparler du gazoduc du MacKenzie. Vous pourriez peut-être, là aussi, nous tenir au courant.
Ce qui me paraît aussi important pour notre comité, c'est de savoir quelles sont vos relations avec l'Office national de l'énergie. Vous pourriez peut-être nous tenir au courant de ce qui se passe dans le cadre de la présente enquête et nous préciser quels vont être, selon vous, les projets d'exploration du pétrole et du gaz dans le Nord.
Le président : À laquelle de ces 11 questions voulez-vous répondre? Faites votre choix, monsieur le ministre.
M. Duncan : La route de l'Alaska et le gazoduc du MacKenzie. Quelle était la troisième question?
Le sénateur Lang : La route de l'Alaska, le gazoduc du MacKenzie et l'Office national de l'énergie.
M. Duncan : Il y a là une répartition intéressante des compétences, mais le responsable de l'oléoduc de la route de l'Alaska est en fait le ministre des Ressources naturelles.
Pour ce qui est du gazoduc du MacKenzie, je pense que nous savons tous que l'industrie a désormais un échéancier et qu'elle a été autorisée à aller de l'avant. Il y a des négociations en cours. De nombreuses négociations ont eu lieu entre 2005 et 2010 au sujet d'un accord financier, portant en l'occurrence sur la participation du gouvernement au projet. Il y a eu récemment des discussions. Je ne suis pas en mesure d'en parler puisqu'il s'agit évidemment de renseignements confidentiels.
Je pense que les gens se félicitent de voir que l'industrie est toujours à la table des négociations. Nous avons passé la période des élections dans les Territoires du Nord-Ouest, et l'on a enregistré un fort intérêt pour la région de Norman Wells lorsqu'il a fallu renouveler les demandes de permis, les demandes présentées dans le cadre de la loi sur l'exploration. Il y a toujours beaucoup d'optimisme. Il reste bien sûr des opposants à ce projet mais, lorsqu'on va au fond des choses, on constate qu'il y a de quoi être optimiste.
Le président : Que voulez-vous savoir au sujet de la répartition des compétences?
Le sénateur Lang : L'Office national de l'énergie et les sables bitumineux dans le Nord.
M. Duncan : L'Office national de l'énergie ne m'appartient pas; il nous faut évidemment collaborer avec ses responsables. Ce qui est fondamental, vous l'avez annoncé à ma place, c'est l'Évaluation environnementale régionale de Beaufort, avec un budget de 20 millions de dollars sur quatre ou cinq ans. Cela se situe au large des côtes d'Inuvialuit, dans la région nord des Territoires du Nord-Ouest. Dans la pratique, il s'agira d'étudier les courants de l'océan, l'épaisseur de la glace, les irrégularités du fond, les dangers présentés par le plancher océanique, et cetera. Il faudra établir toute une série de critères de référence avant de passer à une exploration ou à des forages éventuels. Nous disposons encore d'une certaine période pour faire tout ce travail, laissez-nous donc le temps de le faire. Notre ministère en a fait l'annonce l'année dernière et ces travaux sont en cours. On a les mains libres, désormais, puisque les audiences de l'ONÉ à Nunavik sont terminées.
Le sénateur Merchant : Merci, monsieur le ministre, d'être venu nous voir. J'ai moi aussi des questions à vous poser sur le gazoduc de la vallée du Mackenzie. La construction des installations a été autorisée en attendant la délivrance de tous les permis nécessaires. L'autorisation fournie par l'Office national de l'énergie prévoit un échéancier en vertu duquel la construction doit commencer avant le 31 décembre 2015. Les tenants du projet nous disent que pour respecter cet échéancier, il nous faut nous assurer que les ententes financières avec le gouvernement fédéral seront en place au plus tard cet hiver.
Le gazoduc de la vallée du Mackenzie jouera bien entendu un grand rôle pour garantir la sécurité énergétique du Canada et faire respecter les objectifs de réduction des gaz à effet de serre. Cela étant, quelle est votre position concernant le gazoduc de la vallée du Mackenzie et êtes-vous en faveur d'une entente financière sur le modèle des garanties de prêts concédées récemment dans le cadre du projet d'aménagement hydroélectrique du Labrador?
M. Duncan : Tout ce que je peux vous dire, c'est que j'ai bien sûr participé à la signature des ententes avec les Innus du Labrador concernant le projet du bas Churchill. Pour ce qui est du projet du gazoduc du Mackenzie, j'ai une compétence plus élargie, mais les négociations financières restent confidentielles. Le secteur privé veut qu'il en soit ainsi, nous voulons qu'il en soit ainsi, et c'est ainsi que nous allons procéder. Par conséquent, je ne suis pas certain de pouvoir répondre à votre question.
Le sénateur Merchant : Le Nord est susceptible d'abriter de petits et de grands projets d'aménagement hydroélectrique ainsi que des projets d'énergie de substitution, qu'il s'agisse de la géothermie ou de l'énergie éolienne. Tous ces projets permettront aux mines et aux collectivités du Nord de moins dépendre du carburant diesel, coûteux et très polluant. Le Canada s'est engagé, lors des rencontres sur les changements climatiques qui se sont tenues à Cancun en 2010, à prendre des mesures visant à réduire les émissions de noir de carbone à partir du diesel.
Que fait votre ministère pour appuyer les projets visant à développer l'énergie hydroélectrique et les énergies de substitution dans le Nord?
M. Duncan : Tout d'abord, les petites collectivités alimentées au diesel consomment chaque année environ 100 millions de litres au Canada. Ce n'est pas une très bonne chose et c'est très onéreux, non seulement sur le plan financier, mais sur celui de l'environnement étant donné qu'il y a le coût lié à la nécessité de tirer cette énergie du sol, de la transporter, de l'entreposer et de la brûler. C'est un système très peu efficace. Par conséquent, nous aimerions bien mieux que ces populations soient branchées sur le secteur ou, en dehors du secteur, sur un autre système. Je suis tout à fait d'accord. Nous avons des programmes qui parviendront à ce résultat, ou qui visent à y parvenir.
Il est clair que le gouvernement ne peut pas tout faire. Ce qui m'est apparu très clairement lors de la conférence énergétique des Premières nations qui s'est tenue à Vancouver en février, c'est que nous avons réuni différents secteurs d'entreprises s'étant aperçus soudainement qu'ils pouvaient collaborer. Telle personne disposait d'une batterie susceptible d'emmagasiner, de distribuer et de produire l'énergie renouvelable, qui est intermittente et qui opère en fait en fonction de l'offre et de la demande, sans que les différents intervenants connaissent l'existence des autres. Nous avons organisé à ce jour des réunions dans la région de la Colombie-Britannique. Il semble que nous puissions nous servir de cette technologie dans le cadre de deux projets pilotes, un dans le Nord et l'autre sur la côte de la Colombie- Britannique pour faire en sorte que les collectivités éloignées abandonnent le diesel et adoptent les énergies renouvelables, ce qui permettra d'économiser de l'argent tout en protégeant l'environnement.
L'industrie s'intéresse beaucoup à la question, en partie parce que les gens qui participent à ce projet ont à peu près mon âge, qu'ils ont été formés par les peuples des Premières nations lorsqu'ils étaient jeunes, et qu'ils veulent ainsi rembourser une dette. Ils considèrent qu'il peut y avoir là une véritable révolution. J'attends beaucoup de ce projet. Je pense que si nous nous réunissons à nouveau en ces lieux dans quelques années, nous reparlerons de l'énergie diesel en nous disant : « c'était là une façon bien dépassée de faire les choses », car tout cela aura pratiquement disparu, à mon avis.
Le sénateur Merchant : Je vous remercie.
[Français]
Le sénateur Massicotte : Ma question fait suite à une des questions précédentes.
En tant que représentant des Autochtones, il est important que vous soyez à l'écoute et que vous compreniez leurs soucis. Vous proposez des projets de loi qui donnent une certaine autorité et des mécanismes pour bien gérer les ressources.
Évidemment, les êtres humains, eux comme nous, veillons toujours à nos intérêts. De temps en temps, nos intérêts ne correspondent pas aux intérêts de la société en général. Il faut néanmoins s'attendre à ce qu'ils tiennent à leurs intérêts.
Lorsqu'on parle des pipelines ou d'autres projets, j'aimerais savoir quels sont les droits du gouvernement fédéral, qui est là pour représenter les intérêts de toute la communauté et de la société en général. A-t-il la capacité de dire aux Autochtones ou à un secteur de cette population que, bien qu'il comprenne leurs intérêts et malgré leur désaccord, dans l'intérêt de notre pays, nous procédons avec un projet? L'autorité finale revient-elle au gouvernement fédéral en ce sens?
[Traduction]
M. Duncan : Là encore, d'après la jurisprudence, nous avons l'obligation de procéder à des consultations et d'apporter les aménagements nécessaires. Nous passons par de nombreuses étapes. C'est un projet d'ensemble parce que le ministère de la Justice peut intervenir pour le compte de n'importe quel ministère, y compris l'Agence canadienne d'évaluation environnementale, sur des questions liées par exemple à la force des revendications, étant donné que dans certaines régions du pays les droits autochtones ont beaucoup de force alors que ce n'est peut-être pas le cas dans d'autres.
Les entreprises qui présentent des projets savent désormais que c'est une chose dont elles doivent tenir compte au niveau de la conception et de l'application, et d'ailleurs certaines d'entre elles commencent par là. Elles commencent par aller voir les collectivités autochtones avant de contacter le gouvernement parce que le dialogue s'instaure mieux de cette façon. La communication est si importante que c'est ainsi que ça se passe bien souvent.
Finalement, bien sûr, c'est le gouvernement qui délivre les permis. Nous délivrons les autorisations et nous choisissons ou non de les délivrer. Le plus souvent, c'est en fonction de considérations environnementales, mais il arrive aussi que cela découle des préoccupations autochtones.
Normalement, c'est ce qui se passe lorsqu'une entreprise arrive à une entente de coûts-bénéfices avec le groupe concerné, dans le cadre d'une négociation de bonne foi. Le problème, bien sûr, c'est lorsqu'il n'est pas possible de s'entendre. De plus en plus, on constate alors que les investisseurs ne souhaitent même pas entreprendre les démarches, ils s'en vont ailleurs avec leur argent.
[Français]
Le sénateur Massicotte : Si je comprends bien, après consultation, après avoir écouté les arguments et suivi le processus normal qui découle de votre responsabilité, s'il n'y a pas accord, le gouvernement fédéral peut de toute façon décider d'émettre un permis, malgré le fait que les communautés autochtones ne soient pas en accord. Ai-je bien saisi vos propos?
[Traduction]
M. Duncan : Oui, c'est ce que je crois. Je pense que nous en avons des exemples. Il y a beaucoup d'incertitudes; toute la difficulté est là. Les gens veulent toujours avoir des réponses claires sur ces questions.
Le président : Sénateur Massicotte, si je peux vous aider dans votre raisonnement, effectivement, le ministre convient qu'il peut arriver que le permis soit délivré en dépit de l'opposition de la collectivité autochtone, mais il s'agit de savoir si cela se produit souvent dans la réalité. C'est bien là où vous vouliez en venir?
Le sénateur Massicotte : Oui, mais je reconnais par ailleurs que les intérêts des gens sont relatifs et qu'ils sont parfois définis par la capacité de négociation de chacun. Si l'on estime qu'en dernière analyse un responsable va trancher et revenir éventuellement sur la décision en tenant compte de l'intérêt général, on se montre plus facilement raisonnable. Je voulais savoir exactement quels étaient les différents droits et les pouvoirs de négociation respectifs. Est-ce qu'on laisse de côté les intérêts de notre pays lorsque les gens ne parviennent pas à s'entendre? Je pense que nous avons eu la réponse.
Le président : Oui. Il nous faut faire confiance à la forte majorité dont dispose le gouvernement conservateur.
M. Duncan : On a discuté ici aujourd'hui du bas Churchill. Pour ce qui est de l'aménagement du bas Churchill, il y a des ententes entre le secteur privé, la société de transmission hydroélectrique et le constructeur du projet. Personne ne veut se lancer dans cet investissement tant que l'on ne sait pas si les Innus du Labrador sont d'accord. Dans la négative, cela ne se fera pas. Ce n'est pas parce que nous n'avons pas délivré les permis; c'est tout simplement parce que le projet sera abandonné.
Le sénateur Massicotte : C'est parce que les opérateurs ne peuvent s'accommoder de l'incertitude et des délais.
M. Duncan : Effectivement. Ils ont besoin de certitude.
Le sénateur Massicotte : Je vous remercie.
Le sénateur Banks : Merci, monsieur le ministre, d'être venu. L'avantage, au Sénat, c'est que nous pouvons poser des questions ingénues parce que nous ne sommes pas des politiciens. Du moins, c'est le cas pour la plupart d'entre nous, au sens courant du terme. La plupart des Canadiens, et moi en premier, ne comprennent pas vraiment la nature de la propriété ou de l'intérêt que possèdent les Premières nations dans les ressources naturelles gisant au-dessous de ce que l'on appelle couramment leurs terres, même si ce ne sont pas leurs terres. Ce sont des terres fédérales. Vous connaissez probablement mieux que nous, comme ce doit être le cas de vos prédécesseurs, toutes les objections et toutes les accusations selon lesquelles la politique de notre pays, probablement depuis 1867, vis-à-vis des peuples autochtones ou des Premières nations, comme nous les appelons aujourd'hui, s'est montrée, à bien des égards, paternaliste.
Concernant le produit des ressources naturelles, quelles qu'elles soient, qui gisent dans le sous-sol des réserves des Premières nations, les terres des Premières nations — et il y a peut-être des distinctions à faire selon la nature de la revendication territoriale ou autre qui a été faite au sujet de ces terres — vous avez déclaré dans votre exposé avoir recueilli, je crois que c'est ce que vous avez dit, 250 millions de dollars ces derniers temps au titre des ressources tirées des territoires des Premières nations, et que cette somme pourrait être affectée à des postes tels que l'éducation et le développement des Premières nations.
Ma question est donc la suivante : pourquoi ne pas affecter l'intégralité de cette somme à cet effet? Prenons le cas, par exemple, de deux Premières nations situées à 50 milles l'une de l'autre, la Première nation A ayant tiré de ses ressources naturelles 100 millions de dollars de recettes la première année, et la nation B n'ayant tiré que 10 millions de dollars, est-ce que la Première nation A va recevoir 100 millions de dollars, la Première nation B recevant 10 millions de dollars, ou est-ce que ces recettes vont être amalgamées d'une manière ou d'une autre avant qu'elles soient versées? Est- ce que ces nations décident de ce qu'elles vont faire avec cet argent?
Je pense que vous comprenez la nature de ma question. Je n'ai aucune idée de la chose, pouvez-vous éclairer ma lanterne?
M. Duncan : La communication n'est-elle pas une chose bien difficile parfois? C'est Pétrole et gaz des Indiens du Canada, et non le Canada, qui se charge de percevoir ces 250 millions de dollars au nom des Premières nations. C'est la conséquence de l'adoption de ce texte législatif. C'est justement pour éviter le paternalisme que vous venez d'évoquer.
Lorsque j'ai signé mercredi dernier l'entente avec le Conseil consultatif des terres aux termes des dispositions de la Loi sur la gestion des terres des Premières nations, j'ai déclaré entre autres : « Chaque fois que je signe un texte portant que je ne suis plus le décideur, que vous êtes habilités à prendre les décisions et que vous ne relevez plus des dispositions de la Loi sur les Indiens, cela fait mon bonheur. » J'ai eu le plaisir de faire cela à deux reprises la semaine dernière parce que j'étais aussi présent lorsqu'on a mis la dernière main à l'entente définitive passée avec la Première nation Tla'amin en Colombie-Britannique.
Les bénéficiaires sont les Premières nations ayant des ressources naturelles sur les terres de leurs réserves ayant fait l'objet de règlement. Est-ce que cela répond à votre question?
Le sénateur Banks : Les bénéficiaires au prorata — l'argent n'est pas versé dans une caisse quelconque prévue pour les recettes tirées du pétrole et du gaz naturel puis reversées ici ou là en fonction des besoins estimés par les responsables?
M. Duncan : Non.
Le sénateur Banks : C'est ce que l'on faisait dans bien des cas si je ne me trompe pas et si j'ai été bien informé.
Monsieur Crowfoot, êtes-vous totalement satisfait de la façon dont on procède à l'heure actuelle?
Strater Crowfoot, directeur exécutif, Pétrole et gaz des Indiens du Canada, Affaires autochtones et Développement du Nord Canada : Oui, nous bénéficions de pouvoirs que nous confèrent les réserves sur leurs terres. Grâce à ces pouvoirs, nous participons à l'opération en collaboration avec le chef et le conseil. Une fois que nous nous sommes entendus avec l'entreprise au sujet des terres d'une Première nation et que le chef et le conseil sont d'accord, nous signons alors l'entente et nous percevons les redevances correspondant à la réserve. Tout ce que nous percevons, la totalité, est versé dans le compte de capital de cette Première nation, qu'il s'agisse d'un fonds en fiducie ou d'un compte de recettes ici à Ottawa. Une fois que l'argent est déposé dans les comptes, notre responsabilité n'est plus engagée et c'est aux Affaires indiennes et à Mme Filbee, ici présente, de prendre la relève en sa qualité de SMA préposée au développement.
Le sénateur Banks : Certains membres du comité se souviendront de la signature du traité Nisga'a, qui a rétrocédé à cette Première nation un certain nombre de compétences d'une nature et à un point encore jamais vus pour aucune Première nation au Canada. Je ne sais pas si l'on a prévu d'autres ententes de ce type par le passé. En avez-vous eu connaissance? Est-ce que ce fut un succès? Envisagez-vous de vous orienter dans ce sens pour ce qui est d'autres Premières nations?
M. Duncan : Le traité Nisga'a a été le premier traité global signé en Colombie-Britannique. Il est antérieur au mécanisme des traités établi pour la C.-B. Je pense qu'il ne relève pas du mécanisme des traités de la C.-B.
Le sénateur Banks : Il est bien particulier.
M. Duncan : Il est bien particulier. Le mécanisme des traités de la Colombie-Britannique a été effectivement fixé, intégré à la loi et entériné en 1992, et il fêtera son 20e anniversaire l'année prochaine.
Depuis la mise en place de ce mécanisme des traités en Colombie-Britannique, nous avons signé deux ententes, avec les Premières nations Tsawwassen et Maa-nulth, et nous n'en sommes pas loin en ce qui concerne Yale. Il manque un signataire, et c'est le gouvernement fédéral. L'entente a été ratifiée par la communauté et par le Parlement de la Colombie-Britannique, on n'attend plus que nous. Il y en a d'autres. Nombre de négociations sont en cours. On a quelque raison de nous critiquer du fait de la lenteur des procédures, mais les trois parties ont leurs torts. Nous avons tous des torts.
Le sénateur Banks : Les dieux ne sont pas pressés, mais pour confirmer mon interprétation, il y avait une certaine indépendance au niveau de l'administration et des prises de décision allant même, par exemple, jusqu'au pouvoir de concéder des hypothèques, que l'on avait envisagé dans le cadre du traité Nisga'a. Une ligne avait été fixée, si je peux m'exprimer ainsi, concernant la compétence ainsi accordée au sujet de...
M. Duncan : Y compris certains pouvoirs de légiférer, effectivement.
Le sénateur Banks : En effet, et il y a eu des transferts d'argent en conséquence. Envisagez-vous d'autres accords de ce type avec les Premières nations? Elles sont toutes uniques en leur genre.
M. Duncan : Oui. Depuis les Nisga'a, il y a eu un certain nombre d'ententes signées au Yukon. Si je ne me trompe pas, toutes les ententes signées au Yukon sont postérieures au traité Nisga'a, et le mécanisme des traités de la Colombie-Britannique n'est pas différent de celui du traité Nisga'a.
Le président : Profitons de la présence de M. Crowfoot pour lui demander, afin qu'il en soit pris acte, si cette société, Pétrole et gaz des Indiens du Canada, est une société d'État. Ce n'était pas précisé dans l'exposé du ministre.
M. Duncan : Avant que je vous réponde sur ce point, où en sommes-nous? Puis-je m'échapper pour être présent à mes autres rendez-vous?
Le président : Vous avez été généreux, mais il me reste encore cinq personnes qui n'ont pas pu poser leurs questions : les sénateurs Brown, Wallace, Johnson et Seidman. Il y a trop longtemps que je suis à ce poste pour ne pas savoir qu'on ne peut prendre le risque de regrouper leurs questions et de répondre à toutes en même temps. Pouvez-vous nous accorder encore, disons dix minutes?
M. Duncan : Dix minutes, c'est d'accord.
Le président : Nous reviendrons ensuite à M. Crowfoot. Commençons par le sénateur Brown, en faisant en sorte que les échanges soient courts, si vous le voulez bien.
Le sénateur Brown : J'aimerais savoir ce qu'il en est au sujet de l'oléoduc Keystone. On m'a dit qu'il avait été autorisé en Alberta, mais je voudrais savoir si cela a été suivi d'effet. Je crois savoir qu'un raccordement a été par ailleurs proposé en direction de la côte ouest, mais je ne crois pas qu'il y ait eu une quelconque autorisation.
M. Duncan : Je n'ai pas eu grand-chose à voir avec Keystone, parce que c'est le ministre de l'Environnement qui est le premier responsable.
Le sénateur Brown : Votre collaborateur pourrait peut-être faire des commentaires.
M. Crowfoot : Avant d'entrer à PGIC, je faisais partie du groupe d'étude en tant que membre de l'ONÉ, et les Premières nations nous ont fait part d'un certain nombre de leurs préoccupations concernant le trajet choisi par Keystone. Nous en avons pris acte. Cet oléoduc ne traversait aucune terre des Premières nations, mais il avait éventuellement des incidences sur certains territoires traditionnels. Lors de nos audiences, nous avons écouté ces doléances et, en prenant notre décision, nous devrions être en mesure d'en tenir compte.
M. Duncan : Quant au projet de raccordement, il touche plusieurs Premières nations en Colombie-Britannique, quelques-unes en Alberta, et il est en cours de révision. Je vais respecter la procédure. Cette procédure relève bien entendu des compétences du ministre de l'Environnement. Je suis sûr qu'il en a parlé lorsqu'il était ici.
Le sénateur Brown : Il faut au moins attendre encore un an ou deux?
M. Duncan : Oui, au minimum.
Le sénateur Peterson : Ma question a trait au pétrole et au gaz. J'aimerais savoir quelle est l'organisation et quels sont les mandats. Lorsque vous nous dites que vous percevez l'argent pour le compte des Premières nations, êtes-vous associé à parts égales avec l'opérateur, ou ne faites-vous que collecter les redevances à leur place?
Le président : La réponse peut attendre. Je tenais simplement à ce que vous ayez la possibilité de poser une question au ministre. Nous y reviendrons.
Le sénateur Peterson : Très bien.
Le sénateur Wallace : Je serai très bref. Je sais qu'il ne vous reste que quelques minutes.
En écoutant votre exposé, j'ai constaté que l'une des grandes orientations de votre ministère consistait à promouvoir les investissements dans les ressources naturelles du Nord, ce qui représente un changement depuis les cinq ou six dernières années et par rapport à la période antérieure. Votre ministère a-t-il une stratégie globale pour promouvoir ce développement? Je sais que vous êtes préposé aux autorisations et à l'attribution de permis. Nombre de compétences ont été rétrocédées aux Premières nations, ce qui est une excellente chose, mais lorsqu'il s'agit de promouvoir effectivement les investissements, y a-t-il eu des changements significatifs apportés au sein de votre ministère, au cours de votre mandat ou lors des cinq ou six dernières années, afin de faciliter le développement des ressources naturelles dans le Nord?
M. Duncan : Bon, c'est juste une toute petite question.
Le sénateur Wallace : J'ai pensé pouvoir m'approprier le temps de tout le monde en posant cette question.
M. Duncan : Le sénateur Lang, qui vient du Yukon, en a parlé tout à l'heure. En 2003, le Yukon a obtenu un transfert de pouvoirs, autrement dit, il a acquis un fort degré d'indépendance vis-à-vis du gouvernement fédéral en 2003 puisqu'il s'agit de l'un de nos trois territoires du Nord, et il s'est doté de son propre régime de réglementation dans le cadre de la Loi sur l'évaluation environnementale et socioéconomique au Yukon. Il y avait aussi l'accord-cadre des Premières nations, qui regroupait des traités globaux passés avec 11 des 14 Premières nations du Yukon. Tout ceci a créé un cadre fixe, stable et administré localement. L'activité économique a été promue au point qu'on enregistre un véritable boom. Il n'y a pas eu de récession. Il est difficile d'imaginer une récession dans cet environnement. Les investisseurs frappent à la porte; il y a de nouvelles mines; les projets sont faramineux.
Nous voulons reproduire cela dans toute la mesure de nos moyens dans les Territoires du Nord-Ouest. J'ai signé une entente de rétrocession des pouvoirs le 28 janvier de l'année dernière. Les négociations sont en cours depuis lors, et il semble que nous allons en arriver au même point qu'au Yukon en 2003; nous y parviendrons probablement en 2013 ou au début de 2014.
Parallèlement, nous voulons faire avancer la réforme de la réglementation. Nous avons dans les Territoires du Nord- Ouest une pléthore de conseils et de commissions qui traitent de la concession des permis et des évaluations environnementales. Nous allons essayer d'y mettre bon ordre. J'ai indiqué dans le discours que j'ai prononcé au Nunavut que nous allions déposer dans quelques semaines un projet de loi sur l'aménagement du territoire et l'évaluation des projets au Nunavut (ATÉPN). Toutes ces mesures pourront assurer la promotion du développement économique et des investissements et il y a des gens qui frappent à notre porte. L'une des choses qu'a faite notre gouvernement, par exemple, c'est d'investir beaucoup d'argent dans la géocartologie. Chaque fois que nous y consacrons un dollar, nous obtenons presque immédiatement 10 $ de retombées en terme d'intérêt et de dépenses des investisseurs, ce qui fait que la géocartologie a été largement utilisée par l'industrie pour trouver des gisements, établir ses priorités de travail, procéder aux travaux d'exploration et déposer des demandes de permis. Par conséquent, si le Nord a causé de grands transferts de fonds fédéraux par le passé, je considère qu'à l'avenir il pourrait très bien représenter un solde positif net en faveur du Canada, éventuellement un très gros solde positif.
Le sénateur Wallace : C'est une bonne nouvelle.
Le sénateur Johnson : Qu'est-ce que représente la Loi sur l'aménagement du territoire et l'évaluation des projets au Nunavut? Est-ce qu'elle se traduit dans le plan d'action?
M. Duncan : C'est la pièce maîtresse en matière d'évaluation environnementale, « maîtresse » au sens qu'elle est générale et qu'elle englobe certaines dispositions semblables à celles qui ont obtenu du succès dans la législation du Yukon. Nous pensons que ce sera très utile et qu'elle apportera plus de certitude et plus de stabilité dans le mécanisme d'évaluation environnementale au Nunavut.
Le sénateur Johnson : Je me suis particulièrement intéressée à la question, parce que je connais des gens sur place, qui sont enthousiasmés par le projet. C'est une très bonne chose.
Le sénateur Seidman : Je vais revenir sur la conversation que vous avez eue avec le sénateur Wallace au sujet du développement.
Si j'ai bien compris ce qui se dit, on fait largement appel à l'innovation et à des techniques de l'avenir, ce qui est passionnant. Aux termes du mandat d'Affaires autochtones et Développement du Nord Canada, il vous incombe de recourir à la science pour mieux connaître le Nord canadien et assurer son développement.
Affaires autochtones et Développement du Nord Canada n'est pas vraiment reconnu comme un ministère scientifique, contrairement à Environnement Canada, RNCan ou même le ministère des Pêches et des Océans. J'aimerais savoir quels sont les domaines scientifiques dans lesquels opère le ministère.
M. Duncan : Disons que nous ne sommes pas un ministère scientifique, mais que nous avons beaucoup à voir avec la science. Je vous ai parlé de l'Évaluation environnementale régionale de Beaufort (EERB). C'est nous qui dirigeons cette opération. Nombre de nos partenaires sont des scientifiques appartenant à différentes disciplines. Nous sommes les architectes de ce programme de subventions visant à améliorer les installations de recherche dans l'Arctique. Nous avons dépensé 85 millions de dollars sur cette période de deux ans pour renforcer tous les établissements scientifiques du Nord, ce qui a été très bien accueilli.
Nous avons pris l'initiative concernant la Station de recherche du Canada dans l'Extrême-Arctique. C'est nous qui l'avons proposée. Nous avons choisi son emplacement. Elle va être installée à Cambridge Bay, au Nunavut.
Nous avons franchi plusieurs étapes, nous avons lancé un appel d'offres le mois dernier pour les travaux de conception et nous devrions passer à l'étape de construction dans un avenir assez proche. Ce sera une installation de pointe au niveau mondial.
Nous avons pris l'initiative concernant l'Année polaire internationale, qui n'avait jamais pris autant d'ampleur. On parle « d'année polaire », mais il s'agit en fait d'un engagement sur quatre ans qui a donné de magnifiques réalisations dont Mme Filbee pourra éventuellement vous parler une fois que je serai parti.
Nos réalisations sont nombreuses et j'en suis effectivement très fier. Je sais que d'autres ministères ayant des responsabilités dans le Nord viennent souvent nous voir parce que nous avons de nombreuses compétences et des connaissances au sein de notre personnel que personne d'autre n'a vraiment, et l'on comprend bien pourquoi. Le territoire est énorme et il est bien difficile de s'y retrouver, les déplacements sont très onéreux, et cetera. Je vous remercie cependant de m'avoir posé cette question.
Le sénateur Seidman : Merci de cette réponse parce que tout cela est bien sûr très intéressant et nous ne manquerons pas de chercher à mieux nous informer.
Le président : Monsieur le ministre, je tiens vraiment à vous remercier de nous avoir consacré votre temps et votre attention, et il me faut vous féliciter. Je suis sûr que mes collègues conviendront avec moi que vous semblez avoir une très bonne connaissance de votre ministère, ce qui n'est pas si facile, je le sais, étant donné le peu de temps que vous y avez passé. Votre ancien collègue, le ministre Chuck Strahl, vous a préparé la tâche lorsqu'il était à la tête de ce ministère, mais votre maîtrise du sujet est vraiment impressionnante, nous sommes heureux de vous avoir ici et de voir que vous faites un si bon travail. Nous allons en savoir encore un peu plus si vous ne voyez pas d'objection à ce que vos collègues parlent dans votre dos après votre départ.
M. Duncan : Je lirai la transcription des délibérations.
Le président : Merci infiniment, monsieur le ministre.
M. Duncan : Merci beaucoup, vos questions étaient en fait très pertinentes. Je vous remercie.
Le président : Mes chers collègues, nous allons poursuivre et je vais demander au sénateur Peterson de reprendre ses questions à l'attention de M. Crowfoot.
Le sénateur Peterson : Je vais les répéter, mais je pense que vous en avez déjà saisi la teneur. Je m'intéressais à l'organisation et au mandat de Pétrole et gaz des Indiens du Canada et à votre façon de négocier pour le compte des Premières nations; y a-t-il des projets conjoints ou s'agit-il d'un système de redevances?
M. Crowfoot : Nous sommes un organisme de réglementation fédéral. Nous relevons d'Affaires autochtones et Développement du Nord Canada. Je relève en fait de Sara Filbee à Ottawa. Nous sommes un organisme spécialisé exerçant ses activités auprès de la Première nation Tsuu T'ina. Nous employons quelque 70 personnes et notre mandat nous enjoint à œuvrer auprès des Premières nations concernant des terres spécialement désignées à cet effet. Il s'agit de réserves indiennes que l'on a préposées à notre administration. Nous collaborons avec les chefs et les conseils. Nous sommes appelés à remplir les obligations fiduciaires et légales de la Couronne en ce qui a trait à la gestion du pétrole et du gaz et au développement des terres des réserves indiennes.
Le sénateur Peterson : Est-ce que les Premières nations peuvent procéder unilatéralement et monter directement une coentreprise avec un associé?
M. Crowfoot : Elles peuvent éventuellement agir séparément dans le cadre d'une coentreprise mais, lorsqu'il faut délivrer un bail qui relève de notre compétence, nous opérons directement en collaboration avec le chef et le conseil, qui doivent approuver le projet en cours de négociation, et c'est nous qui donnons l'autorisation définitive. Nous sommes alors en mesure de délivrer le bail à la coentreprise, qui n'est éventuellement pas autochtone, s'il s'agit par exemple d'une simple société pétrolière. Voilà comment nous opérons, mais nous collaborons étroitement avec le chef et le conseil lorsqu'il s'agit de lancer le projet. Ce sont eux qui font les premières démarches et nous qui l'entérinons ensuite.
Il y a une autre question du même ordre dont nous avons déjà parlé et qui risque de se poser, c'est celle qui a trait à la Loi sur la gestion du pétrole et du gaz et des fonds des Premières nations (LGPGFPN). Aux termes de la LGPGFPN, une Première nation peut prendre intégralement le contrôle de ses fonds et de ses ressources pétrolières et gazières. C'est une possibilité qui lui est offerte. Si notre régime ne lui convient pas et si elle souhaite administrer à l'avenir les ressources pétrolières et gazières qui se trouvent sur ses terres, elle peut le faire et se servir de la LGPGFPN à cette fin.
Le sénateur Peterson : Combien de temps faudra-t-il plus ou moins pour obtenir l'autorisation?
M. Crowfoot : La LGPGFPN est désormais en vigueur et l'opération ne devrait pas prendre plus de quelques mois. Il nous faut entrer en contact avec elles et procéder à une évaluation. Nous nous assurons qu'elles sont prêtes et elles doivent s'assurer qu'elles ont un personnel compétent. Une fois que nous avons délégué notre rôle, nous nous assurons que le personnel qui prend nos fonctions a la formation nécessaire et les compétences pour gérer l'exploitation du pétrole et du gaz.
Le sénateur Peterson : Dans mes notes, je vois que ces cinq dernières années vous avez perçu plus d'un milliard de dollars?
M. Crowfoot : Oui.
Le sénateur Peterson : Tout cet argent a été distribué?
M. Crowfoot : Oui, cet argent, comme je vous l'ai dit tout à l'heure, nous le percevons au titre des terres de chaque Première nation, et nous le déposons dans des comptes en fiducie à Ottawa, dans un compte de recettes ou dans un compte de capital. Cet argent est versé directement dans le compte de la Première nation concernée. Il est à sa disposition et elle peut y avoir accès dans le cadre de la Loi sur les Indiens.
Le sénateur Peterson : Vous ne lui faites pas directement un chèque, mais l'argent est versé dans un autre compte?
M. Crowfoot : Il est versé dans un compte en fiducie parce que nous avons une responsabilité fiduciaire et nous devons nous assurer que le montant d'argent ainsi déposé en fiducie est exact et qu'il est mis à sa disposition, soit dans un compte de recettes, soit dans un compte de capital. C'est toutefois son argent, dont elle peut disposer, je vous le dis, et cela dans le cadre de la Loi sur les Indiens.
Le sénateur Peterson : Peuvent-elles s'en servir de garantie pour autre chose?
M. Crowfoot : Éventuellement, mais je crois que c'est là qu'intervient le pouvoir discrétionnaire du ministre, parce que nous aimerions que cet argent soit affecté au logement et aux activités de développement dans les réserves. Parfois, les entreprises pétrolières et gazières sont à hauts risques. C'est à elles de juger, mais si elles souhaitent prendre une telle décision, nous les invitons à tirer parti de la LGPGFPN, de cette façon elles pourront prendre véritablement le contrôle de leur argent et décider de la façon dont elles veulent l'investir et l'utiliser.
Le sénateur Peterson : Est-ce qu'il y en a qui ont pris des participations sans risques?
M. Crowfoot : Il y en a qui le font. Certaines Premières nations négocient leurs coentreprises avec les différentes sociétés de manière à conserver un pourcentage sur le chiffre d'affaires, qui diminue les risques.
Le sénateur Peterson : Est-ce que vous entérinez aussi ce genre d'accord?
M. Crowfoot : Non, cela fait l'objet d'un accord passé entre la Première nation et son associé, soit la société pétrolière et gazière avec laquelle elle collabore.
Le président : J'ai manqué le début. Il s'agit d'une société d'État?
M. Crowfoot : Oui, nous sommes un organisme fédéral.
Le président : Un organisme mandataire?
M. Crowfoot : Nous sommes un organisme de service spécial du gouvernement fédéral et nous faisons partie des Affaires indiennes.
Le président : Vous opérez au sein du ministère et vous rendez des comptes au ministre Duncan?
M. Crowfoot : Je rends des comptes à Sara Filbee, qui dépend à son tour du sous-ministre, puis du ministre.
Le sénateur Dickson : À titre de précision, monsieur Crowfoot, sur la question des terres, s'agit-il d'une simple revendication des Premières nations où est-ce qu'elles possèdent un véritable droit de propriété sur ces terres, autrement dit les droits en surface comme les droits miniers? Je ne sais plus très bien.
M. Crowfoot : Je vais demander à Sara Filbee de vous répondre sur ce point.
Mme Filbee : Elles n'en ont pas la propriété parce que les terres des réserves sont des terres fédérales détenues par la Couronne. Elles n'en sont que les détenteurs. Le véritable propriétaire, en droit, est la Couronne.
En ce qui a trait aux droits miniers, ils diffèrent au Canada selon toute une série de facteurs. Si vous voulez plus de détails, il me faudra consulter mes collaborateurs. Ainsi, en Colombie-Britannique, c'est la province qui s'arroge les droits miniers.
Tout dépend de la façon dont a été créée la réserve, de la date de sa création et du fait que les droits miniers ont été concédés ou non à ce moment-là. Il y a des disparités à l'échelle du Canada selon que les droits miniers sont détenus pour le compte des Premières nations ou que la province les revendique.
Le sénateur Dickson : Je voudrais revenir sur la discussion que vous avez eue avec le sénateur Massicotte concernant les intérêts du Canada. Qui fixe le pourcentage de redevances?
M. Crowfoot : Le pourcentage de redevances est négocié. Nous avons établi un guide qui nous permet de voir ce qu'il en est dans les réserves. Nous examinons le pourcentage de redevances provinciales en vigueur et nous nous efforçons d'obtenir au moins le taux minimum. Cela se fait dans le cadre des négociations menées entre les Premières nations, notre ministère, nos négociateurs et la société pétrolière et gazière impliquée.
Le sénateur Dickson : Est-ce que le gouvernement fédéral a un droit de veto sur ces redevances?
M. Crowfoot : Nous nous assurons que la Première nation concernée vend ses ressources à un prix raisonnable. Nous devons faire en sorte que le taux soit approprié et conforme au marché avant de l'autoriser. Si ce pourcentage est trop faible, nous allons nous y opposer.
Le sénateur Dickson : Le sénateur Lang me dit toujours que les ressources minières offrent un énorme potentiel dans les territoires, et j'en suis maintenant vraiment convaincu.
Quelqu'un a-t-il établi un plan et conçu un modèle macroéconomique pour savoir précisément quelle peut être l'ampleur des ressources et des recettes? Le Canada peut-il envisager à un moment donné de ne plus avoir de budget des affaires autochtones et de se dispenser de subventionner dans ces régions des services comme la dépollution de l'eau et autres?
Le président : C'est l'objectif prévu.
Le sénateur Dickson : Il y a là une attitude paternaliste. Quand va-t-on en finir à partir du moment où ces ressources existent? Quels sont les projets qui existent en la matière? Bientôt, ce sont toutes les entreprises qui vont se retrouver impliquées à notre place.
Janet King, sous-ministre adjointe, Organisation des affaires du Nord, Affaires autochtones et Développement du Nord Canada : Je peux répondre en partie à votre question en disant que les réserves pétrolières et gazières sont évaluées à l'échelle du Canada par RNCan. Les estimations, que ce soit dans le Haut-Arctique, sur les terres de l'Arctique ou sur un territoire quelconque au sud du 60e parallèle, s'appuient sur les calculs scientifiques des réserves potentielles du Canada en fonction des connaissances actuelles.
M. Crowfoot : C'est ce qui fait que l'on a pu recueillir plus d'un milliard de dollars sur les cinq dernières années, mais toutes les Premières nations n'ont pas la même chance. La majorité des fonds que nous percevons vont à une poignée de Premières nations. C'est le plus gros de ce que nous percevons. Les autres réserves n'ont pas de ressources pétrolières et gazières.
Mme Filbee : Il y a un énorme potentiel, que ce soit en matière d'énergie ou pour d'autres ressources, non seulement dans le Nord, même si cela concerne particulièrement le Nord, mais dans tout le Canada.
M. Crowfoot a raison; toutes les collectivités autochtones n'ont pas la même chance. Nombre d'entre elles, cependant, pourront l'avoir. Paradoxalement, elles sont nombreuses, surtout dans les régions éloignées, à disposer de ce potentiel. Il ne suffit pas, cependant, de dire qu'elles ont ce potentiel et qu'elles vont donc être riches. On peut espérer que cela va se produire, mais il reste un gros travail à faire pour toutes les parties prenantes.
On a évoqué les retombées positives des ententes pour les Premières nations ou pour les collectivités inuites, par exemple. C'est important, mais il nous faut être préparés parce qu'il ne s'agit pas simplement des retombées profitant directement aux communautés; il y a aussi les retombées et le potentiel qui s'offrent aux entrepreneurs de la région. Il faut jouer des coudes sur le terrain et faire en sorte que tous les fournisseurs prennent part aux grands projets. Bien souvent, c'est à la population d'agir de manière à ce que les gens puissent être employés ou que les Autochtones puissent devenir entrepreneurs. Il faut assurer le développement.
Il y a un excellent exemple que vous connaissez certainement, sénateur, c'est celui des étangs de goudron. En l'occurrence, c'était le gouvernement qui jouait le rôle de l'industrie, mais l'on a fait un nettoyage à grande échelle. Une organisation a été mise sur pied spécialement, l'Unama'ki Economic Benefits Office, qui a œuvré de concert avec Travaux publics auprès des collectivités des Premières nations de cette région. On lui avait fixé des objectifs précis et ambitieux qu'elle a atteints et qu'elle a même dépassés, pour s'assurer que les Premières nations de la région bénéficieraient de l'opération. En conséquence, non seulement on a atteint les objectifs précis de ce projet, mais on a par ailleurs renforcé le dynamisme des entrepreneurs autochtones, qui sont désormais en mesure d'intervenir sur d'autres projets qui ne leur sont pas réservés, ce qui m'apparaît comme étant la véritable définition du succès.
Le sénateur Mitchell : Je veux être sûr de bien comprendre. Lorsque j'ai demandé si un groupe autochtone avait le pouvoir d'opposer son veto à un projet, le ministre m'a donné l'impression que ce n'était pas le cas quel que soit le statut juridique des terres, qu'il y ait une revendication territoriale en cours ou quelles que soient les circonstances. Il nous a dit que l'on avait le devoir de consulter. Il a présenté un autre argument plus tard.
Pour en revenir à cette question des droits miniers, si le groupe autochtone a des droits miniers, est-ce que cela se répercute sur sa capacité — l'autre argument du ministre, c'est que l'on ne va pas se risquer de toute façon si le groupe n'est pas d'accord; les investisseurs vont s'abstenir.
Toutefois, s'il dispose des droits miniers, est-ce que cela ne va pas lui donner la possibilité d'opposer un veto, ou n'y a-t-il qu'un devoir de consultation?
Mme Filbee : S'il dispose des droits miniers, et si cela concerne le développement de la réserve, je pense que de son point de vue, à condition — et il y a certaines régions, par exemple, je crois, en Ontario, où l'on peut voir des gens venir prospecter sur sa pelouse. C'est ainsi que se passent les choses dans ce métier. Je considère qu'il aura bien sûr davantage de droits.
L'une des caractéristiques de cette obligation fiduciaire dont découle la nécessité de procéder à des consultations, c'est qu'elle doit être exercée par le gouvernement fédéral en tenant compte de tous les intérêts en présence. Les Autochtones en sont un élément très important, mais ce ne sont pas les seuls dont il faut tenir compte.
Mme King : Si vous me permettez d'intervenir, simplement pour compléter la réponse de Mme Filbee, elle se réfère plus particulièrement aux terres des Premières nations situées au sud du 60e parallèle, qui relèvent de la Loi sur les Indiens. J'imagine que les membres de votre comité sont bien au courant de ce qui se passe au nord du 60e parallèle, avec des régimes d'administration différents et de nombreuses revendications territoriales qui ont été réglées. Je vous en donnerai un exemple qui permettra peut-être d'apporter des réponses plus précises à votre question.
Au Nunavut, par exemple, l'Accord sur les revendications territoriales du Nunavut a effectivement mis de côté des terres réservées aux Indiens, de sorte qu'il y a un véritable titre de propriété. Cela dit, l'examen des projets requiert la participation des Inuits, du gouvernement de Terre-Neuve et du gouvernement fédéral. Ils examinent les projets en commun. Vous avez déjà mentionné la ATÉPN. Tout le monde participe à l'évaluation des projets et à leur mise en route.
Comme l'a relevé le ministre, le secteur privé a aussi son mot à dire à chaque étape du projet, chaque fois qu'il s'agit de décider si l'on va poursuivre ou non. Le ministre a le pouvoir de signature en dernière analyse, mais il y a bien des étapes dans la marche à suivre.
Le sénateur Mitchell : Je vous remercie.
Le sénateur Banks : Je ne voudrais pas trop insister, mais j'ai une question précise à vous poser au sujet des terres des Premières nations au sud du 60e parallèle. Madame Filbee, Mme King vient de nous dire que c'est le ministre qui décidait en dernière analyse pour ce qui est du développement des ressources sur les terres indiennes ou autochtones au nord du 60e parallèle.
Pour ce qui est du développement et des profits tirés des ressources sur les terres indiennes situées au sud du 60e parallèle, j'ai le même problème que le sénateur Massicotte; à quel moment intervient la notion de préséance du fédéral? Est-ce qu'il prime sur les intérêts, les souhaits, les desiderata ou la volonté des dirigeants autochtones? Si une Première nation vous dit : « Nous voulons que ce projet soit mis à exécution conformément à l'accord que nous avons négocié avec telle ou telle société de pétrole, de charbon ou de gaz », est-ce que le gouvernement fédéral peut lui répondre : « Non, nous n'aimons pas cet accord »? Inversement, si une Première nation vous dit : « Nous ne voulons pas que cette ressource soit développée; nous ne voulons pas d'une mine ici », est-ce que le gouvernement fédéral a la préséance et peut déclarer : « Excusez-nous, mais au nom d'un intérêt supérieur, nous allons creuser cette mine »?
M. Crowfoot : Sur la première question, effectivement, nous pouvons dire non à un accord si nous estimons que la structure des redevances n'est pas juste et équitable. Nous pouvons collaborer avec la Première nation et la société pétrolière pour essayer de trouver un meilleur accord. Cela fait partie de notre mandat.
Le sénateur Banks : Est-ce que le montant de la redevance est le seul élément pris en considération?
M. Crowfoot : Les redevances, les bonus et éventuellement l'emploi, par exemple, sont pris en considération; mais l'on s'intéresse surtout aux redevances et aux bonus.
Pour répondre à votre deuxième question, oui, une Première nation peut déclarer : « Nous ne voulons pas de cette mine ici », et les choses s'arrêtent là. C'est son droit, s'il s'agit des terres de la réserve. Même si ce sont des terres fédérales, elle en est le bénéficiaire et peut décider de ce qu'elle veut faire de cette ressource.
Le sénateur Banks : Très bien, je vous remercie.
Le président : Je ne vois pas d'autres mains se lever parmi les sénateurs.
M. Crowfoot, Mme Filbee et Mme King, vous savez que nous faisons cette étude sur l'énergie et, si vous pensez à des témoins susceptibles de venir nous aider à débrouiller toutes ces questions, n'hésitez pas, nous vous en serons reconnaissants. Nous voulons faire le tour de la question. Ainsi, il y a de grosses lacunes concernant le Québec. Le ministre de l'Énergie va comparaître, et nous avons pris des dispositions spéciales pour que l'on connaisse mieux la situation, y compris en ce qui concerne le Plan Nord. Par ailleurs, le chef de l'Assemblée des Premières Nations va comparaître lors de la prochaine séance du 24 novembre. Pour nous aider à recueillir toute l'information, vous pourrez contacter plus tard la greffière du comité, à moins que vous ayez des propositions à nous faire dès maintenant.
Mme Filbee : Je voudrais proposer une organisation qui a œuvré avec beaucoup de succès auprès des Utes du Sud et des Utes du Nord aux États-Unis. Ce sont des Autochtones américains associés aux projets qui vont déménager leur siège à Calgary. Ils fournissent des participations au capital. Certains les critiquent parce qu'ils coûtent cher, mais la participation au capital est onéreuse. Le bilan de leur travail auprès des Utes du Sud nous montre que ces derniers avaient au départ un capital net de 7 millions de dollars et, selon la capitalisation boursière et la valeur des matières premières que l'on retient, ce capital se situe aujourd'hui entre 7 milliards et 15 milliards de dollars. Les Autochtones font l'objet des mêmes restrictions concernant la mise en œuvre de leurs ressources. Ces gens ont eu recours à un certain nombre d'opérations juridiques très judicieuses, telles que la concession des baux pour pouvoir hypothéquer le droit de location par opposition au droit du propriétaire. Ils ont vraiment fait un très bon travail. Je pense que ce seraient d'excellentes personnes-ressources pour vous et qu'ils seraient prêts à faire part de leur expérience. Les capitaux revêtent de plus en plus d'importance pour les grands projets, surtout si l'on veut que les Autochtones soient des partenaires actifs et non pas simplement les détenteurs passifs des droits, parce que cela ne les mène pas loin. Une participation active, en ayant conscience des risques, voilà la clef de la richesse si l'on s'y prend bien. C'est une expérience dont vous devez prendre connaissance. Je pourrai mettre ces gens en contact avec la greffière.
Le président : C'est parfait. Je vous remercie.
Mme King : Je pense à un certain nombre de noms que je pourrais communiquer à la greffière.
Le président : Ce serait une très bonne chose. Soyez tous les trois remerciés, sans oublier le ministre Duncan; la séance a été excellente. Nous allons tous partir avec un tas d'autres questions qui nous tournent dans la tête. À moins que quelqu'un veuille ajouter quelque chose, je vais mettre fin à la séance. Je vous remercie.
(Le comité lève la séance.)
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