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ENEV - Comité permanent

Énergie, environnement et ressources naturelles

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent de
l'Énergie, de l'environnement et des ressources naturelles

Fascicule 23 - Témoignages


OTTAWA, le jeudi 17 mai 2012

Le Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles se réunit aujourd'hui, à 8 h 6, pour étudier la teneur des éléments de la Partie 3 du projet de loi C-38, Loi portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 29 mars 2012 et mettant en œuvre d'autres mesures.

Le sénateur W. David Angus (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Bonjour à tous. Ceci est une réunion du Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles. J'aimerais souhaiter cordialement la bienvenue à nos trois témoins, aux membres du comité, aux téléspectateurs du réseau CPAC et aux internautes sur le web.

Une de nos bonnes amies se joint à nous par vidéoconférence. Brenda Kenny est présidente-directrice générale de l'Association canadienne de pipelines d'énergie.

Brenda, nous entendez-vous?

Brenda Kenny, présidente et chef de la direction, Association canadienne de pipelines d'énergie : Oui. M'entendez-vous?

Le président : Oui. Je voulais simplement vérifier.

Nous continuons ce que nous considérons comme une étude préalable du projet de loi C-38, qui est l'actuelle mesure législative portant exécution du budget, un minuscule document d'à peine 427 pages. Nous en examinons la partie 3, qui porte sur un processus que le gouvernement espère mettre en œuvre afin d'accélérer et de simplifier le processus d'évaluation environnementale et d'autres facteurs dans le cas des projets de développement des ressources.

Nous en sommes à notre deuxième réunion sur le sujet et nous espérons fournir un second examen objectif préliminaire sur cette mesure législative. Je m'appelle David Angus. Je préside le comité et je viens de Montréal, au Québec. À ma droite, nous avons les gens de la Bibliothèque du Parlement, Sam Banks et Marc LeBlanc. À la droite de Marc, vous voyez le sénateur George Baker, de Terre-Neuve-et-Labrador, puis le sénateur Robert Peterson, de la Saskatchewan, ainsi qu'un sénateur de passage au comité, un très éminent gentleman, le sénateur Jim Munson, du Nouveau-Brunswick, je crois, même s'il a aussi des pied-à-terre dans d'autres régions de ce formidable pays. Soyez le bienvenu, sénateur Munson.

Le sénateur Munson : Je représente l'Ontario, mais mon cœur est au Nouveau-Brunswick.

Le président : À ma gauche, vous voyez notre compétente greffière, Mme Lynn Gordon. Ensuite, dans l'ordre, nous avons le sénateur Judith Seidman, de Montréal, au Québec; le sénateur Janis Johnson, du Manitoba; le sénateur Daniel Lang, du Yukon; le sénateur Dennis Dawson, du Québec; le sénateur John Wallace, de Saint John, au Nouveau-Brunswick; le dernier, mais non le moindre, est le sénateur Bert Brown, de l'Alberta.

Nous attendrons quatre témoins aujourd'hui. Êtes-vous à Calgary ou à Edmonton aujourd'hui, Mme Kenny?

Mme Kenny : Je suis à Calgary ce matin.

Le président : Eh bien, il doit être tôt là-bas. Merci beaucoup de vous joindre à nous à une heure qui nous paraît même parfois impossible, ici à Ottawa. Nous croyons savoir que vous allez parler en premier, mais avant de vous demander de commencer, je tiens à dire que Mme Kenny est une très bonne amie du comité. Depuis que j'occupe la présidence, elle a comparu quatre fois devant le comité en raison de son expertise dans le domaine de l'énergie.

Nous accueillons aussi M. Ross Gallinger, qui est directeur exécutif de l'Association canadienne des prospecteurs et entrepreneurs. Bonjour et bienvenue, monsieur Gallinger.

Nous entendrons également, de l'Association minière du Canada, M. Pierre Gratton, qui est président-directeur général, et Mme Justyna Laurie-Lean, qui est vice-présidente, Environnement et santé.

Sans plus tarder, chacun fera son exposé, puis nous passerons aux questions. Madame Kenny, allez-y, je vous prie.

Mme Kenny : Merci beaucoup. Aujourd'hui, j'ai un exposé plutôt informel qui, je l'espère, servira de point de départ pour vos délibérations. Je félicite le comité sénatorial d'avoir entrepris des discussions préliminaires sur ces questions importantes et je reconnais que vous devrez jouer un rôle essentiel si cette mesure législative est adoptée à la Chambre des communes. En guise d'entrée en matière, l'industrie des pipelines est très heureuse des améliorations proposées dans le projet de loi. Dans les grandes lignes, j'aimerais vous présenter des commentaires sur l'ensemble du contenu.

Premièrement, l'une des principales caractéristiques est la consolidation du processus de prise de décision. J'aimerais souligner que ce n'est pas une idée nouvelle. En fait, au fil du temps, cela a été proposé par plusieurs gouvernements distincts. La directive du Cabinet, selon laquelle il faut un seul examen par projet, a été mise en place il y a plusieurs années, et l'idée selon laquelle la prise de décision intégrée est un élément essentiel du développement durable a été mise de l'avant depuis Rio, il y a plus de 20 ans. Plusieurs autres gouvernements dans le monde ont agi pour s'assurer que les évaluations environnementales sont précises et axées sur ce qui importe le plus aux décideurs et, idéalement, qu'elles seront intégrées aux décisions qui seront dans l'intérêt du pays. C'est ce qui est au cœur des changements proposés.

En ce qui a trait aux questions liées aux pipelines, bien entendu, c'est particulièrement important, parce que si la plupart des pipelines de transport — parmi lesquels on compte plusieurs systèmes importants s'étendant sur plus de 100 000 kilomètres et qui servent à combler les besoins énergétiques du Canada de même que ses besoins en matière d'exportation — franchissent une frontière provinciale ou nationale, ils seront réglementés par l'Office national de l'énergie. Je voudrais faire remarquer que cet organisme existe depuis plus 50 ans, et qu'il a été créé en vertu de la Loi sur l'Office national d'énergie. Il a extrêmement bien servi le Canada. Aux termes de cette loi, nous avons un organisme appelé l'Office national de l'énergie, qui compte d'éminents spécialistes dont le rôle est d'assurer la réglementation des réseaux de pipelines tout au long de leur cycle de vie. La consolidation nous offre une occasion importante de réunir un ensemble de connaissances qui peut être utilisé pendant l'étape très importante qu'est l'évaluation d'un projet.

Le deuxième aspect clé est la prévisibilité. À l'occasion d'autres audiences et discussions, on a reconnu qu'il s'agissait d'un aspect important, tant en ce qui concerne la planification à l'échelle nationale que pour attirer les investissements. De toute évidence, si le gouvernement demande à quelqu'un de mettre en œuvre d'importants projets, qu'il s'agisse d'infrastructures essentielles ou d'investissements qui permettront de créer des emplois et assurer la prospérité du pays, on doit savoir s'il faudra investir ces 10 milliards de dollars si le projet est approuvé dans environ deux ans, ou 10 ans. Ces quelques dernières années, nous avons observé une baisse considérable de la certitude à cet égard, ce qui a entraîné d'importantes difficultés en ce qui a trait à la planification des projets et l'attraction des investissements. Nous avons certainement observé qu'en pratique, lorsque le processus est rigoureux, il n'y a aucune raison pour laquelle 15 ou 24 mois ne seraient pas amplement suffisants pour examiner les points qui suscitent des préoccupations, étudier les faits et s'assurer que tous les facteurs clés sont pris en compte, et ce, même pour un projet important.

J'aimerais aussi souligner que plusieurs caractéristiques du projet de loi sont très axées sur la simplification des choses et sur le bon sens. Il nous arrive souvent de perdre cela de vue, et je reconnais que beaucoup de personnes voudront savoir pour qui ces choses ont un sens. De toute évidence, un des aspects importants dans ce cas, est celui qui consiste à passer des éléments déclencheurs de la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale — qui sont liés à la question de savoir si le gouvernement fédéral a pris une décision ou non — à des éléments déclencheurs fondés sur l'évaluation de l'importance des effets que pourrait avoir le projet étudié sur l'environnement. C'est essentiel. Cela permet au gouvernement du Canada et aux intervenants clés de se concentrer sur ce qui est important.

Par exemple, prenons les eaux navigables. Bien entendu, en ce qui concerne un pipeline, franchir une voie navigable est un obstacle important, mais si on examine une infrastructure essentielle qui s'étend sur 1 000 kilomètres du territoire canadien, on constate rapidement qu'il faudra franchir 100 voies navigables ou plus. S'attendre à ce que même après qu'un projet ait été jugé conforme aux plus hautes exigences en matière d'intérêt du public il soit possible, en fait, de le bloquer parce qu'un passage aménagé sous un cours d'eau pourrait nuire, un jour, à quelqu'un qui s'adonne au canotage est un peu extrême, c'est le moins qu'on puisse dire. Je pense que nous avons résolu beaucoup de ces choses. Grâce à la consolidation, nous sommes certainement en mesure de réunir les faits et d'examiner les problèmes en fonction de l'ensemble du projet et de l'intérêt général du public. Ainsi, on peut s'assurer de réduire les problèmes et de mettre en place des conditions qui permettront au Canada d'obtenir les meilleurs résultats possible.

Dans le cadre de ces audiences, il est tout aussi important de se concentrer sur les parties directement touchées et sur les gens qui ont des informations pertinentes et de l'expertise. Le rôle de tout bon organisme de réglementation est de prendre connaissance des questions les plus essentielles et les plus importantes, de les étudier de façon transparente et de permettre l'examen de faits contradictoires et une étude approfondie de ces questions essentielles. Les preuves importantes sont celles des parties qui seront directement touchées et les informations présentées qui auront la plus grande incidence sur sa considération. Manifestement, les consultations de la Couronne constituent un des éléments essentiels à cet égard, et nous avons hâte d'avoir plus de précisions sur ce point. Nous sommes très favorables à des consultations de la Couronne adéquates.

Le dernier commentaire que j'aimerais faire, c'est que le projet de loi contient de nouveaux outils d'application qui portent spécifiquement sur la Loi sur l'Office national de l'énergie, auxquels nous sommes très ouverts et que nous appuyons sans réserve. Dans tout régime de réglementation moderne, pouvoir disposer de divers outils est important. Dans le cas présent, il y a de bonnes idées, comme la capacité d'imposer des amendes, ce que l'Office national de l'énergie n'a jamais pu faire, les échelons d'application et les différentes options en matière d'outils d'application, dont je pourrais parler plus en détail lors de la période de questions, si vous désirez. Nous sommes favorables à ces mesures, même si nous reconnaissons au sein de l'industrie que certains de nos membres pourraient être visés par certaines de ces nouvelles règles d'application. Mais en fin de compte, il s'agit d'être favorable à des outils qui permettront de changer les comportements. Le seul élément auquel je vous demanderais de réfléchir, c'est que les amendes ne devraient pas être considérées comme une mesure punitive, mais comme un ensemble d'outils visant à favoriser, appuyer et promouvoir les meilleurs résultats dans l'ensemble.

En conclusion, nous sommes très heureux de constater que la consolidation mène enfin à la mise en œuvre du principe d'un examen par projet. Beaucoup d'autres pays ont déjà franchi cette étape et le Canada trouvera cela très utile. Avoir des processus équitables, clairs, efficaces et menés en temps opportun est essentiel. Le fait qu'on se concentre sur ce qui est important de façon simple, précise et transparente est en effet le bienvenu.

C'était mon exposé. Merci de m'avoir donné l'occasion de comparaître aujourd'hui.

Le président : Merci, madame Kenny. Nous poursuivons avec M. Gallinger.

Ross Gallinger, directeur exécutif, Association canadienne des prospecteurs et entrepreneurs : Monsieur le président, mesdames et messieurs les sénateurs, bonjour. Je m'appelle Ross Gallinger, et je suis le directeur exécutif de l'Association canadienne des prospecteurs et entrepreneurs. Je vous remercie de m'avoir invité à comparaître devant le comité pour vous parler du projet de loi C-38 et du développement responsable des ressources.

Notre association, qui compte plus de 10 000 membres, tant des particuliers que des entreprises, a pour but de protéger et de promouvoir l'exploitation minière et le développement et vise à assurer la vitalité de l'industrie minière au Canada. Nous travaillons en étroite collaboration avec d'autres organismes tels que l'Association minière du Canada, la Chambre de commerce du Canada et l'Assemblée des Premières Nations, avec laquelle nous avons conclu un protocole d'entente.

L'ACPE soutient que l'exploration minérale, le développement des mines et des opérations minières peuvent être menés en conformité avec les principes de développement durable et en harmonie avec les priorités environnementales, sociales et économiques des Canadiens.

Notre association a créé un cadre pour aider les firmes de prospection à améliorer leurs pratiques en matière de responsabilité sociale d'entreprise, intitulé e3 Plus : Un cadre d'exploration responsable. Le cadre a été préparé grâce à l'importante participation des spécialistes de l'industrie, des organismes autochtones, des ONG, des universitaires, des gouvernements et des collectivités.

Les sociétés membres de l'ACPE exercent leurs activités dans des régions éloignées du Canada et ce sont principalement de petites et moyennes entreprises qui dépendent du financement par actions pour le financement des premières étapes de leurs activités d'exploration, qui comportent un risque plus élevé. Beaucoup de ces opérations se font à petite échelle, peut-être avec six employés à temps plein et un certain nombre d'employés saisonniers qui s'occupent de diverses tâches connexes à l'exploration minérale.

D'un bout à l'autre du Canada, l'exploration minérale et l'exploitation minière sont essentielles pour les petites collectivités rurales. Au cours des bouleversements économiques des dernières années, ces entreprises ont poursuivi leur investissement dans des projets canadiens, créant ainsi des emplois et des entreprises qui soutiennent l'industrie. De plus en plus, ces nouvelles entreprises appartiennent à des Autochtones et sont exploitées par des Autochtones, ce qui crée de nouvelles occasions partout au pays. L'exploration minérale est la première étape essentielle du cycle de l'exploitation minière et le Canada compte un certain nombre de caractéristiques formidables qui attirent les investissements. Nous avons une bonne géologie et les organismes publics qui œuvrent dans ce secteur fournissent de bons renseignements. Notre main-d'œuvre a accès à plusieurs programmes de formation et notre régime fiscal est concurrentiel.

En 2011, les dépenses d'exploration au Canada se sont élevées à 3,9 milliards de dollars, ce qui représente une augmentation importante par rapport aux 2,7 milliards qui ont été investis au Canada en 2010. Autrement dit, nous avons un formidable potentiel, et il est en croissance.

Afin de poursuivre sur cette lancée, l'ACPE et d'autres ont recommandé le crédit d'impôt pour l'exploration minière. Le crédit d'impôt et le financement par actions accréditives continuent de jouer un rôle essentiel puisqu'ils permettent aux petites sociétés de réunir les capitaux dont elles ont besoin, de maintenir les investissements au Canada et d'assurer la viabilité des activités d'exploration en surface dans les régions éloignées et nordiques, où les coûts de transport et de campement sur le terrain sont élevés. Nous sommes heureux de voir que le crédit d'impôt pour l'exploration minière est inclus dans le budget fédéral du 29 mars. Le projet de loi C-38 reconduirait le projet crédit d'impôt pour une année supplémentaire, jusqu'au 31 mars 2013.

Outre le fait de réunir des capitaux, beaucoup d'autres facteurs entrent en jeu pour qu'un programme d'exploration puisse aller de l'avant et connaître du succès. Une entreprise a besoin de gens qui ont reçu une formation professionnelle et qui sont expérimentés, de données géologiques, de l'accès aux terres aux fins de l'exploration et d'une réglementation claire et uniforme.

Notre association est encouragée par l'engagement du gouvernement fédéral à améliorer le cadre réglementaire. Nous avons en commun l'objectif de mettre en place un processus d'examen qui sera plus prévisible et plus rapide, qui réduit les chevauchements, qui renforce les mesures de protection de l'environnement et améliore le processus de consultation auprès des Autochtones. L'industrie de l'exploration minérale et de l'exploitation minière ont besoin d'un régime de réglementation efficace qui favorise l'investissement en fournissant une certitude et une prévisibilité accrue en ce qui a trait aux projets d'exploitation des ressources.

L'ACPE préconise une plus grande clarté pour ce qui est des exigences de l'État en matière de consultation, d'engagement des collectivités et d'autorisation des projets, et nous sommes encouragés par le fait que le plan de développement responsable des ressources comprend des mesures visant à s'assurer une plus grande participation des groupes autochtones dans le processus d'évaluation environnementale et de réglementation.

En conclusion, j'aimerais remercier le comité d'avoir donné à notre association l'occasion de vous rencontrer aujourd'hui. C'est avec plaisir que je répondrai à vos questions.

Le président : Merci beaucoup, monsieur Gallinger. Par simple curiosité, avez-vous aussi témoigné devant le comité de la Chambre des communes ou l'un des organismes de la Chambre qui étudie le projet de loi?

M. Gallinger : Pas encore.

Le président : Nous passons maintenant à M. Gratton, de l'Association minière du Canada.

Pierre Gratton, président et chef de la direction, Association minière du Canada : Je remercie beaucoup le comité de nous donner l'occasion de témoigner.

L'Association minière du Canada représente les producteurs de minéraux et les métallurgistes. Nos membres sont présents dans tous les territoires et toutes les provinces, sauf l'Île-du-Prince-Édouard. Ils sont engagés au développement durable dans le cadre d'un programme désormais reconnu mondialement intitulé Vers le développement minier durable. Pour être membre de l'Association, il faut prendre part au programme, qui comprend notamment l'établissement de rapports destinés au public et des vérifications du rendement menées par des tiers par rapport à toute une gamme d'indicateurs environnementaux et sociaux.

Comme vous le savez tous probablement, notre industrie jouit d'une période de croissance économique et de nouveaux investissements que l'on n'avait pas vus depuis des générations. Toutes les régions du pays en bénéficient. Si, de l'avis général, nous restons une industrie cyclique, nous devrions, pendant de nombreuses années, profiter de prix des métaux élevés.

Sans vouloir m'immiscer dans le dialogue que tiennent les premiers ministres et les chefs de l'opposition, j'ai pensé qu'il serait important de signaler au moins quelques points. Le boom des matières premières que nous connaissons survient dans tout le pays et pas seulement dans l'Ouest. J'aimerais donc faire quelques observations à ce sujet.

Au Québec, par exemple, on estime qu'il y aura cette année de nouveaux investissements miniers de l'ordre de 4,4 milliards de dollars, soit une augmentation de 65 p. 100 par rapport à l'année précédente. À Terre-Neuve, la valeur du secteur des mines et de la minéralurgie a quadruplé depuis l'an 2000. Le nombre de mines est passé de deux à huit depuis 2005 et c'est dans cette province que se font les plus grands investissements du pays dans le traitement des métaux. Comme je l'ai dit il y a quelques semaines devant la Chambre de commerce de St. John's, les Terre-Neuviens vont pouvoir bientôt, s'ils ne le peuvent pas déjà, quitter Fort McMurray et trouver du travail chez eux.

Le président : Il ne vous reste qu'à nous dire ce qui ne va pas avec la bourse et puis tout ira bien.

M. Gratton : J'en reviens maintenant au projet de loi. J'ai fait ces commentaires parce que, compte tenu du cycle des matières premières, c'est précisément ce genre de loi qui permettra la poursuite de la croissance et d'attirer ce type d'investissements dans toutes les régions du pays.

Je tiens cependant à faire une mise en garde. Nos observations sont fondées sur une analyse préliminaire de la loi. Les détails et les points de vue que nous vous communiquerons par la suite dépendront évidemment de la réglementation et des politiques qui s'ensuivront et que nous ne connaissons pas encore.

En tant qu'industrie évoluant en dehors des centres urbains, nous sommes heureux que le projet de loi C-38 reconnaisse l'importance de consulter les Autochtones. S'agissant de la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale, elle ne devrait pas avoir de répercussions spectaculaires sur les projets miniers. Comme je l'ai dit devant le comité de la Chambre des communes qui étudiait l'automne dernier ce projet de loi, l'amélioration spectaculaire du processus des projets miniers est survenue en 2010, aux termes d'amendements qui réduisaient les délais relatifs à l'amorce des évaluations fédérales, celles-ci pouvant désormais commencer en même temps que les évaluations provinciales.

Le président : Puis-je vous interrompre pour avoir une précision? Quand vous faisiez allusion au comité de la Chambre, vous vouliez parler, je suppose, de l'examen par celui-ci de la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale.

M. Gratton : Oui.

Le président : Il tenait un examen parlementaire.

M. Gratton : Nous n'avons pas témoigné devant un comité de la Chambre au cours de la législature actuelle.

Le président : Non, je comprends.

M. Gratton : Nous avions toutefois indiqué à l'époque que les modifications apportées en 2010 amélioraient grandement le processus d'évaluation pour les études approfondies, qu'impliquent la plupart de nos projets. Néanmoins, nous constatons que les modifications apportées en 2012 promettent d'importantes améliorations supplémentaires par rapport à la clarté et à la prévisibilité, ainsi qu'une réduction des dédoublements.

En tant qu'association desservant des membres œuvrant dans divers secteurs, pour la première fois depuis la création de la LCEE, et c'est là un facteur important pour nous, nous aurons une loi facile à expliquer. Pour les ingénieurs, c'est important. La loi actuelle ne peut être expliquée simplement en raison de l'interaction complexe des définitions, déclencheurs, listes d'exclusion et d'inclusion dans lesquels s'embrouillaient la plupart des gens.

La version 2012 de la loi comprend des éléments que nous avions demandés, notamment une seule autorité responsable bien définie, un processus clair et prévisible assorti d'un calendrier fixe, et suffisamment de marge de manœuvre pour prendre des décisions sensées. Les processus d'examen préalable et de filet de sécurité devraient faire en sorte de pouvoir résoudre des situations imprévues. Ils permettent de mettre en œuvre des études régionales. C'était une recommandation que nous avions faite et que beaucoup avaient négligée à titre d'amélioration importante. La version 2012 de la loi prévoit en outre des mesures de substitution et d'équivalence lorsque cela est justifié et l'obligation, de la part des autorités fédérales, de communiquer les informations en temps opportun.

Bien sûr, l'application de certaines dispositions de la version 2012 de la LCEE devra se faire avec grand soin, comme les conclusions d'évaluation exécutoires. Il est essentiel que l'agence s'assure que celles-ci sont claires et réalistes. Aucune de ces modifications n'aura un effet sur la qualité ou le contenu du processus d'évaluation; en fait, elles le rehausseront.

J'aimerais toutefois vous faire part d'une déception. La CCSN agira à tire d'autorité responsable pour des projets englobant les mines d'uranium et les usines de concentration d'uranium, mais nous sommes d'avis qu'elles devraient pouvoir profiter dans la mesure du possible des avantages découlant des réformes positives de la réglementation. Les usines de concentration et activités d'exploitation d'uranium ont beaucoup en commun avec les mines d'or, de cuivre et de charbon, mais on continue de traiter l'industrie de l'uranium comme si elle ressemblait davantage à celle des réacteurs nucléaires. Ainsi, les mines et les usines de concentration d'uranium ne peuvent profiter de certaines des mesures de simplification les plus bénéfiques annoncées dans la LCEE, dont l'équivalence, la substitution et l'examen préalable. En outre, les échéanciers indiqués dans les dispositions transitoires n'ont aucun effet sur les études exhaustives actuellement supervisées par la CCSN, ce qui n'est pas le cas pour celles dirigées par l'ONE. Nous avons du mal à comprendre une telle différence de traitement et espérons que, grâce à la réglementation, la CCSN sera en mesure d'apporter le même genre de certitude, de prévisibilité et d'efficacité que nous voyons dans d'autres secteurs touchés par ces réformes.

Notre compréhension des modifications apportées à la Loi sur les pêches est plus limitée. L'introduction de mesures visant à favoriser la coopération fédérale-provinciale est louable, tout comme la mise en place d'une boîte à outils plus complète pour composer avec les interdictions absolues de la loi, comme la possibilité de réglementation dans l'article 35. Toutefois, à l'heure actuelle, nous comprenons mal comment les dispositions sur les pêches et la prévention de la pollution pourront être conjuguées en pratique. Je note que l'article 35 a été modifié de façon substantielle, mais l'article 36, qui régit notre industrie, ne l'a pas été. D'où la confusion.

Comme certains membres du Sénat s'en souviendront, nous avions fait part de nos préoccupations quant au manque de clarté et de cohérence dans l'application parallèle de ces deux articles lors de nos visites de l'an dernier, en novembre. Or, il semble que les modifications rendent cette question encore moins limpide. Nous espérons pouvoir collaborer avec des représentants du gouvernement pour clarifier la réglementation et les documents d'orientation relativement aux modifications apportées à la Loi sur les pêches.

Je vais m'arrêter là et je vous remercie, encore une fois, de la possibilité que vous m'avez donnée de témoigner.

Le président : Merci, monsieur Gratton, ainsi qu'à vous trois. J'ai une liste plutôt restreinte de sénateurs, mais le premier est le sénateur Lang.

J'ai déjà présenté les autres sénateurs, sénateur Fraser. Je tiens à vous souhaiter la bienvenue. Vous remplacez aujourd'hui notre vice-président Grant Mitchell. Je présente le sénateur Joan Fraser, du Québec.

Le sénateur Fraser : Merci.

Le sénateur Lang : Je voudrais remercier les témoins d'être venus si tôt ce matin. Je remercie en particulier notre témoin de Calgary, où il est beaucoup plus tôt qu'ici.

J'ai quelques questions à poser. Premièrement, vous avez fait remarquer dans votre exposé, monsieur Gratton, que le processus environnemental serait renforcé par les changements apportés ici plutôt que par les déclarations publiques selon lesquelles, en raison même de ces changements, l'examen environnemental serait moins rigoureux. Vous pourriez peut-être élaborer à ce sujet, parce que c'est un domaine qui nous préoccupe tous, à savoir le maintien d'une norme environnementale.

M. Gratton : Cela me fait plaisir de vous répondre. Et la réponse porte sur plusieurs volets.

Je reviens tout d'abord aux amendements de 2010, à leurs conséquences et à ce dont, à mon avis, ils tirent parti, puisqu'il s'agit de changements du même type. Le plus grand avantage que notre secteur retire de ces changements au plan de l'amélioration des échéanciers est que l'on confie les études exhaustives dans le secteur minier à l'Agence canadienne d'évaluation environnementale.

Je suis toujours surpris du nombre de gens qui pensaient que c'était l'agence qui en était responsable, alors qu'elle ne l'était pas. Lorsqu'on avait un nouveau projet, la plus grande cause de retard était le démarrage. Souvent, les projets miniers étaient presque terminés, ainsi que l'évaluation environnementale de la province, avant que ne commence l'évaluation du gouvernement. Les entreprises devaient passer par plusieurs ministères avant que l'un d'eux ne consente à procéder à l'évaluation et cela, parce que le système n'en donnait pas la responsabilité à un ministère en particulier et que l'on ne fournissait pas les ressources nécessaires pour entreprendre ces examens. On estime ainsi que le délai moyen était d'environ 18 mois et lorsque l'évaluation fédérale commence, il devient alors impossible de l'harmoniser avec celle des provinces.

Ainsi, les mêmes types de changements sont tout simplement communiqués aux commissions d'examen. Il sera désormais beaucoup plus facile d'aligner et de coordonner les évaluations avec celles des provinces et cela porte entièrement sur le processus.

Jusqu'en juin dernier, alors que je présidais l'association minière de la Colombie-Britannique, on disait en blaguant que pour établir le rapport d'évaluation environnementale du fédéral, on prenait l'évaluation provinciale, on en faisait un résumé et on y plaçait le logo du gouvernement du Canada, sauf que cela prenait trois ans de plus pour le faire. Lors des évaluations environnementales, on a au niveau provincial des groupes de travail composés de fonctionnaires fédéraux et provinciaux. On procède ensuite à l'évaluation fédérale au sein d'un groupe de travail composé lui aussi de fonctionnaires fédéraux et provinciaux. Il s'agit des mêmes personnes. Ces changements encouragent les gouvernements à collaborer de façon plus étroite de manière à ce qu'il y ait un seul examen solide et uniforme. À notre avis, cela ne compromettra en rien ni la portée ni la teneur des examens, mais permettra, idéalement, de procéder à des équivalences ou à des substitutions, ou au moins, à mieux coordonner les deux examens, si l'un provient de la province et l'autre du fédéral.

Il y a en outre d'autres mesures prévues. J'ai parlé de la possibilité d'entreprendre des évaluations régionales. Je vais prendre l'exemple du Cercle de feu, mais nous avons eu la même situation lors de l'expansion de l'industrie du diamant dans les Territoires du Nord-Ouest. C'était une industrie toute nouvelle dans une région du pays qui n'avait pas d'expérience dans les mines. On s'inquiétait beaucoup. Que va-t-il se passer? Quelle croissance y aura-t-il? Comment allons-nous la gérer? Quelles en seront les répercussions sociales?

Le fardeau en incomberait à la compagnie minière, le promoteur. Ce dernier aurait à répondre à toutes les questions qui dépassaient de loin sa compétence. Les évaluations régionales permettraient, aux termes de la loi et à la demande d'une province, d'intervenir sans tarder et en dehors de tout projet particulier, en élaborant le plan du développement à venir de la région. Je pense que les groupes environnementaux et l'industrie demandent ce type de mesure depuis des années et c'est cette mesure que leur offre la loi.

Mme Kenny a mentionné les dispositions d'exécution. C'est quelque chose de tout nouveau. On verra ces dispositions au niveau provincial. Lorsque vous obtenez votre certificat d'évaluation environnementale en Colombie-Britannique, il est assorti de toute une liste de conditions. Le certificat fédéral n'en comportait pas. Désormais, il en aura. Au total, ces améliorations vont dans le sens d'un examen environnemental plus rigoureux et de meilleures protections de l'environnement qu'auparavant.

Le sénateur Lang : J'aimerais poser à Mme Kenny une question sur les pipelines et le dossier qui fait les manchettes de la presse depuis quelques années, à savoir le projet Gateway et l'examen environnemental qui est en cours. Le fait est que quelque 4 200 intervenants se sont manifestés. D'après ce que j'ai compris, la loi exigera maintenant que vous soyez une partie intéressée et touchée par le projet pour être entendue, même si les audiences peuvent être élargies.

Compte tenu de l'expérience que l'on a connue dernièrement par rapport au processus environnemental, pensez-vous que les changements proposés rationaliseront le processus de façon à obtenir les faits avant les audiences environnementales envisagées?

Mme Kenny : Concernant les audiences relatives au projet Gateway, je crois savoir d'après les déclarations des ministres qu'il y aura une sorte de plan de transition. Si le projet de loi est adopté, l'examen de tout processus en cours visera à établir les avantages que l'on pourrait tirer de ces dispositions et à perfectionner les objectifs souhaités relativement à une évaluation environnementale efficace et précise.

L'une des choses que j'ai constatées de façon générale au cours de 25 années de pratique de la réglementation et dans l'industrie est que ce qui compte le plus, au bout du compte, sont les faits que l'on peut mettre à l'épreuve au cours d'une audience publique, de façon transparente, et l'information qui a des conséquences concrètes sur la décision à prendre. Que vous soyez un responsable de la réglementation ou un représentant de l'industrie, à titre de promoteur, votre toute première planification portera sur le dialogue avec les parties prenantes sur le terrain afin de connaître leurs points de vue, et sur les moyens d'en tenir compte, autant d'informations qui feront partie de votre demande.

Lorsque l'on fait la distinction entre les opinions et ceux qui sont « directement touchés », il faut savoir que les sondages, quel que soit leur nombre, vous donneront des points de vue publics importants et utiles, mais lorsque vous devez prendre une décision, il importe de savoir qui est touché, son opinion, sa compréhension des répercussions directes sur la collectivité, ou l'utilisation traditionnelle dans le cas des consultations publiques d'une importance critique, et les moyens d'assimiler toutes ces informations, en tant que décideur, afin de rendre compte au Cabinet des décisions et des conditions recommandées.

Je pense que préciser les mots « directement touchés » permet aux membres d'un groupe de travail de mieux accomplir leur tâche, car ils peuvent ainsi se concentrer sur les éléments qui auront une incidence concrète.

Deuxièmement, le gouvernement doit prévoir du temps et des efforts, et donc de l'argent, lorsqu'il participe à des processus qui sont peut-être submergés d'avis; même si ces avis sont valables sur le plan des droits individuels, ils n'aident pas vraiment à la prise de décisions. Il faut privilégier ce qui est important et à mon avis, ces dispositions permettront à un groupe de travail d'y arriver.

Le sénateur Munson : Merci beaucoup d'être ici aujourd'hui. Je vous suis reconnaissant de votre contribution à cet examen des évaluations environnementales. Au sein du gouvernement, on utilise le mot « rationalisation ».

Aujourd'hui, on a parlé de simplifier les choses, d'être logique, de bien gérer le temps, et cetera. Vos arguments sont valables. Que diriez-vous aux groupes environnementaux qui croient que ces évaluations environnementales sont « éviscérées » — ils utilisent un autre mot — et qu'elles ne donneront pas un aperçu assez rigoureux de tous ces programmes lorsqu'il s'agit d'activités minières, de l'oléoduc Gateway, et cetera? Dans le milieu environnemental, il y a des gens qui n'aiment absolument pas ce qu'ils voient dans ce volumineux projet de loi. Si l'on tient compte du grand nombre de catégories — je ne les ai pas comptées —, le mot « simplifier » pourrait s'appliquer, mais cela ne serait-il pas aux dépens de l'environnement?

M. Gratton : Encore une fois, je ne le pense pas, ou je ne suis pas d'accord. Lorsqu'on a adopté la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale en 1992, un très petit nombre de provinces avaient adopté des lois sur l'évaluation environnementale. Aujourd'hui, elles en ont presque toutes. Nous vivons maintenant dans un pays où deux évaluations environnementales sont entreprises lors de grands projets, par exemple, l'ouverture d'une mine. Ce n'était pas le cas auparavant.

Je pense que le gouvernement fédéral a pris du recul et s'est demandé si, depuis 20 ans, les circonstances avaient changé.

Pour répondre à un commentaire émis par Brenda Kenny plus tôt, cette réflexion a été amorcée par le gouvernement précédent, et nous avons commencé à voir, dans les directives du Cabinet et les modifications de 2003, des changements qui nous ont aiguillés dans cette voie.

Je pense que les dispositions concernant la substitution et l'équivalence s'appliquent seulement si les provinces ont des lois et des systèmes qui sont équivalents à ceux du gouvernement fédéral; elles ne seront donc pas automatiquement adoptées. Dans une certaine mesure, cela incite fortement les provinces dont les lois ne sont pas harmonisées à celles du fédéral à améliorer leurs propres lois et leurs systèmes. Je pense que si elles veulent prendre le contrôle de leurs ressources — ce que souhaitent un grand nombre de provinces —, et qu'elles ne veulent pas que le gouvernement fédéral soit aussi présent qu'il l'est en ce moment, ces dispositions les inciteront à y parvenir au moyen de l'amélioration de leurs lois.

Nous sommes tous Canadiens, et je pense que la population du Manitoba peut demander des comptes à son propre gouvernement, pour veiller à ce que les évaluations environnementales menées dans la province soient suffisamment approfondies et que les examens ne soient pas compromis, mais au bout du compte, tous les grands projets miniers du pays feront l'objet d'un examen. On effectuera peut-être un seul examen, peut-être même deux, selon les circonstances, mais il y aura un examen, et je ne pense pas que ces modifications auront une incidence sur sa qualité ou sur sa portée.

Le sénateur Munson : Quelqu'un a-t-il un commentaire?

Le président : Vous voulez dire parmi les témoins?

Le sénateur Munson : Oui.

Le président : J'allais dire que vous deviez être satisfaits, dans ce Sénat non partisan, de remarquer que le gouvernement actuel est entièrement d'accord avec le gouvernement précédent.

Mme Kenny : J'aimerais faire un commentaire. Je reprendrais certains des commentaires émis par M. Gratton, mais la considération approfondie de ce qui a été dit au sujet du projet de loi est le point culminant de plus d'une décennie d'analyses, et un grand nombre d'autres pays dans le monde, par exemple l'Australie, se sont déjà engagés dans cette voie. Les options ont été analysées en profondeur.

À mon avis, si l'on considère l'essentiel, il s'agit d'un projet de loi qui devrait satisfaire un large éventail de partenaires. Le groupe de travail sur la réglementation intelligente mis sur pied par les libéraux suivait un grand nombre des principes qui se retrouvent cette loi. Je pense qu'il est totalement faux de parler d'éviscération. Une approche consolidée, intelligente et fondée sur les preuves est une bonne chose. La loi actuelle est extrêmement contraignante, ce qui a provoqué un grand nombre d'évaluations qui forçaient les organismes gouvernementaux à examiner des choses qui étaient absolument sans importance.

Au cours d'audiences précédentes sur d'autres projets de loi, j'ai montré aux membres du Sénat des photos d'un champ desséché qui était traversé, à l'occasion, par un petit ruisseau qu'on avait qualifié de voie navigable. À mon avis, modifier les dispositions pour permettre à l'ACEE de se concentrer sur les projets qui ont des effets réels et concrets n'éviscère pas du tout la loi.

En ce qui concerne une omission importante, soyons clairs : la marge de manœuvre dont disposent les membres des organismes de réglementation pour poser des questions au sujet de leurs préoccupations n'a pas changé. La marge de manœuvre concernant la transparence s'est même améliorée à plusieurs égards. Je pense aussi qu'il est important de reconnaître la surveillance exercée pendant toute la durée du cycle de vie. L'EE est un outil de planification dont on se sert au début; il ne s'agit pas d'une solution universelle aux problèmes de protection environnementale.

Ce qui est important, lorsqu'un projet de loi est évalué et jugé acceptable dans l'intérêt du public, c'est de se demander si l'on a les contacts nécessaires pour assurer le suivi de la surveillance. Il faut se demander si on a un organisme qui est en mesure de tirer des leçons des projets précédents et de communiquer cette expérience au cours de l'audience publique et de l'évaluation qui suivront.

Honnêtement, la loi proposée réussit mieux à tous ces égards, ce qui, au bout du compte, je crois, améliorera la performance environnementale du Canada.

Le sénateur Munson : Vous avez aussi tous parlé des groupes autochtones et des consultations. Il est évident que les groupes autochtones sont très concernés dans ce cas-ci. Comment définissez-vous « consultation »? Qui a le dernier mot si les groupes autochtones, par exemple, n'aiment pas l'oléoduc Gateway et qu'ils font venir des témoins, organisent des audiences, et cetera, et qu'au bout du compte, le gouvernement et les sociétés minières veulent que l'oléoduc soit construit?

Que signifie pour vous le mot « consultation », en ce qui concerne les groupes autochtones? Jusqu'à quel point poussez-vous le processus de consultation à l'égard de leurs préoccupations?

Le président : Vous les amenez devant la Cour suprême.

M. Gallinger : J'aimerais donner mon avis là-dessus. De notre point de vue, en ce qui concerne les directives que nous avons données aux membres et la façon dont les choses fonctionnent, nous avons constaté, sur le terrain, un engagement précoce, et je vois deux types distincts de consultation avec les Premières nations.

Une société doit tenir des consultations dès le début du processus. Cela fait partie des directives que nous avons dans e3 Plus, et je sais que M. Gratton parlera des outils dont dispose l'Association minière du Canada; mais il ne faut pas oublier l'obligation de la Couronne de consulter.

Une entreprise doit commencer tôt, non seulement avec les groupes autochtones, les Premières nations et les Métis, mais aussi avec les collectivités locales, car une opposition pourrait engendrer des problèmes avec les processus d'évaluation environnementale, les approbations et les permis. Les entreprises commencent à organiser ce type de consultations assez rapidement. La deuxième partie fait aussi partie du processus d'approbation; il s'agit de la participation aux consultations et les exigences imposées par les organismes réglementaires concernant ces consultations.

Il s'agit d'un processus à deux volets, mais au bout du compte, il y a un processus pour les intrants dans ce volet, et en ce qui concerne le processus des approbations en vertu des évaluations des répercussions environnementales, cela dépend qui prend la décision finale, mais tous ces intrants doivent être présentés ensemble à l'organisme pour qu'au bout du compte on puisse déterminer ce qui est le mieux.

Mme Kenny : Comme d'autres segments de l'industrie, celui des oléoducs accorde beaucoup d'importance à cela. Nous communiquons des directives aux membres, mais en plus, n'importe quel promoteur connaîtra évidemment très bien l'obligation de consulter qui découle, en premier lieu, d'un désir de bien comprendre les préoccupations des collectivités qui seront touchées par l'infrastructure proposée. Il faut connaître les préoccupations et déterminer les intérêts et la façon dont nous pouvons collaborer en tenant compte de ces intérêts. Deuxièmement, la Couronne a évidemment l'obligation juridique de consulter; cette obligation est d'ailleurs inscrite dans notre Constitution. C'est important, car la discussion peut se prolonger pendant des années.

On ne lance pas un grand projet d'oléoduc en remplissant un formulaire. On commence habituellement deux, trois, quatre ou cinq ans à l'avance, en organisant un grand nombre de consultations sur le terrain. On cherche à savoir quelles sont les préoccupations fondées, et je pense qu'il est essentiel, au cours des consultations, que les deux parties soient honnêtes, précises et ouvertes à l'égard des intérêts en jeu et qu'elles y répondent le mieux possible.

M. Gratton : Les ressources améliorées qui seront fournies en vue d'entreprendre ces consultations seront très importantes, et on espère qu'elles aideront le gouvernement fédéral et les provinces à mieux coordonner les consultations. En effet, tout le monde, y compris les organismes autochtones, a dû faire face au problème de la « surconsultation », c'est-à-dire que les collectivités autochtones devront rencontrer les promoteurs, les gouvernements provinciaux et le gouvernement fédéral pour parler du même projet.

En Colombie-Britannique, on a commencé à consolider les consultations entreprises par les différents ministères, car non seulement le gouvernement provincial menait des consultations sur des projets, mais chaque ministère menait aussi des consultations sur différentes parties du projet, et c'était encore plus difficile à suivre, car on vous consultait sur les effets possibles dans le domaine des transports, mais les responsables de l'environnement venaient ensuite vous parler de la qualité de l'eau. Il était impossible d'avoir une vue d'ensemble du projet.

Je crois que nous voyons maintenant une plus grande consolidation et coopération entre les deux paliers de gouvernement en ce qui concerne l'obligation de consulter. Je pense que M. Gallinger a répondu à la question concernant nos obligations. Il est simplement plus sage de commencer tôt et de bâtir ces relations dès le début.

Le sénateur Seidman : Madame Kenny, vous avez parlé de certains des aspects positifs de ces changements dans la loi proposée, c'est-à-dire les échéances. D'autres membres de l'industrie nous ont souvent dit que lorsqu'on investit dans un domaine, il faut un certain degré de certitude, et que devoir attendre deux à dix ans, ou même plus longtemps, pour effectuer un examen, représente certainement un problème.

Vous avez aussi parlé de simplifier les choses en éliminant la répétition des examens. La semaine dernière, des fonctionnaires nous ont dit — et je pense que M. Gratton en a reparlé aujourd'hui — que les examens et les règlements provinciaux devraient être les mêmes que ceux du gouvernement fédéral pour que cela fonctionne.

Vous avez parlé des avantages associés aux eaux navigables, et j'aimerais en savoir plus à ce sujet. Pourriez-vous nous expliquer ce que la loi proposée signifie à cet égard?

Mme Kenny : En termes simples et d'après ce que je comprends de la loi proposée, au cours d'un examen intégré dans lequel tous les facteurs sont examinés par un organisme, l'examen de n'importe quel projet d'oléoduc qui traverse une province ou une frontière nationale serait confié à l'Office national de l'énergie. À mesure qu'on analyse les données, qu'on écoute les parties, qu'on consulte d'autres autorités fédérales, y compris Transports Canada, s'il est jugé que ce projet serait dans l'intérêt national, l'ONE établira des conditions et exprimera très clairement son point de vue. L'ONE publie habituellement une analyse très complète de ce qu'il a entendu, y compris son point de vue, et cetera, donc les conditions sont établies. Toutes les préoccupations au sujet d'une frontière, en ce qui concerne les eaux navigables, seraient traitées pendant cette audience.

Lorsqu'on a jugé que le projet servait l'intérêt national et qu'il a reçu un certificat du gouvernement du Canada, l'obtention d'un autre permis pour analyser si la traversée d'une rivière devrait être permise est, selon toute logique, répétitive et, au pire, contraire à l'intérêt public. Il est un peu ridicule d'imaginer qu'on a tenu des audiences et des délibérations pendant deux ans pour se rendre compte que le pays a besoin d'un oléoduc de 1 000 kilomètres et apprendre ensuite que le club local de canot ne veut pas que l'oléoduc traverse la rivière. Cela n'a aucun sens. C'est un résultat très pratique et honnêtement, il fait épargner beaucoup de temps aux fonctionnaires de Transports Canada.

Pourquoi les fonctionnaires devraient-ils refaire l'analyse de la délivrance d'un permis, alors qu'ils auraient pu simplement dire aux gens, au début de la planification et pendant une audience de l'ONE, qu'ils doivent penser à ces choses, car la navigation est essentielle au pays? Cette notion ferait ensuite partie du mode de pensée.

Le sénateur Seidman : Cela n'a aucune répercussion sur la transparence, n'est-ce pas?

Mme Kenny : Honnêtement, je pense que cela favorise la transparence, car dans le passé, une panoplie de permis individuels a souvent été délivrée après les faits. Un Canadien moyen n'a pas le temps ou l'intérêt de poursuivre chaque petit détail; par contre, c'est une bonne chose que ces grandes considérations soient exposées pendant une audience publique transparente et qu'on effectue une évaluation appropriée.

Soyons clairs : si un projet doit aller de l'avant, la réglementation ne s'arrête pas là. La conception, la construction et la mise en marché font l'objet d'une supervision très active; et encore une fois, une partie du projet de loi prévoit 14 millions de dollars supplémentaires pour permettre à l'ONE d'effectuer plus d'inspections et de vérifications. En tant qu'industrie, nous approuvons cela. La capacité réglementaire est essentielle à la réalisation de cela, mais il faut se concentrer sur l'important, c'est-à-dire sur les résultats, et ne pas penser qu'une panoplie de permis distincts augmentera la sécurité ou protégera mieux l'environnement. Bien franchement, ce n'est pas le cas. Il faut plutôt favoriser une réglementation consolidée, intégrée et appropriée.

Le sénateur Seidman : Vous dites que la simplification de l'ensemble du processus se traduit par une transparence accrue.

Mme Kenny : C'est tout à fait ce que je crois. Je viens du milieu de la réglementation et du milieu universitaire. La thèse de mon doctorat portait sur ce genre de sujet, et je travaille maintenant au sein de l'industrie. À tous les égards, je crois que cette meilleure transparence est attribuable au fait que les enjeux en question sont du domaine public. Les principaux intervenants touchés sont au courant et auront l'occasion de poser de nombreuses questions là-dessus. Naturellement, l'ONE fait toujours de son mieux pour agir en toute transparence, et je crois qu'il continuera de s'améliorer à ce chapitre. Comme je l'ai dit, nous appuyons l'injection de 14 millions de dollars supplémentaires ayant trait aux inspections et aux audits. En contrepartie, je tiens à dire que nous devons aussi nous améliorer sur le plan de la transparence au sein de l'industrie. Les gens nous posent des questions importantes, et nous travaillons fort pour leur répondre. Nos systèmes de gestion interne, nos 16 groupes de travail différents qui se penchent sur les normes d'exploitation au sein de l'industrie et bien d'autres éléments confirment l'importance capitale que nous accordons à cet objectif.

Le sénateur Seidman : Je vous remercie de votre réponse.

Fait intéressant, monsieur Gratton, vous avez dit que c'est la première fois, depuis la création de la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale, que vous serez en mesure de l'expliquer. C'est encore une question de transparence, et c'est excellent. Toutefois, vous avez dit en fin d'exposé ne pas vraiment comprendre les modifications apportées à la Loi sur les pêches. À vrai dire, vous trouvez que les modifications rendent la question encore moins limpide. Pourriez-vous expliquer vos propos?

M. Gratton : La vérité, c'est que je ne crois pas que les modifications à la Loi sur les pêches tiennent compte de l'exploitation minière, et c'est ce qui nous pose problème. Nous sommes régis à la fois par les articles 35 et 36; l'article 36 est celui qui porte sur le rejet de substances nocives dans les eaux peuplées de poissons. C'est là où la pollution entre en ligne de compte, comme on l'a dit. Même si, en vertu de l'article 35, il pourrait être facile de ne pas avoir besoin d'autorisation en présence d'une petite zone humide qui ne respecte pas le nouveau seuil fixé dans le projet de loi, nous devrons quand même tenir compte des limites de l'article 36 sur le rejet de substances. Ainsi, cet article s'appliquera au refus de crible, à l'emplacement de la roche stérile en fonction de l'écoulement de surface, ou à d'autres activités pouvant avoir des répercussions sur l'eau et sur l'empreinte du site minier lui-même. Nous ne voyons pas vraiment en quoi les modifications apportées à ces deux dispositions de la Loi sur les pêches simplifient leur interprétation conjointe. Nous sommes d'avis qu'un seuil devrait aussi être prévu à l'article 36, mais puisque ce n'est pas le cas, nous nous retrouvons avec deux articles qui nous envoient des messages différents. Avec l'aide de fonctionnaires, nous essayons de clarifier la situation et de mieux comprendre l'effet des modifications ainsi que le lien entre les deux dispositions.

Il y a plusieurs années, si nous tombions sur un étang contenant des poissons lors de la mise en place d'une mine — je ne parle pas d'un grand plan d'eau, mais puisque le Canada est un pays très humide, nous pouvons difficilement faire quoi que ce soit sans avoir des répercussions sur une étendue d'eau quelconque —, et que nous devions l'assécher afin d'y construire l'usine de concentration, nous n'avions qu'à obtenir une autorisation en vertu de l'article 35 de la Loi sur les pêches. Ces dernières années, Pêches et Océans a manifesté une réticence grandissante à l'égard de cette pratique et a commencé à appliquer l'article 36, qui limite les répercussions que nous pouvons avoir sur tout plan d'eau. Je n'arrive pas à m'exprimer aussi clairement que je le souhaiterais, car nous ne comprenons toujours pas bien les modifications, à l'heure actuelle. Mme Laurie-Lean a peut-être quelque chose à ajouter.

Justyna Laurie-Lean, vice-présidente, Environnement et santé, Association minière du Canada : Auparavant, nous estimions que les deux articles de la loi portaient sur le même plan d'eau, alors il suffisait de déterminer si les eaux abritaient des poissons ou non; je crois que c'était aussi l'avis des fonctionnaires. Or, nous n'étions pas toujours d'accord sur les cas où les dispositions s'appliquaient ni sur la façon de procéder, le cas échéant. En pratique, nous nous sommes rendu compte que le processus de délivrance de permis était loin d'être simple. Un ministère rendait sa décision, puis renvoyait la balle à l'autre, qui prenait une décision à son tour avant de retourner le dossier au premier ministère. Vous pouvez donc imaginer la confusion qui régnait parfois. Cette année, nous avons notamment recommandé plus de clarté et de certitude. Or, la modification proposée sépare totalement les deux dispositions. Par exemple, une flaque d'eau ne sera plus considérée comme une eau où vivent les poissons selon un des articles, mais elle sera quand même soumise aux restrictions de l'autre. Puisque vous creusez l'écart entre les deux articles, comment seront-ils interprétés dans les faits lorsque nous proposerons ou exploiterons un projet? Nous espérons que vous pourrez dissiper la confusion au moyen de réglementation, d'exposés de principe ou de lignes directrices.

Le sénateur Seidman : Merci. Je comprends un peu mieux.

Le président : Vous venez de dire que vous discutez continuellement avec les fonctionnaires dans l'espoir de corriger cette anomalie, en quelque sorte. Les dispositions ont été proposées sans égard à l'industrie minière, et elles ciblaient la pêche. Que pourrions-nous dire là-dessus dans notre rapport d'étude préliminaire?

M. Gratton : Nous vous serions reconnaissants de signaler cette incohérence, car elle sème la confusion au sein de notre industrie. Comme je l'ai dit en début de séance, nous ne croyons pas que les modifications tiennent compte du secteur minier. En fait, elles ne posent aucun problème à ceux qui évoluent dans un secteur économique qui n'est pas touché par l'article 36, et leur simplifient même grandement la vie. Or, les modifications ont une incidence sur le secteur minier, et probablement sur la foresterie aussi, qui est soumise au Règlement sur les effluents des fabriques de pâtes et papiers. Les modifications suscitent donc une confusion au sein de quelques secteurs. Nous vous serions grandement reconnaissants de faire comprendre au gouvernement qu'il doit à nouveau se pencher sur le problème. Nous pourrions alors vous citer. C'est ce que le Sénat attend de vous.

Le président : Vous pouvez compter sur le bon vieux Sénat de temps à autre.

Le sénateur Baker : Le président est un homme de loi notoire qui jouit d'une solide réputation au Canada. Nous pourrions dire ce que nous avons compris à propos de l'intention des dispositions. À la lumière du témoignage des fonctionnaires, je crois savoir que les définitions des termes « commerciale », « récréative » et « autochtone » de l'article 35 ont été modifiées de façon à ce que la loi s'applique aux poissons sous le régime d'un permis. Si j'ai bien compris, les définitions s'appliquent également à l'article 36. C'est l'intention qu'on nous a présentée au départ, mais je comprends maintenant le problème. En ce qui concerne l'intention, on estime que les deux articles en question n'ont pas d'influence l'un sur l'autre.

Monsieur le président, nous pourrions demander au ministère de venir donner son interprétation des articles, car ce problème pourrait persister longtemps, comme vous le savez bien.

Le président : Vous soulevez un excellent point, monsieur le sénateur Baker. Ce n'est pas étranger aux questions que vous avez posées aux fonctionnaires il y a une semaine, à la séance de jeudi matin. Vous aimeriez, j'imagine, que nous convoquions de nouveau le représentant de Pêches et Océans Canada afin qu'il fasse la lumière là-dessus, n'est-ce pas?

Le sénateur Baker : Oui. Je crois que nous avons écouté trois témoignages, et nous avons cru comprendre que c'était l'intention de la modification. Merci, monsieur le président.

J'aimerais commencer par souhaiter la bienvenue à M. Gallinger, qui est très bien connu des prospecteurs, des entrepreneurs et des petites sociétés minières d'un bout à l'autre du Canada. La valeur de son association est largement reconnue dans chaque province, surtout à Terre-Neuve-et-Labrador, où il n'y a pas encore d'association provinciale. Je crois toutefois savoir que la province espère se munir d'une telle association.

M. Gallinger, vous avez vanté les mérites du gouvernement fédéral à propos du budget, surtout en ce qui a trait à la prolongation du crédit d'impôt. Vous avez dit que c'était essentiel. Toutefois, ma mémoire institutionnelle remonte à bien des années; cette prolongation d'un an ne se répète-t-elle pas au fil des ans? L'an dernier, je crois que le crédit d'impôt a été prolongé pour une période d'un an, et c'est aussi ce qui était arrivé les quatre années précédentes. Recommandez-vous au gouvernement d'en faire une mesure permanente?

M. Gallinger : Tout à fait. Chaque année, nous recommandons non seulement de prolonger le crédit d'un an, mais aussi de le rendre permanent. Compte tenu de l'incertitude économique qui règne et de l'état actuel des petites sociétés, la mobilisation de capitaux pour l'exploration commence à poser problème au Canada. Par conséquent, ce crédit d'impôt est encore plus important afin de permettre aux Canadiens de mobiliser les fonds nécessaires à l'exploration. Nous allons continuer de recommander qu'il fasse partie de façon permanente des options de financement qui s'offrent à nos petites sociétés.

Le sénateur Baker : Vous avez parlé à plusieurs reprises de e3 Plus : l'exploration minérale responsable. Avant de m'adresser à l'association minière, j'aimerais que vous m'expliquiez de quoi il s'agit.

M. Gallinger : e3 Plus est un cadre d'exploration responsable.

Le sénateur Baker : Qu'est-ce que cela signifie?

M. Gallinger : Il s'agit d'un ensemble de huit principes visant à orienter les petites sociétés d'exploration sur différents aspects, comme l'interaction avec les collectivités, la santé et la sécurité des travailleurs et de la population locale, le développement de la collectivité, la protection de l'environnement ainsi que les considérations liées à la diligence responsable et à l'évaluation des risques.

Le cadre donne aussi un ensemble de conseils. C'est un outil d'aide facultatif auquel tout le monde a accès. Les huit principes sont accompagnés de conseils et d'une série d'outils. Si une société veut pratiquer des activités de forage en terrain boisé, la boîte à outils contient des conseils sur la mise en place d'un plan de gestion permettant d'y arriver sans répercussions sur l'environnement.

L'information est offerte non seulement aux membres de l'Association canadienne des prospecteurs et entrepreneurs, mais aussi au public en général. Nous constatons qu'elle est consultée par des gens des quatre coins du monde. Tout le monde a accès aux plus de 1 500 pages d'information, d'outils et de conseils. Nos membres peuvent s'en servir afin d'adopter des pratiques exemplaires, mais le public aussi, afin de vérifier si les pratiques de certaines entreprises sont acceptables.

Le sénateur Baker : Merci. Continuez votre beau travail, monsieur Gallinger.

Monsieur Gratton, vous nous avez fait part de votre grande déception au sujet du traitement et de la classification des mines d'uranium par le gouvernement du Canada. Pourriez-vous préciser un peu votre pensée? Vous avez comparé l'uranium à l'exploitation de l'or. La Loi canadienne sur la protection de l'environnement ou la réglementation est-elle discriminatoire à votre égard d'une façon ou d'une autre?

M. Gratton : Je n'ai pas parlé d'une « grande déception », mais simplement d'une « déception ».

Le sénateur Baker : Vous étiez déçu.

Le président : J'allais faire la même remarque, monsieur. Bien joué.

M. Gratton : Somme toute, l'objectif est positif. Les mines d'uranium sont régies par la CCSN, qui réglemente aussi les réacteurs nucléaires.

Le président : Mon prédécesseur exigeait 2 $ pour chaque acronyme, mais je vais faire une exception pour vous.

M. Gratton : C'est la Commission canadienne de sûreté nucléaire. La réglementation qui s'applique aux réacteurs nucléaires est très sévère, comme on peut s'y attendre. Je pense que le Canada s'est souvent vanté d'avoir le système de réglementation des installations nucléaires le plus efficace, sécuritaire et fiable au monde. En revanche, les mines d'uranium ne présentent pas du tout le même risque, mais elles sont pourtant soumises au même processus réglementaire que les réacteurs nucléaires.

Nous vous le signalons, car une mine aurifère assujettie à la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale aura droit, en vertu du projet de loi, à la substitution de l'évaluation environnementale par les provinces et à des évaluations équivalentes. Pour l'instant, bien des éléments ont été intégrés au projet de loi, mais pas nécessairement à la Commission canadienne de sûreté nucléaire.

Je crois savoir que M. Binder, le responsable de la CCSN, tient véritablement à améliorer l'efficacité de son industrie de la même façon — il l'a souvent répété. J'imagine qu'il y arrivera au moyen de réglementation, de politiques et de l'administration générale de la commission. Mais puisque ce n'est toujours pas fait, nous vous soulignons le problème; nous espérons assurément que cette industrie peu risquée profitera des mêmes avantages même si elle est assujettie à la CCSN.

Le sénateur Baker : Le problème de l'uranium s'applique-t-il au thorium ou à tout autre minéral radioactif?

M. Gratton : Je l'ignore.

Le sénateur Baker : C'est un des minerais rares.

J'ai une dernière question, monsieur Gratton. J'ai examiné les lois provinciales, et je remarque que personne ne s'oppose au fait que certains complexes miniers doivent se conformer à la réglementation tant provinciale que fédérale et comparaître deux fois à des audiences publiques exigeantes. Je pense qu'aucun Canadien n'approuve cette répétition inutile, qui existe parce que certaines provinces reproduisent parfois des lois fédérales, comme la Loi canadienne sur la protection de l'environnement. Tout le monde en convient.

J'ai suivi l'évolution des lois provinciales au fil des ans, et elles deviennent incroyablement complexes. La réglementation en matière de pollution et d'études semble changer constamment.

Êtes-vous inquiets de la prolifération des réglementations extrêmement complexes se rapportant au sol et à l'eau souterraine?

M. Gratton : Mme Laurie-Lean pourrait vous parler du travail en cours sur la qualité de l'air; les gouvernements du Canada et des provinces ont fait beaucoup de progrès en ce qui a trait au bassin atmosphérique.

Mme Laurie-Lean : Le Canada et les provinces travaillent en collaboration plutôt étroite, et nous avons bon espoir que ce soit utile pour l'avenir. Ce projet, chapeauté par le Conseil canadien des ministres de l'Environnement, prend forme depuis plusieurs années, et réunit des groupes environnementalistes, des groupes industriels, les provinces et le gouvernement fédéral. Il vise à concevoir un système conjoint dans lequel chaque intervenant joue un rôle en fonction de ses forces, tandis que le gouvernement fédéral sert de renfort et fixe des normes globales. Le projet n'est toujours pas en place, mais il semble très prometteur.

Cependant, pour ce qui est des provinces, nous devons souligner que l'Association minière du Canada ne traite qu'avec le gouvernement fédéral. Il y a des associations provinciales qui traitent avec les gouvernements provinciaux, et la situation varie amplement partout au pays. Les approches varient considérablement, dans les cadres législatifs, et cetera. Il est très difficile de faire des déclarations générales. Les circonstances et les besoins varient beaucoup également.

[Français]

Le sénateur Dawson : Je vais commencer, puisque monsieur a souligné que vous étiez un avocat émérite du Québec. J'aimerais citer une lettre du Barreau du Québec envoyée au sénateur Day, comme président du Comité des finances, mais cela concerne le projet de loi C-38. Je l'ai envoyé par Internet parce que visiblement vous ne l'avez pas reçu comme éminent membre du Barreau du Québec.

Le Barreau considère que les délais imposés par le gouvernement pour l'examen du projet de loi C-38 et notamment pas ses dispositions visant à modifier les lois environnementales sont nettement insuffisants pour permettre aux intervenants concernés de fournir les avis nécessaires et de permettre aux législateurs, vous et nous, de remplir son mandat de façon éclairée.

Je vous l'ai transmise parce qu'à la fin de sa lettre, il termine en demandant au sénateur Day d'être entendu.

Je suis le président du Comité des transports. J'ai communiqué avec le Barreau pour dire que la section du projet de loi C-38, qui concerne les transports, que j'aimerais avoir leur opinion sur cette section. Je vous l'ai transmise. Je pense qu'il est important de vous donner l'opportunité d'être entendu.

Le président : Par l'entremise de notre greffière.

Le sénateur Dawson : Je compte sur vous pour lui envoyer.

Le président : C'est déjà envoyé.

Le sénateur Dawson : Monsieur Gratton, je reviens sur les questions du sénateur Baker concernant les provinces et, en particulier, je ne pense pas que le Plan Nord est la priorité du gouvernement du Québec cette semaine même si cela a été le cas dans les derniers mois. Dans le cas du Plan Nord et du BAP, est-ce que cette législation simplifie les choses ou est-ce que, comme le Québec dit, on aurait aimé mieux être consulté pour s'assurer que notre voix soit entendue dans les modifications?

M. Gratton : Comme ma collègue l'a mentionné, il y a l'Association minière du Québec, qui connaît mieux le BAP que nous. Je dirais que la législation proposée sur l'évaluation environnementale va seulement permettre au Québec, avec sa législation, d'être maître chez lui, de mieux gouverner et, peut-être si leur loi ressemble suffisamment à la loi canadienne, d'être le gouvernement qui va déterminer si un projet mérite d'avancer ou pas.

À mon avis, le Québec a peut-être la meilleure législation d'évaluation environnementale au Canada. Alors je pense que ça va être pas mal certain qu'il y aura une entente entre les deux gouvernements de justement permettre au BAP ou au Québec d'utiliser les mesures de substitution. En fait, il y a un point qui est peut-être important. Le Québec, ça fait seulement deux ans à peu près, depuis une décision de la Cour suprême, vit une situation où le fédéral est plus présent. Parce que dans le passé, dans le Nord du Québec, ce n'était que le BAP mais depuis deux ans, c'est le fédéral et le BAP. Ils n'ont donc peut-être pas le même niveau de frustration qui existe dans d'autres juridictions provinciales qui ont le fédéral depuis longtemps dans leurs affaires.

Le sénateur Dawson : Mais précisément dans cette loi, vous ne voyez rien qui contrevient?

M. Gratton : Non, parce que cela ne touche pas la qualité de la loi provinciale. Cela va permettre aux provinces de mieux gérer leurs affaires avec leurs lois.

Le président : Sans interférence?

M. Gratton : Sans interférence du fédéral.

Le sénateur Dawson : Merci. C'est une bonne nouvelle.

Le président : Merci beaucoup, sénateur Dawson. Je pense qu'il faut souligner le fait que nous n'avons pas pour cet exercice, mais pour les fins de notre étude sur le secteur de l'énergie, nous avons invité le gouvernement du Québec de venir expliquer leur excellente loi sur l'environnement et sur les études de même. Ils ont refusé jusqu'à ce jour de comparaître devant une entité fédérale.

Je suis en contact avec les ministres et le premier ministre et on a fait beaucoup de progrès pour avoir quelque chose sur ces sujets, mais depuis deux ou trois semaines, il y a des activités au Québec qui empêchent le progrès de continuer.

[Traduction]

Le sénateur Peterson : Je vous remercie de votre exposé. J'espérais la présence de représentants du gouvernement, car bien que nos témoins soient très compétents et qu'ils aient soulevé de très bonnes questions, je ne pense pas qu'ils aient rédigé les mesures. Nous devrons trouver une façon de ramener leurs questions et de revenir au projet de loi d'une manière ou d'une autre.

Le président : Si vous me le permettez, car vous avez soulevé une bonne question, comme vous le savez, 21 fonctionnaires ont participé à nos premières audiences sur le projet de loi C-38 la semaine dernière. Vendredi prochain, ou le 29 mai, trois ministres viendront témoigner — au moins deux, mais peut-être trois — ainsi que des fonctionnaires. Ce sera à ce moment-là. Je tiens à dire que le sénateur Peterson a une expertise dans l'uranium, l'exploitation minière et ce qui touche la chimie et qu'il sait donc de quoi il parle.

Le sénateur Peterson : Je suis ravi d'apprendre que nous pourrons savoir de quelle façon elles seront traitées.

Aux termes de la mesure législative proposée, ni l'ONE, ni la CCSN, ni l'ACEE ne seront les arbitres définitifs sur les questions mises de l'avant. Prenons l'exemple de l'ONE. Si on lui présente un projet, devrait-il prendre une décision finale ou encore examiner le tout, dire les avantages et les inconvénients et laisser le Cabinet prendre la décision finale?

Mme Kenny : Je peux répondre à la question, étant donné que l'ONE surveille les pipelines. Il est important de souligner que depuis l'entrée en vigueur de la Loi sur l'Office national de l'énergie il y a 50 ans, le rôle de l'office est de tenir des audiences publiques importantes visant à examiner toutes les questions d'intérêt public, de les évaluer, de présenter le point de vue de l'office et de prendre des décisions, y compris en ce qui concerne les conditions. Le document a toujours été soumis au Cabinet pour que le GC prenne une décision, essentiellement.

Lorsque l'ONE recommandait qu'on aille de l'avant avec un projet, le dossier était soumis au GC pour l'obtention du certificat de commodité et de nécessité publiques. Ce volet demeure pratiquement inchangé.

Dans le passé, si l'ONE décidait qu'un projet ne devait pas aller de l'avant — et plusieurs exemples le démontrent —, c'était terminé. Je pense que la modification apportée à la loi permet au GC d'approuver cette décision. Pour être honnête, je ne peux pas m'imaginer que cela pourrait se produire, mais sur le plan de l'intérêt national, je pense qu'il est raisonnable et pertinent que les gens qui sont à la tête de notre pays aient le droit de décider si, à la lumière de tous les avis et de l'évaluation des éléments de preuve, pour un besoin national prioritaire, ils peuvent accepter ou refuser, comme ils ont toujours pu le faire dans le passé.

Le sénateur Peterson : Cela ne fera qu'accroître la transparence? Le public n'était peut-être pas conscient de ces questions?

Mme Kenny : Je crois que c'est juste. Le public n'a peut-être jamais su que le dossier était soumis au GC pour l'obtention du certificat de commodité et de nécessité publiques. Il en est ainsi depuis l'entrée en vigueur de la loi qui a suivi le débat sur le pipeline et la controverse qui a eu lieu dans les années 1950. Bien entendu, les décisions prises doivent être fondées sur des éléments de preuve, et c'est le cadre qui existe depuis 50 ans.

Le sénateur Johnson : Madame Kenny, le projet de loi C-38 vous aidera-t-il à faire du Canada une destination d'affaires de choix? Nous sommes allés à Washington récemment pour discuter une fois de plus du projet de pipeline Keystone, qui intéresse beaucoup de gens. On a beaucoup reculé sur les changements apportés. Le projet de loi changera-t-il notre façon de faire dans votre secteur?

Mme Kenny : Il sera positif pour notre secteur en ce sens qu'il clarifiera la consolidation, rendra l'évaluation des éléments de preuve plus transparente et créera des attentes claires concernant les délais. Au bout du compte, la transparence et l'évaluation des données probantes sont essentielles. Si par « destinations de choix » vous voulez dire qu'un processus réglementaire plus clair nous permettra d'attirer plus facilement les milliards de dollars dont nous avons besoin pour attirer des investissements, la réponse est oui.

Permettez-moi de remettre les choses dans leur contexte. La EIA prévoit qu'au cours des 20 à 25 années à venir, il faudra investir environ 33 billions de dollars dans l'infrastructure d'énergie; oui, j'ai bien dit 33 billions. Ces investissements seront nécessaires pour répondre aux besoins énergétiques dans le monde; et le Canada n'est qu'une des destinations. Les pipelines sont des vecteurs d'investissement privé, mais au bout du compte, il s'agit d'infrastructures essentielles pour les intérêts nationaux. C'est pourquoi le débat sur le pipeline a eu lieu dans les années 1950. On ne peut pas en sous-estimer l'importance. En tant que nation, nous avons choisi de tirer parti de l'efficacité, des pratiques exemplaires et de la mise en commun des capitaux de l'entreprise privée, comme les nombreuses compagnies de pipeline importantes au Canada. Le fruit du fait d'avoir des pipelines est fondamentalement d'intérêt public national. Lorsqu'on additionne les deux, le projet de loi nous permettra de garantir les investissements nécessaires qui permettront de répondre aux besoins des Canadiens, qu'il s'agisse de l'utilisation canadienne de l'énergie ou des exportations pour le commerce, d'avoir une évaluation claire et transparente des éléments de preuve importants de sorte que les Canadiens puissent participer s'ils sont directement touchés ou s'ils ont des renseignements importants et utiles, et de connaître les raisons qui justifient la décision d'aller de l'avant ou non.

Le sénateur Johnson : Pourriez-vous nous dire comment cela se traduira dans le cadre de notre collaboration avec les États-Unis et de toutes les questions sur le pipeline? Nous savons que c'est un enjeu assez politique, et ils disent qu'il se réglera.

Mme Kenny : C'est un enjeu très politique. La réglementation sur les infrastructures linéaires aux États-Unis est inhabituelle. Les pipelines gaziers sont réglementés par le fédéral; les pipelines pétroliers sont réglementés par les États, sauf pour ce qui est de la limite périphérique, pour laquelle il faut demander un permis présidentiel au Département d'État — le seul endroit d'insertion qui nous a posé problème; et c'est ce qui a créé la controverse nationale sur Keystone.

Les mesures canadiennes montrent simplement à tous les observateurs étrangers que nous tentons de déployer des outils de réglementation d'avant-garde de sorte que nous puissions gérer nos affaires pour nos intérêts nationaux. Si cela cause des préoccupations à nos voisins du Sud ou à d'autres pays, nous tenterons tout de même de dire clairement quels sont nos intérêts et d'avoir une bonne réglementation. Je ne comprends pas pourquoi cela les préoccuperait.

Je vais terminer en parlant du commerce international. S'il faut transporter de l'énergie, l'utilisation de pipelines est le moyen le plus sûr, efficace et économique. C'est la même chose partout dans le monde. Le commerce représente une très grande partie du PIB du Canada. À l'heure actuelle, environ 26 p. 100 du TSX est lié à ce type de possibilités; un pensionné sur quatre compte sur ces choix pour le Canada. C'est important. Nous voulons bien faire les choses — de manière écologiquement responsable — et les mesures proposées donnent au Canada des outils novateurs pour bien faire les choses.

Le sénateur Johnson : C'est excellent. Comme vous le savez probablement, lorsque nous avons décidé de nous tourner vers l'Asie pour discuter de ces questions, cela a sonné l'alarme aux États-Unis concernant Keystone.

Avez-vous quelque chose à ajouter à ce sujet pour notre étude? Vos réponses sont excellentes et instructives.

Mme Kenny : J'ajouterais que les États-Unis demeurent un partenaire commercial important pour le Canada, et je ne m'attends pas à ce que la situation change. Nous sommes le plus important fournisseur d'énergie étranger de ce pays, tant pour le gaz naturel que pour le pétrole. Certains Américains ne comprennent peut-être pas très bien le rôle que joue le Canada dans la capacité de répondre aux besoins en énergie ou ne prennent peut-être pas en considération la certitude, la transparence et la proximité politiques du Canada. On l'a peut-être tenu un peu pour acquis.

Même du côté des Canadiens, il est important de reconnaître que les dispositions de l'ALENA assurent de bonnes relations commerciales dans le secteur de l'énergie au Canada, mais cela ne garantit pas que nous vendions notre énergie aux États-Unis. L'ALENA prévoit simplement que si nous faisons le commerce de l'énergie au Canada, nous prévoyons des conditions similaires s'ils choisissent d'acheter notre énergie; nous n'avons donc pas de conditions privilégiées. C'est vraiment tout ce que l'accord précise. C'est un réveil pour les gens qui ont peut-être sous-estimé l'endroit où l'on peut trouver la sécurité énergétique, la transparence et la certitude politique qu'il faut. Le Canada est un excellent partenaire commercial pour n'importe quel pays.

Le sénateur Johnson : Merci beaucoup.

Le sénateur Wallace : Compte tenu des différentes modifications que propose le projet de loi C-38, pour chacun d'entre nous, et vous avez fait le même exercice, il s'agit de comprendre, à partir de la situation actuelle, les changements auxquels le projet de loi nous mènera. Bien entendu, vous avez évalué les répercussions qu'il aurait sur vos entreprises.

Vous avez parlé en quelque sorte des deux questions que je vais soulever. J'aimerais connaître votre point de vue au sujet de la disposition sur l'évaluation environnementale qui modifierait les exigences. La décision d'approuver ou de ne pas approuver un projet se fondera sur les effets environnementaux négatifs importants qu'il pourrait entraîner — effets environnementaux négatifs importants. L'expression « négatifs importants » s'ajoute à ce qui existe déjà dans la loi. Qu'est-ce que chacun de vous pourrait me dire au sujet de cette modification, surtout sur le plan pratique et sur ce qu'elle signifie pour le processus d'approbation réglementaire auquel vous avez participé dans le passé? Quels changements en résulteraient, à votre avis? Quelle en est l'importance? Qu'est-ce que cela signifie, selon vous?

Mme Kenny : C'est une excellente question. Il est important de souligner que la question des effets environnementaux importants a été intégrée dans la LCEE dès le début. L'objectif est de comprendre qu'il est important de connaître les effets à faible niveau et de les réduire et que parfois, des effets importants peuvent amener une personne à dire : « Je ne suis pas sûre que le projet devrait aller de l'avant; laissez-nous l'évaluer en profondeur, car les éléments de preuve pourraient indiquer qu'il n'y a aucune façon de réduire les effets importants. »

À ma connaissance, nous n'avons jamais observé d'effets importants au Canada causés par un pipeline. Toutefois, il est très raisonnable d'avoir un cadre réglementaire comme celui-ci de sorte que si nous découvrons un effet important, on ne doit pas compter sur un bureaucrate de rang intermédiaire qui décidera pour le pays s'il vaut la peine de prendre les risques ou, au contraire, refusera aveuglément sans tenir compte des autres effets. Parfois, nous sommes pris avec des décisions en matière de réglementation qui donnent une fausse impression qu'il s'agit de décisions binaires : si nous refusons, tout ira bien. Parfois, accepter un projet porte moins atteinte aux intérêts nationaux du Canada que de le refuser.

Mme Laurie-Lean : Comme Mme Kenny l'a dit, le concept d'effets négatifs importants a toujours existé. Le changement qui découle du projet de loi, c'est que l'effet sur l'environnement, dont l'importance et les répercussions négatives sont évaluées, est défini plus clairement. Dans le passé, le concept d'effets cumulatifs a été à l'origine des désaccords et de la confusion qui régnait.

Examiner les effets d'un projet précis sur l'environnement est plutôt simple. Lorsque le concept des effets cumulatifs entre en scène, qui est lié aux choses qui se sont déjà produites ou qui se produiront, le promoteur est placé dans la situation très difficile de tenter d'établir les effets de toutes les autres activités du secteur ou du compétiteur qui propose un projet de l'autre côté de la rivière. C'est à cet égard que les choses se compliquent vraiment, et dans le cadre de la LCEE actuelle, la notion d'effets sur l'environnement est relativement floue et indéfinie. Cela mène parfois à un débat sur les effets qui devraient être examinés et sur la question de savoir s'ils sont négatifs et importants.

Je pense que le projet de loi C-38 promet de rendre l'examen des effets directs des projets beaucoup plus clair : voici les secteurs que l'on évalue, et voici les endroits où l'on doit faire des tests pour vérifier s'il y a des effets cumulatifs négatifs importants. Cela devrait améliorer grandement les choses.

Le sénateur Wallace : J'en déduis qu'il n'est pas question de baisser la barre, la norme qui sera appliquée, mais bien de faire en sorte que les demandeurs comprennent clairement la norme qu'ils doivent respecter. Est-ce exact?

Mme Laurie-Lean : Pour l'essentiel, oui.

Le sénateur Brown : Nous fournissons des évaluations beaucoup plus vite et les permis sont plus faciles à obtenir. En retour, j'aimerais voir si nous préparons les troupes sur le terrain, comme on le dirait dans l'armée, mais j'aimerais que les pipelines soient mieux protégés, de sorte que s'il y a un bris quelque part, le pétrole n'ait pas le temps de se déverser sur une étendue de quelques milles avant qu'on puisse régler le problème. Je pense que nous avons besoin de quelque chose de plus solide. Plutôt que de manier les mots, nous devrions mettre ces choses en place pour rendre le secteur plus sûr qu'il ne l'est actuellement.

J'aimerais également voir des règlements liés à l'exploitation minière souterraine profonde sur le flanc des montagnes. J'aimerais savoir ce qu'on fait après un déversement lorsque le gisement est épuisé. Essayons-nous de faire un remblayage et de remettre les choses où elles devraient être, ou créons-nous des lacs miniatures sur le flanc d'une montagne? J'en ai vu plusieurs aux États-Unis. Je ne sais pas si nous en avons beaucoup au Canada, mais je détesterais que le flanc des montagnes soit détruit et qu'on ne puisse plus y planter des arbres, et cetera, pour le remettre dans son état initial.

Voilà certaines de mes questions en échange de la réduction des délais pour préparer la documentation, qui passent de 10 à deux ou trois ans avant le début des travaux. Il faut des garanties solides pour que l'environnement soit en meilleur état qu'avant l'exploitation minière.

J'aimerais aussi rectifier un fait. La semaine dernière, les représentants d'Environnement Canada nous ont dit que seulement 200 postes étaient supprimés, qu'ils faisaient double emploi et qu'ils n'étaient pas nécessaires. Ils ont dit que le personnel était suffisant sans ces 200 emplois. Par contre, quelqu'un a affirmé que 1 750 emplois étaient supprimés, ce qui n'est simplement pas vrai. Les représentants ont eux-mêmes indiqué que seulement 200 emplois étaient supprimés à Environnement Canada.

Le président : Avez-vous d'autres questions pour les témoins?

Le sénateur Brown : Non. Comme je l'ai dit, j'aimerais voir des améliorations concrètes en échange des licences accordées et des évaluations effectuées plus rapidement.

M. Gratton : En réponse à ces commentaires, on ne peut plus construire de mine au Canada depuis 20 ans sans prouver qu'on a les ressources nécessaires pour la fermer et remettre les lieux à leur état naturel. Pour les exploitations au nord du 60e parallèle, les gouvernements fédéral et provinciaux exigent que les compagnies donnent une garantie financière avant le début des travaux. Si la compagnie abandonne le projet ou fait faillite, le gouvernement a les fonds pour décontaminer le site. C'est la loi au Canada de nos jours. Le secteur ne fonctionnait pas ainsi il y a des années, mais c'est la pratique actuelle.

Mme Kenny : Merci de soulever la question de l'espacement entre les vannes sur les pipelines. Vous avez souligné à juste titre que la distance entre les vannes sur un pipeline indique le volume total de liquide qui pourrait être déversé en cas d'incident. Les changements apportés à la loi soutiennent les mesures mises en œuvre et renforcent l'évaluation appropriée des risques que présente chaque segment du pipeline, concernant l'intervention d'urgence, la conception adéquate et la surveillance. Notre secteur est déterminé à évaluer ses activités et ses meilleures pratiques de façon très systématique et en tenant compte des risques.

La distance entre les vannes n'est qu'un des nombreux éléments de sécurité pris en compte pour protéger l'environnement. Les technologies et les pratiques sont améliorées de manière continue pour augmenter le rendement en général. Il faut en être conscient.

Le sénateur Brown : Merci de vos commentaires. Ce qui me préoccupe, c'est que les pipelines Gateway et Keystone seront très gros et très longs. Si nous utilisons les mêmes matériaux qu'avant, il faut les protéger contre les bris. Je pense qu'il vaut la peine de s'assurer qu'il n'y aura pas de déversement à grande échelle.

Mme Kenny : Oui, sénateur. Je suis d'accord avec vous. Il faut tenir compte de toutes les améliorations apportées aux systèmes actuels, comme les vannes placées de chaque côté des voies navigables, des marécages, des rivières vulnérables, et cetera. Il importe aussi de comprendre que, même si les pipelines proposés sont gros, comme le Gateway dont vous avez parlé ou le prolongement du Kinder Morgan, il y a déjà plus de 100 000 kilomètres de pipelines partout au Canada qui transportent plus de 2 millions de barils chaque jour. C'est une capacité supérieure à celle de n'importe quel petit ajout à un pipeline donné. Ces pipelines fonctionnent très bien et sont sécuritaires. Je défendrais n'importe quelle intervention en cas de déversement. Malheureusement, il arrive des incidents à l'occasion. Enfin, nous constatons que le volume récupéré durant les interventions est extrêmement élevé. La qualité de l'eau est testée, et un suivi est effectué. Le milieu revient à un état normal très rapidement. Je suis tout à fait d'accord pour dire qu'il faut tenir compte de ces questions dans la conception du pipeline.

Le sénateur Lang : Je veux revenir à Mme Kenny concernant le commerce. Vous avez dit plus tôt que les États-Unis étaient notre principal client et notre seul client, dans certains cas. Un certain nombre d'entre nous reviennent de Washington. C'est très clair que les États-Unis sont sur le point d'être autosuffisants en ce qui a trait au gaz naturel, dans une certaine mesure, et qu'ils découvrent davantage de pétrole dans la zone continentale. Les États-Unis deviennent de plus en plus autosuffisants.

Ma préoccupation, c'est l'urgence pour le Canada de trouver à très court terme d'autres acheteurs pour notre produit. Nous avons assisté à un séminaire organisé par vos collèges concernant le gaz naturel qu'on découvre partout dans le monde. Nous avons de nombreux concurrents. Le Canada et l'Australie ne sont pas seuls. Vous voulez peut-être commenter l'urgence pour les Canadiens de trouver un autre acheteur pour notre énergie, sans quoi nous allons en vendre moins, le gouvernement aura moins de revenus et il y aura moins d'emplois au Canada.

Le président : Je vous donne beaucoup de latitude, sénateur Lang. J'ai du mal à comprendre en quoi cela concerne le projet de loi C-38. C'est profitable pour notre étude sur l'énergie. Avez-vous une façon de joindre les deux?

Le sénateur Lang : C'est en lien avec les délais qui permettront de prendre des décisions dans le processus environnemental.

Mme Kenny : Je vais limiter mes commentaires à ce contexte. En effet, les délais sont importants. Le Canada n'est qu'un acteur sur la scène mondiale. Même si nous avons énormément de ressources, notre production augmente assez peu par rapport au volume total dans le monde. Par exemple, les gens utilisent 90 millions de barils de pétrole brut chaque jour, et nous en produisons trois. C'est important de mettre notre production en contexte. Le marché mondial du pétrole et du gaz naturel a besoin de connaître les délais, et nous sommes en concurrence avec bien des pays. Certaines transactions se font au jour le jour, mais les pays signent beaucoup de contrats de très, très longue durée pour sécuriser leurs options énergétiques à long terme. Nous sommes en concurrence avec l'Australie, le Qatar et d'autres pays pour tirer profit des occasions. Les délais sont très importants pour les intérêts des Canadiens. Mais en ce qui a trait au projet de loi, ça ne veut pas dire qu'on peut précipiter les décisions sans prendre le temps de bien étudier les données. Les délais proposés dans cette mesure sont suffisants pour examiner les préoccupations et sont importants pour que le Canada demeure concurrentiel.

Le sénateur Munson : Je n'ai qu'une question. Y a-t-il un type de projet qui ne demandera plus d'évaluations environnementales, lorsque la nouvelle réglementation entrera en vigueur? Pouvez-vous prendre un exemple dans les projets actuels?

M. Gratton : Je suis content que vous ayez posé la question, parce que j'aurais pu donner la réponse. J'ai oublié d'en parler plus tôt, lorsque vous avez demandé si nous pensions que le projet de loi renforçait l'évaluation environnementale. Nous pensons que le secteur minier va réexploiter des friches industrielles et construire de nouvelles mines sur des sites désaffectés. Parfois, le meilleur endroit pour trouver du minerai, c'est où il y en avait. En général, les sites désaffectés ne sont pas évalués dans le processus fédéral d'évaluation environnementale. Nous pensons qu'il y a plus de chances que ces sites soient évalués. Il y aura peut-être davantage de mines soumises à une surveillance fédérale qu'avant. Ce n'est sans doute pas la réponse que vous aviez prévue. En raison d'autres changements apportés à la loi, c'est fort possible que les provinces mènent les évaluations, et cetera, mais les sites désaffectés pourraient bien être concernés, selon les critères qui seront établis en fin de compte.

Le sénateur Munson : Vous dites qu'il faut mener une évaluation environnementale pour tous les projets au pays, concernant les anciennes mines, les nouvelles mines, les mines reconstruites et les pipelines?

M. Gratton : Je ne parle que du secteur minier. Nous ne sommes pas certains, mais selon les critères qui seraient appliqués, nous pensons que davantage de sites seront évalués, parce que les activités liées aux sites désaffectés pourraient être visées. Nous n'avons rien contre ça, en raison des autres dispositions et des gains d'efficience dans le projet de loi. Étant donné que les sites désaffectés sont régis par les lois provinciales, une évaluation sera menée de toute façon. Le projet de loi rendra le processus plus efficient, et c'est bien ainsi.

Le président : S'il n'y a plus de questions pour les témoins, je vais remercier Mme Kenny, M. Gallinger, M. Gratton et Mme Laurie-Lean. Vous nous avez très bien exposé vos points de vue sur la façon dont le projet de loi va aider les industries que vous représentez. Soyez assurés que nous allons effectuer un suivi sur deux ou trois de vos commentaires, surtout concernant l'article 35 sur les pêches. Nous devons aussi examiner un ou deux commentaires du Barreau du Québec. J'ai maintenant reçu la lettre, et nous allons nous pencher là-dessus.

(La séance est levée.)


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