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ENEV - Comité permanent

Énergie, environnement et ressources naturelles

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent de
l'Énergie, de l'environnement et des ressources naturelles

Fascicule 25 - Témoignages du 5 juin 2012


OTTAWA, le mardi 5 juin 2012

Le Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles se réunit aujourd'hui, à 17 h 21, pour étudier la teneur des éléments de la Partie 3 du projet de loi C-38, Loi portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 29 mars 2012 et mettant en œuvre d'autres mesures.

Le sénateur W. David Angus (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Bonjour, mesdames et messieurs, et bienvenue au Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles. Je vous souhaite la bienvenue, à vous monsieur Dennis Fentie, du Yukon ainsi qu'à nos téléspectateurs qui nous regardent à CPAC, ainsi qu'aux internautes.

Aujourd'hui, nous reprenons notre étude préliminaire du projet de loi C-38, Loi d'exécution du budget. Il s'agit d'un texte de loi modeste qui comprend quelque 470 pages, sans compter les annexes. Nous avons déjà consacré cinq séances à cette étude. Ce soir, nous avons le privilège d'accueillir un éminent témoin qui vient de la même région que notre collègue, le sénateur Lang : M. Dennis Fentie, ancien premier ministre du Yukon. Monsieur Fentie a été élu pour la première fois pour représenter Watson Lake à l'Assemblée législative du Yukon aux élections générales de septembre 1996. Il a été réélu en avril 2000, novembre 2002 et octobre 2006. Il a été assermenté à titre de premier ministre et de ministre la première fois le 30 novembre 2002 et de nouveau en octobre 2006. M. Fentie a été chef du Parti du Yukon de juin 2002 à mai 2011.

Comme homme d'affaires, M. Fentie a pris part à de nombreuses activités économiques au cours des ans dans les domaines de l'exploitation forestière, du tourisme, de l'exploitation minière, du camionnage et de la distribution de combustible. Jusqu'à tout récemment, il était propriétaire et directeur de la société Francis River Construction Limited à Watson Lake. Avant d'être élu député, M. Fentie occupait le poste de directeur de l'Association des forêts du Yukon. Il est également ancien directeur de la Chambre de commerce de Watson Lake.

M. Fentie est né à Edmonton le 8 novembre 1950. Il habite à Watson Lake depuis l'âge de 12 ans. Dans sa localité, M. Fentie est très engagé dans les équipes de baseball et de hockey senior, et il a été entraîneur de hockey mineur. Par ailleurs, il s'intéresse vivement à l'histoire et à l'actualité. M. Fentie et sa conjointe Lorraine habitent à Watson Lake. Nous sommes ravis que vous ayez accepté notre invitation, monsieur.

Dans le cadre de notre examen du projet de loi C-38, et plus précisément de la partie 3, nous nous intéressons au développement des ressources et à la simplification des processus d'évaluation environnementale. S'agit-il d'une initiative unilatérale entreprise par le gouvernement fédéral ou bien les provinces et territoires ont-ils été consultés? Voilà un des nombreux sujets que M. Fentie abordera.

Monsieur, j'aimerais que vous nous permettiez de nous présenter. Je suis le sénateur David Angus, et je préside le Comité de l'énergie. Je viens du Québec. Le sénateur Grant Mitchell, de l'Alberta, est assis à ma droite; il est vice-président du comité. À sa droite, Sam Banks et Marc LeBlanc qui travaillent pour la Bibliothèque du Parlement. Ensuite, si nous continuons notre tour de table, le sénateur Nancy Ruth, de l'Ontario, qui remplace le sénateur Richard Neufeld, de Colombie-Britannique. À ses côtés, le sénateur Sibbeston des Territoires du Nord-Ouest. Il est expert en ce qui a trait au Nord canadien. La greffière du comité est assise à ma gauche, Mme Lynn Gordon. Sont assis à sa gauche le sénateur Johnson, du Manitoba, le sénateur Judith Seidman, du Québec, le sénateur Daniel Lang, du Yukon, le sénateur John Wallace, du Nouveau-Brunswick, et un autre visiteur que nous accueillons ce soir, le sénateur Dyck, qui remplace le sénateur Peterson, de la Saskatchewan. Sénateur Dyck, nous sommes ravis de vous accueillir. Je pense que c'est la première fois que vous siégez au Comité de l'énergie. Bienvenue. Bienvenue sénateur Nancy Ruth également. Et le dernier sénateur, mais non le moindre, que je désire vous présenter, c'est le sénateur élu de la grande province de l'Alberta, le sénateur Bert Brown.

Sans plus tarder, la parole est à vous, monsieur : dites-nous ce que vous avez à nous dire au sujet du projet de loi C- 38. On vous posera des questions par après. Chers collègues, nous poursuivrons ensuite à huis clos pour traiter des travaux futurs.

Dennis Fentie, ancien premier ministre du Yukon, à titre personnel : Merci beaucoup, monsieur le président, sénateurs, mesdames et messieurs. C'est un grand honneur pour moi de pouvoir vous entretenir du projet de loi C-38, en particulier des sections relatives à l'énergie, l'environnement et les ressources naturelles.

Tout d'abord, permettez-moi de préciser que je suis ici pour dire du bien du projet de loi C-38, plus précisément des initiatives comme la simplification des processus d'évaluation environnementale et l'examen de projet, un à la fois. Permettez-moi de vous donner un peu plus de contexte en vous expliquant deux ou trois choses. Pendant toute la durée de mon mandat à titre de premier ministre du Yukon, de 2002 à 2011, je peux vous affirmer, sénateurs, que l'une des questions qui était souvent soulevée autour de la table nationale au cours de ces années-là, et plus récemment à partir de 2008 époque à laquelle la situation économique a commencé à se dégrader, était l'impossibilité d'assurer le développement, surtout dans le secteur des ressources, la croissance économique et la création d'emplois en l'absence d'un processus d'évaluation de projet clair et cohérent.

D'autre part, sachez qu'au Yukon il existe un processus d'évaluation environnementale unique. Cela ne s'est pas traduit par des évaluations moins rigoureuses; ça nous a permis d'effectuer les évaluations de façon cohérente et rapide tout en nous assurant que le fardeau de la preuve repose davantage sur les intervenants du secteur, pour que ce soit eux qui démontrent qu'ils satisfont aux objectifs de l'évaluation environnementale, tout en déterminant quels sont les impacts et en proposant des initiatives pour en mitiger les effets.

L'ACEE nous a fait part de nombreux exemples de problèmes émanant de projets de développement.

Pensez, à titre d'exemple, au pipeline de la vallée du Mackenzie. Cela a pris neuf ans pour qu'on en arrive là où nous en sommes aujourd'hui, ce qui est extrêmement problématique si l'on veut attirer des investissements au pays et s'assurer que le Canada reste concurrentiel à l'échelle internationale. Nous sommes assurément présents sur le marché mondial et devons garder notre compétitivité.

Ça fait longtemps que les mesures annoncées dans le projet de loi C-38 visant à rendre le processus plus simple, cohérent et efficace se font attendre.

Qui plus est, la pleine mise en œuvre de la Loi sur l'évaluation environnementale et socioéconomique au Yukon, qui, soit dit en passant, est un texte de loi fédérale qui a remplacé la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale, a donné au Yukon, jusqu'à présent, un avantage concurrentiel en ce qui a trait à la capacité à attirer les investisseurs. Je pense que tout le monde serait d'accord pour dire qu'à l'échelle internationale les investissements ont tendance à être limités. Nous savons que le développement des ressources est cyclique. L'impossibilité d'évaluer les projets de développement de façon cohérente et rapide se traduit inévitablement par la perte de cet avantage concurrentiel qui est nécessaire pour attirer les investissements.

Ce qui est encore plus important, c'est qu'étant donné les difficultés économiques que connaît le monde d'aujourd'hui, il est essentiel que le Canada puisse exploiter ses nombreuses ressources naturelles de façon à ce que tous les Canadiens en tirent profit tout en agissant de façon responsable et dans l'intérêt du public et en permettant au Canada de conserver cet avantage concurrentiel à l'échelle internationale.

En l'absence de développement de ressources et de processus d'évaluation rapides et cohérents, nous porterons préjudice au développement canadien et à son positionnement sur le marché mondial, comme nous l'avons fait par le passé.

Sénateurs, au bout du compte, il est essentiel que le Canada se dote de processus simplifiés, clairement définis, et assortis d'échéanciers pour que nous puissions continuer sur la voie du développement économique, la création d'emplois et la prospérité. Le Yukon peut être cité à titre d'exemple de territoire qui a mis en place un processus unique assorti d'échéanciers stricts. En fait, j'ai comparé la Loi sur l'évaluation environnementale et socioéconomique au Yukon et les changements proposés à la LCEE, qu'on appelle maintenant la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale (2012), j'ai remarqué qu'il y avait beaucoup de points communs et ça me semble logique. Dans bien des cas, ces modifications donneront au Canada un avantage en ce qui a trait à la pérennité de la croissance et du développement, surtout dans l'Ouest et dans le Nord du pays. Et je pense que nous devrions reconnaître un autre fait à cet égard.

Le développement de l'Ouest et du Nord du Canada, et la richesse ainsi générée, est essentiel si nous voulons que l'ensemble des Canadiens bénéficient de ce développement. Il suffit d'examiner notre programme de péréquation pour se rendre compte que les provinces les moins riches profitent de l'exploitation des sables bitumineux en Alberta et des mines en Colombie-Britannique et au Yukon. Ces activités renflouent considérablement les coffres de l'État et le Trésor public, ce qui permet au gouvernement fédéral de verser des paiements de péréquation à certaines provinces, comme c'est le cas aujourd'hui.

Il est important que l'ensemble des Canadiens comprennent que les processus d'évaluation environnementaux n'ont pas été créés pour empêcher le développement. Ces processus nous permettent plutôt de déterminer quels sont les impacts environnementaux afin de proposer des processus permettant de mitiger les effets potentiels, ce qui permet aux intervenants du secteur et plus particulièrement au secteur privé d'investir et de contribuer au développement de notre grande nation pour en assurer la prospérité continue.

Je m'en tiendrai à ça. Je serais maintenant ravi de répondre à vos questions.

Le sénateur Lang : Tout d'abord, je voudrais souhaiter la bienvenue à M. Fentie. À titre d'information, pour ceux d'entre vous qui ne l'auraient pas reconnu, M. Fentie porte une cravate qui arbore le tartan du Yukon. Je suppose que le président, le sénateur Angus l'a remarqué avant toute autre chose.

Le président : Je vous ai déjà vu en kilt. Ça fait peur.

M. Fentie : Ces jambes...

Le sénateur Lang : Le sénateur Neufeld est absent. Il représente la circonscription voisine de celle de M. Fentie à l'époque où il était premier ministre. Il leur suffisait d'emprunter l'autoroute pour se rendre visite.

M. Fentie : Effectivement.

Le sénateur Lang : J'aimerais vous poser deux questions. D'abord, comment les Premières nations participent-elles au processus au Yukon. C'est une question qui se pose à l'échelle du pays. Comment faire pour que tous ceux qui le désirent puissent bénéficier du développement des ressources et que le Canada en profite également?

Ensuite, pendant que vous étiez premier ministre de votre territoire — du début à la fin de votre mandat —, quelles sommes ont été investies au Yukon à l'époque de la mise en place du processus? Comment nous portons-nous du point de vue du capital que nous avons pu attirer en provenance du Canada mais également de l'étranger?

M. Fentie : Monsieur le sénateur, en ce qui a trait à votre première question portant sur la participation des Premières nations, je vous dirais qu'en plus des exigences en vertu de la Loi sur les évaluations environnementales, il est essentiel de consulter les Premières nations surtout lorsqu'il risque d'y avoir des répercussions sur les terres traditionnelles, et j'entends par là également le mode de vie traditionnel des Premières nations. Donc il faut prendre en compte cet aspect-là.

Permettez-moi de vous parler directement de l'expérience du Yukon et du sujet de la Loi sur l'évaluation environnementale et socioéconomique du Yukon. C'est un instrument qui a été élaboré dans le cadre du processus des revendications territoriales. Il s'agit d'une application commune de la loi — loi fédérale — mise en œuvre au Yukon et bénéficiant de la participation et de l'approbation entière des Premières nations du Yukon, parce qu'elle a été produite à partir de leur processus de revendication territoriale.

S'il est vrai qu'on parle beaucoup de la simplification de la LCEE, et du fait qu'elle exclura la participation des Premières nations, je soutiens que c'est, de fait, faux. Il y a de nombreux autres domaines et lois très importants — et des liens constitutionnels — qui garantissent que les Premières nations participent à de tels processus qui portent sur des projets ayant lieu sur leur territoire traditionnel et les évaluent.

Au sujet de la deuxième partie, lorsque nous sommes arrivés au pouvoir pour la première fois en 2002, le taux de chômage au Yukon était de plus de 10 p. 100. La population diminuait sans cesse. Pour vous donner des sommes d'argent, je peux vous dire que pendant notre première année au pouvoir, l'investissement global du Yukon dans le domaine de l'exploration minière et des secteurs connexes était d'environ 5 millions de dollars.

Deux ans plus tard, après la mise en œuvre des mesures de dévolution, qui ont cédé des programmes fédéraux au Yukon, ainsi que la mise en œuvre et l'entrée en vigueur de la Loi sur l'évaluation environnementale et socioéconomique au Yukon, le territoire aujourd'hui reçoit des investissements pour la mise en valeur des ressources, par exemple, d'environ 300 à 400 millions de dollars.

On peut certainement souligner le fait que la mise en valeur des ressources est cyclique. Toutefois, il faut attirer un investissement au début du cycle et veiller à le maximiser et à retenir le maximum d'avantages à la suite de ce cycle. Il y a des processus d'évaluation qui l'empêchent. Vous pouvez voir qu'au Yukon, certainement, nous n'aurions pas profité d'une augmentation aussi importante. Nous l'avons fait sans poser d'obstacles aux évaluations et à la protection environnementale ni réduire ces mesures. En fait, au Yukon, 13 p. 100 du territoire est maintenant protégé d'une façon ou d'une autre. Lorsque j'ai quitté le pouvoir, le territoire n'était supplanté que par la Colombie-Britannique. Nous n'avons d'aucune façon affecté négativement les secteurs comme celui du tourisme. En fait, c'est devenu complémentaire, en quelque sorte.

Dans l'ensemble, je dois répéter qu'il est très important pour le pays d'avoir un processus d'évaluation semblable qui permet à de tels avantages positifs de revenir aux Canadiens en général.

Le sénateur Sibbeston : Merci. Je veux simplement formuler une observation sur les Territoires du Nord-Ouest et le temps qu'il a fallu pour régler la question du pipeline de la vallée du Mackenzie, à titre d'exemple. Je pense que les Canadiens doivent comprendre que les Territoires du Nord-Ouest sont une région émergente de notre pays. Il y a beaucoup d'Autochtones qui vivent là-bas.

Le développement industriel, du point de vue de la taille des pipelines, est nouveau. Si nous ne faisons pas attention, les gens peuvent être inondés; ils peuvent être dépassés et écrasés. Les gens doivent garder cela en tête. Au cours de la dernière décennie, il y a eu de grandes avancées dans le règlement des revendications et les Autochtones ont commencé à participer beaucoup au secteur industriel et commercial dans le Nord. Des progrès ont été faits.

Je pense qu'il y a 20 ou 25 ans, tous les Autochtones dans le Nord étaient contre les grands projets comme le pipeline gazier de la vallée du Mackenzie. Aujourd'hui, je dirais que la plupart des Autochtones sont en faveur du développement, principalement parce qu'il y a eu des règlements, de sorte que la tenure est certaine, ils ont des ressources dont ils peuvent profiter et aussi des recours grâce aux conseils environnementaux qui leur permettent de contrôler les questions environnementales. Les choses ont beaucoup changé.

Diriez-vous, monsieur Fentie, que le Yukon a avancé à cet égard? Je pense que la plupart des Autochtones au Yukon ont vu leurs revendications réglées. C'est très positif. Dans cette situation, ils sont plus susceptibles d'apporter leur appui et de s'impliquer. C'est comme en toute autre chose : si on s'implique dans quelque chose et qu'on en tire des avantages, on est plus susceptible de l'appuyer que si on se fait passer par-dessus ou mettre de côté.

M. Fentie : Des spectateurs, en quelque sorte.

Le sénateur Sibbeston : Pouvez-vous commenter ces affirmations, s'il vous plaît?

M. Fentie : Certainement, sénateur. Vous avez raison de dire que de grandes avancées ont été faites au cours des 10 dernières années et plus en ce qui concerne le règlement des revendications territoriales.

Toutefois, la meilleure façon pour moi de répondre à votre question consiste peut-être à revenir sur le fait qu'il existe une différence distincte entre le Yukon et les Territoires du Nord-Ouest. Les Yukonnais, y compris les membres des Premières nations, sont maîtres chez eux en ce qui concerne leur dévolution. Je sais que les Territoires du Nord-Ouest ont entrepris une initiative actuellement pour tenter de conclure une entente avec le Canada. Toutefois, au sujet de ce que vous avez dit, lorsque les gens peuvent prendre des décisions au niveau local en leur propre nom et participer aux décisions qui les touchent vraiment et qui affecteront leur vie et leur avenir, on se retrouve avec des conditions propices pour aller de l'avant, ce qui est particulièrement le cas pour les membres des Premières nations.

C'est l'un des avantages dont le Yukon a bénéficié au cours des dernières années : nous sommes maîtres chez nous et nous pouvons prendre des décisions et participer aux décisions qui ont une incidence sur nos vies.

Le sénateur Mitchell : Merci beaucoup, monsieur Fentie. Votre exposé a été très impressionnant et nous sommes heureux que vous ayez pris le temps de venir ici.

Tout d'abord, je m'intéresse à la question de l'autorité des Premières nations sur les terres qui pourraient être assujetties au développement. Je ne veux pas du tout dire que les membres des Premières nations sont contre le développement de façon générale, mais c'est un problème dans une certaine mesure — la porte d'entrée, par exemple. Selon votre expérience ou vos connaissances du Yukon, si le développement devait se faire partout, notamment sur une terre faisant l'objet d'une revendication territoriale, qui sera bientôt réglée ou qui est en processus de règlement et que le groupe autochtone s'y oppose tout simplement, auriez-vous un pouvoir d'expropriation? C'est ma première question. Deuxièmement, pensez-vous que le gouvernement du Yukon utiliserait ce pouvoir? Troisièmement, pensez- vous que l'industrie souhaiterait se retrouver dans une position où elle construirait un projet sur des terres expropriées alors que les gens ne voulaient pas l'avoir là?

M. Fentie : Premièrement, permettez-moi de vous dire catégoriquement que le gouvernement du Yukon ne peut pas exproprier des terres concernées par les revendications au Yukon; on les appelle terres octroyées par l'entente A, soit celles qui comprennent les droits de superficie et d'exploitation souterraine, et terres octroyées par l'entente B, qui comprennent les droits de superficie. En fait, les terres sont détenues en fiducie pour les bénéficiaires de cette Première nation en particulier.

L'orientation adoptée par le Yukon concerne l'application des régimes communs. Prenons la Loi sur le pétrole et le gaz du Yukon, par exemple. Cette loi s'applique à la fois aux terres de la Couronne et des Premières nations. Par conséquent, grâce à la structure et aux mécanismes juridiques en place au Yukon, les Premières nations agissent comme des gouvernements et ces lois leur permettent de prendre des décisions au sujet de leurs propres terres.

L'autre élément, c'est que la Loi sur l'évaluation environnementale et socioéconomique au Yukon est un régime commun qui s'applique à la fois aux terres de la Couronne et aux terres octroyées par l'entente. Par conséquent, une structure juridique au Yukon a tendance à rapprocher les gens dans un but commun afin d'atteindre des objectifs communs parce que nous voulons une structure juridique commune qui s'applique à des éléments comme la mise en valeur des ressources, que ce soit sur les terres de la Couronne ou les terres des Premières nations.

Le sénateur Mitchell : Ainsi, il ne s'agit pas du fait que vous, le gouvernement du Yukon, ayez jamais été dans une position d'imposer quelque chose aux gouvernements autochtones; cela ne serait jamais le cas. Est-ce que c'est ce que vous êtes en train de dire?

M. Fentie : Sur le plan juridique, nous ne pourrions probablement pas le faire. Ensuite, l'industrie traiterait directement avec la Première nation, elle-même, et toute redevance ou retombée qui découlerait de l'exploitation des ressources, par exemple, sur des terres sélectionnées, irait directement aux Premières nations.

Nous avons l'exemple de la mine Minto au Yukon qui, en fait, occupe et exploite des terres octroyées par l'entente. Les revenus de ces activités sont la part du Yukon et une grande partie de cette part des recettes tirées de l'exploitation de cette mine revient au Canada, mais les recettes qui reviennent au Yukon sont directement acheminées à la Première nation elle-même. Ainsi, il s'agit là d'un gros avantage.

Pour répondre au sénateur Sibbeston, si vous ne retirez rien de cette exploitation, il est moins probable que vous souteniez ces activités. Dans ce cas-ci, les Premières nations du Yukon bénéficient grandement de l'exploitation, surtout sur leurs terres.

Permettez-moi de préciser cela en rajoutant quelque chose, monsieur. Nous partageons également des redevances avec les Premières nations du Yukon, notamment des redevances que nous recevons du pétrole et du gaz. Il existe une formule, selon laquelle le montant que reçoit le Yukon est directement partagé avec les Premières nations du Yukon. Cela s'appelle le fonds Kotaneelee.

Le sénateur Mitchell : Cela est intéressant. Admettons qu'un projet soit exclusivement sur des terres autochtones, sur lesquelles ils exercent leur autorité, en vertu de la structure que vous avez décrite, qui est vraiment chargé de superviser, surveiller et vérifier le processus environnemental qui doit être suivi?

M. Fentie : Ils appliqueraient le régime commun, à savoir la Loi sur l'évaluation environnementale et socioéconomique au Yukon. Le gouvernement de la Première nation a l'autorité là-dessus, et l'industrie doit traiter directement avec le gouvernement de la Première nation. Le gouvernement du Yukon se servirait de ses bons offices pour aider l'industrie et la Première nation dans ce processus, en leur fournissant des renseignements — par exemple, des données détaillées sur les ressources, des données biophysiques dont nous disposons au ministère de l'Environnement.

Voilà le genre de choses que le gouvernement du Yukon apporterait, en termes de données et de processus, qui sont directement reliés à l'industrie et au gouvernement des Premières nations.

Le sénateur Mitchell : Quel rôle le gouvernement fédéral joue-t-il? En vertu du nouveau régime, on dirait que le gouvernement fédéral va déléguer certaines choses à la province, mais qu'elle restera aussi en contact, surveillera et vérifiera pour s'assurer que ce qui doit être fait est bel et bien fait. Essentiellement, vous êtes l'équivalent du gouvernement fédéral et du gouvernement provincial. Y a-t-il une vérification? Le gouvernement fédéral vous surveille- t-il dans ce processus?

M. Fentie : Tout d'abord, nous ne sommes pas une province et la meilleure façon d'en expliquer clairement la raison, c'est que nous ne sommes pas propriétaires des ressources. En vertu du transfert des responsabilités, le Yukon est l'intendant des terres, de l'eau et des ressources et nous gérons ces ressources en vertu des lois fédérales, la Loi sur les eaux du Yukon, la Loi sur les terres du Yukon et la Loi sur l'extraction du quartz dans le Yukon, par exemple. La Loi sur l'évaluation environnementale et socioéconomique au Yukon est une loi fédérale. La Loi sur le pétrole et le gaz du Yukon est une loi fédérale qui a été adoptée à l'Assemblée législative du Yukon et au Parlement.

Oui, le gouvernement fédéral a voix au chapitre, mais nous, en tant que gestionnaires, suivons le processus et s'il y a des problèmes qui viennent contredire ces lois ou cette loi, eh bien oui, il interviendra.

Ensuite, le ministère des Pêches et Océans et la Loi sur les pêches — je crois que nous le savons tous — ont préséance sur toutes les questions qui pourraient avoir une incidence sur le poisson ou l'habitat du poisson.

Le sénateur Mitchell : Craignez-vous que, avec toutes les compressions au ministère de l'Environnement, des Pêches et aux autres agences qui participent à ce processus, lorsque le fédéral doit intervenir, il n'a plus de ressources pour le faire ou il ne peut pas le faire dans un délai suffisamment court?

M. Fentie : Je n'ai aucune préoccupation quant aux aspects budgétaires du gouvernement. Nous nous inquiétons plutôt du dédoublement des processus et dépenses inutiles dans des domaines dont s'occupe déjà le ministère de l'Environnement du Yukon.

La rhétorique concernant l'éviscération d'évaluations environnementales et de toutes sortes de conséquences catastrophiques est vraiment allée trop loin. Nous devrions plutôt discuter des façons de rendre ce processus le plus efficace possible, et ce dans l'intérêt de tous les Canadiens, afin que nous puissions atteindre le développement et la prospérité tout en protégeant l'environnement, l'habitat, et la biodiversité pour les générations futures. C'est sur cela que nous devrions nous concentrer.

Le sénateur Dyck : Merci de votre exposé. Je vais donner suite à des questions que mes collègues ont posées. Vous avez probablement déjà répondu à la plupart de mes questions.

Vous avez dit que les Premières nations doivent être consultées pendant l'étape de développement de cette nouvelle loi environnementale. En tant que membre et vice-président du Comité des peuples autochtones depuis sept ans, je me suis fait dire encore et encore que, la plupart du temps, les Premières nations ne sont pas consultées. Quel est le secret? Il me semble que les choses vont très bien au Yukon et je devine que ce serait parce que vous êtes soumis aux règlements des revendications foncières. Mais afin d'atteindre un tel règlement, les Premières nations ont joué un rôle très actif dans le processus et ont été consultées dans les négociations.

M. Fentie : Vous avez raison de dire qu'au Yukon, grâce au processus de règlement des revendications foncières, grâce également à l'autonomie gouvernementale et à la façon par laquelle les revendications ont été réglées, nous sommes en train de redéfinir le quand, le comment et le pourquoi des consultations. Toutefois, il faut comprendre qu'il n'y a aucun précédent juridique, mais que les cours ont clairement statué que dès lors qu'un développement peut avoir une incidence sur le mode de vie traditionnel ou les terres traditionnelles des Premières nations, les deux ordres de gouvernement — fédéral et provincial ou territorial —, ainsi que l'industrie doivent consulter les Premières nations.

Le sénateur Dyck : Merci. En ce qui concerne la LEESY, comment se compare-t-elle à la LCEE par rapport aux délais impartis pour les évaluations environnementales?

M. Fentie : Je suis heureux que vous ayez posé la question car j'ai de l'information justement sur ce sujet. En ce qui concerne les évaluations environnementales standards sous la LCEE proposée, le délai est d'un an. Au Yukon, il s'agit d'une évaluation d'un bureau désigné, ce qui prend entre 36 et 134 jours, moins le temps nécessaire pour ce type d'évaluation.

Les commissions, qui sont beaucoup plus rigoureuses et strictes que les évaluations, prévoient un délai de deux ans en vertu des modifications proposées à la LCEE. Au Yukon, il s'agit d'examens environnementaux préalables qui peuvent inclure des audiences publiques et des examens par comité. Ces délais sont de un à deux ans.

Le sénateur Dyck : C'est comparable ou même plus court?

M. Fentie : Les nôtres sont un peu plus courts, mais il y a autre chose en jeu. Une évaluation environnementale et ses résultats sont une chose, mais il faut savoir qu'un grand nombre de projets exigent également, selon le cas, l'obtention d'un permis d'utilisation des eaux, du sol, ou d'exploitations minières. Au Yukon, il faut obtenir un permis d'extraction de quartz pour tout projet de mine en roche dure. Donc il y a d'autres processus qui se rajoutent au processus d'évaluation environnemental habituel afin de passer au stade de l'exploitation.

Le sénateur Dyck : Si vous comparez les dispositions générales de la LEESY à celle de la LCEE, les trouvez-vous très semblables? Je pense surtout aux Premières nations car, dans d'autres régions du pays, l'incidence socioéconomique sur les Premières nations n'est pas aussi bien représentée que dans la LEESY.

M. Fentie : Oui, la LEESY est un instrument ou un produit des revendications foncières du Yukon. Sa création a pris la forme d'un processus tripartite : gouvernements fédéral et territoriaux et toutes les Premières nations du Yukon. L'on a créé un outil qui fait en sorte que certaines exigences des Premières nations sont consacrées dans la loi sur l'évaluation.

Si l'on examine les modifications proposées à cet égard par le projet de loi C-38, il y a des éléments de l'évaluation sociale qui doivent être entrepris par l'entremise du processus d'évaluation environnementale. Pour savoir si ces deux lois sont comparables, je dirais qu'elles le sont effectivement car la Loi sur l'évaluation environnementale et socioéconomique au Yukon a remplacé la LCEE. La différence c'est que les évaluations environnementales sont administrées et appliquées à l'échelle locale, tandis que sous la LCEE, ce genre d'évaluation faite ailleurs au pays se fait plutôt au niveau du fédéral.

Au Yukon, nous sommes devenus les décideurs grâce à nos bureaux de district et à notre conseil de la LEESY, nous l'appelons le CEESY, la Commission de l'évaluation environnementale et socioéconomique au Yukon. Cette commission a des sièges réservés aux Premières nations. Le Yukon et le gouvernement fédéral se partagent les autres sièges.

Le sénateur Dyck : Il me semble que si l'on prenait tous ces éléments et qu'on les insérait dans une loi fédérale, l'on obtiendrait une loi qui peut très bien servir les Premières nations.

M. Fentie : Oui, car la LEESY est un produit d'une revendication territoriale du Yukon, ce qui ne se trouverait pas nécessairement ailleurs au Canada. On peut résumer tout cela en se rappelant que le Yukon n'a pas de réserve; il n'a que des terres octroyées par l'entente, détenues par les Premières nations, et gouvernées par celles-ci.

Ce n'est pas le cas dans les provinces qui ont signé le traité 8 et le traité 6 et toutes sortes de traités vieux de plus d'une centaine d'années qui représentent tout un fouillis de problèmes et d'engagements. Je pense que le Yukon est un exemple à suivre et que d'autres administrations pourraient certainement s'inspirer de notre modèle dans leurs activités.

En fait, notre loi est le reflet fidèle du processus canadien d'évaluation environnemental. Sa distinction est qu'il s'agit d'un instrument qui a été créé d'une façon novatrice, au niveau local, avec la participation du gouvernement fédéral.

Le sénateur Wallace : Merci, monsieur le premier ministre. Le sénateur Dyck vous a déjà posé l'une des questions que j'avais. Je vous écoutais décrire ce qui semble être des avantages conséquents aux modifications apportées à la LEESY pour développer le Nord et le Yukon. Comment cette loi se compare-t-elle au projet de loi C-38? Le sénateur Dyck en a déjà parlé.

Lorsque l'on compare la LEESY et l'on constate son processus allégé, voyez-vous des parallèles avec le projet de loi C-38 qui nous donnerait un processus plus allégé afin de produire les bénéfices que vous avez connus d'expérience?

M. Fentie : J'hésiterais à dire qu'il faudrait adopter à l'échelon national une pratique qui a été élaborée au niveau local, ou un outil qui a été conçu à des fins particulières sous un processus de revendications foncières. J'hésiterais à l'avancer catégoriquement. Toutefois j'ai bel et bien dit que le Yukon est un exemple de la façon par laquelle on peut améliorer les choses et accélérer le processus d'évaluation environnementale.

Permettez-moi d'ajouter également que, par le passé — et je crois que nous pouvons l'illustrer par d'innombrables exemples — c'est à cause d'un processus inefficace, inopportun et déraisonnable que les investissements pour ce pays se sont déplacés à l'étranger. Le Yukon en a été un parfait exemple, il y a quelques années.

Une des choses dont il faut tenir compte ici, c'est qu'il s'agit d'un processus évolutif. Lorsque nous appliquerons les changements aux instruments tels que la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale, nous nous apercevrons, à l'avenir, que d'autres changements seront nécessaires, en fonction de l'époque dans laquelle nous nous trouverons et des choses auxquelles nous serons confrontés, à ce moment-là. Il s'agit d'un document évolutif.

C'est pour cela que nous avons prévu un examen quinquennal dans la Loi sur l'évaluation environnementale et socioéconomique au Yukon, examen qui est en cours. Cet examen vise également à cerner et à résoudre les problèmes, les choses à améliorer, et cetera. Vus sous cet angle, ces changements ne sont qu'une simple étape dans la longue route qu'il nous reste à parcourir pour continuer à traiter des importants enjeux pour notre pays et pour l'intérêt public; ainsi, je crois que nous serons tous d'accord pour dire que des changements seront certainement nécessaires pour améliorer les choses et les rendre plus efficaces et pour qu'elles reflètent davantage ce que les Canadiens veulent à un moment donné, à savoir défendre l'intérêt public.

Le sénateur Wallace : Vous parlez certainement en termes positifs de la nécessité d'avoir un processus plus simple et c'est ce qui a d'ailleurs été votre expérience au Yukon. Vous avez l'air de bien connaître les changements proposés par le projet de loi C-38.

M. Fentie : Je dois vous avouer que je n'ai pas lu tout le projet de loi, monsieur le sénateur, mais je crois que je connais assez ce qui concerne ce domaine.

Le sénateur Wallace : Par rapport à ce que vous avez vu dans la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale, y a-t-il d'autres éléments, dans le projet de loi C-38, concernant la rationalisation du processus et qui vous semblent être positifs et que vous ne nous avez pas mentionnés jusqu'ici?

M. Fentie : À brûle-pourpoint, je n'arrive pas à me rappeler de points précis.

Le sénateur Wallace : Seulement des concepts généraux.

M. Fentie : De manière générale, il s'agit de quelque chose que l'on demande depuis les nombreuses années que je suis impliqué à l'échelle nationale, aux réunions des premiers ministres, aux réunions des ministres de l'Ouest, aux réunions des ministres du Nord, au Conseil de la fédération et j'en ai parlé récemment, après 2008, lorsque nous avons rencontré les premiers ministres des provinces et des territoires et le premier ministre pour mettre sur pied un programme de relance pour notre pays. Cela a été un thème constant. Je vois d'un bon œil tous les éléments d'efficacité et de rationalisation de la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale que le gouvernement propose, des changements risquent d'être nécessaires à l'avenir. Cela ne sera pas parfait. La Loi sur l'évaluation environnementale et socioéconomique au Yukon n'est pas parfaite. Nous ne vivons pas dans un monde parfait et ces changements feront surface. Ces besoins feront surface, au fur et à mesure. Nous sommes à une croisée des chemins et la mise en œuvre de ce processus, à mes yeux, est cruciale pour l'avenir de notre pays, car sans développement, sans croissance et sans création d'emplois, nous aurons tous des problèmes.

Le sénateur Wallace : Ce qui va de pair avec la croissance économique et la création d'emplois, bien entendu, c'est la protection de l'environnement.

M. Fentie : Vous avez raison.

Le sénateur Wallace : Il s'agit de la partie la plus élevée de tout cela. Pour créer un processus plus simple au Yukon, pensez-vous que vous avez suffisamment offert cette protection environnementale à laquelle le public s'attend? Encore une fois, j'essaie d'établir des parallèles. Avec le projet de loi C-38, nous voulons bien évidemment nous assurer que la protection environnementale accompagnera tous ces changements. Quelle a été votre réponse?

M. Fentie : Je dirais que rien dans ce que nous avons fait pour rationaliser, simplifier le processus et imposer des échéanciers, comme ça été le cas au Yukon avec la Loi sur l'évaluation environnementale et socioéconomique au Yukon, n'a amoindri la rigueur de l'évaluation et de la protection environnementale. Au bout du compte, l'objectif de ces processus est de déterminer les retombées environnementales, de les identifier, d'identifier leur sévérité et ensuite, c'est à l'industrie de montrer et de prouver qu'elle peut mitiger ces retombées pour veiller à la durabilité de l'environnement.

Je ne crois pas que la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale, la Loi sur l'évaluation environnementale et socioéconomique au Yukon ou tout autre instrument d'évaluation environnementale n'aient jamais été créés pour empêcher ou pour entraver le développement de notre pays. Ils visaient à identifier les retombées et à veiller à ce que nous puissions protéger notre environnement en adoptant des mesures d'atténuation.

Le sénateur Wallace : Merci beaucoup, monsieur le premier ministre.

Le sénateur Seidman : Merci, monsieur le premier ministre. Vous avez beaucoup parlé du processus d'évaluation environnementale car vous aviez beaucoup de questions là-dessus. Vous nous avez fait une bonne description des changements qui, selon vous, en découleront.

Vous avez un peu parlé des commissions, des personnes qui sont impliquées dans le processus d'évaluation. Pourriez-vous nous donner un peu plus de détails là-dessus? Qui est impliqué et comment cela est-il organisé?

M. Fentie : Au Yukon?

Le sénateur Seidman : Oui.

M. Fentie : Permettez-moi d'abord de parler des bureaux de district ou bureaux désignés. Il s'agit de bureaux qui sont mis sur pied pour embaucher des employés qui sont chargés d'évaluer des projets de niveau inférieur, si vous voulez, et de décider du processus à suivre pour permettre à ce projet d'atteindre ses buts et objectifs ultimes. On embauche ces gens et c'est le comité lui-même qui se charge d'en faire la surveillance, l'Office d'évaluation environnementale et socioéconomique du Yukon. Les membres de cet office sont des citoyens qui sont nommés par les Premières nations, par le Yukon et par le gouvernement fédéral. Ils sont chargés non seulement de mettre en œuvre la loi, en tant que telle, mais aussi de veiller à ce qu'une liste de règlements longue comme le bras soit aussi abordée pendant tout processus d'évaluation. Ces membres sont des citoyens. Ils sont nommés et ils ont un mandat et des tâches précises qui leur sont confiés.

Le sénateur Seidman : Sont-ils nommés pour une certaine durée?

M. Fentie : Oui. Leur mandat dure une certaine période, tout comme celui du président et des autres membres de l'office.

Le sénateur Seidman : Vous dites que ce sont des membres du Yukon, du gouvernement fédéral et des Premières nations. Est-ce bien cela?

M. Fentie : Oui.

Le sénateur Seidman : Pourriez-vous nous parler un peu, par exemple, des membres nommés par les Premières nations?

M. Fentie : Les noms sont soumis par les Premières nations elles-mêmes. Les Premières nations se réunissent. Au Yukon, elles le font par le biais du Conseil des Premières nations du Yukon. Ils choisissent les membres ou les noms qu'ils veulent proposer pour ces nominations. Une fois que c'est fait, le Yukon ne s'oppose pas à ces nominations précises et elles entrent en vigueur par voie de décret à l'Assemblée législative du Yukon.

En ce qui a trait aux nominations fédérales, les noms sont proposés et sont soumis à consultation, aussi bien avec le Yukon qu'avec les Premières nations. Une fois de plus, elles entrent en vigueur par voie de décret, comme pour les nominations du Yukon. Nous entamons ensuite un processus qui vise à déterminer les personnes qui seront nommées à l'office.

Le sénateur Seidman : Ce qui m'importe, c'est la manière dont les représentants des Premières nations sont nommés à l'office, ce qui me semble assez important.

M. Fentie : Ils s'en occupent eux-mêmes.

Le sénateur Seidman : C'est excellent. Merci beaucoup.

M. Fentie : D'ailleurs, au Yukon nous offrons également un niveau de formation et d'orientation parallèlement à ces nominations. Les gens ne sont pas simplement parachutés à ces postes. Nous travaillons avec ces personnes pour les orienter et leur donner une formation ciblée sur leurs responsabilités, leurs engagements et leur mandat.

Le sénateur Seidman : Vous avez devancé ma prochaine question. Maintenant que vous y avez répondu, c'est excellent. On offre à ces gens une certaine formation pour qu'ils comprennent leur rôle et comprennent l'importance de ce qu'ils s'apprêtent à faire?

M. Fentie : Oui.

Le sénateur Seidman : Merci.

Le sénateur Brown : Merci pour votre exposé. Il me semble que vous avez dit que les habitants du Yukon sont propriétaires des terres, et je crois que cela fait toute une différence.

M. Fentie : Non. Les Yukonnais ne sont pas propriétaires des terres. Quand il s'agit de terres de la Couronne, nous sommes des intendants. La Couronne fédérale reste propriétaire des terres. Les Premières nations du Yukon, de par leurs ententes, sont propriétaires des terres de catégorie A visées par les règlements, en surface et souterraines, et des terres de catégorie B visées par les règlements, à la surface. Elles détiennent ces droits.

Le sénateur Brown : C'est exactement ce que j'essayais de déterminer, à savoir qu'en réalité, elles sont propriétaires de certaines terres où elles pourraient installer une maison.

M. Fentie : Les ressources également.

Le sénateur Brown : Oui, et il y a des ressources. J'ai passé cinq ans à la présidence d'une commission de planification autour de Calgary, et il y a des réserves qui ont très bien réussi car elles étaient propriétaires des terres sur lesquelles ils travaillaient. Les gens qui voulaient y construire une maison étaient en fait suffisamment intelligents pour la louer au terme d'un bail renouvelable, mais c'était un bail parce qu'ils en étaient propriétaires et étaient également propriétaires des terres. Je ne vais pas nommer ces réserves, il y en avait deux ou trois avec lesquelles nous traitions et qui étaient simplement impossibles, car il n'y avait aucune propriété de la maison ou des maisons, et donc elles se sont détériorées très rapidement. J'ai même vu un cheval à l'intérieur d'une maison, à un moment donné, quand je passais à côté en voiture, ce qui m'a quelque peu déstabilisé. La même chose s'est produite ailleurs, à l'extérieur de Calgary.

Si vous pouviez nous donner des conseils sur la façon dont ces réserves à l'avenir pourraient être propriétaires d'un plus grand nombre de leurs maisons, de leurs terres et de certaines de leurs ressources également, je crois que vous avez une solution. Sinon, je prévois un grand nombre de réserves qui ne se développeront pas aussi rapidement qu'elles le devraient et aussi rapidement qu'elles en ont le droit.

M. Fentie : Au risque de paraître assez brutal, je dirais, messieurs les sénateurs, qu'il est temps d'aborder la question de la Loi sur les Indiens. Je vous dirai ceci : au Yukon, les Premières nations du Yukon se font couper l'herbe sous les pieds par la Loi sur les Indiens, à cause du processus de revendication territoriale, là-bas. Si vous voulez améliorer le sort des peuples autochtones de ce pays, penchez-vous sur la Loi sur les Indiens. Elle est archaïque; elle appartient à l'ère préhistorique et il est temps d'en traiter de manière appropriée.

Le sénateur Brown : Merci. Je n'aurais pas pu si bien dire. C'est exactement ce que je voulais vous entendre dire.

Le président : Chers collègues, je n'ai plus personne sur ma liste.

Monsieur Fentie, je voudrais m'assurer d'avoir compris qu'en ce qui a trait à ce projet de loi, votre territoire, le Yukon, a participé aux travaux qui ont été faits pour la partie 3, la rationalisation du processus d'extraction des ressources, et, d'après votre témoignage, j'imagine que vous en êtes satisfait. Est-ce bien cela?

M. Fentie : Oui. Le Yukon est favorable, comme toutes les autres provinces et les deux autres territoires. Oui, comme j'ai essayé de vous le dire, il est grand temps que notre pays s'attaque à cette question précise et remette en question ce que nous vivons depuis si longtemps.

Le président : Excellent. Sans plus attendre, monsieur, je vous remercie. Je demanderais à mes collègues de rester pour une courte séance à huis clos.

(La séance se poursuit à huis clos.)


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