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ENEV - Comité permanent

Énergie, environnement et ressources naturelles

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent de
l'Énergie, de l'environnement et des ressources naturelles

Fascicule 13 - Témoignages (séance de l'après-midi)


REGINA, le jeudi 8 décembre 2011

Le Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles se réunit aujourd'hui, à 13 h 9, pour étudier l'état actuel et futur du secteur de l'énergie du Canada, (y compris les énergies de remplacement).

Le sénateur W. David Angus (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Bonjour tout le monde. Le Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles poursuit son étude sur l'initiative « Parlons énergie ». Nous sommes aujourd'hui à Regina, en Saskatchewan.

Nous poursuivons notre consultation de la population canadienne sur les enjeux relatifs au secteur de l'énergie dans le but de déterminer une approche précise et efficace que nous pourrions mettre en œuvre dans un cadre stratégique pour faire en sorte de doter le Canada d'une filière énergétique plus verte, plus durable et plus efficace comprenant des sources d'énergie qui ne nuisent pas à l'environnement.

Cela dure depuis deux ans et demi. Dans nos déplacements, nous avons notamment mis l'accent sur l'industrie nucléaire. L'un de nos sénateurs est en fait un ancien directeur de Cameco.

Nous avons un intérêt marqué pour votre société. Nous sommes au courant de vos parts dans Bruce Power et de vos liens avec le milieu nucléaire au Canada. Nous avons visité certaines de vos remarquables installations situées à Darlington même et autour; nous avons aussi vu la production de piles à combustible et nous savons où l'uranium entre en jeu. Nous avons entendu parler de la différence entre les réacteurs dits à eau légère et ceux dits à eau lourde. On pourrait dire que nous sommes des novices en la matière, mais nous possédons certaines connaissances. Certains d'entre nous en savent plus que d'autres, mais nous sommes tous très motivés à mener à bien notre étude.

Nous sommes ravis d'accueillir aujourd'hui deux représentants de Cameco.

M. Grant Isaac est premier vice-président et chef de la direction financière, et M. James Miley est directeur des relations gouvernementales. Je crois comprendre que vous avez préparé un document, dont mes collègues et moi avons une copie. Nous sommes impatients de vous entendre et de peut-être vous poser quelques petites questions.

Vous avez la parole, monsieur.

Grant Isaac, premier vice-président et chef de la direction financière, Cameco Corporation : Merci beaucoup. Nous sommes ravis de vous rencontrer ici dans notre province. Notre siège social se trouve bien entendu à Saskatoon. Cameco est une multinationale, mais la Saskatchewan est vraiment notre chez-nous.

Nous avons préparé un exposé qui se veut davantage un document d'information que vous pourrez conserver. En gros, le message clé est que l'industrie nucléaire connaît une forte croissance dans le monde. De récents événements ont modifié cette croissance; n'empêche que la croissance mondiale de notre industrie demeure très soutenue. Une telle croissance n'a pas été vue depuis les années 1970. Cameco et le Canada sont très bien positionnés pour jouer un rôle clé dans le secteur de l'énergie sur la scène mondiale.

Nous sommes ravis d'être ici pour aborder avec vous l'état actuel du secteur de l'énergie du Canada et plus précisément de l'industrie nucléaire. Je crois savoir que vous avez entendu des représentants de l'Association nucléaire canadienne, l'ANC, en 2010.

Le président : Oui. À plusieurs reprises.

M. Isaac : C'est excellent. Cameco est bien entendu membre de l'ANC. J'occuperai bientôt les fonctions de président de l'ANC. Il s'agit d'un important organisme pour nous vers lequel nous nous tournons beaucoup pour faire preuve de leadership dans notre industrie.

Je vais vous donner un aperçu de Cameco, même si vous avez fait un excellent travail, monsieur le président. Je parlerai d'abord des activités de la société, puis des effets de l'industrie nucléaire au Canada ainsi que des tendances et des défis pour notre secteur à l'échelle mondiale. J'espère arriver à vous expliquer pourquoi les gens continuent de considérer l'énergie nucléaire comme une source d'énergie propre, sécuritaire et fiable et pourquoi le Canada pourrait énormément tirer profit de cette industrie.

Le siège social de Cameco est situé à Saskatoon, et notre société exploite des mines et possède des usines de concentration de calibre mondial dans le Nord de la Saskatchewan et ailleurs dans le monde. Cameco est l'un des plus importants producteurs d'uranium au monde, et cela suscite des débats internes. Selon la manière dont nous le calculons, c'est en fait notre société qui produit le plus d'uranium. Nous avons tendance à seulement tenir compte de ce que nous vendons et non de ce que nous produisons. Si vous regardez seulement notre production d'uranium, c'est notre société qui en produit le plus dans le monde. Comme vous l'avez dit, nous avons aussi des activités de traitement, de raffinage et de production de combustible par l'entremise de nos installations à Blind River et à Port Hope, en Ontario, et nous détenons également le tiers des parts des centrales de Bruce Power.

L'un des éléments dont nous sommes très fiers est que notre société est l'entreprise qui emploie le plus grand nombre d'Autochtones. De nos 3 200 employés, environ le quart des employés sont des Métis ou des travailleurs des Premières nations. Selon nous, cet engagement envers notre responsabilité sociale est fondamental dans la gestion des effectifs, mais pour ce faire il faut développer le milieu, investir dans les collectivités, faire participer les collectivités et renforcer les capacités. Ces cinq piliers mis ensemble démontrent vraiment comment nous comptons développer les collectivités du Nord de la Saskatchewan en laissant notre marque et un héritage qui permettront des occasions d'affaires longtemps après l'épuisement des gisements.

Cameco est une société privée qui évolue dans une industrie nucléaire extrêmement réglementée dominée par une entreprise appartenant à l'État et des sociétés minières massivement intégrées. Pour bon nombre de ces sociétés, l'uranium n'a aucun effet. Nous évoluons dans un milieu étrange. Cameco est la seule société cotée en bourse dans ce secteur, et nous nous retrouvons souvent aux prises avec des exigences de divulgation que nos concurrents n'ont pas. Cela crée donc souvent des situations intéressantes.

Je ne vais pas passer sous silence ce qui est survenu en mars à Fukushima à la suite du tremblement de terre et du tsunami. Fukushima est certainement l'un de nos plus importants clients au Japon. Il s'agissait du deuxième pire accident nucléaire de l'histoire. Au cours des huit derniers mois, tous les exploitants de centrales nucléaires ont évalué la sécurité de leurs installations grâce à des épreuves sous contrainte du point de vue du cadre dans le but d'anticiper les risques uniques relatifs à la région dans laquelle se trouvent leurs centrales et d'examiner ce qui se passerait si de multiples événements catastrophiques survenaient simultanément; c'est évidemment ce qui est arrivé au Japon.

Certaines décisions de suspendre des plans ou de fermer des centrales en service ont reçu beaucoup d'attention sur la scène internationale, et l'Allemagne sort particulièrement du lot. Cependant, en discutant avec nos clients dans le contexte post-Fukushima, il semble qu'il soit davantage question de retarder les plans que de les annuler complètement. Ces retards sont en fait très pertinents. Ces retards pris sous le signe de la prudence se veulent des mesures de précaution pour veiller à ce que les leçons retenues de l'accident de Fukushima soient intégrées au cadre régissant les réacteurs actuels et futurs.

Nous continuons de prévoir une stratégie de croissance très soutenue pour l'industrie nucléaire. Avant les événements de Fukushima, selon nos données confirmées par un certain nombre d'organismes internationaux, on prévoyait la construction de 102 nouveaux réacteurs dans le monde d'ici 2020. Les événements au Japon ont légèrement fait diminuer cette demande. On parle maintenant de 93 nouveaux réacteurs d'ici 2020. Cependant, comme je l'ai dit au début, une telle croissance dans l'industrie nucléaire est du jamais vu depuis les années 1970. En fait, la croissance dans notre industrie au cours des 20 dernières années est venue, en grande partie, de l'augmentation de la productivité et de la capacité des réacteurs déjà en service. Du point de vue de la demande, on dit souvent que les améliorations apportées au cours des 20 dernières années à la fiabilité, à la productivité et à la capacité des 104 réacteurs aux États-Unis équivalent à la construction de 12 nouveaux réacteurs sur le territoire américain. En grande partie, la croissance s'est faite en améliorant les réacteurs déjà en service. Nous avons maintenant une véritable croissance nette en vue pour 2020, ce que nous n'avons pas vu depuis belle lurette dans notre industrie.

Le président : Parmi les 93 nouveaux réacteurs prévus, combien y en aura-t-il aux États-Unis?

M. Isaac : Aux États-Unis, selon nos prévisions, il y en aura quatre, mais nous sommes en fait très prudents à ce sujet. La construction de deux de ces quatre réacteurs — les réacteurs de Bellefonte et de Watts Bar — a débuté à la fin des années 1970 dans le cadre du programme de construction, mais le tout a été annulé après l'accident à la centrale de Three Mile Island. Les responsables ont maintenant autorisé la poursuite des travaux; la construction de ces deux réacteurs est à mi-chemin. Les deux autres entreprises du sud des États-Unis ont obtenu l'autorisation de la NRC de construire deux nouveaux réacteurs, et elles entament leur projet. Il y a eu d'autres annonces, mais nous n'en tenons pas compte dans notre analyse de la demande. Nous sommes dans l'industrie depuis suffisamment longtemps pour savoir qu'il ne faut pas considérer chaque annonce comme une demande potentielle.

Le président : Il y en aura donc quatre aux États-Unis, ce qui veut donc dire que 89 nouveaux réacteurs seront construits ailleurs dans le reste du monde au cours des neuf prochaines années. Est-ce exact?

M. Isaac : Oui.

Le président : Dans quels pays seront-ils construits?

M. Isaac : Cette information se trouve dans le document.

La Chine est le pays où la croissance est la plus importante. La Chine compte actuellement 13 réacteurs en service. Il y en a 27 autres en construction, et 20 autres projets sont à l'étude. Dans bien des cas, les autorités rajouteront un ou deux réacteurs à une centrale existante. Par exemple, on pourrait construire les réacteurs sept et huit pour obtenir une centrale à huit réacteurs. La préparation des terrains a commencé pour bon nombre de ces 20 nouveaux réacteurs.

Outre la Chine, on retrouve des pays comme la Corée du Sud, qui n'a jamais vraiment mis un frein à son programme de construction de réacteurs. L'Inde est aussi très active dans ce domaine. Nous prévoyons la construction de 26 réacteurs additionnels d'ici 2030 en Russie. Les Russes exportent maintenant aussi leur technologie de calibre mondial. Ils construisent actuellement quatre des nouveaux réacteurs en Inde et cherchent d'autres marchés auxquels vendre des réacteurs.

La grande majorité de la demande vient d'endroits qui cherchent encore à mettre en place une source d'énergie de base fiable qui sera le fondement d'un système de soins de santé, d'un système d'éducation ou d'un réseau de transport. Dans bien des cas, ces endroits cherchent une source d'énergie de base pour des secteurs à forte densité de population. La demande ne vient pas d'endroits qui souhaitent augmenter la capacité de leur réseau électrique.

À la page 3, on peut voir certaines tendances dont nous avons parlé. La courbe qui est indéniablement à la hausse est la croissance de la demande en énergie. Cette demande a triplé depuis les années 1980, et on prévoit qu'elle doublera d'ici 2030. De nombreux produits et de nombreuses industries se trouvent dans une période économique incertaine et instable, mais la tendance dans ce secteur est certainement à la hausse. Je suis persuadé que vous avez entendu ce message à maintes reprises au cours de vos récents déplacements.

Bien entendu, la plupart des pays souhaitent adopter une approche diversifiée relativement à la croissance de la demande en énergie en mettant l'accent sur la sécurité et les énergies vertes. Nous avons évidemment constaté que les énergies vertes déclinent selon les circonstances économiques, mais les fondements des cadres décisionnels concernant les énergies vertes demeurent. Étant donné ces défis, l'énergie nucléaire est encore une source d'énergie clé dans la filière énergétique prévue de beaucoup de pays.

Comme je l'ai dit, depuis mars, la demande en énergie n'a cessé de croître. Des termes comme « fiable », « de base » et « propre » continuent d'être utilisés dans les portefeuilles de l'énergie partout dans le monde. On prévoit aussi que la demande en énergie nucléaire et en uranium augmentera considérablement, mais à un rythme un peu moins rapide qu'avant les événements de Fukushima.

Même si nous avons beaucoup entendu parler du Japon, de la Chine et de la Suisse, la réalité demeure que la plupart des pays ont affirmé leur appui à l'industrie nucléaire, et certaines parties du monde étendent considérablement leur programme nucléaire. La Chine en est un bon exemple. Son économie émergente, ses inquiétudes relativement à la pollution atmosphérique et ses importations d'énergie motivent ce pays à atteindre une production de 60 à 70 gigawatts d'électricité d'origine nucléaire d'ici 2020; cette production devrait encore doubler d'ici 2030. Elle se situe actuellement à 12 gigawatts.

Les inspections de sécurité qui ont été lancées en Chine à la suite de l'accident de Fukushima sont maintenant terminées, et les travaux se poursuivent sur les 27 nouveaux réacteurs qui étaient en construction en Chine avant cet accident.

Le programme nucléaire russe prend également de l'ampleur. Étant donné que les Russes devront remplacer leur parc nucléaire vieillissant, ils prévoient construire 26 nouveaux réacteurs d'ici 2030, dont 11 qui sont déjà en construction et qui devraient entrer en service d'ici 2016.

En Inde, la demande en électricité augmente rapidement en raison d'une croissance économique soutenue. Le gouvernement indien a d'ambitieux plans en ce qui concerne ses centrales nucléaires. Il souhaite atteindre une production de 20 gigawatts d'ici 2020 et de 48 gigawatts d'ici 2030. Les centrales indiennes ne produisent actuellement que cinq gigawatts.

La Corée du Sud, qui dépend actuellement beaucoup des importations d'énergie, prévoit aussi accroître son programme nucléaire. Cinq réacteurs y sont actuellement en construction, et les autorités souhaitent produire au moins 40 gigawatts d'électricité d'origine nucléaire d'ici 2030.

Nous vous avons présenté les pays où nous croyons que la croissance se produira en grande partie, mais cela ne se veut aucunement une liste exhaustive des pays regardant du côté de l'énergie nucléaire pour produire de l'électricité. Bien d'autres pays étendent leur programme nucléaire ou le maintiennent. Je pense aux États-Unis, au Royaume-Uni et à l'Afrique du Sud. Je serai heureux de parler plus en détail de la situation dans ces pays si vous le souhaitez.

Il est très intéressant de noter le nombre de pays qui ont affirmé vouloir ajouter l'énergie nucléaire à leur filière énergétique. Nous ne considérons pas encore ces annonces comme des demandes en bonne et due forme, parce qu'elles sont loin d'être concrètes, mais il s'agit de données éloquentes pour nous.

Les Émirats arabes unis possèdent quatre réacteurs. Ils prévoient en construire d'autres. Dans deux cas, la préparation des terrains a déjà commencé. Ils ont choisi un vendeur, et il s'agit de la Corée du Sud, ce qui crée une dynamique intéressante. Les Émirats arabes unis regardent actuellement du côté du marché à long terme de l'uranium et cherchent à se procurer les premiers cœurs pour leurs réacteurs.

Une autre annonce intéressante a été faite par l'Arabie saoudite. Les autorités projettent de construire 16 réacteurs d'ici 2030; elles souhaitent ainsi essayer d'arrêter de consommer les réserves de pétrole du pays pour produire de l'électricité en optant pour l'énergie nucléaire.

D'autres pays ont fait des annonces, notamment la Turquie, l'Égypte et plus récemment le Vietnam. Encore une fois, nous n'en tenons pas encore compte dans notre évaluation de la demande. Le Vietnam prévoit construire 10 nouveaux réacteurs pour subvenir à la demande en énergie qui monte en flèche dans ce pays.

On entend souvent la même question : pourquoi les pays se tournent-ils encore vers l'énergie nucléaire pour subvenir à leurs besoins en énergie? Par exemple, en Chine, on investit massivement dans l'énergie éolienne et l'énergie solaire, mais il reste tout de même un déficit énergétique considérable à combler. La croissance démographique dans les pays en développement et un développement économique rapide et continu risquent d'avoir des répercussions sur la croissance soutenue de ces régions en développement. Les changements climatiques sont une menace qui pèse sur toute la planète. À l'échelle mondiale, on se préoccupe de plus en plus de la qualité de l'air, qui s'avère déjà un grave problème dans bien des grandes villes en développement. Les gouvernements cherchent des solutions pour répondre à la demande croissante en énergie, et leurs citoyens sont de plus en plus soucieux de l'environnement. Même dans le contexte post-Fukushima, c'est évident que nous cherchons des sources d'énergie plus vertes, comme l'énergie nucléaire. Dans bien des pays, l'énergie nucléaire s'avère déjà la seule option pour produire suffisamment d'énergie de base additionnelle sans émettre de gaz carbonique.

Étant donné que l'industrie nucléaire a un effet sur l'environnement, nous sommes conscients qu'il faut continuellement mettre l'accent sur la protection de l'environnement et la propreté des activités durant l'ensemble du cycle du combustible nucléaire. N'empêche qu'en comparant notre empreinte environnementale à celle des autres façons de produire de l'électricité, nous constatons souvent que l'énergie nucléaire fait très bonne figure.

Par exemple, en juin 2010, les centrales nucléaires ontariennes ont produit 58 p. 100 de l'électricité utilisée en Ontario. Si l'électricité produite par les centrales nucléaires au Canada était produite par des centrales alimentées au charbon, 90 millions de tonnes additionnelles de dioxyde de carbone seraient rejetées annuellement dans l'atmosphère. Les émissions canadiennes d'oxyde d'azote et de dioxyde de soufre augmenteraient également d'environ 10 p. 100; ces composés sont bien entendu responsables des pluies acides.

Il est aussi important de tenir compte de l'empreinte des installations. Bruce Power, un partenariat dont nous faisons partie, possède actuellement huit centrales nucléaires en Ontario qui, lorsqu'elles sont toutes en service, peuvent produire 6 300 MW. Les réacteurs peuvent produire suffisamment d'électricité pour subvenir à 20 p. 100 des besoins en énergie de l'Ontario avec une empreinte de 9,3 km2. Nous avons fait des comparaisons dans le document. Si nous prenons par exemple la turbine typique de 2,5 MW utilisée dans l'industrie éolienne, il en faudra 2 520 pour produire 6 300 MW d'électricité. Si une telle turbine nécessite en moyenne 60 acres pour produire un mégawatt d'électricité, il faudra un parc éolien de 1 530 km2 pour produire 6 300 MW. Il ne faut surtout pas non plus oublier que l'énergie éolienne est intermittente et ne fonctionne que s'il vente. De plus, cette source d'énergie n'a pas tendance à être considérée comme une source d'énergie de base très fiable.

Dans le même ordre d'idées, s'il faut 7,4 acres de panneaux solaires photovoltaïques pour produire 1 MW d'électricité, il faudra 189 km2 pour produire 6 300 MW d'électricité. Encore une fois, je me dois de vous rappeler que cette source d'énergie est intermittente et fonctionne seulement quand il fait soleil. Le stockage pose également problème avec l'énergie solaire.

Nos clients, qui sont les plus importants services publics dans le monde, évaluent souvent la possibilité d'inclure l'énergie nucléaire dans leur filière énergétique. Ils examinent les diverses sources d'énergie. Nous savons comment ils procèdent à leurs évaluations et comment ils prennent leurs décisions en ce qui a trait à l'énergie; nous savons qu'ils sont soucieux de l'empreinte environnementale.

On comprend rapidement pourquoi il est impossible de subvenir aux besoins énergétiques croissants des villes connaissant un boom démographique, comme Beijing et New Delhi, en ayant recours à l'énergie solaire ou à l'énergie éolienne. Si ce n'est pas impossible, cela représente un défi incommensurable.

L'énergie nucléaire produit très peu de déchets. Après avoir utilisé durant un demi-siècle l'énergie nucléaire au Canada, nous avons accumulé environ 40 000 tonnes de déchets, soit une quantité de déchets à peine suffisante pour remplir un terrain de soccer à la hauteur d'un homme adulte moyen. Dans l'avenir, la majorité du combustible épuisé pourra être retransformé en combustible nucléaire, ce qui réduira la quantité finale de déchets nucléaires à une petite fraction de ce que nous avons actuellement.

La quantité de combustible épuisé est très petite, précisément parce que la fission nucléaire est une source d'énergie très efficace. Il suffit de 30 g d'uranium naturel pur pour produire autant d'énergie que 677 litres de pétrole, 807 kg de charbon ou 476 m3 de gaz naturel.

Contrairement à ce que les gens croient, personne n'est décédé des suites d'une radioexposition à Fukushima. Au Canada, personne du public n'a été blessé par la radiation émanant des centrales ou des déchets nucléaires. Je devrais peut-être aussi préciser que personne n'a été blessé par la radiation dans les gisements de minerai à forte teneur dans le Nord de la Saskatchewan, gisements que nous exploitons.

Même l'empreinte environnementale des mines d'uranium au Canada est extrêmement faible. Je ne sais pas si vous avez eu l'occasion de visiter une mine d'uranium du Nord de la Saskatchewan, mais on entend souvent les gens dire à quel point la mine est étonnamment petite lorsqu'on la survole. Le rendement annuel de la mine McArthur River, notre mine phare, est suffisant pour subvenir à 7 p. 100 de la demande totale en énergie des États-Unis; cette mine a pourtant une empreinte environnementale de moins d'un mille carré.

Le Canada est depuis longtemps un chef de file dans le domaine de la technologie et des sciences nucléaires. En plus des énergies non polluantes, le Canada a également beaucoup contribué à la recherche nucléaire, ce qui a eu des effets marqués sur l'agriculture, la sécurité alimentaire, les traitements pour le cancer, l'approvisionnement médical et une panoplie d'autres industries. Le gouvernement canadien a un rôle à jouer pour s'assurer de maintenir sa position de chef de file dans une industrie qui offre directement et indirectement plus de 71 000 emplois au Canada.

Lorsque le débat sur l'oléoduc Keystone a soulevé les passions cette année, on disait que le Canada était une nouvelle superpuissance dans le domaine de l'énergie. Même si les sables bitumineux canadiens attirent toute l'attention, l'uranium de Cameco éclaire une maison sur 16 aux États-Unis, et la grande majorité de cet uranium provient du sous-sol canadien.

En ces temps économiques incertains, le Canada a aussi mis l'accent sur la diversification de ses débouchés extérieurs, particulièrement en raison des difficultés économiques continues que vivent les États-Unis. De plus en plus, le Canada se tourne vers les marchés asiatiques émergents, notamment la Chine, l'Inde et le Vietnam, pour compenser les pertes enregistrées en raison de l'économie américaine vacillante et pour répondre à un ardent désir de ne plus dépendre d'un seul partenaire commercial.

Avec son expertise, son bilan en matière de sécurité et ses vastes réserves d'uranium, le Canada est très bien positionné pour exporter vers les nouveaux marchés friands d'énergie de la technologie et du combustible nucléaires. Nous avons le moyen de diminuer considérablement les émissions mondiales de CO2 par la même occasion, mais il faudra pour ce faire une volonté politique, étant donné que c'est le gouvernement fédéral qui est chargé de conclure des accords bilatéraux de coopération nucléaires avec les autres pays.

Dans notre industrie, le plus important est de conclure des accords de coopération nucléaire qui nous permettent d'exporter l'uranium canadien vers les marchés dont la demande en énergie croît rapidement. Voilà le principal obstacle qui empêche les exportations nucléaires d'atteindre des niveaux encore plus élevés. La demande est présente en dépit de la situation économique mondiale; le Canada doit simplement saisir les occasions qui se présentent, sinon d'autres le feront; certains le font même déjà.

Au Canada, l'énergie nucléaire sert bien les Canadiens depuis de nombreuses années; nous avons beaucoup à gagner dans l'avenir d'un engagement gouvernemental renouvelé à cet égard. Plusieurs collectivités canadiennes pourraient en bénéficier, mais la sensibilisation demeure la clé pour obtenir le soutien du public.

L'innovation la plus intéressante est peut-être la technologie de la prochaine génération de petits réacteurs. Cette nouvelle technologie nous permettra de produire de l'électricité pour alimenter les petites régions rurales ou éloignées, y compris les collectivités et les industries éparpillées dans le Nord canadien.

L'industrie nucléaire est régie par l'un des cadres réglementaires les plus stricts au monde; lorsque les faits sont présentés et examinés objectivement, le bilan de notre industrie parle de lui-même.

En terminant, j'aimerais dire que nous avons foi en l'avenir de l'industrie nucléaire et nous nous préparons à une croissance mondiale soutenue. Cependant, nous croyons aussi qu'il faut prendre les leçons tirées des événements de Fukushima et les mettre en pratique dans nos centrales pour rendre l'énergie nucléaire encore plus sécuritaire, plus propre et plus fiable qu'elle ne l'est actuellement.

Cameco souhaite être un fournisseur sécuritaire, propre et fiable de combustible nucléaire pour encore des années à venir. Nous pensons que le Canada devrait continuer de considérer l'énergie nucléaire comme une composante clé de sa filière énergétique, de voir à une meilleure compréhension de l'énergie nucléaire et de soutenir l'expansion de notre industrie dans le monde.

Merci de votre temps et de votre intérêt. Je répondrai avec plaisir à vos questions.

Le président : Merci beaucoup, Grant.

Votre exposé se veut un appui marqué à l'industrie nucléaire, ce qui se veut aussi, je présume, indirectement un appui à la production d'uranium. À la page 9, vous dites que « L'innovation la plus intéressante est peut-être la technologie de la prochaine génération de petits réacteurs. Cette nouvelle technologie nous permettra de produire de l'électricité pour alimenter les petites régions rurales ou éloignées, y compris les collectivités et les industries éparpillées dans le Nord canadien. » Des représentants de SaskPower nous en ont brièvement parlé ce matin. En visitant les diverses installations de Chalk River, de l'OPG ou de Bruce Power, nous n'avons pas vraiment entendu parler de ces petits réacteurs nucléaires, de ces mini-réacteurs. Il y a un nom pour de tels réacteurs. Pourriez-vous brièvement nous en parler davantage? Comme vous l'avez dit, le Nord canadien est une région clé, et les gens doivent se servir de carburant diesel. Je crois comprendre que des mini-réacteurs pourraient être mis dans un caisson en béton, transportés et enterrés dans le Nord canadien. Les gens auraient ainsi accès à une source d'énergie. Cela doit coûter une fortune et présenter de nombreux obstacles. J'aimerais vraiment vous entendre sur le sujet.

M. Isaac : Certainement.

C'est une possibilité intéressante, parce que les petits réacteurs nous permettraient d'avoir accès à une source d'énergie modulaire. Pour vous aider à comprendre le concept, je dirai qu'un tel réacteur ressemble à une grosse pile que nous installons là où il y a des besoins en énergie. Lorsque la pile est épuisée, il suffit de la remplacer. Nous déterrons le mini-réacteur épuisé, ou peu importe comment il est installé, puis nous le remplaçons par un nouveau réacteur.

Je ne veux pas vous induire en erreur en disant que c'est une « nouvelle technologie ». En fait, nous retrouvons environ 1 200 réacteurs dans le monde. Il y en a environ 430 qui produisent de l'électricité à des fins commerciales; les autres sont en fait de petits réacteurs. Il s'agit de réacteurs de recherche. Vous avez mentionné Chalk River. L'université possède un tel réacteur : le réacteur SLOWPOKE. Des réacteurs nucléaires alimentent aussi des navires militaires de grande taille, des sous-marins et des porte-avions.

La technologie pour construire des petits réacteurs existe déjà. On s'en sert partout dans le monde. L'objectif est de prendre cette technologie et de l'intégrer au réseau électrique. Des entreprises japonaises ont fait part de leur intérêt à ce sujet, et je crois savoir que les responsables de SaskPower discutent actuellement avec des entreprises comme Toshiba et Babcock & Wilcox.

En tant que client industriel important du Nord de la Saskatchewan, ces réacteurs nous semblent une option intéressante. Les lignes électriques doivent s'étendre du sud-est de la province jusqu'au nord pour alimenter en électricité nos sites. Nous en sommes témoins quotidiennement; nous voyons les coûts liés au transport du carburant diesel et du propane, et nous en constatons aussi les effets indirects. Il s'agit d'une possibilité intéressante non seulement pour les industries et les collectivités éloignées du Canada, mais aussi bien honnêtement pour toute la planète.

Le sénateur Sibbeston : Je viens des Territoires du Nord-Ouest; je suis donc à même de comprendre à quel point les collectivités du Nord canadien pourraient bénéficier de tels réacteurs qui produisent de l'électricité. Selon vous, dans combien d'années cela pourrait-il devenir une réalité?

M. Isaac : Je dois d'abord préciser que je ne suis nullement un spécialiste en la matière. Je surveille évidemment l'industrie du point de vue des investissements et aussi du point de vue de Cameco.

Il y a actuellement de nombreuses barrières, y compris des barrières technologiques, mais il y a aussi la question des autorisations. Aucun gouvernement n'a encore délivré d'autorisations à ce sujet. L'octroi des autorisations dans l'industrie nucléaire prend beaucoup de temps et avec raison. Nous pourrions rapidement constater d'énormes écarts; certains diront que nous ne sommes qu'à deux ou trois ans de l'homologation d'un prototype, alors que d'autres affirmeront que nous devrons encore attendre des décennies. Nous retrouvons actuellement cet égard dans le marché.

Certaines entreprises très sérieuses s'intéressent à la technologie. J'ai mentionné Toshiba et Babcock & Wilcox. Ces sociétés présentent une feuille de route solide en ce qui concerne la commercialisation fructueuse de nouvelles technologies et elles semblent prêtes à aller de l'avant. Plus important encore, il semble y avoir des facteurs d'attraction. Il semblait que des gouvernements soient prêts à octroyer des autorisations en ce qui concerne la technologie des petits réacteurs. Voilà une bonne combinaison, et voilà probablement une condition essentielle au succès, mais je crois tout de même que nous devrons probablement encore attendre une décennie avant de voir le tout se concrétiser.

Le sénateur Mitchell : Vous êtes très optimiste en ce qui concerne le potentiel et l'avenir de l'énergie nucléaire. Quel pourcentage du combustible nucléaire mondial Cameco produit-elle ou fournit-elle?

M. Isaac : Notre production d'uranium représente 16 p. 100 de la production mondiale.

Le sénateur Mitchell : Vous prévoyez une progression du marché; vous attendez-vous aussi à ce que votre part augmente?

M. Isaac : Oui.

Dans notre document, nous avons parlé des effets des événements de Fukushima sur la demande; nous prévoyions qu'un peu plus de 100 nouveaux réacteurs seraient construits d'ici 2020. Ce chiffre est maintenant à 93. La courbe de la demande a évidemment bougé un peu. Cela ne fait aucun doute. En plus des réacteurs condamnés de la centrale de Fukushima Daiichi, quelques programmes nucléaires seront annulés, ce que nous n'avions pas prévu avant les tragiques événements. La courbe de la demande a évidemment été modifiée, mais la courbe de l'offre l'a également été.

Dans notre industrie, il faut une décennie pour mener à terme un nouveau projet d'uranium. Cela prend 10 ans, parce que les obligations en ce qui a trait aux autorisations et aux règlements sont très strictes et avec raison à certains égards. Cela demande une planification à long terme, et les décisions prises dans le présent contexte économique retardent ou suspendent en fait des projets de mise en valeur. À une certaine époque avant les événements de Fukushima, nous nous attendions à ce qu'il y ait beaucoup plus de joueurs sur le marché en concurrence avec nous. Il semblerait que la modification de la courbe de l'offre soit égale ou supérieure à celle de la courbe de la demande.

Dans ces circonstances, la tension sur le prix augmente au lieu de décroître; cela crée une occasion très intéressante pour des pays, comme le Canada, qui possèdent de très importantes réserves, qui exploitent déjà les ressources et qui ne remplissent pas le marché de demandes à prix fort comme le font d'autres pays. En fait, les projets dans ces autres pays sont, comme je l'ai mentionné, retardés ou suspendus au-delà de 2020. Nous sommes optimistes, parce que le prix sera fixé par l'offre et la demande; dans le contexte post-Fukushima, on constate une diminution tant de l'offre que de la demande.

Le sénateur Mitchell : Bien sûr, on est en concurrence avec les combustibles fossiles qui ont des effets externes dont on ne connaît pas les prix. Il est clair que le prix du carbone permettrait tout au moins de résoudre ce problème. Avez- vous adopté une position officielle sur la question du prix du carbone ou êtes-vous un agnostique?

M. Isaac : Je crois que l'engagement de notre secteur au niveau de la gestion du cycle de vie est l'un des plus fermes qui puisse exister. L'industrie de l'énergie nucléaire peut rendre compte de tous les matériaux qui ont été utilisés dans un réacteur. L'idée n'est pas d'extraire l'énergie du sol, de l'utiliser et de l'émettre dans l'atmosphère. L'ensemble du cycle de vie est géré depuis le commencement de la production d'énergie électrique. De ce point de vue, je pense que le secteur de l'industrie nucléaire a toujours déclaré que si les autres secteurs géraient l'ensemble du cycle de vie de la même façon, la perspective de la politique énergétique serait différente. La fixation des prix du carbone serait — il me semble que l'industrie l'a déjà dit — similaire à ce que nous faisons pour gérer les déchets. Sur le plan conceptuel, le principe serait le même.

La concurrence avec les combustibles fossiles est un problème qui touche vraiment les pays qui n'ont pas un fort taux de croissance et où la croissance de l'énergie nucléaire est incrémentale. Par exemple, nous avons évoqué les quatre réacteurs en construction aux États-Unis. L'aspect économique de la construction de nouvelles centrales aux États- Unis sera, dans le proche avenir, toujours remis en cause en raison de la présence du gaz de schiste. Cependant, dans les pays qui connaissent une forte croissance, les perspectives économiques offertes par les combustibles fossiles sont tout simplement absentes. Les perspectives de croissance sont importantes pour les pays d'Amérique du Nord; pour ceux de l'Europe occidentale dans une certaine mesure; mais la situation est différente en Chine, en Corée du Sud et en Inde.

Le président : Je ne peux m'empêcher de noter que le jour où le tsunami a frappé Fukushima, les actions de votre société valaient environ 32,50 $ et qu'elles sont aujourd'hui à 18 dollars. Cela reflète-t-il bien les changements du marché que vous avez décrits?

M. Isaac : Je vais répondre comme le ferait un agent des relations avec les investisseurs. Nous travaillons dans un secteur où 90 p. 100 du matériau sont liés par des contrats à long terme. Notre production est pratiquement entièrement vendue jusqu'en 2016. Nous avons les clients, les ventes sont faites, il ne nous reste qu'à extraire le minerai du sol. Par conséquent, non, ce que vous citez ne reflète pas exactement les données économiques fondamentales du secteur.

Le président : D'accord. C'est quelque chose d'intangible...

M. Isaac : Oui, absolument.

Le président :... et un manque de confiance à long terme sur le fait que vous avez déjà assuré vos profits et tout le reste.

M. Isaac : Oui. Nous avons immédiatement déclaré que bien que cet événement soit une catastrophe pour l'industrie, il fallait étudier très attentivement les informations que nous divulguons parce que notre point de vue n'a pas changé précisément en raison de nos contrats à long terme qui sont à la base des décisions capitales que nous prenons. Ces contrats sont le fondement de notre croissance et de nos recettes, cet état de fait existe toujours. Je vous dirais que notre société est actuellement extrêmement intéressante pour les investisseurs.

Le président : Nous nous sommes un peu écartés du sujet de notre étude. C'est de ma faute. Le sénateur Neufeld peut peut-être nous remettre dans le sujet.

Le sénateur Neufeld : C'est une discussion intéressante.

Tout d'abord, quelle est la taille des quatre centrales aux États-Unis?

M. Isaac : Les deux centrales dont la construction a commencé à la fin des années 1970, au début des années 1980, sont nos centrales de 800 mégawatts.

Southern Company construit deux nouvelles centrales de 1 000 mégawatts à Plant Vogtle, en Géorgie. En règle générale, notre industrie utilise souvent des centrales de 1 000 mégawatts, c'est-à-dire des centrales typiques à eau légère. À sa mise en service, la centrale de 1 000 mégawatts nécessite 1,5 million de livres d'uranium pour une première quantité de combustible. Elle consomme un tiers de cette quantité la première année et il faut donc changer chaque année un tiers. Il faut 1,5 million de livres d'uranium la première année, puis 500 000 livres d'uranium pour chaque année qui suit. La demande mondiale actuelle est d'environ 175 millions de livres d'uranium. En 2020, elle s'élèvera à 225 millions de livres d'uranium.

Fait intéressant dans notre industrie, nous ne produisons globalement que 140 millions de livres d'uranium frais. Le reste est fourni actuellement par des fournisseurs secondaires. La majeure partie de ces approvisionnements secondaires est constituée d'uranium très enrichi qui provient du programme appelé « Des mégatonnes aux mégawatts » qui est le programme de désarmement nucléaire en Russie. Cet uranium est converti en uranium faiblement enrichi et est vendu dans le marché américain. En termes d'extraction, cela représentait une exploitation minière de 400 millions de livres produisant 24 millions de livres annuellement et qui a été importante pour combler l'écart entre la production primaire la demande durant la dernière décennie. Ce matériau ne sera plus commercialisé dès la fin de 2013.

Le sénateur Neufeld : Vous avez dit que le gaz de schiste était, pour vous, un facteur de concurrence dans vos relations avec les États-Unis. Ça devrait être le charbon, n'est-ce pas? Je veux dire que les États-Unis détiennent probablement les plus grandes réserves de charbon au monde. C'est ce que nous ont déclaré récemment les représentants de SaskPower compte tenu des énormes réserves de charbon de la Saskatchewan dont j'étais au courant. Ils n'ont pas mentionné le gaz de schiste, or, vous en avez parlé. Le gaz de schiste est une donne tout à fait nouvelle.

M. Isaac : Oui.

Le sénateur Neufeld : Nous parlons de quelque chose qui s'est passé probablement durant ces dix dernières années.

M. Isaac : Oui.

Le parc nucléaire américain compte 104 réacteurs. Nous travaillons avec tous les services publics qui ont des réacteurs nucléaires. Ils font tous partie de notre clientèle. Lorsque nous leur demandons quelles décisions ils ont prises à long terme, beaucoup de ces services publics nous disent qu'ils ne sont pas seulement des centrales nucléaires. Souvent, ils exploitent des centrales au charbon, des usines à gaz et parfois des centrales hydroélectriques. Nous leur demandons toujours : Comment prenez-vous, en tant que service public, vos décisions en matière de politique énergétique? Au cours des deux dernières années, nous avons constaté que les services publics américains considèrent d'abord et avant tout le gaz de schiste avant de prendre des décisions concernant de nouvelles énergies. Je ne peux que déduire que le charbon leur pose des problèmes qu'ils n'ont pas avec le gaz de schiste. Ce qu'ils nous disent régulièrement, c'est que lorsqu'ils étudient l'aspect économique de nouvelles installations nucléaires, ils se rendent compte que le grand concurrent est le gaz de schiste.

Le sénateur Neufeld : Je vous remercie de cette explication. Ce sont donc de bonnes nouvelles pour les régions productrices de gaz de schiste. J'aimerais bien savoir si cela est vrai.

Vous avez aussi parlé des déchets et de l'empreinte sur le terrain. Je vous prie de m'excuser car je ne connais pas les techniques d'extraction de l'uranium. L'extraction se fait-elle sous terre? Voilà qui nous ramène à ce que vous avez dit, soit que la perturbation ne touchait que deux ou trois hectares de terrain en surface. Vous pouvez dire cela parce que l'extraction se fait sous terre, n'est-ce pas?

M. Isaac : Oui.

Le sénateur Neufeld : Parce que sous terre, la superficie doit être bien plus grande?

M. Isaac : Non, en fait elle ne l'est pas. Nous respectons les limites du bail minier, même en profondeur.

Le sénateur Neufeld : Est-ce une superficie de neuf kilomètres carrés?

M. Isaac : D'un kilomètre carré. Nous avons une très petite superficie au sol au Nord de la Saskatchewan. Ce sont des gisements à forte teneur.

Il y a trois méthodes d'extraction de l'uranium. Une méthode consiste à creuser sous terre à la recherche des gisements à teneur élevée. Il n'y a pas vraiment de gros gisements. L'uranium est un minerai mesuré en livres, pas en tonnes. Ce qui est une quantité insignifiante par rapport aux quantités extraites dans beaucoup d'autres exploitations minières.

La deuxième méthode d'extraction de l'uranium est la récupération en place. On cherche un bon gîte d'uranium dans des grès et il n'est pas nécessaire de creuser sous terre. On injecte dans le sol du bicarbonate ou de l'acide sulfurique. On dissout la roche, on récupère la boue et on précipite l'uranium. Ce n'est même pas vraiment de l'exploitation minière; ça ressemble plus à de la plomberie.

La troisième méthode est l'exploitation à ciel ouvert, à l'aide d'un camion et d'une pelle, quand l'uranium est à très faible teneur et en grandes quantités.

Cameco n'utilise aucune de ces méthodes. Nous n'avons pas fait d'exploitation à ciel ouvert depuis l'épuisement du gisement du lac Key il y a 20 ans. Nous nous limitons à l'exploitation de gisements à forte teneur et à la récupération en place. Ces deux techniques d'extraction ont un impact environnemental très minime. En fait, si vous visitez l'une de nos mines où l'on fait de la récupération en place que ce soit aux États-Unis ou au Kazakhstan, vous ne verrez aucune galerie souterraine. Vous verrez un champ où se trouvent une pile de petites boîtes, quelques tuyaux souterrains qui relient la boue à la principale installation de traitement, et voilà l'étendue de la perturbation.

Le sénateur Neufeld : J'ai une dernière question qui porte sur les déchets. Disons-le franchement, le public a un peu peur du nucléaire, vous le savez aussi bien que moi, qu'il s'agisse d'une génération de navires ou quoi que ce soit de similaire. On m'a donné des chiffres sur la grande quantité de déchets produits au Canada, ceux qui proviennent de l'utilisation des réacteurs CANDU. Je ne connais pas la terminologie et je ne sais pas trop ce qu'ils signifient. C'est un peu comme la fusion aux États-Unis, il y a beaucoup plus de déchets et ils sont beaucoup plus volatils; est-ce vrai?

M. Isaac : Je ne sais pas. Ce n'est pas ce que j'ai cru comprendre. Les réacteurs à eau légère de la flotte américaine produisent un montant équivalent à celui des réacteurs à eau lourde. Même dans les réacteurs à eau lourde, on n'utilise pas de l'uranium enrichi à l'entrée, mais on crée des produits fissiles qui en sortent. Je n'ai jamais entendu dire qu'il y a une différence au niveau des propriétés du combustible épuisé.

La question générale concernant les déchets porte sur le fait qu'une si grande quantité d'énergie existe encore après le premier passage de l'uranium dans un réacteur. C'est la raison pour laquelle vous n'entendez pas souvent l'industrie le qualifiant de déchets ou le considérant comme étant des déchets.

Nos clients américains entreposent leur combustible épuisé dans des piscines de désactivation ou dans des châteaux de transport près de leurs installations autorisées. Ils nous disent qu'ils ne considèrent pas vraiment que ce soient des déchets. Quatre-vingt-quinze pour cent de l'énergie est encore là. Aujourd'hui, vous exploitez le Nord de la Saskatchewan. Demain, quand les technologies de retraitement seront économiquement rentables, on fera de l'exploitation minière dans nos parcs de stationnement et si l'on ne se presse pas pour faire quoi que ce soit avec ce matériau, c'est parce qu'il est encore tellement riche en énergie.

Le sénateur Neufeld : Merci de vos explications, mais est-ce pour cela qu'ils ont cherché des décennies durant un endroit où entreposer les déchets? Est-ce pour cela qu'ils ont creusé dans la Yucca Mountain et qu'ils ont dépensé des dizaines de millions de dollars à la recherche d'un site d'enfouissement? Est-ce pour cela qu'au Canada, ils cherchent des cavernes en grande profondeur pour entreposer les déchets? Ce que vous dites laisse entendre que ce n'est pas vraiment des déchets puisqu'ils vont les réutiliser. Je comprends, mais des sommes incroyables sont encore dépensées. L'industrie doit dépenser beaucoup d'argent pour pouvoir entreposer ces déchets à l'avenir. Voilà la réalité. C'est ce qui se passe. D'un côté, il y a vous qui me dites qu'il n'y a rien de grave et que ce ne sont pas vraiment des déchets; d'un autre côté, il y a un autre groupe qui essaie de trouver un moyen d'enfouir les déchets.

M. Isaac : Oui.

Le sénateur Neufeld : J'ai un peu de mal à faire le rapport entre vos propos et le fait qu'ils cherchent un site d'enfouissement.

M. Isaac : Il y a assurément un équivalent énergétique important dans ce combustible, c'est pour cela que je pense qu'il n'est pas juste de dire qu'il représente absolument un risque pour l'industrie.

Par ailleurs, vous avez raison. Certains essaient de dire qu'il devrait être entreposé dans un endroit qui est contrôlé et qui atténue les risques. La plupart des modèles en Amérique du Nord — au Canada ou aux États-Unis — ou même en Suède où se trouve un site d'enfouissement qui a fait ses preuves, n'envisagent pas d'entreposer ce matériau dans un site où on ne pourra plus avoir accès à cause de son contenu énergétique. Quel que soit le modèle étudié, ces réserves géologiques profondes sont considérées en fonction de la possibilité de pouvoir utiliser un jour l'énergie encore contenue dans le matériau. Le seul problème est que la rentabilité d'un tel projet n'est pas comparable pour le moment à la rentabilité de l'exploitation d'uranium frais. Toutefois, ces courbes de coût se rejoindront à un moment donné. Les réserves d'uranium se trouveront dans des endroits où l'accès à ces réserves sera à un prix prohibitif et, en fin de compte, le coût de la production d'uranium frais augmentera et celui de la technologie de retraitement diminuera et ces coûts se rejoindront éventuellement.

Le sénateur Neufeld : Pouvez-vous me dire dans combien de temps?

M. Isaac : Je ne sais pas. Certains pays le font en boucle fermée, le Japon et la France par exemple, pour des raisons de politique sociale. Ils le font pour prouver qu'ils peuvent mettre fin au cycle du combustible et non pas pour des raisons économiques. Ce sont nos clients et ils sont les premiers à nous dire que si le prix du disponible de l'uranium était à 50 $ la livre, ils en achèteront. Mais, la livre coûte des centaines de dollars. Il faudrait que le prix de l'uranium augmente considérablement avant de pouvoir rentabiliser le retraitement aujourd'hui.

Cela ne signifie pas qu'il n'y aura pas d'investissement dans la technologie du retraitement et que le coût du retraitement ne chutera pas. Ces deux courbes de coûts vont s'écarter l'une de l'autre mais se rejoindront éventuellement.

Le sénateur Banks : Nous nous sommes habitués au concept des réserves prouvées quand il est question de gaz et de pétrole et le Kazakhstan a pris notre place dans le monde. Nous ne sommes plus le plus grand producteur au Canada, c'est le Kazakhstan qui l'est devenu.

Je ne sais comment le dire, mais vos réserves dureront combien de temps?

M. Isaac : Les réserves de Cameco s'élèvent à des milliards de livres et de ressources. Nous les avons achetées il y a longtemps. La plupart des réserves se trouvent près de sites désaffectés...

Le sénateur Banks : Vous avez dit des livres. Il s'agit d'un produit raffiné que vous vendez à la livre.

M. Isaac : Oui, nous le vendons à la livre.

Le sénateur Banks : Il ne s'agit pas de tonnes de minerai.

M. Isaac : Oui. Nos réserves et nos ressources équivalent à un milliard de livres. Notre production actuelle est légèrement supérieure à 20 millions de livres par an, nous retirons donc 2 p. 100 de notre portefeuille. Notre production n'est pas aussi élevée que celle de l'industrie pétrolière et gazière. L'objectif de notre compagnie est d'augmenter la production, peut-être de 4 p. 100, soit 40 millions de livres par an de nos réserves et ressources.

Le sénateur Banks : Mais à cause de cette augmentation, vos réserves dureront moins de temps, soit 25 ans.

M. Isaac : Oui. Cela nous obligera à faire plus d'exploration. Nous savons qu'il reste beaucoup de minéralisation dans les gisements de Cigar Lake, de la rivière McArthur et dans les terrains jalonnés tout autour.

Cependant, quand on fait des dépenses pour l'exploration, à un moment donné, on atteint un seuil critique. Quand on dispose déjà de 400 millions de livres au gisement de la rivière McArthur, on n'est pas motivé à faire plus d'exploration et à découvrir d'autres réserves prouvées. Nous savons qu'il y a plus de gisements de minerai. Nous ne les avons tout simplement pas encore recherchés, ni fait les forages nécessaires, car si nous faisions cela alors que nous avons déjà 400 millions de livres, le revenu marginal diminuerait.

Le sénateur Banks : En augmentant de 4 p. 100 votre production, vos réserves dureront 25 ans.

M. Isaac : Oui.

Le sénateur Banks : Dans le contexte du développement des ressources, ces 25 ans équivalent à demain après-midi.

M. Isaac : Tout à fait.

Le sénateur Banks : Ne serait-il pas temps de commencer à faire de l'exploration?

M. Isaac : Absolument. Cameco a une stratégie appelée « Double U » qui consiste à augmenter de 20 millions à 40 millions de livres la production de ses actifs actuels. Nous avons en plus une stratégie d'exploration et d'acquisition très ambitieuse afin d'assurer que cette production arrive à la partie terminale du cycle du combustible.

Le sénateur Banks : Allez-vous faire des acquisitions au Kazakhstan?

M. Isaac : Nous sommes au Kazakhstan à titre d'exploitant du gisement Inkai où se trouvent les plus importantes exploitations minières d'uranium. Nous exploitons deux concessions et nous faisons de l'exploration dans une troisième. Toutefois, à l'exception de ce gisement, le minerai n'est pas exploité de la même façon au Kazakhstan. À ce jour, nous ne sommes pas intéressés par des propriétés autres que celles du sud d'Inkai. Tout le monde veut y travailler. Investir à l'extérieur de cette région ne nous intéresse pas pour le moment.

Le sénateur Neufeld : N'avez-vous aucune réticence à faire des affaires au Kazakhstan?

M. Isaac : Non, nous n'avons aucune réticence à faire des affaires au Kazakhstan. Ces affaires ne représentent qu'une petite partie de notre portefeuille. Il est important que notre société fasse preuve de diversité à la fois sur le plan de la géologie et des régions géographiques où elle travaille. C'est ce que veulent nos clients et c'est ce que nous devons être pour occuper une place avantageuse sur le marché.

Nous avons découvert que le Kazakhstan peut-être un redoutable négociateur, mais nous avons toujours constaté que la négociation commerciale est nécessaire. Nous n'avons pas rencontré les problèmes que nous avons eus au Kirghizistan, par exemple, où notre société était un producteur d'or. Nous avons quitté le Kirghizistan en 2009, car nous ne pouvions pas y mener nos activités dans le respect des valeurs de Cameco.

Le sénateur Banks : Et il est très difficile d'écrire le nom de ce pays sur une enveloppe.

M. Isaac : Absolument. Notre expérience au Kazakhstan est très différente de celle que nous avons vécue au Kirghizistan.

Le sénateur Banks : Nous avons des opinions différentes quant aux mesures à prendre au sujet des émissions. Savez- vous quelles seront les répercussions des émissions de gaz à effet de serre des dizaines de réacteurs qui seront construits en Chine? Ces réacteurs auront-ils un impact significatif, mesurable et important sur les émissions de gaz à effet de serre de ce pays?

M. Isaac : Non. Ils projettent de 60 à 70 mégawatts d'énergie nucléaire, ce qui équivaut à seulement 5 p. 100 de la totalité de leur énergie nucléaire.

Le sénateur Banks : Toutes les bonnes entreprises doivent se protéger. Vous êtes-vous couverts de quelque façon que ce soit pour ce qui est de la fusion nucléaire?

M. Isaac : Non. Je crois comprendre que l'on vous a présenté un remarquable exposé sur ce sujet il y a quelques jours. Nous consacrons beaucoup de temps à l'étude d'un certain nombre de technologies portant sur le combustible. Nous étudions de façon permanente le cycle thorium-uranium. Nous étudions la technologie de la fusion. Nous étudions le rôle de la technologie laser et l'enrichissement. En fait, voilà une technologie pour laquelle nous sommes couverts et au sujet de laquelle j'ignore encore si nous épousons le point de vue exprimé dans l'exposé qui vous a été présenté il y a quelques jours.

Le sénateur Banks : Eh bien, je ne crois pas que beaucoup de monde ait ce point de vue.

J'ai une dernière question. Est-ce que la technologie du retraitement est une technologie connue?

M. Isaac : Oui.

Le sénateur Banks : Est-elle efficace?

M. Isaac : Oui.

Le sénateur Banks : Il y a des pays, vous en avez mentionné deux, qui le font pour des raisons sociales et non pas économiques. En se basant sur une économie d'échelle, à défaut d'autre chose, et dans un souci d'efficacité, est-ce que des pressions sont exercées pour nous convaincre de la valeur concrète du retraitement? Comme vous l'avez dit, la majeure partie de l'énergie nucléaire et de l'énergie n'est pas utilisée dans les réacteurs existants, peu importe qu'ils soient grands, petits, à eau lourde ou à eau légère. Comme vous dites, c'est la source la plus accessible et la plus facile pour une nouvelle énergie nucléaire. Quand vous pouvez, ainsi que vous le dites, vendre de l'uranium frais à 50 $ la livre, il n'est pas pratique d'utiliser les autres sources d'énergie. C'est quelque chose que nous savons puisque l'Alberta a des sables bitumineux depuis longtemps et il n'est devenu logique de les exploiter que lorsque le prix du baril de pétrole a atteint 40 $. L'exploitation des sables bitumineux était tout à fait illogique quand le baril de pétrole coûtait 10 $. Où en sommes-nous avec la possibilité de faire du retraitement?

M. Isaac : Il y a tout un éventail de possibilités à cet égard dans le monde. L'un de nos concurrents et partenaires à bien des égards, Areva, une société française, fait du retraitement. Ils disent que la valeur en dollars s'élève à 150 $. À ce prix de la livre d'uranium, le retraitement commence à devenir intéressant. Nos clients au Japon disent que le retraitement serait intéressant si le prix de la livre était de 300 $. Par conséquent, le prix de l'uranium doit beaucoup augmenter.

Nous avons effectivement assisté à une augmentation rapide du prix de l'uranium en 2007. Vous vous souviendrez que le prix du disponible de l'uranium a grimpé à 146 $ la livre. Or, ce prix n'a pas été un incitatif au retraitement, un fait que nous avons trouvé très intéressant. Ce prix n'a pas duré longtemps. La hausse rapide n'ayant pas encouragé beaucoup de retraitement, nous en avons conclu que ce chiffre est très élevé. Compte tenu de la réserve mondiale et des ressources d'uranium, qui est un minerai omniprésent dans la nature — il est 40 fois plus abondant que l'argent —, le prix est poussé à la hausse, mais pas à une hausse considérable.

Le sénateur Brown : Il y a à peu près un an, ma famille et moi avons eu la chance de visiter le porte-avions Midway qui est, aujourd'hui, un musée à San Diego. Le fait que c'était le modèle construit avec le USS Carl Vinson est ce qu'il y a de plus intéressant à son sujet. On dit que ce porte-avions peut naviguer pendant 20 ans sans rechargement du combustible. Transportent-ils un approvisionnement en barres de combustible qui dure 20 ans ou est-il possible qu'ils aient résolu le problème du réacteur multiplicateur?

M. Isaac : Je regrette, mais je n'ai pas de réponse à votre question. Je ne sais pas si le navire nécessite un rechargement du combustible en mer ou s'il est chargé de combustible pour toute la durée de sa vie utile.

James Miley, directeur, Relations gouvernementales, Cameco Corporation : Je ne suis pas sûr de connaître exactement la réponse, mais nous parlions tantôt de petits réacteurs modulaires. L'un des avantages dont j'ai entendu parler est qu'il n'était pas nécessaire de les remplacer pendant 10 ans, mais je n'ai jamais entendu dire pendant 20 ans.

Il est intéressant de noter que, depuis les années 1950, la marine américaine a eu quelque 440 navires à propulsion nucléaire. Ils sont absolument les plus grands experts dans ce domaine donc cela ne me surprendrait pas.

Le sénateur Brown : Pourraient-ils entreposer en toute sécurité des barres de combustible supplémentaires inutilisées à l'époque ou devraient-ils les fabriquer à nouveau?

M. Miley : Je n'ai pas de réponse à votre question. Les barres de combustible en elles-mêmes ne posent aucun danger à être entreposées.

Le sénateur Brown : C'est bien ce que je pensais.

Le président : Il faut que vous lisiez À la poursuite d'Octobre rouge.

Monsieur Isaac, monsieur Miley, c'était un exposé très intéressant. Tout d'abord, vous avez une excellente société et nous savons maintenant que votre carnet de commandes est bien rempli pour un bon moment. La question du nucléaire est une question grave qui nous intéresse. L'uranium coûte très cher actuellement. Notons aussi qu'il est difficile de savoir ce que le Japon a vraiment fait. L'Allemagne a pris une décision capitale, tout comme la Suisse, et on n'en comprend pas la raison. Le sénateur Banks nous a dit que c'est le syndrome de « ne rien construire du tout près de chez n'importe qui ». Savez-vous ce que c'est?

M. Miley : Non, je ne sais pas.

Le sénateur Banks : C'est le syndrome qui vient après un autre syndrome, celui de « pas de ça chez moi. »

M. Miley : Pas mal du tout.

Le président : Sur ce, merci beaucoup à tous les deux. J'invite le prochain témoin à se présenter.

Sénateurs, nous accueillons maintenant M. Zenneth Faye, directeur exécutif de Milligan Bio-Tech Inc. J'ai une biographie devant moi, mais avant de commencer, je rappelle que nous sommes le Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles. Nous poursuivons aujourd'hui à Régina, en Saskatchewan, notre étude sur le secteur de l'énergie. Nous avons commencé cette étude il y a plus de deux ans et demi. Nous essayons d'inciter les Canadiens à parler de l'énergie, à s'informer sur les sources d'énergie et les filières énergétiques. Nous essayons de créer un cadre stratégique afin de pouvoir élaborer une politique que nos maîtres politiques pourraient adopter pour établir un système qui tiendrait compte de l'explosion de la population et du fait que la demande d'énergie sera beaucoup plus grande dans le monde entier à l'avenir. Il y aura 9 milliards de personnes après 2040 et le Canada continuera d'être un important consommateur d'énergie.

Nous estimions important de trouver une méthode plus efficace, plus durable, plus propre et plus écologique d'utilisation de notre énergie. Nous pensons que nous avons de la chance dans ce pays, tellement de chance que, à de nombreux égards, les Canadiens la tiennent pour acquise. Nous essayons d'attirer leur attention sur l'importance de ce sujet.

M. Faye est de Milligan Bio-Tech Inc. Il a grandi dans une ferme familiale située près West Bend, en Saskatchewan, dans la région de terres à parcs de la province. Il a reçu son baccalauréat en génie agricole à l'Université de la Saskatchewan à Saskatoon. Après l'obtention de son diplôme, il a été employé par John Deere Canada Limited en tant qu'ingénieur agricole dans la division agricole et a travaillé à travers le Canada et les États-Unis. En 1978, Zenneth et sa femme Cindy sont revenus pour de bon à la ferme familiale. Il a lancé une petite entreprise de fabrication et de conception d'appareils de manutention et d'alimentation du bétail. L'exploitation agricole comprend l'ensemencement direct de cultures comme le blé de printemps, le blé d'hiver, l'avoine, l'orge, le lin, les pois, le triticale, le canola et luzerne pour le foin et parfois des expériences avec les lentilles, le sarrasin, le sunola, le soja et le maïs. En plus des cultures, ils ont aussi un troupeau commercial de 100 bovins de boucherie.

Cette vaste expérience de l'agriculture a été le principal élément moteur de création d'une production à valeur ajoutée pour les producteurs et les initiatives en milieu rural, comme les terminaux céréaliers situés à l'intérieur des terres et les coproduits organiques.

Zenneth est devenu administrateur de la Saskatchewan milieu des années 1980, période durant laquelle il a travaillé dans divers comités, dont l'un visait à établir la Commission de développement du colza de la Saskatchewanqui gère un fonds des contributions des producteurs de canola de la Saskatchewan.

Monsieur, vous avez une carrière très brillante dans ce domaine et je suis sûr que vous allez nous aider à comprendre l'élément très important de la situation énergétique en ce qui concerne la biodiversité. La parole est à vous.

Zenneth Faye, directeur exécutif, Milligan Bio-Tech Inc. : Merci beaucoup messieurs. L'un de vos collègues, le sénateur Peterson, était présent à notre inauguration officielle en 2009. J'ai eu une conversation très informelle avec lui à cette occasion. Il a mentionné le comité. Et, surprise, me voici parmi vous, essayant d'expliquer comment notre société, Milligan Bio-Tech Inc., a démarré et de vous faire part des quelques difficultés rencontrées sur le chemin de la croissance d'une entreprise qui n'avait aucun fond propre, aucune évolution et aucune rentabilité en 1996.

J'ai de l'expérience en ingénierie. Au début des années 1970, quand j'étudiais l'ingénierie, il y avait une pénurie dans le domaine. À l'école d'ingénieurs à Saskatoon, nous prenions tout et n'importe quoi, y compris l'eau et l'huile de colza, pour les brûler dans un moteur et cela a suscité mon intérêt. En fait, en 1988, j'ai semé une plante et je me souviens parfaitement qu'il y avait un reportage dans les nouvelles sur le biodiesel développé par l'Union européenne, particulièrement en Allemagne où il était recommandé aux consommateurs de l'utiliser. Je suis membre du conseil d'administration de la Commission de développement du colza. La commission prélève un petit pourcentage de l'argent des producteurs et l'investit dans la recherche, pas seulement la recherche agronomique, mais aussi dans d'autres domaines et aussi dans le développement des renseignements à caractère commercial sur la durabilité de la culture du colza.

La Saskatchewan a connu en 1992 une très forte gelée et les cultures furent décimées. Mon père et moi travaillions ensemble à la ferme à cette époque. Nous avions récolté un champ de 160 acres — je ne connais pas le système métrique. Nous avions récolté environ 400 boisseaux de colza dans ce champ. Le colza était dans un état lamentable. Il ne convenait pas à l'industrie alimentaire et à cette époque le prix du marché oscillait entre 25 et 75 cents le boisseau alors que le prix du colza alimentaire se situait entre 5 et 6 $. Vous comprenez donc pourquoi ce type de produit n'était ni nécessaire ni recherché.

À cette même époque, dans la collectivité, un groupe de personnes d'à peu près le même âge ont créé ce que l'on appelait un club de marketing, un nom ironique puisque, en tant que producteurs, nous étions là pour en savoir plus sur les possibilités de commercialisation de nos produits autrement que par le biais d'une commission. Par exemple, le colza était une culture non-commission. Nous voulions mettre en place et comprendre de meilleures méthodes de commercialisation de nos cultures et comprendre les mécanismes du marché libre.

Dans ce contexte, nous parlions aussi des perspectives commerciales. Vous vous souviendrez qu'au début des années 1990, une horde de jeunes gens a quitté la Saskatchewan. Notre groupe comprenait 15 à 18 membres et beaucoup de leurs enfants partaient en Alberta. Ils voulaient tous trouver un moyen d'attirer des entreprises, mais aussi — et c'était un autre objectif du groupe — ils voulaient voir si nous pouvions attirer des filiales dans des petites villes de la Saskatchewan.

Foam Lake a 1 250 habitants, ce qui en Saskatchewan est unique comparativement à n'importe quelle autre petite collectivité de ce genre. Les magasins fermaient leurs portes et la rue principale devenait plutôt triste. Mon intérêt pour l'énergie renouvelable m'a incité à soulever la possibilité du biodiesel. En 1991, personne ne savait ce que cela voulait dire et encore moins croire que c'était possible. J'ai expliqué la situation et entendu parler des perspectives commerciales en Europe. En tant que membre de la commission, j'ai organisé une mission chargée de recueillir des faits en Allemagne et en Autriche, pays privilégiés du développement de l'énergie renouvelable, et particulièrement du biodiesel, j'étais accompagné d'un chercheur d'Agriculture et Agroalimentaire Canada. Ce voyage a été vraiment instructif pour ce jeune chercheur et moi-même.

Au fil des visites des usines de différentes tailles et au vu des différentes formes de développement dans des universités et des entreprises privées, j'ai clairement pris conscience qu'il était effectivement possible de produire du biodiesel. Là-bas, ils utilisent le colza pour en extraire l'huile. Le sous-produit est utilisé pour l'alimentation du bétail et l'huile est commercialisée en tant que biocarburant en remplacement du carburant diesel. Ils avaient mis en place un programme.

Nous sommes revenus très bien informés, cependant le litre de carburant était à 1,30 $ là-bas alors qu'ici il était à 43 ou 37 cents. En faisant des calculs de rentabilité, nous nous sommes aperçus très rapidement que la transformation de notre huile de consommation humaine en carburant allait poser problème.

C'est à cette période qu'il y a eu la forte gelée que j'ai mentionnée, nous avons donc commencé à faire des expériences avec des plantes oléagineuses impropres à la consommation. Nous avons tenté de persuader des multinationales d'extraire l'huile de ces oléagineux afin d'en faire du biodiesel à titre de démonstration. Nous n'avons pu convaincre personne parce qu'à cette époque nous n'avions que de petites quantités d'oléagineux. Pour que les grandes sociétés de trituration soient intéressées il faut avoir 1 000 tonnes, or, nous avions moins de 100 tonnes pour faire un essai.

J'ai contacté Proteins, Oil and Starch Pilot Plant à l'Université de la Saskatchewan où travaillait le chercheur agricole. Il a fait des essais à l'aide du processus d'extraction pour trouver une méthode efficace d'extraction de l'huile. L'extraction de l'huile est un processus extrêmement difficile. Les gens pensent qu'il est aussi facile d'extraire de l'huile que de griller des tartines de bon matin. Il n'y a qu'à glisser la tranche de pain dans le grille-pain pour la griller. L'extraction de l'huile n'est pas aussi simple que cela et il faut procéder efficacement afin de ne pas endommager le sous-produit — tout le monde pensait qu'il serait endommagé — qui est à base de protéine, une moulée qui pouvait être utilisée par l'industrie de l'alimentation animale. Nous y avons travaillé pendant deux ans.

Entre-temps, nous avions envoyé une commande à Procter & Gamble qui produisait du biodiesel apparemment en tant que sous-produit dans leur usine de transformation en Floride pour l'industrie du savon. Nous avons fait cette commande en raison de notre impossibilité de le faire au Canada. Pendant deux ans, nous avons fait des démonstrations du produit dans les salons de l'agriculture qui se tenaient dans un rayon de 150 milles de notre collectivité et dans les villes pour montrer que le biodiesel était une solution de rechange viable au carburant diesel et qu'on pouvait l'utiliser dans un moteur.

Cela s'est très bien passé et nous avions suscité beaucoup d'intérêt. La Commission du colza a par la suite financé d'autres projets de développement du biodiesel. Cela remonte au milieu de la décennie des années 1990. Nous tentions de faire connaître les avantages du biodiesel produit à partir d'une matière première renouvelable et impropre à la consommation humaine.

En même temps, nous avons aussi eu recours aux services d'Agriculture Canada pour développer une technologie visant à créer un système efficace de production de biodiesel. Durant nos déplacements en Europe et aux États-Unis, nous avons appris qu'il existait plusieurs technologies, toutes très coûteuses, mais qui ne convenaient qu'à une seule matière première : l'huile de colza de qualité alimentaire. Nous n'avons pas choisi cette voie car les producteurs plantent des semences pour un usage particulier. La nature cause des dommages sous la forme de gel, de graines inséparables et si l'entreposage est mauvais. Nous avons constaté un certain nombre de différentes choses qui en moyenne se situaient entre 5 et 15 p. 100 de la récolte. Dans les années 1990, la production du colza au Canada était d'environ 7 millions de tonnes métriques et selon nos calculs, cette production était suffisante pour faire ce qu'il fallait.

L'objectif était de produire du biodiesel à l'aide d'une technologie développée en Europe ou aux États-Unis. Soit dit en passant, ils ont développé cette technologie à condition de leur verser des subventions. Ils ont aussi un programme. Nous n'avions rien de tel au Canada. Nous sommes un pays exportateur d'énergie, pas un importateur comme les États-Unis et aussi l'Europe. Nous nous sommes très vite aperçus que nous devions développer une technologie nous- mêmes.

Suite à nos efforts et à ceux d'Agriculture Canada et de l'Université de la Saskatchewan et avec l'assistance d'une installation pilote à l'Université de la Saskatchewan, nous avons développé de concert avec Agriculture Canada une technologie dont la licence unique est détenue par notre société. C'est ce qui a poussé le groupe à créer une société. Nous sommes passés de réunions tenues dans des cafés à une société fondée en 1996 et qui a un conseil d'administration, des actionnaires, et cetera, et qui était financée par la collectivité locale.

J'ai mentionné un peu plus tôt que la collectivité cherchait à attirer de grosses entreprises dans les petites villes de la Saskatchewan. Pour moi, il est devenu évident qu'une grande entreprise ne s'installerait pas dans une collectivité de 1 250 habitants. Les grandes entreprises s'établissent où il y a des ressources et tous les agréments pour leurs employés. Pour attirer quelqu'un dans une petite ville de la Saskatchewan, il faut commencer à la base. La collectivité savait qu'il fallait devoir attendre longtemps avant d'arriver à un bon résultat.

Nous avons commencé en 1996 avec deux employés, la technologie en développement d'Agriculture et Agroalimentaire Canada et notre propre installation pilote que nous avions construite avec l'aide de la chambre de commerce; le conseil municipal nous a offert une propriété et des édifices vacants. Les essais d'extraction se poursuivaient.

En 2000, le premier produit, le biodiesel, a vu le jour. Mais nous avions développé un coproduit, un additif de carburant car nous n'avions pas de mandat au Canada pour s'assurer que le carburant sera utilisé. Nous avons contacté des compagnies pétrolières. J'ai des amis ingénieurs qui travaillent dans le secteur pétrolier. Nous avons toujours reçu des compliments. Nous considérons que le biodiesel a un potentiel en tant qu'agent lubrifiant. Vous vous souviendrez que la réduction du soufre est apparue en 1993 et s'est développée jusqu'à aujourd'hui où nous en sommes à 15 parties par million. L'industrie pétrolière tente d'introduire de nouveaux additifs pour compenser les effets du soufre.

Ces progrès leur ont permis de comprendre que nous avions quelque chose, mais en réalité, mes amis ingénieurs m'ont dit : Pour quelle raison voudrions-nous prendre 2 p. 100 du produit de quelqu'un d'autre et perdre ainsi 2 p. 100 de nos ventes? C'est une réflexion très intelligente et je ne pouvais qu'être d'accord. Pourquoi voudriez-vous le faire? Vous ne voudriez pas sauf si vous y êtes obligé.

Puis, de concert avec les groupes de producteurs, le Conseil canadien du canola et l'Association canadienne des carburants renouvelables, nous avons exercé des pressions pour que le gouvernement établisse un mandat comme il l'a fait pour l'éthanol. L'industrie pétrolière avait vu d'un mauvais œil l'introduction de l'éthanol, donc notre action a rencontré beaucoup de résistance. Il a fallu y consacrer beaucoup de temps et d'efforts. Mais, en même temps, nous ne pensions pas qu'ils voulaient une subvention. Je voulais une industrie qui se développerait sans devoir être subventionnée par les contribuables. Les règles du jeu équitables doivent être les mêmes pour tous, y compris le secteur pétrolier. Vous savez, bien sûr, que l'industrie pétrolière reçoit beaucoup de subventions aujourd'hui.

Nous nous demandons toujours où est la concurrence. Eh bien, elle est au sud de la frontière. Les États-Unis importent du carburant et, par conséquent, ont beaucoup d'incitatifs, comme ils les nomment, ils ne disent pas que ce sont des subventions. Il y a toujours des incitatifs dans leur pays qui visent la production de biodiesel pour les matières premières, la construction d'usines ou une subvention directe par litre ou gallon produits. S'il y a une ouverture de la frontière et que ce produit entre au Canada, il doit y avoir un moyen de compenser cela et c'est à cet effet que l'Association canadienne des carburants renouvelables et le Conseil canadien du canola ont exercé des pressions.

Pour notre part, nous nous sommes mobilisés pour participer à cet effort, mais nous voulions aussi prouver qu'il y a des avantages pour le consommateur. C'est la raison pour laquelle notre additif de carburant a bien marché, et cela parce qu'il repose sur de solides connaissances scientifiques. Il y a beaucoup d'additifs douteux sur le marché. À cause de la réduction du soufre, les consommateurs avaient besoin de lubrifiant dans leurs moteurs. Nous avons collaboré pendant quatre ans avec la Ville de Saskatoon et une flotte d'autobus pour préparer un ensemble de données fiables qui démontreraient une plus grande économie de carburant et une diminution de l'usure des moteurs. Le résultat a été que la Ville de Saskatoon a conclu que le carburant de cette époque lui permettait de prolonger la durée de service de sa flotte de bus, soit 14 ans au lieu de 13, et ce, parce qu'il y aurait moins d'entretien et aussi en raison d'une plus grande économie de carburant, une économie d'environ 3 p. 100. Cela nous a encouragés et nous avons fourni des preuves à l'appui et avons aussi apporté confirmation au laboratoire.

En 2001, notre premier produit était un additif — du biodiesel concentré. Nous avions encore du biodiesel que nous tentions de vendre aux compagnies pétrolières. Le gouvernement de la Saskatchewan et sa flotte d'autobus provinciale s'étaient suffisamment engagés pour essayer notre carburant en tant que produit de substitution dans un mélange à 2 p. 100. Ils ont également testé le processus et n'ont découvert aucun effet négatif.

Pour revenir à notre installation, il fallait que nous l'agrandissions. Nous utilisions le Bio Processing Centre à Saskatoon pour développer la technologie et la mettre à niveau, mais le personnel de ce centre est devenu trop occupé par d'autres projets. Quand ils se sont installés dans ce centre, nous étions l'un de leurs premiers clients. Nous n'avons pas pu terminer notre projet dans les délais parce que leur charge de travail s'est alourdie. Nous avons donc construit notre propre centre de biotransformation afin d'utiliser pleinement la technologie. Cela a commencé en 2007.

En 2008, notre première unité de production entrait en opération ainsi que notre installation d'extraction pour les oléagineux, notamment le colza et d'autres cultures. En 2009, 13 ans après la constitution en société, nous avons procédé à l'inauguration officielle de l'installation.

Aujourd'hui, nous employons 47 personnes dans notre installation. Nous venons d'augmenter notre capacité de trituration en passant de 35 tonnes métriques par jour à 200 tonnes métriques par jour. Nous sommes aussi en train d'éliminer certains goulots d'étranglement de la production de biodiesel. Cela a dû commencer il y a environ trois semaines. Nous prévoyons mettre en service cette installation d'ici la fin de semaine.

Nous dépensons au total environ entre 10 et 12 millions de dollars. Nous n'avons pas achevé la partie extérieure de l'installation, mais dans une petite ville de la Saskatchewan nous sommes quand même passés de deux à 47 employés.

J'ai fait une recherche sur les ressources disponibles dans la collectivité. Une grande partie de l'équipement qui devait être fabriqué pour notre installation d'essai pilote n'était pas disponible dans le commerce parce qu'il était trop petit, aujourd'hui la plupart des entreprises de trituration ont une capacité de 2 500 à 3 000 tonnes et d'autres ont une capacité encore plus grande. Notre capacité de trituration est de 30 tonnes par jour, donc ce genre de machines étaient introuvables. Les employés des ateliers de soudure locaux et les ingénieurs locaux ont aidé à fabriquer ce dont nous avions besoin dans la collectivité.

J'ai aussi cherché des personnes pouvant nous fournir des services de soutien. L'emploi dans la région est en majeure partie fourni par les secteurs agricole, des marchandises ou de la santé. Cependant, beaucoup de gens, mariés à quelqu'un qui travaillait dans un secteur différent, sont revenus en Saskatchewan pour élever leurs enfants. J'ai puisé dans ce bassin de ressources pour recruter le personnel qui nous aidera à traverser les prochaines étapes de la croissance de notre société.

Par exemple, quand la province s'est tournée vers les Philippines pour importer des infirmières, certaines ont été rejointes par leurs conjoints qui, pour certains, ont d'excellentes compétences en mécanique. Nous les avons embauchés. Certaines personnes ont épousé des exploitants agricoles locaux. Ils se sont rencontrés à l'occasion d'un échange d'étudiants, se sont mariés et sont revenus à la ferme. Dans un cas particulier, l'épouse avait suivi une formation de technicienne de laboratoire, nous l'avons donc recrutée. Nous avons utilisé ce que nous pouvions pour bâtir la société et aujourd'hui, nous avons un PDG qui travaillait pour l'industrie pétrochimique et qui connaît les rouages importants de l'entreprise. Notre directeur des ventes est aussi un ancien employé du secteur pétrolier. Ce genre de personnes font partie de réseautages qui leur permettent d'établir de nouveaux contacts.

Notre produit a été testé auprès de toutes les principales compagnies pétrolières de l'Ouest canadien et nous en avons vendu des citernes. En fait, notre premier wagon pour une grande compagnie pétrolière est parti hier à destination de Vancouver. Toutes ces compagnies veulent notre produit, car elles achetaient des États-Unis des produits fabriqués à partir d'une autre matière première, principalement du soja.

Je peux mentionner les problèmes relatifs aux matières premières. Le biodiesel peut être produit à partir d'huile végétale, de graisse animale et de n'importe quelle graisse fondue. Le problème de ces autres matières premières, c'est que leurs propriétés changent considérablement. Autrement dit, le Canada, le Nord de la Saskatchewan et la Saskatchewan en général ont des hivers froids et il faut que le produit soit livré régulièrement. Nous avons besoin de la collaboration des compagnies pétrolières et de l'infrastructure dont elles disposent. Nous ne voulons pas construire une seconde infrastructure pour assurer la distribution du produit. Nous avons besoin de l'infrastructure des compagnies pétrolières. En fait, elles ont toutes essayé notre produit et elles envoient des citernes et des camions à notre porte pour acheter le produit.

L'industrie pétrolière est aujourd'hui mandatée par le gouvernement fédéral et les provinces. Dans l'Ouest du Canada, le Manitoba, la Saskatchewan, l'Alberta et la Colombie-Britannique ont des mandats différents et des subventions différentes en plus de la subvention fédérale et je suppose que c'est dans le but d'adopter une parité avec les États-Unis. Personnellement, je suis contre les subventions et je n'en veux pas, mais lorsqu'on évolue dans un marché international, ces subventions sont indispensables; ça ne veut pas dire qu'on les veut mais on en a besoin.

Je vais parler aussi de la qualité. Chacun d'entre nous pourrait avoir une usine de biodiesel et vous pouvez trouver dans Internet la façon de le faire. Toutefois, vous devez fabriquer un produit dont la qualité est constante et procurer à vos employés, qui sont le moteur de votre usine, un milieu de travail sécuritaire.

Pour assurer nos approvisionnements, notre installation produira annuellement 20 millions de litres. Nous envisageons d'agrandir notre installation. En ce moment même, nous travaillons sur ce projet et nous tentons d'augmenter la part du marché dans l'Ouest canadien où nous pouvons offrir un produit dérivé d'une culture non alimentaire.

Nous sommes certifiés ISO 9000 et 18 000. Nous tentons d'obtenir la certification 14 000.

Je dois absolument parler de la recherche, qui nous a permis d'en arriver là où nous en sommes aujourd'hui. Nous avons non seulement pu compter sur des investisseurs, mais aussi sur des programmes fédéraux et provinciaux. Ces programmes se sont avérés très utiles dans le développement de la technologie. Le programme de subvention d'équipe du CRSNG, Equal Energy Today et le programme de TDDC nous ont également été d'une grande aide à ce chapitre.

Cependant, j'ai une réserve concernant les chercheurs dans ces programmes. Nous choisissons les programmes qui répondent à nos besoins. Nous en avons laissé passer quelques-uns qui ne correspondaient pas à nos besoins. Je considère que c'est une sage décision d'entreprise que de sélectionner les programmes qui nous permettent de prendre de l'essor.

Toutefois, ce qui me contrarie, c'est que les universités embauchent des chercheurs pour mener des recherches et enseigner, mais il y a tellement de paperasse à remplir que les chercheurs ont moins de temps à consacrer à la recherche. Je me rends compte qu'il faut instaurer une reddition de comptes car on ne veut pas utiliser les fonds à mauvais escient. Peu importe qu'on demande 1 000 $, 10 000 $, 100 000 $ ou 10 millions de dollars, on doit produire la même quantité de documents. Cela empêche donc le chercheur d'accomplir le travail pour lequel il est formé, c'est-à-dire la recherche. À cet égard, j'ai une préoccupation quand je considère par où nous avons commencé. Nous avons commencé par des demandes de 1 000 $, ce qui était bien. Nous avons réalisé nos recherches en partant du principe que nous allions procéder par étapes. Nous établissons d'abord un cadre, nous nous rendons jusqu'à un certain point, nous faisons une pause, nous évaluons ce que nous avons et nous déterminons ensuite la voie à suivre. Nous n'attribuons pas un financement de trois millions de dollars à un chercheur. Nous n'avons pas les moyens. Nous avons procédé par étapes et je pense que cela nous a pris plus de temps. Nous prenons maintenant de la vitesse, mais nous avons encore beaucoup de chemin à faire. Nous devons encore surmonter quelques obstacles.

En ce qui a trait au concept de la bioraffinerie, nous produisons du biodiesel. Pour notre part, nous achetons les graines et nous en extrayons l'huile. Il s'agit d'une protéine haut de gamme pour le marché des aliments du bétail, et nous obtenons un prix supérieur pour cette qualité. Beaucoup de gens estimaient que nous serions incapables de vendre ce produit, et nous avons fait suffisamment de recherches pour savoir que c'est très vendeur.

Pour ce qui est du sous-produit du biodiesel, on extrait l'huile et on y ajoute un alcool et un catalyseur. Cela crée une réaction chimique, puis le dépôt se fait. Notre processus est semi-continu. Nous allons prendre cette glycérine et la raffiner de façon à pouvoir la vendre sur d'autres marchés, dont possiblement le marché de l'alimentation animale. À l'heure actuelle, les États-Unis utilisent ce combustible dans des brûleurs.

Nous envisageons d'autres possibilités. Nous avons un dépoussiérant pour les routes qui est écologique. Nous avons un antiadhérent pour asphalte qui est également sans danger pour l'environnement. Tous nos produits sont conçus de façon à respecter l'environnement et à être rentables, autant pour nous que pour le consommateur.

Par ailleurs, nous travaillons avec Agriculture Canada à développer de nouvelles variétés de graines qui renferment beaucoup d'huile, mais qui n'ont pas d'incidence sur la rotation ni sur le marché de l'alimentation. Ce sont des options que nous voulons explorer à l'avenir. Vous connaissez maintenant notre situation actuelle; je vous invite donc à poser vos questions.

Le président : C'était très intéressant. Ce fut une véritable prise de conscience.

Le sénateur Mitchell : Après tout ce qui a été dit et fait jusqu'à maintenant, quelle est la quantité produite et vendue? Vous l'avez peut-être dit, mais l'utilisez-vous à des fins commerciales?

M. Faye : Oui.

Le sénateur Mitchell : Vous avez dit qu'on s'en sert dans des brûleurs aux États-Unis et ainsi de suite, mais combien de litres produisez-vous exactement?

M. Faye : Nous produirons 20 millions de litres par année.

Le sénateur Mitchell : C'est ce que l'usine va produire.

M. Faye : Absolument. Avant aujourd'hui, nous produisions entre 1 et 4 millions de litres, car les mandats viennent tout juste d'être définis. L'industrie du pétrole utilisait initialement notre produit dans son mélange pour lancer le processus.

Le sénateur Mitchell : À quel point cela est-il économique et peut-il concurrencer le diesel? Vous avez dit recevoir des subventions.

M. Faye : Effectivement, nous recevons des subventions à cause de ce qui se passe aux États-Unis avec les fèves de soja.

Le contexte économique est favorable aujourd'hui même sans les États-Unis. Il y a un an, les États-Unis n'avaient plus de subvention; on leur avait enlevée. Avant cela, ils bénéficiaient de la subvention et des crédits accordés pour les carburants renouvelables. Lorsque la subvention a été supprimée, les crédits ont augmenté. Il est donc plus logique pour les entreprises américaines de garder leurs produits aux États-Unis. Nous luttions donc à armes égales, ce qui était excellent, à mon avis.

Aujourd'hui, la subvention est de retour et son versement devrait cesser à la fin de l'année. Je constate que les crédits accordés pour les carburants renouvelables recommencent à augmenter. C'est donc très équitable.

Lorsqu'on sait que le litre de diesel coûte aujourd'hui 1,30 $ en raison des pénuries et des subventions octroyées à l'industrie du pétrole, nous sommes très près de cette marge de rentabilité en ce moment.

Le sénateur Banks : Je n'ai jamais entendu parler de ces crédits accordés pour les carburants renouvelables auparavant. De quoi s'agit-il? Vous avez indiqué plus tôt que lorsqu'il n'y a plus de subvention, ces crédits augmentent. Qu'est-ce que c'est exactement?

M. Faye : Ce sont des crédits qui sont accordés à l'égard des carburants renouvelables aux États-Unis. La valeur est déterminée selon plusieurs aspects, mais cela n'existe pas au Canada. Les crédits sont calculés en fonction des émissions de carbone.

Le sénateur Banks : Il s'agit d'argent?

M. Faye : Ils peuvent recevoir de l'argent.

Le sénateur Banks : Je sais cela.

M. Faye : Mais est-ce toujours le cas? Je l'ignore. C'est un système très complexe, mais aussi un système ouvert dans lequel on peut voir ce qui se passe tous les jours.

Le sénateur Banks : C'est en quelque sorte une subvention virtuelle.

M. Faye : Non. Cela n'a rien à voir avec le gouvernement. C'est l'industrie. Cela n'est pas différent du cours des actions qui augmente et diminue. Pour ces crédits, vous avez maintenant le diesel, le biodiesel et le carburant renouvelable, et la même chose existe du côté de l'éthanol.

Le sénateur Banks : Je ne suis pas un agriculteur. Pourriez-vous me dire comment on peut cultiver des oléagineux qui sont impropres à la consommation?

M. Faye : Tous les agriculteurs cultivent pour le secteur de l'alimentation, étant donné que c'est le marché le plus haut de gamme. Toutefois, il arrive qu'en raison de mauvaises conditions environnementales, de la grêle, d'une gelée active qui fait en sorte que les graines...

Le sénateur Banks : Personne ne cultive des oléagineux avec l'intention qu'ils ne soient pas comestibles.

M. Faye : Absolument.

Le sénateur Banks : Votre produit de base ne peut donc pas servir à faire de l'huile à friture.

M. Faye : C'est exact.

Le sénateur Banks : Qu'est-ce que le biodiesel concentré?

M. Faye : C'est un additif. Nous avons pris du biodiesel et nous avons accru son pouvoir lubrifiant. C'est un processus que nous avons découvert pendant que nous mettions au point des technologies à l'usine POS. Nous avons pu prendre un litre du produit pour améliorer la lubrifiance du carburant, ce qui a eu un effet sur sa teneur en soufre. Cette réduction a permis d'augmenter le facteur de lubrification du carburant. Un moteur diesel est lubrifié à partir du haut et un moteur à essence est lubrifié à partir du bas. Grâce à cette lubrification accrue, on économise du carburant et on ralentit le rythme d'usure.

Le sénateur Banks : Est-ce que je peux acheter une bouteille de votre produit et la verser dans mon réservoir avec du diesel ordinaire?

M. Faye : Oui, vous auriez besoin d'une dose jusqu'à ce qu'on ait du biodiesel. Lorsqu'il y aura 5 p. 100 de biodiesel, vous n'en aurez plus vraiment besoin.

Le sénateur Banks : Avez-vous un droit de propriété sur les résultats de vos recherches? Est-ce que cela vous appartient? Est-ce brevetable? Avez-vous un droit de propriété dans le processus?

M. Faye : Nous et Agriculture Canada.

Le sénateur Banks : Vous deux?

M. Faye : Oui.

Le sénateur Banks : Moitié-moitié?

M. Faye : Oui, le ministère possède la technologie et nous sommes les seuls à pouvoir à accorder une licence en échange de redevances. Il s'agit de notre argent et de celui des contribuables.

Le sénateur Banks : J'ai trouvé très intéressant que vous soyez favorable aux subventions, pourvu qu'elles correspondent à votre programme et qu'elles respectent la voie que vous vous êtes tracée. L'un des grands dangers des subventions, c'est qu'on peut se détourner de ses objectifs initiaux dans le but de toucher de l'argent.

M. Faye : Vous voulez dire sur le plan de la recherche?

Le sénateur Banks : Oui.

M. Faye : C'est exact. Nous avons sélectionné les programmes en fonction de nos besoins et non pas des sommes octroyées.

Le sénateur Banks : Tant mieux.

Le sénateur Brown : Plutôt que de vous poser des questions, monsieur Faye, j'aimerais vous féliciter pour vos efforts et aussi d'être resté avec eux. Je connais beaucoup d'agriculteurs en Saskatchewan qui ont développé de l'équipement et qui sont devenus populaires avec John Deere et d'autres compagnies.

Par ailleurs, vous savez que le prototype de l'avion de chasse F-35 a volé il y a un mois avec du biocarburant.

Une voix : Malgré ses fissures.

Le sénateur Neufeld : Je me rappelle très bien lorsque la Colombie-Britannique a exigé que le diesel renferme un certain pourcentage de biodiesel. Tous les écologistes que j'ai entendus et d'autres surgis de nulle part disaient que nous allions affamer le monde et qu'il était insensé de fabriquer du biodiesel à partir de cultures alimentaires. Ces attaques virulentes ont duré un bon moment. La tempête s'est-elle calmée? Je comprends qu'il est question d'oléagineux incomestibles. Nous en avions également une grande quantité dans le nord-est de la Colombie-Britannique et nous aurions pu alimenter une usine. À votre avis, a-t-on passé à autre chose? J'en entends encore parler de temps à autre. Quelle est votre réaction face à cette situation et comment peut-on y remédier?

M. Faye : Tout d'abord, sachez qu'il y a plusieurs aspects à prendre en considération. Si nous enlevons l'amidon du maïs ou du blé pour produire de l'éthanol, il reste tout de même des protéines destinées à l'alimentation animale. L'industrie des biocarburants et moi-même, en tant que producteur, n'avons pas fait un bon travail de sensibilisation. Tout le monde a indiqué qu'il s'agissait simplement d'une phase. Ce n'est pas une phase, mais bien une réalité.

Les enfants de mon frère et de mon cousin sont venus à la ferme. En fait, ma femme les a conduits dans le jardin pour y cueillir des carottes. Les enfants nous ont demandé d'où elles provenaient. « Les nôtres viennent de Safeway », ont-ils dit. Nous n'accomplissons pas notre rôle de producteurs. Le nombre d'agriculteurs a chuté considérablement aujourd'hui et la taille des exploitations agricoles a beaucoup augmenté. Par conséquent, nous devons nous assurer que nos clients, les consommateurs, en sont conscients.

L'autre aspect, c'est que cela sera inabordable. Je suis très heureux que vous ayez posé la question parce que je reviens tout juste du sommet des carburants renouvelables qui s'est tenu à Calgary la semaine dernière. On a exposé quelques chiffres. On a notamment indiqué qu'en 1980, 3,2 p. 100 de l'argent gagné était consacré à l'alimentation au Canada et aux États-Unis; en 1990, on parlait de 11,4 p. 100; et aujourd'hui, c'est plutôt 9,4 p. 100. Cela signifie qu'aujourd'hui, on consacre moins d'argent à l'alimentation en Amérique du Nord.

D'autre part, on se trouve à priver quelqu'un, dans un autre pays, d'un produit alimentaire. Cependant, si on accorde ces subventions aux pays défavorisés, est-ce qu'on les aide à devenir autosuffisants? Nous devons faire en sorte qu'ils deviennent de meilleurs producteurs. Je reçois constamment des appels à propos du biodiesel, car il y a des endroits en Afrique où on paie 10 $ le litre de carburant alors qu'on pourrait prendre 10 p. 100 de cette huile végétale pour en faire du carburant. Il y a beaucoup d'incompréhension.

Je pense qu'au bout du compte, il ne s'agit pas que d'un produit non alimentaire. C'est un produit pour lequel il n'y a pas de marché. Nous recevons encore à notre usine des produits que les agriculteurs ont gardés depuis le gel de 2004. Lorsque les gens ont appris notre existence, ils ont arrêté d'envoyer leurs produits au dépotoir. En fait, nous avons fait paraître une annonce en 1996 parce que nous ignorions la quantité qui était disponible. L'annonce, parue dans le Western Producer, soit la bible des agriculteurs, se lisait comme suit : « Recherche canola impropre à la consommation ». Les gens nous téléphonent encore et ont toujours cette annonce sur leur réfrigérateur. Ils nous disent qu'ils ont conservé notre annonce.

Une voix : Le numéro de téléphone est-il le même?

M. Faye : Oui.

Le sénateur Neufeld : Votre organisation a-t-elle un plan pour faire davantage de promotion ou pour essayer de dissiper les mythes?

M. Faye : L'association est déterminée à ce que les consommateurs comprennent l'incidence et le fait que la culture n'est pas perdue. La protéine est toujours utilisable. Des études ont révélé qu'elle est plus utilisée dans le secteur de l'alimentation animale, que ce soit pour les porcs, les dindes, les poulets ou les vaches. En fait, notre produit a fait augmenter la production laitière d'un kilogramme par vache par jour, ce qui est énorme selon les gens de l'industrie laitière.

Le sénateur Neufeld : J'imagine qu'on pourrait aussi cultiver des terres qui ne sont pas utilisées en ce moment, mais qui sont peut-être marginales. Peu importe que les cultures soient de qualité alimentaire ou non, on pourrait approvisionner ce marché, n'est-ce pas?

M. Faye : Vous avez parfaitement raison. Par exemple, on est en train de développer le caranata. On cultive cette graine à des endroits où il n'y a pas beaucoup d'eau. Le canola a besoin de beaucoup d'eau et de température fraîche. Les cultures sur les terres peu productives n'auront aucune incidence sur la rotation des aliments.

Le président : Merci beaucoup, monsieur Faye. C'était très instructif.

Mesdames et messieurs les sénateurs, nous avons maintenant le plaisir d'accueillir M. Lionel Kambeitz. Il est un innovateur et un entrepreneur réputé du secteur de l'énergie. Il a fait ses preuves dans le domaine des technologies environnementales, de leur développement jusqu'à leur déploiement commercial dans les marchés énergétiques mondiaux. Il est président et chef de la direction de HTC Purenergy Inc. et président exécutif d'Enhanced Hydrocarbon Recovery. Si je ne me trompe pas, ce sont des entreprises affiliées. M. Kambeitz fera une déclaration, et nous en avons une copie.

Nous sommes très curieux, monsieur, d'entendre ce que vous avez à nous dire. Vous êtes dans la salle depuis un bon moment et vous avez entendu l'exposé sur la biodiversité. Nous abordons tous les aspects de l'énergie et c'est très fascinant pour nous. Nous travaillons sur ce dossier depuis plus de deux ans et demi, et nous essayons aujourd'hui de dresser un portrait de la situation afin d'avoir un système énergétique plus efficient, écologique et durable pour l'avenir du Canada. Je suis certain que ce que vous nous direz nous sera très utile, et nous sommes très heureux que vous soyez des nôtres aujourd'hui. Je vous cède donc la parole, monsieur, après quoi nous vous poserons nos questions.

Lionel Kambeitz, président et chef de la direction, HTC Purenergy Inc. : Merci beaucoup, monsieur le président ainsi que mesdames et messieurs les membres du comité. Je vais d'abord prendre 30 secondes pour me présenter.

Ma famille s'est installée dans ces terres et a exploité une ferme à 30 milles d'ici en 1899 quand cette région faisait partie des Territoires du Nord-Ouest. Pendant près de 50 ans, aussi loin que mes souvenirs remontent, j'entendais dire que la Saskatchewan connaîtra des beaux jours et qu'un plus grand nombre de personnes dans le monde auront besoin de notre production alimentaire et de nos ressources énergétiques et minérales. Je suis ravi de dire que les beaux jours sont arrivés pour la Saskatchewan. Nous avons créé beaucoup d'innovation et d'esprit d'entreprise. Notre premier ministre qui a été réélu symbolise cet espoir. Il est optimiste et incarne vraiment ce que ressentent et pensent les Saskatchewanais.

Je peux dire que Regina est devenue le point de rencontre des meilleurs chefs d'entreprise. Ils sont nombreux à passer par ici dernièrement à la recherche de bonnes affaires et je vois que les meilleurs législateurs sont également ici aujourd'hui.

Le président : Merci beaucoup. On parle aussi beaucoup de Regina en raison, d'une part, du grand dossier de la potasse et, d'autre part, des questions liées à Cameco et du grand avènement du passage au statut de province « nantie », ce qui a un effet sur les paiements de péréquation. Tous ces éléments sont vraiment intéressants. De toute façon, nous sommes tout ouïe.

M. Kambeitz : Entendu. Vous êtes les sénateurs du Canada et nous vous en remercions. Vous protégez notre législation rationnelle, notre justice sociale et notre démocratie. Je sais que vous sacrifiez beaucoup de choses en voyageant constamment. Ayant des bureaux dans d'autres pays, je sais très bien ce qu'il en coûte de faire des voyages par avion. Le sénateur Peterson n'est pas ici, mais je le vois souvent les dimanches matins ou les dimanches après-midis dans des aéroports quand il prend l'avion et je le vois les samedis matins quand il rentre à la maison. Je sais que vous passez tous beaucoup de temps dans les avions et je vous remercie pour ce sacrifice. Merci pour le travail que vous faites. Je vous en suis fort reconnaissant.

Le président : On ne nous dit pas souvent cela, mais ça fait plaisir à entendre.

M. Kambeitz : HTC Purenergy est une compagnie de développement des technologies énergétiques qui a été fondée en 1997. Nous avons un peu travaillé dans ce nouveau secteur qui touche le CO2, le changement climatique et la réduction du carbone qui venait d'entrer en jeu. Mais, c'est vraiment à partir de 2001 que nous sommes vraiment très actifs dans ce secteur.

Notre siège social est situé ici à Regina. Nous avons des bureaux d'affaires à Sydney, en Australie; à Davenport, en Iowa; et un partenaire commercial, Doosan Power Systems, qui possède 15 p. 100 des parts de notre société et qui est situé à Londres et à Glasgow, en Écosse. Cette compagnie compte parmi les deux ou trois meilleurs constructeurs d'infrastructure énergétique au monde. Elle fait partie d'un groupe de nouvelles compagnies coréennes — Samsung, Doosan et Hyundai — qui deviennent des marques mondiales dans leurs secteurs respectifs. Doosan possède 15 p. 100 des parts de notre compagnie et siège dans notre conseil d'administration. Doosan est en train de se tailler une place de choix dans le secteur du dessalement qui est un secteur différent spécialisé dans le raffinage et la combustion du gaz naturel pour dessaler l'eau dans de nombreux pays arabes. La compagnie est en pleine expansion. Doosan est notre partenaire commercial pour l'avenir.

Enhanced Hydrocarbon Recovery a été fondée en 2010.C'est une filiale en propriété exclusive de HTC. Nous avons fondé cette compagnie afin de pouvoir produire du pétrole en utilisant des technologies de productions secondaire et tertiaire que nous avons développées. Nous voulions produire du pétrole en utilisant du CO2, des polymères, et d'autres éléments qui nous permettraient d'utiliser principalement du CO2 comme catalyseur pour la production de pétrole in situ. Ce sont les deux compagnies que je représente ici aujourd'hui.

J'ai mis l'accent sur le mot « réussite. » Je vais tenter de faire passer mon message de la façon la plus percutante possible, monsieur le président, et je passerai en revue quelques points importants. La technologie de postcombustion du CO2 qui a été développée en Saskatchewan est vraiment une réussite. Nous en sommes très fiers. HTC a développé et acquis cette technologie qui est aussi brevetée par des établissements de recherche de premier rang, comme l'Université de Regina.

Les applications commerciales dans le secteur des centrales thermiques alimentées au charbon sont notre première réussite. C'était une expérience nouvelle qui a intéressé un bon nombre de pays qui attachent beaucoup d'importance au Protocole de Kyoto et qui voulaient voir si nous pouvions réduire le carbone émis par les centrales thermiques alimentées au charbon et le faire efficacement au niveau des coûts. Nous avons développé l'une des quatre technologies de captage de CO2 reconnues dans le monde. En Italie, en Norvège, au Royaume-Uni, aux États-Unis et dans le monde, notre compagnie et Doosan Power Systems retrouvons régulièrement comme concurrents la société japonaise Mitsubishi Heavy Industries, Alstom de France et Fluor du Royaume-Uni et des États-Unis.

Pour ceux d'entre vous en Alberta, nous sommes ravis d'être actuellement dans la liste des soumissionnaires admissibles. Je crois qu'il y a une ou deux compagnies. TransAlta est une autre compagnie et il y a le projet Keephills qui est une grande centrale de captage de CO2 alimentée au charbon. Nous soumissionnons pour ce projet et nous espérons que notre offre sera acceptée. Ce sera évidemment l'une de nos réussites.

La deuxième réussite dont je veux parler est l'application commerciale de la technologie de combustion du gaz naturel pour l'industrie de production pétrolière. Ce que je veux dire, c'est que l'on voit de plus en plus des générateurs de vapeur à passage direct au centre et au nord de l'Alberta, que ce soit pour les sables bitumineux ou pour le pétrole lourd. Les chaudières de DGMV — chaudières de drainage par gravité au moyen de vapeur — sont mises en service. Ce sont de nouveaux émetteurs de CO2. Les émissions provenant de ces chaudières ont une concentration de 8 p. 100, c'est une concentration inférieure à celle de 13 p. 100 émise par les centrales au charbon, mais c'est tout de même un pourcentage important. Les chaudières ajoutent une empreinte de CO2 additionnelle au baril de pétrole qui est produit suite à l'utilisation de ces chaudières.

Nous avons eu de très bons résultats dans deux projets en Alberta sur lesquels nous travaillons actuellement en partenariat avec deux compagnies pétrolières nord-américaines très innovatrices, Husky et Devon. Nous espérons vraiment être les premiers à régler le problème de l'énorme captage de CO2 provenant des chaudières de DGMV qui sont utilisées pour la production in situ de pétrole lourd et de bitume. C'est évidemment une grande réussite pour notre compagnie.

Le dernier point et le moins important, mais qui peut-être encore significatif, est la mise en œuvre de notre technologie dans l'industrie de la qualité alimentaire et les petits marchés industriels. Nous collaborons avec l'un des plus grands fournisseurs de systèmes de CO2 de qualité alimentaire au monde et j'espère que cela sera annoncé très prochainement. Ce fournisseur peut utiliser notre technologie pour le captage de CO2 et le faire de plus en plus dans ce que nous qualifions de petites applications industrielles comme la glace sèche, le sablage, la carbonatation, la conservation des aliments et ce genre de choses. Nous pensons qu'il faut apprendre à utiliser le CO2 en tant que charge d'alimentation des industries. C'est l'approche adoptée par notre compagnie. C'est très bien de capturer le CO2, mais essayons de l'utiliser si nous pouvons.

Monsieur le président, le CO2 est la possibilité évidente à exploiter en ce qui concerne la récupération assistée des hydrocarbures. Nous avons de la chance, j'entends toutes les bonnes nouvelles provenant de Weyburn — soit dit en passant j'ai grandi à environ 40 milles de Weyburn — où on peut produire de quatre à huit barils de nouveau pétrole à partir d'une nouvelle tonne de CO2. Ce qui aurait été impossible sans du CO2. C'est un cas exemplaire dans le monde.

Évidemment, il y a de bonnes leçons à tirer de tout cela. Nous estimons qu'il y a d'abord une possibilité à exploiter dans ce que nous appelons l'injection de CO2 miscible et immiscible. On injecte donc du CO2 dans un champ ou un gisement de pétrole, puis six ou neuf mois ou un an plus tard, on commence à produire du pétrole et on recycle le CO2 dans le contexte de cette chaîne de valeur.

La prochaine possibilité est le drainage par gravité au moyen de vapeur. C'est cette technologie qui stimule vraiment la production in situ du pétrole lourd et du bitume en Alberta et qui aura éventuellement le même effet sur la production de pétrole lourd de la Saskatchewan et aussi de la région nord-ouest de notre province. Les générateurs de vapeur à passage direct produisent du CO2 et la possibilité de le capturer dans le champ pétrolifère existe. Par conséquent, on procède au captage du CO2 dans le champ pétrolifère, c'est-à-dire à l'endroit même où il faut le capturer et non pas dans une centrale électrique située à 400 milles, puis, être obligé de le transporter ailleurs. Le captage peut se faire sur le site de production pétrolière. L'utilisation du CO2 capturé dans le champ pétrolifère est une idée attrayante. C'est une possibilité qu'étudient actuellement Devon, Husky et d'autres compagnies novatrices.

L'utilisation du CO2 dans la méthode de stimulation cyclique par la vapeur d'eau est l'autre possibilité que j'aimerais voir exploiter. Plutôt que d'injecter du CO2 dans tout le champ pétrolifère et avoir une production de gisement générale, on procède à une stimulation cyclique des puits à l'aide de CO2. Donc, on injecte du CO2 dans un puits pendant un certain temps, on arrête, on produit du pétrole, on revient pour injecter du CO2, puis on recommence.

Encore une fois, il s'agit là d'applications industrielles de CO2 qui peut être capturé dans le champ pétrolier où il est nécessaire. Dans le cas de la stimulation cyclique, il faut produire du CO2 pour créer de la vapeur. Donc, pourquoi ne pas capturer le CO2 et l'utiliser dans la même infrastructure pétrolière. C'est une possibilité qui nous enthousiasme.

Il y a une technologie émergente dont vous entendrez parler de plus en plus : le drainage par dissolution au moyen de l'action thermique dont l'acronyme est DDMAT. C'est une nouvelle technologie actuellement mise en œuvre dans plus de 300 puits. On utilise de la vapeur, du CO2 et quelques agents de dissolution. Le tout est mélangé comme dans un cocktail puis injecté dans le puits pour le stimuler et augmenter la production de pétrole.

Il y a deux nouvelles possibilités à exploiter et je pense que le comité devrait les suivre de près. L'une concerne l'utilisation du CO2, mais vise plus que toute autre chose à « redonner bonne réputation » au terme « fracturation. » Comme vous le savez, les processus et les méthodes de fracturation freinent l'exploitation du pétrole et du gaz dans de nombreuses régions d'Amérique du Nord et du monde. Les propriétés de fracturation du CO2 existent bel et bien. Certaines des plus grandes compagnies de services pétroliers utilisent régulièrement le CO2 et le transportent par camion. Le CO2 est inoffensif et ne laisse pas de résidu qui provoquerait le type de problèmes qui se sont manifestés, et dont nous avons entendu parler ou lu dans la presse, aux États-Unis et ailleurs dans le monde au niveau du processus de fracturation. Je crois que nous pouvons faire preuve d'initiative en matière de fracturation et commencer à mettre en œuvre des technologies et des processus inoffensifs et ne pas laisser d'autres intérêts nous empêcher d'utiliser la fracturation pour produire plus de pétrole.

Finalement, je recommande l'utilisation du CO2 pour l'industrie de la qualité alimentaire et les applications industrielles que j'ai mentionnées plus tôt. Il y a un effet, bien que peu important, de « carbonisation » sur le consommateur, car ce dernier se rend compte que le CO2 est un produit de consommation indispensable dans les aliments, les boissons, la production énergétique et bien d'autres choses. Ce n'est pas le diable incarné comme pourraient le penser certains. Il ne s'agit que d'un gaz inoffensif que nous pouvons utiliser dans la chaîne alimentaire et les petits procédés industriels.

Voilà, je vous ai parlé d'environ cinq possibilités à exploiter qui m'enthousiasment.

Quant aux problèmes, si je peux les énumérer, ce sont les émissions provenant de la production de pétrole lourd et de l'exploitation des sables bitumineux. Évidemment, la difficulté est de pouvoir les éliminer en réalisant des rendements d'échelle croissants. Il est question d'un captage de CO2 disproportionné, mais dans des petits systèmes. Pouvons-nous maintenir les coûts à un juste niveau si nous utilisons des petits systèmes qui ont tendance à donner des coûts à l'unité plus élevés?

Je voudrais parler du problème lié à la production et à l'exportation du gaz naturel qui est, à mon avis, un nouveau problème. Le sénateur Mitchell et moi en avons parlé pendant une minute. Je m'inquiète beaucoup de ce que sera la situation en 2020, quand nous aurons de très grandes exportations de gaz naturel juste après celles de bitume et de pétrole lourd. Nous savons que le gaz le plus propre a été découvert. Le gaz qui reste est du gaz sale : 20 p. 100 de CO2, 30 p. 100 de CO2, d'autres gaz et d'autres émissions.

Le président : Sans compter le gaz de schiste.

M. Kambeitz : Toutes sortes de nouveaux gaz sont chargés de CO2, et la prospection conduira à la découverte de réservoirs de gaz qui en contiennent des concentrations élevées.

Le fait est que le coût de l'extraction du CO2 du gaz naturel est aujourd'hui inclus dans le prix à la consommation. Le CO2 est extrait du gaz naturel avant que ce dernier ne soit introduit dans le pipeline. Cette tonne de CO2 est captée sans frais, car elle est déjà intégrée au prix à la consommation d'un gigajoule de gaz naturel. Mais que ferons-nous de ce CO2 en 2020 et comment éviterons-nous les tarifs commerciaux et les obstacles à l'exportation? Le gaz naturel que nous exportons de la côte Ouest de la Colombie-Britannique a une empreinte carbonique considérable. Que ferons-nous du CO2 que nous extrayons du gaz naturel dans le Nord-Ouest de la Colombie-Britannique et de l'Alberta et comment éviterons-nous que cela ne se reproduise au terminal d'exportation, advenant que les prix du gaz naturel deviennent concurrentiels ou que l'énergie ou l'empreinte carbonique fassent l'objet d'une guerre économique ou de tarifs commerciaux? Selon moi, cela représente pour nous une occasion et un défi, et nous devons commencer à étudier la question. À titre de gouvernement, comment orientons-nous nos investissements à l'égard du CO2? Peut-être devons- nous avant tout protéger l'avenir de l'industrie, qui repose peut-être sur l'exportation du gaz naturel, avant de nous intéresser à sa situation actuelle et au défi que représente l'exportation du pétrole lourd et du bitume extraits des sables bitumineux. Voilà ce qui me semble important.

Le défi que pose la production d'électricité à partir du charbon et du gaz naturel est colossal. Jamais nous n'avons inclus les frais afférents au captage du CO2 dans les kilowatts consommés à l'échelle résidentielle. Sommes-nous prêts à dépenser 15 ou 20 p. 100 de plus par kilowatt pour que ce dernier ne contienne pas de CO2? C'est une question politique et économique à laquelle il est difficile de répondre. Dans le cas du gaz naturel, le coût de l'extraction du CO2 que l'on effectue pour le rendre propre à la consommation est déjà inclus.

Le défi en ce qui concerne le charbon et le gaz naturel consiste à savoir comment nous pouvons réduire le prix pour que le surcoût soit de 5 à 7 p. 100 au lieu de 12 ou de 15 p. 100 pour un kilowatt propre.

Des usines d'envergure voient le jour, comme celle de TransAlta, qui fait actuellement l'objet d'un marché. Nos partenaires en ont inauguré une à Ferrybridge, au Royaume-Uni, le 30 novembre, il y a huit ou neuf jours de cela. Première usine du genre dans ce pays, elle permet de capter 100 tonnes de CO2 par jour aux environs d'une centrale produisant 4 000 mégawatts. Elle ne capte toutefois que 5 mégawatts de CO2. Des pays comme le Canada et le Royaume- Uni ont affecté des installations à cette fin, et nous y perfectionnerons nos connaissances. Nous verrons comment nous pouvons réduire le surcoût du CO2 issu de la production d'électricité afin de le faire passer de 15 à 12 et à 10 p. 100 afin d'atteindre un objectif permettant à la technologie d'être applicable et au surcoût d'être moins important.

L'autre défi que j'aimerais mettre en lumière est, dans une certaine mesure, lié à l'environnement, mais il l'est certainement à la sécurité de l'énergie. Nous devons augmenter la production secondaire et tertiaire de pétrole et de gaz. Les marchés financiers sont attirés par l'attrait des forages. Or, nous forons parce que nous sommes capables de trouver des capitaux, et nous produisons rapidement parce que c'est une activité qui donne des résultats précoces et qui offre un bon rendement. Il n'empêche que moins de 8 p. 100 du pétrole initial en place dans nos réservoirs sont exploités actuellement. De ce pourcentage, 90 p. 100 viennent de la production primaire. Le forage et la construction du puits constituent 90 p. 100 de la production classique. Plus de 90 p. 100 du pétrole original reste sur place et doit faire l'objet d'une production secondaire et tertiaire, des procédés qui exigeront un approvisionnement optimal en eau, en polymère, en CO2 et tutti quanti.

Je considère donc qu'il y a lieu d'offrir des incitatifs. C'est la production primaire qui a la plus importante empreinte environnementale. Dans le contexte d'un réservoir où ont été creusés 100 puits de production, pourquoi ne pas utiliser la même infrastructure pour effectuer plus de production secondaire et tertiaire, sans que l'environnement ait à en payer le prix?

La production secondaire et tertiaire a un effet sur l'empreinte des chevalets de pompage et les dispositifs à faible impact des installations de forage et des appareils dont il est question aujourd'hui. Instaurons donc des incitatifs à la production de pétrole secondaire et tertiaire. Nous avons là un défi à relever. Avec 90 p. 100 du pétrole qui attend toujours que nous l'extrayions, nous avons tout à gagner à agir.

Qu'est-ce qui nous permettrait d'aller de l'avant? Je vais clore mon propos sur ce point, car quand on veut mettre en exergue les problèmes et les difficultés qui se posent, on souhaite également proposer des solutions. C'est ce que je vais m'efforcer de faire.

Tout d'abord, dans le cas du traitement du gaz naturel, nous avons, je crois, besoin de l'aide de chaque palier de gouvernement afin de faciliter l'installation de l'infrastructure nécessaire au transport du CO2 capté à peu ou pas de frais jusqu'aux champs pétrolifères et aux marchés industriels. S'il en coûte 60 $, 70 $, 80 $ ou 90 $ pour capter une tonne de CO2 émis par une centrale au charbon, mais qu'il n'en coûte rien de capter une tonne de CO2 d'un gigajoule de gaz naturel et seulement 10 $ ou 14 $ pour l'expédier là où on peut l'utiliser, quel est le meilleur investissement? Mieux vaut dépenser un dollar par tonne pour transporter du CO2 qui coûte peu ou rien du tout à un endroit où on peut l'utiliser. Nous pouvons l'utiliser dans les champs pétrolifères ou dans l'industrie, à défaut de quoi, nous devrons trouver une méthode de stockage efficace qui soit toujours moins onéreuse que celle du captage à partir des centrales alimentées au charbon ou au gaz naturel. Nous avons besoin du soutien de tous les paliers de gouvernement pour faciliter nos démarches. Le projet de pipeline principal destiné au carbone de l'Alberta s'inscrivait dans ces initiatives, et je considère qu'il faut l'appuyer et l'élargir à l'ensemble du secteur énergétique.

De plus, nous devons appuyer les petits projets de captage du CO2. Nous participons aux projets d'envergure et apprendrons comment on intègre les activités des grandes installations qui se construisent de par le monde à celles des centrales au charbon. Nous avons toutefois besoin de soutien pour les petits projets de captage sur place du CO2 à partir des installations de production de pétrole et de bitume, en utilisant le drainage par gravité au moyen de vapeur, la vapeur cyclique et le drainage par dissolution au moyen de l'action thermique, processus combinant le CO2 et la vapeur. Nous devons soutenir les projets de petite envergure. Les fonds nécessaires sont peu élevés, compte tenu de la taille des projets. Il ne s'agit plus d'installations de captage de 200 ou de 300 millions de dollars, mais de projets ou d'usines de 5 ou de 10 millions de dollars qui pourraient nous aider à atteindre nos objectifs.

De plus, il est crucial de poursuivre les efforts d'élaboration de normes et de protocoles de stockage géologique du CO2 et de les faire accepter du public canadien. Si nous ne pouvons utiliser le CO2 pour produire du pétrole ou à des fins industrielles et que nous disposons de CO2 à faible coût ou sans frais, injectons-le dans le sol. Ce n'est pas tellement cher. Faisons accepter ces normes et ces protocoles publics et aidons mieux le public à comprendre en quoi consiste le stockage géologique et à l'accepter. Selon moi, le gouvernement doit investir certaines sommes dans ce domaine également.

Enfin, il conviendrait d'accorder une dispense injonctive des redevances et des impôts aux paliers provinciaux, fédéraux et municipaux pour la production de pétrole secondaire et tertiaire. Établissons-en le montant en fonction du prix du brut West Texas Intermediate, qui convient parfaitement. Plus tard, quand nous disposerons du grand pipeline Northern Gateway, appuyons-nous sur le prix du pétrole Brent, issu de la mer du Nord. Au final, si un producteur veut présenter une demande pour effectuer de la production secondaire ou tertiaire, encourageons-le à le faire au lieu d'effectuer un forage et d'exploiter un puits pendant quatre ou cinq ans avant de l'abandonner à un petit producteur au bout de huit ans parce que la production est en chute libre. Pourquoi ne pas attendre cinq, six, sept ou huit avant de forer afin d'inverser le mouvement? Il faudra offrir des incitatifs au chapitre des redevances et des mesures fiscales afin de catalyser les investissements dans la production secondaire et tertiaire.

Je terminerai en disant, monsieur le président, que le principal avantage viendrait d'une réduction substantielle de l'empreinte de carbone émanant de la production des deux principaux produits d'exportation futurs du Canada — ce qui, en soi, est profond —; le tout aura pour résultat de permettre au pays d'honorer ses obligations et ses responsabilités à titre de citoyen du monde, un fait qui lui a toujours valu d'être reconnu et respecté en tant que chef de file de la protection de l'environnement. Bien entendu, il en découlera également une réduction, dans l'avenir, des obstacles au commerce auxquels nous faisons face actuellement en raison de l'empreinte de carbone du pétrole et qui, demain, seront sur notre chemin quand nous voudrons exporter le gaz naturel à l'étranger.

Le président : Eh bien, je constate avec plaisir que le président et chef de la direction de Purenergy est fort énergique.

Je voulais commencer en posant quelques questions simples. Votre société est-elle ouverte?

M. Kambeitz : Oui. HTC Purenergy est cotée à la bourse de Toronto.

Le président : Doosan l'est-elle également?

M. Kambeitz : Oui. Le siège social de Doosan Heavy Industries se trouve à Séoul, en Corée.

Le président : Mais c'est en Écosse...

M. Kambeitz : Eh bien, elle a acquis la division des chaudières de Babcock en Écosse, il y a bien des années, ainsi que la division des turbines de Scoda, à Pilsen, en Tchécoslovaquie. La société gère sa production d'électricité en Europe à partir de Glasgow et de Pilsen, en Tchécoslovaquie.

Le président : Ma prochaine question témoignera probablement de mon penchant pour les arts libéraux plutôt que pour les aspects techniques. En vous écoutant parler, j'ai eu l'impression que vous ne croyez pas au pic pétrolier. Si je dis cela, c'est parce que vous avez expliqué en détail que nous n'avons exploité qu'une parcelle des puits de pétrole classiques au Canada. On nous a affirmé que les réserves de combustibles fossiles s'épuisent et que nous devons examiner des sources de remplacement et diverses solutions, mais voilà que vous nous dites que la plus grande partie du pétrole se trouve encore dans le sol et parlez de production secondaire, tertiaire et quaternaire. Aidez-moi, à moins que je n'aie compris.

M. Kambeitz : Le pic pétrolier constitue une encyclopédie en soi, mais il n'en demeure pas moins que la population mondiale augmente. Le meilleur exemple que je puisse vous donner est ce que j'appelle l'attrait de l'électricité.

Voici ce que j'entends par là. Quand les régions rurales de la Saskatchewan ont commencé à être alimentées en électricité, il fallait dépenser un mois de salaire pour acheter un appareil pour le brancher à la prise murale. C'est ce que coûtaient un réfrigérateur ou une essoreuse-laveuse fonctionnant à l'électricité. Aujourd'hui, une semaine de salaire suffit à acheter un chargement de 200 articles qu'on peut brancher à la prise électrique.

Quand j'ai été en Chine et en Inde, j'ai passé beaucoup de temps à Shanghai et à Beijing, où j'ai pu voir des dessins de voitures coûtant 1 900 $, 2 500 $ ou 900 $. Le carburant automobile aura le même attrait que l'électricité il y a longtemps. On créera des gadgets et des appareils fonctionnant avec ce carburant, le pétrole et le gaz naturel comprimé, et ils seront si bon marché que c'est ce que les gens achèteront dès qu'ils auront nourri leur famille et alimenté leur maison en électricité. Je suis ému de voir ces deux ou trois milliards de personnes qui sont sur le point de s'ouvrir au monde des transports mobiles. Je crois que la demande connaîtra une augmentation fulgurante, d'où l'utilité de la production secondaire et tertiaire.

Sachez toutefois que l'application de la production secondaire et tertiaire au large des côtes n'a rien de simple ou de facile. Il s'agit d'une activité risquée, moins rentable, qui s'accompagne de dangers qui lui sont propres. Il est ici question de production tertiaire et secondaire, et initialement de production primaire intracôtière. Il faut reconnaître ce fait, car c'est au large des côtes que s'effectuent les nouvelles découvertes importantes et il pourrait s'avérer difficile d'appliquer certaines des activités secondaires et tertiaires de façon aussi rentable que sur les côtes.

Le président : Pour employer une image simple, j'évoquerai le pétrole découvert à Leduc, où on a effectué un forage et où le pétrole a surgi du sol. Tout le monde s'est enrichi, jusqu'à ce que le puits et l'argent cessent de couler à flots et qu'on scelle le puits. Mais 90 p. 100 du pétrole est toujours là, dans le sol. Comment aller le chercher?

M. Kambeitz : Eh bien, sachez d'abord que l'appellation « secondaire » est un terme spécieux pour dire, de façon générale, qu'on utilise de l'eau. On utilise un dispositif qui injecte de l'eau ou du gaz sous pression dans le réservoir afin de produire davantage de pétrole. Fondamentalement, on utilise souvent la même eau salée qu'on produit. Le pétrole contient peut-être 95 p. 100 d'eau saumâtre; on a donc initialement 5 p. 100 de pétrole pour 95 p. 100 d'eau. On utilise fondamentalement cette eau saumâtre pour appliquer de la pression sur le réservoir. Voilà en quoi consiste la production secondaire. Quant à la production tertiaire, elle consiste à employer des polymères, qui ne font rien de plus que de faire sortir encore plus de pétrole afin d'en extraire 8 ou 10 p. 100 de plus du réservoir.

Permettez-moi de donner un exemple, monsieur le président. À la production primaire, qui permet une extraction de 10 p. 100, s'ajoute maintenant une production de 8 p. 100 grâce à l'eau et de 7 p. 100 avec les polymères. Puis, si le réservoir le permet, nous pouvons peut-être capter du CO2 à partir des émissions venant des sables bitumineux. Si nous appliquons ce processus à Leduc, ce CO2 pourrait nous permettre de produire encore 8, 10 ou 15 p. 100 de plus. Nous extrairions ainsi de 25 à 30 p. 100 du pétrole initial en place. Le pétrole qui reste attend qu'on applique des technologies nouvelles et émergentes. L'augmentation des prix du pétrole favorisera peut-être l'émergence de ces technologies. C'est la chaîne de valeur que les sociétés suivraient, je crois.

Le sénateur Mitchell : Vous avez indiqué qu'il existe quatre principales technologies de captage et de stockage du CO2, et que vous disposiez de l'une d'entre elles. Quelles sont ces quatre technologies et laquelle appliquez-vous?

M. Kambeitz : J'ai pris sur moi de préciser que l'épuration à l'amine postcombustion se révèle une technologie d'application commerciale. Les risques techniques sont minimes ou inexistants; seul le facteur économique pose un problème. Fondamentalement, il s'agit d'une technologie d'absorption, qui repose en fait sur l'utilisation d'un solvant, qui absorbe les émissions quand elles passent par des chambres prévues à cette fin. Le solvant est ensuite chauffé, ce qui exige malheureusement de l'énergie, puis le CO2 est libéré et recyclé. Il semble que ce soit la seule technologie commerciale qui présente peu ou pas de risque technique; le seul inconvénient vient du coût économique. Nous faisons régulièrement face à quatre grands concurrents sur l'arène mondiale dans ce domaine : MHI, Alstom et Fluor.

Le sénateur Mitchell : Êtes-vous titulaires de brevets ou de propriété intellectuelle à cet égard?

M. Kambeitz : Oui.

Le sénateur Mitchell : Vous en êtes propriétaires?

M. Kambeitz : Nous avons préparé nos propres brevets avec notre équipe. Nous avons acquis la propriété intellectuelle et des permis auprès des meilleures institutions de recherches. Aux termes de ces permis, nous travaillons en collaboration avec l'Université de Regina. Au chapitre de la technologie, nous entretenons d'excellentes relations avec l'Université du Texas et une université norvégienne. Nous nous efforçons de dénicher des technologies mises au point par les meilleures institutions de recherche afin de les intégrer aux fins de déploiement, sénateur Mitchell.

Le sénateur Mitchell : Il va sans dire qu'à l'instar de SaskPower, vous avez tout intérêt à exporter cette technologie aux quatre coins du monde afin d'en faire profiter des milliers de centrales au charbon qui pourraient l'appliquer, par exemple. Vous avez indiqué qu'il faudrait offrir des incitatifs au chapitre des redevances et des mesures fiscales.

M. Kambeitz : En effet.

Le sénateur Mitchell : Si ces mesures s'appliquaient au Canada et ailleurs, elles vous aideraient certainement à vendre cette technologie en produisant un incitatif économique qui encouragerait les intéressés à l'acheter, mais quelle sorte de mesures incitatives envisagez-vous? S'agit-il d'amortissement pour impôt ou d'une taxe sur les émissions de carbone?

M. Kambeitz : Non, ce n'est pas ce que j'ai en tête, et je suis vraiment heureux que vous me posiez la question.

Pour ce qui est du piégeage postcombustion, je crois que le contexte est on ne peut plus favorable. J'aime le fait qu'on construise de grandes installations commerciales que nous pouvons observer. Nous sommes actuellement en période d'observation. L'environnement politique est moins exigeant au chapitre des changements climatiques, et le moment est propice pour observer ce en quoi nous avons investi, ces projets en cours qui arriveront à terme. Voyons si nous pouvons réduire le coût du piégeage postcombustion dans le secteur de la production d'électricité.

Il est, je crois, possible de dépenser moins d'argent plus souvent dans le transport du dioxyde de carbone qu'il faut déjà capter pour notre industrie émergente.

J'aimerais qu'on accorde une dispense des redevances et des impôts en ce qui concerne directement la production tertiaire et secondaire de pétrole et de gaz parce qu'il s'agit d'une question environnementale. Il est rentable du point de vue de l'environnement de pouvoir rester sur place et de poursuivre l'exploitation d'un réservoir. On a causé le dommage et payé le prix, alors pourquoi ne pas le faire?

Le sénateur Brown : J'étais un peu perdu quand vous avez parlé de certaines choses par rapport au CO2 utilisé dans le processus de drainage par dissolution au moyen de l'action thermique. J'aimerais en savoir un peu plus au sujet de ce processus. Est-il breveté?

M. Kambeitz : Non. Cette technologie repose sur un mélange de pétrole. On injecte de la vapeur, du CO2 et un solvant chimique afin d'améliorer la lubrifiance du pétrole. On injecte ce mélange de façon cyclique. Dans ce processus appelé drainage par dissolution au moyen de l'action thermique, on injecte le mélange, on produit pendant 90 jours, injecte le mélange pendant deux jours et on reprend la production pour 90 jours. On se déplace sur le champ pétrolifère afin de stimuler les puits.

Le sénateur Brown : Ce processus rend le pétrole plus liquide.

M. Kambeitz : Il le rend moins visqueux et en permet l'extraction.

Le sénateur Brown : C'est tout ce que je voulais savoir.

Le sénateur McCoy : C'est un exposé fascinant et très... « optimiste » n'est peut-être pas le mot qui convient. Simplement, j'aime votre attitude de bon vivant à l'idée d'aller de par le monde afin de faire de notre mieux et de le faire bien. Je me réjouis d'avoir l'occasion de m'entretenir avec vous.

En ce qui concerne la production et l'exportation de gaz naturel, vous dites que le coût du piégeage du CO2 est déjà inclus dans le prix du produit prêt à la consommation. J'essaie d'imaginer ce que vous entendez par là. Quand le gaz naturel aboutit dans nos fournaises, ce n'est plus que du méthane, n'est-ce pas?

M. Kambeitz : Oui.

Le sénateur McCoy : C'est encore un gaz à effet de serre.

Je sais qu'il existe en Alberta des usines mixtes qui font l'extraction du méthane et d'une autre substance qui servent à alimenter l'industrie chimique. Je n'ai toutefois jamais entendu parler de l'extraction du CO2 à partir du gaz naturel. Pourriez-vous nous donner un de vos brillants aperçus pour nous expliquer le processus?

M. Kambeitz : Le gaz naturel est, bien entendu, traité pour le prendre propre à la consommation; le CO2 et d'autres substances nocives sont extraits au cours du processus. Un grand nombre des nouveaux réservoirs de gaz naturel découverts dans le monde contiennent une concentration élevée de CO2. Par exemple, le champ de Sleipner, en Norvège, est le premier à appliquer un processus authentique de piégeage en mer du Nord. Les exploitants extraient le gaz naturel, en retirent le CO2 directement sur la plateforme et le réinjectent dans diverses strates afin de l'emprisonner dans le sol. Pour chaque unité de gaz naturel produite, ils extraient le CO2, qui doit l'être pour rendre le gaz propre à la consommation, et le réinjectent dans la croute terrestre. Voilà comment on procède pour le gaz naturel en mer du Nord.

Le sénateur McCoy : Quand je me suis intéressée au processus de captage et de stockage du CO2, il y a quelques années, j'ai compris qu'il s'agissait du CO2 extrait à l'une des usines de traitement. On y amenait le gaz naturel pour qu'il y soit traité. Ce n'est pas du raffinage, mais du traitement de gaz, car il s'agit de CO2 issu de la combustion de carburants fossiles et non de CO2 faisant partie du gaz naturel.

M. Kambeitz : Je ne parle pas de CO2 issu de la combustion, mais de celui qui se trouve dans le gaz naturel.

Advenant que nous commencions à exporter le gaz naturel, conformément à certains plans à long terme, il faudra en retirer la moindre parcelle de CO2 avant de le soumettre au processus de production de gaz naturel liquéfié. Le gaz prévu à cette fin est encore plus dépourvu de CO2 que celui destiné à la consommation. Je m'inquiète que nous exportions l'un des combustibles fossiles les plus propres dans une région d'Asie, ce qui est en soi une bonne chose, tout en ayant une empreinte carbonique ici, dans le Nord-Ouest de l'Alberta ou de la Colombie-Britannique, pour ce même gaz que nous avons exporté en Asie. Il faut, je crois, penser aux répercussions qu'aura une telle démarche dans 10 ans d'ici.

Le sénateur McCoy : Merci. Je continuerai d'approfondir la question.

Le sénateur Neufeld : À ce sujet, juste pour alimenter la discussion, je sais que l'usine de traitement du gaz sise à Fort Nelson extrait le CO2. Pour l'instant, un million de tonnes de CO2 sont libérées dans l'atmosphère chaque année, mais Spectra Energy, à l'instar du gouvernement de la Colombie-Britannique, étudie la possibilité de recourir à l'injection dans de profondes formations salines en raison de l'éloignement des marchés où on pourrait l'utiliser. Je connais bien ce processus.

Je connais quatre usines qui extraient le CO2 en Colombie-Britannique. L'une d'entre elles l'injecte déjà avec du gaz acide. On le fait en ce moment même, mais pas autant qu'on le devrait.

La seule chose qui me rebute — et c'était un excellent exposé —, c'est le gaz naturel souillé. Je suis originaire de Colombie-Britannique, du Nord-Est de la province pour être précis, et je trouve que cet élément ne fait qu'ajouter de l'eau au moulin des environnementalistes qui vilipendent ce produit.

M. Kambeitz : Merci, sénateur. C'est on ne peut plus vrai. C'est, bien sûr, le combustible fossile le plus propre à cet égard, mais il n'en reste pas moins que les nouveaux réservoirs qui sont découverts contiennent des concentrations de plus en plus élevées de CO2.

Le sénateur Neufeld : On constate qu'il y en a plus dans le gaz de schiste que dans les réservoirs étanches.

M. Kambeitz : Vous avez raison.

Selon moi, Spectra Energy fait des merveilles afin d'essayer de trouver un endroit où stocker le million de tonnes de CO2 qu'on réussit à capter chaque année, et ce, à peu ou pas de frais. Nous savons que notre industrie peut multiplier par 30 ou 40 le volume actuel, si nous nous fions à certaines des prévisions sur les perspectives de la production de gaz naturel. Il serait intéressant de voir ce qu'il en coûtera.

Le sénateur Banks : Eh bien, s'il y avait autrefois du gaz naturel souillé, il n'y en a plus maintenant. Il a déjà contenu beaucoup de soufre, ce qui contribuait à la formation d'acide sulfurique, qui tuait tout ce sur quoi il retombait. On a depuis longtemps résolu le problème en extrayant cette substance, malgré les objections soulevées par l'industrie à l'époque.

J'espère que quand vous irez à Davenport, vous prendrez le temps d'aller au festival de jazz de Beiderbecke, car c'est l'un des meilleurs événements du genre en Amérique du Nord.

Une voix : Y avez-vous joué?

Le sénateur Banks : Oh, oui.

Je suis aussi ravi que vous traitiez des marchés pour le CO2, un sujet dont il n'est pas assez question. On nous parle de son stockage et parfois de son utilisation pour la récupération de pétrole, mais pas des autres débouchés. Vous avez raison d'affirmer qu'il faut démystifier le CO2, car s'il est parfois indésirable, il est aussi souvent indispensable, notamment pour vivre. Nous ne ferons pas grand-chose de bon dans le monde dans CO2.

Qu'entendez-vous par dispense injonctive? À quoi s'appliquerait-elle?

M. Kambeitz : Ce n'est qu'un terme que je...

Le sénateur Banks : Cela a habituellement un lien avec une ordonnance de la cour.

M. Kambeitz : Pour moi, il s'agit d'une mesure variable, d'une sorte de dispense des redevances qui fluctuerait en fonction du prix du pétrole à l'échelle mondiale.

Le sénateur Banks : Et du taux de réussite et de l'extraction du CO2?

M. Kambeitz : Exactement, du taux de réussite des processus tertiaire et secondaire pour produire du pétrole. Nous devons encourager nos producteurs de pétrole à dépenser davantage dans ces processus.

Le sénateur Banks : En effet.

M. Kambeitz : C'est, selon moi, la voie à suivre.

Le sénateur Banks : Nous étudions la question depuis un certain temps et nous avons entendu bien des opinions différentes au sujet de l'efficacité et du taux de réussite de l'épuration, et de la capacité du processus de capter tout le CO2. Que pensez-vous de l'efficacité du processus d'absorption postcombustion au moyen de solvant? Quelle quantité de CO2 nous échappe encore?

M. Kambeitz : Habituellement, cette technologie d'épuration au moyen d'amine a un taux de réussite optimal d'environ 80 p. 100, et 85 p. 100 est un bon résultat.

Le sénateur Banks : C'est très élevé.

M. Kambeitz : Il s'agit d'un taux optimal.

L'incertitude technique ne se dissipe jamais entièrement, mais elle a certainement été évacuée parce que l'industrie de traitement du gaz à laquelle nous avons parlé est une pionnière de l'absorption par solvant et de l'épuration au moyen de solvant et d'amines. C'était une première dans cette industrie, qui compte plus de 30 000 usines dans le monde. Nous avons en fait adapté ce processus au traitement postcombustion. Je crois qu'on cherchait la certitude technique et que le processus satisfait aux normes de l'industrie... mais à un certain prix.

Ce prix, sénateur Banks, vient de la vapeur dont on a besoin, de la chaleur nécessaire pour régénérer le solvant et libérer le CO2. Et si c'est un prix de 12 ou de 15 p. 100 sous forme d'énergie, selon l'usine dont il est question, c'est un coût qu'il faut réduire. Des investissements ont été effectués dans bien des pays, et il faudra voir comment on peut faire diminuer cet investissement.

Nous apprendrons davantage grâce aux petites chaudières servant au drainage par gravité au moyen de vapeur, car nous installerons de nombreuses petites usines de piégeage du CO2 à proximité de ces installations postcombustion. Plutôt que de construire une usine au cœur de l'Amérique en engouffrant 400 ou 500 millions de dollars en deniers publics, pourquoi ne pas installer de petites unités de captage modulaires dans toutes ces usines de drainage par gravité au moyen de la vapeur du Nord de l'Alberta? Du coup, on bénéficie des connaissances de 10 petites usines qu'on exploite chaque année et qui nous offrent des technologies et un savoir plus récents année après année. Voilà ce qu'il faut faire pour en savoir davantage. C'est la voie que je voudrais que nous privilégiions, car elle ne nécessiterait pas plus et peut-être même moins de financement que celle reposant sur de grandes usines dont nous avons parlé.

Le sénateur Banks : Il y a longtemps maintenant qu'Encana a acheté un champ pétrolifère épuisé à Weyburn, en Saskatchewan, lequel avait depuis belle lurette donné tout ce qu'il avait à offrir. Dans le secteur, nombreux sont ceux qui ont pensé que les exploitants étaient fous, car le concept de récupération assistée des hydrocarbures n'existait pas encore. Vous avez parlé de l'efficacité de ce processus et de l'utilité de la récupération secondaire. Êtes-vous impliqués dans ce dossier?

M. Kambeitz : Non, nous ne sommes pas intervenus. Cela dit, bien des membres de l'équipe de Regina ont joué un rôle à l'époque. Le gouvernement, le milieu universitaire et l'industrie ont collaboré de façon admirable. Un grand nombre de gens résidant à Regina se sont impliqués et le font encore. Notre société n'est pas intervenue à l'époque, mais nous sommes chanceux, car nous bénéficions du plus grand laboratoire vivant au monde.

Le sénateur Banks : Il utilise malheureusement du CO2 importé.

M. Kambeitz : En effet.

L'une des choses qui nous a déçus cette année, c'est que notre technologie a été retenue par la même entreprise qui fournit ce CO2, Basin Electric, une usine de gazéification du Dakota. Ce fournisseur cherchait à obtenir du CO2 supplémentaire afin d'alimenter le Dakota du Nord et peut-être même la Saskatchewan. Il a choisi une technologie afin de concevoir un processus; nous avons donc élaboré une usine très efficace et rentable en collaboration avec Doosan Power Systems afin de permettre à Basin Electric d'effectuer la gazéification. Nous avons été très fiers d'avoir été retenus à l'époque.

Il s'est passé deux choses dans cette affaire. Je crois que le financement que le gouvernement aurait dû fournir ne s'est jamais matérialisé. En outre, la société s'attendait à des contrats d'achat ferme qui l'aideraient à financer le nouveau système qui devait capter 1 000 tonnes supplémentaires de CO2 par année. Ce projet a été remis aux calendes grecques. Comme il s'agissait du fournisseur de l'usine de Weyburn, nous pensions que c'était le plus grand capteur et vendeur de CO2 du monde. Ce projet aurait fait des merveilles pour notre image de marque dans l'avenir, mais il est relégué aux oubliettes pour l'instant.

Le sénateur Banks : On le ressuscitera peut-être.

M. Kambeitz : C'est possible. Espérons-le.

Le sénateur Banks : Comme les acronymes nous intriguent toujours, nous serions curieux de savoir à quoi correspond HTC?

M. Kambeitz : Nous aimions d'entrée de jeu le CO2, et nous produisions de l'hydrogène. Sénateur Banks, quand vous présidiez le comité il y a six ans environ, nous avons parlé d'utiliser le CO2 pour la production d'hydrogène au moyen du reformage par voie sèche, en fait. L'acronyme initial était Hydrogen Technologies. C'est ainsi qu'il a été établi.

Le sénateur Banks : Merci beaucoup. Je suis ravi de vous revoir.

Le sénateur Sibbeston : Comme les moyens de transport émettent de grandes quantités de CO2, effectue-t-on des travaux ou des recherches afin de capter le CO2 émanant des véhicules? Par exemple, une fois que les camions auraient effectué un trajet, on pourrait simplement en retirer un compartiment et jeter le carbone. Déploie-t-on des efforts en ce sens?

M. Kambeitz : Des travaux en sont à leurs balbutiements dans le domaine de la nanotechnologie; on cherche à concevoir une matière qui absorberait bien plus que son propre volume et son propre poids en CO2. L'industrie des transports tend à considérer que la solution sur le plan du CO2 passe par l'économie et l'efficacité énergétiques, et c'est effectivement le cas. C'est probablement une réponse pour nous également en ce qui concerne la production d'électricité, et nous y avons réfléchi. Peut-être qu'il faudrait simplement réduire l'utilisation.

Le sénateur Sibbeston : Ne suffirait-il pas de mettre une membrane, un filtre ou une solution qui retiendrait tout le carbone quand les gaz d'échappement le traversent? La solution est peut-être plus simple qu'on ne le pense.

M. Kambeitz : Eh bien, il y a de nombreuses années, en Saskatchewan, un agriculteur ingénieux a installé un tuyau sur le pot d'échappement de son tracteur et chaque extrémité de son semoir et de son cultivateur pneumatique. Quand il labourait, cultivait et ensemençait ses champs, il renvoyait dans le sol les gaz qui s'échappaient de ses véhicules. J'ignore ce que cette initiative a donné.

Une voix : Il s'est asphyxié.

M. Kambeitz : Ce ne sont pas les innovations individuelles qui manquent.

Le président : Quand vous avez décrit les autres utilisations du CO2, en ce qui concerne notamment le pétrole, je me suis dit que vous étiez non seulement contre le pic pétrolier, mais également opposé au captage et au stockage du CO2. Je me suis demandé pourquoi il fallait le stocker. C'est le troisième élément auquel vous vous êtes attaqué. Dois-je comprendre que vous ne voyez pas d'un bon œil les dépenses astronomiques que le gouvernement fédéral effectue avec l'Alberta à cet égard? Nous savons ce que nous savons déjà.

M. Kambeitz : Je suis favorable au stockage géologique, mais surtout au captage de CO2.à peu ou pas de frais. Où devrions-nous investir les prochains milliards de dollars, comme vous le diriez, monsieur le président? Où dépensons- nous cet argent? Nous devrions l'investir dans des solutions faciles.

Le président : En effet.

M. Kambeitz : Si cette mesure a pour répercussion de faire apparaître un tarif à l'exportation sur le gaz naturel à l'échelle mondiale dans 10 ans ou de réduire l'empreinte de l'industrie du pétrole et des sables bitumineux, ce serait merveilleux. Alors trouvons le CO2 le moins cher et occupons-nous-en. Le transport du CO2 dans des pipelines ne coûte qu'une fraction des frais de captage d'une tonne de CO2 à l'étape de la postcombustion. Ce prix pourrait être de 10 $, 12 $ ou 14 $ la tonne, alors qu'il est question de 70 $, 80 $, 90 $ ou 100 $ la tonne pour le captage du CO2 au Canada et aux États-Unis. Pourquoi alors ne pas concentrer nos efforts d'abord sur le CO2 obtenu à peu ou pas de frais? C'est là que nous devrions investir en premier.

Le président : L'autre point que vous avez soulevé en passant est celui de la fracturation. Nous avons entendu un large éventail de témoins de la Colombie-Britannique, qui nous ont expliqué comment ce processus fonctionnerait avec de l'eau à haute pression. Or, c'est un procédé que décrient les détracteurs. Devait-on utiliser le CO2 au lieu de l'eau?

M. Kambeitz : On devait l'utiliser avec l'eau.

Le président : Avec l'eau?

M. Kambeitz : Oui, au lieu de certains des autres...

Le président : Le sable et tout cela?

M. Kambeitz : ... fluides utilisés. Le CO2 peut servir à de multiples fins, parce qu'il se liquéfie évidemment sous l'effet de la pression. Si on a besoin d'un liquide qui retourne à l'état gazeux et s'élimine du processus quand la pression disparaît, on peut en tirer des applications fort intéressantes.

Deux des plus grandes entreprises de services énergétiques du monde effectuent activement la fracturation au moyen du CO2 à titre expérimental. Elles reçoivent le CO2 par camions-citernes, qu'on peut voir à tous les endroits où l'on fait de la fracturation, et s'en servent pour effectuer de la fracturation. Cela pourrait contribuer à atténuer un peu les craintes que suscite le CO2 et nous permettrait d'utiliser ce produit à des fins industrielles. Nous espérons que ces démarches porteront fruit.

Nous préconisons toutefois le stockage géologique. Nous commencerons par utiliser le CO2 pour la production d'énergie ou d'autres applications industrielles, puis nous le stockerons dans le sol. C'est là qu'il faut investir. Chaque tonne de CO2 obtenu à peu ou pas de frais devrait être utilisée ou stockée; nous verrons ensuite s'il est possible d'abaisser les coûts du captage postcombustion au moyen de nos technologies ou d'autres méthodes.

Le président : Je suis heureux d'avoir posé la question.

Le sénateur Banks : Vous connaissez probablement la réponse et nous aurions pu vous poser la question avant. Il y a quelques années, on nous a indiqué que le CO2 liquide pouvait avoir deux utilisations dans le processus de fracturation; il pouvait remplacer l'eau pour exercer une pression pure, tout en pouvant agir à titre de solvant. Il est encore plus utile dans le processus de fracturation en permettant de libérer le produit recherché, le pétrole la plupart du temps; est-ce le cas?

M. Kambeitz : Eh bien, chaque fois qu'on met le CO2 en présence d'huile légère à moyennement visqueuse, il se produit un effet de miscibilité. Ces deux produits étant compatibles, le CO2 améliore la viscosité de l'huile quand ils sont mis en présence l'un de l'autre. Je crois donc que c'est exact dans une certaine mesure.

Nous ne sommes pas des spécialistes de la fracturation, sénateur Banks, mais je crois qu'il y aurait là un avantage, à titre secondaire.

Le sénateur Brown : Quand nous étions à Calgary, il y a quelques jours, nous avons visité ENMAX et Direct Energy. Ces sociétés utilisent le gaz naturel pour surchauffer la vapeur et l'injecter dans des conduites thermiques afin de chauffer les installations municipales, si je puis dire. Elles ont récupéré quelque huit vieilles chaudières. Selon vous, le CO2 se liquéfie s'il est soumis à une pression. Si on recycle cette ressource en l'injectant dans des conduites thermiques, pourquoi ne pourrait-on pas récupérer le CO2 sous forme liquide, comme le sénateur Sibbeston l'a suggéré? On va recycler cette chaleur tout le temps afin de continuer à produire de l'énergie.

M. Kambeitz : C'est possible. Dans les champs de gaz à haute teneur en CO2 d'Indonésie, au large de l'Australie, on envisage de recourir à des technologies émergentes comme la cryogénie. On soumet le CO2 à une pression pour le liquéfier; si on exerce une pression suffisante, le CO2 finit par s'extraire du flux gazeux.

Nous avons tenté quelques expériences avec cette nouvelle technologie. L'un de nos vice-présidents a témoigné devant le comité il y a environ un an et demi à Ottawa et a brièvement parlé de l'extraction du CO2.par procédé cryogénique. Cette technologie pourrait s'appliquer un jour, sénateur Brown, même si elle demeure futuriste pour l'instant.

Le président : Je crois que cela fait le tour de la question, honorables collègues.

Comme je l'ai dit plus tôt, monsieur Kambeitz, votre exposé a été fort énergique et passionnant. Nous avons été enchantés de vous accueillir parmi nous. Je crois que j'étais présent quand nous avons réalisé l'étude sur l'hydrogène. Je suis heureux de vous avoir revu, monsieur, et je vous souhaite la meilleure des chances dans vos entreprises.

M. Kambeitz : Merci.

Honorables collègues, nous devons entendre un dernier groupe de témoins. C'est avec grand plaisir que nous accueillons deux représentants du ministère de l'Énergie et des Ressources du gouvernement de la Saskatchewan : M. Floyd Wist, directeur exécutif, Politiques énergétiques, ainsi que M. Michael Balfour, directeur, Économie de l'énergie.

Bienvenue. Nous sommes impatients de vous entendre.

Floyd Wist, directeur exécutif, Politiques énergétiques, ministère de l'Énergie et des Ressources, gouvernement de la Saskatchewan : Merci, monsieur le président. Je m'excuse de comparaître à une heure aussi tardive. Je m'efforcerai de rendre mon exposé aussi bref et aussi intéressant que possible.

Le président : Bien. Nous avons un diaporama, messieurs, qui est ma foi assez substantiel.

M. Wist : J'aimerais mettre l'accent sur trois aspects au cours de mon exposé. Je soulignerais tout d'abord l'importance que revêt le secteur énergétique pour la Saskatchewan et le Canada, qui fait que les grands changements qu'on pense y apporter doivent être soigneusement étudiés.

J'aimerais de plus faire remarquer que le secteur de l'énergie est présent pratiquement partout. Les Canadiens ont besoin d'énergie pour presque tous les produits qu'ils consomment et presque toutes leurs activités quotidiennes. Pourtant, on peut facilement tenir pour acquise l'énergie renouvelable à bas prix, et bien des gens ne comprennent pas bien ce secteur.

Je voudrais enfin mettre en lumière le rôle d'une importance cruciale que joue la technologie dans le secteur en permettant d'adopter en douceur les futures sources d'énergie à faibles émissions de carbone qui auront moins d'effets sur l'environnement tout en assurant le maintien des bas prix de l'énergie et de la grande fiabilité qu'exige la société industrielle moderne.

Si vous regardez en bas de la page, vous pouvez voir un aperçu de la province de la Saskatchewan. Nous disposons d'un éventail de sources d'énergie sans égal au pays : l'uranium, le gaz naturel, le pétrole et le charbon, auxquels s'ajoutent potentiellement les sables bitumineux.

L'énergie, qui représente environ 9 p. 100 du produit intérieur brut de la province, constitue une pierre angulaire de l'économie provinciale. L'industrie y investit près de 5 milliards de dollars par année et maintient plus de 30 500 emplois directs et indirects. Elle permet au gouvernement provincial d'engranger des revenus annuels de quelque 2,5 milliards de dollars. La Saskatchewan est le plus important — et le seul — producteur d'uranium au Canada, en plus d'être le deuxième producteur de pétrole et le troisième producteur de gaz naturel et de charbon au pays.

Au cours de votre périple dans les diverses régions du pays, vous aurez remarqué que le secteur énergétique diffère beaucoup d'une province à l'autre. La présente diapositive illustre la répartition provinciale des sources d'énergie primaire sur le marché. La principale différence entre les provinces vient du fait que certaines produisent plus d'énergie qu'elles n'en consomment. C'est le cas de quatre provinces canadiennes seulement : l'Alberta, la Saskatchewan, la Colombie-Britannique et Terre-Neuve-et-Labrador.

La Saskatchewan produit plus du tiers de toute l'énergie primaire au Canada; seule l'Alberta en produit davantage. Cette distinction fondamentale crée un fossé important dans le secteur énergétique du Canada. Par exemple, d'un côté du fossé, on voit d'un bon œil le prix élevé du pétrole, car cela stimule le développement économique, l'investissement de la part de l'industrie, la création d'emplois et l'augmentation des revenus des provinces. De l'autre côté du fossé, par contre, on considère ce prix élevé comme étant néfaste, car il fait augmenter les coûts des ménages et de l'industrie, ralentit l'économie et réduit le nombre d'emplois. L'existence de ce grand fossé complique énormément l'élaboration d'une politique énergétique nationale pouvant satisfaire les besoins et les aspirations du pays tout entier.

Vous verrez, au bas de la page, que l'uranium est de loin la ressource énergétique commerciale la plus importante produite en Saskatchewan.

Pour ce qui est de l'électricité, la production totale de la Saskatchewan à cet égard équivaut à moins d'un tiers d'un pour cent de la production globale d'énergie de la province, en raison de l'ampleur de la production de nos autres ressources énergétiques. De toute l'électricité produite en Saskatchewan, de ce tiers d'un pour cent, environ 20 p. 100 est renouvelable. SaskPower vous a parlé précédemment de l'hydroélectricité et de l'énergie éolienne que nous produisons. L'énergie renouvelable constitue en Saskatchewan un cinquième d'un tiers de 1 p. 100 de toute l'énergie qui y est produite.

Si vous tournez la page, vous constaterez que la Saskatchewan produit beaucoup plus d'énergie qu'elle n'en consomme. Même si nous excluons l'uranium, les exportations d'énergie de la Saskatchewan équivalent à plus du double de sa consommation.

Je traiterai maintenant des divers secteurs énergétiques, qui figurent au bas de la page, en commençant par celui de l'uranium. Nous exploitons l'uranium depuis les années 50. Nous sommes actuellement la seule province canadienne à en produire. Grâce à ses mines, la Saskatchewan a été le plus grand producteur d'uranium du monde pendant une bonne partie des 20 dernières années. Le Kazakhstan l'a récemment détrônée, mais la Saskatchewan — c'est-à-dire le Canada — espère reconquérir son titre quand on entreprendra de nouveaux développements miniers au cours des deux prochaines années.

Nous avons déjà été un chef de file de la production d'isotopes médicaux et entendons reprendre la tête dans le domaine de la recherche-développement sur l'énergie nucléaire en ce qui concerne l'utilisation des isotopes et d'autres possibilités à valeur ajoutée qu'offre l'uranium de la Saskatchewan. L'industrie minière de la province est plutôt portée vers la technologie et recourt à des pratiques et des technologies de pointe. Nous utilisons une technologie d'exploitation minière à distance pour extraire les minerais qui se trouvent en concentrations élevées dans nos mines d'uranium.

Comme vous pouvez le voir, la Saskatchewan ne compte pour l'instant que deux mines d'uranium en exploitation, soit celles de McArthur River et de Rabbit Lake. Nous prévoyons en ouvrir d'autres bientôt. Elles figurent parmi les étoiles rouges sur la carte, qui indiquent l'emplacement des nombreux dépôts d'uranium découverts récemment. Certains de ces dépôts sont destinés à devenir les prochaines mines d'uranium de la Saskatchewan.

Au bas de la page, vous verrez un aperçu des ressources houillères de la Saskatchewan. SaskPower vous a indiqué plus tôt ce matin qu'on trouve dans la province l'équivalent de 300 ans de lignite noir; je sauterai donc cette page, en soulignant toutefois que la Saskatchewan tire environ 50 à 60 p. 100 de son électricité du charbon et 20 à 30 p. 100 de la production hydroélectrique, selon le débit des rivières qui descendent des montagnes.

À la page suivante, on indique que l'énergie renouvelable contribuera de plus en plus à l'approvisionnement énergétique de la Saskatchewan dans l'avenir, et ce, parce qu'on y trouve 45 p. 100 des terres agricoles du Canada. Voilà qui est de bon augure pour le potentiel de production de biocarburants de la province. Vous avez, je crois, entendu aujourd'hui un exposé de Saskatchewan Enterprise sur l'éthanol et le biodiésel. Je ne ferai donc qu'effleurer le sujet. Je ne veux pas dire que ce n'est pas important, mais je veux éviter de répéter ce que vous avez déjà entendu.

Je traiterai par contre de l'énergie éolienne. La Saskatchewan produit 198 mégawatts d'énergie éolienne, ce qui constitue environ 5 p. 100 de sa capacité de production. Les installations ont un très bon rendement pour ce type d'équipement, produisant plus de 40 p. 100 de leur capacité environ. Les autres parcs d'éoliennes du monde ont généralement un rendement de 20 à 30 p. 100. Nous comptons doubler notre capacité de production d'énergie éolienne pour la faire passer à 400 mégawatts à court terme. À plus long terme, nous y ajouterions une production de 200 mégawatts tirés de la biomasse, de l'hydroélectricité et de l'énergie éolienne.

On voit, au bas de la page, que diverses initiatives d'efficacité énergétique sont mises en œuvre en Saskatchewan, offertes par les deux sociétés d'État responsables des services publics de la province. Vous avez entendu ce matin le témoignage de SaskPower, responsable de la distribution d'électricité. Il y a également SaskEnergy, qui s'occupe de la distribution du gaz naturel. Le plus important programme est celui de la remise accordée pour l'efficacité énergétique des nouvelles maisons, qui prévoit l'octroi de 1 000 dollars pour la construction de maisons à haut rendement énergétique et de 1 000 dollars pour l'installation d'un chauffe-eau domestique fonctionnant à l'énergie solaire. Quant au programme ÉnerGuide pour les maisons, il fait complément au programme fédéral en offrant des subventions provinciales couvrant une partie des coûts de rénovation à hauteur de 5 000 $. Il existe d'autres initiatives d'efficacité énergétique dans la province. SaskPower a distribué, il y a quelques jours, des minuteries pour chauffe-moteur dans les stationnements de certains Home Dépôt de la province.

Tournons la page et passons maintenant au secteur pétrolier de la Saskatchewan. Notre province a une longue histoire dans le domaine de l'exploration pétrolière et gazière. La production de gaz naturel a commencé dans les années 1930 et la production de pétrole, dans les années 1940. La Saskatchewan est le deuxième producteur de pétrole brut en importance au Canada, après l'Alberta. Nous contribuons pour environ 17 p. 100 de la production canadienne totale. Chose intéressante, si l'on exclut les sables bitumineux de l'Alberta, la production de pétrole conventionnel de la Saskatchewan est presque aussi importante que celle de l'Alberta. Alors que la production de pétrole conventionnel de l'Alberta diminue depuis des décennies, celle de la Saskatchewan a connu une hausse. Elle a augmenté et est aujourd'hui relativement stable. Notre province est le troisième producteur de gaz naturel en importance, après l'Alberta et la Colombie-Britannique.

Le tableau qui se trouve au bas de la page porte sur nos réserves de pétrole brut et de gaz naturel. La ligne du haut montre l'estimation géologique de la ressource initiale. La deuxième ligne montre la portion de ces réserves qui, selon les évaluations, peut être produite compte tenu de la technologie et des prix actuels. Bien que l'on estime que la Saskatchewan possède plus de 45 milliards de barils de pétrole, environ 13 p. 100 seulement de cette ressource serait récupérable commercialement à l'heure actuelle, ce qui laisse 39 milliards de barils non récupérables avec la technologie actuelle. Il s'agit du pétrole qui reste dans les réservoirs, dont a parlé l'intervenant précédent, Lionel Kambeitz, un potentiel économique important si on pouvait accéder ne serait-ce qu'à une petite partie de cette ressource non récupérable. Bien qu'il reste peut-être d'autre pétrole à découvrir dans la province, la meilleure façon pour nous de soutenir la production pétrolière est d'améliorer le taux de récupération des gisements actuels.

Le tableau que l'on trouve en haut de la page suivante présente une ventilation de la production du pétrole brut léger, moyen et lourd en Saskatchewan. En partant de la gauche vers la droite sur ce graphique, vous pouvez voir que nous avons augmenté la production, pour atteindre un record en 2008. Nous avons eu une légère baisse depuis cette année-là.

La deuxième chose à noter sur ce tableau, c'est que la partie jaune, qui représente le pétrole léger, a récemment augmenté en raison de la production de l'huile de schiste de Bakken, qui fait appel à la technologie de fracturation hydraulique de puits horizontaux. La Saskatchewan croit que le pétrole brut continuera de jouer un rôle important dans l'avenir. Il représente environ 50 p. 100 de notre production, mais il faudra appliquer avec succès une nouvelle technologie pour augmenter les taux de récupération actuels.

Le graphique circulaire au bas de cette page donne plus de détails. Il s'agit de nos ressources de pétrole lourd seulement. Nous croyons que l'huile verte ne peut être récupérée avec la technologie et les prix actuels. Le pétrole représenté en jaune a déjà été produit. Celui représenté en brun reste à produire. Nous nous intéressons aux 90 p. 100 des ressources pétrolières, soit la partie verte du graphique. Si nous pouvons mettre au point de nouvelles technologies de manière à déplacer 5 p. 100 de ces ressources — pour passer de 90 à 85 — dans la section brune, celle-ci fera plus que doubler. Tout ce qu'il nous faut, c'est une technologie légèrement meilleure qui nous permette d'accéder à 5 p. 100 de plus de notre pétrole, ce qui fera plus que doubler nos réserves de pétrole exploitable. Nous mettons beaucoup l'accent sur la nouvelle technologie en Saskatchewan.

À la page suivante, vous pouvez voir où se trouve la formation de Bakken. Cette région a aussi bénéficié de la nouvelle technologie d'extraction. J'ai mentionné la fracturation hydraulique de puits horizontaux, qui nous a permis de faire de la formation de Bakken l'un des endroits les plus chauds en Amérique du Nord pour ce qui est de la production pétrolière à l'heure actuelle. Le Dakota du Nord, au sud de la frontière, a aussi profité considérablement de cette technologie.

Au bas de la page, vous verrez la production pétrolière du Sud-Est de la Saskatchewan. Comme vous pouvez le constater, le pétrole léger, la partie jaune du pétrole de Bakken, est apparu très brusquement; il représente le tiers de la production de pétrole léger de la région du Sud-Est, et ce, après très peu de temps.

En haut de la page suivante, vous pouvez voir comment un champ de schiste bitumineux est exploité par fracturation hydraulique de puits horizontaux jumelés. On voit ici comment l'industrie pétrolière mise sur les nouvelles technologies pour augmenter la production de pétrole, tout comme l'avènement des puits horizontaux, les pompes à vis de fond, a eu une incidence extraordinaire sur l'industrie par le passé. Depuis toujours, la Saskatchewan applique avec succès de nouvelles technologies pour accéder à ses ressources pétrolières problématiques, et la mise au point de nouvelles technologies novatrices est essentielle pour que la Saskatchewan puisse réaliser son plein potentiel énergétique.

Cette nouvelle technologie énergétique est nécessaire pour une autre raison; en effet, il y a, à l'heure actuelle, un lien étroit entre l'activité économique, la consommation d'énergie et les émissions de gaz à effet de serre. Ce lien est même plus fort en Saskatchewan puisque notre économie est dominée par des industries énergivores, comme la production d'énergie et de minéraux. Si nous ne réussissons pas à rompre les liens entre l'activité économique, la consommation d'énergie et les émissions de gaz, la réduction de ces émissions entraînera essentiellement un ralentissement de la croissance économique. La Saskatchewan croit que l'un des meilleurs moyens de rompre ces liens, c'est de mettre au point et d'utiliser une technologie énergétique, en particulier la technologie de captage et de stockage du CO2. Il s'agit d'un sujet dont Lionel vous a parlé également tout à l'heure.

La technologie de captage et de stockage du CO2 est d'une importance cruciale. L'Agence internationale de l'énergie prévoit que les combustibles carbonés représenteront encore 75 p. 100 de la consommation énergétique mondiale en 2035. En raison de cette dépendance continue sur les combustibles carbonés, le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat a estimé que le captage et le stockage de CO2 pourraient contribuer à la moitié de toutes les réductions d'émissions nécessaires pour stabiliser les niveaux de gaz à effet de serre dans l'atmosphère.

En Saskatchewan, le lignite peut être une ressource sûre et bon marché qui permettrait de produire de l'électricité pendant de nombreuses décennies, si nous réussissons à aplanir les préoccupations d'ordre environnemental grâce au captage et au stockage du CO2. Nous sommes des chefs de file mondiaux dans ce domaine et nous avons joué un rôle majeur en démontrant que cette technologie est sûre et pratique. La Saskatchewan a d'importantes sources de dioxyde de carbone, comme des centrales électriques au charbon, des entreprises de raffinage et des usines de traitement situées près des gisements de pétrole en production et des réservoirs contenant de l'eau salée. La Saskatchewan dispose ainsi de deux options pour l'enfouissement souterrain du dioxyde de carbone.

À court terme, nous allons capter le dioxyde de carbone de ces installations et l'injecter dans un réservoir de pétrole, ce qui nous permettra à la fois de stocker le dioxyde de carbone et d'accroître la production de pétrole. Cette solution est avantageuse à la fois pour l'économie et l'environnement, ce qui est assez rare. À long terme, le dioxyde de carbone capté peut être stocké dans divers aquifères salins très profonds et très vastes que couvre toute la moitié sud de la province.

Les ventes de dioxyde de carbone aux producteurs de pétrole compenseront une partie des coûts actuellement élevés du captage de CO2, lesquels devraient décliner dans les années à venir, ce qui permettra à la Saskatchewan de procéder ensuite au stockage du dioxyde de carbone dans des aquifères salins.

M. Kambeitz, le témoin précédent, vous a parlé du projet de Weyburn. Voici ma dernière diapositive, qui porte précisément sur ce projet.

Vous pouvez voir que la récupération assistée du pétrole au moyen du dioxyde de carbone présente un important potentiel de développement de ressources en Saskatchewan. Je dois préciser qu'il ne s'agit pas d'une nouvelle technologie. Elle se pratique dans le bassin permien du Texas depuis les années 1970, et la première injection en Saskatchewan a commencé en 1984 dans le cadre d'un projet pilote. À l'heure actuelle, nous avons deux projets d'envergure commerciale; ce ne sont pas des projets pilotes. L'un d'eux est mené par Cenovus, le successeur d'Encana, et se trouve dans le gisement pétrolifère de Weyburn. L'autre est mené par Apache Canada dans le gisement pétrolifère avoisinant de Midale. Dans le cadre de ces deux projets, on achète du dioxyde de carbone qui, autrement, serait émis par une installation de gazéification du charbon au Dakota du Nord.

Dans l'encart qui se trouve au bas de la page, vous voyez où se trouve la source de dioxyde de carbone dans le Dakota du Nord. Vous voyez aussi le pipeline de 325 kilomètres qui traverse la frontière canado-américaine et qui est réglementé par l'Office national de l'énergie.

Dans le cadre du projet RAP de Weyburn, on injecte du dioxyde de carbone depuis l'an 2000, ce qui a permis d'augmenter la production de pétrole de 60 p. 100, soit 60 p. 100 de plus que ce que la production de pétrole aurait été autrement. En haut de cette diapositive, à droite, vous voyez la production de pétrole qui est prévue par suite de l'injection de dioxyde de carbone. Je fais remarquer que la production actuelle de pétrole de ce gisement atteint un niveau qui n'a pas été enregistré depuis les années 1960 et les années 1970. Il s'agit donc d'un champ pétrolifère parvenu à maturité qui a été régénéré grâce à la récupération assistée du pétrole.

J'aimerais aussi souligner que le volume de dioxyde de carbone injecté par Cenovus et Apache chaque année équivaut à la somme totale des émissions produites par l'ensemble des ménages de la Saskatchewan et du Manitoba. Ce volume d'émissions compensées est atteint chaque année sans qu'il n'en coûte un sou au gouvernement fédéral, puisqu'il s'agit d'un projet économique; l'argent qu'il génère est destiné aux producteurs qui contribuent à son fonctionnement.

Nous menons un projet de recherche qui s'appuie sur les projets de récupération assistée des hydrocarbures et qui a permis de fournir des preuves scientifiques irréfutables que le stockage géologique à long terme du dioxyde de carbone est sécuritaire. Cette information est disponible et peut servir à lancer d'autres projets ailleurs dans le monde. Une utilisation plus répandue de la technique de récupération assistée du pétrole créera un marché pour le dioxyde de carbone qui sera capté des futures installations de charbon épuré de la Saskatchewan, comme le projet de Boundary Dam dont les représentants de la SaskPower vous ont parlé ce matin, en plus de créer un important potentiel tant sur le plan économique qu'environnemental pour la Saskatchewan.

Pour terminer, j'espère avoir démontré l'importance du secteur énergétique du Canada et de la Saskatchewan et la nécessité d'examiner avec soin les changements proposés, surtout parce que le secteur énergétique est habituellement tenu pour acquis et est mal compris. J'espère avoir expliqué correctement le rôle crucial que joue la nouvelle technologie pour l'avenir du secteur énergétique du Canada et la réalisation de nos objectifs environnementaux.

Le président : Merci beaucoup, monsieur. Les dernières diapositives sont pour...

M. Wist : Elles sont présentées à des fins de référence. Si vous les trouvez d'un intérêt quelconque, je peux vous en parler. J'ai cru qu'elles pourraient m'être utiles pour répondre à vos questions.

Le président : Très bien.

Le sénateur Mitchell : On ne nous a pas beaucoup parlé des sables bitumineux au cours de nos audiences. Pouvez- vous nous brosser un tableau de la situation actuelle et nous dire vers quoi on se dirige, selon vous?

M. Wist : En Saskatchewan ou en Alberta?

Le sénateur Mitchell : En Saskatchewan.

M. Wist : En Saskatchewan, nous devons attendre la mise au point d'une nouvelle technologie. Nous y travaillons avec nos centres de recherche dans la province, mais nous savons aussi que des centres de recherche de l'Alberta s'y intéressent également.

En Saskatchewan, les sables bitumineux sont trop profonds pour une exploitation à ciel ouvert, mais ils sont trop peu profonds pour utiliser une vapeur à haute pression pour l'extraction. C'est une situation que l'on trouve également en Alberta. En ce qui concerne les sables bitumineux de l'Alberta, seulement 20 p. 100 peuvent être exploités à ciel ouvert et probablement 20 p. 100 encore sont assez profonds et enfouis sous un assez bon substrat rocheux pour qu'on puisse utiliser une vapeur à haute pression. Pour le reste des sables bitumineux de l'Alberta, bien que la ressource existe, il faut une autre technologie pour que l'activité soit commercialement rentable. L'Alberta s'intéresse au développement de cette technologie, et lorsqu'elle sera prête à utiliser en Alberta, il ne fait aucun doute que nous pourrons l'utiliser aussi en Saskatchewan.

Le sénateur Mitchell : Vous avez dit, je crois, que vous aviez 5 p. 100 d'énergie éolienne?

M. Wist : Oui.

Le sénateur Mitchell : Est-ce le pourcentage le plus important au pays?

Michael Balfour, directeur, Économie d'énergie, ministère de l'Énergie et des Ressources, gouvernement de la Saskatchewan : Non, c'est parmi les plus importants.

Le sénateur Mitchell : Pourquoi faites-vous cela? Avec toutes ces autres ressources, qu'est-ce qui vous pousse à produire une énergie éolienne? J'en suis d'ailleurs ravi.

M. Wist : Une partie des chinooks de l'Alberta atteint l'Ouest de la Saskatchewan. Nous avons un très bon régime éolien, et c'est là la raison. Nous voulions savoir quelle était la qualité de notre régime éolien.

L'intégration de l'énergie éolienne dans notre réseau d'électricité pose certains problèmes. Notre réseau est relativement petit, et les lignes de raccord que nous avons avec d'autres territoires comportent des contraintes. Notre accès au réseau de l'Alberta, par exemple, est limité, parce qu'il fonctionne sur des fréquences différentes de celles du réseau de la Saskatchewan. Il faut procéder à une conversion c.a.-c.c., et cetera. Nous ne sommes pas idéalement situés pour ce qui est des raccords avec les autres territoires, mais nous avons un excellent régime éolien dans le Sud de la province. Il tend à se détériorer dans le Nord, mais on dit que les Prairies constituent une région assez venteuse et cette réputation est bien méritée.

Le sénateur Mitchell : Vous avez dit, je crois, que votre capacité était utilisée à 40 p. 100, ce qui est très élevé. Quels sont les chiffres? Quel est le coût?

M. Wist : Le prix de l'énergie éolienne est probablement égal à celui de notre forme de production énergétique la plus coûteuse, soit le gaz naturel en périodes de pointe. Si vous pouviez prévoir la présence du vent durant ces périodes, ce serait utile. Lorsque le vent souffle, SaskPower l'utilise, mais le problème, c'est qu'il vient et qu'il va, et on ne sait pas exactement à quel moment il soufflera.

Les représentants de SaskPower ont parlé de leur expérience lors de la journée la plus froide de l'année, lorsque nous enregistrons des températures sibériennes. Il n'y a pas de déplacement d'air, par chance, alors l'énergie éolienne n'est pas disponible, mais c'est votre journée de pointe de l'hiver. Puis il y a les mois torrides de l'été, où une masse d'air chaude et stable reste là pendant un certain temps, avec très peu de vent. Il n'y a pas de vent pour soutenir ou aider à répondre à la demande de pointe, malheureusement, alors vous devez avoir une énergie de secours.

L'énergie de secours doit être disponible presque instantanément. Ainsi, la SaskPower a une réserve tournante de turbines au gaz naturel qui fonctionnent constamment. Lorsqu'il n'y a plus de vent, on les alimente davantage pour qu'elles continuent de tourner. C'est pour cette raison qu'on associe une empreinte carbone à notre énergie éolienne.

Le sénateur Banks : Vous avez dit que la Saskatchewan est le deuxième producteur d'éthanol en importance au pays, et on nous l'avait déjà dit. Quelles matières biologiques utilise-t-on? Est-ce de la cellulose ou des légumes?

M. Wist : Ce sont des céréales.

M. Balfour : Du blé, en particulier.

Le sénateur Banks : En Saskatchewan, l'éthanol est produit principalement à partir du blé.

M. Balfour : C'est exact. Nous importons du maïs à l'occasion. C'est une décision économique que prennent les producteurs d'éthanol, mais la matière végétale locale qu'on utilise est le blé. C'est la principale matière utilisée par nos producteurs d'éthanol.

Le sénateur Banks : Qui en produit? Est-ce une production commerciale?

M. Wist : Husky Energy, par exemple, exploite la plus grande usine d'éthanol en Saskatchewan. On multiplie les avantages économiques en créant un parc d'engraissement juste à côté. Le grain qui sort de l'usine d'éthanol est fourni au parc d'engraissement.

M. Balfour : On a aussi un excédent de chaleur provenant du fonctionnement des installations industrielles, ce qui réduit le coût de la production d'éthanol.

Le sénateur Banks : Le blé n'est pas gaspillé en tant qu'aliment; après son traitement, il est utilisé encore pour nourrir le bétail.

M. Balfour : C'est exact. La pâtée qui reste sert à nourrir le bétail.

M. Wist : Les usines d'éthanol préfèrent utiliser du blé fourrager de moins bonne qualité parce qu'il coûte moins cher. Il est habituellement disponible en grande quantité à cause du gel, d'un certain nombre de dommages, parce qu'il est resté au sol trop longtemps, parce que le grain était trop dur pour la moissonneuse-batteuse.

M. Balfour : L'usine d'éthanol de Husky Lloydminster, en particulier, a un excédent de chaleur provenant de ces installations industrielles, si bien qu'elle peut assécher la pâtée qui reste. Elle expédie la pâtée séchée partout en Amérique du Nord, principalement en Alberta.

Le sénateur Banks : J'aimerais que vous nous donniez plus d'explications. Je n'ai pas bien compris ce que vous vouliez dire lorsque vous avez affirmé qu'il fallait rompre le lien entre l'activité économique et la production énergétique. Je ne comprends pas comment vous pouvez rompre ce lien. Ne s'agit-il pas de deux choses indissociables?

M. Wist : Si nous ne réussissons pas à rompre le lien, ce sera très difficile pour les pays industrialisés de réduire leurs émissions de gaz à effet de serre. Vous romprez ce lien en développant des sources énergétiques qui ont une faible empreinte carbone. Vous le ferez aussi en utilisant différemment vos combustibles fossiles, en captant le dioxyde de carbone qu'ils génèrent. Vous pouvez continuer à utiliser la ressource tout en menant votre activité économique. En fait, vous pouvez générer une nouvelle activité économique par la récupération assistée des hydrocarbures au moyen du CO2 et réduire encore vos émissions.

Le sénateur Banks : Autrement dit, on peut rompre le lien en enlevant le mal.

M. Wist : Oui. C'est le cas du charbon épuré.

Le sénateur Banks : En faisant en sorte que ce ne soit plus une mauvaise chose à faire.

M. Wist : Oui.

Le sénateur Banks : Comme vous l'avez dit, l'utilisation du CO2 et d'autres types de solvants pour la production secondaire des champs pétrolifères parvenus à maturité n'est pas une nouvelle technique, mais elle est nouvelle au Canada parce que, ironiquement, nous ne captions pas de CO2. C'est la seule raison pourquoi nous ne l'avons pas utilisée auparavant. L'usine du Dakota du Nord qui capte le CO2 n'a pas été construite à cette fin; elle devait servir d'abord à tout autre chose. N'est-ce pas ironique et, au bout du compte, un peu gênant que, d'une part, on se tord les mains de désespoir à cause de tout ce CO2, cette mauvaise chose que nous rejetons supposément dans l'air, et, d'autre part, qu'on l'importe pour en faire bon usage? Ne devrions-nous pas utiliser notre propre CO2 depuis longtemps? Nous pourrions l'utiliser à Turner Valley si nous pouvions le capter. Turner Valley est l'exemple parfait du champ pétrolifère parvenu à maturité, qui a depuis longtemps dépassé sa date de péremption. Il s'y trouve encore beaucoup de pétrole, mais nous n'avons pas de CO2 assez proche pour justifier une récupération secondaire.

M. Wist : Les points que vous soulevez sont excellents, monsieur le sénateur.

En 1984, lorsque Shell a commencé la première injection pilote de dioxyde de carbone dans le réservoir de Midale, c'était du CO2 d'origine canadienne qui était utilisé. Il provenait d'une usine d'engrais près de Medicine Hat, en Alberta. Il a été transporté par camion, le long de la Transcanadienne, et il a été injecté dans le réservoir. C'étaient des quantités limitées seulement.

Le sénateur Banks : Ce serait, par définition, un projet pilote.

M. Wist : Oui, c'était un projet pilote qui visait à voir comment le réservoir allait réagir au dioxyde de carbone et si ce serait économique. PanCanadian était un partenaire dans le projet de Midale mené par Shell. Shell a fait l'expérience et PanCanadian surveillait le tout, en prenant attentivement des notes. Si la technologie fonctionnait dans le réservoir de Midale, PanCanadian avait conclu qu'elle fonctionnerait encore mieux dans son réservoir de Weyburn.

Des représentants de l'entreprise nous ont parlé du dioxyde de carbone et des sources de CO2. C'était au milieu des années 1990. Nous avons examiné un certain nombre de sources au Canada. Nous avons examiné des sources naturelles de dioxyde de carbone en Colombie-Britannique, ainsi que des sources potentielles de dioxyde de carbone naturel en Saskatchewan, et il y en a quelques-unes. Nous avons examiné d'importantes sources naturelles de dioxyde de carbone aux États-Unis pour le gros de l'injection de CO2 qui a lieu au Texas, dans le bassin permien. Nous avons songé aux centrales au charbon de la SaskPower et à la nouvelle technologie que l'Université de Regina était en train de mettre au point à cette époque pour le captage du dioxyde de carbone. Nous avons tenu compte des coûts estimés par les chercheurs de l'université et nous avons jugé que ce serait probablement coûteux et risqué de dépendre d'une technologie aussi nouvelle. Nous avons examiné l'installation de gazéification du charbon au Dakota. Cette usine a été construite par Jimmy Carter à l'époque de l'embargo sur le pétrole arabe. Il voulait gazéifier le lignite noir pour que les États-Unis ne dépendent plus des sources étrangères d'énergie. Il semble que ce ne soit plus aussi préoccupant maintenant, mais à cette époque, les Américains s'inquiétaient de dépendre de sources étrangères de pétrole, et ils ont donc construit une installation de gazéification du lignite. Ils ont reçu d'intéressants contrats pour la vente du gaz naturel synthétique que l'usine produisait et le dioxyde de carbone qui était rejeté dans l'atmosphère.

Par la suite, l'usine a fait faillite et est passée aux mains de quelqu'un d'autre. Une autre faillite s'en est suivie et l'usine a été rachetée, puis est née l'Agence de protection environnementale des États-Unis, qui a exigé une réduction des émissions. Alors que l'usine s'apprêtait à prendre des mesures d'assainissement, elle s'est retrouvée avec une source incroyablement pure de CO2, qu'elle prévoyait aussi rejeter dans l'atmosphère. Or, PanCanadian est intervenu et lui a proposé d'acheter le CO2, qui serait transporté par pipeline. L'usine s'est empressée d'accepter l'offre.

Si on regarde toutes les autres sources de CO2 disponibles aux États-Unis, c'est très difficile d'être compétitif alors que les capitaux du gouvernement fédéral américain se sont dépréciés à quelques reprises sous l'effet des faillites. C'était tout simplement la source de CO2 disponible qui était la moins chère.

Le sénateur Banks : Finalement, la proposition, largement critiquée, de l'Alberta visant à construire un pipeline pour recueillir du CO2, assorti à des crédits pour les carburants renouvelables, n'est peut-être pas une si mauvaise idée.

M. Wist : Il faudra voir s'il y a une demande pour ce dioxyde de carbone dans des endroits comme Turner Valley. La différence entre certains réservoirs de l'Alberta et ceux de la Saskatchewan, c'est qu'on n'a fait que des injections d'eau en Saskatchewan jusqu'à présent, et on songe à un solvant maintenant. Le dioxyde de carbone est un solvant industriel précieux qu'on utilise dans cette application, et c'est la première fois seulement qu'on injectera un solvant.

On a déjà injecté, une fois auparavant, un solvant dans les réservoirs albertains, qui sont de bien meilleure qualité et qui supportent l'injection de dioxyde de carbone. En effet, l'Alberta avait un excédent de propanes, de butanes, de produits pétrochimiques liquides, et on a dit aux producteurs de les injecter dans le réservoir. Ils ont ainsi réussi à augmenter la production. La question qui se pose est la suivante : si vous injectez maintenant du dioxyde de carbone, que vous procédez à une deuxième injection de solvant dans le réservoir, l'opération sera-t-elle rentable?

Je crois aussi que les producteurs de pétrole de l'Alberta s'interrogent sur la pertinence de retourner dans ces vieux réservoirs avec des puits horizontaux et les techniques de fractionnement hydraulique. Réussira-t-on à ouvrir des portions du réservoir que ces injections de solvants industriels n'avaient pas réussi à percer? Est-ce là un moyen techniquement et économiquement supérieur de retourner dans ces réservoirs? Je crois que c'est là une des raisons pourquoi la récupération assistée du pétrole au moyen du dioxyde de carbone n'a pas suscité chez les producteurs de pétrole de l'Alberta l'enthousiasme qu'avaient espéré quelques-uns des premiers promoteurs des principaux pipelines de CO2.

Le sénateur Neufeld : Cette discussion est intéressante. C'était là une de mes questions. Vous avez donné de très bonnes explications.

Vous dites qu'il y a déjà eu une injection. Je crois comprendre qu'on n'en fait habituellement pas deux. Une injection se déroule-t-elle sur une certaine période de temps? Combien de temps peut prendre une injection de CO2? La substance traverse-t-elle le puits une fois, rapidement, ou est-ce que cela prend des années? Comment cela se passe-t-il?

M. Wist : L'injection se fait sur une longue période de temps. PanCanadian a commencé une injection à Weyburn en 2000, et du dioxyde de carbone est injecté depuis ce temps de façon continue. Jusqu'à présent, on a injecté environ 16 millions de tonnes. La société espère stocker 26 millions de tonnes de dioxyde de carbone dans ce réservoir. L'opération dure plusieurs années. Vous commencez essentiellement dans une partie du réservoir et vous injectez la substance par des puits jumelés pour créer une masse de dioxyde de carbone qui déplace le pétrole vers des puits de production. Vous essayez de nettoyer cette zone précise. Puis vous avancez et, à mesure que vous obtenez d'autre dioxyde de carbone, vous drainez d'autres portions du réservoir, parce que vous n'avez qu'une quantité limitée de dioxyde de carbone à votre disposition.

Le sénateur Neufeld : Je comprends.

En ce qui a trait au pétrole de Bakken, aidez-moi un peu à le situer. Est-ce que le pétrole de Bakken se trouve aussi aux États-Unis?

M. Wist : Oui, beaucoup.

Le sénateur Neufeld : Le cercle ici, c'est la portion de la formation de Bakken qui se trouve en Saskatchewan.

M. Wist : L'extrémité nord de la formation de Bakken, oui.

Le sénateur Neufeld : La formation descend très bas dans le sud?

M. Wist : Oui, elle fait partie du bassin de Williston, qui est différent du bassin sédimentaire de l'Alberta. Le bassin de Williston est en partie en Saskatchewan, un peu au Manitoba, un peu au Montana, principalement au Dakota du Nord et un peu au Dakota du Sud.

Le sénateur Neufeld : Le Dakota du Nord obtient-il du CO2 de la même usine que vous?

M. Wist : Non.

Le sénateur Neufeld : L'obtient-il d'autres sources?

M. Wist : On n'injecte pas du dioxyde de carbone à cet endroit pour récupérer le pétrole. On en est présentement à une production primaire. Les réservoirs sont si compacts que vous ne pouvez pas injecter de l'eau. L'eau n'ira nulle part si vous essayez d'en injecter dans le réservoir. C'est pourquoi on le fracture pour créer à l'intérieur d'autres veines peu poreuses et perméables qui permettront au pétrole de se déplacer jusqu'au puits et atteindre ensuite la surface.

Le sénateur Banks : Cela mis à part, toute la production de cette usine de gazéification du lignite est transportée par pipeline jusqu'à Weyburn, n'est-ce pas?

M. Wist : Je crois que tout le dioxyde de carbone disponible est présentement livré en Saskatchewan. Il est possible qu'une partie de l'usine ne produise pas de dioxyde de carbone pur et que ce CO2 soit encore rejeté dans l'atmosphère.

Le sénateur Neufeld : Oui, ce serait naturel. Lorsque le projet Boundary Dam sera terminé, l'industrie pétrolière et gazière utilisera ce CO2 quelque part dans le Sud de la Saskatchewan?

M. Wist : C'est ce qui est prévu.

Le sénateur Neufeld : C'est le grand plan à l'heure actuelle.

M. Wist : Oui.

Le sénateur Neufeld : C'est très bien.

J'ai une autre question. Savez-vous combien de blé est utilisé pour produire de l'éthanol?

M. Balfour : Je ne me rappelle pas le chiffre exact, mais environ 10 p. 100 de la production de blé de la Saskatchewan sert maintenant à la production d'éthanol dans la province.

Le sénateur Neufeld : Dix pour cent du blé?

M. Balfour : Oui.

Le sénateur Neufeld : Vous ne le savez probablement pas, mais ce blé est-il acheté entièrement par l'intermédiaire de la Commission du blé?

M. Balfour : Pas du tout.

Le sénateur Neufeld : Absolument rien?

M. Balfour : Ce serait alors des céréales fourragères.

Le sénateur Neufeld : Ces achats sont faits à l'extérieur de la Commission du blé?

M. Balfour : Oui.

Le sénateur Massicotte : Merci d'être avec nous aujourd'hui. C'est très éclairant.

On nous a dit plus tôt aujourd'hui — et je crois que vous avez entendu le même témoignage — que du point de vue stratégique de la Saskatchewan, la question du changement climatique et le contrôle des impacts dépendent beaucoup du CSC et du succès du projet qui est envisagé. En fait, c'est la solution ultime aux problèmes que posent les centrales au charbon. Pouvez-vous nous dire quelle est la probabilité de succès? En nous entretenant avec certains témoins, nous avons appris que cette expérience a réservé quelques surprises. Les résultats obtenus étaient parfois différents. À votre avis, la probabilité de succès est-elle de 95, 100 ou 50 p. 100? Pouvez-vous nous en donner une idée?

M. Wist : Il y a deux technologies associées au captage et au stockage du CO2. La première consiste à capter le dioxyde de carbone, et l'autre, à le stocker.

Le stockage du dioxyde de carbone en Saskatchewan est très simple. Nous le faisons depuis 1984. Nous avons 60 000 puits de pétrole et de gaz en Saskatchewan. Je dirais que l'Alberta en compte plus de 100 000. Nous connaissons très bien la subsurface en Saskatchewan et en Alberta. Nos mécanismes de contrôle sont bien rodés. Nous réglementons l'industrie du pétrole et du gaz naturel depuis les années 1930 et nos technologies sont bonnes et fiables. Nous comprenons la surface et nous avons des industries d'expérience qui savent ce qu'elles font. Le stockage ne présente donc aucun problème d'aucune sorte.

Il y a un risque important associé au captage du dioxyde de carbone. La SaskPower prend un risque économique important en ayant recours à une technologie à l'amine, qui a certes déjà été éprouvée et utilisée dans l'industrie pétrolière et gazière, mais qu'on utilise maintenant dans une application différente et à une échelle différente dans une centrale au charbon. On prend un risque parce qu'on ne sait pas exactement comment cette technologie particulière fonctionnera avec le gaz de carneau qui sera utilisé. C'est là le risque que comporte ce projet. Le risque n'est pas lié au stockage.

Nous savons parfaitement bien ce que nous allons faire avec le dioxyde de carbone. Nous injectons déjà des quantités importantes de liquide dans cette même formation ailleurs en Saskatchewan en raison de la production d'eau salée associée à une mine de potasse. On reconnait que la formation peut varier d'un site à l'autre, mais on n'envisage aucun problème.

Comme M. Kambeitz l'a dit plus tôt, notre industrie pétrolière produit souvent 5 p. 100 de pétrole et 95 p. 100 d'eau salée. Nous prenons cette eau salée et nous la réinjectons dans la subsurface. Tous les jours, notre industrie pétrolière et gazière produit et réinjecte ainsi de très grandes quantités de liquide. Nous allons réinjecter une quantité relativement limitée d'un autre liquide. Il se trouve que ce liquide est du dioxyde de carbone, et non de l'eau salée, mais c'est un processus industriel et une industrie que nous connaissons très bien.

Le sénateur Massicotte : Si vous combinez les deux risques, pourriez-vous nous dire quelle sera la probabilité de succès?

M. Wist : C'est difficile. Il n'y a aucun risque associé au stockage.

Quant au risque associé au captage du dioxyde de carbone, je dirais que les estimations de la SaskPower comportent une marge d'erreur de 25 p. 100 par rapport à la performance réelle de cette centrale. On espère que les coûts seront inférieurs aux estimations de la SaskPower, ou encore que le rendement sera supérieur à ses estimations. Les résultats pourraient être différents.

Le sénateur Massicotte : Qu'arrive-t-il si ce risque entre en jeu et que le rendement n'est pas ce que l'on qualifierait de succès? Existe-t-il un plan B?

M. Wist : Je crois que le plan B consisterait à examiner ce que d'autres technologies de captage du CO2 ont donné ailleurs dans le monde, puis d'essayer d'utiliser la meilleure technologie qui existe. Nous ne serons pas les seuls à entreprendre ce type de projet particulier; nous sommes simplement parmi les premiers.

À l'heure actuelle, cette centrale de la SaskPower est l'un des deux seuls projets à l'échelle commerciale qui sont mis en branle partout dans le monde. L'autre est le projet de gazéification au Mississippi, dont il a été question tout à l'heure. Ce sont les deux seules centrales thermiques au charbon à l'échelle commerciale qui vont capter du dioxyde de carbone.

M. Balfour : La nôtre est la seule à utiliser une technologie de postcombustion.

Le sénateur Massicotte : Ce que vous dites, c'est qu'il n'existe pas vraiment de plan B et qu'il faudra simplement que cela fonctionne. Ce sera un échec si le plan coûte davantage ou donne de moins bons rendements que ce qu'on aurait espéré. Est-ce vraiment là la conséquence d'un plan qui ne fonctionne pas?

M. Balfour : Je vous remercie de poser cette question, monsieur le sénateur.

Je crois qu'il faudrait plutôt dire que la technologie va fonctionner. La question est de savoir dans quelle mesure elle sera à la hauteur de nos attentes. Il y a aussi le niveau de pénalité financière, puisqu'il y en a une, en comparaison avec une centrale conventionnelle au charbon. Nous espérons compenser une partie de cette pénalité financière en vendant le CO2 aux producteurs de pétrole. Nous n'avons pas encore signé de contrat définitif, mais la chose suscite beaucoup d'intérêt.

Le succès peut se mesurer de différentes façons. Il y aura toujours une certitude quant au succès du stockage. Nous le savons. Cela va fonctionner. On l'a fait auparavant. Ce n'est même pas un sujet de discussion, selon nous. Ce que l'on peut débattre, c'est le niveau de performance technique et le niveau de pénalité financière assorti à cette performance. Lorsque vous êtes les premiers au monde à mener un projet de cette envergure, vous avez la certitude que la prochaine centrale en retirera des leçons et les assimilera, et nous reconnaissons cela en tant que gouvernement. C'est pourquoi nous avons choisi d'aller de l'avant. C'est important pour la Saskatchewan. Environ 50 ou 60 p. 100 de notre électricité dépend du charbon chaque année. C'est la même chose dans d'autres régions du Canada. C'est la même chose dans l'ensemble du monde. Environ 50 à 60 p. 100 de l'électricité mondiale est produite à partir du charbon. C'est pourquoi le CSC est une technologie importante, parce que si le monde doit aller de l'avant, il ne le fera qu'avec le CSC.

Le sénateur Massicotte : Concernant vos frais totaux de financement, y compris la remise en état de la centrale au charbon, quels sont les besoins de financement et quelle est la contribution de chacun?

M. Wist : Au total, la remise en état des installations Boundary Dam 3 coûte environ 1,2 milliard de dollars. Le gouvernement fédéral fournit 240 millions de dollars, et la SaskPower injectera le milliard qui reste. Il y aura ensuite d'autres coûts qu'assumera le producteur de pétrole sur le terrain pour l'installation des pipelines, des conduites d'écoulement, des installations de compression et des réservoirs supplémentaires.

Le sénateur Massicotte : Pour acheminer le CO2 à votre mine.

M. Wist : J'aimerais revenir sur ce que vous avez dit au sujet du plan B, de ce qui va se produire et de ce que seront les impacts et le risque. Comme Mike l'a souligné, la technologie devrait fonctionner dans une certaine mesure. La question qui se pose est la suivante : Combien en coûte-t-il à la SaskPower pour faire fonctionner cette centrale en permanence? Les coûts seront-ils inférieurs à ce qu'elle avait espéré, seront-ils équivalents à ce qu'elle avait prévu ou seront-ils supérieurs à ce qu'elle avait craint? C'est là le risque auquel elle s'expose. Il faut alors intégrer ces coûts plus élevés que prévu à la base tarifaire. Il faudra les recouvrer auprès des contribuables de la Saskatchewan sur 45 ou 50 ans de la durée de vie de la centrale. Je crois que la centrale continuera de fonctionner, alors il n'y a pas lieu d'avoir un plan B.

L'autre chose, c'est qu'il sera possible de modifier le plan existant, de changer les amines, de changer le matériel de remblayage et de faire autre chose avec l'infrastructure qui aura été créée pour pouvoir profiter des projets ultérieurs qui seront menés ailleurs. C'est vraiment une question de coût.

Le sénateur Massicotte : Le plan B est effectivement plus coûteux que le plan A.

M. Balfour : Ou peut-être moins coûteux. Nous pouvons être optimistes.

Le sénateur McCoy : Vous dites que vous êtes les seuls à entreprendre un projet CSC à l'échelle commerciale dans une centrale électrique au charbon. Qu'en est-il du projet d'EPCOR à Keephills, en Alberta?

M. Balfour : La centrale n'a pas encore été construite, et c'est pourquoi nous faisons cette distinction.

Le sénateur McCoy : J'ai oublié le numéro. Est-ce Keephills 1?

M. Wist : C'est le no 4, je crois.

Le sénateur McCoy : Ce sera un projet d'envergure également.

M. Balfour : Oui, absolument.

Le sénateur McCoy : On n'a pas encore mis le premier...

M. Balfour : C'est exact; aucune structure de métal n'a été installée dans le sol.

Le sénateur McCoy : Deuxièmement, nous nous sommes entretenus tout à l'heure avec un représentant de la SaskPower et nous lui avons demandé officieusement quel âge avait Boundary 3. Il nous a dit 45 ans. En fait, les décideurs ont dû tenir compte du fait qu'il fallait construire une nouvelle génératrice à cet endroit parce qu'elle était arrivée à la fin de sa vie utile; il fallait remplacer les turbines ou autre chose.

M. Wist : Oui.

Le sénateur McCoy : Pouvez-vous nous en dire un peu plus? Quel pourcentage du coût du projet est lié à la reconstruction de Boundary s3?

M. Balfour : Concernant le coût du remplacement de la turbine, je crois que la valeur du contrat était d'environ le tiers d'un milliard de dollars. Il s'agit d'une turbine spécialisée, la première au monde qui devra fonctionner dans les conditions que l'on sait. C'est une conception unique. Les turbines qui seront construites par la suite selon cette même conception seront moins coûteuses. C'est un coût plus élevé que la normale pour une turbine de 150 mégawatts dans une centrale électrique au charbon. C'est le prix à payer lorsqu'on est premier.

Vous m'avez demandé, je crois, quelle part de cette somme de 1,24 milliard de dollars est attribuable au coût de la turbine. Je crois que la turbine coûte un tiers d'un milliard de dollars.

Le sénateur McCoy : Je peux apprécier les énormes progrès que vous faites, et que nous suivons depuis un certain temps. Toutefois, une partie des coûts associés à la remise en fonction de Boundary 3 n'a rien à voir avec le CSC.

M. Balfour : Absolument.

Le sénateur McCoy : Pouvez-vous y attribuer un coût?

M. Balfour : C'est difficile de répondre directement et précisément à cette question, puisqu'Environnement Canada, conformément au mandat que lui a donné le Cabinet, entreprend de mettre en place une nouvelle réglementation pour les émissions de gaz à effet de serre produites par une centrale électrique au charbon. On doit donner une réponse en fonction des règles qui seront en place.

Le sénateur McCoy : Je ne vais pas insister là-dessus.

M. Balfour : Nous ne pouvons pas reconstruire une usine comme elle aurait été jadis, dans le sens étroit de ce mot. Je ne crois pas que ce soit très utile de supposer ce que serait ce coût.

Le sénateur McCoy : Je ne vais pas insister là-dessus si vous n'êtes pas prêt à donner ce chiffre, mais c'était la première motivation. Nous attendons tous avec impatience de voir l'une de ces choses fonctionner ici même. Je vous remercie beaucoup.

M. Wist : Si les membres du comité aimeraient visiter le site de la SaskPower lorsque les travaux seront terminés — et il devrait être fonctionnel à la fin de 2014 —, je suis certain que la SaskPower serait plus que ravie de les accueillir.

M. Balfour : Des visites sont organisées sur le chantier. Si la chose vous intéresse également, vous pouvez communiquer avec la SaskPower.

Le sénateur McCoy : Nous allons probablement accepter l'offre que vous nous faites en son nom.

M. Balfour : La SaskPower le fait couramment, et je suis certain qu'elle vous recevra avec plaisir même si les travaux de construction sont en cours.

Le président : Merci beaucoup.

Voilà qui met fin aux audiences que nous avons tenues ici, à Regina. Je tiens à remercier tous les sénateurs de leur attention. Je remercie les représentants du secteur de l'énergie de la Saskatchewan. Vos témoignages nous ont été très utiles. Je tiens à remercier nos sténographes, nos interprètes et tout notre personnel d'avoir contribué à une séance qui, encore une fois, a été excellente et productive.

(La séance est levée.)


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