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ENEV - Comité permanent

Énergie, environnement et ressources naturelles

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent de
l'Énergie, de l'environnement et des ressources naturelles

Fascicule 5 - Témoignages du 27 octobre 2011


OTTAWA, le jeudi 27 octobre 2011

Le Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles se réunit aujourd'hui à 8 h 6 pour étudier l'état actuel et futur du secteur de l'énergie du Canad (y compris les énergies de remplacement).

Le sénateur W. David Angus (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Cette séance du Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles est ouverte. Nous poursuivons notre étude du secteur canadien de l'énergie, dans son ensemble, que nous avons commencée en juin 2009. Nous consultons les Canadiens sur les sources d'énergie traditionnelles et de remplacement dans le but d'avancer vers la formulation d'une politique de l'énergie plus efficiente, plus propre et plus durable pour le Canada.

Nous approchons de la fin de notre étude et espérons produire un rapport en juin 2012. Nous avons consulté les Canadiens de la région de l'Atlantique, de l'Ontario et du Québec, et nous nous rendrons bientôt en Saskatchewan, au Manitoba, en Alberta et en Colombie-Britannique. Durant notre voyage dans l'Ouest, nous espérons recueillir aussi des témoignages de nos vastes territoires nordiques.

Nous avons le plaisir d'accueillir aujourd'hui des représentants de la Fédération canadienne des municipalités et d'une organisation qui s'appelle Prospérité durable. Leurs témoignages s'inscriront très bien dans le sillage de ceux que nous avons déjà recueillis. Si nous voulons utiliser nos merveilleuses ressources naturelles et notre énergie durable de la manière la plus efficiente possible, il faut que les collectivités et les municipalités participent au changement. Nous avons recueilli des témoignages intéressants à ce sujet à Halifax, ville qui est en pointe dans ce domaine.

J'ai donc le plaisir d'accueillir Alex Long, gestionnaire principal de la Fédération canadienne des municipalités. M. Long est chargé d'assurer la prestation des programmes nationaux de la Fédération, et d'élaborer de nouveaux programmes destinés à rehausser la capacité de développement durable des municipalités canadiennes.

Shannon Joseph est conseillère en politiques pour la Fédération. Elle dirige le Service des politiques et des recherches, qui est chargé de formuler des politiques de développement durable et de répondre aux préoccupations des collectivités du Nord et des collectivités isolées dans les juridictions municipales et fédérales.

David Thompson, quant à lui, est directeur, Collectivités durables. Il dirige également PolicyLink Research and Consulting, un cabinet de consultance en politiques publiques d'Edmonton. Il est le coauteur de Smart Budget, un document de réflexion de Prospérité durable sur une réforme de la tarification environnementale pour les instances locales. Il a été le chercheur principal pour la trousse d'information de Smart Budget.

Je suis le sénateur David Angus du Québec, et je préside ce comité. Voici à ma droite le sénateur Mitchell de l'Alberta, vice-président du comité. Nous avons avec nous aujourd'hui deux représentants de la Bibliothèque parlementaire, Marc Leblanc et Sam Banks. Vous voyez autour de la table le sénateur Peterson de la Saskatchewan, le sénateur Banks de l'Alberta, et le sénateur Merchant de la Saskatchewan, qui fait depuis longtemps partie de ce comité. Nous avons de temps à autre le privilège de l'accueillir parmi nous pour remplacer certains sénateurs qui ne sont pas disponibles. Aujourd'hui, elle remplace le sénateur Sibbeston.

À ma gauche se trouve Lynn Gordon, notre greffière. Vous voyez ensuite le sénateur Lang du Yukon, qui remplace le sénateur Neufeld, le sénateur Wallace du Nouveau-Brunswick, le sénateur Seidman du Québec, le sénateur Massicotte du Québec, et le sénateur Brown de l'Alberta.

Je souhaite la bienvenue aux personnes qui suivent nos délibérations sur CPAC et sur le Web. J'ajoute que nous avons créé un site Web réservé à cette étude, dans le but précis de faire participer les Canadiens à l'examen de ce sujet important qui aura des conséquences énormes pour nos petits-enfants et leurs petits-enfants, étant donné l'explosion de la population mondiale et l'explosion des besoins en énergie.

Je vous cède la parole.

Shannon Joseph, conseillère en politiques, Politiques et recherches, Fédération canadienne des municipalités : C'est un plaisir de nous adresser à vous aujourd'hui. Notre président, Berry Vrbanovic, de Kitchener, vous adresse ses salutations.

La FCM se réjouit de pouvoir apporter un éclairage municipal à votre étude de la situation énergétique actuelle et future du Canada, et à l'élaboration d'une vision nationale du secteur énergétique de notre pays.

Comme vous le savez, la FCM est la voix nationale des gouvernements municipaux depuis 1901. Nous représentons près de 2 000 municipalités, qui représentent à leur tour plus de 90 p. 100 de la population canadienne.

À l'instar de tous les ordres de gouvernement, les administrations locales sont elles-mêmes de grandes consommatrices d'énergie. Nous possédons des milliers de bâtiments et des parcs de véhicules, et dépensons chaque année des millions de dollars pour l'acquisition de produits ayant une énergie intrinsèque provenant du Canada et d'ailleurs dans le monde. Et à l'instar des autres ordres de gouvernement, nous sommes en mesure d'influencer les habitudes de consommation de nos citoyens en matière d'énergie.

Dans notre rapport d'activité 2009 intitulé Agir sur le terrain, nous avons démontré que les gouvernements municipaux exercent un contrôle direct ou indirect sur plus de 45 p. 100 des émissions nationales de gaz à effet de serre, la majeure partie provenant de la consommation d'énergie. Nous avons également démontré qu'il existait une panoplie de possibilités locales efficaces et peu dispendieuses de réduction des émissions de GES. Ces mesures pourraient atteindre entre 15 et 40 p. 100 des cibles canadiennes de réduction des émissions établies pour 2020, ce qui permettrait d'économiser des milliers de kilowatts-heure, de mètres cubes de gaz naturel et de litres de carburant.

En ce qui concerne les domaines sous le contrôle direct des municipalités, nous parlons de consommation énergétique et de perte d'énergie dans les opérations municipales, les bâtiments, les arénas, les flottes, et la gestion des déchets. Il s'agit aussi des possibilités d'exploitation productive du gaz provenant des décharges municipales, que ce soit pour les véhicules, pour le chauffage ou pour l'électricité, comme l'ont fait les municipalités de Vancouver et de Rivière-du-Loup. Ces initiatives ont permis à ces collectivités d'économiser des millions de dollars et de faire un usage intelligent des ressources naturelles et des déchets.

En ce qui concerne les domaines sous le contrôle indirect des municipalités, il s'agit des politiques et programmes susceptibles de promouvoir l'efficience énergétique dans les édifices domiciliaires, commerciaux et institutionnels, ainsi que dans les industries locales. La planification municipale peut également réduire la consommation d'énergie associée au transport des personnes et des marchandises. Un bon exemple à ce sujet, dont je sais que beaucoup d'entre vous avez entendu parler, est le programme SolarCity de la municipalité régionale de Halifax. Il s'agit d'un projet pilote en vertu duquel les propriétaires de logements pourront obtenir du crédit à coût réduit pour rééquiper leur domicile au chauffage solaire ou électrique. Ils seront remboursés par le truchement de paiements calculés en fonction de leur propriété. C'est un excellent exemple d'autorité locale utilisant les leviers à sa disposition pour promouvoir un usage plus intelligent de l'énergie.

Les bienfaits de l'exploitation de ces possibilités locales directes et indirectes concernent non seulement l'avenir énergétique du Canada mais aussi sa prospérité économique globale.

J'attire votre attention sur la figure 2 de la page 9 de Agir sur le terrain, qui fait partie de notre mémoire. Elle vous donnera une idée du coût de ces initiatives d'économie d'énergie, des sommes qu'elles permettent d'épargner et des revenus qu'elles peuvent générer.

Le président : Le sénateur Dickson de la Nouvelle-Écosse entrait juste dans la salle quand je faisais les présentations. Étant donné que le modèle de Halifax est tellement important, je tenais à signaler sa présence. Continuez, s'il vous plaît.

Mme Joseph : La figure 2 indique que les municipalités pourraient mettre en œuvre au cours de la prochaine décennie de nombreuses mesures peu coûteuses de réduction de leur consommation énergétique et de leurs émissions de GES, par exemple la modernisation des systèmes d'éclairage et d'isolation des bâtiments, l'installation de systèmes mixtes de chauffage et d'électricité et de réseaux d'énergie de quartier, et une foule d'autres initiatives devenant progressivement plus dispendieuses. Il importe de souligner que plus du quart de ces initiatives peuvent procurer un rendement du capital investi, c'est-à-dire qu'elles ne coûtent rien par tonne de réduction. Et cela est vrai même sans tarification du carbone. Plus de deux tiers de ces réductions peuvent être obtenues à moins de 25 $ par tonne évitée. Toutes les réductions d'émissions de cette figure, qui proviennent de réductions de la consommation d'énergie, peuvent être obtenues à un coût de moins de 75 $ la tonne évitée. Dans les provinces où les conditions sont favorables, comme la Colombie-Britannique avec sa taxe sur le carbone et l'Ontario avec son tarif de rachat garanti de l'électricité, les gouvernements locaux exploitent ces possibilités en augmentant leur capacité de production d'énergie renouvelable, en mettant en place des réseaux de chauffage de quartier et en se dotant de politiques des flottes qui contribuent à réduire la consommation totale d'énergie, en particulier d'énergie non renouvelable.

Cela m'amène à vous parler de la dernière recherche de la FCM qui précise le rôle que peuvent jouer les gouvernements municipaux dans la transition du Canada vers une économie plus écoénergétique et plus verte.

Les gouvernements locaux disposent d'une panoplie d'outils pour influencer la consommation énergétique au Canada : planification, zonage, contrôle du développement, création de zones protégées, taxes foncières, et cetera. À l'aide de ces outils, les municipalités peuvent prendre des mesures essentielles dans divers secteurs clés afin de promouvoir une économie verte. Ces actions peuvent créer de l'emploi, contribuer à la croissance du PIB et stimuler la création d'entreprises vertes dans l'ensemble du pays.

Plus les politiques nationales seront favorables, plus les municipalités seront en mesure d'optimiser les leviers stratégiques locaux dont elles disposent pour réduire la consommation énergétique dans leurs collectivités et contribuer à la production d'énergie renouvelable. Bien entendu, il incombera aux gouvernements provinciaux et territoriaux de mettre en œuvre une partie de ces changements stratégiques, mais le gouvernement fédéral pourrait prendre les mesures qui suivent.

Premièrement, il pourrait faire un examen des subventions qui découragent les projets écoénergétiques et d'énergie propre et les transférer à d'autres projets.

Deuxièmement, il pourrait utiliser les signaux du marché pour réduire l'utilisation excessive de l'automobile, offrir un incitatif favorisant un développement plus dense, et stimuler une utilisation plus efficiente de l'énergie. La tarification du carbone pourrait être utilisée pour envoyer ce genre de signal.

Le transport durable pourrait être considéré comme une priorité infrastructurelle. Comme le gouvernement fédéral dresse actuellement un nouveau plan d'infrastructure à long terme pour 2014, il pourrait catalyser les initiatives de transport durable dans les collectivités, créer des emplois, réduire la consommation de carburant, et prévenir la perte de 5 milliards de dollars annuellement attribuable à la congestion de la circulation.

Le gouvernement fédéral pourrait également adopter un programme de financement complémentaire vert des budgets d'infrastructures pour inciter les promoteurs de projets à faire plus pour en rehausser les bienfaits environnementaux.

Il pourrait adopter un programme canadien d'énergie propre, ce qui contribuerait à réduire le coût de production et de transmission d'énergie propre, et à réduire le coût de l'énergie renouvelable pour les consommateurs, encourageant ainsi ces derniers à adopter les énergies renouvelables.

Une autre option pourrait être un programme de financement de la rénovation des bâtiments pour en accroître l'efficience énergétique, en collaboration avec le secteur municipal.

Toutes ces mesures pourraient avoir une vaste incidence bénéfique et stimuler un investissement important du secteur privé.

Finalement, le gouvernement fédéral pourrait prendre l'initiative d'un nouveau partenariat d'économie verte avec les autres paliers de gouvernement dans le but d'amener les instances fédérales, locales, provinciales et territoriales à forger un nouveau partenariat donnant à chaque palier de gouvernement le pouvoir d'utiliser les leviers à sa disposition pour obtenir le maximum de retombées en termes de production d'énergie propre, d'utilisation efficiente de l'énergie renouvelable, et de promotion d'une économie plus efficiente et plus verte.

[Français]

En plus d'élaborer des politiques, la FCM administre une gamme de programmes nationaux et internationaux, dont le Fonds municipal vert (FMV), les Partenaires dans la protection du climat (PPC) et, jusqu'à récemment, le programme Enviro-FloT. Ces programmes permettent aux municipalités de se fixer des objectifs énergétiques et de les réaliser et de partager leur expertise avec des collectivités à travers le monde. J'offrirai une brève description de chaque programme ainsi que quelques-uns des avantages qu'ils apportent.

Le Fonds municipal vert est un fonds de dotation fédéral de 550 millions de dollars qui permet à la FCM d'offrir du financement et des connaissances aux gouvernements municipaux et à leurs partenaires pour des projets environnementaux municipaux, la majorité étant liée à l'énergie. Depuis sa création en 2000, le fonds a financé plus de 875 initiatives, dont 150 projets d'immobilisations. Quarante d'entre eux ont été menés à terme et ont rapporté leurs résultats environnementaux.

Dans le domaine énergétique, nous avons financé des projets de rénovation écoénergétique, des réseaux d'énergie de quartier, des systèmes d'échange géothermique et des installations d'énergie renouvelable entre autres.

D'après les rapports reçus jusqu'à ce jour, les 40 projets financés par la FCM permettront à eux seuls d'éliminer plus de 194 000 tonnes de CO2 par année et on peut bien imaginer l'impact cumulatif de milliers de municipalités à la grandeur du Canada qui prendront des mesures similaires. Ces initiatives financées par le Fonds municipal vert peuvent générer une activité économique de plus de trois milliards de dollars dans plus de 430 collectivités. Cela met en évidence le rôle des municipalités au sein de l'économie verte du Canada.

Le programme Partenaires dans la protection du climat (PPC) est un réseau d'administrations municipales engagées à réduire les émissions de gaz à effet de serre (GES) et à lutter contre les changements climatiques. Les municipalités participantes s'engagent à agir et à s'efforcer de réduire leurs émissions à GES en cinq étapes.

Depuis sa création en 1998, 216 municipalités, représentant environ 80 p. 100 de la population du Canada, se sont jointes aux PPC.

Le Rapport national sur les mesures 2010 du PPC, joint à notre mémoire, décrit 182 initiatives lancées par 37 municipalités du Canada dans le but de réduire les GES. Comme l'indique le tableau 3, à la page 11 du rapport, ces initiatives ont permis de réaliser de grandes économies d'énergie et de réduire les GES de plus de 350 000 tonnes par année. Ces projets représentent des investissements de plus de 145 millions de dollars et ont permis aux municipalités d'économiser 3,5 millions de dollars par année. Depuis la parution du premier Rapport sur les mesures, en 2008, les municipalités ont réussi à éliminer plus de 1,5 million de tonnes de GES, ce qui équivaut à peu près à 400 000 véhicules légers de moins sur les routes.

Le programme Enviro-FloT de la FCM était un programme de deux ans financé par Environnement Canada et administré par les PPC dans le but d'aider les gestionnaires de parcs de véhicules municipaux à trouver des solutions économiques pour verdir leurs flottes en les rendant plus écoénergétiques ou en utilisant des carburants qui émettent moins de GES.

Dans l'ensemble, le programme a fait participer directement 319 employés municipaux et les représentants élus à des ateliers et des webinaires et a contribué à la création d'un réseau de 1 300 gestionnaires de parcs municipaux.

Le programme est un excellent exemple de la collaboration fédérale-municipale vers l'atteinte d'objectifs énergétiques.

[Traduction]

J'aimerais maintenant dire un mot de certains programmes fédéraux mis en œuvre au fil des ans pour soutenir les initiatives écoénergétiques à l'échelle municipale. D'entrée de jeu, il est important de rappeler que les administrations locales doivent composer depuis longtemps avec des réductions budgétaires. Elles reçoivent 8 cents pour chaque dollar perçu au Canada; de plus, ce pourcentage dépend de la taxe foncière et des droits d'utilisation perçus pour financer leurs activités.

Ces dernières années, cependant, le gouvernement fédéral a commencé à investir plus généreusement dans l'infrastructure municipale et les programmes reliés à l'énergie. Le Fonds de la taxe sur l'essence et le Fonds Chantiers Canada, qui en sont deux exemples importants, ont fourni respectivement 2 milliards et 1,2 milliard de dollars annuellement pour financer des projets d'infrastructure municipaux, notamment d'énergie. Le Fonds pour l'infrastructure verte, de 1 milliard de dollars, a contribué à six projets d'énergie municipaux.

D'autres programmes à signaler comprennent écoÉNERGIE Rénovation, pour les propriétaires de domiciles, qui a été récemment renouvelé avec un budget de 400 millions de dollars, et écoÉNERGIE pour les collectivités autochtones et nordiques, qui prévoit 8 millions de dollars sur deux ans pour le déploiement de technologies d'énergie propre dans les collectivités nordiques et éloignées qui dépendent du diesel.

Ces programmes ont joué un rôle crucial pour favoriser le renouvellement de l'infrastructure essentielle et il convient de les maintenir.

Le principal message que nous vous transmettons est que le Canada peut avoir un avenir énergétique plus brillant si tous les ordres de gouvernement mettent l'épaule à la roue. Les administrations locales peuvent jouer un rôle dans la réalisation des objectifs nationaux en matière d'énergie, comme nous l'avons constaté dans le cadre de nos recherches et de nos expériences en matière de prestation de programmes. Certaines municipalités devancent déjà de loin la courbe nationale.

Le président : Merci, madame Joseph. Avant de donner la parole à M. Thompson, permettez-moi de faire quelques brèves remarques.

Vous avez vu la lumière et avez exposé dans un ensemble cohérent tous les éléments nécessaires pour la préparation de notre rapport. Vous avez magnifiquement exposé ce que le gouvernement fédéral fait et peut faire. Étant donné les compétences provinciales, l'énergie, l'environnement et tout le reste, tout le monde se demande : quel est le rôle des fédéraux? Que peuvent faire les fédéraux?

Je pense que vous avez bien résumé ce qu'ils font déjà très bien. Évidemment, ce n'est pas seulement la collaboration qui est importante, mais aussi la communication.

[Français]

J'aimerais vous féliciter pour votre français impeccable. Un témoin parfaitement bilingue. Je vous en remercie.

[Traduction]

Je donne maintenant la parole à David Thompson pour sa déclaration liminaire d'une quinzaine de minutes, après quoi nous passerons aux questions des sénateurs.

David Thompson, directeur, Collectivités durables, Prospérité durable : Bonjour, monsieur le président, membres du comité, et merci de me donner l'occasion de m'adresser à vous au sujet de l'avenir énergétique du Canada, surtout au palier municipal.

J'ai moi aussi apprécié la déclaration de Mme Joseph, la manière dont elle a couvert la problématique, et son éloquence. Comme je me suis levé ce matin à 4 h 45, heure de l'Alberta, je ne saurais vous garantir la même éloquence mais, au moins, Mme Joseph a tout dit.

Je suis le directeur de Collectivités durables à Prospérité durable. Prospérité durable est un institut de recherche indépendant en politiques publiques basé à l'Université d'Ottawa. Son mandat consiste à promouvoir l'instauration d'une économie verte au Canada en mettant particulièrement l'accent sur le rôle de politiques basées sur le marché pour atteindre des résultats environnementaux et économiques.

Notre travail découle d'une observation élémentaire en économie, à savoir que les prix du marché omettent parfois les coûts et bénéfices environnementaux et autres de ces transactions. Ces coûts et bénéfices sont externalisés, comme on dit en jargon économique, et c'est là l'origine de nombreux problèmes environnementaux. Avec des externalités, quelle que soit l'intention des gens, des décisions économiques rationnelles débouchent souvent sur du tort environnemental, ainsi que sur des distorsions et de l'inefficience économiques. L'utilisation d'instruments basés sur le marché peut permettre de capter certaines de ces externalités, de protéger l'environnement et de stimuler la prospérité.

Chez Collectivités durables, à Prospérité durable, notre travail consiste à identifier les politiques publiques que pourraient employer les trois paliers de gouvernement pour réduire la consommation d'énergie et les émissions de gaz à effet de serre tout en stimulant les économies locales et en améliorant la situation budgétaire des municipalités.

Comme je l'ai dit, Mme Joseph a présenté un large éventail de domaines dans lesquels des politiques fédérales pourraient aider les municipalités à atteindre ce genre d'objectifs. Je vais donc me concentrer sur un problème clé qui est une priorité de notre groupe, Collectivités durables : l'urbanisation. J'aborderai trois choses : le problème, les opportunités et les solutions. Dans le cadre de ce troisième élément, je me concentrerai sur ce que peut faire le gouvernement fédéral.

Nous connaissons tous les coûts non financiers de l'urbanisation tentaculaire. Elle s'empare de terres agricoles précieuses et vide le cœur des villes. Elle nous emprisonne dans la dépendance automobile et accroît le changement climatique et les émissions de smog. Des recherches médicales ont récemment établi un lien entre l'urbanisation et plusieurs problèmes de santé chroniques allant de l'obésité aux troubles cardiaques, au diabète et à plusieurs autres, sans parler des blessures et décès causés par les accidents automobiles, ou de l'impact sur la pollution atmosphérique.

À cet égard, on sait que le transport est l'une des plus grandes sources de pollution atmosphérique au Canada. On estimait il y a quelques années dans un rapport de la municipalité de Toronto que 400 blessés et 1 600 hospitalisations résultaient chaque année de l'incidence de la pollution atmosphérique sur la santé. Et ce, rien que pour Toronto.

À l'échelle nationale, l'Association médicale canadienne estime que les coûts de santé résultant de la pollution atmosphérique sont de l'ordre de 400 millions de dollars par an. Et ce chiffre n'est rien par rapport au coût des blessures issues des accidents d'automobile : 3,7 milliards par an. L'urbanisation tentaculaire et ses conséquences en matière de transport entraînent donc des coûts financiers et non financiers considérables.

Ajoutons à cela les risques financiers auxquels l'urbanisation tentaculaire expose les propriétaires fonciers. Avec la fin de l'ère du pétrole et de l'essence bon marché, ils ne peuvent qu'empirer. Comme nous l'avons vu avec l'éclatement de la bulle du logement aux États-Unis, la valeur des maisons en banlieue a chuté plus rapidement que celle des maisons en ville, et je pense que c'est ce qui arrivera avec la hausse du prix de l'énergie.

L'urbanisation tentaculaire expose aussi les municipalités à de sérieux risques financiers. Ma municipalité d'Edmonton a récemment publié un rapport intitulé Costs and Revenues for New Areas portant sur 17 nouveaux lotissements en cours de construction ou de planification sur plus de 40 en cours de réalisation. Sa conclusion était que ces lotissements représenteront pour elle un coût net de près de 1 milliard de dollars dans les 30 prochaines années. Dans les 30 années suivantes, les coûts nets de l'urbanisation tentaculaire atteindront près de 3 milliards de dollars. Et je ne parle ici que d'une des nombreuses villes du Canada, et de moins de la moitié de ses nouvelles banlieues.

Après l'apocalypse, voici les opportunités, puisque tout problème est aussi une opportunité. Nous pourrions récolter de nombreux avantages si nous parvenions à maîtriser l'urbanisation tentaculaire. Pour commencer, nous pourrions réduire les coûts non financiers. Nous pourrions aussi améliorer les états financiers des municipalités, comme le montre l'exemple d'Edmonton. Nous pourrions renforcer l'économie de manière générale, l'une des méthodes étant de prendre en compte ces externalités négatives. Cela réduirait les distorsions économiques, réduirait l'inefficience économique et stimulerait la croissance. C'est le b.a.-ba de l'économie.

L'une des choses les plus intéressantes sur le plan économique a été constatée ces dernières décennies. Les économistes ont montré qu'accroître la densité urbaine peut améliorer l'accès des entreprises aux travailleurs. Quand on fait ça, les entreprises ont un plus grand choix de travailleurs potentiels. On peut assurer une meilleure concordance entre les emplois et les employés et on peut accroître la productivité. Les chercheurs d'emploi ont également plus accès aux entreprises quand on a une municipalité plus dense, ce qui tend à réduire le chômage de friction.

La densité améliore aussi l'accès des entreprises aux fournisseurs et aux marchés pour leurs biens et services, et elle accroît les retombées de savoir dans et entre les secteurs. Un excellent exemple en est Silicon Valley aux États-Unis. De telles économies d'agglomération peuvent avoir une incidence profonde sur la croissance économique.

Finalement, la densité peut contribuer à améliorer les comptes fédéraux. J'ai parlé tout à l'heure des coûts élevés de la santé issus de l'urbanisation tentaculaire et du transport. Le gouvernement fédéral assume 40 p. 100 des dépenses de santé à l'échelle nationale; il pourrait donc économiser des sommes importantes. Il est facile de voir pourquoi des municipalités de tout le pays adoptent actuellement la densification urbaine comme objectif primordial.

Pour ce qui est de solutions concrètes, les municipalités ont le choix entre maintes politiques publiques, comme l'a dit Mme Joseph. Par exemple, elles peuvent réformer les taxes foncières et les frais de lotissement de façon à réduire le coût relatif de la construction en ville, à densifier, à faire du remplissage urbain, à exploiter les sites désaffectés, c'est-à- dire abandonnés ou pollués. Nous voyons d'ailleurs certaines municipalités commencer à adopter de telles politiques. Calgary, par exemple, a récemment réformé ses frais de lotissement pour essayer de combler l'écart entre ce qu'elle dépense dans les banlieues et ce qu'elle en reçoit comme revenus.

Il y a aussi des domaines dans lesquels les gouvernements provinciaux doivent intervenir pour aider les municipalités, par exemple en leur accordant le pouvoir législatif dont elles ont besoin. Là encore, certaines municipalités ont déjà commencé à agir, comme Vancouver, Toronto et Calgary, et il faut que ce mouvement se répande.

Comme je l'ai dit, le gouvernement fédéral a aussi un rôle à jouer. Par exemple, comme l'affirme depuis de nombreuses années la FCM, il faut que le principe du transport durable fasse partie intégrante d'un plan national d'infrastructures.

D'autres dépenses fédérales peuvent aussi être analysées à travers le prisme des collectivités durables. Par exemple, on pourrait analyser de cette manière les dépenses fédérales de relance économique de 2009-2010. En procédant à un tel examen, l'ONU a constaté que les dépenses de relance du Canada n'étaient pas très vertes par rapport à celles d'autres nations du G20.

L'austérité budgétaire est l'un des objectifs actuels du gouvernement, mais on entend parler aussi d'une possibilité réelle de nouvelles dépenses de relance économique. Si tel était le cas, nous devrions veiller à ne pas rater une deuxième chance d'investir dans l'efficience énergétique et la conservation, et d'essayer d'aider les municipalités dans cette voie.

Une autre mesure fédérale serait de concevoir des hypothèques de localisation. Ces hypothèques, qui sont déjà offertes aux États-Unis, tiennent compte du fait que les coûts de la propriété domiciliaire sont moins élevés à proximité des centres-villes et des transports publics. Les gens ont moins de dépenses, ce qui les aide à couvrir leurs obligations financières et réduit leur risque de défaillance. Les prêteurs peuvent donc offrir des taux hypothécaires moins élevés pour les domiciles intra-urbains. Au palier fédéral, la SCHL pourrait offrir des primes d'assurance hypothécaire réduites, comme elle le fait déjà pour les logements efficients en énergie.

Le gouvernement fédéral pourrait aussi jouer un rôle en usant de son pouvoir de taxation pour compléter les efforts municipaux, par exemple en offrant des crédits d'impôt ou une déduction d'amortissement accéléré pour les systèmes de chauffage de quartier ou d'autres solutions d'énergie communautaire intégrées. Comme je sais que QUEST Canada a témoigné devant vous il y a environ un an, je n'insiste pas sur les SECI.

La compatibilité des politiques publiques est un autre critère important pour le gouvernement fédéral. Les municipalités souhaitant résister à l'urbanisation tentaculaire sont souvent obligées d'aller à contre-courant de politiques contraires. Les externalités qui subventionnent l'urbanisation tentaculaire et l'usage excessif de l'automobile font qu'il est difficile aux municipalités de renverser ces tendances. Le gouvernement fédéral pourrait les aider en s'attaquant à certaines de ces externalités.

Comment le gouvernement fédéral pourrait-il s'attaquer à ces externalités tout en répondant aux besoins d'investissement que moi-même et d'autres avons mentionnés devant vous?

Il y a deux grandes réponses, et beaucoup de petites. Je me limite aux grandes. Comme l'a dit Mme Joseph, la première chose à faire serait d'abolir les subventions nuisibles, en s'inspirant du principe fondamental des médecins : « Avant tout, ne causer aucun mal ». Je suis heureux de pouvoir dire que les économistes, qui sont généralement des personnes assez désagréables en bande, partagent l'avis des médecins. Ils ont identifié les très grosses subventions financières que le gouvernement canadien fournit à l'industrie d'extraction du pétrole et du gaz naturel, industrie extrêmement profitable qui ne semble pas avoir désespérément besoin de subventions. Or, celles-ci ont pour effet de limiter artificiellement le prix du carburant et, partant, de subventionner l'extension des banlieues et les longs déplacements en automobile des banlieusards. Cela emprisonne les collectivités dans des décisions de logement et d'infrastructure qui dureront des décennies mais qui ne seront peut-être pas tellement bonnes quand le prix de l'énergie augmentera. Ces subventions entravent aussi la mise en œuvre de systèmes d'énergie intégrés, comme des systèmes de quartier. Stimuler artificiellement l'investissement dans le pétrole et le gaz naturel prive évidemment les autres secteurs du capital privé correspondant. Cela gonfle la valeur du dollar et nuit aux secteurs verts et autres dont dépendent les municipalités.

Abolir ces subventions réduirait les émissions de gaz à effet de serre et améliorerait les finances du gouvernement fédéral. Cela rehausserait le niveau d'emploi puisque des sommes épargnées et des investissements privés seraient canalisés vers les secteurs de l'économie offrant un meilleur rendement d'emplois au dollar que l'extraction du pétrole et du gaz. En 2010, les dirigeants du G20 sont convenus d'abolir ces subventions. Plus tard la même année, le sous- ministre des Finances a adressé la même recommandation au gouvernement. J'ai le plaisir de dire que, dans ma province de l'Alberta, une grande majorité de la population semble appuyer une telle décision. Selon un sondage d'opinion, 78 p. 100 des gens préféreraient que des subventions soient accordées pour l'énergie propre et renouvelable plutôt que pour l'extraction de pétrole et de gaz naturel.

La tarification du carbone est une deuxième méthode qui permettrait au gouvernement fédéral d'éliminer ces externalités ou de s'y attaquer tout en trouvant des revenus. C'est essentiel. La tarification du carbone est essentielle à tout débat portant sur les municipalités et l'énergie. Comme l'indique la FCM, elle constitue un incitatif à la densification urbaine et à l'utilisation des transports publics. Plus généralement, elle favoriserait les efforts municipaux de réduction du gaspillage d'énergie.

J'ai constaté dans votre rapport préliminaire, Attention Canada — ainsi que dans les témoignages — qu'on vous a souvent dit que le Canada a besoin d'une tarification du carbone. Plutôt que de répéter les arguments à ce sujet, je ferai une observation légèrement différente.

Le Canada a un prix du carbone. Ce n'est pas un très bon système. C'est ça le problème. C'est là que le gouvernement fédéral pourrait améliorer la situation.

Ce n'est pas uniforme sur le plan géographique. Certaines provinces ont adopté explicitement un prix du carbone, mais pas toutes. Il y a aussi un manque d'uniformité entre les carburants. Il y a des prix du carbone implicites qui sont intégrés dans les taxes sur l'essence et sur le diesel et qu'on peut calculer. Au palier fédéral, la taxe d'accise de 10 cents le litre représente un prix du carbone de 42 $ la tonne. En revanche, il y a des combustibles, comme le charbon, qui ne sont pas taxés et n'ont pas de prix du carbone.

Le gouvernement fédéral pourrait commencer par s'attaquer à ces questions en harmonisant nos prix du carbone existants. Par exemple, il pourrait adopter comme politique le maintien du prix du carbone implicite sur l'essence, qui est de 42 $ la tonne, en maintenant sa taxe d'accise actuelle. En même temps, il pourrait accroître le prix du carbone implicite du charbon, ressource qui dégage plus d'émissions de GES par unité d'énergie, et réduire éventuellement le prix du carbone implicite du gaz naturel.

Il s'agit là de deux recommandations qui avaient été formulées par les économistes Jack Mintz et Nancy Olewiler dans un rapport que nous avons publié il y a quelques années. Cet ajustement pourrait être progressif. Il permettrait de recueillir entre 12 et 15 milliards de dollars par an sans augmenter le prix de l'essence à la pompe.

Ensuite, le gouvernement fédéral pourrait s'attaquer au problème de l'inégalité géographique en percevant des recettes d'arrière-plan contre un prix du carbone. Si le prix du carbone d'arrière-plan était de 30 $ la tonne en 2012, par exemple, le gouvernement fédéral pourrait ne rien percevoir en Colombie-Britannique puisque cette province a déjà un prix de 30 $ la tonne. Il pourrait le percevoir partiellement en Alberta, où nous avons 15 $ la tonne sur certaines industries. Afin de conserver ces sommes dans leurs coffres, les provinces et territoires où le carbone n'est pas tarifé ne tarderaient probablement pas à le faire.

Le prix devrait cependant augmenter peu à peu pour atteindre les objectifs fédéraux et se situer finalement à 200 $ la tonne, ce qui devrait être le prix en 2050. Nous verrions une augmentation de 40 cents le litre d'essence, ce qui correspondrait parfaitement aux fluctuations du marché de ces dernières années, sans parler de ce qui arrivera en 2050.

Ces recettes importantes, qui pourraient atteindre 40 à 50 milliards de dollars par an à ce moment-là, pourraient être rendues aux contribuables des provinces. Elles pourraient leur être rendues sous la forme d'investissements dans la production d'énergie propre, d'efficience énergétique ou de conservation. Elles pourraient aussi être consacrées aux transports publics. Ce sont là des choses que souhaite la population. Les économistes sont très attachés à la neutralité des revenus, mais pas le public, qui préfère plutôt voir des résultats tangibles.

Au final, la tarification du carbone arrivera bientôt, que ce soit par le truchement de politiques internes, provinciales et territoriales, ou qu'elle nous soit imposée par nos partenaires commerciaux. Je constate que la Californie et l'Australie ont pris des mesures pendant ces deux dernières semaines pour formaliser la tarification du carbone. Les exportations du Canada seront attentivement surveillées si nous ne leur emboîtons pas le pas.

Cela soulève la question de la certitude des politiques publiques pour les entreprises. C'est probablement la principale raison pour laquelle celles-ci sont favorables à la tarification du carbone. Je parle des entreprises du secteur des ressources. Prospérité durable a publié cette année un rapport sur les grandes entreprises et associations commerciales du secteur des ressources et a constaté qu'une majorité écrasante est favorable à la tarification du carbone.

Je termine mon intervention sur la tarification du carbone car c'est la mesure la plus importante de toutes que pourrait prendre le gouvernement fédéral pour aider les municipalités à se doter de systèmes d'énergie plus propres. Nous pourrons adopter toutes sortes d'autres politiques mais, sans la tarification du carbone, leurs effets seront limités.

Merci de votre attention.

Le président : Eh bien, c'était un plaidoyer très raisonné sur la tarification du carbone. Cela a fait naître un énorme sourire sur le visage de mon collègue. Je constate que vous n'avez pas décrit la forme que pourrait prendre cette tarification du carbone. Beaucoup de témoins nous ont fait cette recommandation. Vous dites qu'il y a déjà une tarification du carbone dans certaines provinces, dont la Colombie-Britannique et l'Alberta. Ailleurs, nous avons un système de plafonnement et d'échange. Le débat continue. Avez-vous une préférence? Comme vous avez plaidé pour la cohérence et l'harmonisation des politiques publiques, comment feriez-vous?

M. Thompson : S'il n'en tenait qu'à moi, je tiendrais compte de quelques critères fondamentaux. La première chose serait de nous assurer que nous atteignons nos objectifs environnementaux. Nous pouvons faire ça avec une taxe sur le carbone, un système de plafonnement et d'échange, ou l'adoption de règlements. Mon deuxième critère serait que cela ne coûte pas cher, que c'est mis en œuvre de manière efficiente.

Selon les économistes, c'est la taxe sur le carbone qui est la solution la moins chère, avec le moins de coûts administratifs, la solution suivante étant le plafonnement et l'échange, et la dernière, la plus chère, l'adoption de règlements de commandement et de contrôle.

Selon ces deux critères, la solution la plus logique est la taxe sur le carbone. En termes de réalité politique, nous devons accepter des compromis. Je ne sais pas si une taxe sur le carbone pourrait réellement être adoptée. Je crois qu'elle pourrait l'être, si l'on examine ce qui s'est passé récemment en Australie, ce qui s'est passé en Colombie- Britannique où le gouvernement a défendu cette idée pendant les élections et a gagné. Nous devrions essayer d'appliquer la meilleure politique possible, qui est probablement la tarification du carbone. Sinon, le plafonnement et l'échange.

Le président : Merci beaucoup.

Chers collègues, j'ai une longue liste de noms. Le vice-président-tout-sourire a la parole. Ne jubilez pas trop, cependant.

Le sénateur Michell : Merci beaucoup. En fait, le président vient juste de me demander si c'était moi qui avais rédigé cette communication.

Votre exposé m'a beaucoup intéressé. En fait, j'ai trouvé les deux exposés tout à fait excellents et je n'aurai pas beaucoup de précisions à demander. Je voudrais vérifier quelque chose.

Madame Joseph, il est clair que la FCM accepte la science du changement climatique. Il n'y a pas de doute. C'est officiel. Il n'y a pas de « peut-être bien que oui, peut-être bien que non ». Vous pensez qu'il y a un consensus sur la science, et vous œuvrez donc et dépensez de l'argent très explicitement dans ce contexte.

Mme Joseph : Tout à fait. Notre programme Partenaires dans la protection du climat vise précisément à lutter contre le changement climatique.

Le sénateur Michell : Vous avez dit tous les deux qu'on doit supprimer les subventions nuisibles. Le débat à ce sujet n'est cependant pas toujours aussi clair qu'il pourrait l'être, bien souvent parce que les subventions dont on parle sont en fait des redevances qui sont plus faibles qu'elles pourraient l'être, mais par rapport à quoi? C'est comme les droits de coupe du bois. De quoi s'agit-il en réalité?

Quand vous parlez d'éliminer les subventions, avez-vous une liste? S'agit-il des subventions aux sociétés pétrolières pour la capture et l'entreposage du carbone? S'agit-il de la DPA? Est-ce plus faible que ne pourrait l'être autrement le niveau des redevances? De quoi s'agit-il?

Mme Joseph : La FCM n'a pas de liste précise des redevances que devrait cibler le gouvernement fédéral. Nous savons que c'est un problème. Il y a des choses qui rendent l'énergie propre plus chère que l'énergie nuisible ou sale, si je peux m'exprimer ainsi, et cela n'aide pas les municipalités à avancer dans une voie environnementalement bénéfique et économiquement bénéfique.

Il appartient au gouvernement fédéral, selon son analyse globale du pays, de déterminer à quelles subventions s'attaquer d'abord. Nous pensons que ces subventions sont là et qu'elles faussent les décisions des municipalités.

M. Thompson : Je m'attaquerais d'abord aux externalités, tout simplement parce que c'est gagnant-gagnant. Si nous pouvons nous attaquer aux externalités, nous pouvons réduire les incidences environnementales et économiques négatives des externalités aussi.

En ce qui concerne les loyers et redevances, pourquoi ne pas expérimenter avec le marché? Pourquoi fixer les redevances à un certain niveau? Pourquoi pas, par exemple, instaurer un système de concurrence pour fixer le niveau des redevances? Le secteur privé dirait au gouvernement ce qu'il est prêt à payer et le gouvernement tiendrait une vente aux enchères, à toutes fins utiles, pour laisser le marché décider du niveau des redevances. Je pense que nous constaterions qu'elles seraient beaucoup plus élevées. C'est ce qu'on a constaté dans d'autres régions du monde où ça s'est fait.

Le sénateur Michell : C'est une idée très intéressante. Nous devrions peut-être passer plusieurs heures avec vous pour en discuter. C'est excellent.

Le sénateur Massicotte : Ou le répéter cinq fois.

Le sénateur Michell : Exactement, continuez! L'un des avantages d'une bonne partie de l'énergie de remplacement est qu'elle n'est pas produite dans des centrales gigantesques et qu'elle peut être dispersée dans toutes sortes de municipalités et de localités. Avez-vous étudié explicitement la manière dont le soutien aux énergies de remplacement pourrait être structuré afin de stimuler le développement communautaire, le développement régional, le développement rural, et de soutenir des municipalités qui agonisent à cause du genre de forces économiques que le monde moderne leur présente?

Au lieu d'avoir une Genesee 3 produisant toutes sortes d'énergie dans un seul lieu, vous pourriez avoir des projets d'énergie dans toute l'Alberta, dans les petites villes. S'est-on déjà penché sur cette question?

Mme Joseph : Je laisse la parole à mon collègue.

Alex Long, gestionnaire principal, Fédération canadienne des municipalités : Monsieur Thompson a fait référence à un concept appelé SECI, les solutions d'énergie communautaire intégrées. C'est un concept qui avait été examiné par le Conseil des ministres de l'énergie il y a quelques années. Il avait été élaboré par Ressources naturelles Canada, et la FCM l'appuie sans réserve; elle essaie d'ailleurs de le mettre en œuvre dans des collectivités petites et grandes.

L'objectif des SECI est exactement celui que vous avez mentionné. Il s'agit pour les collectivités de commencer à intégrer la production et l'utilisation d'énergie d'une manière qui produit un certain nombre de retombées et d'avantages économiques. Essentiellement, on n'utilise pas une seule grande source d'énergie, on étudie plutôt la manière dont l'énergie peut être utilisée pour le transport, pour le chauffage de l'eau et pour le traitement des eaux usées. Comment doit-on concevoir les collectivités de manière à assurer une meilleure utilisation de l'énergie? C'est un système très intégré, relié à la manière dont on produit l'énergie.

Avec Ressources naturelles Canada, la FCM mène des recherches sur la manière de tirer parti des projets déjà en place dans les collectivités en utilisant ce prisme.

Je peux vous donner deux exemples rapides de collectivités axées sur les SECI. Le premier est un projet réalisé à Toronto, à Exhibition Place. C'est un projet intégrant l'énergie solaire, l'énergie géothermique et l'énergie éolienne. À Exhibition Place, les principales questions pour les 20 prochaines années étaient de savoir comment on utiliserait l'énergie de manière efficiente, mais aussi de planifier le projet de manière à ce que, même si tous les coûts d'aménagement ne pouvaient pas être assumés en totalité dès le départ, les plans permettraient d'assurer l'utilisation la plus efficiente possible de l'énergie en ayant recours à des sources d'énergie renouvelable plutôt qu'aux sources traditionnelles.

Comme la FCM représente aussi des collectivités de toutes tailles dans l'ensemble du pays, il y a un exemple plus petit à Revelstoke, en Colombie-Britannique, où il s'agit de transformer une grande usine de produits forestiers utilisant du gaz naturel pour qu'elle utilise des déchets du bois. En remplaçant une source d'énergie plus dispendieuse par des déchets du bois, le projet a aussi été innovateur dans la mesure où l'excès de chaleur est capté pour chauffer tous les édifices municipaux et de vastes éléments de l'infrastructure.

Voilà les deux exemples. Je pourrais vous en donner beaucoup d'autres mais le fait est que de plus en plus de municipalités se tournent vers des projets offrant de multiples retombées économiques et environnementales en utilisant l'énergie de manière intégrée et efficiente.

Le sénateur Michell : Il y a aussi, évidemment, Okotoks, en Alberta, en haut de cette liste.

M. Long : Oui.

Le sénateur Michell : Pouvez-vous m'inscrire pour le second tour, monsieur le président, si nous en avons le temps? C'est une discussion extrêmement intéressante.

Le président : Essayez de ne pas exagérer.

Le sénateur Merchant : Merci, monsieur le président, et merci aux témoins de leurs explications concises. C'est particulièrement intéressant. Je suis très heureuse d'être de retour ici parce que le sujet que vous étudiez m'intéresse beaucoup. Je viens de la Saskatchewan où nous sommes très intéressés par l'énergie.

J'ai été frappée de lire hier soir dans la documentation que Toronto et Montréal font partie des villes les pires au monde du point de vue des taux et des temps de déplacement des banlieusards. Même si je n'habite pas dans une aussi grande ville, je me demande combien il en coûterait d'amener ces deux villes au niveau des meilleures au monde du point de vue des déplacements des banlieusards. Combien d'années cela prendrait-il, et quelle proportion des coûts devrait être attribuée au gouvernement fédéral, dans le cadre de son financement des infrastructures?

Mme Joseph : Nous avons actuellement des chiffres pour Toronto et nous savons qu'il y a une estimation de 5 milliards de dollars pour la circulation automobile. Le défi qui se pose à Montréal et Toronto, comme l'a dit M. Thomson, est qu'on est emprisonné dans certains types de transport une fois qu'on construit en banlieue.

Pour renverser la situation et amener ces villes parmi les meilleures du point de vue des temps de déplacement, il y aurait énormément de choses à adapter en termes de densification, de communauté à usages mixtes, de rénovation progressive de certains quartiers pour y améliorer le transport public et le transport actif. Songez à ce que coûtera le remplacement du pont Champlain pour l'adapter au transport par rail léger et au transport efficient par autobus, en y ajoutant en plus le transport actif. Cela coûtera des milliards de dollars, et nous ne parlons que d'un seul pont.

C'est un processus qui prendra du temps. Il importe que les trois paliers de gouvernements réfléchissent ensemble aux possibilités de paiement de telles dépenses, que ce soit par du péage ou par d'autres méthodes, afin de dresser ensuite un plan de financement. Même si nous ne pouvons pas dire quelle proportion des dépenses devrait être assumée par le gouvernement fédéral, il est clair que la solution doit être trouvée en collaboration.

M. Thompson : Vous pouvez avoir quelques solutions essentielles qui prendront longtemps, comme transformer l'urbanisation et construire l'infrastructure de transport public. Une solution relativement rapide, comme Mme Joseph y a fait allusion, est la tarification routière et le péage. À Londres, on a établi un cordon autour du centre-ville et le produit de ce péage contribue au financement des transports publics. Cela a immédiatement réduit de 20 à 25 p. 100 la circulation dans le centre-ville. Il y a donc des mesures que l'on peut prendre immédiatement, mais il est aussi indispensable d'avoir un plan à long terme.

Le sénateur Merchant : Dans le même ordre d'idées, quelle est la meilleure ville de plus de 500 000 habitants au Canada du point de vue des temps de déplacement des banlieusards, et quel est le facteur le plus important de tous qui en a fait la meilleure ville à ce chapitre?

Mme Joseph : Je ne saurais dire quelle est la meilleure du point de vue des temps de déplacement, mais beaucoup de villes apportent actuellement des améliorations à ce sujet, comme Vancouver. De même, Calgary essaye d'aller dans cette voie. De petites collectivités comme Guelph et Kitchener réfléchissent à la manière d'améliorer le transport. Même Whitehorse a réalisé un projet pilote de transport actif pour réduire les embouteillages. Le projet a été financé par le truchement de Transports Canada et a connu beaucoup de succès.

Différentes collectivités du Canada avancent dans cette voie. Le principal facteur de leur succès est en fait la volonté politique de changer les choses et de convaincre les citoyens que cela améliorera la qualité de vie et l'avenir de leur collectivité.

Le sénateur Banks : Merci beaucoup de vos excellentes communications et réponses. Le président se souviendra que le comité a publié plusieurs rapports dans le passé concernant certaines des choses dont vous avez parlé. Malheureusement, aucun gouvernement, quelle qu'en soit la couleur politique, n'en a tenu compte. L'un d'entre eux a déclaré précisément que la solution est l'internalisation des coûts réels, parce que le marché s'occupera de tout si l'on dit aux gens qu'ils vont devoir payer le coût réel de ce qu'ils utilisent, des services qui leur sont fournis, mais c'est une pilule difficile à faire avaler.

Je vais me permettre de vous poser une question un peu osée afin d'ouvrir le débat sur les municipalités. C'est une question que j'avais posée à M. Layton lorsqu'il faisait partie de la direction de la FCM. J'avais participé à une étude sur les villes qui avait finalement abouti à la ristourne de la taxe sur l'essence.

Il est vrai, comme vous l'avez dit, que les villes ne conservent pour elles que seulement 8 cents environ de chaque dollar de taxes, sur la base essentiellement de taxes foncières d'une sorte ou d'une autre. Les politiciens d'autres paliers de gouvernement — M. Klein, M. Harris, M. Martin — ont compris la nature du problème et ont internalisé certains coûts. Ils ont réalisé que nous sommes de temps en temps dans la panade et que la manière d'en sortir est d'augmenter les taxes et de réduire les services. C'est ce qu'ils ont fait, en en payant le prix politique. Ils ont généralement réussi à le faire parce que les gens ont généralement compris que c'était la bonne chose à faire. Parfois, ils ont utilisé une matraque un peu trop grosse et ont fait les choses trop rapidement, mais ils nous ont sorti de la panade en Alberta, en Ontario et, une fois, au niveau fédéral.

Les politiciens municipaux ont horreur de faire ça. Il y a deux manières de s'attaquer au déséquilibre de la proportion de la manne fiscale qui est conservée par les municipalités. La première est de demander aux autres paliers de gouvernements de leur envoyer de l'argent, et la deuxième, d'augmenter les taxes municipales, d'internaliser les taxes municipales, parce que quiconque vit dans une municipalité du Canada paie moins que le coût réel des services municipaux qu'il reçoit.

Je suppose que c'est parce qu'ils sont plus près de la population que les politiciens municipaux ne veulent pas prendre le même type de risque politique et faire preuve du même genre de leadership politique qu'on a pu constater de la part de certains politiciens au palier fédéral ou provincial dans le passé.

La solution au problème ne consiste-t-elle pas, pour les municipalités, à admettre une fois pour toutes que les citoyens ne payent pas leur juste part de taxes municipales par rapport aux services qu'ils reçoivent?

Le président : Je devrais signaler que le sénateur Banks n'est pas candidat à l'investiture républicaine.

Mme Joseph : C'est une question « posée ».

Le sénateur Banks : J'ai dit qu'elle serait « osée ».

Mme Joseph : Je vous donnais le bénéfice du doute.

Le sénateur Banks : Je pose simplement la question parce que la méthode la plus facile pour s'attaquer à ce déséquilibre est d'accroître les taxes foncières municipales.

Mme Joseph : La raison pour laquelle les habitants des municipalités reçoivent des services qui ne sont pas totalement financés par les taxes foncières est en partie que les municipalités ont commencé à dispenser des services ne relevant pas de leur responsabilité. Il y a eu au Canada un transfert important de choses telles que les garderies d'enfants, le logement public et l'intégration des immigrants. Toutes ces choses-là coûtent de l'argent aux municipalités sans que celles-ci reçoivent nécessairement l'appui du gouvernement fédéral qui leur a transféré la responsabilité.

La raison pour laquelle on hésite à accroître la taxe foncière, qui est une forme de taxe régressive parce qu'elle n'augmente pas avec le marché, et cetera, est en partie qu'il serait injuste d'y inclure ces coûts. Avant d'accroître les taxes foncières de nos citoyens, nous devons réfléchir avec nos partenaires des autres paliers de gouvernement pour voir si accroître les taxes foncières est la bonne manière de payer certains de ces services, ou s'il n'y aurait pas une autre solution, comme une partie de la taxe de vente.

Comme il s'agit là de coûts qui ont été transférés, la solution sera inévitablement un peu plus complexe, et je pense qu'elle exigera la collaboration des différents paliers de gouvernement.

Certains autres paliers de gouvernement sont intervenus, et je songe à la Colombie-Britannique, en particulier, qui a décidé de percevoir une taxe sur le carbone. D'autres municipalités ont commencé à bouger. Elles ont commencé à dépenser de l'argent pour réaliser des projets d'énergie de quartier. Elles ont commencé à prendre des risques politiques. La tarification des routes est un risque; elle peut mécontenter les habitants. Par contre, si vous dites que la tarification des routes offrira des avantages environnementaux précis, et que toute la province fait cela pour résoudre des problèmes d'énergie et de climat, vous n'êtes alors pas seul dans votre municipalité à faire avancer la réflexion de la population et à amener l'opinion publique dans une autre voie.

Le sénateur Banks : Je conviens que toutes les solutions exigent beaucoup de collaboration, mais conviendrez-vous aussi qu'au moins une partie de la solution consiste à internaliser ce qu'il en coûte d'habiter dans une ville?

Mme Joseph : C'est une partie de la solution.

M. Thompson : Vous avez parlé des taxes foncières. Nous voyons partout au Canada des municipalités qui sont emprisonnées dans ce que j'appellerais un « carcan fiscal ». C'est souvent leur plus grosse source de recettes. Pour certaines, ça représente la majorité des recettes.

Quand j'ai examiné des sondages d'opinion sur les recettes municipales et les options fiscales, j'ai eu la surprise d'apprendre que, dans ma propre province, l'Alberta, la majeure partie de la population de Calgary et d'Edmonton est favorable au maintien ou à l'accroissement des recettes municipales, à condition de voir quels services seront payés de cette manière. Seule une très petite minorité, de 10 à 11 p. 100, préférait une baisse des taxes municipales.

L'autre résultat surprenant du sondage d'opinion, ou peut-être pas si surprenant que ça, était que les gens n'approuvent pas la hausse des taxes foncières. Ils veulent que les municipalités récoltent au moins autant de recettes qu'en ce moment, mais ils veulent aussi une baisse des taxes foncières. Ils veulent d'autres formes de taxation. Ils veulent qu'on impose des frais d'utilisation reliés à certaines de ces externalités.

Cela nous ramène à ce que disait Mme Joseph au sujet de la collaboration entre les divers paliers de gouvernement. Par exemple, si les gouvernements provinciaux pouvaient donner aux municipalités le pouvoir d'augmenter les taxes dans d'autres domaines, comme l'Ontario l'a accordé à Toronto, elles pourraient accroître leurs recettes sans avoir recours à la source de recettes la plus impopulaire qui soit, la taxe foncière. Elles pourraient accroître leurs recettes avec un instrument fiscal réduisant les externalités.

Le sénateur Banks : Personne n'aime augmenter l'impôt, et personne n'aime payer plus d'impôt, mais c'est parfois inévitable.

M. Thompson : C'est le prix de la civilisation.

Le sénateur Peterson : Merci de votre comparution ce matin. Est-il possible de quantifier le déficit infrastructurel du Canada?

Mme Joseph : Le chiffre que nous utilisons depuis quelques années est 123 milliards de dollars, mais la FCM prépare actuellement un rapport sur la situation des villes dans lequel elle réévaluera l'infrastructure du Canada dans le but de mettre à jour ce déficit. C'est une chose difficile à quantifier. C'était le dernier chiffre que nous avions et nous devrions en avoir un nouveau dans les prochains mois.

Le sénateur Peterson : C'est un gros chiffre. C'est lorsqu'elles ont des recettes assurées à long terme que les municipalités peuvent être le plus efficaces et le plus efficientes sur ces questions. Quelle serait la meilleure matrice pour ce faire, à votre avis? Serait-ce un partenariat à égalité entre les fédéraux, la province et les municipalités, ou la part des gouvernements de niveau supérieur devrait-elle être plus grande?

Mme Joseph : Tout dépend de la collectivité. Le modèle de participation au tiers ne peut pas fonctionner dans le Nord canadien, par exemple, où la plupart des municipalités n'ont pas d'assiette fiscale. Il faut évidemment tenir compte de la capacité de payer, mais ça ne suffit pas. Ça peut être un peu plus compliqué que ça.

Prenez l'exemple de Halifax et de son modèle de calcul de la taxe foncière. Si le gouvernement fédéral voulait prendre des mesures vigoureuses allant dans le sens de l'efficience énergétique et collaborer avec les municipalités pour ce faire, il pourrait contribuer au financement en donnant aux municipalités des fonds qu'elles prêteraient aux propriétaires fonciers et qui leur rapporteraient de l'intérêt. Cela pourrait devenir un fonds se perpétuant tout seul avec du financement renouvelable venant d'un palier de gouvernement ayant cela comme priorité et ayant le moyen de le fournir. C'est quelque chose que les municipalités pourraient faire durer.

Il existe de nombreuses manières différentes pour les différents paliers de gouvernement de partager les frais, selon l'argent dont ils disposent pour aider leurs citoyens à avancer dans la voie de l'efficience énergétique ou pour réaliser des projets de cette nature.

Le sénateur Peterson : Monsieur Thompson, vous avez parlé de tarification du carbone. Pensez-vous que le gouvernement fédéral devrait prendre la tête du mouvement pour engager les provinces dans cette voie en leur disant qu'elles ne pourront pas participer à certains des projets qu'il finance si elles n'imposent pas de tarification du carbone?

M. Thompson : Voulez-vous parler de projets fédéraux existants?

Le sénateur Peterson : Ou de projets futurs. Vous ne pourrez pas y participer si vous ne prenez pas de mesures pour régler ce problème.

M. Thompson : Je pense que le moyen le plus efficace pour amener les provinces et territoires à bien faire est de leur montrer ce à quoi ils renoncent en ne faisant rien. Si le gouvernement fédéral voulait instaurer son propre système de tarification du carbone et percevoir des recettes de toutes les régions du pays, sauf des provinces dont les gouvernements le font déjà, je pense que les autres provinces et territoires ne tarderaient pas à suivre le mouvement.

Disons par exemple que le gouvernement fédéral impose une taxe sur le carbone s'appliquant à tout le pays sauf aux provinces créant leur propre taxe sur le carbone. Je pense qu'il ne faudrait pas longtemps aux provinces pour s'y mettre.

Je ne pense pas que le gouvernement fédéral devrait nécessairement intervenir dans d'autres secteurs de recettes ou d'autres dépenses de programmes, sauf en ce qui concerne la conception de l'instrument lui-même, la taxe sur le carbone.

Le président : Vous avez été très explicite au sujet de la tarification du carbone, monsieur Thompson. Je vous ai demandé quelles sont les options et vous avez donné une liste de trois méthodes, par ordre croissant de coût. Le sénateur Neufeld a participé à la mise en œuvre de la taxe sur le carbone de la Colombie-Britannique. Il y a eu récemment une réunion des ministres de l'énergie provinciaux avec le gouvernement fédéral à Kananaskis. Si j'ai bien compris, le simple fait de les réunir tous à la même table pour essayer d'aller dans la même voie en ce qui concerne l'efficience énergétique était déjà une prouesse. Après cette réunion, le Québec a annoncé une initiative de plafonnement et échange qui n'a pas suscité l'enthousiasme de sa population.

Étant donné votre insistance sur l'obtention du bienfait maximum de l'harmonisation, comment peut-on concilier ce genre d'approches différentes de la solution?

M. Thompson : C'est une excellente question, surtout sur le plan politique. Je ne suis pas politicien, à l'évidence, et c'est pourquoi je peux m'exprimer librement. Du point de vue des politiques publiques, c'est une question que de nombreux gouvernements dans le monde essayent de résoudre, et des recherches ont déjà été faites sur la manière d'implanter un prix du carbone dans une structure fédérée.

Si l'on s'en tient à la réalité de la fédération canadienne, qui est très décentralisée par rapport aux autres, je pense que la solution la plus facile sera d'offrir un choix très clair aux provinces, c'est-à-dire de leur permettre de faire ce qu'elles veulent à ce sujet, mais en leur offrant un incitatif pour le faire.

On ne doit pas nécessairement essayer d'intégrer le prix du carbone dans chaque province et territoire à un dispositif national. On peut créer un dispositif national mais permettre ensuite aux provinces de faire ce qu'elles veulent. De fait, le dispositif national pourrait fort bien être rendu inutile au bout d'un an ou deux, si l'on permettait aux provinces de faire ce qu'il faut de leur côté. Je pense que telle est la réalité de la fédération canadienne.

Le président : C'est vrai. Nous ne sommes pas de vrais politiciens, comme le disait le sénateur Banks l'autre jour. Nous sommes plus portés à nous intéresser aux politiques publiques, mais nous avons tous des antécédents politiques.

Certains d'entre nous, au début des années 1970, avons fait campagne pour le contrôle des prix et des salaires, alors que d'autres s'y sont opposés. Le parti politique victorieux a formé le gouvernement. Il avait fait campagne contre ce contrôle mais, une fois au pouvoir, il l'a mis en place. Évidemment, le soleil s'est quand même levé le lendemain matin, la vie a continué et le Canada est encore un pays merveilleux.

Nous avons récemment accueilli le ministre, à qui nous avons posé ces questions sur une taxe sur le carbone ou sur la tarification du carbone, et il a dit que notre gouvernement avait fait campagne contre cela il y a deux ou trois élections de ça. C'est la réponse politique, parce que c'est la réalité. L'autre gouvernement avait fait campagne pour. Je pense que le ministre nous avait donné une réponse de politique politicienne plutôt qu'une réponse de politiques publiques, mais telle est la réalité au Canada.

Quand vous externalisez vos thèses non politiques, je pense que nous devons tous garder cela en tête. Nous ne sommes emprisonnés dans aucun carcan particulier, ici, mais je me demande comment nous pourrions nous préparer à une volte-face potentielle de manière à ce qu'elle soit acceptée par tous les Canadiens. Je n'ai pas nécessairement besoin d'une réponse à cette question mais, si vous voulez, allez-y.

M. Thompson : Je peux vous donner une citation, même elle n'est peut-être pas tout à fait exacte. Le Mahatma Gandhi a dit un jour : « Si je vous dis demain quelque chose de différent de ce que j'ai dit aujourd'hui, il y a des chances que c'est parce que j'ai appris quelque chose depuis ».

Le président : Exactement.

Le sénateur Michell : C'est excellent. Tout le monde peut changer d'opinion dans la vie. En politique, quand on change d'opinion, on est un hypocrite. Ce que vous venez de dire est très puissant.

Une question supplémentaire : qu'y a-t-il de différent sur le plan politique en Australie pour que ce pays ait réussi à instaurer une taxe sur le carbone, alors que nous ne l'avons pas fait? Est-ce à cause d'une peur profonde que les gens ont ressentie après leurs gigantesques incendies, ou est-ce une accumulation de ce genre de catastrophe naturelle? Nous avons eu Slave Lake. Quelle est la différence?

M. Thompson : Je pense que cela a dû provenir d'une certaine panique causée par les troubles climatiques des deux dernières années. Évidemment, on ne peut pas attribuer tel ou tel événement précis au changement climatique, mais on peut dire que le changement climatique joue manifestement contre nous dans certains cas. Le gouvernement australien a trouvé le courage politique d'agir. On verra s'il y aura un prix à payer aux prochaines élections. Il y a actuellement une grosse campagne contre le gouvernement australien pour avoir fait ça.

Comme nous l'avons vu en Colombie-Britannique, ça peut se faire, et ça n'empêche pas le soleil de se lever le lendemain.

Le sénateur Michell : Oui, et d'être plus chaud qu'hier.

Le sénateur Lang : Je remercie les témoins de leur comparution devant le comité.

Un autre point de vue au sujet du principe d'une taxe sur le carbone est pas de taxe du tout, qu'il s'agisse de plafonnement et échange ou de taxe sur le carbone. J'ai souvent constaté, autour de cette table, surtout quand j'étais membre de ce comité — j'ai été transféré à un autre comité il y a quelques mois —, qu'on envisageait rarement de ne pas percevoir de taxe. Que préférez-vous, entre une taxe sur le carbone et un régime de plafonnement et échange? La plupart des gens préfèrent une taxe sur le carbone s'il faut en passer par là.

L'autre possibilité est de ne pas imposer de taxe. C'est ma position jusqu'à présent car le prix du carburant, même en période de récession, est à son plus bas niveau. Il vient de passer en dessous de 80 $ le baril, alors qu'il était beaucoup plus bas dans toutes les autres récessions. À un certain moment, je crois qu'il était tombé à 20 $ le baril.

Ce que je veux dire, c'est que le carburant coûte cher aujourd'hui, quel que soit le scénario envisagé. Et cela vaut pour le consommateur, les municipalités, les gouvernements et nous tous, les particuliers. C'est donc un poste de dépense qui va constamment nous prendre plus d'argent à l'avenir.

La réalité est que l'opinion publique s'est exprimée lors des dernières élections, qui étaient des élections nationales. L'une des principales propositions du gouvernement était de réduire les impôts au Canada afin de faire face aux facteurs économiques auxquels nous sommes confrontés. Jusqu'à présent, il semblerait que ça fonctionne bien, dans l'ensemble en tout cas, par rapport aux autres pays.

Considérant qu'il n'y aura pas de taxe sur le carbone ou de système de plafonnement et échange mis en œuvre par le gouvernement fédéral, en tout cas pas au cours des quatre prochaines années, j'aimerais vous demander, monsieur Thompson, de nous donner plus de précisions sur plusieurs des suggestions figurant dans votre exposé. Je veux parler notamment des primes d'assurance hypothécaire réduites. Vous avez aussi parlé de crédits d'impôt ou de déductions pour amortissement accéléré pour les municipalités. J'aimerais connaître vos observations, si c'est possible, sur la question du charbon et sur la tarification du charbon dans la dernière partie de votre exposé.

Les provinces et le gouvernement fédéral prennent des mesures au sujet de la réglementation du charbon et des émissions permises, à un point tel que plusieurs des centrales fonctionnant au charbon fermeront leurs portes au cours de la prochaine décennie.

J'aimerais connaître votre avis sur tout cela.

M. Thompson : Permettez-moi de commencer par la dernière question concernant la tarification du charbon et la réglementation des centrales au charbon. Évidemment, le problème d'une réglementation de commandement et contrôle est que c'est inefficient. Réglementer coûte plus cher que mettre un prix sur quelque chose. Ce n'est pas de l'économie controversée, c'est Jack Mintz. C'est de l'économie néoclassique. C'est un résultat fondamental.

La raison pour laquelle je préfère la tarification du carbone et la tarification du charbon et des autres carburants à la réglementation de commandement et contrôle est que l'objectif n'est pas seulement de protéger l'environnement, mais aussi de le faire de manière efficiente, sans gaspiller d'argent.

Cela dit, ces règlements sur les centrales au charbon sont appliqués, ou le seront, on l'espère, d'ici quelques années. On a vu récemment en Alberta que les sociétés productrices d'électricité essayaient de contourner le problème avant l'entrée en vigueur du règlement. Réussir à faire cela révèle un autre problème des instruments réglementaires conçus de manière complexe — et les règlements de commandement et contrôle sont généralement conçus de manière très complexe —, c'est-à-dire qu'on peut essayer de trouver des échappatoires.

L'autre problème de la réglementation des centrales au charbon, ou de n'importe quelle industrie, je suppose, concerne ses effets secondaires. En effet, cela impose des coûts à un secteur donné — la production —, coûts qui sont transférés au consommateur tout comme le serait une taxe. Ce qu'on constate alors, c'est qu'on a créé un facteur de distorsion de l'économie en relevant artificiellement le prix dans un secteur sans toucher aux autres.

L'un des effets positifs est évidemment que cela encourage les producteurs à chercher des solutions plus propres, mais il y a aussi des conséquences sur l'emploi et sur le PIB chaque fois que l'on crée un facteur de distorsion de l'économie, et c'est pourquoi les économistes préfèrent la tarification.

En ce qui concerne les autres éléments de votre question, c'est-à-dire l'option des hypothèques de localisation de la SCHL, c'est quelque chose qui se fait déjà aux États-Unis, comme je l'ai dit, et qui est appuyé par Fannie Mae, la Federal National Mortgage Association. Tout le monde connaît Fannie Mae. Elle approuve aussi cette méthode.

Je crois que certaines villes du Canada l'examinent actuellement. Je pense que c'est le cas de Vancouver, qui tente de devenir la ville la plus verte du Canada.

Cela peut être un outil efficace pour la forme de l'urbanisation. Si l'on peut montrer aux propriétaires de maisons et aux promoteurs qu'il sera financièrement avantageux de vivre à proximité des transports publics et des centres-villes, on constatera une tendance à la densification urbaine. Pour la SCHL, offrir une ristourne ou réduire le coût de l'assurance hypothécaire serait un prix minime à payer. Cela enverrait un signal positif aux fournisseurs privés de capital au secteur de la construction de maisons et d'immeubles. Si cette politique était annoncée avec un minimum de certitude, les entreprises commenceraient à prêter de l'argent à ce secteur sans inquiétude, et à créer ce genre d'instruments.

Vous avez parlé aussi des crédits d'impôt et de la DPA accélérée pour les investissements verts. Si c'était annoncé de manière cohérente, avec un minimum de certitude, on verrait certainement les entreprises investir de cette manière. Par contre, si cela suscite des controverses politiques, l'investissement ne suivra pas. Prenez l'exemple du programme de rénovation énergétique écoACTION. Le programme a été créé, puis il a été annulé, après quoi il a été remplacé par un autre, qu'on a également ensuite laissé disparaître. Je pense qu'il vient d'être ré-annoncé, mais je devrais vérifier. Et tout ça en quatre ans seulement, ce qui crée une profonde incertitude dans l'esprit des entrepreneurs et des propriétaires de maisons. Moi-même, propriétaire de ma maison, je ne l'aurais pas envisagé parce que je ne pensais pas qu'il existait encore. C'est parce que je préparais un document il y a quelques semaines que je me suis mis à faire des recherches pour savoir s'il existait.

Ce qui est fondamental, avec ces deux politiques fédérales, c'est qu'elles peuvent être efficaces si elles sont annoncées sérieusement, c'est-à-dire qu'elles ont un minimum de permanence et qu'il est clair qu'elles ne deviendront pas des sources de controverses politiques. J'espère que le gouvernement les envisagera.

Le sénateur Brown : Je vous remercie de vos témoignages. À la page 5, il y a un graphique sur le rôle municipal dans le changement climatique. On peut y lire que vos membres sont 194 municipalités dont 52 ont adopté un objectif de réduction, 41 ont élaboré un plan d'action local, et 13 l'ont mis en œuvre. On indique également que vous avez 78 p. 100 de la population du Canada et que 41 p. 100 a un objectif d'émissions. Vous avez 34 p. 100 qui élabore un plan local, et 12 p. 100 qui a réellement fait quelque chose. Combien de temps vous donnez-vous pour atteindre 78 p. 100, ou même, pourquoi pas, 100 p. 100 de réduction?

Mme Joseph : Je précise que le rapport Agir sur le terrain contient des informations issues d'un rapport antérieur. Les chiffres ont changé. Par exemple, les 78 p. 100 sont aujourd'hui 80 p. 100 de PPC. C'est dans l'autre mémoire que nous avons envoyé.

Le programme des PPC est un programme dans lequel les collectivités agissent volontairement. Il s'agit de promouvoir des champions. Je veux répondre au sénateur Lang au sujet de ce qui se passe quand il n'y a pas de taxe sur le carbone. Ce qui se passe, c'est que les collectivités disent : « Allons de l'avant quand même ».

Pour vous donner un exemple de ces initiatives, Rivière-du-Loup a obtenu des fonds pour un projet d'exploitation des déchets organiques et d'utilisation des gaz d'enfouissement pour sa flotte de véhicules. Cela lui fait économiser 1,4 million de litres de carburant par an, ce qui représente beaucoup d'argent. Ce que fait la FCM pour faire monter ce chiffre, c'est qu'elle conçoit des programmes de ce genre à l'intention des municipalités et qu'elle leur fournit des informations pour développer leur capacité. Nous avons d'autres exemples de collectivités qui ont décidé d'agir et auxquelles nous avons fourni des fonds. Elles en ont tiré des avantages considérables du point de vue des économies d'énergie et d'argent pour leur population, argent qu'elles peuvent maintenant consacrer à autre chose. Voilà ce qui peut inciter les gens à dire : « Nous voulons ça dans notre collectivité ». Nous améliorons ces chiffres en faisant connaître les succès.

Le sénateur Brown : Je suis vraiment heureux d'apprendre que ce sont des choses volontaires que vous faites.

Hier était la date limite pour donner 400 milliards de dollars à la Grèce afin d'éviter son effondrement. Hier soir, à la télévision, on pouvait lire dans le ruban du bas de l'écran que l'Europe aura besoin de 1,4 billion de dollars pour sauver l'euro.

Je ne connais aucun pays au monde qui ait agi plus rapidement sur le changement climatique et les GES. Le caucus des députés de l'Alberta s'est réuni il y a deux jours. Les sociétés d'électricité étaient là. Le ministre a demandé que les centrales au charbon soient fermées dans les 45 ans suivant le moment où elles ont été construites, au lieu de 55 ans. Les sociétés d'électricité ont formulé une mise en garde en disant que l'Alberta dispose actuellement de l'énergie au charbon coûtant le moins de cents par unité. Si elles ne retirent pas au moins cinq ans de la projection, nous irons jusqu'à 9 $ pour la même quantité. C'est tout à fait effarant. Je pense que tous les membres du caucus ont été effarés par cela. Nous allons faire revenir le ministre cette semaine pour lui demander si nous avons les moyens de fermer des centrales au charbon qui passeront de quelques cents à 9 $. Notre capacité augmente tellement en Alberta que nous aurons peut- être besoin d'autres centrales, et il faut 10 ans pour en construire une.

Le président : Allez-vous poser une question?

Le sénateur Brown : Je pose une question. J'ai posé une question sur le délai. J'explique pourquoi il est si important que le délai soit fait volontairement et non pas par l'intermédiaire du gouvernement ou de qui que ce soit d'autre essayant de pousser ça. Ça rend l'Europe folle — 1,4 billion de dollars contre 400 milliards il y a deux jours. Nous avons de gros problèmes et nous en avons causé beaucoup en essayant de forcer le changement climatique.

Le président : Madame Joseph, voulez-vous intervenir? Vous n'y êtes pas obligée.

Mme Joseph : Un aspect important de notre programme est qu'il est volontaire. Les municipalités ont eu la possibilité de l'expliquer à leur population. Cela leur a permis de faire plus que s'il y avait eu une politique imposée à tout le monde. Aller plus loin comme champions donne aux autres collectivités des exemples qui les encouragent à faire plus.

M. Long : Il est important de savoir que le programme des PPC existe en l'absence d'autres types de politiques ou de leadership. Les municipalités vont de l'avant à ce sujet parce qu'elles constatent que leurs dépenses d'énergie augmentent. Elles constatent l'incidence du changement climatique sur les collectivités locales. En l'absence de règlements fédéraux, ou d'autres types de politiques, elles décident d'agir elles-mêmes.

C'est réellement sur le terrain que les municipalités constatent que l'énergie coûte cher et que l'absence de planification ou d'autres mesures n'est pas sans conséquence. Les municipalités cherchent à combler ce vide et apprennent de leurs pairs quelles sont les meilleures solutions pour créer des collectivités durables qui réagissent au changement climatique.

Le sénateur Brown : J'apprécie tout ce qui se fait pour nous débarrasser de la pollution, et qui se fait volontairement, mais j'ai très peur des règlements gouvernementaux. Je pense qu'ils ont été totalement catastrophiques.

Le sénateur Dickson : Je dois vous féliciter de vos exposés. C'était excellent, et cette discussion est l'une des meilleures que nous ayons jamais eues, en particulier parce que vous êtes dans le même camp que notre vice-président, le sénateur Michell.

Je lisais récemment un article en ligne du Daily Mail du 25 octobre. Il s'agissait de la législation britannique sur le changement climatique. Connaissez-vous bien la politique du nouveau premier ministre, David Cameron?

M. Thompson : Peut-être en partie.

Le sénateur Dickson : Vous auriez peut-être intérêt à l'examiner. Êtes-vous d'accord pour dire que le but des politiques dans ce domaine est de faire face à cette question de soi-disant catastrophique... Vu du Canada, je ne sais pas si je devrais dire réchauffement planétaire catastrophique, mais réchauffement planétaire. C'est de ça qu'il s'agit au fond, n'est-ce pas?

M. Thompson : Oui. J'ai débuté ma carrière en géologie et je me dis que j'aurais dû y rester parce que je pense que je serais un peu plus expert sur le changement climatique que sur le prix des choses.

Nous avons la vaste et écrasante majorité des scientifiques du monde qui nous dit que le changement climatique est réel, qu'il est causé par l'être humain, et que ce sera catastrophique. Et c'est juste au niveau physique. Au niveau économique, nous avons des économistes qui prennent les résultats de cette science et nous disent que ce sera économiquement catastrophique. Il y a consensus, non? En règle générale, nous ne contestons pas ce que nous disent les physiciens sur les particules élémentaires, ou les ingénieurs sur l'aéronautique. Si nous le faisions, ce serait tout à fait idiot.

Je pense que ce qui motive en grande mesure les gouvernements qui agissent maintenant au sujet du changement climatique, que ce soit l'Australie ou le Royaume-Uni, c'est la prise de conscience que les systèmes sont touchés. Ce que nous disent aujourd'hui les climatologues, c'est que nous sommes en plein changement climatique. Ça va se produire. Nous commençons déjà à en voir des symptômes. Ce n'est plus une possibilité théorique à l'horizon de 10 ans. Je crois que ce qui les motive, ce sont les coûts inhérents de l'inaction.

Le sénateur Dickson : Vous ne voulez sans doute pas commenter la preuve scientifique. Avez-vous fait des recherches ou connaissez-vous quelqu'un qui a fait des recherches sur l'effet ou le tort qui résultera du réchauffement planétaire et sur les paramètres de temps dans lesquels cet événement se produira?

M. Thompson : J'ai tendance à ne pas lire la recherche primaire originelle. J'ai tendance à lire des choses comme les revues Science ou Scientific American, qui rassemblent les constatations. Certaines des choses dont on y parle comprennent, d'ici à 50 ans, une perte de l'ordre de 50 p. 100 de la biodiversité. C'est considéré comme une extinction massive équivalant au genre d'extinction qui a mis fin au règne des dinosaures. Ce sont des phénomènes à cette échelle dont on parle. L'échéance est de 50 ans, et on parle de fixer des objectifs de réduction des émissions dans 40 ans. Si ce n'est pas fait d'ici là, nos enfants et petits-enfants connaîtront des jours très déplaisants.

Le sénateur Dickson : Vous devriez peut-être vérifier quelque chose. Le professeur Happer de Princeton vient juste de publier un rapport dans lequel il affirme qu'il est loin d'être évident, considérant les données scientifiques, qu'il y aura ce problème catastrophique.

Pour replacer cela dans le contexte, lorsque le ministre Kent a comparu devant notre comité, il a dit que le Canada est responsable de 2 p. 100 des émissions mondiales. Êtes-vous d'accord avec lui? Diriez-vous que c'est raisonnable?

M. Thompson : Oui.

Le sénateur Dickson : Par coïncidence, le Royaume-Uni est responsable de 2 p. 100 des émissions mondiales. Le fait est que c'est un problème mondial. La Chine et l'Inde sont de grandes causes. Il nous faut obtenir un accord mondial avec les gros émetteurs. Êtes-vous d'accord ou pas d'accord? Peut-être allons-nous trop vite?

M. Thompson : Je conviens absolument qu'il faut une action mondiale. Il n'y a pas vraiment d'autre solution que l'action mondiale. Par contre, si chaque pays reste dans son coin en attendant que les autres commencent, aucun ne fera jamais rien. Le Canada peut s'enorgueillir, sur la scène internationale, d'avoir fait des choses qui n'étaient pas nécessairement dans son intérêt, comme son rôle en maintien de la paix, qui a malheureusement maintenant été jeté par-dessus bord, et aussi son intervention en Europe et son intervention en Afrique. Je veux parler des guerres européennes et de l'aide africaine. Le Canada a fait dans le passé des choses pour le monde, et il peut faire encore quelque chose pour le monde en ce moment, ou simplement attendre en disant qu'il ne fera rien tant que tous les autres n'auront pas fait quelque chose.

Le sénateur Dickson : Vous dites que la collaboration des gouvernements serait très efficace. L'une des choses que notre comité a apprises avec cette étude est qu'il est très important d'éduquer le public, de le tenir tout à fait au courant de la nature du problème, s'il y a un problème. J'aimerais savoir si la Fédération canadienne des municipalités a entrepris des démarches auprès du gouvernement dans le but, au palier municipal, de mettre sur pied un programme d'éducation en coopération avec le gouvernement fédéral et peut-être aussi, qui sait, avec les provinces, pour mettre la population plus ou moins au courant de l'état actuel du problème, s'il est vrai, je le répète, qu'il y a un tel problème.

Le président : Voulez-vous prendre celle-là, monsieur Long?

M. Long : La FCM met en œuvre un large éventail de programmes avec les municipalités, en collaboration avec les ministères fédéraux. Par exemple, notre programme de Partenaires dans la protection du climat, dont a parlé Mme Joseph, comprend divers éléments qui sont entrepris en partenariat avec Ressources naturelles Canada, Environnement Canada et d'autres ministères. L'un des objectifs fondamentaux de la FCM est d'accroître la capacité des collectivités, et je dirais sans hésiter que la FCM est totalement déterminée à mettre en œuvre des programmes dans les collectivités en collaborant avec les ministères fédéraux.

Le sénateur Dickson : La Nouvelle-Écosse est aujourd'hui la province qui a adopté les cibles les plus élevées de réduction des émissions de gaz à effet de serre. Le résultat en est que les gens ne parlent que des effets négatifs de ces cibles sur l'économie, sur le prix de l'électricité, sur l'industrie, et cetera. C'est un très gros problème. Il serait intéressant que vous vous penchiez sur les conséquences négatives de telles mesures. Des moulins à papier ferment leurs portes en Nouvelle-Écosse. Le problème est grave. Les objectifs sont trop ambitieux et le rythme est trop rapide.

M. Thompson : Je peux vous répondre brièvement. La Table ronde nationale sur l'environnement et l'économie a fait de la modélisation à ce sujet, comme d'autres organismes. Jaccard and Associates a aussi fait de la modélisation des effets macro-économiques de la tarification du carbone. Ce qu'on a constaté, c'est que, sans tarification du carbone, le PIB devrait augmenter de 40 p. 100 d'ici à 2020. Avec la tarification du carbone, l'augmentation du PIB devrait se situer entre 37 et 40 p. 100 d'ici à 2020. Ceux qui disent au public que la tarification du carbone nuira à l'expansion économique n'ont pas tout à fait raison. L'incidence à long terme sera relativement triviale. Comme je l'ai dit, les conséquences négatives sont beaucoup plus graves. Je crois que la table ronde a calculé une hausse de 150 p. 100 du PIB d'ici à 2050 sans tarification du carbone, et de 145 à 148 p. 100 avec.

L'effet économique négatif de l'action est très minime, alors que les conséquences de l'inaction à l'échelle internationale sont énormes. Comme vous l'avez dit, cela nous ramène à la nécessité d'une action à l'échelle mondiale, et l'action mondiale exige du leadership.

Le sénateur Brown : D'après vous, quand le changement climatique a-t-il commencé?

Mme Joseph : Selon de nombreuses études, l'augmentation rapide des émissions de CO2 a débuté avec la Révolution industrielle. Toutefois, quel que soit le moment où elle a commencé, ce qui est important du point de vue des municipalités, c'est qu'elles constatent des changements climatiques. Elles constatent de l'érosion côtière et de la fonte du pergélisol. Dans les Territoires du Nord-Ouest, des immeubles s'enfoncent dans le sol.

Quelle que soit la date ou la raison pour laquelle cela a commencé, ce qui compte aujourd'hui, c'est que ça se passe. Ce qui est important, c'est que les émissions de GES ont une incidence sur le climat et que notre niveau d'industrialisation a des conséquences. La question est de savoir si l'on veut se croiser les bras face au problème ou faire quelque chose. Maintes collectivités du Canada confrontées à ces phénomènes ont décidé de passer à l'action, sans se demander quand cela a commencé.

M. Thompson : Au sujet de votre question générale, le changement climatique a toujours existé. Jusqu'à présent, c'était un phénomène naturel. L'opinion actuelle des scientifiques est que l'influence humaine sur le climat a pu débuter il y a aussi longtemps que 8 000 ou 10 000 ans, avec la révolution agricole. Toutefois, comme le disait Mme Joseph, l'ampleur du phénomène d'aujourd'hui remonte probablement à la Révolution industrielle. Des niveaux de CO2 dans l'atmosphère qui étaient stables depuis un millénaire ont soudainement commencé à augmenter, exactement au même moment que l'augmentation des émissions, d'abord du charbon, puis du pétrole.

Le sénateur Brown : Je ne conteste pas les idées concernant le changement climatique. Je suis sûr que le climat change. Vous avez dit que cela a débuté dans la géologie. J'ai à la maison un manuel de géologie où l'on dit que le climat change depuis 18 000 ans.

Je suis à 100 p. 100 contre la pollution. J'habite près de Calgary et, certains jours, on dirait qu'on a pulvérisé du gaz moutarde. Lorsque le vent emporte la pollution, elle va au-delà de Strathmore. Je ne doute absolument pas que la pollution soit mauvaise, et je suis fermement convaincu que nous devrions éliminer la pollution du transport, ce à quoi l'on s'affaire actuellement avec le GNL. Nous entendions l'autre jour un groupe disant qu'il s'efforce de réduire de 30 p. 100 la pollution du transport, ce qui est l'une des principales sources de pollution dans ce pays. Je suis tout à fait d'accord avec ça. Je crois cependant qu'on suscite une sorte de panique sur quelque chose qui n'était peut-être pas aussi mauvais qu'on le pense, surtout si l'on considère que seulement 2 p. 100 de notre masse territoriale est urbanisé. En Alberta, 2,8 p. 100 du territoire est urbanisé. Au Québec, c'est moins de 1 p. 100. Le Québec est une très vaste province.

Le président : Madame Joseph, vous avez parlé dans votre déclaration liminaire de la forme de l'urbanisation. Vous avez dit que l'urbanisation tentaculaire est très mauvaise. C'est un commentaire que j'entends depuis de nombreuses années à la maison car Mme Angus a horreur de l'urbanisation tentaculaire. Quand nous voyageons en campagne, nous ne voyons aucune preuve de planification municipale. Toutefois, je ne sais pas quelle est la définition technique de l'urbanisation tentaculaire, ou de la création de banlieues, ni par quoi on peut la remplacer.

Devrait-on simplement limiter Montréal à l'île de Montréal et ne pas avoir de Rive-Sud? Vous avez raison de dire que Montréal et Toronto sont les pires villes du Canada pour les banlieusards.

Mme Joseph : C'est surtout M. Thompson qui s'est élevé contre l'urbanisation tentaculaire. Celle-ci désigne en fait l'intensité réduite d'une ville. Vous avez beaucoup de services, d'entreprises et de gens dans le centre-ville, et puis vous avez tous ces gens qui ont acheté des propriétés à l'extérieur de la ville, parce qu'elles coûtaient moins cher, et qui font la navette en voiture. Du point de vue d'un gouvernement local, plus les gens sont éloignés, plus leur fournir des services coûte cher. Il se trouve aussi, par coïncidence, que les taxes foncières de ces secteurs sont souvent moins élevées parce que les maisons du centre-ville valent plus. Par conséquent, il faut dépenser plus d'argent pour dispenser des services à des banlieues éloignées qui contribuent moins.

Cela constitue un vrai défi budgétaire pour les municipalités, et beaucoup commencent à s'adapter. Calgary, par exemple, a récemment augmenté ses frais de lotissement, et pourrait le faire encore bientôt. Beaucoup d'autres collectivités font la même chose.

Je crois que la solution à l'urbanisation tentaculaire est l'urbanisation polyvalente. Autrement dit, au lieu de faire une distinction entre le centre et les autres secteurs, il faut faire de ces autres secteurs où les gens veulent habiter des quartiers ayant leur vie propre, où l'on peut aller au restaurant sans être obligé d'aller en ville. Il s'agit de rendre ces collectivités plus vivables au lieu de n'y construire que des logements en forçant les habitants à aller ailleurs pour obtenir des services.

La solution à long terme est de mieux concevoir les quartiers extérieurs de Montréal.

M. Thompson : Je ne sais pas à quoi ressembleraient nos villes s'il n'y avait pas d'urbanisation tentaculaire. Il y a l'exemple européen de villes de densité moyenne où il fait très bon vivre. Ce sont des villes qui se sont développées au cours des 500 dernières années. Quant à savoir si notre avenir ressemblera à cela, je n'en sais rien, mais pourquoi ne pas essayer? Pourquoi ne pas supprimer les subventions que nous accordons à l'urbanisation tentaculaire, ce qui améliorerait les finances des municipalités, en obligeant les lotissements domiciliaires à s'autofinancer, à payer la totalité des coûts? Essayons de voir comment le marché réagira. Essayons de voir ce que ça donnera. Nous savons de toute façon que nous ne pouvons pas continuer comme maintenant.

Le sénateur Banks : Monsieur Thompson, vous et moi habitons à Edmonton. Comme vous l'avez dit il y a un instant, Edmonton a constaté que l'aménagement de 18 de ces nouveaux lotissements très éloignés du centre-ville va lui coûter à long terme des milliards de dollars.

Sommes-nous complètement stupides? Quelle est la justification? Pour quelle raison agissons-nous en dépit du bon sens? Si l'on continue dans cette voie, ça va nous coûter 3 milliards de dollars à long terme, et c'est nous tous qui devrons payer. Faisons autre chose.

Quel est l'argument contraire? À mon avis, c'est parce que tout le monde veut avoir une grande cour et une pelouse, et c'est simplement de la pression quasi politique. Personne n'ose dire qu'on ne peut plus s'étaler, maintenant, et qu'on va devoir construire en hauteur, parce que ça ne serait pas du tout populaire. Tout le monde veut avoir sa pelouse, son garage, son jardin et son barbecue. Est-ce aussi simple que cela?

M. Thompson : Il existe plusieurs théories sur la raison pour laquelle nous effectuons ces mauvais investissements du point de vue municipal. Vous avez évoqué la théorie politique, mais je n'en parlerai pas, même si beaucoup d'autres l'ont fait.

J'ai tendance à être optimiste sur ces choses-là. Mon optimisme me dit que nous ne savions pas en fait quels seraient les coûts et les avantages avant de faire l'étude. C'était la première fois qu'Edmonton étudiait cette question. J'ai l'impression que vous avez lu attentivement le rapport, considérant le chiffre que vous venez de citer.

Le sénateur Banks : Il nous arrive de lire des choses de temps à autre.

M. Thompson : J'ai eu beaucoup de mal à trouver cette étude et je vous félicite de l'avoir trouvée et de l'avoir lue.

C'était la première fois qu'Edmonton se penchait sur le coût réel, ce qui m'a profondément étonné. Quelle autre organisation gérant de l'argent ne se penche pas sur les coûts et bénéfices de ces décisions? C'est incroyable qu'on n'ait jamais fait cela auparavant.

Quoi qu'il en soit, ça se fait maintenant, et j'ai entendu dire que d'autres municipalités veulent faire la même chose. Mon optimisme me fait penser que nous n'avions pas l'information mais que, maintenant que nous l'avons, nous prendrons une décision rationnelle.

Le président : Merci. Le sénateur Mitchell vient de renoncer à avoir le dernier mot.

Sans autre forme de procès, et au nom de tous les sénateurs, je vous remercie, madame Joseph, et vos collègues, messieurs Long et Thompson, de nous avoir fourni ces informations tout à fait édifiantes. Je pense que vous avez pu constater notre intérêt et notre attention. Il est certain que la contribution de la fédération des municipalités est cruciale pour nous. Elle concerne beaucoup d'éléments que nous essaierons d'aborder dans notre rapport.

Nous reprendrons peut-être contact avec vous plus tard. D'ici là, si vous avez des recommandations à faire au sujet de témoins que nous devrions convoquer ou de choses que nous devrions voir, n'hésitez pas à prendre contact avec Mme Gordon.

Cela met fin à la séance. Merci beaucoup.

(La séance est levée.)


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