Délibérations du Comité sénatorial permanent de
l'Énergie, de l'environnement et des ressources naturelles
Fascicule 16 - Témoignages du 6 mars 2012
OTTAWA, le mardi 6 mars 2012
Le Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles se réunit aujourd'hui, à 17 h 45, pour étudier l'état actuel et futur du secteur de l'énergie du Canada (y compris les énergies de remplacement).
Le sénateur W. David Angus (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président : La séance est ouverte. Je déclare ouverte cette réunion du Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles au cours de laquelle nous poursuivons notre étude du secteur de l'énergie entamée il y a trois ans. Nous avons, cet après-midi, le plaisir d'accueillir des représentants du gouvernement. Je crois notamment que nous aurons deux groupes. Le premier est constitué de témoins de Ressources naturelles Canada et je les présenterai dans un moment. Je tiens tout d'abord à souhaiter la bienvenue à toutes les personnes présentes ainsi qu'aux personnes qui nous écoutent sur la chaîne CPAC, sur la Toile ou sur le site web consacré à notre étude.
Je dois dire que cette étude du secteur de l'énergie a commencé par un voyage à Washington, il y a près de trois ans. À l'époque, le contexte n'était pas le même : le ministre Prentice était, je crois, ministre de l'Environnement du Canada et le président Obama était venu passer une journée ici. À cette occasion, l'importance de la collaboration canado- américaine avait notamment été soulignée. Nous nous sommes rendus à Washington où nous avons rencontré bon nombre des principaux intervenants dans le dossier de l'énergie et de l'environnement. Nous tenions pour acquis que le Canada et les États-Unis se concertaient en vue de la réunion de Copenhague et pour diverses autres raisons. Depuis lors, de multiples événements ont engendré de profonds changements. La situation mondiale a évolué.
Nous voulons, par notre étude, que les gens comprennent mieux le secteur de l'énergie. Nous voulons que le thème de l'énergie alimente les conversations. Nous constatons que les Canadiens ont commencé à prendre conscience de la situation. Un dialogue s'est amorcé. Je connais au moins deux autres organismes qui ont pour slogan quelque chose comme : « Parlons d'énergie ». Évidemment, cela englobe les ressources naturelles et l'environnement.
Nous avons donc fait ce voyage à Washington. Nous nous sommes dit qu'il serait peut-être opportun de conclure notre étude par un autre voyage à Washington afin de comparer nos constats récents avec ce que nous avions appris lors de notre première visite. Toutefois, compte tenu des contraintes de temps, d'argent et de ressources auxquelles nous sommes confrontés ici, nous nous sommes dit que nous pourrions peut-être apprendre tout ce que nous voulions savoir sur l'évolution que je viens de mentionner et sur l'état actuel des relations entre nos deux pays en nous adressant aux responsables gouvernementaux qui traitent de ces questions au quotidien.
Chers collègues, nous avons invité des représentants de RNCan, du MAECI et d'Environnement Canada à venir nous rencontrer pour nous parler de leurs dossiers et des principaux enjeux.
Pour notre premier panel, nous accueillons deux représentants de RNCan : Mark Corey, SMA, Secteur de l'énergie, et Doug Heath, directeur de la Division des sables bitumineux et de la sécurité énergétique. John Allen, du ministère des Affaires étrangères, est aussi assis à la table. Vous nous avez tous rencontrés à un moment ou à un autre. Je me réjouis de votre présence aujourd'hui. Je crois que nous vous avons donné un préavis suffisant, à la différence peut-être de certains autres comités, et j'espère donc que, cet après-midi, vos interventions seront instructives. Nous allons vous écouter tour à tour avant de passer à la période de questions.
Nous avons hâte de savoir si le Canada agit actuellement de manière autonome et nous collaborons étroitement dans certains volets du dialogue sur les énergies vertes. C'est le principal enjeu en ce qui a trait à Keystone. La question énergétique suscite beaucoup de frictions. L'énergie est, de toute évidence, un mot et un sujet d'actualité; ses implications géopolitiques sont profondes. Il importe, avant l'impression de notre rapport, que nous comprenions la dynamique actuelle des relations entre le Canada et les États-Unis à cet égard ainsi que le rôle de diverses provinces canadiennes et de certains États américains. Si nous concluons, après vous avoir entendus, qu'il y a lieu d'aller à Washington, et si vous nous le conseillez, nous nous y rendrons. J'espère que nous apprendrons bien des choses ici ce soir.
Cela dit, je m'appelle David Angus, je suis sénateur du Québec et je préside ce comité. À ma droite se trouve le sénateur Grant Mitchell, de l'Alberta, qui est vice-président du comité. Ces deux messieurs-là, Marc LeBlanc et Sam Banks, sont des analystes très compétents de la Bibliothèque du Parlement. Le sénateur Richard Neufeld est un ancien ministre, justement des Ressources naturelles et de l'Énergie, du gouvernement de la Colombie-Britannique. Le sénateur Bert Brown, de l'Alberta, possède aussi une riche expérience du secteur pétrolier et de tout ce qui s'y passe. Je crois qu'il avait un puits de pétrole dans sa cour arrière. Nous avons finalement découvert sa Rolls Royce lors d'un récent passage à Calgary. Du Nouveau-Brunswick, où les gens sont en train de devenir des grands spécialistes de la fracturation, nous avons parmi nous l'honorable sénateur John Wallace qui, avec d'autres collègues du Nouveau-Brunswick, accueille depuis quelque temps dans sa province de grands spécialistes américains des gaz de schiste auxquels il vante les merveilles de la fracturation. Il s'agit d'un autre enjeu entre le Canada et les États-Unis parce que les gaz de schiste sont devenus une véritable et immense ressource qu'il est possible d'exploiter, et dont il faut tenir compte sur le plan de la sécurité énergétique des États-Unis. Le sénateur Judith Seidman vient du Québec. Notre très compétente greffière, Lynn Gordon, est assise à ma gauche. Le sénateur Nick Sibbeston vient des Territoires du Nord-Ouest tandis que le sénateur Dan Lang, autre résident du Nord, vient du Yukon. Nous comptons parmi nous un autre Québécois, le sénateur Paul Massicotte, de Montréal. J'accueille aussi ce soir chaleureusement le sénateur Chaput, qui remplace le sénateur Peterson, de la Saskatchewan. Nous sommes ravis de vous voir. Nous venons d'achever un merveilleux séjour dans votre province où nous avons visité l'immeuble le plus vert au monde, le siège social de la Manitoba Hydro. Là encore, nous avons beaucoup entendu parler des États-Unis car, semble-t-il, le domaine de l'énergie comporte un important volet Nord-Sud.
Sans plus tarder, j'invite M. Allen, du MAECI, à prendre la parole. Merci d'être venu nous rencontrer.
Jon Allen, sous-ministre adjoint, Amériques, Affaires étrangères et Commerce international Canada : Monsieur le président, madame et messieurs les sénateurs, je vous remercie. C'est un grand honneur et un plaisir pour moi d'être parmi vous. Je vous parlerai surtout du projet du pipeline Keystone XL et du processus d'approbation aux États-Unis, ainsi que de questions connexes. J'aborderai, dans mes commentaires, les raisons qui font des sables bitumineux une ressource stratégique d'une importance critique pour le Canada; l'importance du projet Keystone XL pour les économies du Canada et des États-Unis ainsi que pour la sécurité énergétique; le processus d'examen et la situation actuelle à cet égard; et enfin certains points de vue qui ont cours aux États-Unis.
Le président : Ce sera un plaisir de vous entendre. Vous savez peut-être qu'une délégation de notre Groupe interparlementaire Canada-États-Unis était à Washington la semaine dernière et, d'après ce que j'ai compris, tout le monde là-bas voulait parler de Keystone.
M. Allen : J'ai eu, plus tôt aujourd'hui, une conversation téléphonique avec quelqu'un de l'ambassade; j'espère donc que nous pourrons vous communiquer un point de vue concerté. Évidemment, il n'en tient qu'à vous de vous rendre là- bas pour le confirmer et engager le dialogue.
Le projet Keystone XL, qu'on appelle souvent KXL, prévoit le prolongement, au coût de 7,6 milliards de dollars, de l'actuel pipeline Keystone, pour acheminer du pétrole, principalement dérivé des sables bitumineux, de l'Alberta aux raffineries de la côte américaine du golfe du Mexique.
Les sables bitumineux constituent une ressource stratégique des plus importantes. Ils contribuent aux débouchés économiques et à la sécurité énergétique du Canada, de l'Amérique du Nord et du reste du monde. Tous les jours, le Canada fournit aux États-Unis environ 1,9 million de barils de pétrole dont près de la moitié sont extraits des sables bitumineux. On ne pourra jamais trop insister sur la valeur stratégique des réserves démontrées de pétrole du Canada, qui sont de l'ordre de 170 milliards de barils. Il s'agit de la troisième réserve de pétrole en importance au monde.
Au Canada, le secteur des sables bitumineux est un des plus importants employeurs directs; en effet, quelque 132 000 personnes occupent un emploi lié à ce secteur. Selon le Canadian Energy Research lnstitute, un groupe de réflexion canadien autonome se spécialisant dans les questions qui touchent l'énergie au Canada, on s'attend à ce que le développement des sables bitumineux apporte 2,3 billions de dollars à l'économie canadienne au cours des 25 prochaines années et soutienne, en moyenne, 480 000 emplois annuellement, selon un scénario de production qui ne comprend que l'infrastructure actuellement en place.
À mesure qu'augmentera la production dans les sables bitumineux, la plus grande partie de cette production accrue ira aux marchés américains; il faudra donc aménager de nouveaux pipelines transfrontaliers. Le pipeline Keystone XL faciliterait l'accès à long terme à un approvisionnement en pétrole sûr d'un ami et d'un allié et contribuerait ainsi à réduire la dépendance des États-Unis à l'égard des importations de pétrole de sources étrangères moins stables ou en déclin.
Permettez-moi d'aborder maintenant le processus d'examen du projet Keystone XL aux États-Unis. TransCanada a présenté sa demande au département d'État américain au mois de septembre 2008. Le département d'État, qui jouit de l'autorité déléguée de délivrer des permis présidentiels pour les pipelines transfrontaliers, a procédé à un examen approfondi et réalisé une longue démarche de consultation concernant la demande de permis pour le pipeline Keystone XL; comme vous le savez, la demande de permis a, en fin de compte, été refusée.
En 2009 et en 2010, dans le cadre du processus d'examen du permis présidentiel, le département d'État a préparé un énoncé des incidences environnementales provisoire, aussi appelé un EIS, conformément au National Environmental Policy Act.
Au mois d'avril 2010, le département d'État a publié l'EIS provisoire pour le projet KXL, un document qui a lancé un processus de consultation interagences et une période de commentaires du public d'une durée de 45 jours, y compris 21 rencontres publiques dans les collectivités le long de l'itinéraire proposé. En raison de l'intérêt suscité par le projet au sein de la population et au Congrès, la période de commentaires du public a été prolongée de 15 jours à deux reprises et des audiences publiques ont été ajoutées.
Pour donner suite aux préoccupations du public, du Congrès et de diverses agences américaines, notamment l'Environmental Protection Agency, le département d'État a ensuite décidé de produire un EIS supplémentaire, qui a été publié au mois d'avril 2011 et qui a lancé une autre période de commentaires du public de 45 jours. Le département d'État a reçu plus de 230 000 commentaires du public durant cette seule période.
Le 26 août 2011, le département d'État a publié la version définitive de l'énoncé des incidences environnementales, selon lequel le pipeline n'aurait pas d'incidence marquée sur la plupart des ressources qu'on trouve le long du corridor proposé. De plus, TransCanada a convenu d'intégrer 57 conditions spéciales propres au projet, proposées par la Pipeline and Hazardous Materials Safety Administration du Département du transport des États-Unis.
Mais l'histoire n'allait pas s'arrêter là. La publication de l'EIS final a déclenché une période d'évaluation des intérêts nationaux de 90 jours. Cette évaluation plus générale de la demande a porté sur des facteurs se situant au-delà des effets sur l'environnement : elle a tenu compte de facteurs économiques, de la sécurité énergétique, de la politique étrangère et d'autres enjeux pertinents.
Pour l'évaluation des intérêts nationaux, le département d'État a décidé de tenir des audiences publiques supplémentaires dans les six États où allait passer le pipeline, soit le Montana, le Dakota du Sud, le Nebraska, le Kansas, l'Oklahoma et le Texas, de même qu'une audience à Washington; on a aussi décidé d'accepter des commentaires supplémentaires du public.
Les audiences du mois de septembre 2011 dans le Nebraska ont permis de constater une préoccupation croissante du public au sujet de l'itinéraire proposé pour le pipeline, soit à travers les Sand Hills, une zone sensible sur le plan environnemental. On souhaitait que le tracé ne passe pas par les Sand Hills.
Le département d'État a annoncé, au mois de novembre 2011, qu'il ne pouvait pas réaliser une évaluation des intérêts nationaux sans obtenir de l'information supplémentaire; il a exigé un EIS supplémentaire portant sur d'autres tracés se trouvant entièrement au Nebraska, mais à l'extérieur des Sand Hills. TransCanada et le Nebraska ont alors annoncé une entente visant à déplacer le pipeline KXL à l'extérieur des Sand Hills; ils négocient actuellement un nouveau tracé.
Le 18 janvier 2012, le département d'État a recommandé au président de rejeter la demande relative au projet Keystone XL. On a évoqué comme raison le Temporary Payroll Tax Cut Continuation Act de 2011, qui exigeait une décision concernant le pipeline en moins de 60 jours; le département d'État faisait valoir que l'administration fédérale ne pouvait pas évaluer un nouveau tracé dans le Nebraska, un tracé qui n'avait pas encore été annoncé, dans un délai aussi court.
Dans sa déclaration d'assentiment, le président a toutefois indiqué ce qui suit :
La présente annonce n'est aucunement un jugement sur le bien-fondé du pipeline, car elle concerne plutôt la nature arbitraire d'une échéance qui a empêché le département d'État de recueillir l'information qu'il lui fallait pour approuver le projet et protéger le peuple américain.
Depuis lors, TransCanada a indiqué qu'elle soumettrait une nouvelle demande, et je crois comprendre qu'un porte- parole de TransCanada à Houston a indiqué aujourd'hui que cette demande serait présentée d'ici cinq à huit semaines.
Le département d'État a indiqué que, dans la mesure où la nouvelle demande est identique à la précédente, la National Environmental Policy Act et les procédures internes du département d'État permettent à ce dernier d'évaluer l'information de la demande précédente. Il a noté, toutefois, qu'on ne pouvait pas savoir, avant le dépôt d'une nouvelle demande, quel volume d'informations serait accessible et en quoi ces informations écourteraient le délai d'évaluation.
Le 27 février, TransCanada a annoncé qu'elle entamerait la construction du segment « côte américaine du golfe du Mexique » du pipeline Keystone XL, de Cushing, en Oklahoma, à Port Arthur et à Houston, au Texas. La construction commencera dès que l'entreprise aura obtenu des autorités fédérales, locales et des États concernés les permis qui lui manquent; le segment pourrait être en service au milieu ou à la fin de 2013.
De plus, TransCanada a indiqué son intention de présenter, dans un avenir rapproché, une demande de permis présidentiel distincte au département d'État pour le segment nord du pipeline, qui s'étendra de la frontière canado- américaine à Steele City, au Nebraska. TransCanada présentera, de concert avec cette demande, un nouveau tracé au Nebraska dès que ce tracé aura été choisi.
Comme vous venez de l'entendre, le pipeline Keystone XL a fait l'objet d'un examen approfondi et de longue haleine au cours des dernières années. Avec la garantie d'un changement de tracé au Nebraska, KXL jouit d'un solide appui de politiciens républicains et démocrates dans les six États où passera le pipeline. Au nombre des personnes en faveur du pipeline, on compte les six gouverneurs, les 12 sénateurs des États-Unis et 42 des 46 membres de la Chambre des représentants.
Le président : Pour la transcription, pouvez-vous nous préciser qui sont ces six États? Les avez-vous déjà mentionnés?
M. Allen : Oui, mais je peux vous répéter leurs noms. Il s'agit du Montana, du Dakota du Sud, du Nebraska, du Kansas, de l'Oklahoma et du Texas.
Le président : Merci.
M. Allen : À vrai dire, personne ne s'y oppose, mais quatre de ces représentants n'ont pas pris position publiquement. Il ne s'agit pas d'un cas de « pas dans ma cour ». Dans ces États, aucun politicien ne s'oppose au pipeline.
On déploie des efforts continus au sein du Congrès pour obtenir les permis pour le projet Keystone XL. Les membres du Congrès en faveur du projet Keystone XL ont fait des efforts pour obtenir de nouvelles mesures législatives afin d'accélérer le projet. Malgré cela, aucune voie clairement définie ne laisse entrevoir l'adoption d'une nouvelle mesure législative qui lancerait le processus d'attribution de permis. Le gouvernement du Canada a déployé des efforts de promotion et de sensibilisation intensifs auprès des personnes d'influence et des décideurs d'importance aux États-Unis. À cet égard, nous avons collaboré avec le gouvernement de l'Alberta et avec TransCanada. Nous continuerons d'assister à l'évolution du débat aux États-Unis et à militer en faveur du projet, selon les circonstances.
Je vous remercie une fois de plus de cette occasion de parler devant ce comité. Je me ferai un plaisir de répondre à toutes les questions.
Le président : Merci, monsieur Allen. Nous entendrons tous vos collègues avant de passer aux questions. Je veux toutefois en poser une, pendant que je l'ai à l'esprit. Vous dites que TransCanada a annoncé vouloir entamer la construction du segment sud. Mais comment fera-t-on? À ce que je sache, TransCanada ne peut pas faire ça comme ça, n'est-ce pas?
M. Allen : Le segment sud est entièrement situé aux États-Unis et n'est pas assujetti au même processus d'attribution de permis.
Le président : Je vois. On pourrait donc aller de l'avant, une fois les permis obtenus.
M. Allen : Oui, effectivement.
Le président : Merci.
Nous entendrons maintenant, je crois, Monsieur Corey.
Mark Corey, sous-ministre adjoint, Secteur de l'énergie, Ressources naturelles Canada : Merci, Monsieur le président.
Je crois qu'on nous a invités ce soir à parler des normes sur le carburant à faible teneur en carbone, particulièrement les normes californiennes. Si vous êtes d'accord et même s'il ne s'agit pas des États-Unis, nous avions pensé parler aussi un peu, à des fins de comparaison, de la Directive sur la qualité du carburant de l'Union européenne. Il sera probablement instructif d'examiner les deux normes en même temps.
Le président : Très bien. Vous parlerez entre autres des négociations entre le Canada et ses homologues pour trouver une approche commune à l'égard de cette question, n'est-ce pas?
[Français]
M. Corey : Absolument. Comme vous l'avez mentionné, je suis Mark Corey, sous-ministre adjoint du secteur de l'énergie au ministère des Ressources naturelles du Canada. Je suis ici aujourd'hui avec mon collègue, Douglas Heath, qui est le directeur de la division des sables bitumineux et de la sécurité énergétique. Je suis entre, autres choses, responsable de la politique fédérale relative au secteur pétrolier et gazier canadien qui comprend le pétrole brut, les produits pétroliers raffinés et le gaz naturel dont les exploitations sont situées au sud du 60e parallèle et sur les terres domaniales. Je parlerai des normes sur le carburant faible teneur en carbone.
[Traduction]
Le président : Je viens de tomber sur le passage où vous dites être responsable de la politique fédérale relative au secteur pétrolier et gazier canadien. Évidemment, le Cabinet est responsable de la politique du gouvernement, mais vous êtes, au sein de l'appareil fédéral, responsable au premier chef de ce secteur et vous conseillez le gouvernement en ce qui a trait au pétrole et au gaz ainsi qu'au secteur pétrolier.
M. Corey : Nous sommes très occupés ces jours-ci. Effectivement, nous sommes chargés d'une foule de dossiers qui nous rendent très populaires auprès des comités permanents, tant du Sénat que de la Chambre.
Le président : Nous avons été étonnés d'apprendre aujourd'hui que votre patron — du moins en titre, le ministre Oliver — a annulé un discours quelque part. On en a beaucoup parlé. Je crois que c'était au Nouveau-Brunswick.
Le sénateur Wallace : À Moncton.
Le président : Étiez-vous au courant? Nous avons pensé qu'il avait peut-être trop de gaz naturel là-bas ou quelque chose du genre.
M. Corey : Non, je ne suis pas au courant.
Je vais commenter les diapositives une à une.
[Français]
Je vais tout d'abord donner un aperçu des buts de ces mesures. Je décrirai ensuite brièvement la Low Carbon Fuel Standards (LCFS) de la Californie ainsi que la directive sur la qualité du carburant...
[Traduction]
Il s'agit de la Directive sur la qualité du carburant (DQC).
[Français]
... de l'Union Européenne et je terminerai en vous exposant la position du gouvernement du Canada sur les normes des carburants dans les deux cas.
[Traduction]
La troisième diapositive : en règle générale, une norme sur le carburant à faible teneur en carbone poursuit essentiellement trois objectifs. On cherche à réduire les émissions de gaz à effet de serre provenant des carburants de transport, particulièrement l'essence ou le diesel; on vise à soutenir les marchés réservés aux carburants à faibles émissions telles que les biocarburants ou les carburants de remplacement, ou à mettre au point d'autres formes de crédits compensatoires pour les GES; et on veut encourager la mise au point de technologies relatives aux carburants propres.
Pour y parvenir, on a introduit des normes sur les carburants à faible teneur en carbone pour régir la quantité d'émissions de GES qui peuvent être associées à l'essence et au diesel. Deux instances importantes, la Californie et l'Union européenne, tentent de mettre en place des normes sur le carburant à faible teneur en carbone.
Le président : Pour nous situer rapidement, est-ce que cela fait partie de ce qu'on appelle le dialogue sur l'énergie verte entre le Canada et les États-Unis?
M. Corey : Non, ce n'est pas la même chose. En fait, mes collègues viendront vous parler, au cours de la deuxième heure, de ce dialogue sur l'énergie propre.
Voici un aperçu de ce qu'on a fait en Californie : le tout a débuté en 2007, à la suite d'un décret-loi promulgué par Arnold Schwarzenegger, alors gouverneur de l'État. Cette mesure exige des fournisseurs de carburant qu'ils réduisent l'intensité carbonique de l'essence et du diesel mis sur le marché californien de 10 p. 100 par rapport aux niveaux de 2010, et ce, d'ici 2020.
Il importe de signaler que cette mesure a occasionné certains problèmes sur le plan juridique. La première version n'a jamais été exécutée. Une seconde version, adoptée en décembre 2011, porte janvier 2013 comme date d'application.
La situation est un peu complexe, parce que, après l'introduction de la deuxième version, le 16 décembre, une décision de la cour a eu essentiellement pour effet d'annuler la mesure. À la fin de décembre 2011, la Cour fédérale des États-Unis en Californie a rendu un ensemble de décisions contre le premier projet de règlement relatif à la LCFS, statuant que ce règlement enfreignait possiblement des dispositions relevant de l'article 1 de la Constitution des États- Unis ayant trait au commerce interétatique. La Cour a constaté que la LCFS était discriminatoire à l'endroit des producteurs d'éthanol de l'extérieur de l'État; qu'elle procurait un avantage économique au pétrole lourd de la Californie par rapport au pétrole lourd étranger, comme le pétrole brut tiré des sables bitumineux; et qu'elle avait un effet régulateur sur le commerce réalisé dans d'autres États, notamment sur la production et le transport de carburant.
Le Californie Air Ressources Board a interjeté appel; il soutient que la deuxième mesure qu'il a présentée est en fait conforme. C'est là où l'on en est rendu sur le plan judiciaire.
Je veux maintenant vous dire quelques mots sur la façon dont cette deuxième mesure s'appliquerait.
Comme je l'ai mentionné, les fournisseurs de carburant de la Californie sont tenus de réduire l'intensité carbonique des carburants de 10 p. 100. On envisage quatre possibilités. Tout d'abord, on peut diminuer les émissions du carburant en le mélangeant avec d'autres carburants à plus faibles émissions de GES, comme les biocarburants. Deuxièmement, on peut acheter des crédits de sociétés qui fournissent des carburants de transport de remplacement comme, par exemple, l'électricité à faible intensité en GES. Il y a un mécanisme de crédits. Troisièmement, on peut créer des crédits en investissant dans certaines technologies novatrices; il s'agit donc encore de mécanismes de crédits. Quatrièmement, on peut compenser les émissions au moyen de réductions supplémentaires sur le territoire californien. Il s'agit encore une fois de mécanismes de crédit. On peut aussi faire des mélanges avec des biocarburants ou utiliser des crédits provenant de l'extérieur de l'État.
Si la moyenne annuelle des GES augmente par rapport aux années de référence, les sociétés sont tenues de procéder à des réductions supplémentaires pour compenser cette différence.
[Français]
La version originale de la NCFS procurait au pétrole brut californien un traitement de faveur même si son intensité en GES est égale ou supérieure à celle d'autres pétroles bruts, y compris les sables bitumineux. Les tribunaux américains ont jugé ce traitement discriminatoire. Une autre évaluation de la version modifiée se poursuit. Toutefois, à première vue, elle semble traiter sur un même pied les carburants à intensité en GES équivalent. Cela veut dire de notre point de vue que c'est plus juste, mais au cours des prochains mois, le Canada demeurera vigilant pour s'assurer que le pétrole brut tiré des sables bitumineux est évalué équitablement et que les profils de GES sont calculés avec précision.
[Traduction]
Nous allons attendre les détails, mais il semble qu'ils ont probablement éliminé certains des éléments les plus discriminatoires de la mesure. Il reste que les modalités d'application seront déterminantes.
Le président : Je trouve étrange qu'en vertu de la constitution américaine, on ne semble pas pouvoir favoriser les fournisseurs et les producteurs américains. Est-ce que je me trompe?
M. Corey : Vous soulevez un aspect intéressant. Le Canada a toujours eu la position suivante : nous n'avons aucune objection à ce qu'on traite les sables bitumineux comme des carburants à plus forte intensité en GES, tant et aussi longtemps que les autres carburants à forte intensité en GES ailleurs dans le monde sont traités de la même façon. L'intensité en GES du brut lourd de la Californie n'est pas très différente de celle des sables bitumineux. Dans le cas présent, nous avons insisté pour qu'il soit traité d'une façon analogue aux sables bitumineux. Il semble que la Californie traitera le pétrole brut au cas par cas, en tenant directement compte des GES émis au cours de la production, ce qui semble équitable à notre avis, du moins en principe.
Le président : Quelqu'un a contesté la constitutionnalité de cette première version devant les tribunaux. Le Canada était-il partie à ce litige? C'est contre nous que s'exerçait cette discrimination.
M. Corey : Non, c'est essentiellement l'industrie qui a contesté la mesure.
La prochaine diapositive concerne la Directive sur la qualité du carburant de l'Union européenne, introduite en 2009 par le Conseil européen dans le cadre d'une série de mesures sur le climat et l'énergie. On vise une réduction de 20 p. 100 des émissions de GES d'ici 2020. La Directive sur la qualité du carburant a comme objectif une réduction de l'intensité carbonique du carburant mis sur le marché européen de 6 p. 100 par rapport aux niveaux de 2010, et ce, d'ici 2020.
On tente d'appliquer cette mesure depuis son adoption. On a envisagé un certain nombre d'approches au cours des trois dernières années. En octobre 2011, on a introduit la version définitive, qui est actuellement à l'étude. Vous en avez peut-être pris connaissance par la presse écrite. En février 2012, un comité technique s'est penché sur cette question. Il a rejeté la mesure à la suite d'un vote pondéré. Chaque pays a un certain nombre de voix, selon sa taille. Le résultat a été le suivant : 89 voix pour, 128 contre et 128 abstentions. À notre avis, bon nombre des personnes qui se sont abstenues avaient de sérieuses réserves à l'égard de la mesure mais, pour une raison ou l'autre, elles ont choisi de s'abstenir plutôt que de voter contre. Malgré ce vote, la Commission européenne s'adresse au Conseil des ministres de l'Environnement de l'UE pour voir si celui-ci peut convaincre les ministres européens d'adopter la mesure sans l'appui de ce comité technique.
Le sénateur Lang : Est-ce normal ou extraordinaire quand des experts techniques des États membres ont étudié et rejeté la mesure? Est-ce qu'on ne s'en tient pas normalement à ce qui a été voté?
M. Corey : Je ne suis pas spécialiste des procédures de l'Union européenne, mais je crois comprendre que c'est ainsi que les choses se passent; après un tel rejet, la mesure est présentée aux ministres de l'Environnement de l'Union européenne, qui l'étudient. Par exemple, s'ils devaient l'approuver, la mesure serait soumise au Parlement européen pour un vote final malgré le fait que les membres du comité technique — les personnes qui comprennent vraiment le secteur du raffinage et ses rouages commerciaux — soit ont voté contre ou se sont abstenus en grand nombre. En effet, cela fait partie de leur processus.
En ce qui a trait à l'application concrète de la Directive sur la qualité du carburant, on n'a pas réparti le monde en diverses catégories de pétrole brut de sorte qu'il y ait une intensité en GES ici et une autre ailleurs. Ce n'est pas comme ça qu'on procède. On répartit plutôt la planète en fonction des matières premières traditionnelles et non traditionnelles. Il y a une catégorie qu'ils appellent « brut conventionnel », qui regroupe à la fois du brut léger et du brut lourd. N'oubliez pas le pétrole lourd qui est extrait des sables bitumineux. Il y a ensuite une deuxième catégorie qu'on appelle « bitume naturel », à laquelle appartiennent les sables bitumineux. Une autre catégorie est appelée « shale bitumineux ». Comme l'illustre le tableau, la différence est entre, par exemple, une intensité permise de 87,5 et 107 grammes d'équivalent de dioxyde de carbone par mégajoule d'énergie. Il s'agit d'une différence de 22 p. 100. Ils disent que les sables bitumineux diffèrent de toutes les autres catégories, par exemple les bruts lourds ou d'autres bruts légers, et que, si l'on en croit le tableau, la différence, en ce qui a trait à l'intensité en GES, est en fait de 22 p. 100.
Sur la prochaine diapositive, on peut toutefois constater que le pétrole lourd est essentiellement du pétrole lourd. Ces données ont été publiées par Cambridge Energy Research Associates en 2011. Vers le bas du diagramme, on peut voir que les bruts lourds de l'Angola, de la Californie, du Moyen-Orient et du Venezuela appartiennent à cette catégorie. La barre rouge indique la combustion de carburant; 80 p. 100 des GES sont produits par l'automobile ou le camion et les autres 20 p. 100 proviennent de la production. Il n'y a pas beaucoup de différence entre toutes ces barres rouges. Les sables bitumineux à faibles émissions, qu'on extrait habituellement en surface, affichent en fait un taux d'émission plus faible que le brut léger du Nigeria et de l'Angola, que le brut partiellement traité du Venezuela, et que le brut lourd de la Californie et du Moyen-Orient. Nous sommes d'avis que même si ces chiffres ne sont pas parfaitement exacts, ils traduisent assez fidèlement la réalité. Le Canada estime que s'il faut adopter une mesure qui tienne compte des GES, c'est là-dessus qu'elle devrait être fondée, c'est-à-dire sur les GES et non sur une donnée artificielle comme la matière première.
Le sénateur Massicotte : Selon ce diagramme, est-ce que l'Angola et le Venezuela produisent autant de pétrole par jour que nous?
M. Corey : Nous pourrions obtenir ces chiffres. Je ne les ai pas à portée de la main aujourd'hui, mais, par exemple, ces pays vendent sur le marché mondial.
Le sénateur Massicotte : Est-ce assez significatif pour qu'on s'en serve comme point de comparaison?
M. Corey : L'Union européenne importe actuellement du pétrole lourd du Venezuela, de l'Iran et de l'Arabie Saoudite ainsi que de la Russie, du Nigeria et de l'Angola. Il s'agit de brut léger; or, il est intéressant de savoir qu'il existe diverses façons de produire du brut léger. Par exemple, s'il y a beaucoup de brûlage à la torche du gaz naturel ou si on ne fait que le rejeter dans l'atmosphère, une technique de production qu'on désapprouve, mais qu'on utilise dans certaines régions du monde, l'intensité en GES du brut léger pourrait en fait être supérieure à celle des sables bitumineux.
Le sénateur Massicotte : J'aimerais que vous nous donniez plus d'informations sur ce qui détermine ces équivalences.
M. Corey : C'est faisable.
Nous croyons que les mesures devraient être fondées sur l'intensité en GES.
La diapositive suivante montre pourquoi nous estimons que la mesure est inefficace à de nombreux égards. Tout d'abord, l'Union européenne n'importe en fait que peu de pétrole des sables bitumineux sur son territoire. Si du pétrole des sables bitumineux canadien y entre, c'est probablement parce qu'il a transité par la côte américaine du golfe du Mexique où il est actuellement exporté. On y raffine du diésel qui est vendu en Europe, en gros. Peu de brut canadien aboutit en Europe et pourtant, c'est l'un des principaux objets de la Directive sur la qualité du carburant. Les Européens ciblent donc un pays depuis lequel ils n'importent à peu près pas.
Aussi, nous tenons à souligner qu'il est important de considérer les émissions de GES provenant de certains bruts légers qui doivent être abondamment torchés ou ventilés, ou même d'autres bruts lourds, ce que les Européens ne font pas. Ils leur donnent un passe-droit, en quelque sorte. Si la mesure devait prendre effet, ces autres pétroles bruts entreraient sur le marché américain avec la réputation d'émettre 22 p. 100 moins de GES que le pétrole canadien.
Le dernier élément est la transparence. Le Canada est un pays transparent. Nous sommes ouverts et nous publions toutes les informations concernant la production. Certains pays en font beaucoup moins. En fait, nombreux sont ceux qui publient très peu d'informations. L'Union européenne, dont les pays membres ne tiennent pas de statistiques sur le pétrole qu'ils achètent, dit, en gros : « Nous ne croyons pas qu'ils émettent des GES, alors nous les classons dans la catégorie inférieure des 88 p. 100. » Cela décourage les pays de faire des efforts de transparence et de publier toutes les informations et encourage ceux qui ne le font pas à continuer ainsi. Il s'agit là d'un autre problème que nous avons avec la mesure : elle décourage et pénalise la transparence.
La diapositive suivante explique que l'Union européenne procède normalement à une analyse d'impact dans le cas de chaque grand dossier. Cette mesure a toutefois fait exception, alors nous estimons que les fournisseurs de l'UE devront mettre en place des mesures de suivi et de traçabilité, ce qui fera augmenter le prix de leurs produits. L'UE n'a réalisé aucune étude sur les conséquences qu'aura la mesure. Nous sommes d'avis qu'elle y veillera probablement en partie en 2015, lorsqu'elle reprendra les travaux, mais que c'est maintenant qu'elle devrait le faire.
La diapositive suivante parle également de transparence et du fait que, contrairement à beaucoup d'autres pays, nous publions toutes nos informations. Si la mesure est adoptée dans sa forme actuelle, elle va pratiquement encourager ces autres pays à ne jamais publier leurs informations en entier.
Comme vous pouvez le voir, il y a deux approches différentes. Il y a celle de la Californie, qui semble en voie de vouloir mesurer les GES liés à la production de chaque sorte de brut, et il y a celle de l'Union européenne qui repose sur des mesures arbitraires de la matière première, ce qui, selon nous, n'a pas vraiment de lien direct avec les GES. Nous allons surveiller attentivement la Californie pour nous assurer que sa mesure sera équitable après la nouvelle vague de changements qu'elle doit subir. Nous continuerons de travailler avec l'Union européenne pour veiller à ce que ses décisions soient fondées sur des faits, qu'elles ne soient pas discriminatoires envers le brut canadien, espérons-le, et qu'elles ne pénalisent pas la transparence.
Encore une fois, il ne s'agit que des petites différences entre les deux mesures et du travail que nous faisons à leur sujet.
Le président : Merci beaucoup, monsieur Corey.
Monsieur Allen, au début de votre exposé, vous avez indiqué que le Canada détient la troisième plus importante réserve de pétrole au monde. Quels pays ont la première et la seconde?
M. Allen : L'Arabie saoudite et le Venezuela.
M. Corey : Le Venezuela vient au deuxième rang. L'ordre a changé dans les quelques dernières années. Auparavant, l'Arabie saoudite était première et le Canada deuxième. Nous avons fait un important bond au classement quand nous avons ajouté les sables bitumineux au total de nos réserves. Il est important de savoir que nous détenons des réserves de 174 milliards de barils; 4 milliards dans des sources conventionnelles et 170 milliards dans les sables bitumineux. Vous pouvez voir où sont nos intérêts naturels.
Le président : Vous ne calculez pas ce qui se trouve dans les eaux arctiques ou dans des zones extracôtières non exploitées, par exemple?
M. Corey : Non, nous parlons de ce qui est prouvé, de ce qui...
Le président : Bien. Des représentants du gouvernement des Territoires du Nord-Ouest sont venus témoigner jeudi dernier. Vous êtes peut-être au courant. Ils ont mentionné de gros chiffres pour parler des réserves.
M. Corey : Ceux que je vous donne sont les données nationales sur les réserves canadiennes dont l'existence actuelle est prouvée. Le Venezuela nous a devancés au classement parce qu'il a lui aussi d'importants gisements de pétrole.
Le président : Est-ce que leurs réserves se trouvent à terre ou sous le lac Maracaibo?
M. Corey : Elles sont majoritairement à terre, je crois. L'Amérique du Sud compte des réserves en mer, mais il me semble que la plupart de celles du Venezuela sont à terre.
Le sénateur Mitchell : Merci messieurs. Nous apprécions beaucoup et ça nous est très utile.
J'ai des questions très techniques. Que transporte le segment de la côte du golfe du pipeline Keystone XL? Quel pétrole va y circuler si le projet n'est pas parachevé?
M. Allen : Je crois qu'il servira à acheminer la production locale existante.
M. Corey : Oui, je pourrais donner plus de détails. L'une des questions...
Le président : Mais c'est du pétrole américain?
M. Allen : C'est du pétrole américain.
M. Corey : C'est une combinaison de plusieurs choses. L'une des réalités du marché pétrolier nord-américain est que la ville de Cushing, en Oklahoma, est un important centre d'activité et qu'il en résulte un effet d'entonnoir. Nous n'avons pas les pipelines qu'il faut pour acheminer du pétrole de Cushing aux raffineries de la côte du golfe. La construction anticipée du segment sud par la TransCanada Pipelines offre en fait une solution partielle au blocage constaté à Cushing. Et il ne s'agit pas que du pétrole provenant des sables bitumineux. Le gisement de Bakken, dans le Sud du Canada et le Nord des États-Unis, est de plus en plus exploité, par exemple. Le segment sud va donc « décongestionner » Cushing et faire augmenter le prix de notre pétrole en l'acheminant vers les marchés de la côte du golfe.
Le sénateur Mitchell : Vous avez expliqué que la construction avait été possible parce qu'elle n'était pas internationale. Est-ce que cela veut dire que la participation du département d'État n'est pas requise? Est-ce là la différence?
M. Allen : La participation du département d'État n'est pas requise, mais il faut quand même obtenir des permis du gouvernement fédéral américain. Il reste un processus à respecter, mais on ne traverse pas de frontières. Ça ne requiert donc pas de permis présidentiel.
Le sénateur Mitchell : C'est ce qui empêchait le projet d'avancer?
M. Allen : Oui, c'est ce qui l'empêchait d'avancer.
Le sénateur Mitchell : Si elle permet une meilleure distribution du pétrole, est-ce que la construction du segment de la côte du golfe aura pour effet de réduire l'écart entre les prix du Brent et du West Texas?
M. Corey : Je crois que la majorité des analystes en matière de pétrole seraient généralement d'avis que le décongestionnement de Cushing et l'amélioration des capacités d'acheminement du brut de l'Ouest jusqu'à la côte du golfe peuvent en effet être des facteurs favorables à la réduction de l'écart entre le Western Canadian Select et le WTI, oui.
Le sénateur Mitchell : Comprenez-moi bien, l'une des principales raisons de construire les installations au plus vite est d'accéder aux marchés de l'Ouest pour réduire cet écart. Cela va aider dans une certaine mesure, ne serait-ce que de façon temporaire.
M. Corey : Considérant l'exploitation accrue des sables bitumineux et la production qui se fait dans l'Ouest du Canada, nous aurons besoin de plusieurs pipelines pour répondre aux besoins de la croissance qui va avoir lieu pendant les quelques années à venir.
Le sénateur Mitchell : J'essaie seulement d'avoir une idée de ce que ça représente sur le plan économique.
M. Corey : Il faudrait en fait dire que tous les pipelines seront utiles. Il nous faut plus de moyens de relier nos pipelines aux marchés. Je crois que l'une des choses que notre ministre répète le plus régulièrement en public est que les plus gros marchés au monde, et ceux qui croissent le plus rapidement, se trouvent principalement en Asie, surtout en Chine. Acheminer le pétrole vers la côte Ouest nous aide à pénétrer ces gros marchés en pleine expansion.
Le sénateur Mitchell : Selon vous, la nouvelle définition du brut lourd de Californie et de notre brut lourd sera utile et, avec un peu de chance, nous sera favorable. C'est très bien, mais si ça ne se passe pas ainsi, quels recours avons-nous en vertu de l'ALENA?
M. Corey : Si on nous réserve un traitement différent même si le brut lourd de Californie produit des émissions de GES semblables à celles de certains bruts des sables bitumineux, je crois que nous devrons insister pour être traités également.
Le sénateur Mitchell : Exact. D'après ce graphique, un baril de pétrole de la mer Caspienne représente 500 kilogrammes de dioxyde de carbone. C'est environ une demi-tonne, n'est-ce pas? Ou un peu plus d'une demi-tonne?
M. Corey : Excusez-moi, pouvez-vous répéter ce que vous venez de dire?
Le sénateur Mitchell : Sur la diapositive 9, Well-to-Wheels Greenhouse Gas Emissions, un baril de pétrole de la mer Caspienne représente 500 kilogrammes. C'est environ une demi-tonne de carbone, n'est-ce pas?
M. Corey : Oui, 500 kilogrammes font bien une demi-tonne.
Le sénateur Mitchell : À peu près?
M. Corey : Oui.
Le sénateur Mitchell : Merci beaucoup, c'était intéressant.
Le sénateur Neufeld : Merci d'être ici. Vous avez fait deux bons exposés. J'ai pris plaisir à les écouter.
Monsieur Allen, pouvez-vous me dire combien de jours ont duré les audiences publiques sur le pipeline Keystone XL, au total? J'essayais de compter les jours en vous écoutant. Je tente seulement de comparer la durée des audiences avec celles tenues au Canada. Pour faire passer le Northern Gateway, je crois que nous avons mis plus de deux ans, entendu plus de 4 000 exposés et ça a duré quelque chose comme 700 jours.
M. Allen : Nous avons commencé en septembre 2008 et c'est en janvier 2012 que le président et le département d'État ont refusé d'octroyer le permis.
Le sénateur Neufeld : Ils n'ont pas tenu d'audiences.
M. Allen : Non, aucune.
Le sénateur Neufeld : Je ne parle pas de la conception originale. Je parle du nombre de jours d'audiences.
M. Allen : Il faudra que je vous revienne là-dessus. Il y a eu un certain nombre de périodes réservées aux observations du public, qui avait été augmenté. Je pourrai calculer le total et vous en faire part.
Le sénateur Neufeld : Oui, je l'apprécierais.
Y a-t-il un certain nombre de jours pendant lesquels des audiences peuvent avoir lieu, aux États-Unis? Y a-t-il une date butoir? Certaines provinces disposent d'un nombre de jours limité pour tenir des audiences. Savez-vous s'il en est ainsi aux États-Unis?
M. Allen : Je ne pense pas qu'ils aient une date butoir. Je crois qu'ils arrêtent tout simplement quand ils ont entendu toutes les remarques. Comme nous l'avons vu, ils prolongent souvent la durée et il n'y a jamais de restrictions. Ils voulaient écouter tous les intervenants et ils ont pris le temps de le faire.
Le sénateur Neufeld : De toute évidence, vous avez suivi le dossier de près. Ça fait partie de votre travail, j'imagine. Pouvez-vous me dire si les environnementalistes canadiens ont joué un rôle important lors des audiences sur l'environnement? Est-ce que beaucoup de groupes ou d'organismes canadiens de protection de l'environnement se sont rendus aux États-Unis pour tenter d'empêcher la construction de ce pipeline? Savez-vous s'il y a eu beaucoup d'interventions de ce genre?
M. Allen : Il n'y en a pas eu beaucoup, à ma connaissance. Beaucoup de groupes américains défendaient le pour et le contre. Au Nebraska, par exemple, autant de gens étaient pour que contre. Il s'agissait parfois de syndicats, celui des métallurgistes, notamment.
Je ne crois toutefois pas qu'un nombre important d'ONG canadiennes étaient présentes.
Le sénateur Neufeld : C'est intéressant, si l'on compare au nombre d'ONG financées depuis les États-Unis qui sont intervenues dans le cas du Northern Gateway. Je voulais seulement me faire une idée à ce sujet.
Monsieur Corey, sur votre troisième diapositive, vous parlez de trois objectifs visés par le Canada en ce qui a trait aux normes sur les carburants faibles en carbone. Le second consiste à soutenir les marchés réservés aux biocarburants à faibles émissions de GES, aux carburants de remplacement ou aux autres formes de crédits compensatoires pour les GES. La compensation des GES m'intéresse. Pouvez-vous me dire ce que le Canada accepte comme compensation? Avons-nous une liste complète de cela, à tout hasard?
M. Corey : Ces informations concernent la compensation des GES en Californie, pas au Canada.
Douglas Heath, directeur, Direction des sables bitumineux et de la sécurité énergétique, Secteur de l'énergie, Ressources naturelles Canada : Les mesures de compensation mentionnées sur cette diapositive sont celles que les raffineries et les importateurs de pétrole californiens sont autorisés à utiliser lorsqu'ils excèdent leurs quantités de GES prévues. Parmi ces mesures, on compte les investissements dans des technologies de captage et de stockage du carbone, l'achat de crédits d'énergies de remplacement peu utilisées dans les transports, comme l'électricité, le biogaz ou l'hydrogène ou encore la réduction des GES par des activités de reboisement sur le territoire californien. C'est le genre de mesures de compensation auxquelles ils pensent. Elles n'ont pas lieu au Canada, elles sont propres au modèle californien.
Le sénateur Neufeld : La diapositive 3 concerne la Californie. Je vous ai mal compris. Vous avez dit à la fin que la diapositive 2 résume la position du gouvernement du Canada au sujet des carburants à faible teneur en carbone. Ai-je mal compris tout cela?
M. Corey : Nous sommes pour les normes sur les carburants à faible teneur en carbone dans la mesure où elles sont établies de façon équitable. Nos sommes d'avis que, si elles portent sur les niveaux de GES par rapport au brut, il doit être question de niveaux de GES par rapport au brut. Il ne doit pas y avoir de catégories. Comme je l'ai dit, nous avons démontré à partir des données de l'Union européenne à quel point elles peuvent être erronées. Nous estimons qu'elles constituent des distinctions arbitraires entre les différentes ressources naturelles, et c'est à partir de ces distinctions qu'ils vont se mettre à créer des catégories. Selon nous, les normes devraient être établies à partir des émissions de GES qui résultent véritablement de la production du baril de brut.
Le sénateur Neufeld : Nous n'avons aucun document énonçant la position du Canada en ce qui a trait à la définition des normes sur les carburants à faible teneur en carbone. Je comprends ce que vous dites à propos de l'Union européenne et de la Californie. Ce n'est écrit nulle part, ce que nous accepterions, n'est-ce pas?
M. Corey : Je dirais que oui, puisque nous sommes intervenus au sujet des normes européennes et californiennes pour dire ce que nous trouverions acceptable et faire des recommandations, dont les principes que j'ai énoncés, par exemple. Nous leur avons en fait envoyé à tous les deux en ajoutant : « Si vous établissez vos normes d'une telle façon, nous sommes d'accord. »
Le sénateur Neufeld : Nous sommes à la remorque. Nous n'avons pas de normes écrites que nous pouvons imposer ou au moins présenter et dire : « Voici nos normes ». En fait, nous allons ailleurs, en Europe ou en Californie, par exemple, et disons : « Nous sommes en désaccord avec ces normes parce que... » Je ne remets pas les raisons en cause, soit dit en passant. Je trouve seulement étrange que nous n'ayons aucun document qui dise : « Voici les normes que nous voulons voir en place. »
M. Corey : Je tiens toutefois à dire que nous avons été très clairs. Il s'agit d'une approche axée sur les principes. Nous disons que tant que nous sommes traités équitablement... Et nous avons dit ce que nous entendons par « équitablement » dans ces circonstances. Alors, je crois que nous avons été très clairs avec eux.
Le sénateur Neufeld : Nous devons être traités équitablement.
Qu'en pensez-vous, vous qui avez traité avec l'UE par rapport à sa tentative de prétendre que notre brut lourd est beaucoup plus polluant que celui qu'elle importe du Venezuela et d'autres endroits du globe? En quoi est-ce profitable pour l'UE de dire ce genre de choses et de faire de la discrimination envers le Canada? En quoi est-ce avantageux pour les Européens, sachant que très peu de ce pétrole se rend chez eux? Ça, je le sais, et vous l'avez confirmé. Très peu de ce pétrole se rend dans les pays de l'Union européenne. Ont-ils une autre raison que de vouloir se mettre sur un piédestal et dire : « Nous valons mieux que le Canada parce que leurs sables bitumineux sont immondes »? Il doit bien y avoir autre chose derrière ça. Avez-vous quelque chose à dire à ce sujet?
M. Corey : Je n'ai pas envie de spéculer au sujet de leurs motifs. Je me contenterai de dire que le Canada vend très peu de brut aux pays de l'UE en ce moment. La mesure aura un effet très limité sur l'Union européenne, sur ses raffineries et sur ses prix à la pompe. Mais si l'UE procédait comme il se doit et faisait une différence à partir de l'intensité en GES, la mesure serait probablement beaucoup plus contraignante pour elle. Je n'ai toutefois pas envie d'avancer quoi que ce soit sur ce qui motive les Européens.
Le sénateur Massicotte : Pourquoi devrions-nous nous en faire si nous ne leur vendons pas de pétrole et que ça n'a pas d'incidence?
M. Corey : Je crois qu'il y a certaines raisons de s'en faire. D'abord parce que ça crée un précédent. Si le Canada ne fait rien et laisse l'UE imposer ses règles, qui ne tiennent pas comte des véritables quantités de GES que représentent les différents types de pétrole, il invite pratiquement les autres pays à en faire autant. Cela revient presque à établir une norme internationale qui permet aux autres de faire la même chose. Selon nous, c'est inacceptable et nous ne devons pas permettre la mise en place de telles mesures parce qu'elles ne sont pas scientifiquement fondées et qu'elles ne tiennent pas compte des véritables quantités de GES que représente chaque type de brut.
Le sénateur Neufeld : C'est une excellente raison. Je suis tout à fait d'accord avec vous. Merci.
Le sénateur Lang : Je veux poursuive là-dessus. Ça me semble tellement irréel que nous soyons pointés du doigt de la sorte, spécialement lorsqu'on sait qu'il ne s'agit pas d'un marché très important pour nous. Je crois que nous devons commencer à chercher qui paie pour tout le lobbying qui vise à faire une telle priorité de cette question alors que ce n'est pas si important pour eux, sauf en ce qu'il s'agit peut-être d'une distraction utile quant à leurs propres responsabilités. Vous pouvez peut-être nous renseigner. Qui débourse autant en lobby pour que cette question bien précise soit à l'ordre du jour? Je sais tout ce que ça demande de faire ajouter un point au Feuilleton ici, au Canada. C'est pratiquement impossible. Comment y arrivent-ils avec ces vingt et quelques pays?
M. Allen : Nous n'avons pas de renseignements à ce sujet. Je pourrais m'aventurer à dire qu'il existe un grand nombre d'ONG en Europe, tout comme ici, qui ne sont pas toujours bien renseignées et se fondent parfois sur des données qui ne sont pas nécessairement exactes. Qu'il s'agisse des phoques ou des sables bitumineux, elles réagissent et exercent des pressions sur leurs députés et leurs législateurs, comme cela se fait aux États-Unis et au Canada. Certains ensuite ressentent ces pressions. Je ne pense pas que nous ayons de renseignements sur un financement possible en Europe ou aux États-Unis, par exemple.
Si vous le permettez, sénateur, pour répondre à votre question, il y a eu 105 jours d'audience prévus et ensuite, au moment de la prise de décision sur les intérêts nationaux, il y en a eu d'autres, mais je n'ai pas de données à leur sujet. Il y en a eu au moins 105, mais sûrement davantage.
Le sénateur Lang : J'aimerais revenir à Keystone un moment, si vous le permettez. Vous dites que nous acheminons aux États-Unis environ 1,9 million de barils de pétrole par jour. Une fois Keystone terminé, jusqu'où ce chiffre va-t-il augmenter? Je ne crois pas que vous nous ayez donné ce chiffre.
M. Heath : Keystone permettrait d'accroître la capacité de 700 000 barils par jour, mais n'oublions pas qu'une partie ne viendrait pas nécessairement du Canada. Une partie pourrait venir du thème dont M. Corey a parlé tout à l'heure.
Le sénateur Lang : Est-ce du côté américain?
M. Heath : Des deux côtés, mais surtout du Dakota du Nord et du Montana.
Le sénateur Lang : Pour le Canada, nous aurions 500 000 barils en plus du 1,9 million?
M. Heath : Quelque chose de cet ordre.
Le sénateur Lang : Je voulais aborder un autre sujet, c'est-à-dire celui des prix. Nous avons parlé de la possibilité de pouvoir accéder à la côte Ouest et à l'Asie du Sud.
Avez-vous étudié les conséquences pour la valeur des sables bitumineux et du baril de pétrole d'un accès à la côte Ouest pour les transporter vers la Chine?
Par exemple, la semaine dernière, le baril de pétrole se négociait à environ 24 $ de moins aux États-Unis que le même baril que nous vendions à la Chine, qui était passé par le pipeline qui traverse les montagnes. Pourriez-vous donner une explication. C'est une énorme différence.
M. Corey : Je parlerais probablement de trois prix. Le premier est le Brent, le prix international de référence fixé par North Sea oil. Le deuxième est le West Texas Intermediate, WTI. Jusqu'à récemment, ces prix se suivaient de très près. En fait, le Brent était parfois inférieur au WTI. Actuellement, le prix du Brent est de 15 $ environ plus élevé que celui du WTI, ce qui veut dire que nous n'obtenons pas autant d'argent sur le marché nord-américain que sur le marché mondial.
Le Western Canadian Select, WCS, qui vient de l'Alberta, est du brut lourd. Il se négocie normalement entre et 10 et 20 $ de moins que le WTI parce que c'est du brut lourd et qu'il y a des questions de transport et autre. Ce pétrole se négocie actuellement à 30 $ d'écart, de sorte que nous perdons entre 10 et 20 $ par baril en n'ayant pas accès aux marchés étrangers.
L'Université de Calgary a réalisé une étude qui a conclu que l'accès aux marchés étrangers au moyen de pipelines est essentiel pour harmoniser les prix. Si nous vendons moins cher actuellement c'est que nous ne pouvons pas acheminer le pétrole canadien aux marchés internationaux.
Le président : Le sénateur Janice Johnson est du Manitoba. Elle est coprésidente de l'association Canada-États-Unis qui se trouvait à Washington la semaine dernière comme je vous l'ai dit.
Sénateur Johnson, j'ai dit que vous étiez là avec une délégation la semaine dernière.
Le sénateur Johnson : C'est un plaisir de vous voir ici ce soir. Nous sommes restés un certain temps aux États-Unis et avons passé quatre jours à Washington.
Vos recherches et votre présentation sont très exactes en ce qui concerne les États-Unis. Je suis tout à fait d'accord, car nous n'avons pas vu un seul membre de l'un ou l'autre parti qui n'était pas troublé par ce qui s'est passé. Lorsque le premier ministre est allé en Chine et a parlé de pétrole, toute sorte de signaux se sont allumés à Washington. J'y suis allée souvent et je n'avais jamais vu le genre de réception que nous avons reçue. Des gens de nombreux États voulaient nous parler de la question et nous dire qu'ils nous soutenaient. La situation du Dakota du Nord est très intéressante parce que cet État est partie à cette situation également. Bien des gens, y compris le Président Boehner, croient que tout cela sera terminé avant la fin de l'année, sinon avant, car pour le moment, on est en pleine période électorale.
Ils nous ont également posé beaucoup de questions sur le Canada et la Chine. Ils ne pensaient pas avoir l'exclusivité des ressources pétrolières canadiennes, mais ils étaient vraiment choqués que nous pensions vendre ailleurs. J'ai été très étonnée de cette réaction. Les nouvelles d'aujourd'hui sont exceptionnelles, et on peut voir qu'ils vont probablement aller de l'avant. S'ils ne le font pas, c'est simplement en raison du contexte politique.
Le prix ne va-t-il pas s'améliorer une fois que ce sera fait, et combien de temps faudra-t-il pour que les choses recommencent à bouger?
M. Corey : Encore une fois, nous disons que Keystone XL fera partie de la solution. Si nous avions 700 000 barils par jour, nous pourrions aller jusqu'au golfe du Mexique. Cela contribuera à décongestionner Cushing et commencera à ramener le Western Canadian Select et le WTI plus près du Brent.
Quant au temps qu'il faudra, on prévoit que le pipeline devrait être terminé en 2015-2016.
Le sénateur Johnson : Comment les prix seront-ils touchés?
M. Corey : Grâce à un meilleur accès au marché, le prix se rapprochera des prix des marchés mondiaux. Les mécanismes du marché devraient établir un arbitrage et des échanges entre les deux jusqu'à ce qu'ils redescendent. Les différences tiendront au fait que le brut lourd sera toujours vendu moins cher que le brut léger parce qu'il revient plus cher de le valoriser. Les coûts de transport sont différents. Il y a d'autres facteurs, mais en général, le brut devrait être au même niveau que le prix mondial.
Le sénateur Johnson : Qu'en est-il du gaz de schiste aux États-Unis? On a beaucoup dit que c'était une alternative.
M. Corey : Le gaz de schiste a tout changé en matière d'énergie en Amérique du Nord. Je peux dire qu'il y a cinq ans, personne ne l'avait vu venir. Avant la récession, le gaz naturel se vendait entre 8 et 9 $ dollars les 1 000 pieds cubes. Aujourd'hui, le prix a chuté à environ 2,30 $ les 1 000 pieds cubes en raison de l'énorme volume de nouveau gaz qui est exploité au Canada et aux États-Unis. Le Canada a été aussi très actif. Actuellement les choses se passent dans le nord- est de la Colombie-Britannique. Le Canada possède un énorme potentiel de gaz de schiste. On insiste toujours sur le fait que cela ne relève pas de la compétence provinciale et, monsieur le président, comme vous l'avez dit, les provinces n'en sont pas toutes au même point en ce qui concerne la mise en valeur du gaz de schiste.
Le sénateur Johnson : Les choses avancent-elles au moins?
M. Corey : En Colombie-Britannique et en Alberta, il y a des gens qui sont habitués à ce secteur et le connaissent bien. Il y a des organismes de réglementation qui réglementent depuis longtemps. Il y a des problèmes, mais les choses avancent, elles progressent.
Dans l'Est du Canada, on connaît moins ce secteur et on n'a pas la même tradition de réglementation; il préoccupe donc davantage.
Là encore, comme nous le disons toujours, c'est un domaine qui relève de la compétence provinciale et qui progressera...
Le sénateur Johnson : C'est la même chose aux États-Unis.
M. Corey : On voit la même situation aux États-Unis. Au Texas, il se passe pas mal de choses, alors que dans les États de New York et de Pennsylvanie, la population exprime davantage de craintes. Mais encore une fois, ils n'ont pas la même tradition que d'autres régions productrices.
Le sénateur Johnson : Les États-Unis sont un important investisseur dans les nouvelles technologies, de même que des producteurs et développeurs de ces technologies dans notre secteur pétrolier. Pourriez-vous commenter à ce sujet?
Le Canada est aussi un gros investisseur dans l'industrie pétrolière américaine. Quelle est la situation à l'heure actuelle?
M. Corey : C'est véritablement une industrie internationale. Je suis allé à Houston l'an dernier à la conférence sur l'exploitation pétrolière extracôtière. J'ai rencontré des jeunes ingénieurs du Canada qui travaillent pour différents pays. Ils sont interchangeables. Les acteurs et les investissements dans l'industrie énergétique sont internationaux, et le Canada est très bien placé à cet égard.
Le sénateur Johnson : Nous sommes un acteur.
M. Corey : Absolument.
M. Allen : Les États-Unis sont très bien placés également en ce qui concerne nos sables bitumineux, puisque les Américains y investissent énormément. Ils en tirent profit non seulement en recevant un approvisionnement stable de notre pétrole, mais également en investissant. Ils en tireront avantage aussi grâce aux travailleurs qui construisent et entretiennent les pipelines, et cetera. C'est un double profit.
Aussi malheureuse que soit cette situation, vous avez parlé d'un aspect positif. Nous essayons depuis des années de convaincre les Américains de l'importance de nos relations et de nos exportations, en particulier nos exportations d'énergie. Bien entendu, la plupart des Américains pensent que leur énergie leur vient du Mexique ou du Venezuela, mais ils ont finalement compris qu'ils ont un ami et un allié important.
Le sénateur Johnson : C'est une vraie prise de conscience.
M. Allen : Oui, en particulier, comme vous le dites, le facteur Chine. C'est finalement un mal pour un bien.
Le sénateur Johnson : Ils souhaitent que nous collaborions sur tous les fronts en matière de ressources et que ces ressources ne soient pas tenues pour acquises. C'est ce que j'ai très fortement ressenti également. Comme vous le savez, les membres du Congrès changent tous les deux ans; il y a donc un très grand nombre de nouveaux qui sont tout à fait au courant de cette question.
Le sénateur Massicotte : À ce sujet, sur un plan stratégique, et dans un contexte de négociation, c'est évidemment une très bonne chose que les Américains se réveillent et ne nous tiennent plus pour acquis, ce qu'ils ont si souvent fait tout au long de notre histoire.
Mais je suppose que nous allons gagner cette bataille. Nous obtenons l'influence et l'impact que nous voulons. J'espère, cependant, que cela ne va pas nous détourner de notre intérêt pour la construction du pipeline vers la côte Ouest. C'est une longue histoire. Nous allons vivre longtemps. On ne peut pas dépendre d'un seul client. Êtes-vous d'accord? Nous sommes heureux d'avoir obtenu une réponse, mais je suppose que cela ne nous détourne pas de notre stratégie de diversification de nos marchés. N'est-ce pas?
M. Allen : Je pense que le premier ministre, le ministre de l'Énergie et le ministre Baird ont dit extrêmement clairement que nous souhaitions réellement acheminer le pipeline et nos ressources vers la Chine et d'autres pays demandeurs en Asie, et qu'ils sont résolus de le faire, quoi qu'il arrive. Mais cela ne veut pas dire que les États-Unis ne vont pas continuer d'être de gros importateurs de notre pétrole. Nous n'abandonnons pas du tout les États-Unis, mais nous allons optimiser nos marchés et le prix que nous obtenons pour ce produit.
Le sénateur Massicotte : Bien, merci.
Le président : Sénateur Wallace, voilà l'occasion pour les partisans du gaz de schiste dans l'Est de s'exprimer.
Le sénateur Wallace : Je ne vais pas parler du tout de gaz de schiste.
J'ai été intéressé par les propos du sénateur Lang au sujet de l'impact qu'aurait sur les prix l'acheminement du produit des sables bitumineux par la ligne Keystone vers les États-Unis. Comme vous l'avez dit, vous prévoyez que le prix auquel le brut des sables bitumineux est maintenant vendu se rapprocherait du prix du WTI. Le pipeline acheminerait, comme vous le dites, environ 500 000 barils par jour sur le marché américain, ce qui augmente évidemment l'offre. Quel serait l'impact sur le prix de référence du WTI? L'augmentation de l'offre aurait-elle un impact sur le prix de référence du WTI?
M. Corey : C'est là où nous entrons dans l'univers de l'économie et de la théorie économique. Selon la théorie économique, si on supprime les goulots d'étranglement dans le transport et si on peut déplacer le produit vers les marchés où il est le plus voulu et le plus nécessaire, le prix augmentera et on pourrait finalement voir les deux prix commencer à converger. Ils convergeaient déjà. Ils étaient très proches.
Le sénateur Wallace : Vous parlez du Brent et du WTI?
M. Corey : Oui. Le WCS sera toujours plus cher parce que c'est du brut lourd et qu'il y a des coûts de transport. C'est l'accès aux marchés qui fera changer les prix. C'est ce dont nous avons besoin, accéder aux marchés.
Le sénateur Wallace : Je pense qu'il est logique que chaque baril de brut des sables bitumineux apporte un plus grand profit, mais je me demande quel sera l'impact sur les prix aux États-Unis. Avec une hausse de l'offre du brut sur le marché américain, normalement, la hausse de l'offre fait baisser les prix. Je me demande quel sera l'impact sur les prix que recevront les autres fournisseurs de brut au marché américain. Si le Canada entre en jeu, l'écart entre ce que l'on obtient actuellement et le WTI se resserrerait, mais quel serait l'impact sur le prix du WTI? Diminuerait-il?
M. Corey : Les marchés ont tendance à s'ajuster d'eux-mêmes.
Le sénateur Wallace : Ils réagiront à la hausse de l'offre.
M. Corey : Oui. Par exemple, si les raffineries américaines peuvent obtenir du brut canadien moins cher que ce qu'elles obtiennent sur le marché mondial, elles l'achèteront et la demande augmentera. À mesure que la demande augmentera, le prix en fera autant. Le mécanisme du marché aura cet effet.
Plusieurs facteurs contribuent à le déprimer actuellement. Il s'agit de la congestion des infrastructures de transmission, le fait que la production au Canada s'accélère et qu'il est difficile d'accéder aux raffineries et au marché. C'est ce qui fait la différence.
Le sénateur Wallace : De la même façon, si le brut des sables bitumineux est acheminé vers la côte Ouest et que ce produit entre sur le marché asiatique et au-delà, il y aurait également un impact sur le prix de référence du Brent, n'est- ce pas?
M. Corey : Les deux se rapprocheraient davantage car les marchés asiatiques paient actuellement le prix mondial. Nous voulons vendre sur des marchés où nous obtiendrons le prix mondial.
Le sénateur Wallace : Je suppose que les producteurs canadiens s'intéresseraient énormément au prix du brut des sables bitumineux. Ne pensez-vous pas qu'il y aura également des répercussions sur tous les autres fournisseurs dans le monde? Ils vont certainement s'intéresser durablement à l'impact du brut canadien qui leur fait maintenant concurrence, que ce soit en Asie ou aux États-Unis; est-ce exact?
M. Corey : Oui. Le fait que davantage de pétrole, par exemple, du Canada, entre sur les marchés mondiaux devrait atténuer la hausse des prix. Mais il est difficile d'être catégorique, car il y a tellement d'autres facteurs.
Le sénateur Wallace : L'offre et la demande, oui.
M. Corey : La stabilité au Moyen-Orient et la situation en Iran, tout cela fera sensiblement monter les prix.
Le sénateur Wallace : Monsieur Allen, concernant le réacheminement de la ligne Keystone qui allait passer par les Sand Hills et qui va maintenant les contourner, ai-je raison de dire que des pipelines traversaient la région des Sand Hills bien avant que Keystone ne soit proposé?
M. Allen : Il y avait beaucoup de pipelines au Nebraska. Il y en avait d'autres par-dessus aussi.
Le sénateur Wallace : Je suppose que c'est de l'histoire ancienne. C'était bien mon impression que les pipelines n'étaient pas nouveaux dans la région des Sand Hills.
M. Allen : Oui, si on regarde sur une carte. Comme vous le dites, nous sommes passés à autre chose et TransCanada et le Nebraska semblent en arriver à un accord.
Le sénateur Wallace : En ce qui concerne le nouvel itinéraire proposé vers Cushing, passe-t-il dans des régions où se trouvent des pipelines depuis un certain nombre d'années?
M. Allen : Oui.
Le sénateur Wallace : Il n'y a rien de nouveau dans le fait que la ligne Keystone va passer dans ces régions?
M. Allen : En effet. Nous ne prévoyons pas de problèmes importants. Des audiences seront organisées et il y aura toujours quelqu'un qui a une ferme ou qui a quelque chose qui sera touché et qui protestera. Je pense qu'en gros, vous avez tout à fait raison en ce qui concerne le niveau de développement des pipelines.
Le sénateur Sibbeston : Ma question concerne la décision présidentielle d'abandonner le pipeline. Étant donné le long processus environnemental et les autres problèmes techniques, lorsque le président a finalement décidé de ne pas aller de l'avant, ou a écouté les conseils du département d'État, doit-on penser qu'il s'agit d'une décision politique plutôt que de la préoccupation de la part du département d'État que l'on n'a pas eu assez de temps pour recueillir les renseignements nécessaires pour approuver le projet et protéger la population américaine? C'est la raison officielle. Estime-t-on généralement que le président a pris cette décision en raison des prochaines élections?
M. Allen : C'est une question très difficile, mais je peux dire que lorsqu'ils ont décidé qu'il fallait un réacheminement au Nebraska, ils voulaient avoir le temps d'analyser le nouveau tracé et comme le nouveau tracé n'avait pas été encore décidé, ils ont avancé qu'ils n'avaient pas le temps en 60 jours de l'analyser. Il était légitime de dire que le tracé n'avait pas été décidé et qu'il était impossible de l'analyser. Quant à savoir si la politique est entrée en ligne de compte, je pense que c'est une question à laquelle seul le président peut répondre.
Le président : Nous allons le savoir ce soir, puisque c'est le Super Tuesday.
Le sénateur Sibbeston : Dans notre pays, l'Office national de l'énergie et d'autres groupes environnementaux étudient des projets comme le pipeline Northern Gateway. Il semble y avoir une forte opposition au pipeline, en particulier de la part des Autochtones et des écologistes en Colombie-Britannique.
Pourrons-nous en arriver dans notre pays à ce que le gouvernement fédéral décide simplement, malgré l'opposition et la résistance, de construire un pipeline? Qu'arriverait-il si le gouvernement allait de l'avant et s'il restait une forte résistance? Le projet serait-il menacé?
Le président : Il invoquerait notre rapport comme soutien.
M. Corey : Nous devons toujours tenir compte de deux ou trois facteurs liés à la Constitution et aux précédents juridiques. Premièrement, le gouvernement du Canada doit consulter les groupes autochtones là où ils sont touchés. Si un pipeline passe par une région où des Autochtones ont des intérêts, nous devons les consulter. Cela fait partie de la réalité constitutionnelle de notre pays et on doit le faire. Deuxièmement, nous avons un certain nombre de lois sur les évaluations environnementales. Notre ministre a toujours été franc et direct en disant qu'il était préoccupé par le temps que prenaient certains de ces processus. Il aimerait que le système réglementaire fonctionne bien et qu'il soit efficace, sans pour autant nuire à son efficacité. Nous avons l'obligation d'effectuer des évaluations environnementales. Je pense que notre ministre a dit très clairement que le gouvernement a l'intention de prendre des mesures dans les jours qui viennent à ce sujet.
Cela dit, le système peut-il être plus efficient et efficace? Vous verrez dans les jours qui viennent qu'il s'agit d'une des priorités du gouvernement, mais avec certaines réserves.
Le président : Restez à l'écoute, sénateur Sibbeston.
[Français]
Le sénateur Chaput : Ma question concerne la diapositive 12 de votre présentation, au sujet de la transparence. Vous nous dites que les pays ne fournissent pas tous la même qualité de données et de transparence. Vous ajoutez que « quelques-uns de ces pays ont probablement un brut à intensité égale » aux sables bitumineux, mais qu'ils ne le rapportent pas. D'après moi, c'est une probabilité. Avez-vous des preuves à l'appui de cela?
M. Corey : Je peux dire que, avec quelques pays, nous avons des preuves assez grandes. Par exemple, pour la Russie, nous avons des images satellites qui indiquent, la nuit, qu'on peut voir des flammes de torchères. Ce qu'on ne peut pas voir, c'est la ventilation du gaz naturel dans l'atmosphère. On sait que c'est une pratique de l'industrie là-bas. Au Canada, c'est très bien régulé, nous avons des systèmes en place pour réguler et avoir des rapports de suivi. Nous avons aussi des indications pour les autres pays selon lesquelles ils n'ont pas un suivi complet en ce qui concerne les gaz à effet de serre. Nous demandons s'il est possible de mettre en place un système dans lequel on exige d'avoir l'information complète en ce qui concerne les gaz à effet de serre. Selon les règles actuelles, il n'y a pas d'incitatif pour apporter des améliorations.
Par exemple, si on avait des rapports de suivi plus complets en ce qui concerne les gaz à effet de serre et si on les prenait en compte dans les calculs pour l'Union européenne, on pourrait avoir des pénalités plus importantes que présentement, où on ne connaît pas exactement les niveaux de gaz à effet de serre.
Le sénateur Chaput : Croyez-vous que, avec le temps, les pays de l'Union européenne vont arriver à s'entendre en termes de données transparentes et vérifiables?
M. Corey : Il est écrit dans le règlement actuel que, en 2015, il y aura une révision. J'ai une copie de cela ici.
[Traduction]
Ils vont étudier la possibilité de prolonger la période de production de rapports en fonction des valeurs réelles de l'intensité en gaz à effet de serre en amont et de l'exactitude et de la fiabilité de la surveillance et des rapports sur l'intensité en gaz à effet de serre des combustibles fossiles.
[Français]
Cela veut dire qu'ils savent très bien qu'il y a des faiblesses importantes au niveau des mesures. Ils ont l'intention de revenir là-dessus en 2015 pour essayer de régler ces problèmes. La question que nous leur posons est : pourquoi ne le faites-vous pas maintenant, avant de prendre des mesures discriminatoires pour le Canada?
Le sénateur Chaput : D'après ce que vous dites ici, le Canada a des données transparentes et vérifiables de manière indépendante, c'est bien cela?
M. Corey : Absolument. Ici, au Canada, oui.
[Traduction]
Le président : Je tiens à vous remercier, messieurs. Je pense que certains d'entre vous ont décidé de nous fournir plus d'information par l'intermédiaire de la greffière du comité. Nous pourrions vous rappeler, monsieur Corey, peut-être avec votre ministre, avant de conclure notre étude. Certaines questions pourraient se préciser dans les prochains jours, et il serait intéressant d'avoir les dernières nouvelles de notre gouvernement. Merci, monsieur Allen, monsieur Corey et monsieur Heath.
Nous allons passer à notre prochain groupe de témoins. Nous avons Stephen Lucas, sous-ministre adjoint, Intégration des sciences et des politiques, de Ressources naturelles Canada, Jonathan Will, directeur général, direction générale des Ressources en électricité, Secteur de l'énergie, et Marc D'Iorio, directeur général, Bureau recherche et de développement énergétiques, Secteur de l'énergie, ainsi que Dan McDougall, sous-ministre adjoint, Direction générale des Affaires internationales, d'Environnement Canada.
Bienvenue et merci de votre présence. Comme vous le savez, nous parlons d'une sorte de dossier États-Unis-Canada, mais il s'agit d'un sujet dynamique et de grande portée qui évolue rapidement. N'hésitez pas à nous dire tout ce que vous estimez intéressant pour notre étude.
Monsieur Lucas, voulez-vous commencer?
Stephen Lucas, sous-ministre adjoint, Intégration des sciences et des politiques, Ressources naturelles Canada : Oui, et je partagerai mes remarques avec M. McDougall.
Le président : Les deux autres personnes qui vous accompagnent feront-elles une déclaration?
M. Lucas : Non.
Monsieur le président, honorables sénateurs, c'est avec plaisir que je m'adresse au Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles avec mon collègue, M. McDougall. Jonathan Will est également coprésident du groupe de travail sur le réseau électrique dans le cadre du Dialogue sur l'énergie propre et Mark D'Iorio est également coprésident, avec le département de l'Énergie des États-Unis, du groupe de travail sur la capture et le stockage du carbone.
Je sais que tous les membres du comité comprennent l'importance, pour notre économie et la vie des Canadiens, des ressources naturelles du Canada et, en particulier dans ce contexte, de nos ressources énergétiques.
[Français]
Aujourd'hui, j'aimerais parler plus particulièrement des relations énergétiques qui existent entre le Canada et les États-Unis et de la façon dont ces relations sont essentielles à l'atteinte d'objectifs communs aux deux pays : la sécurité énergétique, la prospérité et la responsabilité en matière d'environnement.
[Traduction]
De même, mon collègue d'Environnement Canada, Dan McDougall, et moi allons parler plus en détail des principaux mécanismes en place permettant de renforcer la collaboration en matière d'énergie et d'environnement entre le Canada et les États-Unis — le Dialogue sur l'énergie propre.
Le Canada et les États-Unis partagent la frontière la plus longue du monde, une histoire riche et des économies fortement intégrées. À la base de ce lien, il existe des relations énergétiques bilatérales sans précédent de par leur taille et leur portée. Les deux pays sont présents au sein d'un marché commun de l'énergie renforcé par un réseau de lignes de transport et de pipelines qui desservent les populations des deux côtés de la frontière.
Par exemple, le Canada et les États-Unis bénéficient d'un réseau électrique fortement interconnecté, avec plus de 30 grandes lignes de transport qui relient la plupart des provinces canadiennes à des États américains voisins.
Cela permet aux gestionnaires du réseau d'optimiser la production d'électricité dans les deux pays pour améliorer sa fiabilité et son efficacité.
[Français]
Le Canada est le plus grand fournisseur de toutes les formes d'énergie pour les États-Unis. Quatre-vingt-dix-neuf pour cent des exportations de l'énergie sont destinées aux États-Unis.
[Traduction]
En raison de l'énorme proportion de nos ressources énergétiques et de notre économie ouverte, le Canada est un fournisseur sûr et fiable d'énergie pour les États-Unis. Nous avons...
Le président : Et nulle part ailleurs, semble-t-il.
M. Lucas : Nous allons en parler.
Le président : Avons-nous les bons chiffres?
M. Lucas : C'est 99 p. 100, oui.
Le président : D'où la diversification, non?
M. Lucas : Oui.
Le sénateur Neufeld : Nous en faisons un peu.
Le président : Je sais, mais il l'a dit, ce n'est qu'un pour cent. Vous y reviendrez dans vos questions.
M. Lucas : C'est un peu moins de 99 p. 100 si on inclut le charbon et l'uranium, mais on parle alors d'électrons, d'électricité, du pétrole et du gaz et du gaz naturel.
Le président : Des électrons. J'aime bien ça.
M. Lucas : Nous disposons de la troisième plus grande réserve de pétrole au monde, comme mes collègues l'on dit, et nous sommes le sixième plus grand producteur de pétrole. Le Canada occupe également la troisième place en ce qui concerne les réserves de gaz naturel et de production hydroélectrique, et est le deuxième plus grand producteur d'uranium. Alors que le Canada et les États-Unis se tournent vers des économies à faibles émissions de carbone, le Canada s'engage à faire intervenir de nouvelles sources d'énergie propre. Il possède déjà l'un des systèmes électriques les plus écologiques du monde. Plus de 75 p. 100 de notre électricité provient de sources non émettrices, dont 60 p. 100 issue de l'hydroélectricité.
Le commerce de l'électricité représente une source de croissance très importante pour le Canada, en particulier au moment où les États-Unis veulent augmenter leur utilisation d'électricité renouvelable non émettrice. Les provinces prévoient déjà de construire un certain nombre de grands projets hydroélectriques au cours des 10 prochaines années.
[Français]
Alors que le Canada et les États-Unis cherchent à garantir la croissance économique, la sécurité énergétique et la responsabilité environnementale, les relations énergétiques qui les lient deviendront de plus en plus importantes.
[Traduction]
Le président : Je suis désolé de vous interrompre à nouveau, mais je tiens à rappeler que nous sommes diffusés sur le réseau CPAC et le Web. Vous avez dit quelque chose que toutes les provinces où nous sommes allés nous ont dit également — plus de 75 p. 100 de l'électricité du Canada est propre et vient de sources non émettrices. Pourquoi les gens ne le savent- ils pas? Pourquoi sommes-nous les « gros méchants »? Vous allez nous le dire, n'est-ce pas? Continuez.
M. Lucas : J'attends avec impatience vos recommandations à ce sujet.
Le président : Vous savez de quoi je parle.
M. Lucas : Raconter l'histoire énergétique pose des problèmes de communication entre le gouvernement, l'industrie et d'autres intervenants, comme on vous l'a dit dans tout le pays. La composition de notre électricité est une partie extrêmement intéressante de notre histoire.
[Français]
C'est là où le Dialogue sur l'énergie propre se révèle un élément essentiel de nos relations en matière d'énergie et d'environnement.
[Traduction]
Je vais maintenant passer la parole à mon collègue, M. McDougall, qui vous donnera un aperçu des relations entre le Canada et les États-Unis en matière de changement climatique, avant d'aborder le sujet du Dialogue sur l'énergie propre.
Le président : Bien. C'est ce que nous espérons vous entendre dire. Nous savons que vous n'avez pas de pouvoir de taxation, mais...
[Français]
Dan McDougall, sous-ministre adjoint, Direction générale des affaires internationales, Environnement Canada : Le Canada et les États-Unis reconnaissent depuis longtemps leur indépendance environnementale, et la solide collaboration que ces deux pays entretiennent sur les questions environnementales remonte à plus de 100 ans. Leur collaboration et le dialogue avec les États-Unis sur les questions relatives de l'énergie propre sont d'une importance stratégique unique, tandis que le Canada continue de travailler sur le plan international afin de trouver une solution mondiale aux changements climatiques. L'accord de Copenhague a été signé par les dirigeants mondiaux en 2009.
[Traduction]
Sénateur Angus, je crois que vous faisiez partie de cette délégation. Cela a représenté une première étape importante dans l'établissement d'un nouveau régime plus efficace, du fait qu'il prévoyait des mesures d'atténuation pour toutes les grandes économies, qui représentent 80 p. 100 des émissions mondiales.
En vertu de l'accord de Copenhague, le Canada et les États-Unis se sont fixés comme objectif de réduire les émissions de 17 p. 100 à l'échelle de leurs économies d'ici 2020 par rapport aux niveaux de 2005.
À la conférence sur les changements climatiques de l'ONU qui a eu lieu à Durban, en décembre dernier, le Canada a collaboré étroitement avec les États-Unis et d'autres pays aux vues similaires pour établir un nouvel accord pour l'avenir qui comprend tous les émetteurs importants.
Nous sommes très satisfaits des résultats de Durban — la plateforme de Durban — qui conduira à un nouvel accord international comprenant tous les émetteurs importants.
Le président : À ce propos, je ne faisais pas partie de la délégation à Durban, ni à Cancun. Mais ce qui a découlé de ces rencontres m'intéresse. Qu'entendez-vous par plateforme de Durban? Est-ce un nouveau début, sans Kyoto?
M. McDougall : Pas tout à fait, mais on peut dire que nous allons dans cette direction. Kyoto va continuer pendant un certain temps pour quelques pays, mais la plateforme de Durban est la nomenclature, si l'on veut, pour l'ensemble des décisions qui y ont été prises. Certaines ont trait aux mesures proposées lors de la séance de négociation précédente à Cancun, et Cancun a fait fond sur l'architecture mise en place à Copenhague. Un train de mesures progressives a été pris pour nous amener vers un nouveau régime mondial permettant de faire face au changement climatique.
Le président : Étiez-vous présent, monsieur McDougall?
M. McDougall : Oui, en effet.
Le président : Vous semblez bien protéger votre ministre. Les membres du comité ont dîné avec lui la semaine dernière et il a dit qu'il était très satisfait. Pourtant, les choses n'ont pas été faciles là-bas.
M. McDougall : En effet, mais nous sommes satisfaits des résultats de Durban. C'est une étape positive sur un certain nombre de fronts.
Le Canada privilégie une approche à l'égard du changement climatique qui présente de véritables avantages sur le plan environnemental et économique pour tous les Canadiens. Compte tenu de la forte intégration de l'économie nord- américaine, cela comprend une harmonisation de nos politiques sur le climat avec celles des États-Unis, le cas échéant.
Au Canada, nous avons fait de grands progrès concernant un certain nombre d'initiatives réglementaires visant à réduire les émissions de gaz à effet de serre. Nous avons commencé par les secteurs du transport et de l'électricité, deux sources très importantes d'émissions de gaz à effet de serre au Canada, entre 22 et 17 p. 100, respectivement, de toutes nos émissions. Nous avons commencé par les secteurs les plus émetteurs.
Nous voulons continuer de réduire les émissions dans d'autres grands secteurs émetteurs.
Le Canada travaille en étroite collaboration avec le gouvernement des États-Unis afin d'établir des normes nord- américaines communes pour réglementer les émissions de gaz à effet de serre provenant des véhicules lourds et légers, ce qui sera bénéfique à l'environnement, à l'industrie et aux consommateurs. Nous avons harmonisé notre approche avec celle des États-Unis en adoptant progressivement des normes plus rigoureuses en matière de gaz à effet de serre pour les modèles d'automobiles et de camions légers des années 2011 à 2016. Nous envisageons également des règlements encore plus stricts pour les modèles de 2017 et au-delà.
De plus, le gouvernement du Canada a l'intention d'imposer des règlements plus rigoureux pour les émissions de gaz à effet de serre provenant des poids lourds et des moteurs de poids lourds, à partir des modèles de 2014. Il harmonisera encore une fois son approche avec celle des États-Unis, compte tenu de la très forte intégration de nos industries automobile.
Le président : Vous savez que nous avons entendu des témoignages au sujet du camionnage, de la conversion des moteurs diesel au GNL. Nous avons visité les installations de Westport à Vancouver, et M. Robert et d'autres sont intervenus lors d'une audience publique. Dans les prochains jours, nous allons rencontrer le sous-ministre du Québec à ce sujet.
Ma question est liée aux nouvelles d'aujourd'hui. Les États-Unis viennent d'annoncer aujourd'hui une décision très importante sur la conversion du secteur du camionnage. Êtes-vous au courant? Je me suis dit, formidable, nous allons en entendre parler ce soir. C'était une annonce énorme sur la conversion massive des camions aux moteurs GNL. Une entreprise a parlé d'un parc de plusieurs centaines de camions, je crois. En tout cas, cela vaut la peine de se tenir au courant. Cette nouvelle s'inscrit parfaitement dans ce que nous faisons, c'est pourquoi j'ai voulu en parler, cela fait partie de cette situation entre le Canada et les États-Unis.
M. McDougall : En effet. Merci, sénateur.
La mise en œuvre des principaux éléments de notre stratégie sur les combustibles renouvelables a également bien avancé cette dernière année. Au 15 décembre 2010, l'essence doit contenir une moyenne de 5 p. 100 de contenu renouvelable. En outre, nous imposons une exigence de 2 p. 100 de carburant renouvelable pour le diesel, qui est entrée en vigueur le 1er juillet 2011.
Le président : Quand vous dites « nous », vous voulez dire le Canada ou le Canada et les États-Unis?
M. McDougall : Je veux dire le Canada.
Les mesures prises pour le secteur de l'électricité conduiront à d'importantes réductions des émissions de gaz à effet de serre et permettront d'améliorer la qualité de l'air pour tous les Canadiens. Les derniers règlements devraient être publiés en 2012 et entrer en vigueur le 1er juillet 2015.
Ces mesures fédérales, associés à celles qui ont été adoptées par les provinces, nous ont amenés au quart de notre cible de réduction des émissions de gaz à effet de serre pour 2020. Pour combler le reste de l'écart, le gouvernement du Canada continuera de mettre en œuvre d'autres mesures pour réduire les émissions de gaz à effet de serre dans d'autres grands secteurs de l'économie nationale, mesures qui seront complétées par les actions provinciales et territoriales. Il est prévu d'adopter des normes de rendement réglementées dans des secteurs industriels prioritaires.
Nous collaborons également avec les États-Unis et quelques autres pays pour étudier plus à fond les polluants à courte durée de vie, comme le méthane, le carbone noir et la suie. Il est de plus en plus manifeste que les mesures prises dans ces domaines peuvent apporter d'importants avantages à court terme, en particulier dans l'Arctique.
J'aimerais également souligner le travail que nous avons accompli avec les États-Unis sur les questions liées au changement climatique dans le cadre de la Commission nord-américaine de coopération environnementale. Pour la première fois en 17 ans, le plan stratégique de la Commission axe ses efforts sur le travail lié au changement climatique. Nous étudions actuellement les moyens d'améliorer la comparabilité des inventaires de gaz à effet de serre avec ceux du carbone noir, ainsi que le remplacement des vieilles cuisinières dans les communautés tribales de l'Alaska, par exemple. Le Canada se réjouit de poursuivre le travail dans ce domaine avec ses partenaires américains et mexicains dans le cadre de la Commission de l'ALENA.
Pour ce qui est du Dialogue sur l'énergie propre, en 2009, le premier ministre Harper et le président Obama ont lancé le Dialogue sur l'énergie propre Canada-États-Unis. Le DEP est un mécanisme bilatéral important qui nous permet de travailler en partenariat afin de créer des technologies énergétiques propres et réduire les émissions de gaz à effet de serre.
Ce Dialogue sur l'énergie propre est un élément essentiel de notre coordination sur le changement climatique avec les États-Unis et offre un bon mécanisme de collaboration. Une réglementation ambitieuse repose sur les progrès technologiques. Elle offre la bonne structure incitative et rentabilise les investissements en R.-D. Il existe ainsi une réelle complémentarité entre le Dialogue sur l'énergie propre et notre plan global sur le changement climatique.
Permettez-moi de prendre quelques minutes pour parler de certaines réalisations des groupes de travail dans le cadre de la première phase du dialogue, car je pense que ce serait utile. J'aimerais souligner le travail du groupe de travail sur la recherche et le développement en énergie propre, coprésidé par Environnement Canada, et je laisserai ensuite la parole à mon collègue qui vous rendra compte du travail accompli par les groupes de travail sur la capture et le stockage du carbone et sur le réseau électrique, tous deux coprésidés par Ressources naturelles Canada.
[Français]
Comme pour tous les autres groupes de travail, la collaboration est le principe directeur de ce groupe. Le cadre sur la recherche et le développement en matière d'énergie propre identifie les ressources et facilite les échanges et le partage d'information et d'infrastructure entre les experts, les institutions et les sociétés des deux pays.
Le Groupe de travail en recherche et développement soutient un certain nombre de projets collaboratifs qui visent à atteindre nos objectifs en matière d'énergie propre. Par exemple, l'examen en commun de la tôle en alliage de magnésium léger et avancé entrepris par le Groupe de travail en recherche et développement peut contribuer à diminuer le poids des véhicules et répondre aux normes ambitieuses imposées aux modèles de véhicules qui sortiront des usines de fabrication à partir de 2017.
D'autres projets collaboratifs englobent la recherche visant à améliorer la productivité et les méthodes de récolte dans l'utilisation de la biomasse algale, ainsi que d'autres projets sur des matériaux nouveaux et améliorés tels que pour des applications dans la production d'énergie marine.
Je vais maintenant céder la parole à mon collègue, M. Lucas, qui vous décrira d'autres faits marquants du Plan d'action I.
[Traduction]
M. Lucas : Le groupe de travail sur la capture et le stockage du carbone met en place un cadre de référence qui permettra d'accélérer le développement et le déploiement de technologies de capture et de stockage du carbone, ou technologies CSC, aux États-Unis et au Canada. Je vais parler de quelques réalisations de ce groupe de travail depuis trois ans, depuis le lancement du programme en 2009.
Il s'agit notamment de l'obtention d'un investissement de 5,2 millions de dollars du Canada et des États-Unis pour approfondir le travail du projet de l'Agence internationale de l'énergie sur la surveillance du dioxyde de carbone à Weyburn Midale en Saskatchewan. Ces fonds ont permis à la dernière phase du projet de se concentrer sur les meilleures pratiques de capture et de stockage sûr et permanent du dioxyde de carbone en améliorant la récupération du pétrole.
Le président : L'initiative des technologies CSC est donc une initiative conjointe? Je pensais qu'elle était seulement canadienne, mais avec des investissements. Fait-elle partie de notre accord de coopération?
M. Lucas : En fait, le Canada et un certain nombre de provinces, mais surtout l'Alberta, ont investi dans leurs propres projets, notamment des partenariats du gouvernement avec le secteur privé pour un certain nombre d'applications de la capture et du stockage du carbone. Les États-Unis ont fait la même chose au niveau fédéral, ainsi que d'autres pays comme le Royaume-Uni et l'Australie. Un réseau mondial de projets de démonstration CSC est prévu ou sur le point d'être construit. Un de ces projets, qui existe depuis 2000, a été lancé comme un projet conjoint canado-américain et fait intervenir maintenant l'Agence internationale de l'énergie. Il s'agit d'assurer la surveillance à long terme du stockage.
Le président : C'est-à-dire?
M. Lucas : Il s'agit du projet Weyburn Midale en Saskatchewan où deux ou trois compagnies canadiennes pompent du CO2 souterrain pour récupérer le pétrole; on a créé également un système de surveillance pour voir si une partie du CO2 remonte à la surface, comprendre la nature du stockage, et cetera. C'est une expérience scientifique importante, à grande échelle qui s'inscrit dans la réalité et fait intervenir l'industrie.
La deuxième initiative a consisté à déployer un atlas du stockage du carbone en Amérique du Nord dans le cadre du partenariat avec non seulement les États-Unis, mais le Mexique également. Nous avons établi une méthode de cartographie compatible et partagé de nombreuses données. L'objectif est de trouver les principales sources d'émissions de carbone ou de CO2, ainsi que des sites de stockage souterrains potentiels dans les aquifères salins en dessous de 800 mètres ou d'un kilomètre.
Le troisième domaine vise à faire avancer la recherche en collaboration sur la prochaine génération des technologies CSC, y compris des technologies de combustion en boucle chimique ou l'oxycombustion du gaz sous pression qui examine différentes applications, notamment la production alimentée au charbon.
[Français]
Deux conférences ont été organisées par les groupes de travail, en mai et en novembre 2010, au cours desquelles on a pu faire le partage des connaissances, des meilleurs pratiques et des leçons apprises.
[Traduction]
Nous avons également signé — le ministre Paradis et le secrétaire Chu — une déclaration d'intention concernant la coopération en science et en technologie de l'énergie avec le Département de l'énergie des États-Unis en avril 2010, ce qui nous a permis de poursuivre nos engagements bilatéraux sur la capture et le stockage de carbone et d'autres domaines, dont la bioénergie, en vue d'une collaboration efficace entre nos laboratoires nationaux.
Quant au groupe de travail sur le réseau électrique, l'objectif du groupe est de faciliter la transition à long terme vers un système électrique modernisé, c'est-à-dire un système qui permettra le transport sécuritaire de l'énergie électrique entre les deux nations et l'utilisation de sources d'électricité écologiques.
Dans la phase I, le groupe de travail a organisé un certain nombre d'événements importants et a compilé des documents de référence sur des questions essentielles. Plus particulièrement, il a organisé un forum bilatéral en février 2010, sur le thème « Perfectionnement de la main-d'œuvre de demain », qui mettait l'accent sur les questions de la formation et du recrutement dans le secteur de l'énergie électrique.
Au cours de votre étude, vous avez peut-être entendu dire que la main-d'œuvre pose un défi de taille pour le secteur de l'énergie au fil de sa croissance.
Le président : C'est un aspect extrêmement important.
[Français]
M. Lucas : Avec les États-Unis, nous avons aussi organisé une conférence bilatérale en mai 2010 intitulée Accroître les possibilités du commerce en matière d'électricité propre, au cours de laquelle les parties intéressées ont pu identifier les ressources d'électricité écologique éventuelle et les marchés qui pourraient servir de base à l'accroissement des échanges en énergie propre.
[Traduction]
Nous avons animé des discussions approfondies sur le thème de la conception et de l'optimisation d'un réseau électrique intelligent, grâce au forum qui traitait de la direction des politiques en matière de réseau intelligent, et qui a eu lieu en coopération avec l'Independent Electricity System Operator de l'Ontario et l'Université de Waterloo en janvier 2011.
Le Canada a également établi un groupe de travail sur les normes du réseau intelligent afin de fournir des données canadiennes aux efforts de normalisation du National Institute of Standards and Technology, aux États-Unis.
Enfin, nous avons achevé l'élaboration de documents de référence sur les questions politiques et réglementaires associées au stockage de l'énergie, se rapportant essentiellement à la production d'énergie renouvelable, où le stockage est intermittent. Il faut pouvoir stocker l'énergie lorsque le vent souffle assez fort et avoir recours à d'autres sources de production d'électricité quand il ne souffle pas.
Ces documents sur les normes relatives au réseau intelligent et au portefeuille des sources d'énergie renouvelables ont examiné les thèmes des restrictions réglementaires, la façon dont l'adoption du stockage de l'énergie peut faciliter l'intégration de projets d'énergies renouvelables, et la façon dont les politiques relatives à l'approvisionnement en énergie renouvelable peuvent constituer des obstacles à l'égard des échanges en énergie propre.
Grâce à cette approche à trois volets, axée à la fois sur la recherche et le développement d'énergie propre, la capture et le stockage du carbone et les réseaux électriques intégrés, le Canada et les États-Unis ont établi un dialogue qui bénéficie de l'appui d'un plan d'action tangible. Ce plan d'action a fourni les moyens nécessaires permettant de lutter concrètement contre nos défis en matière d'énergie propre. Toutefois, il reste encore beaucoup à faire, et il nous faut maintenir le dynamisme du travail qui a commencé.
En ce qui concerne l'avenir, nous discernons qu'un nouveau dialogue sur l'énergie propre nous donnera l'occasion d'approfondir notre engagement à l'égard de la technologie et de l'innovation en énergie propre, et de renforcer le travail déjà accompli. Nous examinons également la possibilité d'inclure l'efficacité énergétique plus expressément sous le couvert du dialogue sur l'énergie propre. Les travaux en matière d'efficacité énergétique ont été entrepris dans le cadre de la première phase du dialogue sur l'énergie propre, sous l'égide du groupe de travail sur la recherche et le développement en matière d'énergie propre, et comprenaient l'élargissement du programme d'étiquetage ENERGY STAR destiné à l'équipement et aux appareils afin de faciliter l'harmonisation du marché de l'équipement nord-américain.
Le dialogue sur l'énergie propre demeure un mécanisme important lorsqu'on songe à la nature intégrée de notre marché de l'énergie et à notre intérêt mutuel qui consiste à faire la transition vers une économie à faible émission de carbone. Nous travaillons avec le département américain de l'Énergie afin d'identifier les priorités qui pourraient faire partie du dialogue sur l'énergie propre dans l'avenir. Dans les semaines qui vont suivre, nous espérons pouvoir soumettre une proposition à nos ministres et au secrétaire de l'Énergie des États-Unis.
[Français]
Le Canada souhaite vivement préserver et nourrir les relations énergétiques étroites qui existent entre nos deux pays.
[Traduction]
Tandis que nous prenons des mesures pour diversifier nos marchés énergétiques et établir de nouveaux partenariats en Asie, les relations énergétiques entre le Canada et les États-Unis continueront d'être essentielles à la sécurité énergétique et la prospérité économique à long terme de l'Amérique du Nord.
Le président : Merci, messieurs Lucas et McDougall. Il est agréable de voir Environnement Canada et Ressources naturelles Canada travailler ensemble dans un tel esprit de coopération.
Le sénateur Mitchell : Merci de vos exposés extrêmement intéressants et de votre présence parmi nous.
J'ai plusieurs questions, et je commencerai par la réglementation. Vous affirmez que vous êtes en train de faire des progrès. Il me semble en effet qu'il y a eu quelques progrès dans le domaine des transports et de l'électricité.
Mais quand verrons-nous un règlement sur les sables bitumineux?
M. McDougall : Nous avons amorcé nos discussions avec l'industrie au sujet de la prochaine phase de la réglementation, qui portera sur le secteur suivant que dicte la logique. Comme nous avons commencé par les secteurs les plus émetteurs, le secteur pétrolier et gazier sera le prochain grand secteur dont nous allons nous occuper.
Les sables bitumineux, en particulier, seront visés par ces efforts, ne serait-ce qu'en partie. Autrement dit, nous nous pencherons sur le secteur pétrolier et gazier de manière plus générale, sans nous limiter aux sables bitumineux. Pour le moment, nous tenons surtout à conclure la réglementation du secteur de l'électricité. La première phase a d'ailleurs été publiée dans la Gazette du Canada au mois d'août dernier, suscitant de nombreux commentaires. Nous avons donc fait beaucoup de travail auprès des personnes qui avaient fait ces commentaires, ainsi qu'avec les provinces. Nous poursuivons nos travaux en vue de conclure cette réglementation en toute première priorité.
Le sénateur Mitchell : Je croyais que le ministre lui-même avait dit que vous travailliez d'arrache-pied au règlement sur les sables bitumineux. Si nous comparons le nombre de personnes qui travaillent au règlement sur le charbon, combien y en a-t-il qui travaillent au règlement sur les sables bitumineux et que font-ils dans leur travail quotidien? S'agit-il de deux personnes, de 102? Avez-vous fixé une date limite pour la mise au point de cette réglementation? Je suppose que ce sera avant 2020.
M. McDougall : Nous n'avons pas fixé de date précise pour achever les règlements, mais nous avons entamé le dialogue avec l'industrie à ce sujet. Une partie importante de la démarche consiste à faire en sorte que les discussions se poursuivent afin qu'elles nous servent de point de départ. Il y a énormément de travail à faire avant de passer à la publication préalable dans la Gazette du Canada.
Le sénateur Mitchell : Quand le gouvernement nous affirme que vous avez complété 25 p. 100 de l'objectif pour 2020, nous le croyons sur parole. Néanmoins, il nous reste 75 p. 100 à accomplir en huit ans, quoique nous n'ayons pas la certitude que les sables bitumineux vont être réglementés. Quelqu'un aurait-il un tableau illustrant le taux de réduction des émissions attribuables aux transports, au charbon, à l'industrie pétrolière et gazière et à tout autre secteur, pour conformer la réduction de 17 p. 100 d'ici 2020? On nous affirme que cela va être fait, mais ces initiatives sont-elles assorties de chiffres concrets?
M. McDougall : Il s'agit d'une approche différente de celle qui a été adoptée par le passé. Nous avons fait beaucoup de travail à l'époque de la conclusion du protocole de Kyoto et par la suite en termes d'analyse, de discussion, de dialogue et de consultation sur la partie de réduction qui devrait correspondre à chacun de ces aspects. Nous aurions beau ventiler l'information, comme vous le suggérez, par secteur, sous-secteur, province ou région. En définitive, nous pourrions passer des décennies entières à parler de la manière de répartir les choses et pendant ce temps, il n'y a que très peu de travail qui se fait pour réduire les émissions.
Depuis les dernières années, on a surtout cherché à se mobiliser pour réduire les émissions réelles. C'est ce que nous essayons de faire à l'échelle nationale aussi bien qu'internationale. À l'échelle internationale, on a surtout insisté sur la différenciation entre les pays industrialisés et les pays en développement. Les pays en développement doivent réduire leurs émissions alors que les pays industrialisés, quel que soit le niveau de nos émissions, nous pouvons nous dispenser allègrement de respecter les engagements.
La discussion à Durban a été notre tentative de changer le cours du débat à l'échelle internationale. Nous avons cerné le problème en affirmant qu'il fallait songer collectivement aux moyens de le régler. Nous suivons la même formule au pays à l'égard des émissions, en commençant par les sources les plus importantes et en reconnaissant la nécessité de rallier nos forces. Comme vous l'avez signalé, il faut une collaboration entre nos ministères ici à Ottawa ainsi qu'avec les provinces à l'heure d'entreprendre nos travaux. Certains travaux doivent nécessairement être accomplis par les provinces, qui ont leur propre sphère de compétence, leurs propres responsabilités et leur propre capacité de prendre des mesures. En définitive, il s'agit de pouvoir compter sur toutes les parties prenantes pour atteindre nos objectifs.
Le sénateur Mitchell : Monsieur Lucas, dans votre présentation, vous avez parlé de la sécurité énergétique. Certes, un des critères évoqués pour que les États-Unis achètent le pétrole de l'Alberta c'est que c'est la chose éthique à faire et que ce pétrole est plus sécuritaire que celui qu'ils acquièrent d'autres pays. Relevons en passant que les provinces de l'Atlantique sont en train de se procurer leur pétrole aux mêmes adresses que les États-Unis. Il serait donc logique de présumer qu'elles ont un problème en ce qui a trait à la sécurité énergétique.
Que se passerait-il, par exemple, si les choses finissaient par éclater pour de bon au Moyen-Orient et que l'on ne puisse plus faire parvenir le pétrole aux provinces de l'Atlantique, quel que soit le prix que l'on serait prêt à payer? Qui est en train de travailler à la question de la sécurité énergétique? Est-ce que quelqu'un s'en préoccupe?
M. Lucas : Je commencerai par évoquer les principes de la politique énergétique, et ensuite nous pourrons nous pencher sur des situations concrètes. Je m'y prends ainsi pour commencer par rappeler que la politique fédérale reconnaît d'emblée le rôle du marché. Le ministre Oliver l'a fait valoir, et je déduis de vos propos que vous êtes au courant. C'est le marché de l'Est et les sociétés énergétiques de tout le pays qui finissent par déterminer la provenance de l'offre et le sens dans lequel devrait circuler le débit des oléoducs, soit de la côte Est vers le Centre du Canada, ou dans le sens inverse. Parmi les propositions dans ce contexte, je songe par exemple à celle de la compagnie Enbridge de renverser le débit de sa canalisation 9, qui pourrait inverser un tronçon de l'oléoduc permettant d'acheminer le pétrole des États-Unis vers l'Ontario.
Advenant une situation d'urgence de grande envergure, une loi fédérale en matière de situation d'urgence énergétique sera de mise. Certes, pour les besoins d'approvisionnement à plus long terme, le marché aurait tendance à s'adapter. Ainsi, par exemple, si l'approvisionnement devait s'interrompre brusquement, comme nous avons vu dans le cas de la Libye, qui a touché l'Europe et fait boule de neige pour finir par affecter les sociétés importatrices de pétrole vers la côte Est, les raffineries de la région chercheraient d'autres sources d'approvisionnement comme principe de fonctionnement prioritaire.
Le sénateur Mitchell : Il a été question çà et là depuis des années que le Canada entreprenne une initiative de plafonnement et d'échange, particulièrement quand il semblait que les États-Unis allaient adopter cette formule. Pouvez- vous me donner une évaluation, voire une réponse définitive sur ce que le Canada a l'intention de faire à ce sujet? Avons- nous pris un engagement à l'égard du plafonnement et de l'échange, ou est-ce que cela a été fait?
M. McDougall : Cette possibilité est passablement exclue pour le moment en raison de l'approche d'harmonisation avec les États-Unis qui s'avère nécessaire pour éviter les conséquences au niveau de la concurrence. Les États-Unis ont entrepris la réglementation des émissions de gaz à effet de serre, alors nous suivons une approche analogue. Il me semble que dans l'immédiat, il serait extrêmement surprenant que les États-Unis adoptent un système de plafonnement et d'échange.
Le sénateur Mitchell : Est-ce que quelqu'un est en train d'évaluer l'augmentation réelle des prix? Est-ce que quelqu'un peut nous dire ce que coûte chacun des régimes — plafonnement et échange, la taxe sur les émissions carboniques, ou les règlements? Est-ce que quelqu'un est en train de faire ces calculs?
M. McDougall : Oui, absolument. À mesure que chacun de ces règlements évolue, on indique le coût réel qu'il implique, le coût mais aussi les retombées de chaque mesure de réglementation.
Le sénateur Mitchell : Quel serait le coût par tonne pour le secteur de l'électricité?
M. McDougall : Je n'ai pas ce chiffre devant moi. Ces coûts comportent deux éléments. Il faut également faire des postulats sur ce qu'il peut en coûter si le règlement n'est pas pris, et s'il est pris également. Il faudra que je vous revienne avec les chiffres réels.
Le sénateur Mitchell : Auriez-vous l'obligeance de le faire?
M. McDougall : Absolument.
Le président : Juste un supplément ou un complément, si vous préférez, à la question du vice-président. C'est peut-être par timidité qu'il s'est abstenu, mais j'imagine que vous êtes prêt à répondre à cette question. Quelle est la politique du gouvernement du Canada à l'égard de l'évaluation du prix des émissions carboniques?
M. McDougall : En ce moment, notre politique consiste à ne pas mettre un prix aux émissions carboniques.
Le président : C'est la politique?
M. McDougall : Oui. Nous suivons une approche réglementaire en ce qui a trait à la façon de nous y prendre. Il y a un prix implicite qui doit être calculé en termes des coûts et avantages d'une mesure donnée, alors la politique de réglementation tient compte de ce facteur. Il y a beaucoup de modélisation pour chacun de ces règlements à mesure qu'ils sont déposés. La Gazette du Canada contient une rubrique appelée Résumé de l'étude d'impact de la réglementation pour chacun des règlements, indiquant clairement quels sont les coûts et avantages sur le plan économique.
Le président : Merci beaucoup.
À vous, sénateur Neufeld. Vous êtes l'homme de la province qui a une taxe sur les émissions carboniques.
Le sénateur Neufeld : Merci.
À la page 5 de votre exposé, vous rappelez que la stratégie sur les carburants renouvelables, qui détermine la quantité de contenu renouvelable que le carburant doit avoir en moyenne — soit 5 p. 100 pour l'essence et 2 p. 100 pour le carburant diesel — est entrée en vigueur le 1er juillet 2011. Est-ce que toutes les provinces et tous les territoires y adhèrent? Est-ce que tout le monde est conforme, depuis le 1er juillet 2011? Est-ce que tout le monde est au même diapason? Comment surveillez-vous cela?
M. McDougall : Je n'ai pas de données sur la modélisation de la stratégie. Il faudrait que je vous revienne là-dessus.
M. Lucas : Nous travaillons à la conformité auprès des entreprises de raffinage, les gens qui s'occupent de faire les mélanges.
Le sénateur Neufeld : Vous n'êtes pas certain que tout le monde soit conforme. De nombreuses provinces ont leurs propres normes visant un contenu de 10 p. 100, ce qui est probablement supérieur à la norme fédérale. La norme relative au carburant diesel m'intéresse particulièrement. Est-ce que tout le monde respecte les 2 p. 100, les territoires et les provinces? Ce serait très bien si vous pouviez nous donner une réponse à cela.
La page suivante a également suscité mon intérêt, quand vous parlez de travailler avec les États-Unis. Vous dites que vos efforts actuels consistent à étudier les moyens d'améliorer la comparabilité des inventaires d'émissions de gaz à effet de serre avec ceux du carbone noir, et le remplacement de vieilles cuisinières en Alaska. Peut-être que l'un d'entre vous pourrait nous expliquer comment cela se passe pour le remplacement de ces cuisinières en Alaska.
M. McDougall : Je peux vous l'expliquer si vous voulez.
Le sénateur Neufeld : Je vis tout près de l'Alaska.
M. McDougall : Il s'agit de l'un des projets que l'EPA a lancés en Alaska, sous l'égide de la Commission de coopération environnementale. Il est en train de remplacer les carburants polluants par des carburants plus propres.
C'est ce que nous faisons plus généralement avec les États-Unis et six autres pays. Le ministre Kent, la secrétaire d'État Clinton et les ministres de ces six autres pays ont lancé une initiative mondiale pour réduire ce type d'émissions, qui sont essentiellement des émissions à base de méthane, afin de régler certains aspects plus récents du changement climatique. Ce sont le Canada, les États-Unis, le Mexique, ainsi que la Suède, le Ghana et le Bangladesh qui ont lancé cette initiative pour tenter de mieux contrôler ces autres sources d'émissions. Les cuisinières sont l'un des domaines visés.
Ce qui se passe avec tous ces agents polluants, si vous voulez, c'est que pratiquement tous comportent un effet climatique aussi bien qu'un effet pour la santé, qui affecte de manière disproportionnée les femmes et les enfants dans les pays en développement également. Une fois de plus, c'est une des choses pratiques que nous pouvons faire sur le terrain et que nous tentons de faire pour régler le problème aussi directement que possible. C'est un domaine où il y a de nombreux avantages à récolter, sur le plan de la santé aussi bien que dans le domaine agricole.
Le sénateur Neufeld : C'est la réponse que je recherchais. Il ne s'agit pas seulement de l'Alaska; il s'agit du monde entier, de ce que les gens font avec leurs cuisinières et autres appareils.
M. McDougall : Tout à fait.
Le sénateur Neufeld : Vous parlez de la biomasse algale, ainsi que d'autres projets sur les matériaux nouveaux et améliorés, dont des applications dans la production d'énergie marine. Pouvez-vous élaborer un peu? J'ai une idée globale, mais je pense que vous pourriez offrir quelques précisions, juste pour que nos téléspectateurs comprennent mieux ce que vous voulez dire.
M. McDougall : Ce n'est qu'un avant-goût, si vous voulez, de certains des travaux qui sont en train d'être entrepris comme nous nous apprêtons à enjamber la phase suivante d'action dans le cadre du Dialogue sur l'énergie propre. À l'instar du Canada et des États-Unis, de nombreux pays sont en train de se pencher sur le secteur du pétrole extracôtier.
Ce faisant, nous envisageons la chose sur deux fronts. Comme M. Lucas l'a fait remarquer, nous nous penchons sur la question sur le plan politique et réglementaire pour déterminer les mesures susceptibles de favoriser le recours à des sources plus vastes d'énergie propre dans ce domaine. En même temps, nous étudions les mesures complémentaires à prendre en termes de recherche et de développement, le genre de changements requis pour avoir des matériaux résistants aux intempéries en haute mer. Nous examinons ces aspects sur les deux fronts à l'aide de mécanismes comme celui du Dialogue sur l'énergie propre. C'est un mélange de considérations d'ordre pratique, d'initiatives axées sur la recherche et d'aspects stratégiques.
Le sénateur Neufeld : Une dernière question. À la page 12 vous parlez de travailler à divers aspects, dont le programme d'étiquetage ENERGY STAR, et je suis tout à fait d'accord. Je n'ai pas la moindre réserve à exprimer à ce sujet. Avez-vous songé au code du bâtiment et à remanier certaines des normes dans ce contexte? Il suffit de jeter un coup d'œil autour de soi quand on conduit de l'aéroport en ville pour s'apercevoir du nombre de fuites — des quantités colossales. Sommes-nous en train d'étudier cela? Même si le gouvernement fédéral n'a pas le contrôle absolu du code du bâtiment, c'est un domaine où il peut facilement formuler des normes, ce qui nous évitera de devoir nous en occuper a posteriori. Si nous continuons à construire avec des deux par quatre, très peu d'isolation et pas de fenêtre à triple vitrage, il faudra tôt ou tard réparer tout cela. Je me demande où vous en êtes là-dessus ou si vous songez à ce côté des choses?
M. Lucas : Nous y pensons intensément au Canada. L'environnement bâti est un autre secteur qui occupe une bonne portion du camembert des principales sources d'émissions.
Comme vous le savez, nous avons prévu des programmes, dont la réhabilitation thermique des maisons, et nous avons œuvré avec les provinces et les associations de construction et autres intéressés pour remanier le Code national du bâtiment. Ce code a récemment été mis à jour, améliorant ainsi de manière significative le code précédent. Il suppose une amélioration de l'ordre de 25 p. 100 pour les nouvelles constructions. De concert avec les provinces et les territoires et le Conseil des ministres de l'énergie, nous nous penchons sur la prochaine génération d'améliorations à apporter au code du bâtiment pour les nouvelles constructions d'ici 2016.
En ce qui a trait aux bâtiments commerciaux, un projet qui s'est déroulé lors du premier tour du Dialogue sur l'énergie propre s'est penché sur le potentiel des bâtiments de répondre à la demande. Les bâtiments peuvent-ils communiquer plus ou moins leurs besoins en énergie pour aider à gérer les charges sur le réseau électrique? Cela est compatible avec le contexte du réseau intelligent, mais n'améliore pas nécessairement l'efficacité énergétique du bâtiment. En revanche, il améliore l'efficacité énergétique du réseau de manière à éviter de générer davantage d'électricité qu'il ne faut à chaque instant, ce qui permet de répondre à une demande accrue, par exemple pour les besoins de climatisation. C'est un domaine d'intérêt pour le Canada que nous partageons avec les provinces. Par ailleurs, nous nous réjouissons à l'idée de poursuivre notre collaboration avec les États-Unis dans le cadre du renouvellement du dialogue sur l'énergie propre entre nos deux pays.
Le sénateur Lang : Je vais accélérer car il se fait tard. J'aimerais en revenir à nos émissions de gaz à effet de serre et à la cible de 17 p. 100. Un peu plus tôt, nous avons entendu un témoignage, et je crois que vous étiez à l'écoute. Sous peu, nous allons assister à la production d'au moins 500 barils de pétrole de plus par jour dans les sables bitumineux. Cela ne fait pas entrer en ligne de compte les perspectives de construction du projet d'oléoduc Northern Gateway et ce qui pourrait arriver là-bas si le projet obtient le feu vert. Nous assisterons manifestement à une importante hausse des GES attribuables aux sables bitumineux. Et on parle seulement des sables bitumineux proprement dits, sans songer à l'exploitation minière ni à d'autres projets qui vont de l'avant.
Comment allons-nous atteindre la cible de 17 p. 100 si nous avons cette hausse importante dans ces régions? Que faire en plus de ce que nous faisons déjà? Peut-être que vous pouvez me l'expliquer. Évidemment, il y aura davantage d'émissions de gaz à effet de serre. Dans quel domaine faudra-t-il réduire les émissions encore davantage pour compenser la hausse et atteindre la cible?
M. McDougall : Certes, les projections que nous avons entreprises ou qui ont été faites à ce sujet ont fait entrer en ligne de compte l'augmentation prévue dans ce contexte. Le seul moyen d'atteindre la cible c'est de diminuer les émissions consciencieusement, çà et là, là où on peut. Il n'y aura pas de solution magique qui pourra tout régler d'un seul coup. Les mesures requises seront un ensemble bien arrondi de mesures qui seront nécessaires pour y arriver.
Si nous ajoutons ce qui est en train d'être fait à l'échelle provinciale, c'est une contribution importante à l'objectif global de 17 p. 100. Ce pourcentage ne comprend pas uniquement les mesures fédérales à prendre dans ce contexte; ce sont des mesures prises par l'ensemble du pays. Au bout du compte, c'est le Canada qui devra répondre, et non pas seulement des mesures du gouvernement fédéral. Chacun agit dans sa propre sphère de compétence. Comme je l'ai expliqué précédemment, nous nous efforçons d'être très pratiques et de commencer par les mesures qui nous permettront d'obtenir l'effet le plus palpable et le plus immédiat. Nous avons déjà fait cela pour les règlements relatifs aux véhicules légers. Ce fut une contribution majeure au taux de 17 p. 100 pour le premier groupe des derniers modèles de 2011 à 2016. Nous sommes en consultation à présent pour le groupe des modèles de l'année prochaine. En somme, à mesure que nous avancerons, les mesures se répartiront dans tous ces secteurs dans le camembert des sources des émissions.
Le sénateur Lang : Je voudrais poursuivre avec une autre question sur la compétence provinciale, que vous avez évoquée dans votre réponse. Je n'ai pas remarqué que les provinces aient parlé de ce document sauf dans le domaine de l'hydroélectricité et quelques autres. Voilà essentiellement en quoi ça consistait. J'ai participé à un gouvernement territorial, comme c'est le cas pour le sénateur Neufeld. Nous savons ce que sont les administrations territoriales et provinciales. Du point de vue de la mise en œuvre, nous avons probablement tout autant, voire davantage, de pouvoir pour ce qui est d'économiser l'énergie au quotidien, suivant le lieu où elle se trouve.
Le gouvernement fédéral peut toujours aller dire aux États-Unis qu'il fera certaines choses, mais pour les faire, il devra compter sur les provinces et territoires. Au sein de votre organisation, avez-vous des réunions régulières avec les gouvernements territoriaux et provinciaux pour garantir que quand vous dites que vous allez faire quelque chose, vous pouvez effectivement le faire?
M. McDougall : M. Lucas vous parlera de cela dans le contexte du Dialogue sur l'énergie propre. En règle générale, oui, nous avons des mécanismes permanents de consultation et discussion avec les provinces. Il s'agit de mécanismes ordinaires, mais il existe également des mécanismes spéciaux pour le domaine de la réglementation, par exemple. De nouveaux processus sont établis au besoin pour discuter des mesures avec eux. Quant au côté international des négociations, par exemple, les provinces ont fait partie de la délégation canadienne à Durban, Cancun et Copenhague. Les provinces font partie du portrait global, et nous travaillons en étroite collaboration avec elles.
Le sénateur Seidman : Nous avons vraiment eu droit à d'excellentes présentations ce soir. Nous avons appris énormément. J'aimerais commencer là où vous avez fini. Vous avez mentionné que la relation entre le Canada et les États-Unis au chapitre de l'énergie demeurera critique pour la sécurité énergétique et la prospérité économique de l'Amérique du Nord à long terme, alors même que nous prenons des mesures de diversification. Je dois vous dire que votre témoignage sur notre étroite collaboration avec les États-Unis et les propos des témoins qui ont comparu avant vous m'ont laissé l'impression que ce qui se passe maintenant est contre-intuitif, compte tenu de la réaction qu'il y a eu à l'égard de Keystone et de la réaction des Européens.
Je fais cette observation pour obtenir vos commentaires. Je crois que vous commenciez à y faire allusion et j'aimerais me pencher là-dessus un peu plus attentivement. Du point de vue de la sécurité énergétique, le Canada semble être la ressource évidente, un marché stable et transparent, à ce que l'on nous a dit. Que pouvons-nous faire? Quel est notre rôle? Quelle responsabilité avons-nous d'aider les États-Unis et le reste du monde à comprendre en nous efforçant d'éviter le genre de conflits et d'enjeux qui nous occupent en ce moment même?
M. Lucas : Je dirais deux choses à ce sujet. Tout d'abord, je tiens à souligner qu'en ce qui concerne les provinces et le Dialogue sur l'énergie propre, on s'occupe de domaines spécifiques. Nous travaillons avec le Réseau du CSC que nous coprésidons avec la Saskatchewan, par exemple, tout en intégrant nos travaux à ceux des États-Unis. Il s'agit bel et bien d'un partenariat et il touche un autre des principes de notre approche politique énergétique, qui est le respect des compétences, tel que les ministres de l'Énergie l'ont réaffirmé l'été dernier à Kananaskis dans le cadre de leur approche collaborative.
Quant à savoir ce que le Canada peut faire, nous pouvons relier nos incroyables ressources à l'infrastructure, le tout devant être soutenu par des processus de réglementation ouverts et transparents afin que les décisions soient prises et reflètent les opinions à l'égard de ces processus de réglementation et en consultant les peuples autochtones; or, le fait de relier nos ressources et l'infrastructure au marché est une occasion toute désignée de contribuer à la sécurité énergétique nord-américaine, comme nous l'avons relevé. C'était certainement une considération pour le long terme et je pense qu'il est reconnu par de nombreux Américains, mais aussi dans le monde entier.
Certains pays asiatiques cherchent à diversifier leurs sources. Il y a beaucoup de volatilité au Moyen-Orient. Les réserves conventionnelles sont en déclin, par exemple dans la mer du Nord. Notre système politique stable, notre environnement ouvert, ouvert à l'investissement, créent une grande complémentarité entre les besoins et nos ressources.
Je pense que c'est justement cette complémentarité que les propos du premier ministre en Chine ont réussi à transmettre en termes de cet intérêt, et il en est de même avec le Japon, la Corée et de nombreux autres pays.
Quant aux intérêts du Canada, l'exploitation des sables bitumineux représente probablement le plus grand projet technologique au monde. En plus de l'investissement des entreprises et des investisseurs canadiens, l'investissement étranger est un ingrédient important pour permettre le développement durable de cette ressource et des percées technologiques susceptibles d'aider à ce que cette ressource soit exploitée de manière plus responsable à l'avenir.
Les intérêts se soutiennent mutuellement en termes de contribuer à la sécurité énergétique canadienne et nord- américaine en plus de posséder les troisièmes plus grandes réserves au monde pouvant faire une contribution au niveau mondial, mais il faut une infrastructure et il faut une attention soutenue sur la responsabilité environnementale et le développement de ces ressources ainsi que le leadership de l'industrie, comme nous l'avons constaté à peine la semaine dernière avec l'Alliance pour l'innovation dans l'exploitation des sables bitumineux qui a uni ses forces et concentré ses ressources pour relever certains de ces défis.
M. McDougall : Nous venons tous deux de ministères à vocation scientifique alors, un élément clé de ce qui doit être fait c'est tout simplement de divulguer les faits. Comme il en a été question dans l'exposé précédent, quand on se penche sur la réalité en termes d'émissions carboniques et de la composition des sables bitumineux par opposition à d'autres éléments, le fait d'incorporer ces données techniques réelles au dialogue aide vraiment à réfuter certaines des positions qui ont été adoptées à l'égard de la Directive sur la qualité du carburant dans l'Union européenne.
Nous venons de lancer — le Canada et le ministre Kent et son homologue de l'Alberta — une importante initiative de calibre mondial pour la surveillance à partir des sables bitumineux, une fois de plus, en faisant connaître les faits à la table des négociations afin que nous ne soyons pas en train de parler de mythes et de perceptions, mais de ce qui se passe vraiment et des conséquences réelles.
Quand nous nous retrouvons dans les instances internationales à expliquer la place qu'occupent les émissions canadiennes par rapport à celles du reste du monde, nous représentons 2 p. 100 des émissions mondiales. Il est important pour nous de faire notre juste part, mais nous devons reconnaître que si nous allons effectivement avoir un effet sur le climat et le changement climatique, il faudra amener les autres joueurs à participer à un nouveau régime mondial vraiment susceptible de produire ce genre d'effet. Cela signifie obtenir que les autres principales nations émettrices — la Chine et les États-Unis sont à eux seuls responsables de près de la moitié des émissions mondiales — souscrivent à tout accord conclu pour que les mesures soient efficaces.
Il nous faut situer notre histoire dans le contexte qui convient, et nous devons la documenter à l'aide de faits solides, qui nécessitent des recherches scientifiques et des efforts de surveillance très poussés, à l'instar de ce qui vient d'être fait pour les sables bitumineux.
M. Lucas : J'allais juste rappeler, en guise de conclusion, que je crois que cela nous ramène au point dont il a été question tout à l'heure à propos de la communication, soit que nous avons un des réseaux électriques les plus propres du monde en termes d'émissions de GES. Les sables bitumineux ne représentent qu'un millième des émissions totales. Il est certainement essentiel de transmettre ce message de sorte que de nombreuses voix en fassent écho, et qu'il soit appuyé par les faits, et nous sommes impatients de connaître les commentaires de votre rapport à ce sujet.
Le sénateur Seidman : S'il m'est permis de poser une dernière question à ce sujet, je vous en saurais gré. Je conviens qu'il faut divulguer les faits. Nous devrions peut-être nous y prendre avec plus d'entrain. Ce sont les faits scientifiques qui sont vraiment importants ici, bien que de nombreux aspects pourraient être réfutés, bien entendu.
Que pouvons-nous faire de mieux pour divulguer les faits? À votre avis, qu'est-ce qui pourrait nous aider à le faire? Avez-vous des suggestions? Y a-t-il des choses qui pourraient faciliter la tâche, des suggestions concrètes que vous pourriez avoir?
M. McDougall : Nous essayons de profiter de la moindre occasion pour transmettre le message. Je m'occupe des affaires internationales et je ne manque pas de saisir la moindre chance qui m'est donnée de faire connaître à mes collègues d'autres pays le rendement du Canada à l'égard des mesures que nous prenons pour atteindre nos objectifs, les choses que nous sommes en train de faire pour surveiller la relativité des sables bitumineux par rapport à d'autres émissions. Il existe des rapports et des études telles que celle que votre comité est en train de faire. Je suis persuadé que votre rapport sera extrêmement utile sur divers fronts en vue de communiquer et de diffuser les faits.
Le sénateur Seidman : Exactement.
M. Lucas : Un des domaines sur lesquels les ministres de l'Énergie ont convenu d'agir à Kananaskis se rapporte à leur approche collaborative en vue d'améliorer l'accès à l'information sur l'énergie et d'insister sur les efforts de sensibilisation, alors les ministres ont très certainement un rôle à jouer. Le ministre Oliver s'est montré particulièrement dynamique au niveau du dialogue avec les publics canadiens et internationaux, mais nous avons une convention avec les provinces voulant que les deux ordres du gouvernement, ainsi que les parties prenantes, puissent diffuser le parcours énergétique du Canada et défendre leurs affirmations au besoin, en fonction de preuves scientifiques, comme disait M. McDougall, et la surveillance suivie est un élément clé sur la voie de l'avenir.
Le sénateur Mitchell : J'ajouterais un petit commentaire vite fait. Que dire alors si mon message a en fait été divulgué? Si les gens sont au courant mais ils n'y croient pas? Cette idée qu'il nous faut tout simplement y aller plus fort et plus vite avec nos communications, c'est ce que l'industrie forestière prétendait jusqu'au jour où Victoria's Secret a dit : « Vous savez quoi, nous n'achetons pas du papier canadien pour nos catalogues. » D'un seul coup, la chose a implosé et l'industrie a appris à exceller en la matière.
Je crois que le premier ministre de l'Alberta dirait que nous devons démontrer aux gens que nous sommes vraiment en train de réduire les émissions de gaz carbonique. Nous aurons ainsi une certaine crédibilité lorsque nous leur demanderons de nous laisser construire Keystone car nous savons ce qu'il faut faire et nous allons nous y prendre encore mieux que prévu. En somme, vous pouvez nous faire confiance. En ce moment, les gens comprennent peut-être notre message. Nous avons diffusé les faits parce que vous avez travaillé fort. Vous avez dit que M. Oliver travaille fort. Il est très persuasif, mais rien n'y fait. Les gens ont peut-être compris. Ils comprennent, ils ne sont pas dupes, et ils ne vous croient pas. Il faut faire davantage.
M. Lucas : Cela revient à l'aspect dont je parlais tout à l'heure à propos de maintenir les feux braqués sur la réglementation, à l'échelle fédérale aussi bien que provinciale. Il faut se concentrer sur la recherche et le développement pour la mise au point de technologies propices aux progrès qui doivent être faits pour se conformer aux règlements, voire les dépasser, et demeurer résolus, comme je crois que c'est le cas de ces alliances industrielles, lorsqu'elles mettent leurs ressources en commun et reconnaissent qu'elles ont un défi commun à relever, qu'il s'agisse de gérer les activités de suivi ou les émissions proprement dites. C'est un pas important pour l'amélioration progressive de la performance environnementale que de compter sur le soutien et l'œil vigilant du gouvernement pour la mise en œuvre du plan qui a été récemment annoncé dans le cas des sables bitumineux, et cela s'applique à d'autres secteurs d'exploitation également. Voilà à quoi se résume la crédibilité du message, des faits probants assortis de la volonté de s'améliorer.
Le sénateur Mitchell : Nous n'avons pas beaucoup de preuves palpables car nous n'avons pas du tout réduit les émissions de carbone.
M. Lucas : Je crois que c'est cela qui nous a menés lors d'études antérieures aux travaux effectués par le gouvernement de l'Alberta et du gouvernement du Canada pour ce qui est de reconnaître qu'il nous fallait remonter la qualité de notre jeu en termes de surveillance des sables bitumineux et il me semble que c'est cela que le ministre a annoncé.
[Français]
Le sénateur Massicotte : Je vous remercie de votre présence messieurs. C'est très apprécié. On fait la remarque souvent qu'on ne peut pas mettre un prix sur le carbone, parce que les États-Unis, notre partenaire commercial de grande importance, ne le fait pas. Pour être non-compétitif pour notre industrie, on ne peut pas bouger sur ce secteur. Cependant, il y a plusieurs études, celle de l'Institut C.D. Howe qui est quand même assez rigoureuse et complète, et d'autres études de groupes de réflexion qui disent que, oui, c'est le cas, mais on peut en faire néanmoins beaucoup avec le prix du carbone pour inciter une tendance favorable.
Quels sont vos commentaires? Vous connaissez le secteur peut-être plus que l'Institut C.D. Howe. Quelle est votre réaction à toutes ces études qui disent qu'on doit bouger. Nous répétons qu'on ne doit pas bouger avec le prix sur le carbone parce que les États-Unis ne le font pas.
M. McDougall : Je dirais que le concept de commonality avec les États-Unis est important dans certains cas, mais pas partout. Par exemple, dans le secteur de l'automobile, il est essentiel que les deux pays soient à l'unisson. Dans d'autres domaines, la question de compétitivité n'est pas assez grande dans certains cas. Il y a des secteurs qui sont uniques dans les deux pays.
Par exemple, j'ai mentionné aussi le secteur de l'électricité. Le comité a mentionné que 75 p. 100 de notre production d'électricité vient des sources hydrologiques; ce n'est pas le cas aux États-Unis. Donc la compétitivité dans le secteur de l'électricité est complètement différente. L'approche de la minimisation du carbone dans les deux cas est différente aussi. Donc pour les secteurs de la production d'électricité aux États-Unis, c'est une approche différente. Ils ont 675 sites de production aux États-Unis. Ici, nous en avons 70. C'est donc un facteur différent.
La question de la compétitivité entre les deux sources est complètement différente. Je dirais que ce sont des circonstances uniques dans chaque domaine qu'on peut examiner pour déterminer l'approche unique dans les deux pays. Gardons le concept d'une approche commune en général.
Le sénateur Massicotte : Évidemment, notre approche est réglementaire. On va effectivement gérer les règlements pour s'assurer d'avoir atteint nos objectifs. Dans certains secteurs, où l'offre n'est pas élastique, cela a du bon sens. Dans le transport, je crois que l'argument est assez fort. Presque tous les économistes disent que si vous pouvez plutôt affecter le prix du carbone au lieu de la réglementation, c'est beaucoup plus efficace, beaucoup moins coûteux et beaucoup moins lourd. Êtes-vous d'accord avec cela?
M. McDougall : Dans un certain sens, oui. Évidemment, les outils du marché sont généralement plus efficaces, mais il est nécessaire que les circonstances existantes soient là avant que nous puissions commencer avec une telle approche. Par exemple, encore avec le secteur de la production d'électricité, au Canada, c'est presque impossible d'avoir un marché unique pour l'échange de permis de carbone donnant l'homogénéité de l'entreprise et le faible nombre d'entreprises dans le secteur. En général, oui, mais ce n'est pas nécessairement le cas dans chaque circonstance. Aussi, si on examine une difficulté mondiale pour l'établissement d'un marché du carbone selon le Protocole de Kyoto, c'est tellement difficile d'établir un marché qui pourrait bien fonctionner.
Le sénateur Massicotte : On n'a pas tous les mêmes règles, c'est pour cela.
M. McDougall : Le concept est simple, mais c'est dans le détail que les difficultés existent.
Le sénateur Massicotte : On a défini notre objectif pour 2020 : 17 p. 100 moins élevé. On est à un tiers du but. Êtes- vous très confiant d'arriver à cet objectif dans huit ans?
M. McDougall : Il est nécessaire que nous soyons confiants.
Le sénateur Massicotte : Vous qui êtes impliqué dans les détails, vous êtes très confiant qu'on va y arriver?
M. McDougall : Oui.
[Traduction]
Le président : Merci, tout le monde. Il est tard.
Monsieur Lucas, vous avez fait allusion à plusieurs reprises aux « principes de la politique énergétique du Canada ». Ils doivent figurer quelque part par écrit. Pourriez-vous nous les faire parvenir?
M. Lucas : Nous le pouvons très certainement. Je crois que la version la plus courante de ces principes se trouve dans le site web de RNCan. Nous serions heureux de vous les fournir. La version la plus courante qui a été mise au point de concert avec les provinces porte sur l'approche collaborative discutée et convenue par les ministres provinciaux de l'Énergie à Kananaskis. Nous vous la fournirons également.
Un autre aspect que j'aimerais consigner au sujet de la question du sénateur Mitchell si vous permettez, monsieur le président, c'est que, en termes de surveillance, nous avons des faits mais ils fluctuent continuellement. Par exemple, entre 1990 et 2009, les activités de surveillance des émissions de GES émanant des sables bitumineux ont déterminé que les émissions par baril avaient baissé de 29 p. 100.
Tout en reconnaissant que nous ne sommes pas au bout de nos peines avec le nouveau système qui est en place, il est des faits importants à relever sur les améliorations apportées depuis une dizaine ou une vingtaine d'années, et il importe de diffuser ce message tout en le mettant en contexte et en reconnaissant qu'à l'heure actuelle, les émissions représentent 0,001 p. 100, soit un millième de point de pourcentage des émissions mondiales.
Le président : Vous avez parlé de toutes les modélisations différentes et du fait que l'on n'a rien négligé à l'heure d'étudier les sables bitumineux. J'aimerais juste mentionner quelque chose qui éveille la curiosité de certains d'entre nous. Disons que demain à midi, toute la production de sable bitumineux s'arrêtait tout de go. Nous contribuons présumément 2 p. 100 des GES de la planète. Quel serait l'effet par rapport à ce chiffre, le cas échéant; et quel en serait l'effet pour le PNB et le PIB canadiens? Avez-vous déjà fait ce calcul?
M. McDougall : Excellente question. Vous devez songer que les sables bitumineux comptent pour environ 6 p. 100 de nos émissions au Canada. On s'acharne outre mesure à se concentrer sur ce 6 p. 100. Comme je l'ai déjà dit, nous sommes en train d'adopter une approche beaucoup plus exhaustive — et en réponse à votre question, sénateur, nous nous devons de prendre une approche beaucoup plus exhaustive — sans nous limiter à songer aux 6 p. 100 — ces 6 p. 100 sont importants, bien sûr — mais plutôt aux 94 p. 100 restants. C'est du côté des 94 p. 100 que nous allons avoir les meilleures possibilités d'avoir des réductions. Cela dit, comme M. Lucas vient de le mentionner, si on songe aux sables bitumineux, j'estime qu'ils présentent le déclin le plus marqué dans l'intensité des émissions de n'importe quel autre secteur que vous pourriez étudier. Si vous vous penchez sur ce qui a été fait, l'intensité des émissions a enregistré un déclin massif.
Le sénateur Massicotte : Qu'est-ce que cela représente en termes de pourcentage par rapport à notre PIB?
Le président : Nous l'avons cependant; nous avons vu un tableau à Calgary.
Une voix : Le secteur est d'environ 7 p. 100.
M. Lucas : C'est une partie importante de cela. Je ne me souviens pas du chiffre, mais j'imagine qu'il tourne autour de 4 ou 5 p. 100. C'est une partie très importante.
Le président : Quant au secteur pétrolier et gazier, par comparaison à tout autre secteur, il s'agit d'un multi...
Le sénateur Massicotte : J'ai entendu dire 7 p. 100. Est-ce la moitié?
M. Lucas : Je crois que 7 p. 100 correspond au secteur pétrolier et gazier dans le PIB.
M. McDougall : PIB, et 6 p. 100 des émissions.
Le président : Avez-vous fait la modélisation que j'ai mentionnée?
Le sénateur Massicotte : Cela représente 3 p. 100 de l'impact sur le PIB multiplié par 0,12 p. 100 des GES.
M. McDougall : Non, je crois que l'initiative la plus proche de la modélisation dont vous parlez a peut-être été l'étude parue il y a une semaine qui examinait ce qui se passerait si on brûlait tout le pétrole émanant des sables bitumineux par opposition à brûler tout le charbon qu'il y a au Canada.
Le sénateur Massicotte : Aucune comparaison.
Le président : Chers collègues, il n'y a pas d'autres questions, si je comprends bien. Il est tard. Je vous remercie de votre patience. Nous avons commencé un peu tard et, aux messieurs de RNCan et d'Environnement Canada, votre intervention a été magnifique, et nous l'avons vivement appréciée.
Merci beaucoup.
(La séance est levée.)