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ENEV - Comité permanent

Énergie, environnement et ressources naturelles

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent de
l'Énergie, de l'environnement et des ressources naturelles

Fascicule 16 - Témoignages du 8 mars 2012


OTTAWA, le jeudi 8 mars 2012

Le Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles se réunit aujourd'hui, à 8 h 2, pour l'étude de l'ébauche d'un budget et pour se pencher sur l'état actuel et futur du secteur de l'énergie du Canada (y compris les énergies de remplacement).

Le sénateur W. David Angus (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Honorables sénateurs, vous avez devant vous l'ébauche d'un budget pour la période commençant le 1er avril 2012. Vous avez tous eu la chance de consulter cette ébauche et d'en comprendre le contenu. Êtes-vous d'accord pour que, conformément à la décision du Comité de la régie interne concernant les consultants embauchés par le comité, nous modifiions l'ébauche que vous avez devant vous aujourd'hui afin d'ajouter le nom des deux consultants connus avec qui nous allons faire affaire dans le cadre de la rédaction de notre rapport : M. Peter Tertzakian et M. Sebastian Gault? C'est sous réserve de cette modification et sous réserve d'obtenir l'approbation définitive que nous avons la marge de manœuvre d'apporter certaines modifications mineures de temps à autre, si cela semble être approprié ou nécessaire.

Ces deux mises en garde étant faites, puis-je demander à quelqu'un de présenter la motion d'adoption de l'ébauche du budget que vous avez devant vous? Celle-ci est signée par le président du Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l'administration, ainsi que par Nicole Proulx et Heather Lank. Elle est proposée par le sénateur Peterson et appuyée par le sénateur Brown. Tout le monde est d'accord?

Des voix : D'accord.

Le président : Puis-je présumer que je suis autorisé à présenter la demande au Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l'administration en votre nom?

Des voix : D'accord.

Le président : La motion est adoptée à l'unanimité. Merci.

Bonjour à nos invités et à tous nos auditeurs du réseau CPAC, du web et de tous les médias électroniques grâce auxquels les gens écoutent nos délibérations. Il s'agit d'une réunion du Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles. Nous recevons ce matin deux invités spéciaux de Tides Canada, Mme Merran Smith et Mme Sarah Goodman.

Bonjour, mesdames. Veuillez accepter nos excuses. Nous avons dû utiliser les 20 dernières minutes pour régler une question de régie interne à huis clos, mais c'est maintenant réglé. Nous avons beaucoup de temps devant nous, alors nous sommes très heureux que vous ayez pu vous joindre à nous.

Comme vous le savez, nous poursuivons notre étude sur le secteur de l'énergie au Canada, étude que nous avons commencée à la mi-2009. Nous allons bientôt la terminer. Nous avons su que l'organisation que vous représentez a produit une étude intéressante qui porte précisément sur le sujet que nous examinons, c'est-à-dire la nécessité d'une approche concertée et de collaboration relativement à une politique-cadre sur l'énergie — ou à un cadre stratégique —, de quelque chose de beaucoup plus cohérent que ce qui existe au Canada à l'heure actuelle, afin de mettre à la disposition de l'ensemble des Canadiens, dans l'avenir, un système d'approvisionnement en énergie plus efficient, durable et viable à long terme, dans un pays qui a le bonheur de posséder une pléthore de ressources de production d'énergie. Au Canada, nous avons, comme on dit, la part belle. Nous sommes très chanceux, et il nous appartient à tous, au comité, d'en tirer le meilleur parti et de nous assurer que les ressources sont utilisées le mieux possible au profit de nos enfants, de nos petits- enfants et des générations futures.

Les membres du comité ont été sensibilisés au débat qui a cours au pays à l'heure actuelle concernant le rôle de beaucoup de fondations américaines qui versent de l'argent à d'autres organismes de charité et centralisateurs, si vous voulez, au Canada. Comme je viens de le dire, il y a un débat ou une discussion sur la façon dont les choses se passent, sur les faits réels et sur le rôle de l'argent, dans le secteur de l'énergie ou dans la mise au point de nouvelles sources d'énergie, des choses comme les pipelines et d'autres éléments d'infrastructure et d'autres projets au Canada. Des gens de votre organisation se sont adressés à moi, en tant que président du comité, et m'ont dit — je le dis de façon tout à fait ouverte — qu'ils étaient d'avis qu'un message clair circulait au pays, surtout en ce qui concerne Tides Canada, qui, par bonheur ou non, porte le même nom qu'une grande formation de l'Ouest des États-Unis. Dans la mesure où vos activités sont évidemment très axées sur le secteur de l'environnement et de l'énergie, il semble plutôt approprié que vous comparaissiez devant nous aujourd'hui. Nous souhaitions vraiment vous rencontrer et entendre parler de votre organisation, et j'ai dit à votre présidente et à votre directeur général qu'il s'agit d'une bonne occasion. Les travaux du comité sont d'une nature très publique et transparente. Quelqu'un a laissé entendre que votre organisation est présentée sous un jour négatif. N'hésitez pas à nous parler de vous. En même temps, l'entente que j'ai conclue avec votre présidente et votre directeur général, c'est que mes collègues ici présents, moi y compris, allons vous poser des questions que nous considérons comme étant pertinentes dans les circonstances.

Sans plus attendre, j'aimerais présenter nos invités de façon un peu plus précise, si je puis le faire. Permettez-moi de commencer par Sarah Goodman, vice-présidente, Développement des affaires et des services aux entreprises à Tides Canada. Elle s'occupe de stratégies et de développement des affaires chez Tides Canada; elle est plus particulièrement responsable de la planification stratégique et des programmes, de l'élaboration et de la surveillance de projet ainsi que des communications. Elle est arrivée chez Tides Canada en avril 2009. Auparavant, elle travaillait chez Teck Ressources, où elle assurait la direction générale de l'entreprise.

Avant d'entrer chez Teck, Sarah a passé huit ans chez Weherhauser, d'abord comme vice-présidente aux Affaires publiques et gouvernementales, puis comme vice-présidente, Transactions, au sein du groupe chargé des acquisitions et des cessions d'actifs. Actuellement, Sarah siège au conseil d'administration de TransLink, qui est la régie des transports de la région de Vancouver. Elle est aussi fiduciaire de la Jack Webster Foundation, et elle a déjà siégé au conseil d'administration de la Coast Mental Health Foundation et d'Iisaak Forest Ressources, entreprise autochtone œuvrant dans le secteur forestier de la baie de Clayoquot, en Colombie-Britannique.

Merran Smith, directrice de Tides Canada, s'occupe du volet énergie, et je crois aussi qu'elle est la rédactrice du rapport ou la personne qui l'a révisé. Avez-vous d'autres documents? Je pense que vous avez mentionné que vous faisiez faire des copies de la liste des administrateurs et de la charte.

Merran Smith, directrice, Initiatives de Tides Canada en matière d'énergie : Oui. Nous allons vous faire parvenir la liste des administrateurs et des dirigeants.

Le président : Vous pouvez peut-être nous dire ce que contient votre biographie.

Mme Smith : Je ne sais pas pourquoi elle ne vous est pas parvenue. Je m'appelle Merran Smith. Je suis directrice des initiatives de Tides Canada en matière d'énergie. Notre travail vise à aider le Canada à réaliser la transition vers une économie à faibles émissions de carbone.

Je vais vous parler un peu plus de mon travail dans le cadre de notre exposé. J'ai travaillé auparavant pour un certain nombre de groupes environnementaux — le Sierra Club, Forest Ethics — et mon travail portait sur la forêt pluviale Great Bear, qui faisait l'objet d'un accord de conservation reconnu à l'échelle internationale, lequel a reçu plusieurs prix du Fonds mondial pour la nature et a été reconnu par l'organisme Conservation de la nature comme étant l'accord environnemental le plus complet en Amérique du Nord. Avant cela, j'ai travaillé dans le domaine des communications, et j'ai dirigé une petite entreprise de production vidéo et j'ai occupé divers postes au sein de la fonction publique fédérale et provinciale.

Le président : Excellent. Maintenant que nous savons qui vous êtes, permettez-moi de dire que je suis le sénateur David Angus de Montréal, Québec. Je préside le comité. À ma droite se trouve le sénateur Grant Mitchell, d'Edmonton, Alberta, qui est vice-président du comité. Nos analystes de la Bibliothèque du Parlement sont Marc LeBlanc et Sam Banks. Vous connaissez peut-être le sénateur Richard Neufeld, qui faisait auparavant partie du gouvernement de la Colombie-Britannique, où il s'occupait surtout de l'énergie et des ressources. À sa droite se trouve le sénateur Bert Brown, de l'Alberta, l'honorable John Wallace, qui, je crois, vient de Saint John, du Nouveau- Brunswick, et le sénateur Judith Seidman, de Montréal, au Québec. En remplacement de l'un des sénateurs qui sont absents aujourd'hui, il y a l'honorable sénateur Nancy Greene Raine, de Kamloops, en Colombie-Britannique. Elle est aussi connue des Canadiens pour d'autres accomplissements. C'est mon héroïne, c'est une grande athlète canadienne et une icône, et nous sommes fiers qu'elle soit avec nous au Sénat. À ma gauche se trouve notre greffière, que vous avez rencontrée, Lynn Gordon. À sa gauche à elle se trouve le sénateur Daniel Lang, du territoire du Yukon. À sa gauche, il y a le sénateur Rob Peterson, de la Saskatchewan. Le dernier sénateur, et non le moindre, vient lui aussi du Québec, par l'intermédiaire du Manitoba, il s'agit du sénateur Paul Massicotte. Voilà qui nous sommes. Je vous souhaite une excellente séance. Qui veut commencer?

Sarah Goodman, vice-présidente, Développement des affaires et services aux entreprises, Tides Canada : Bonjour, sénateurs, et merci beaucoup de m'avoir invitée à m'adresser à vous aujourd'hui. Je vais vous présenter rapidement Tides Canada et notre mandat et notre rôle de manière générale, puis Merran Smith va vous expliquer pourquoi il est si important pour le Canada de se préparer à réaliser parfaitement la transition vers une économie à faibles émissions de carbone.

En guise de contexte, Tides Canada a été créée en 1999. L'organisation a pris de l'expansion depuis, et elle est devenue la plus importante fondation publique du Canada dans le domaine précis de l'environnement et de la justice sociale. Notre organisation est apolitique et d'envergure nationale, et nous sommes privilégiés, car elle est dirigée par un conseil compétent et diversifié, qui est présidé par Jodi White, que bon nombre d'entre vous connaissez de l'époque où elle dirigeait le Forum des politiques publiques et où elle travaillait pour le Parti conservateur.

Le président : C'est la troisième fois que je le dis, mais allez-vous nous fournir la liste des membres du conseil et la biographie de ces personnes?

Mme Goodman : Oui. Notre équipe de direction, qui compte de l'expérience dans les domaines de la philanthropie, des affaires, des activités gouvernementales ainsi que des organisations environnementales et du monde universitaire, est le reflet de notre croyance selon laquelle la diversité de pensée mène à des solutions meilleures et plus durables. Cela est particulièrement vrai lorsque l'on travaille sur des questions complexes ayant une dimension sociale, économique ou environnementale.

Comme le président l'a mentionné, je suis arrivée à Tides Canada après avoir travaillé pendant longtemps dans le secteur forestier et avoir notamment siégé au conseil d'une organisation, la Forest Alliance — le sénateur Raine siégeait à ce conseil aussi — et avoir travaillé pour Teck Ressources, la plus grande société minière diversifiée du Canada. Chaque année, Tides Canada soutient, met sur pied ou finance des centaines d'initiatives qui visent à renforcer nos écosystèmes et nos collectivités et à permettre aux membres sous-représentés ou marginalisés de la société canadienne de se faire entendre. Ces initiatives vont des programmes sociaux réalisés dans un quartier aux efforts de conservation déployés à l'échelle nationale.

Notre fondation n'est pas dotée. Elle fonctionne plutôt comme une fondation communautaire nationale avec un modèle de financement orienté par les donateurs. Ce que cela signifie, c'est que nous permettons à d'autres d'exercer leurs activités philanthropiques de façon efficace par notre intermédiaire plutôt que de créer leur propre fondation. C'est un modèle qui est utilisé par 180 fondations communautaires dans l'ensemble du pays, lesquelles disposent d'actifs totalisant 3 milliards de dollars.

En plus du travail de la fondation, nous avons un organisme de charité distinct qui mène 40 initiatives d'avant-garde en matière de changements sociaux. Nous fournissons une plate-forme commune de gouvernance et d'administration pour ces projets qui contribuent à la réalisation de notre mission globale.

Concrètement, cela signifie que nous nous occupons des transactions financières, des contrats et des besoins en matière de ressources humaines, ce qui permet aux dirigeants de nos projets de se concentrer davantage sur la mission et moins sur la gestion de choses comme les salaires et les avantages sociaux.

Pour vous donner une idée de l'ampleur de notre travail, je vais vous parler de deux de nos produits les plus importants, sur le plan des dépenses, de notre organisme de charité pour 2011. Le projet le plus important est celui d'East Scarborough Storefront, dont le budget est d'environ 2 millions de dollars pour 2011. East Scarborough Storefront est un carrefour pour 40 initiatives sociales différentes qui offre un guichet unique sûr et accueillant pour tout ce qui va du placement au counseling, en passant par les services aux jeunes, dans une collectivité où la concentration des logements sociaux est la plus forte au Canada et où il y a une grande population de nouveaux Canadiens.

Notre deuxième projet en importance est celui du secrétariat de l'Entente sur la forêt boréale canadienne, dont le budget était d'environ 1,5 million de dollars l'an dernier. Ce projet soutient des organismes qui sont des chefs de file dans le domaine de l'environnement et l'Association des produits forestiers du Canada, qui représente 21 des plus importantes sociétés forestières du pays, dans le travail de mise en œuvre de l'entente historique en matière de conservation conclue en 2010. Lorsqu'elle sera pleinement mise en œuvre, l'entente permettra de conserver des secteurs importants de la vaste forêt boréale du Canada, de protéger l'habitat menacé du caribou et de soutenir un secteur forestier durable pour les collectivités qui dépendent de celui-ci. Voilà de bons exemples du travail que nous faisons, puisqu'ils relèvent des deux plus grandes catégories de subventions et d'activités de projet, c'est-à-dire l'inclusion sociale et les forêts. Chacune de ces catégories représente environ 18 p. 100 des subventions totales que nous avons octroyées et des dépenses des projets en 2011.

Il y a aussi parmi les autres domaines importants la conservation des océans, de l'eau potable et de l'environnement en général. Nous fournissons aussi des subventions dans les domaines de la salubrité alimentaire, du développement international, de la santé et des arts et de la culture. Ce qui est plus pertinent par rapport au travail du comité, cependant, c'est ce que nous faisons dans le domaine de l'énergie. En 2010, reconnaissant le rôle crucial de l'énergie dans toute discussion sur des questions d'ordre social, écologique et économique, nous avons lancé l'Initiative en matière d'énergie de Tides Canada. L'an dernier, le travail concernant les changements climatiques et les solutions en matière d'énergie, y compris l'initiative dirigée par Mme Smith, représentaient environ 5 p. 100 de nos dépenses totales.

Nous sommes plutôt fiers de la contribution constructive et positive que cette initiative a apportée dans le cadre des débats qui ont cours au sujet de l'avenir du Canada en matière d'énergie. Elle fait intervenir un vaste éventail de représentants des domaines des affaires, de la foi, du travail, de la santé et de l'environnement ainsi que des collectivités autochtones dans la discussion concernant la façon dont le Canada peut continuer d'être prospère et concurrentiel dans le cadre de la transition mondiale en cours vers les énergies propres.

Je voudrais céder la parole à Mme Smith pour qu'elle vous parle davantage de cette importante initiative.

Le président : Merci beaucoup, madame Goodman.

Mme Smith : Merci, monsieur le président, et bonjour, sénateurs. Merci de m'avoir invitée à venir discuter avec vous aujourd'hui. Je suis directrice de l'Initiative en matière d'énergie à Tides Canada. J'aimerais vous parler du programme que je dirige, dont le but est de garantir que le Canada demeure prospère et concurrentiel dans le cadre de la transition mondiale en cours vers les énergies propres.

Je comprends qu'il y a beaucoup de choses dans cet énoncé, et j'aimerais prendre un instant pour vous en présenter les différents éléments. Comme société mondiale, nous sommes à l'aube d'une transformation de notre façon de produire et d'utiliser l'énergie et de notre façon de l'envisager. À Tides Canada, nous appelons cette transformation la transition vers les énergies nouvelles.

Dans le cadre du modèle actuel fondé sur les biens de consommation, nous creusons et forons pour trouver des ressources physiques comme le charbon, le pétrole et le gaz, nous expédions ces ressources et nous les brûlons, au Canada comme à l'étranger. Ces ressources nous permettent d'obtenir des services énergétiques comme la mobilité et le chauffage et l'eau chaude dans les immeubles et nous permettent de fabriquer des choses. Ce système domine l'économie depuis un siècle. À l'heure actuelle, ce modèle fournit un emploi à des centaines de milliers de Canadiens et fournit au gouvernement des recettes publiques de milliards de dollars qui, en retour, permettent le financement de services essentiels d'un océan à l'autre.

Ce modèle est toutefois en train de changer. Il est en train d'être remplacé par un nouveau modèle au sein duquel les grandes puissances économiques comme la Chine et les États-Unis vont offrir à leurs citoyens les mêmes services énergétiques — encore une fois, la mobilité, le chauffage et l'eau chaude et la fabrication — à partir de sources d'énergie propres, sûres, renouvelables, abondantes, accessibles localement de façon générale et, au bout du compte, moins coûteuses que les carburants de consommation.

Ce changement ne va pas se faire du jour au lendemain. Si vous jetez un coup d'œil sur ce qui se passe dans les rues de n'importe quelle collectivité canadienne, vous ne verrez pas beaucoup d'indices de cette transition en cours dans le domaine de l'énergie. Toutefois, si vous surveillez les investissements qui sont faits et prenez note des objectifs que les grandes puissances économiques se donnent, vous allez commencer à comprendre ce qui s'annonce et à voir qu'il y a une transition qui s'en vient dans le domaine de l'énergie.

Prenons l'exemple de la Chine. Nous parlons souvent de l'importance de la Chine en tant que marché de consommation d'énergie. Il est vrai que la population du pays croît rapidement et est de plus en plus urbaine, mais je dirais qu'il n'est pas vrai qu'elle demande de plus en plus de pétrole. En vérité, la Chine connaît une demande croissante à l'égard des services que le pétrole permet d'obtenir, et surtout le service de mobilité. Si la Chine, ou n'importe quel autre pays, peut offrir ce service de mobilité de façon plus simple, moins coûteuse, plus sûre et qui soit à l'abri des caprices du marché mondial du pétrole, ne vous y trompez pas : la Chine va emprunter cette autre voie. Elle y travaille déjà. D'après une projection récente du gouvernement, le pays va consacrer 313 milliards de dollars au cours des cinq prochaines années à l'instauration d'une économie à faibles émissions de carbone.

La Chine n'est pas seule. D'après Bloomberg New Energy Finance, les investissements à l'échelle mondiale dans des projets d'exploitation d'énergie renouvelable devraient atteindre 395 milliards de dollars d'ici 2020 et 460 milliards de dollars d'ici 2030. Le changement va amener près de sept billions de dollars de nouveaux capitaux au cours des 20 prochaines années.

Tous ces investissements permettent des innovations qui, en retour, contribuent à l'accélération de la transition vers les énergies nouvelles. Chaque mois, il y a des annonces concernant les améliorations apportées aux technologies à faibles émissions de carbone. Elles ne font pas encore partie de notre vie de tous les jours, mais nous voyons les coûts baisser et le rendement augmenter. La semaine dernière, par exemple, Envia Systems, fabricant californien de batteries au lithium-ion, a annoncé qu'il a fait une percée importante qui va non seulement permettre de réduire de beaucoup le coût des véhicules électriques, mais qui va aussi en augmenter sensiblement l'autonomie. C'est ce genre de technologie d'avant-garde qui va être le moteur de la transition vers les énergies propres.

Le président : Avant que vous ne changiez de sujet et ne cessiez de tenir ces propos fascinants sur la Chine... vous semblez être en possession de chiffres assez précis.

Nous avons entendu dire que la Chine investit beaucoup dans le nucléaire. Considérez-vous que cela fait partie de la transition vers l'énergie propre et les faibles émissions de carbone ou non? Le cas échéant, savez-vous combien de milliards de dollars en question la Chine investit dans le nucléaire?

Mme Smith : Je ne crois pas que ce chiffre inclut le nucléaire. Je peux vous fournir plus tard un graphique qui présente les investissements en question. C'est un graphique qui vient de Bloomberg New Energy Finance, alors il est assez facile à trouver. Dans certains domaines, le nucléaire est considéré comme une énergie propre, et dans d'autres, ce n'est pas le cas.

Le président : Qu'en pensez-vous?

Mme Smith : Je pense que c'est une source d'énergie à faibles émissions de carbone. Je pense que les répercussions environnementales sont graves et que nous devons déterminer si nous sommes en mesure de produire cette énergie de façon sûre. Pour l'instant, je ne suis pas sûre que nous avons réglé la question.

Le président : Merci et désolé de vous avoir interrompue.

Mme Smith : Il y a beaucoup de bonnes raisons concrètes pour que cette transition se produise, y compris un désir de plus grande sécurité énergétique, un désir de régler le problème des changements climatiques et d'atténuer les menaces qui planent sur les écosystèmes, ainsi que de réduire les risques dans le domaine de la santé publique liés au smog, au mercure et à d'autres polluants.

Je veux prendre un instant pour dire que le pétrole a un rôle important à jouer dans cette transition. Le pétrole va continuer de faire partie de nos sources d'énergie pendant de nombreuses années et va en fait être le moteur de la transition. Toutefois, l'insistance de notre pays sur cette ressource au détriment des énergies propres lui fait courir un risque très important.

J'aimerais citer David Emerson, ex-ministre fédéral du Commerce international. Dans un rapport qu'il a rédigé l'an dernier à l'intention du premier ministre de l'Alberta, M. Stelmach, M. Emerson a dit ce qui suit :

Nous devons prévoir l'éventualité presque certaine que l'exploitation des sables bitumineux va être remplacée à un moment donné par une source d'énergie moins coûteuse et/ou à émissions plus faibles. Nous pourrions nous retrouver avec du pétrole lourd à vendre, mais peu ou pas de marché rentable pour l'écouler.

Sénateurs, notre pays est bien placé pour prospérer et demeurer concurrentiel pendant cette transition en matière d'énergie et dans l'avenir. Nous avons d'excellentes universités, une tradition d'innovation, énormément de ressources renouvelables et un système financier stable. Nous avons plusieurs grappes d'entreprises établies dans le domaine des technologies propres et une capacité de production d'énergie (dans plusieurs provinces), soutenue par de bonnes politiques environnementales, mais il manque une stratégie coordonnée. Il manque la certitude sur le plan des politiques nécessaires pour ramener chez nous une partie des milliards de dollars qui sont investis dans les technologies propres et une certaine clarté quant à la façon dont nous allons respecter nos engagements relatifs aux changements climatiques. Le Canada choisit plutôt de miser son avenir sur le système de production d'énergie du siècle dernier.

L'an dernier, dans le cadre de son initiative en matière d'énergie, Tides Canada a consulté plus de 100 chefs de file d'une vaste gamme de secteurs afin de rédiger le document intitulé A New Energy Vision for Canada. J'en ai apporté des exemplaires. Je ne sais pas si vous l'avez tous vu. Il s'agit d'une vision d'avenir pour un pays sain et prospère ayant tiré pleinement profit des possibilités qu'offre la transformation dans le domaine de l'énergie. À l'issue du processus, plus de 150 organisations, entreprises et administrations locales ont donné leur appui quant à ce document, et elles représentent ensemble les intérêts de plus de 1,2 million de Canadiens.

Nous suivons le même processus cette année et élaborons un ensemble de priorités stratégiques qui mettront le Canada sur la voie de cette transition vers les énergies propres et lui permettront de prospérer et de demeurer compétitif pendant la transformation en matière d'énergie et après. Nous allons définir les premières mesures à prendre et le cadre dont nous devons doter notre stratégie en matière d'énergie, stratégie qui garantira que nous sommes prêts à fournir et à exporter les services énergétiques dont les Canadiens et les citoyens d'autres pays ont besoin : la mobilité, le chauffage et l'eau chaude dans les immeubles et la fabrication.

Pour récapituler, la transition mondiale vers les énergies nouvelles n'est pas un simple souhait que formulent des environnementalistes et des rêveurs. C'est quelque chose de bien réel. Il y aura des occasions d'affaires de plusieurs billions de dollars pour les gens qui y prendront part et des bouleversements et de l'incertitude pour les gens qui refuseront de reconnaître qu'elle est en cours. Le Canada a besoin d'un plan coordonné pour assurer sa prospérité et sa compétitivité dans l'avenir, qui reposera sur les énergies nouvelles.

Si nous continuons de nous dire les uns aux autres que nous allons continuer de progresser comme d'habitude, ce sera le cas pendant une décennie ou deux, mais après, le réveil va être brutal. Nous allons nous réveiller un jour et constater, comme David Emerson l'a dit, que nous ne sommes plus que des spectateurs au sein de l'économie mondiale.

Nous croyons que le Canada peut diriger la transition vers des sources d'énergie à faibles émissions de carbone, et nous sommes prêts à collaborer avec l'ensemble de la société civile et avec tous les ordres de gouvernement à la mise en place des politiques qui vont nous permettre de le faire.

Je serais heureuse de répondre à toutes vos questions. Merci beaucoup de votre attention.

Le sénateur Mitchell : Merci beaucoup. Vous avez présenté un exposé très éclairant et qui est en fait une grande source d'inspiration. J'aimerais simplement m'adresser à vous en premier, madame Smith.

Votre exposé va droit au cœur du débat, c'est-à-dire qu'il y a pour une raison ou pour une autre des gens qui croient que si on est pour l'environnement, on est contre l'économie. Il y en a beaucoup parmi nous qui disent que, si nous voulons continuer de faire ce que nous faisons en ce moment, c'est-à-dire rien au sujet des changements climatiques, nous allons anéantir des sphères économiques. Si c'est ce que nous voulons faire, il s'agit simplement de continuer à faire ce que nous faisons. Vous avez présenté une réflexion très puissante et intéressante à cet égard. Vous avez dit que le financement que vous envisagez pour des « groupes environnementaux » pourrait simplement être en un sens une nouvelle forme de financement économique, et vous ajoutez que nous devons envisager une nouvelle économie et nous préparer pour l'avenir, sans quoi, comme M. Emerson le dit, nous allons devenir des spectateurs dans l'économie mondiale.

Il est intéressant que le premier ministre de l'Alberta dise que ce n'est pas seulement une question de maintenir notre crédibilité au sein des marchés où nous écoulons notre pétrole, c'est-à-dire de bien gérer les changements climatiques et l'environnement, mais qu'il s'agit en fait de maintenir ces marchés. Je veux insister là-dessus, et vous pourriez peut-être aussi nous donner une idée de ce que font certains des groupes que vous financez d'une façon qui ne menace pas l'économie, mais qui, en fait, est très éclairée quant à la manière d'envisager une nouvelle économie.

Mme Smith : Il y a deux ou trois choses. Vous avez raison en ce qui concerne les coûts des changements climatiques. La Table ronde nationale sur l'environnement et l'économie a publié un rapport au cours des six derniers mois qui mettait vraiment en lumière les répercussions potentielles sur le PIB du Canada.

Le sénateur Mitchell : Ce conseil a été entièrement nommé par le gouvernement en place.

Mme Smith : Effectivement. Dans le pire des cas, ou d'ici 2050, nous devrions envisager qu'un pourcentage élevé de notre PIB sera utilisé pour gérer les répercussions des changements climatiques. L'Agence internationale de l'énergie a dit que nous disposons de cinq ans pour renverser cette tendance. Il s'agit d'un organisme très conservateur, et non d'un groupe qui fait des affirmations en l'air comme cela.

Nous collaborons avec le secteur des technologies propres, le secteur des énergies propres et d'autres secteurs qui créent des emplois et travaillent à mettre en place les bonnes politiques, ainsi qu'avec des groupes environnementaux comme l'Institut Pembina, entre autres, qui travaillent à mettre en place ces politiques.

Bloomberg Finance et d'autres vous diront que, lorsque des politiques fortes existent — la Colombie-Britannique et l'Ontario mettent en place de bonnes politiques dans le cadre de leur loi sur les énergies propres —, cela crée une certitude pour ce genre de secteur d'affaires et donc attire des capitaux dans les provinces. Voilà des exemples de ces types de groupes, et c'est en fait le secteur des affaires qui va être en mesure d'obtenir ce genre de capitaux.

Le sénateur Mitchell : C'est Bloomberg qui l'affirme, c'est-à-dire l'une des plus importantes sociétés de placement du monde?

Mme Smith : Oui.

Le sénateur Mitchell : Madame Goodman, je m'intéresse aussi à l'autre volet de Tides Canada, parce que l'organisation ne s'occupe pas seulement d'énergie, d'environnement et d'économie, même si elle a des points de vue très intéressants là-dessus.

Je remarque, par exemple, que vous financez l'école élémentaire Haldane de Kamloops, ce qui intéressera le sénateur Nancy Greene Raine, puisqu'elle vient de Kamloops, et je remarque aussi que vous financez l'école élémentaire Aldergrove d'Edmonton, qui se trouve à environ deux kilomètres de chez moi. Vous financez l'école Killarney de Vancouver, l'école de Campbell River, la Fondation d'Israël de recherche sur le cancer et l'Association Talmud Torah de Vancouver. Ce sont tous des groupes intéressants. Je pourrais continuer en parlant de la B.C. School of Business, de l'Université de la Colombie-Britannique et ainsi de suite.

Quel genre de travail ces groupes font-ils?

Mme Goodman : Je ne peux pas parler des détails concernant ces groupes. Évidemment, ils font un travail d'enseignement et contribuent à une société plus juste et plus durable, et je pense que cela dit vraiment quelque chose sur notre modèle. Des centaines de donateurs, surtout des Canadiens, créent un fonds en collaboration avec nous et travaillent avec nous à l'orientation de leurs activités philanthropiques. Beaucoup des subventions que nous offrons reflètent le point de vue de nos donateurs, qui nous font des recommandations quant à l'usage qui doit être fait des fonds. Une partie importante de notre financement va à des choses comme East Scarborough Storefront, l'inclusion sociale et d'autres initiatives de nature environnementale.

Le sénateur Mitchell : L'une des initiatives dans le cadre de ce débat de la part des personnes qui voudraient limiter la quantité d'argent versé en dons par des fondations internationales à des initiatives « environnementales » — quoique vous dites pour votre part « économiques » —, c'est qu'il faut que ce soit transparent. Je prends l'Institut Pembina, et tout est là. Les responsables de cet institut fournissent la liste de tous les organismes de charité, fondations ou personnes qui leur donnent de l'argent. Je vois que votre organisme fournit de nombreuses listes. La Tides Foundation y figure. N'ayez pas peur de le dire. Je jette un coup d'œil du côté du Fraser Institute. Les responsables ne disent pas qui leur donne de l'argent ni d'où l'argent vient. Ils disent que 9 p. 100 des gens qui leur versent des fonds viennent des États-Unis. Ils ne disent pas quel pourcentage de leurs contributions vient de l'étranger et des États-Unis. Vous êtes très ouvert à cet égard. Vous n'avez aucune difficulté à dire au monde entier qui vous donne de l'argent, n'est-ce pas?

Mme Goodman : L'une des fausses idées qui circulent dans le cadre de ce débat, c'est que des quantités massives de financement sont versées par des organismes américains pour la lutte contre les sables bitumineux. En réalité, la majeure partie du financement que nous avons reçu de la part de fondations américaines concerne des projets que nous avons réalisés en collaboration avec d'autres gouvernements. Le meilleur exemple, c'est celui de la forêt pluviale Great Bear. Notre organisation a reçu environ 25 millions de dollars de la part des fondations des États-Unis. La même somme a été versée par le gouvernement Harper et aussi par le gouvernement Campbell. Il y a une autre tranche de 30 millions de dollars qui a été versée pour la même initiative, mais pas par Tides Canada. C'est l'une des initiatives qui m'ont poussée à travailler pour Tides Canada. Comme j'avais travaillé dans le secteur forestier, j'avais vécu les combats et avais vu des manifestants sous les fenêtres de mon bureau. J'ai vu Tides comme le groupe qui se formait, qui mettait les ressources en commun et qui travaillait avec l'industrie à la recherche de solutions pour l'avenir.

Un autre excellent exemple de projet que nous menons actuellement, à l'aide de financement en provenance des États- Unis et qui vient de la Fondation Gordon et Betty Moore, c'est un projet d'aquaculture du saumon que le ministère des Pêches et des Océans a cofinancé avec nous. Nous envisageons l'aquaculture en parc clos sur la terre ferme. Plutôt que de dire que nous ne voulons pas qu'il y ait d'élevage de saumon, nous disons que c'est une industrie très importante et que nous devons trouver un moyen de la rendre durable. Nous collaborons avec le gouvernement et l'industrie dans le but de trouver différents modèles et différentes solutions qui fonctionnent pour l'économie, l'environnement et les collectivités.

Le sénateur Mitchell : Vous avez été un partenaire du gouvernement conservateur en place dans le cadre du projet de la forêt pluviale Great Bear et d'autres projets de protection de l'environnement, par exemple?

Mme Goodman : Oui, certainement.

Mme Smith : Je peux peut-être parler de cela. Les représentants de Tides Canada étaient sur l'estrade aux côtés du ministre Baird lorsqu'il a versé 30 millions de dollars en contrepartie des 60 millions de dollars versés par des philanthropes. Cela a créé un fonds de 120 millions de dollars qui sert au développement économique et à la gestion d'initiatives de conservation. L'argent est utilisé dans le cadre de projets de développement économique communautaire, de projets de tourisme, de projets d'aquaculture des crustacés et de projets forestiers à valeur ajoutée. Ce ne sont que quelques exemples. Je siège au conseil de cette organisation. Celle-ci crée des emplois dans les collectivités et examine les possibilités d'initiatives durables à long terme dans une région qui est relativement appauvrie et dont le taux de chômage est élevé. Cet argent qui provient de fondations américaines est utilisé pour attirer des capitaux de façon à créer des emplois dans les collectivités canadiennes.

Le sénateur Mitchell : J'ai un dernier commentaire, et j'interviendrai peut-être au cours du deuxième tour. Le président a fait preuve de beaucoup de patience à mon égard, mais je remarque que vous avez noué en fait un partenariat avec l'ACDI ou avez un lien quelconque avec le Conseil national de recherche et différents ministères de différents gouvernements; le gouvernement du Yukon. Vous avez conclu un partenariat avec le gouvernement du Yukon, n'est-ce pas?

Mme Goodman : Oui. Je ne connais pas les détails à ce chapitre. Nous finançons plus de 400 initiatives par année, alors je ne connais pas tous les détails, mais nous nous sommes associés à la Ville de Toronto. Nous avons des partenariats avec tous les ordres de gouvernement, partout au pays. Notre approche en est une de collaboration avec le gouvernement, l'industrie et tous les secteurs.

Le sénateur Mitchell : Des groupes comme le vôtre pourraient devenir très préoccupés par le fait que, si un gouvernement n'aimait pas une chose qu'un sous-groupe fait, peut-être n'aimera-t-il pas une autre chose. Prenons par exemple ce que fait un hôpital que vous financez. Tout à coup, on commence à examiner la question de la charité et à redéfinir ce qu'on voyait comme de la charité jusqu'à maintenant, ce qui fonctionne pourtant si bien pour vous. Merci beaucoup. Vous faites de l'excellent travail.

Le président : Merci, sénateur Mitchell. Nous sommes heureux de voir que vous êtes si heureux ce matin.

Le sénateur Lang : J'aimerais souhaiter la bienvenue aux deux témoins qui sont ici aujourd'hui. J'espère que nous pourrons clarifier un certain nombre de questions qui restent évidemment en suspens. Je veux établir le contexte de mes remarques. Je pense que quiconque prend part au débat sait que le public apprécie le volet caritatif du travail d'une organisation quelconque, dont la vôtre, et comprend le travail que cela exige, mais qu'il existe une préoccupation bien réelle. Je sais que vous avez lu là-dessus. Cela se poursuit depuis environ un an : des allégations selon lesquelles des millions de dollars sont versés ici pour financer une obstruction très bien organisée à l'exploitation de sables bitumineux et peut-être à la réalisation du projet d'oléoduc Northern Gateway. C'est quelque chose que tout le monde sait.

Ce qui est préoccupant, c'est que cela est vu en grande partie comme de l'interférence créée à l'aide d'argent américain qui vient des fondations — et en partie d'organisations comme la vôtre — qui le verse à cette fin. Néanmoins, les Canadiens ne sont pas tout à fait informés du fait qu'il s'agit d'argent américain et que celui-ci est versé aux fins d'obstruction à ce genre de projet d'exploitation, que votre organisation soit d'accord ou non.

Je veux faire remarquer deux ou trois choses. Pour mettre les choses en perspective, je ne savais pas qu'il y avait tant de fondations aux États-Unis qui se préoccupaient de mon bien-être et du bien-être de tout le monde. La fondation Bullitt a versé des centaines de milliers de dollars. En fait, l'une des subventions qu'elle a versées visait à mobiliser les électeurs en milieu urbain pour qu'ils appuient une mesure d'interdiction des pétroliers-caboteurs prise par le gouvernement fédéral, ce qui a évidemment un effet sur les sables bitumineux.

La Fondation Brainerd a investi beaucoup d'argent, et son objectif était de favoriser l'opposition de la population à la construction d'un oléoduc par Enbridge.

Il y a aussi la fondation Oak qui a versé beaucoup d'argent, surtout pour dénigrer les sables bitumineux et financer Greenpeace Canada, par exemple, et contrer les campagnes de promotion des sables bitumineux. La liste est longue. Il y a la fondation Willburforce et la fondation Hewlett. On s'intéresse beaucoup à cette région du Canada, et surtout à la Colombie-Britannique et à l'Alberta. Ce qui soulève des préoccupations, c'est que ce genre d'argent soit versé, soit utilisé à cette fin, et que les Canadiens ne sachent pas nécessairement qu'il est utilisé à cette fin.

Je veux vous poser une question. Vous avez dit très clairement dans une lettre adressée à mon collègue, le sénateur Angus — la lettre est signée par votre président et directeur général —, que Tides Canada n'est pas contre les sables bitumineux, les oléoducs et les autres projets d'exploitation des ressources. Pourtant, j'ai établi la liste de toutes les organisations qui ont versé de l'argent à la vôtre, ou qui, conjointement avec votre organisation, font activement campagne contre une politique publique qu'il devrait appartenir aux Canadiens de définir. C'est la question des sables bitumineux, de l'avenir des sables bitumineux, ainsi que de l'avenir du projet d'oléoduc Northern Gateway, s'il devait être réalisé. Vous pourriez peut-être expliquer pourquoi vous faites cela.

Mme Smith : Premièrement, les phénomènes comme les changements climatiques et la pollution de l'air et de l'eau dépassent les frontières. Il y a clairement un intérêt international à l'égard de ces questions, et c'est la raison pour laquelle nous recevons de l'argent de l'étranger. Ce qui se passe au Canada a des répercussions ailleurs qu'ici.

Deuxièmement, les écosystèmes du Canada ont une importance pour le reste du monde. C'est l'une des raisons pour lesquelles nous recevons des capitaux étrangers. La forêt pluviale Great Bear, par exemple, est considérée comme étant quelque chose d'équivalent à la Grande barrière de corail ou à la forêt amazonienne. C'est une autre raison pour laquelle des gens de l'étranger s'intéressent à nous : les choses dont nous sommes fiers — les écosystèmes — se trouvent ici. Il y a d'autres gens dans le monde qui croient qu'elles sont importantes aussi.

Troisièmement, à Tides Canada, nous pensons que notre rôle est de nous assurer que tout le monde est représenté et que tout le monde se fait entendre. Dans le cadre de ce genre de débat sur les politiques publiques, si nous voulons que le résultat soit durable et si nous voulons prendre une décision qui va demeurer pendant longtemps, nous ne pouvons pas entendre seulement certaines opinions et étouffer les autres. Il faut écouter tout le monde. Tides Canada s'assure que les gens qui parlent des problèmes et des préoccupations de nature environnementale sont présents, et aussi ceux qui parlent des questions touchant les collectivités. Cela inclut l'économie locale et les gens qui, dans cette région, prennent la parole pour dire qu'il y a un secteur de l'économie qui repose sur le saumon sauvage. Pricewaterhouse Coopers a publié un rapport il y a un certain nombre d'années concernant cette région pour dire que le secteur du saumon sauvage amène 120 millions de dollars par année aux collectivités. Celles-ci ont le droit de défendre l'intégrité de leur économie aussi. Nous sommes d'avis que ces genres de voix veulent disposer des ressources et du soutien nécessaires pour participer au débat.

Le sénateur Lang : Je veux approfondir un peu cette question afin de pouvoir comprendre. Votre organisation n'est pas pour ni contre le projet de l'oléoduc Northern Gateway et les sables bitumineux, n'est-ce pas? Vous permettez l'acheminement des fonds provenant des États-Unis et remettez ces derniers à des organisations si elles veulent faire de l'obstruction, mais vous ne prenez pas position, n'est-ce pas?

Mme Smith : Nous sommes pour la propreté de l'eau. Nous sommes pour la protection de l'environnement au Canada. Nous sommes pour la protection de nos ressources marines. Nous sommes pour la création d'une économie durable.

Le sénateur Lang : Je veux que cela soit dit pour le compte rendu, parce que nous avons bel et bien une lettre ici. Je n'essaie pas d'être difficile, mais la lettre dit clairement que Tides Canada n'est pas contre les sables bitumineux et les oléoducs ni contre d'autres projets d'exploitation des ressources. Plus loin dans cette lettre, si je ne me trompe pas, il est dit que vous jouez essentiellement un rôle d'acheminement de l'argent et que vous ne pouvez pas vraiment déterminer comment le dépenser; cela ne relève pas de vous.

Est-ce que c'est ce que je comprends de votre organisation, ou est-ce que vous prenez position contre les sables bitumineux et le projet d'oléoduc?

Mme Smith : Notre organisation n'a pas pris position. Comme je l'ai dit ici aujourd'hui, nous croyons que le pétrole va en fait jouer un rôle essentiel comme moteur de la transition en matière d'énergie. Je ne comprends pas très bien la partie de la question concernant la façon dont le financement est acheminé.

Mme Goodman : Ce qui est important, c'est que l'objectif de Tides Canada, c'est de s'assurer qu'il y a un bon débat sur les politiques publiques. Nous sommes tout à fait d'accord avec le gouvernement pour dire que c'est une question nationale et qu'il y a de multiples intérêts en jeu — et non un seul ensemble d'intérêts économiques. C'est cela que nous appuyons.

Nous acceptons effectivement du financement, et je pense que je peux dire que nous avons dépensé 3 p. 100 de notre budget, soit 600 000 $, l'an dernier pour des questions touchant les sables bitumineux et le projet d'oléoduc. Les autres 97 p. 100 ont été consacrés à d'autres questions.

L'idée que d'énormes sommes en provenance des États-Unis passent par Tides Canada dans le cadre d'un combat contre les sables bitumineux est un mythe.

Le sénateur Lang : Ces organisations que j'ai nommées — Bullitt, Brainerd, Wilburforce et Hewlett — n'existent pas et ne sont pas concernées?

Mme Goodman : Je reconnais pleinement le fait que nous recevons du financement, mais, ce qui est important, c'est que ce sont 600 000 $ par année qui passent par Tides Canada, ce qui représente une fraction très faible de notre travail. Nous sommes d'avis qu'il s'agit d'une partie importante du travail et qu'il est essentiel pour les Canadiens d'avoir une bonne discussion sur ce projet d'exploitation en particulier. Cependant, notre rôle n'est pas de déterminer quel projet devrait être réalisé, pas plus que nous ne disons pas aux gens d'East Scarborough Storefront comment régler les problèmes des jeunes.

Le sénateur Lang : J'essaie de savoir quelle est votre position exactement. Il y a quelque chose que j'aimerais que vous nous expliquiez. Vous connaissez l'organisation qui s'appelle ForestEthics, qui prend part dans une large mesure à l'opposition au projet d'oléoduc et aux sables bitumineux. Sur son site web, cette organisation dit clairement qu'elle a fait intervenir 600 personnes pour que celles-ci ralentissent le processus réglementaire qui relève des politiques publiques que le Canada établit conjointement avec la province pour examiner ces projets.

Toutefois, cette organisation n'a pas le statut d'organisme de charité. D'après ce que je comprends, elle recueille des fonds en orientant les dons vers Tides Canada, qui verse ensuite de l'argent à ForestEthics.

Pouvez-vous m'expliquer pourquoi, si vous n'avez pas pris position quant au projet d'oléoduc, il y a des organisations qui utilisent votre statut d'organisme de charité afin d'obtenir de l'argent pour ce genre de choses?

Mme Goodman : ForestEthics Canada est un projet de Tides Canada, et nous entretenons des liens avec les responsables de celui-ci depuis longtemps. Ils ont joué un rôle constructif dans le cadre de la conclusion des ententes relatives à la forêt pluviale Great Bear et des ententes relatives à la forêt boréale canadienne. Ils ont adopté une position très claire quant au projet d'oléoduc. Nous sommes en train de discuter avec eux de l'avenir de notre relation.

Le sénateur Lang : Je veux simplement que ce soit clair pour les gens ici présents. Nous sommes ici pour déterminer comment l'argent provenant des États-Unis circule et comment nous utilisons les organismes de charité et la définition d'organisme de charité aux fins de divers examens publics des politiques. Pour le compte rendu, votre organisation utilise donc son statut d'organisme de charité afin de recueillir des fonds pour ForestEthics, n'est-ce pas?

Mme Goodman : ForestEthics est un projet de Tides Canada, oui.

Mme Smith : Je pourrais aussi ajouter quelque chose à cela. Une partie de l'argent que nous avons reçu de ForestEthics vient du gouvernement du Canada. Le gouvernement du Canada a fourni du financement pour que les gens participent au processus d'examen conjoint, c'est-à-dire au groupe d'experts. ForestEthics a reçu son argent du gouvernement du Canada, et cet argent est passé par Tides Canada.

Le président : Sénateur Lang, accepteriez-vous que le sénateur Seidman pose une question complémentaire?

Le sénateur Lang : Certainement.

Le sénateur Seidman : J'aimerais une précision supplémentaire par rapport à ce que vous dites. Vous avez dit en réponse au sénateur Lang et dans la lettre que vous ne prenez pas position quant au projet d'oléoduc, alors j'aimerais savoir combien de projets favorables au projet d'oléoduc Northern Gateway vous avez financés, par exemple.

Mme Smith : Nous ne croyons pas en financer en ce moment. Nous ne pensons pas que ces projets manquent de financement. Comme nous le savons, Enbridge a reçu 100 millions de dollars pour suivre le processus réglementaire. Aucun responsable de projet du genre ne s'est adressé à nous.

Notre financement sert à soutenir des projets en matière d'environnement et de justice sociale. Nous soutenons les gens qui font connaître les points de vue environnementalistes, tout comme Enbridge soutient, je présume, d'autres gens, ou comme l'Association canadienne des producteurs pétroliers soutiendra d'autres gens dans leur participation au projet.

Le sénateur Seidman : Vous prenez donc position, puisque vous financez un segment particulier de la défense des intérêts d'un côté particulier de la médaille, pour ainsi dire.

Mme Smith : Nous finançons assurément l'expression des points de vue environnementalistes — les gens qui font connaître le point de vue environnementaliste dans le cadre de toutes sortes d'audiences parlementaires, qu'il s'agisse des mines, de la foresterie ou de l'énergie. C'est le travail que nous faisons.

Le sénateur Seidman : Merci. Vous avez répondu à la question, parce que vous financez l'une des parties au débat.

Le sénateur Massicotte : J'aimerais dire quelque chose sur le même sujet. J'ai consulté votre site web et vos états financiers. D'après ce que je comprends, Tides Canada sert essentiellement de courroie de transmission à ses sources. Vous avez un — vous demandez aux gens de donner de l'argent et d'établir leur fondation avec votre aide, et vous décidez de l'endroit où l'argent va. Les gens ont l'entière liberté, d'après ce que je comprends — ils décident de l'endroit où l'argent va. Il faut que les choix soient responsables sur le plan social, d'après vos critères; ce ne peut pas être contraire à vos valeurs. Toutefois, environ 6 p. 100 de votre financement total va à des programmes que vous jugez en quelque sorte nécessaires. Ai-je raison de dire cela?

Mme Goodman : Oui, il y a le volet fondation, que vous avez bien décrit comme étant un modèle de financement orienté par les donateurs, ce qui veut dire que les donateurs nous font des recommandations quant à la destination des subventions accordées. Cette partie est exacte. Nous avons ensuite un organisme de charité qui est une plate-forme unique de gouvernance et d'administration commune à 40 projets. L'idée ici est vraiment d'appliquer un nouveau modèle novateur de travail caritatif. Plutôt que de laisser les gens qui font des recherches sur les baleines, qui offrent des services sociaux ou qui font du travail de nature environnementale se concentrer sur l'administration et les avantages sociaux, nous faisons ce travail pour eux. Nous nous occupons de tous les contrats et des ressources humaines et nous supervisons le travail en général.

Le sénateur Massicotte : Vous avez dit quelque chose tout à l'heure au sujet de fonds de dotation particuliers. Les gens font des recommandations. Est-ce que c'est vous qui décidez comment l'argent est dépensé ou est-ce que ce n'est pas eux qui établissent les conditions d'utilisation de cet argent?

Mme Goodman : Du côté de la fondation? Le donateur formule des recommandations à notre intention.

Le sénateur Massicotte : Mais c'est vous qui décidez comment dépenser son argent?

Mme Goodman : Nous tenons compte de ses recommandations. Il s'agit du même modèle que la fondation de Vancouver et la fondation communautaire de Toronto...

Le sénateur Massicotte : Quel pourcentage est propre au fonds de dotation et quel pourcentage est laissé à votre discrétion en général? De combien d'argent par année s'agit-il?

Mme Goodman : East Scarborough Storefront, par exemple, recueillerait des fonds pour appuyer cette initiative. Les donateurs fournissent des fonds directement à ces initiatives, et nous ne déterminons pas nécessairement exactement comment chaque sou est dépensé. Je ne peux pas vous présenter une répartition de mémoire.

Le sénateur Massicotte : Au cours d'une année, combien d'argent est versé dans des fonds particuliers et combien y en a- t-il qui va au fonds général que vous pouvez utiliser à votre discrétion?

Mme Goodman : Nous n'avons pas de fonds discrétionnaire.

Le sénateur Massicotte : Vous avez pourtant des fonds pour lesquels vous demandez aux gens d'investir dans telle ou telle chose. Même au sein de votre personnel, il y a des personnes qui présentent votre entreprise comme un gestionnaire de ces fonds, mais vous avez aussi du personnel spécialisé dans les questions environnementales. Il est évident que vous avez un pouvoir discrétionnaire important.

Mme Goodman : Nous travaillons par exemple à la collecte de fonds pour le milieu marin, qui est l'un de nos 40 projets. Toutefois, notre organisme n'est pas une fondation dotée, alors nous n'avons pas d'argent à distribuer; les projets doivent être recommandés par les donateurs ou encore recueillis par les responsables de projets.

Le sénateur Massicotte : Combien d'argent recevez-vous chaque année?

Mme Goodman : L'an dernier, nous avons reçu 22 ou 23 millions de dollars.

Le sénateur Massicotte : Combien d'argent pour les fondations en particulier?

Mme Goodman : Combien d'argent vient des fondations? Des fondations américaines?

Le sénateur Massicotte : Canadiennes ou américaines.

Mme Goodman : Je ne peux pas vous présenter de répartition. Au cours des trois dernières années, 33 p. 100 de notre financement venaient des fondations américaines.

Le sénateur Massicotte : De vos 22 millions de dollars?

Mme Goodman : Oui.

Le sénateur Massicotte : Donc, 6 ou 7 millions de dollars viennent des États-Unis.

Mme Goodman : Oui, et le reste vient du Canada.

Le sénateur Lang : Nous essayons simplement d'obtenir de l'information, et j'espère que c'est ainsi que vous voyez la chose. Je veux simplement souligner le fait que, lorsque des donateurs ou des fondations des États-Unis donnent de l'argent et disent que l'utilisation est axée sur le donateur, il s'agit d'informations confidentielles, n'est-ce pas?

Mme Goodman : Non. S'il s'agit de donateurs canadiens individuels, nous ne divulguons pas cette information.

Le sénateur Lang : Je parle des Américains.

Mme Goodman : Autant que je le sache, toutes les fondations américaines desquelles nous recevons du financement parlent des subventions qu'elles nous ont versées dans leur site web.

Le sénateur Lang : Toutefois, un donateur individuel peut vous donner de l'argent et vous dire comment l'utiliser, mais demander à garder l'anonymat, n'est-ce pas?

Mme Goodman : Un donateur individuel peut le faire, mais je peux vous dire que nous n'avons reçu aucun don anonyme des États-Unis. La somme totale de dons anonymes que nous recevons au cours d'une année est inférieure à 250 000 $, et ces dons viennent de citoyens canadiens.

Le président : Pour que ce soit plus clair, la question était de savoir si l'objectif des dons faits par les fondations américaines est précisé ou demeure confidentiel. Mme Goodman a dit que si la fondation Hewlett Packard, par exemple, donne 1 million de dollars, ce don est déclaré dans son site web, mais je pense que vous voulez savoir si l'utilisation qu'elle souhaite que vous fassiez avec l'argent est aussi déclarée.

Mme Goodman : Les donateurs expliquent le but de leur subvention dans leur site web. Pendant longtemps, nous avons dépassé les exigences de l'ARC en matière de transparence, mais nous pensons que plus les Canadiens en sauront au sujet de nos subventions, plus ils voudront soutenir notre travail, alors nous allons de plus en plus parler de nos subventions et de nos activités de projet dans notre site web.

Le sénateur Massicotte : Le site web présente une liste de donateurs, mais pas les sommes versées par les donateurs.

Mme Goodman : C'est vrai.

Le sénateur Lang : J'aimerais changer de sujet. Je reviendrai à celui-ci dans un instant, et je vous remercie de votre franchise.

MM. Pike et Solomon ont fondé Tides Canada et Tides États-Unis. Votre organisation a pris pas mal d'expansion au cours des 10 dernières années et est de toute évidence en train de devenir une assez grande force politique et financière, sur la côte Ouest du moins.

En 2003 ou en 2004, M. Solomon se trouvait à San Francisco, où il a défini une stratégie visant à bénéficier des changements sociaux systématiques dans une région précise. Il a parlé de la façon dont il allait changer les choses en Colombie-Britannique, et c'est très bien. Avez-vous un exemplaire de cette stratégie? Y a-t-il un quelconque document qui soit accessible au public et qui dresse la liste de vos objectifs à l'égard de cette stratégie?

Mme Goodman : Non. Les membres du conseil d'administration ont leurs propres points de vue et stratégies qui sont assez distincts de ceux de l'organisation.

Le sénateur Lang : Il n'y a pas de stratégie écrite concernant les objectifs à long terme du conseil d'administration par rapport à la stratégie de changement de la culture sociale en Colombie-Britannique?

Mme Goodman : Autant que je sache, non.

Le sénateur Lang : J'aimerais aborder deux autres sujets, si je puis.

En 2004, une subvention de 70 000 $ a été versée à Tides Canada par une fondation américaine en vue de l'élaboration d'une stratégie concernant l'exploitation gazière et pétrolière en Colombie-Britannique. Connaissez-vous cette stratégie? S'agit-il d'un document public? Le cas échéant, pourrions-nous en obtenir un exemplaire?

Mme Goodman : Il s'agit d'une subvention versée il y a sept ans, et je ne fais partie de l'organisation que depuis trois ans, mais je serais heureuse de vérifier si nous pouvons trouver de quoi il retourne dans nos archives.

Le sénateur Lang : Il serait intéressant de voir quels sont les liens entre cette stratégie et ce dont nous parlions tout à l'heure, le projet d'oléoduc Northern Gateway, les sables bitumineux et l'avenir de ce domaine.

J'aimerais aussi parler de divulgation au public. Il est très difficile pour les Canadiens de comprendre ce qu'est un organisme de charité. J'ai toujours pensé qu'un organisme de charité était un organisme qui recueillait de l'argent pour une banque alimentaire ou pour l'éducation ou la religion. Toutefois, c'est évidemment beaucoup plus large que cela, puisque vous avez le statut d'organisme de charité et faites évidemment un certain travail caritatif.

Vous avez dit vouloir divulguer davantage de choses au public et accroître la transparence. Je présume donc dans ce cas que vous seriez d'accord avec des mesures législatives ou réglementaires que le gouvernement pourrait prendre pour s'assurer que les organismes du Canada, surtout ceux qui reçoivent de l'argent de l'étranger, et plus précisément des États- Unis, rendent cette information publique et fassent preuve de transparence pour que les Canadiens puissent savoir, lorsqu'une organisation est financée par les Américains, et s'exprime dans le cadre d'une tribune publique, qui finance cette organisation. Seriez-vous partisan de cela?

Mme Goodman : Assurément. À l'heure actuelle, nous déclarons un montant lorsque nous faisons nos déclarations de revenus.

Le sénateur Wallace : Ma première question est probablement la plus facile à laquelle vous aurez à répondre aujourd'hui. Je veux simplement m'assurer que cela figure au procès-verbal. Votre organisation est un organisme de charité enregistré au Canada?

Mme Smith : C'est exact.

Le sénateur Wallace : Je vous pose la question parce que, lorsque je vous ai écoutée parler du travail que vous faites, une partie de ce que vous avez dit correspondait clairement à l'idée que je me fais de la « charité ». Cependant, une bonne partie de votre travail me pousse à me demander quelles activités sont vraiment des activités de charité. Je pense en particulier au domaine de l'énergie et au travail que vous faites dans le cadre de l'initiative en matière d'énergie de Tides Canada. J'ai lu les documents que vous avez fournis et qui parlent de votre organisation, de son travail et des opinions que vous défendez en ce qui concerne les sources d'énergie de rechange, que ce soit l'utilisation de piles à hydrogène dans les automobiles, de l'électricité, de piles électriques pour les voitures, de l'énergie éolienne ou des panneaux solaires.

À bien y réfléchir, vous dites exactement la même chose que ce que nous avons entendu de la part des groupes d'intérêt du secteur privé qui appuient toutes ces initiatives. J'ai de la difficulté à distinguer le travail que vous faites dans ces domaines, qui relèvent du secteur privé et sont ceux d'entreprises parrainées par des sociétés, chacune ayant le désir de s'accaparer un secteur du marché et motivée par les résultats, évidemment. Elles ont des consultants et des lobbyistes qui défendent pour eux leurs intérêts commerciaux. Sans vouloir être impoli, j'ai écouté ce que vous avez dit à cet égard, et j'ai eu beaucoup de difficulté à distinguer ce que vous faites et ce que fait le secteur privé.

Comme je le disais, cela me ramène au point de départ. J'ai beaucoup travaillé auprès d'organismes de charité. C'est très bien, et je suis heureux de le faire. Je fais des dons. Nous sommes tous pour cela. Toutefois, il semble y avoir une distinction plutôt floue entre la poursuite d'intérêts commerciaux et le travail qui appartient aux lobbyistes et aux consultants du secteur privé et une partie de ce que vous faites. Pourriez-vous dire quelque chose là-dessus.

Mme Smith : C'est une bonne question. Notre but est d'aider le Canada à se diriger vers une économie à faibles émissions de carbone, c'est-à-dire d'enlever le carbone du système en raison des répercussions de la pollution par le carbone sur notre atmosphère qui entraînent les changements climatiques. C'est un but en matière de politique publique et un but environnemental. Cependant, comme vous l'avez mentionné, il y a d'énormes possibilités au chapitre de l'emploi, de l'économie et de la prospérité du Canada si nous empruntons la voie du changement vers des systèmes énergétiques à faibles émissions de carbone. Nous parlons surtout de ces possibilités. Nos buts, nos intérêts, sont d'assainir l'air au Canada en supprimant le carbone et aussi d'autres contaminants qui ont une incidence sur la santé des gens.

Comment allons-nous atteindre ces buts? Comment allons-nous aborder ces choses? Si vous demandez à des universitaires, à Environnement Canada et aux responsables de bien des secteurs, ils vont vous répondre que la façon de le faire, c'est d'adopter des politiques publiques qui seront bonnes pour un secteur de l'économie, et qui seront bonnes pour le Canada. Celles-ci permettraient en fait la croissance de nos secteurs des technologies propres et des énergies propres.

Je pense que nous sommes très différents des groupes de lobbyistes de l'industrie à l'égard de nos communications, de la façon dont nous parlons aux gens, de la façon dont nous parlons au public. On reconnaît clairement que, franchement, les Canadiens sont assez mal informés lorsqu'il s'agit d'énergie, et cela est en fait une partie du problème. Nous sommes de très gros consommateurs d'énergie par habitant, et l'énergie est très abordable au Canada par rapport aux autres pays industrialisés. Cela nous incite très peu à comprendre davantage la situation dans le domaine de l'énergie.

Une partie du travail que nous avons fait et une partie de nos communications sont conçues pour joindre les Canadiens et leur parler de façon à ce qu'ils puissent nous entendre.

Le sénateur Wallace : Beaucoup des choses que vous dites sont pleines de sens. Cela ne fait aucun doute. Nous sommes tous préoccupés par l'environnement pour notre génération et les générations à venir. Cela ne pose absolument aucun problème, et je vous encourage à faire ce que vous faites dans ce domaine. C'est lorsque votre travail a pour résultat la défense d'intérêts commerciaux particuliers et les sources d'énergie de rechange qui sont représentées qu'un problème se pose. Je remets cela en question. À mes yeux, ce n'est plus du domaine des œuvres de charité, et cela relève plutôt de la consultation dans le secteur privé.

Dans la même veine, les organismes de charité, comme vous le savez, peuvent prendre part à des activités politiques si celles-ci sont liées avec l'objectif de l'organisme de charité enregistré. D'après ce que je comprends, ces objectifs politiques qui sont permis, d'après le statut d'organisme de charité ici, au Canada, ne vont pas jusqu'à la promotion de changements à apporter aux lois du pays, au renversement d'une politique gouvernementale ou au renversement de décisions particulières des autorités gouvernementales. D'après ce que je comprends, ces activités politiques ne seraient pas considérées comme étant des activités caritatives. Là encore, lorsque je vous écoute, j'ai l'impression que vous vous opposez à cela. Que diriez- vous là-dessus?

Mme Smith : Notre initiative est très conforme à la loi concernant les organismes de charité. Celle-ci permet la promotion de certains intérêts dans une proportion de 10 p. 100, et nous nous situons bien en deçà de cette limite de 10 p. 100. En fait, toutes les initiatives de Tides Canada dans ce domaine respectent les lois relatives aux œuvres de charité. Ce que nous faisons respecte les lois du Canada.

Le Canada est un pays très propre et très sécuritaire. Nous jouissons d'une qualité de vie à laquelle les citoyens d'autres pays aspirent et c'est grâce à certaines lois strictes que nous avons adoptées au Canada et qui réglementent des choses comme l'absence de plomb dans la peinture utilisée pour peindre les jouets pour enfants ou le fait que nous avons enlevé les toxines de nos cours d'eau. C'est ce qui fait que l'environnement est sain au Canada. Nous avons mis fin aux pluies acides. Il y a d'autres choses comme les lois antitabac et les lois qui interdisent de boire et de conduire. Ces lois existent grâce à des organismes de charité qui ont collaboré avec le gouvernement et l'industrie à la promotion de meilleures politiques publiques pour protéger notre atmosphère, nos cours d'eau et nos collectivités. C'est le travail du secteur caritatif, permis par les lois du Canada, qui a beaucoup amélioré les collectivités et la société au Canada.

Le sénateur Wallace : Je serais d'accord avec vous. Vous décrivez la fonction des œuvres de charité et le secteur caritatif. Ce qui pose problème pour moi, c'est que vous semblez mener des activités qui relèvent du secteur privé. Lorsque vous réalisez une analyse économique des conséquences pour les entreprises, de l'incidence sur les résultats de l'utilisation et de l'exploitation de certaines sources d'énergie de rechange, par exemple une analyse des sables bitumineux et des retombées économiques au Canada, à mes yeux, ce sont des choses que fait le secteur privé. Je n'ai pas l'impression que c'est du travail caritatif.

Le sénateur Mitchell : N'est-ce pas là exactement ce que fait le Fraser Institute, qui a le statut d'un organisme de charité? Le Fraser Institute ne fait-il pas exactement ce genre de choses? Il participe constamment au débat économique et mène des recherches sur ce qui est bon pour les affaires. En quoi est-ce différent de ce que Tides Canada fait?

Le sénateur Wallace : Je ne parle pas du Fraser Institute aujourd'hui, sénateur.

Le sénateur Mitchell : Non, mais nous devrions peut-être en parler.

Le sénateur Wallace : Je respecte pleinement le travail caritatif que Tides Canada fait. Je soulève simplement la question. Peut-être que je comprends mal la distinction entre le secteur privé et les organismes de charité, et je souhaitais entendre vos réponses.

Mme Smith : En fait, c'est une bonne question, parce que, dans le passé, nous avons créé des compartiments pour l'environnement et pour l'économie. Je pense que ce que nous disons, c'est que notre économie dépend d'un environnement sain. Vous l'avez probablement entendu dire à différents endroits. La Table ronde nationale sur l'environnement et l'économie, créée par le gouvernement actuel, diffuse le même message.

Le travail que nous essayons de faire consiste en partie à créer un pont entre ces deux mondes et dire que ce n'est pas l'un ou l'autre : on n'est pas pour ou contre l'environnement ou pour ou contre l'économie. Nous devons être pour les deux, ce qui veut dire que nous devons réfléchir aux deux choses en même temps. Nous essayons de présenter la vision, le scénario. Comment nous y prendre pour assurer la force de l'économie, créer des emplois, nous donner le Canada prospère que nous voulons tous avoir, avec un environnement sain et des cours d'eau propres, et comment nous y prendre pour contribuer à la lutte contre les changements climatiques à l'échelle de la planète, qui est en partie notre responsabilité? Comment faire le pont entre ces deux mondes?

Je pense que c'est possible et que c'est un défi à relever, vous avez raison. Penser aux deux choses en même temps est un défi pour nous, mais je pense que c'est là que se trouve la solution.

Le sénateur Wallace : Je suis d'accord avec vous, c'est le cas. Ce que vous venez de décrire correspond exactement, je dirais, à ce que nous avons entendu de la part des représentants du secteur privé aussi. C'est ainsi qu'ils décriraient leurs initiatives liées à l'exploitation des sources d'énergie au pays, qui ont exactement les mêmes objectifs. Si nous sommes tous au diapason, nous allons peut-être obtenir les bons résultats.

Le sénateur Neufeld : Merci d'être ici aujourd'hui. Je veux poser une question au sujet des donateurs, et si vous n'avez pas la réponse, vous pourrez la fournir à la greffière plus tard.

D'après ce que je comprends, la Dogwood Initiative, que je connais bien, et Tides Canada se sont associés à l'égard de certaines choses, et il y a aussi le partenariat avec la Fondation William et Flora Hewlett et la Fondation Gordon et Betty Moore à l'égard d'initiatives de lutte contre les sables bitumineux. J'aimerais savoir combien d'argent ces deux fondations américaines ont versé à Tides Canada depuis 2000. Si vous n'avez pas la réponse, je comprends, et vous pouvez me la fournir plus tard.

Le président : Peut-être qu'elles ont la réponse.

Mme Goodman : Pas depuis 2000, assurément pas. Non.

Le président : Et depuis 2001?

Mme Goodman : Nous allons devoir vous répondre plus tard.

Le sénateur Neufeld : On me dit que c'est en fait une importante somme. J'aimerais la connaître.

Mme Smith : Il est probablement utile de souligner que la Gordon and Betty Moore Foundation a déboursé une somme considérable. Cependant, à ce que je sache, pas un seul de ces sous n'a servi à combattre les sables bitumineux.

Je peux vous donner une idée des projets que cette somme a servi à financer. Il y a eu une contribution importante pour le Great Bear Rainforest Coast Opportunity Fund, qui vise à stimuler la croissance économique sur la côte de la Colombie-Britannique en collaboration avec les collectivités des Premières nations. La somme de 4,5 millions de dollars a été versée dans le fonds en fiducie pour la conservation de la bande Taku River Tlingit, que cette dernière utilise pour créer des emplois liés à l'aménagement du territoire dans le cadre de son accord sur l'utilisation. Je pense que 4 millions de dollars, environ, ont été investis dans le Projet pilote d'élevage de saumon, auquel Mme Goodman a fait allusion, qui a mené à un partenariat avec le gouvernement du Canada, le partenaire industriel dans la région et la Première nation Namgis et qui vise à mettre à l'essai l'élevage de saumon en circuit fermé. Si tout va bien, le projet sera une réussite et créera davantage de perspectives d'emploi en Colombie-Britannique.

Mme Goodman : En ce qui concerne le plan d'aménagement d'Atlin-Taku, qui a été annoncé l'an dernier par la première ministre Clark, nous avons établi un fonds de dotation à l'appui de la mise en œuvre de ce plan et d'un modèle de gouvernance partagée.

Le sénateur Neufeld : Ces projets subissent tous l'influence importante de fondations américaines. Nous ne devrions pas parler de la rivière Taku parce que je me suis rendu là-bas et j'ai écouté ces gens. Si vous pouviez me fournir ces autres renseignements, je l'apprécierais.

La Dogwood Initiative a, en fait, — et vous en faites partie, vous avez investi dans cette initiative, tout comme ces deux autres fondations — manifesté une vive opposition aux pétroliers sur la côte Ouest de la Colombie-Britannique. Cela dit de ces personnes que, en fait, elles ne veulent pas du pétrole parce que, sans les pétroliers, le seul pétrole dont nous disposerions sur la côte serait celui produit grâce aux sables bitumineux si ce projet se concrétise un jour. Il y a un lien très fort entre ces deux réalités. Nous pouvons essayer de dire que nous ne nous opposons pas aux sables bitumineux, mais, à mon avis, c'est pousser la chose trop loin.

Il y a de un à trois très gros pétroliers transportant du pétrole brut qui partent de l'Alaska pour longer la côte Ouest de la Colombie-Britannique presque tous les jours, et ce, depuis de nombreuses années. Toutefois, les représentants de la Dogwood Initiative s'opposent nettement à la présence de tout pétrolier longeant la côte de la Colombie- Britannique.

Si vous pouviez me trouver ces chiffres, je l'apprécierais.

J'aimerais soulever une autre question et vous demander pourquoi le Canada, pourquoi la Colombie-Britannique, pourquoi l'Alberta? Pourquoi vous opposez-vous autant à ce qui se passe?

On m'a dit que, au Canada, nous consommons plus d'énergie propre par habitant que tout autre pays. Nous arrivons au sixième rang parmi les plus grands producteurs de pétrole au monde. La situation dans certains des plus grands pays producteurs, comme la Russie, l'Iran et l'Arabie saoudite — le Venezuela produit moins de pétrole que nous — est absolument lamentable par rapport à ce qui se fait au Canada. Je ne dis pas que l'utilisation de combustibles carbonés ne produit aucun dioxyde de carbone.

Je crois fermement que, un jour, nous effectuerons la transition et utiliserons moins de combustibles carbonés au profit de formes plus propres d'énergie, mais cet enjeu fait l'objet de nombreuses discussions. Cela ne se fera pas d'ici les cinq prochaines années ni d'ici les 10 prochaines années. Cette transition prendra beaucoup de temps. Alors, pourquoi vous acharnez-vous sur le cas du Canada?

Nous sommes parmi les pays les plus propres au monde. Vous venez de le dire. Vous avez dit que les gens veulent venir au Canada parce que c'est un bon pays et un pays propre. Notre énergie est abordable. Favorisez-vous des formes d'énergie onéreuses qui feront chuter la consommation? C'est ce qui se passe dans tous les pays d'Europe, compte tenu du coût de l'électricité là-bas.

Le Danemark est souvent cité en exemple. Pourtant, 45 p. 100 de son électricité est produite grâce au charbon, et elle coûte environ 36 cents le kilowattheure par rapport à une moyenne de 9 cents au Canada. Pourquoi tenez-vous autant à dire que le Canada fait mauvaise figure? Pour tout dire, j'en ai un peu marre. Je pense que le Canada est un très bon pays. Je pense que nous faisons du bon travail. Sommes-nous parfaits? Loin de là, mais, en fait, je ne crois pas que les Canadiens se lèvent le matin en disant : « Je vais mettre mon chapeau et voir comment je peux détruire l'environnement. »

La notion selon laquelle une économie forte et un environnement sain vont de pair existe depuis longtemps. J'y crois et je pense que la plupart des Canadiens y croient aussi.

Lorsque vous dites que les Canadiens sont ignorants de l'énergie je pense que, dans une certaine mesure, vous avez raison. Je pense qu'il incombe à notre groupe, et c'est ce que nous avons commencé à faire, d'essayer d'informer les Canadiens. Il est faux et trompeur de dire que nous pouvons construire 10 éoliennes et quatre centrales solaires de plus, et nous débarrasser du pétrole.

Je voudrais savoir : pourquoi le Canada? Pourquoi êtes-vous si résolus à vous attaquer à l'Ouest canadien, surtout, mais, aussi, au Canada dans son ensemble, lorsqu'il s'agit de l'un des pays les plus propres au monde sur le plan énergétique?

Mme Goodman : Pourquoi le Canada? Nous sommes une organisation canadienne qui vise à régler des problèmes canadiens, et c'est pourquoi nous avons le statut d'organisme de bienfaisance. Notre siège est à Vancouver, et nous avons un bureau à Toronto.

Ce que nous oublions parfois, en tant que Canadiens, c'est que nous avons le privilège d'avoir des ressources naturelles en abondance, mais ce privilège vient avec la responsabilité d'exploiter ces ressources de manière responsable. Je suis d'accord avec vous lorsque vous dites que le Canada, en fait, réussit très bien à faire cela.

Comme j'ai travaillé dans le secteur des ressources, j'ai vécu les événements liés à la Forêt pluviale Great Bear et à d'autres enjeux, et j'ai vu les deux côtés de la médaille. À mon avis, comme Mme Smith l'a dit, la Forêt pluviale Great Bear est la dernière forêt pluviale tempérée qui est demeurée intacte sur la planète. Il s'agit donc d'un lieu d'une grande importance à l'échelle mondiale.

Je pense que, par votre question, vous cherchez, en partie à savoir pourquoi des fondations américaines appuient des activités de bienfaisance au Canada. C'est, en partie, parce que ces régions sont d'une grande importance pour toute la planète. En tant que Canadiens, nous pouvons en être très fiers. Comme nous l'avons vu, au fil du temps, dans le secteur forestier, il s'agit non pas d'un combat contre le développement, mais de la recherche de la meilleure voie pour assurer la durabilité.

Si vous posez la question à mes collègues dans l'industrie, ils exprimeraient, à n'en pas douter, une frustration à l'égard des groupes environnementaux. Nous n'apprécions pas toujours ce qu'ils ont à dire, mais, au bout du compte, nous avons, en fait, trouvé des solutions qui ont donné de meilleurs résultats, et ont permis l'élaboration de meilleures politiques publiques aussi bien environnementales qu'économiques. C'est ce que nous essayons de faire.

Le sénateur Neufeld : Dans ce cas, j'aimerais revenir sur le commentaire de Mme Smith selon lequel la Chine investit beaucoup d'argent dans l'énergie propre. Je reconnais cela, et c'est très bien.

Nous ne blâmons pas du tout les Chinois. Vous n'avez pas mentionné combien d'argent ils dépensent pour les centrales au charbon. Vous avez toutefois parlé de véhicules électriques.

Dites-moi, croyez-vous que les véhicules électriques remplaceront les véhicules alimentés au pétrole? Comment proposez-vous que l'on produise cette quantité d'électricité? Il faudrait des centaines et des centaines de milliers de mégawatts d'électricité. Nous savons pourtant que le charbon est actuellement la seule option dans certaines régions? Les gens me diront peut-être que l'on peut construire des éoliennes. Je sais que les éoliennes font partie de la solution, mais on ne peut pas construire d'éoliennes ou de panneaux solaires pour produire une telle quantité d'électricité.

Dites-moi. Quelle est votre vision pour l'avenir? Comment allons-nous assurer le transport? Il est question non seulement des voitures que nous conduisons, mais de tout le réseau de transport. La situation n'est pas la même dans un pays très peuplé comme la Chine que dans un pays comme le Canada, qui est très peu densément peuplé. Il serait difficile de relier Winnipeg et Vancouver par un train à haute vitesse. Cela serait insensé, ne serait-ce qu'à cause des coûts, à moins que l'on ne favorise une hausse énorme des coûts.

Mme Smith : Je suis d'accord avec vous lorsque vous dites que le transport au Canada présente des défis qui se distinguent de ceux qui se posent en Chine.

Je ne suis pas une spécialiste de la technologie, mais est-ce que je pense que les véhicules électriques seront la solution? Ce que j'ai voulu vous donner, ce sont des indices de ce qui se passe maintenant dans le monde de la technologie et des avancées spectaculaires qui sont réalisées parce qu'il y a toujours très peu de véhicules électroniques dans la rue. Toutefois, je pense que ces avancées transformeront nos systèmes. Les véhicules électriques feront clairement partie de la solution. Le transport en commun est un autre morceau du casse-tête. Les véhicules électriques auront besoin d'électricité.

Tout d'abord, soyons clairs : je ne crois pas que l'engagement pris par la Chine reflète une volonté de réduire son empreinte carbonique. Son engagement reflète une volonté d'assurer la mobilité de son peuple de la manière la plus abordable possible et qui ne la mettra pas à la merci des marchés mondiaux et des problèmes liés à l'offre mondiale. Si la Chine peut produire sa propre énergie, elle le fera. Les Chinois sont actuellement les investisseurs les plus importants dans l'énergie éolienne et solaire. Au cours des deux dernières années, je crois, ils ont surpassé tous les autres pays en ce qui concerne les investissements dans ce domaine. Vous avez raison de dire qu'ils produisent actuellement une quantité énorme d'électricité grâce au charbon. Cette situation changera-t-elle? Les indices semblent indiquer qu'ils investissent énormément d'argent dans l'énergie éolienne et solaire. La Chine produit actuellement des milliardaires qui ont fait leur fortune grâce à l'énergie éolienne. Ils sont donc des producteurs et joueront un rôle essentiel à l'avenir.

Le sénateur Neufeld : Certes. Leur rôle ne se limitera peut-être pas à cela.

Je comprends ce que vous dites, mais vous êtes d'accord avec moi lorsque je dis que la Chine construit, en fait, si j'ai bien compris, une grande centrale au charbon chaque semaine ou à toutes les deux semaines, et qu'elle rejette des quantités énormes de gaz carbonique dans l'air, ce qui a des répercussions sur tout le monde. Ce problème n'a pas de frontières.

Le Canada est sur la liste; il ne dépense pas beaucoup d'argent pour l'énergie propre, contrairement à la Chine. Selon moi, cela n'envoie pas le bon message. Vous savez, la Chine devrait dépenser énormément d'argent pour l'énergie propre. Cela lui incombe parce que ses centrales au charbon produisent énormément de pollution.

Vous vous dites que l'énergie éolienne et ce genre de choses devraient remplacer certaines des formes d'énergie que nous utilisons actuellement, mais, si vous croyez que l'énergie nucléaire est propre, 75 p. 100 de l'énergie canadienne vient de sources propres. Vous dites que vous n'y croyez pas vraiment, mais si l'on inclut la production d'énergie nucléaire au Canada dans ce calcul, notre énergie est propre à 75 p. 100.

Pourquoi ne pas vous en prendre à un pays comme le Danemark qui produit 45 p. 100 de son énergie grâce au charbon et environ 20 p. 100 de son énergie grâce au pétrole? Pourquoi ne pas s'acharner sur ces régions et leur faire respecter les mêmes normes que celles appliquées au Canada? Nos normes sont élevées et elles ne feront qu'augmenter.

L'autre facteur dont il faut tenir compte, c'est que, pour construire des parcs éoliens et des panneaux solaires, il faut de l'énergie. Il faut du charbon pour fabriquer de l'acier.

Le président : Essayez d'en venir à votre point.

Le sénateur Neufeld : Il faut des milliers de verges cubes de béton pour construire chaque tour. Cela exige une grande consommation de charbon. Êtes-vous d'accord avec moi? Dites-moi si vous envisagez une solution qui vous permettrait de continuer de construire des centrales solaires et des parcs éoliens sans impact environnemental.

Mme Smith : Nous avons dit que les investissements dans l'énergie propre sont à la hausse. L'an dernier, les investissements dans les technologies propres ont surpassé ceux dans le secteur pétrolier et gazier pour la première fois dans l'histoire. Ce que nous disons, c'est que la tendance veut cela et que le Canada doit en tenir compte lorsqu'il est question des véhicules électriques en Chine. Le pétrole que nous voulons vendre à la Chine est pour les voitures. C'est à cette fin que ce pétrole sera utilisé. Nous devons, en fait, tenir compte du fait que la Chine investit des sommes énormes dans les véhicules électriques et qu'elle produit elle-même son électricité. Nous mettons tous nos œufs dans le même panier, et notre avenir et notre économie énergétiques seront fondés sur la vente de pétrole pour le transport à l'échelle mondiale, mais nous devons savoir ce qui se passe partout dans le monde. C'est l'idée que nous voulions présenter aujourd'hui. Nous ne sommes pas en train de dire que la Chine est bonne ou mauvaise, ou que ce qui se fait là-bas est mieux ou pire que ce qui se fait ici. Ce que nous disons, c'est que, sur le plan énergétique, il y a une tendance dans l'économie mondiale et que le Canada doit en tenir compte.

Je comprends ce que vous dites. Pourquoi travaillons-nous au Canada? Nous sommes Canadiens. Nous voulons améliorer le Canada. Nous savons que le Canada peut faire mieux. Il y a des choses fantastiques qui se font ici, et nous appuyons ces initiatives. Nous les avons nommées, et des améliorations sont possibles. Nous sommes parmi les pays les moins écoénergétiques du monde. Notre consommation d'énergie par habitant compte parmi les plus fortes au monde. Nous arrivons au premier ou au deuxième rang. Le Canada peut faire beaucoup mieux. Je ne parle même pas des pipelines ou des sables bitumineux. Je parle simplement de construire une société plus écoénergétique. Ce problème n'est pas dû au fait que nous sommes dans le Nord et que le Canada est un grand pays. D'autres pays semblables au nôtre qui sont dans l'hémisphère nord ne consomment pas de l'énergie comme nous le faisons. Il s'agit d'un moyen simple de réduire notre consommation énergétique, notre consommation de charbon et de créer des emplois au Canada.

Nous nous concentrons sur le Canada parce que le Canada peut faire mieux, et parce que, en fait, nous sommes instruits et riches. Nous ne sommes pas en guerre. Il n'y a pas de guerre civile en cours. Nous avons la responsabilité de faire mieux. Je ne suis pas fière à l'idée d'être parmi les plus importants consommateurs d'énergie au monde par habitant. Ce n'est pas quelque chose dont on peut être fier. Alors, faisons mieux. C'est ce que nous voulons dire. Nous savons qu'il est possible de faire mieux. Agissons donc.

Le sénateur Neufeld : Parmi tous les pays du monde, le Canada arrive au premier rang sur le plan de la consommation d'énergie propre par habitant, alors les chiffres par habitant peuvent révéler toutes sortes de choses. Je suis d'accord avec vous lorsque vous dites que nous pouvons faire mieux. Je l'ai dit, et nous faisons mieux. À mon avis, le Canada fait bonne figure, contrairement à ce que l'on essaie de nous faire croire. Nous faisons déjà de très bonnes choses, au Canada.

Le président : C'est au tour du sénateur Massicotte. Le temps s'écoule. Nous aurons une deuxième liste. Le sénateur Neufeld a eu 16 minutes, 17 secondes, et il les a très bien utilisées.

Le sénateur Massicotte : Merci d'être avec nous aujourd'hui. C'est un débat très intéressant que celui d'aujourd'hui. Je vais peut-être mettre cartes sur table. Je n'ai aucune objection en ce qui concerne votre vision ou vos objectifs. J'ai lu votre dépliant sur la manière dont vous voyez l'environnement. Je crois fermement à votre mission. Toutefois, j'ai de sérieuses réserves au sujet de la manière de l'accomplir. Vous faites paraître la chose si simple. Je vis dans le vrai monde, et la facilité de vos solutions me pose problème. Je partage vos objectifs de construire un pays écologique et de réduire de beaucoup notre empreinte carbonique. Cela dit, notre point de vue alimente le débat. Je ne m'oppose pas du tout à votre participation à ce débat. Je suis d'avis que tous les points de vue doivent être entendus. Il est très important que nous entendions le vôtre, et ni le débat ni les thèmes que vous employez ne me posent problème. Il est possible de ne pas être d'accord sans pour autant se montrer désagréable. Nous devons apprendre, et les meilleures solutions sont fondées sur tous les points de vue. Je n'ai rien à redire à cet égard.

Je voudrais en savoir davantage sur votre organisation. Si j'ai bien compris, vous avez le sens des affaires et vous offrez à des personnes, des sociétés et des fondations d'investir de l'argent chez vous. Elles ont le choix. Elles peuvent imposer des conditions, et vous appelez cela des recommandations. Elles peuvent vous verser des fonds et vous dire comment les utiliser, ce qui, je l'imagine, représente de 30 à 40 p. 100 de votre budget total. Vous avez également un fonds général dans lequel elles peuvent investir de l'argent, et vous utilisez ce fonds en utilisant votre jugement et selon vos projets. En fait, vous cernez des fonds précis dans lesquels elles peuvent investir, mais c'est vous qui décidez de la manière dont les fonds sont utilisés. Est-ce que c'est bien cela?

Mme Goodman : Non. Tous les fonds sont dirigés par le donateur. Ils peuvent choisir d'investir dans certains projets, et les responsables de ces projets détermineront comment les fonds seront utilisés sur le plan opérationnel. Les donateurs interviennent pour financer un projet précis ou ils établissent un fonds orienté par le donateur dans le cadre duquel ils nous font des recommandations, que nous transmettons aux organisations caritatives. Malheureusement, si quelqu'un m'appelle et me dit : « Avez-vous 2 500 $ pour la banque alimentaire? », je dois répondre que nous n'avons pas d'argent pour cela. Si le donateur est prêt à investir dans ce projet, nous pouvons accéder à cette demande, mais nous n'avons pas de fonds discrétionnaires.

Le sénateur Massicotte : Sur votre site web, vous décrivez vos domaines de financement, et il y a 10 domaines d'intérêt si l'on veut. Ils sont très généraux. Vous avez beaucoup de liberté en ce qui concerne la manière dont vous utilisez ces fonds. Les donateurs décident d'investir dans un fonds, mais c'est vous qui décidez comment ces fonds sont utilisés. Est-ce que c'est bien cela?

Mme Goodman : Non. Ce sont les donateurs qui décident comment les fonds seront utilisés.

Le sénateur Massicotte : Lorsque j'ai lu la description des fonds, j'ai constaté que vous conservez une marge de manœuvre importante en ce qui concerne l'utilisation de ces fonds au sein d'une catégorie particulière.

Mme Goodman : Je pense que vous parliez des domaines, comme l'environnement, les forêts et l'alimentation, qui sont décrits sur le site.

Le sénateur Massicotte : Non. Dans votre site web, en fait, vous nommez les fonds. Vous dites que tel fonds est consacré à la forêt pluviale ou à autre chose. Vous affectez les contributions à ces fonds. Cela vous laisse une immense liberté. Les définitions sur le site web sont très larges.

Mme Goodman : Les fonds sont dirigés par les donateurs ou par les chefs de projet. East Scarborough Storefront décide de la manière de faire cela.

Le sénateur Massicotte : Les chefs de projet sont-ils vos employés?

Mme Goodman : Ils sont nos employés.

Le sénateur Massicotte : Lorsque je dis « vous », cela englobe tous vos employés. Essentiellement, vous dites que votre organisation reçoit des fonds dont le total s'élève à 22 millions de dollars par année. Quelle proportion de cette somme est utilisée à des fins précises plutôt que pour les fonds liés à ces catégories générales? À combien s'élève cette somme?

Mme Goodman : Parlez-vous de notre projet?

Le sénateur Massicotte : Je parle de cas où le donateur dit : « Je veux créer un fonds spécial ou une fondation pour un objectif précis, et je vais établir les conditions ou les recommandations qui s'appliqueront. » Quelle proportion de vos 22 millions de dollars représentent ces projets de financement précis? »

Mme Goodman : Je vais essayer de vous l'expliquer encore une fois. Nous avons 40 projets. J'ai utilisé l'exemple d'East Scarborough Storefront. Cette organisation, par exemple, présenterait une demande à la Ville de Toronto pour mettre en œuvre un projet particulier, puis, en vertu de cet accord de subvention, elle mettrait en œuvre ce projet. Les chefs de projet n'ont vraiment aucune liberté en ce qui concerne l'utilisation de ces subventions. Il y a parfois des donateurs qui aident à financer un projet et qui disent : « Vous pouvez faire ce que vous voulez de cet argent ». Dans ce cas, le chef de projet décide de ce qu'il en fera, mais cela est très rare. La plupart du temps, les subventions sont accompagnées de dispositions précises qui varient, selon le projet. En ce qui concerne les fondations, elles sont toutes dirigées par les donateurs.

Le sénateur Massicotte : Si j'ai bien compris ce que vous offrez, une personne peut vous dire : « J'ai quelques millions de dollars et je veux créer une fondation qui sera gérée par vous, mais je veux que l'argent soit utilisé à telle ou telle fin. » Cela peut se faire, n'est-ce pas? Il s'agirait d'une proportion négligeable de vos 22 millions de dollars de financement?

Mme Smith : Par exemple, vous me dites : « J'ai 2 millions de dollars, mais je veux que cet argent aille à un camp de jour écologique de ma région », et il ne s'agit pas de projets de Tides.

Le sénateur Massicotte : D'accord.

Mme Smith : Oui. Vous pouvez tout à fait faire cela, et environ 4 millions du total de 20 millions sont versés à des projets extérieurs.

Le sénateur Massicotte : Il s'agit de projets créés à des fins précises?

Mme Smith : Il s'agit de projets à l'extérieur de TCI.

Mme Goodman : À l'extérieur de notre œuvre de bienfaisance.

Le sénateur Massicotte : Les donateurs déterminent donc comment seront utilisés 4 millions des 22 millions de dollars. Ces 4 millions de dollars ne vont pas à des projets existants de Tides.

Mme Goodman : Cela varie d'une année à l'autre. Il faudrait que je vérifie les chiffres, mais je crois que c'est environ cela.

Le sénateur Massicotte : Des 22 millions de dollars, environ 6 millions viennent de fondations américaines?

Mme Goodman : En moyenne, depuis trois ans, oui.

Le sénateur Massicotte : J'ai remarqué que vous avez un formulaire de dons pour les résidents canadiens qui veulent utiliser leur argent américain pour l'investir dans des fonds particuliers au Canada. Ces sommes sont-elles, elles aussi, considérées comme du financement américain?

Mme Goodman : Oui. Nous avons un programme de fonds de contrepartie, mais ces sommes ne sont pas comprises dans les 20 millions de dollars.

Le sénateur Massicotte : Est-ce que j'ai raison de dire que, aux termes des exigences actuelles de Revenu Canada, tout don de 10 000 $ ou plus provenant d'un Canadien non-résident doit être indiqué dans votre déclaration de revenus annuels?

Mme Goodman : Oui. C'est exact.

Le sénateur Massicotte : Le gouvernement est donc au courant de tout financement non canadien.

Mme Goodman : Oui. Il est au courant du total. Je ne crois pas que nous sommes tenus de dresser une liste.

Le sénateur Massicotte : Je crois que oui. J'ai lu votre déclaration à l'ARC. Cette information est confidentielle, mais on vous demande spécifiquement de nommer chaque donateur dont le don s'élève à plus de 10 000 $. Je suppose que cela comprend seulement les non-résidents, et non les donateurs canadiens.

Le sénateur Lang : C'est exact.

Le président : C'est ce que l'on fait de cet argent qui compte.

Le sénateur Massicotte : Revenu Canada a cette information.

Le président : J'aimerais donner suite à la question du sénateur Massicotte sur les dons pour des projets précis. L'Oak Foundation est une organisation américaine, n'est-ce pas?

Mme Goodman : En fait, il s'agit d'une organisation européenne.

Le président : L'Oak Foundation a versé la somme de 200 000 $ américains à Tides Canada pour l'élaboration d'une nouvelle vision énergétique pour le Canada, et l'établissement d'un plan et d'un programme visant à réduire les émissions de 80 p. 100 d'ici 2050. Elle lui a également versé la somme de 50 000 $ américains pour la mise en place d'une initiative énergétique, y compris un plan stratégique quinquennal visant à convaincre le Canada d'adopter l'objectif à long terme de réduire de façon marquée ses émissions de GES. Il s'agissait d'un fonds pour un projet précis. Madame Smith, vous nous avez parlé du rapport A New Energy Vision for Canada, qui a été financé par l'Oak Foundation. Nous en avons parlé.

Disons qu'il s'agit d'une idée de projet. Vous vous adressez aux représentants de l'Oak Foundation et leur dites que vous aimeriez rédiger un rapport sur l'énergie. Vous leur demandez de financer cela. Est-ce que c'est de cette manière que les choses se font? Pourquoi les Européens voudraient-ils financer A New Energy Vision for Canada plutôt qu'une nouvelle vision pour le Liechtenstein, le Danenark ou un autre pays?

Mme Smith : Ils financeront ces projets aussi. Une fondation comme celle-là, qui est très grande, finance des projets en Chine, en Inde, aux États-Unis, et cetera.

Le sénateur Brown : J'ai mentionné que Mme Smith était, j'imagine, la première personne à dire que, en ce qui concerne l'environnement, nous travaillons à une société planétaire. Pourquoi mettons-nous l'accent sur le Canada? Une grande partie de ce que le sénateur Neufeld a dit sonne très juste. Nous produisons 2 p. 100 des GES mondiaux, et les sables bitumineux produisent 0,05 p. 100 de ces derniers, ce qui est une infime fraction de 1 p. 100. En ce qui concerne les GES, notre plus gros problème, au Canada, est le transport. Si l'on veut vraiment faire quelque chose au Canada pour réduire nos émissions, je pense que nous devons nous concentrer sur le transport.

Général Motors a déjà abandonné sa voiture électrique, à savoir la Volt, parce qu'il y avait de vrais problèmes avec le véhicule. Il y a une solution qui existe, et elle fonctionne : le gaz naturel liquéfié, ou le GNL. On l'utilise pour les moteurs de certains gros camions, mais ces derniers sont très peu nombreux. Ce genre de projets bénéficierait d'investissements importants parce que l'on pourrait probablement réduire nos émissions de 50 p. 100 en remplaçant simplement le carburant diesel ou l'essence dans les moteurs par du GNL. Si vous voulez vraiment faire quelque chose de précis et d'utile au Canada, je vous suggère de travailler à cela.

Mme Smith : J'aimerais peut-être simplement faire un commentaire à l'intention du sénateur. Tides Canada Energy Initiative travaille avec certains autres ONG et certaines compagnies pétrolières pour trouver des solutions concrètes relatives au transport, dans les véhicules électriques et le gaz comprimé pour les parcs de véhicules commerciaux. Nous avons présenté des recommandations au gouvernement en vue de faire avancer et de promouvoir ce genre d'initiatives de transport dans certaines grandes villes afin qu'elles fassent partie de la solution.

Le sénateur Brown : Je vous rappelle que le plus gros problème en ce qui concerne le transport, ce sont les gros camions qui traversent le pays et qui s'arrêtent dans toutes les villes, jour après jour, semaine après semaine, mois après mois et année après année. C'est le plus gros problème. Ce ne sont pas les voiturettes que nous conduisons. Ce sont les immenses moteurs des gros camions qui brûlent du carburant pour transporter tout ce que nous produisons : les produits agricoles, les aliments, l'acier, le ciment, et cetera. Les moteurs électriques ne peuvent pas régler ce problème.

Le sénateur Raine : Je trouve cela très intéressant. J'avais seulement une question de suivi sur le statut de Tides Canada du point de vue de l'ARC. Si j'ai bien compris, Tides est une organisation caritative qui accepte des dons et délivre des reçus pour ces derniers, puis, sans intervenir dans la décision, transmet l'argent directement aux projets choisis par les donateurs. Est-ce exact?

Mme Goodman : Comme toutes les fondations communautaires, nous tenons compte des recommandations de nos donateurs en ce qui concerne l'octroi des subventions. C'est généralement le cas. Oui.

Le sénateur Raine : Je réunis des fonds pour le sport depuis de nombreuses années. Il est absolument interdit pour une organisation sportive d'accepter un don pour un athlète donné et de délivrer un reçu officiel au donateur. Nous n'avons pas le droit de faire ça. Si l'utilisateur final des fonds n'est pas une organisation caritative, comment se fait-il que l'ARC vous permette de délivrer un reçu officiel pour dons de bienfaisance?

Mme Goodman : Le bénéficiaire final est une organisation caritative.

Le sénateur Raine : Tous les bénéficiaires de vos subventions sont des organismes de bienfaisance enregistrés.

Mme Goodman : Ils sont des organismes de bienfaisance enregistrés ou, dans certains cas, très peu nombreux, nous pouvons passer un contrat avec des organismes sans but lucratif pour qu'ils entreprennent des activités caritatives précises en notre nom, ce qui est conforme aux lignes directrices de l'ARC. Nous recevons des fonds de fondations, de particuliers, d'entreprises et de gouvernements, et les octroyons à des donateurs qualifiés en conformité avec les lignes directrices de l'ARC.

Le sénateur Raine : J'ai une question concernant les éoliennes. Dernièrement, j'ai lu des analyses qui donnent à penser que les éoliennes ne sont peut-être pas la solution. Je me demandais si, selon vos recherches, les éoliennes et leurs coûts soulèvent des préoccupations dans le monde. La construction d'éoliennes est une entreprise onéreuse. Évidemment, la Chine fait beaucoup d'argent grâce à la vente d'éoliennes, mais, en fait, je ne crois pas qu'elle procède à l'installation de parcs éoliens. En l'absence de subventions gouvernementales, je ne crois pas que ce soit la solution à privilégier. Dans vos recherches liées à la nouvelle vision pour le Canada, avez-vous examiné les éoliennes en tant que solution en matière d'énergie durable?

Mme Smith : En fait, nous ne croyons pas qu'il y a une seule réponse. L'une des difficultés liées à cette transition énergétique, c'est le fait que nous utilisons peu de sources d'énergie et que nous devons en utiliser plus; les éoliennes font partie de cette solution. Elles sont efficaces dans certaines régions et, évidemment, elles le sont moins dans d'autres, où d'autres sources d'énergie doivent être mises en place. Toutefois, nous ne devons pas oublier que le gouvernement a massivement subventionné les sables bitumineux canadiens pour lancer ce projet. Il y a des gens qui travaillent depuis des décennies pour faire des sables bitumineux un projet économique viable. Le gouvernement devra investir des sommes semblables dans les nouvelles formes d'énergie, comme il l'a fait et continue de le faire pour le pétrole et le gaz.

Il faut comprendre que, à mesure que cette transition sociétale massive s'effectue, un grand nombre des projets dans lesquels nous devrons investir seront des projets d'infrastructure de transport. La restructuration de nos villes, qui est une autre composante importante de cette solution, permet la construction d'immeubles plus efficaces, la densification de lieux et une transformation de la manière dont nous faisons les choses, comme le travail, de manière à ce que les gens ne fassent pas tous la navette jusqu'au bureau, cinq jours par semaine, par exemple.

Il s'agit de vastes projets d'infrastructure qui auront besoin de capital provenant de diverses sources et qui prendront du temps. Nous devons aborder la transition que nous vivons de cette manière.

Le président : Il nous reste 15 minutes, au plus. Il y a le Comité des banques qui commence à s'installer. J'ai quatre sénateurs pour la deuxième série de questions. Je vous demanderais d'être brefs dans vos questions et vos réponses.

Le sénateur Mitchell : J'aimerais simplement revenir sur votre point concernant les sables bitumineux. C'est le gouvernement canadien qui a acheté une grande partie des actions pour l'exploitation des sables bitumineux dans les années 1970, sans quoi rien ne se serait passé. Ces investissements commencent à porter leurs fruits. Au début des années 1990, le prix du pétrole était de 10 $ le baril, et il coûtait 25 $ pour produire un baril de pétrole des sables bitumineux. On a été assez perspicaces pour voir que, compte tenu des économies d'échelle, des nouvelles technologies et de la hausse des prix, le pétrole des sables bitumineux serait, un jour, au centre de notre économie. C'est cela, en fait, que vous avez dit au sujet de ce genre de possibilité. Le monde s'en va dans cette direction, et nous devons peut-être faire preuve de prévoyance et prêter attention à l'endroit où se dirige la rondelle plutôt qu'à l'endroit où elle se trouve actuellement, comme on l'a dit si souvent de Wayne Gretzky.

Le président : Vous êtes censé poser la question, et non donner la réponse.

Le sénateur Mitchell : Je voulais revenir sur votre point concernant l'efficacité énergétique. Dans un certain sens, vous êtes en train de dire qu'il y a beaucoup de possibilités. Nous pourrions tout simplement éteindre les lumières dans les tours la nuit. Vous avez souligné les avantages économiques, et il y a toute la question de la productivité au Canada. Lorsque nous réduisons nos coûts en conservant de l'énergie, automatiquement, nous accroissons notre productivité, n'est-ce pas?

Mme Smith : Oui.

Le sénateur Mitchell : Le sénateur Angus a soulevé une question concernant l'Oak Foundation et son objectif de réduction de 80 p. 100. Il s'agit de cibles importantes en ce qui concerne les changements climatiques, mais, clairement, le gouvernement du Canada — le gouvernement conservateur — affirme qu'il a des objectifs ambitieux en ce qui concerne le changement climatique. Lorsque vous acceptez de l'argent de l'Oak Foundation pour trouver des moyens d'atteindre ces objectifs, vous appuyez, en fait, une initiative du gouvernement canadien.

Mme Smith : C'est exact. Tous les objectifs décrits ici, comme la réduction de 80 p. 100 d'ici 2050 ou celle de 17 p. 100 d'ici 2020, reflètent des choses auxquelles le gouvernement du Canada s'est engagé. Nous n'avons rien ajouté au-delà des engagements pris par le gouvernement du Canada.

Le sénateur Mitchell : Vous êtes absolument conséquents, et nous recevons de l'argent de l'étranger pour aider le gouvernement à atteindre ses objectifs. C'est fantastique. Non seulement cela, mais, pour des projets comme la forêt pluviale Great Bear, vous travaillez, en fait, en partenariat avec le gouvernement du Canada, qui a un partenariat direct avec ForestEthics. N'est-ce pas? Vous ne contrecarrez pas cela. Vous n'allez pas du tout à l'encontre de ses objectifs ou, par conséquent, des objectifs des Canadiens.

Mme Smith : En ce qui concerne la forêt pluviale Great Bear, le gouvernement fédéral, le gouvernement provincial et les fondations travaillent en partenariat. Ce n'était pas ForestEthics; c'était les fondations. Tides Canada a reçu de l'argent des fondations américaines.

Le sénateur Mitchell : Je pense que l'un des sénateurs a voulu laisser entendre que, comme vous ne financez pas le côté déjà extrêmement bien financé du débat, d'une certaine manière, vous prenez parti. Le parti que vous prenez est celui de l'équilibre et du débat public. Vous voulez que tous les points de vue soient entendus. Il serait malaisé de dire qu'une personne qui se préoccupe des pêches et de l'environnement de la Colombie-Britannique est moins canadienne qu'une personne qui se préoccupe de la création d'emplois qui pourraient, dans une certaine mesure, créer des risques pour d'autres emplois et nuire à d'autres valeurs importantes. Ces personnes sont toutes deux Canadiennes; elles doivent être entendues. C'est ce que vous dites?

Mme Smith : Oui. Nous avons pris le parti de l'environnement et nous contribuons à faire entendre ce point de vue. Ce secteur a évidemment moins de ressources que le secteur des entreprises.

Le sénateur Mitchell : Beaucoup moins.

Mme Smith : À n'en pas douter. Cela ne surprendra personne.

Le sénateur Mitchell : Quelle proportion de votre financement provient des États-Unis? Trois pour cent?

Mme Goodman : Trente-trois pour cent au cours des trois dernières années.

Le sénateur Mitchell : C'est quand même bon. Merci.

Le sénateur Lang : J'aimerais revenir sur la question de l'information du public et de la transparence, ainsi que sur le fait que l'on a accordé beaucoup d'importance aux intérêts américains dans notre débat public. Nous devons revenir sur la nature de l'organisation caritative. Je ne sais pas qui voudra répondre; mais vous avez expressément dit que Tides Canada n'est pas contre les sables bitumineux, les pipelines et les autres projets d'exploitation des ressources. Pourtant, le sénateur Neufeld a soulevé la question de la campagne contre les pétroliers-caboteurs qui a été lancée par la Dogwood Initiative, que vous connaissez, je crois. Si j'ai bien compris, Tides Canada, en tant qu'organisation, est un partenaire de deux fondations américaines qui s'opposent au passage de pétroliers sur la côte de la Colombie- Britannique, ce qui veut essentiellement dire que la construction d'un pipeline pour transporter le pétrole des sables bitumineux serait inutile parce qu'il serait impossible d'assurer le transport du carburant à partir de la côte.

Je vais vous poser la question encore une fois parce que je pense que vous voulez le beurre et l'argent du beurre. Il est important de clarifier les choses pour le compte rendu. Si vous êtes contre l'exploitation des sables bitumineux et le Gateway, je pense que vous devriez le dire parce que vous recevez tout cet argent américain qui est géré par votre organisation et, en même temps, vous travaillez en partenariat avec ces fondations à diverses initiatives qui ont des répercussions directes ou indirectes sur ce projet particulier. Pour conclure, apparemment, un rapport fédéral a été publié il y a quelques semaines selon lequel, sous réserve de certaines dispositions, le transport de pétrole le long de la côte serait sécuritaire si certaines mesures sont prises pour garantir que les voies navigables sont respectées.

Maintenant que vous avez accès à cette politique, travaillez-vous toujours en collaboration avec la Dogwood Initiative et êtes-vous prêt à examiner cette politique pour déterminer si elle est viable, ou êtes-vous toujours contre le trafic de pétroliers sur la côte? Le cas échéant, que dites-vous des 1 500 pétroliers qui sont actuellement sur la côte?

Mme Goodman : Notre mandat consiste à promouvoir un environnement sain et une société canadienne juste. Nous appuyons et finançons des groupes qui font valoir des points de vue environnementaux. Parfois, ils font valoir ces points de vue en vue de contrebalancer l'importance considérable qui est accordée aux dimensions économiques dans les débats publics. Nous croyons qu'il s'agit d'une activité tout à fait légitime qui représente les points de vue de nombreux Canadiens. Comme je l'ai déjà dit, une très petite proportion de ce que nous faisons est liée aux sables bitumineux et aux activités liées aux pipelines. Même si 97 p. 100 de ce que nous faisons n'a rien à voir avec cela, nous croyons qu'il s'agit d'un débat public très important qui exige un équilibre, compte tenu de l'importance des ressources gouvernementales et industrielles qui sont investies dans la promotion d'un intérêt économique particulier.

Mme Smith : Est-ce que je peux ajouter quelque chose? Je pense qu'il y a de la confusion. Nous avons parlé des investissements de fondations américaines, puis de l'argent versé à des groupes environnementaux qui luttent contre les sables bitumineux et les pipelines. Je voudrais vous rappeler que la grande majorité des investissements de ces fondations américaines, qui sont gérés par Tides Canada, ne sert pas à combattre les pipelines ou les sables bitumineux. Comme Mme Goodman l'a dit, au total, seulement 3 p. 100 de nos fonds sont consacrés à ce dossier. Trente-trois pour cent de nos fonds proviennent des États-Unis. La plupart de ces fonds servent à d'autres fins.

Je pense qu'il y a beaucoup de confusion parce qu'on lance des chiffres et parce qu'on nous parle d'enjeux énergétiques sans faire de distinction. La majeure partie de cet argent est investi dans des initiatives de croissance économique, qui sont financées conjointement par le gouvernement et l'industrie, et qui visent à favoriser la création de collectivités durables et la croissance économique durable.

Le sénateur Lang : J'aimerais approfondir cette question davantage. Tout dépend de la manière dont on définit le soutien fourni à ce type d'industrie par rapport à d'autres aspects de l'économie, en l'occurrence la Colombie- Britannique. Tout d'abord, diriez-vous donc que les 6 ou 7 millions de dollars qui ont été investis cette année par, je crois, la fondation Betty Moore, pour la planification du parc marin sur la côte Ouest, de Vancouver jusqu'à l'Alaska, sont liés à l'industrie pétrolière et gazière ou auraient des répercussions sur cette dernière? Ensuite, comment cette fondation peut-elle être objective si elle dépense tout cet argent et s'est prononcée très clairement contre le trafic de tout pétrolier sur la côte?

Mme Smith : J'ai consacré beaucoup de temps aux enjeux liés à l'utilisation des forêts et des terres sur la côte de la Colombie-Britannique. J'ai siégé à la table de planification de l'utilisation des ressources côtières continentales et maritimes de 1996 à 2001. À l'époque, le gouvernement a reconnu qu'il ne pouvait pas planifier l'utilisation des terres et l'utilisation des ressources maritimes dans le cadre d'un seul processus. C'était à la fin des années 1990. Il a donc mis fin à cela aux alentours de — je ne me souviens pas de l'année exacte — 1998 ou quelque chose comme cela. Il a mis fin à un plan d'utilisation des ressources maritimes de haut niveau et s'est engagé auprès des collectivités à planifier l'utilisation des ressources maritimes dans le centre et le nord de la région côtière de la Colombie-Britannique. C'était bien avant la proposition relative à la construction d'un pipeline par Enbridge dans cette région. Le gouvernement n'a pas pu tenir son engagement en raison d'un manque de ressources.

Il s'agit d'un engagement qui a été pris dans les années 1990. Un certain nombre de choses se sont passées, dont la conclusion d'accords sur l'utilisation des terres, ce qui a permis la participation de certaines de ces fondations et attiré des fonds pour la planification des zones marines. Il s'agit d'un engagement pris par le gouvernement fédéral il y a très longtemps; je ne sais pas exactement en quelle année, mais je crois que c'était en 1998 ou 1999.

Le sénateur Lang : Vous n'avez pas répondu à ma question. Je voulais savoir comment vous déterminiez combien d'argent est consacré aux études sur le pétrole et le gaz par rapport aux autres aspects sur lesquels vous vous penchez. J'ai souligné que la fondation américaine qui a investi 6 millions de dollars pour le financement du parc marin de PNCIMA s'oppose essentiellement à la présence de pétroliers-caboteurs le long de la côte. Est-ce que l'on tient compte de cela? Toute décision prise à cet égard aura des répercussions sur la construction d'un pipeline.

Mme Goodman : Les fonds versés par la fondation Gordon and Betty Moore sont affectés au processus de PNCIMA. Il n'est pas question d'un parc. Il s'agit de planifier l'utilisation des ressources maritimes, de délimiter des zones à des fins particulières et de trouver un équilibre entre l'environnement et d'autres enjeux. Il s'agit d'un bon exemple de la manière dont Tides Canada et une fondation américaine avertie essaient de travailler en partenariat avec le gouvernement. Selon le processus qui était prévu, les fonds versés étaient censés être dirigés par le gouvernement fédéral, le gouvernement provincial et les Premières nations.

La Fondation Moore et Tides Canada n'allaient pas avoir leur mot à dire en ce qui concerne la manière dont les fonds seraient utilisés. Il s'agissait d'une solution novatrice qui tenait compte de conditions financières difficiles. Nous croyons que c'est ce genre de modèles de financement novateurs que le gouvernement devrait adopter. L'Office national de l'énergie, par exemple, reçoit 90 p. 100 de son financement des entreprises qu'il réglemente. Il n'a aucun mal à cela à condition que les bons processus soient en place pour garantir la transparence et prévenir toute influence indue. La même chose s'applique au processus de PNCIMA. Pour nous, il s'agissait d'une occasion de travailler en collaboration avec les Premières nations, le gouvernement fédéral et le gouvernement de la Colombie-Britannique, et de garantir un processus de planification robuste fondé sur des données scientifiques solides et la participation efficace d'intervenants, ce qui mènerait à de bonnes politiques publiques. À mon avis, on ne peut pas laisser entendre que les fonds versés par la fondation Moore pousseraient le gouvernement Harper à prendre des mesures qui vont à l'encontre des intérêts pétroliers. Selon moi, cela n'est pas du tout crédible.

Le sénateur Wallace : J'aurais un bref commentaire. Cela vous sera peut-être utile à l'avenir, et c'est lié aux commentaires des sénateurs Lang et Neufeld sur le projet Northern Gateway et la question de savoir si les pétroliers devraient avoir accès à la zone qui longe la côte Ouest.

Je suis originaire du Nouveau-Brunswick, qui est la petite province adjacente au Québec, à l'autre bout du pays. Je vis à l'extérieur de Saint John. La plus grande raffinerie de pétrole au pays — elle produit 300 000 barils par jour — se trouve à Saint John, comme vous le savez peut-être. Elle existe depuis 50 ans. Le pétrole brut arrive à la raffinerie dans des pétroliers à double coque de deux millions de barils. Cela fait très longtemps que le pétrole brut est transporté efficacement de cette manière le long de la côte Est. Il est utile de le savoir lorsque l'on examine la situation de la côte Ouest.

Environ 70 p. 100 des produits pétroliers raffinés qui sortent de la raffinerie ont comme destination la côte Est des États-Unis. Les déplacements sont continus; des pétroliers transportant 300 000 barils de produits pétroliers raffinés vont de Saint John à Boston et ailleurs le long de la côte de l'Atlantique. L'histoire de l'industrie pétrolière du Nouveau-Brunswick est longue, et il vous serait peut-être utile d'en tenir compte avant de tirer vos conclusions concernant la côte Ouest.

Le sénateur Neufeld : J'aimerais savoir ce qui constitue de l'énergie propre de l'avis de Tides Canada? Vous avez sûrement une liste de critères. Peut-être l'avez-vous entre les mains. Pouvez-vous m'en faire part maintenant?

Mme Smith : Je peux vous fournir une liste plus exhaustive dans les jours qui suivent, mais nous décrivons un large éventail de critères dans la nouvelle vision énergétique. Ces critères comprennent l'efficacité énergétique dans le contexte de l'ensemble de sources d'énergie et de technologies propres.

Le sénateur Neufeld : L'efficacité énergétique : je le sais, mais j'aimerais savoir comment vous définissez l'énergie propre telle qu'elle s'applique au carburant des véhicules, à l'électricité et à toutes ces choses.

J'aimerais clarifier quelque chose. Lorsque l'on dit que le secteur de l'énergie de remplacement ne reçoit pas de subventions, c'est faux. Je sais que c'est faux. On ne doit pas dire que l'industrie pétrolière et gazière ou l'industrie pétrolière est la seule à recevoir des subventions. Pour ce qui est des sables bitumineux, cela fait longtemps. Je sais que, en Colombie-Britannique, nous versons des subventions énormes pour la production d'énergie de remplacement sous toutes ses formes. Nous investissons beaucoup d'argent dans les sources de remplacement, la bioénergie et ce genre de choses; il s'agit de sommes considérables. Je siège au Comité permanent des finances nationales et j'ai récemment examiné la liste des dépenses de RNCan. Si ma mémoire est bonne, il y a longtemps, le gouvernement fédéral s'est engagé à verser 27 millions de dollars pour de l'énergie propre au coût de un cent le kilowatt. On dépense des sommes énormes pour essayer de réduire le coût de la production d'énergie de remplacement de manière à rendre cette activité aussi abordable que la production d'autres formes d'énergie.

Ces choses se font déjà. Il ne faut pas l'oublier. C'est pourquoi je dis toujours que le Canada est un pays formidable. Je l'adore. Je pense que nous faisons bonne figure et que nous devrions continuer dans cette direction. Je suis d'accord avec vous lorsque vous dites que nous pouvons faire mieux. Nous pouvons toujours faire mieux, mais nous devons faire attention de ne pas tuer la poule aux œufs d'or en essayant de faire mieux. J'aimerais savoir ce qui, selon vous, constitue de l'énergie propre. Vous n'approuvez pas le nucléaire. Je l'ai bien compris.

Le président : Elle n'a pas dit cela. Elle a dit peut-être.

Le sénateur Neufeld : Peut-être, peut-être pas. Il est difficile d'éviter de prendre position en ce qui concerne le nucléaire. Approuvez-vous la production massive d'hydroélectricité et ce genre de choses? Ce n'était pas indiqué dans le document. J'ai lu votre document.

Mme Smith : Dans le document, nous disons que le nucléaire doit faire l'objet de discussions. Il est question de...

Le sénateur Neufeld : Je peux vous dire quelque chose au sujet des personnes qui ne prennent pas position, mais je ne le ferai pas.

Le président : Laissez le témoin finir, s'il vous plaît.

Mme Smith : Dans le document, nous parlons des sources d'énergie à faible teneur en carbone. À Tides Canada, notre approche consiste à rassembler les gens pour trouver des solutions en collaboration. C'est pourquoi nous ne prenons pas position à l'égard du nucléaire. Je crois que le document laisse entendre qu'il s'agit d'un sujet brûlant qui doit faire l'objet d'une conversation sur une éventuelle stratégie énergétique pour le Canada. Cela est inévitable.

En ce qui concerne les subventions, je suis d'accord avec vous. Je pense que l'on m'a demandé ce que nous pensions des subventions pour les éoliennes, et j'ai répondu que nous en aurions besoin. Je n'ai pas dit qu'il n'en avait pas. Je reconnais que des subventions sont versées dans des endroits comme la Colombie-Britannique et l'Ontario, en particulier. Il faut accroître cela. Il faut construire cette industrie. Cela exigera davantage de soutien, ce qui pourrait comprendre d'autres types de politiques qui établiront des conditions équitables. Je suis d'accord avec vous. Il se fait de belles choses au Canada, et nous devons le reconnaître et en être fiers.

Le président : Mesdames et messieurs les sénateurs, madame Smith et madame Goodman, nous avons eu une très bonne séance. J'espère que nos deux invitées se sont plu. Vous avez été magnifiques. Vous êtes très renseignées, vous vous exprimez très bien, et ce sujet, qui intéresse beaucoup tous les Canadiens et le comité, en particulier, vous tient clairement à cœur. J'espère que vous croyez avoir eu l'occasion de décrire des activités de Tides Canada.

Avant de partir, je vous soulignerais tout simplement qu'il serait peut-être préférable pour vous de ne pas être liées à Tides USA. Je ne crois pas que vous ayez montré aujourd'hui que ces deux organisations sont distinctes. Les Américains vous versent beaucoup d'argent, et les deux organisations partagent le même modèle et le même nom. Si vous voulez vous dissocier de votre homologue américain dans l'esprit de la population canadienne dans son ensemble, vous voudrez peut-être changer de nom. C'est le petit commentaire que je voulais faire ex cathedra. J'aimerais aussi remercier les membres du comité. Les questions étaient bien ciblées, et nous repartirons aujourd'hui avec une meilleure idée de ce que vous faites. Merci beaucoup.

(La séance est levée.)


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