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ENEV - Comité permanent

Énergie, environnement et ressources naturelles

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent de
l'Énergie, de l'environnement et des ressources naturelles

Fascicule 25 - Témoignages du 7 juin 2012


OTTAWA, le jeudi 7 juin 2012

Le Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles se réunit aujourd'hui, à 8 h 6, afin d'étudier la teneur des éléments de la Partie 3 du projet de loi C-38, Loi portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 29 mars 2012 et mettant en œuvre d'autres mesures.

Le sénateur W. David Angus (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Bonjour. Je déclare ouverte cette séance du Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles. Nous poursuivons notre étude préliminaire du projet de loi C-38.

Ce matin nous avons Mme Bonnie H. Morse, coordonnatrice duprogramme pour la Grand Manan Fishermen's Association qui témoigne de la région de l'Atlantique par vidéoconférence. Elle se trouve dans la belle ville de St. Andrews, au Nouveau-Brunswick.

Jeconstatepar votre sourire que vous pouvez m'entendre. Je ferai quelques commentaires préliminaires, puis nous passerons à votre témoignage.

Collègues, nous avons également des témoins de l'Assemblée des chefs micmacs de la Nouvelle-Écosse. Nous allons d'abord écouter le témoignage de Mme Morse, lui poser des questions, puis passer aux autres témoins.

Madame Morse, je crois que vous connaissez le comité. Nous sommes le Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles. Nous menons une étude préliminaire de la partie 3 du projet de loi C-38 visant à faciliter le développement des ressources. Bien entendu, cela inclut les pêches qui vous intéressent particulièrement. Votre organisation et vous-même avez été parmi les premiers à nous contacter, alors nous sommes ravis de pouvoir vous écouter ce matin.

Il s'agit de notre sixième séance dans le cadre de cette étude préliminaire. Nous avons entendu divers groupes d'intérêt. J'espère qu'aujourd'hui sera la dernière journée pour entendre le dernier groupe de témoins dans le cadre de cette étude préliminaire, puis nous ferons rapport à nos maîtres d'un autre comité. Nous allons certainement tenir compte des sages paroles que vous allez partager avec nous.

À titre informatif, je suis David Angus, sénateur du Québec. Je préside le comité. Aujourd'hui nous avons le sénateur Grant Mitchell, de l'Alberta, qui est vice-président. De plus, nous avons deux personnes de la Bibliothèque du Parlement. Ce sont eux qui font toute la recherche concernant la Grand Manan Fishermen's Association et nous disent exactement qui vous êtes. Ils nous aident à bien des égards. Ce sont Mme Sam Banks et M. Marc LeBlanc. Ensuite, du Yukon, où il y a également de la pêche, nous avons le sénateur Dan Lang. On y pêche de l'or, du plomb, du zinc et du cuivre — toutes sortes de gros poissons.

De la Colombie-Britannique, nous avons le sénateur Yonah Martin, qui remplace le sénateur Neufeld aujourd'hui. Nous sommes ravis de l'accueillir parmi nous à nouveau. Je crois que c'est sa deuxième ou troisième fois. Je la remercie d'être ici.

Notre greffière est Lynn Gordon, avec qui vous avez fait affaire.

Nous avons également le sénateur John Wallace, du Nouveau-Brunswick. Nous nous rapprochons de chez vous. Il connaît très bien St. Andrews et l'environnement idyllique de cette belle ville côtière.

Nous avons le sénateur Judith Seidman de Montréal, Québec.

Le dernier mais non le moindre, Paul Massicotte, sénateur du Québec.

Avant que commenciez votre exposé, il faut une motion pour tenir la séance par média électronique.

Le sénateur Lang : J'en fais la proposition.

Le président : Tous ceux qui sont pour.

Des voix : D'accord.

Le président : Allez-y sans plus tarder madame Morse. Nous avons une copie de votre document. Tous les sénateurs peuvent suivre. Nous voulons entendre ce que vous avez à dire. Je connais Grand Manan, c'est un de ces endroits vraiment spéciaux au Canada. J'y suis allé souvent. Je me réjouis d'entendre votre témoignage.

Bonnie H. Morse, coordonnatrice de programme, Grand Manan Fishermen's Association : Bonjour et merci. De toute évidence, j'estime aussi que Grand Manan est spéciale. Pour ceux d'entre vous qui n'êtes pas familier avec l'endroit, Grand Manan est une petite île à l'embouchure de la baie de Fundy. Nous sommes situés à environ 32 kilomètres au large de la côte Sud du Nouveau-Brunswick. Il faut mettre une heure et demie par traversier pour arriver à l'île. Nous sommes assez isolés. Nous avons un peu moins de 2 500 personnes qui habitent l'île à temps plein et notre économie dépend grandement de l'environnement marin.

Les premières personnes à s'établir dans l'île étaient surtout des pêcheurs. Depuis les 30 dernières années, nous avons constaté l'essor de l'aquaculture qui est devenue une partie importante de notre économie. Nous sommes toujours très prudents. J'ai fait un certain nombre d'exposés avec des collègues au cours des dernières années. Nous appuyons grandement l'aquaculture. Cela fait partie de nous. Les deux industries doivent toutefois pouvoir coexister dans l'environnement marin.

Depuis 2009, l'industrie de l'aquaculture a été frappée par le problème du pou du poisson. Les poissons ont développé une résistance au traitement habituel. Il faut donc avoir recours à l'homologation d'urgence de pesticides pour traiter le pou du poisson et pour s'assurer de la santé du poisson.

Un des aspects qui nous préoccupent beaucoup relativement au pou du poisson, est qu'il appartient à la famille des crustacés qui servent d'aliment pour nos harengs et dont dépendent nos pêcheurs. Les jeunes homards sont d'une taille semblable au pou du poisson. Nous sommes très préoccupés de l'incidence que cela pourrait avoir. Dans le cours de nos discussions, nous nous sommes concentrés sur la façon dont les articles 32, 35 et 36 actuels de la Loi sur les pêches sont interprétés par le ministère des Pêches et des Océans.

L'article 32 interdit de causer la mort du poisson par d'autres moyens que la pêche. Alors, si vous causez la mort d'un homard en utilisant un traitement contre le pou du poisson, par exemple, vous ne respectez pas la loi autant que nous le souhaiterions. Vous avez également une incidence sur l'habitat des pêches traditionnelles dans la baie de Fundy. De par sa définition, un pesticide est une substance nocive.

Nous étions très préoccupés lorsque le projet de loi C-38 a été présenté contenant des changements aux articles de cette loi. Nous avons fait part de ces préoccupations et avons tenté d'obtenir plus de renseignements. Nous tentons encore vraiment d'essayer de comprendre quelles seront les répercussions.

Le processus d'homologation d'urgence tel qu'il existe actuellement ne permet pas une rétroaction du public. Il y a des évaluations de risque, mais cela ne tient pas compte de l'industrie traditionnelle des pêches et n'assure pas toujours la participation de scientifiques qui connaissent très bien ces espèces et leur abondance dans l'environnement marin. Lorsque s'ajoute à cela l'examen stratégique récent au MPO, sachant qu'ils ont mis un terme à la recherche des essais biologiques des pesticides et des contaminants, cela nous rend très vulnérables face aux répercussions que cela aura sur nos industries.

Nous avons demandé des renseignements supplémentaires. Nous les attendons toujours, mais pour nous, ce qui est très préoccupant, ce sont les répercussions à long terme. Prenez par exemple les jeunes homards, il leur faut sept ans afin de parvenir à maturité. Nous ne sommes pas au courant de ce qui se passe dans l'environnement marin, alors lorsqu'on commence à modifier la loi afin de ne plus protéger l'habitat jusqu'à ce que les poissons soient morts, cela est préoccupant.

Nous sommes préoccupés par les nouvelles sources d'énergie comme l'énergie marémotrice et par les répercussions que les ondes sonores dans l'eau pourraient avoir sur le hareng, qui est très sensible aux ondes sonores, et sur des mammifères marins de plus grande taille comme les marsouins et les baleines qui fréquentent la baie.

Le président : Puis-je vous interrompre ici? Vous soulevez un sujet intéressant, c'est-à-dire la production d'énergie au moyen d'énergie marémotrice. L'an dernier, j'ai visité cet endroit et j'ai vu ce qui se fait jusqu'à maintenant dans la baie de Fundy. Il y a une centrale électrique à l'embouchure de la baie. Je me demandais quelles études avaient été faites. Que savez-vous relativement aux effets de cette centrale électrique sur les animaux marins? Je crois comprendre que les études réalisées démontraient qu'il n'y avait aucun effet néfaste. Si vous avez d'autres informations, veuillez nous en faire part.

Mme Morse : Je ne connais pas vraiment les études qui ont été réalisées parce que cela se trouve en Nouvelle-Écosse et que c'est plus éloigné de chez nous, comme vous l'avez dit, au fond de la baie. Lorsqu'on examine la population de baleines, elle a tendance à se réunir autour de Grand Manan. Pour nous, l'énergie marémotrice, ce n'est pas pour demain, mais c'est une des choses qui nous ont toujours préoccupés en raison des répercussions que cela pourrait avoir sur ces baleines et sur le hareng, qui ne se rendent pas nécessairement au fond de la baie, mais qui sont plus nombreux où nous nous trouvons à la sortie de la baie. C'est une des choses pour lesquelles il faudra être prudents à l'avenir de sorte qu'il est important d'avoir des protections au terme de la Loi sur les pêches.

En résumé, nous sommes vraiment préoccupés par les répercussions potentielles. Nous aimerions avoir davantage d'information avant que cela n'aille de l'avant. Lorsqu'il y a eu des changements potentiels à la Loi sur les pêches, il y avait eu de longues périodes de consultation. Mais si j'examine votre liste de témoins, je pense que je suis la première de l'industrie des pêches traditionnelles à faire un exposé.

Je ne prétends pas parler pour tout le monde, mais pour ce qui est des pêches traditionnelles, nous avons été complètement abasourdis par ce que cela pourrait signifier. Comme de nombreuses organisations, nous sommes un organisme sans but lucratif et nous n'avons pas les moyens pour entreprendre des recherches en vue de comprendre les possibles répercussions. On ne nous a pas donné cette possibilité.

Je vais terminer là-dessus.

Le président : C'est tout ce que vous avez à dire?

Mme Morse : Voilà mes observations. Je suis beaucoup plus à l'aise avec les questions et les réponses qu'avec les exposés. Si cela vous convient, je vais m'en tenir à ce que j'ai dit.

Le président : C'est parfait. C'est pourquoi je vous ai mise à l'essai en vous posant une question. Vous avez été excellente.

Deux autres sénateurs sont arrivés. Le sénateur Janis Johnson du Manitoba est maintenant présente. Elle est notre experte des pêches, alors vous pouvez vous attendre à ce qu'elle vous pose des questions éclairantes.

Au bout de la table, des Territoires du Nord-Ouest, se trouve le sénateur Nick Sibbeston. Maintenant vous nous avez tous rencontrés.

Le sénateur Mitchell : Madame Morse, vous avez dit que vous ne parliez pas pour tout le monde, mais je dois dire que pour ceux que vous représentez, vous vous exprimez exceptionnellement bien. Merci pour votre exposé.

Il est vrai que vous êtes la première représentante des pêches traditionnelles que nous avons entendue. Je serais très intéressé à avoir des détails sur ce que vous avez dit, c'est-à-dire que vous et des organisations comme la vôtre n'ont pas du tout été consultées ni par le ministre ni par des représentants du ministère et que personne n'a fait d'effort à cet égard. Il n'y a pas eu de table ronde ni de questionnaire à remplir.

Mme Morse : Il y a eu une téléconférence nationale vendredi dernier. Il s'agissait d'une séance d'information technique. Il a été difficile d'obtenir l'information en quelque sorte. Je ne suis pas amateur de conférences téléphoniques d'emblée, de sorte que cela a été difficile.

Le sénateur Mitchell : Nous sommes désolés de vous recevoir par conférence téléphonique aujourd'hui, mais vous vous en tirez très bien.

Il y a une semaine, bien après qu'aient été terminées les 400 pages du projet de loi omnibus, ils ont pris le téléphone et vous ont donné une séance d'information technique.

Mme Morse : Il y a eu une séance d'information technique, et ils nous ont donné la possibilité de poser une question et une question de suivi. Cela a duré environ une heure.

Le sénateur Mitchell : C'est intéressant; et voilà pour la participation démocratique.

La deuxième question que j'aimerais soulever, et vous l'avez évoquée, porte sur les scientifiques et les ressources dont ils disposent notamment. Savez-vous qu'un élément de ce projet de loi consiste à transférer une bonne part des responsabilités du ministère des Pêches et des Océans en matière d'évaluation environnementale vers l'Agence canadienne d'évaluation environnementale? Étiez-vous au courant de cela? Avez- vous, vous et votre organisation, eu la chance de réfléchir sur ce que cela implique, à savoir si l'ACEE disposera de suffisamment de ressources et d'expérience et si les fonctionnaires du MPO qui font ce travail seront transférés à l'ACEE, s'ils seront licenciés ou si l'on disposera des ressources pour faire ce travail?

Mme Morse : Je sais que c'est ce qu'ils comptent faire, mais le fait que nous n'ayons pas les détails sur la façon dont cela se fera fait en sorte que nous avons plus de questions que de réponses. Je me trouve actuellement à la station biologique de St. Andrews où se fait une bonne partie des recherches scientifiques du MPO pour la baie de Fundy. Nous sommes chanceux que cette station soit ici dans le sud du Nouveau-Brunswick. Les gens qui travaillent à cette station ont de l'expérience sur le terrain relativement au homard et au hareng ainsi qu'en ce qui a trait à des questions plus vastes comme l'action marégraphique et les données hydrographiques entre autres. Le fait qu'une partie des recherches qui ont lieu ici soient supprimées, je ne suis pas certaine qu'elles seront reprises par Environnement Canada, qui a également procédé à des compressions. Ne pas savoir la façon dont le tout sera interrelié fait partie de nos défis. C'est un volumineux projet de loi qu'il faut essayer d'absorber en très peu de temps.

Le sénateur Mitchell : Vous savez peut-être que — du moins je l'espère — la loi sous sa forme actuelle doit être révisée après cinq ans. C'est automatique, standard et cela doit être fait. S'il y avait des faiblesses dans la loi, il y aurait une exigence légale qu'elle soit révisée et évaluée. Mais dans ce cas-ci, pour en revenir un peu à ce que vous avez dit, une fois que vous aurez acquis une certaine expérience, vous n'aurez pas le loisir d'évoquer cette disposition dans la loi actuelle. Parce qu'il n'y a pas de disposition obligatoire ou légale que la loi soit réexaminée après cinq ans, ils ont supprimé cette disposition. Étiez-vous au courant?

Mme Morse : Non, je ne le savais pas.

Le sénateur Mitchell : J'imagine que ça doit vous combler. Je vais poser d'autres questions lors de la deuxième série de questions. Merci.

Le sénateur Wallace : Madame Morse, quel temps fait-il à St. Andrews ce matin?

Mme Morse : Il y a un peu de bruine, mais le ciel devrait se dégager.

Le sénateur Wallace : C'est ce que je craignais. Je rentre à la maison ce soir alors peut-être qu'il se dégagera.

Madame Morse, quiconque habite le sud du Nouveau-Brunswick est bien au courant des questions concernant la coexistence de l'industrie aquacole et des pêcheries naturelles. Dans votre exposé écrit, vous évoquez cette question. Vous avez eu des préoccupations à ce sujet, et plus particulièrement en ce qui touche le pou du poisson et la façon dont on aborde ce problème — c'est-à-dire les pesticides utilisés pour détruire ou contrôler le pou du poisson et les répercussions sur les pêcheries naturelles, et en particulier sur le homard. Lorsque j'ai lu votre exposé, je n'ai pas bien compris les préoccupations que vous avez relativement au projet de loi C-38 par rapport aux préoccupations que vous avez relativement à la Loi sur les pêches telle qu'elle existe aujourd'hui et la protection qu'elle accorde, ou peut-être dans certains cas qu'elle n'accorde pas, aux pêcheries naturelles. Manifestement, nous voulons entendre vos préoccupations relativement au projet de loi C-38 dans la mesure où vous en ayez, mais est-ce que bon nombre de vos préoccupations portent sur la loi telle qu'elle existe aujourd'hui et qui peut être perçue comme ayant un impact négatif sur les pêcheries naturelles?

M. Morse : Je pense que c'est cela. Nous sommes préoccupés par la loi telle qu'elle est aujourd'hui. Mon interprétation du projet de loi C-38 est que les changements diminueront le nombre de protections que nous avons actuellement.

Lorsqu'on examine la protection de l'habitat, plus particulièrement, et que l'on met l'accent sur la vie ou la mort d'un poisson, quelquefois, des changements à l'habitat ne tuent pas forcément les poissons, mais ils peuvent changer leurs habitudes de vie. Il y a eu un exemple à North Head à Grand Manan où une entreprise aquacole a été installée. Au début des années 1980, le MPO faisait des plongées à intervalles réguliers pour compter le nombre de homards qui s'y trouvaient. Le site aquacole a été installé au début des années 1990, et les homards ont quitté le secteur. Manifestement, leur habitat a été perturbé.

Le site a plus tard été démantelé parce qu'il perturbait les manœuvres du traversier lorsqu'il quittait le quai en marche arrière, et cette situation a suscité des préoccupations. Une fois que le site a été démantelé, les homards sont revenus. Il ne s'agissait pas d'une destruction permanente de l'habitat, mais cela avait très certainement changé la façon dont se comportaient les homards dans ce secteur. Selon mon interprétation du projet de loi, nous perdrions une partie de cette protection pour l'habitat.

Le sénateur Wallace : Vous représentez Grand Manan Fishermen's Association, qui met l'accent sur la pêche commerciale. Est-ce exact?

Mme Morse : C'est exact, oui.

Le sénateur Wallace : Les changements contenus dans le projet de loi C-38 mettraient l'accent sur la pêche commerciale en plus des pêches autochtones et récréatives pour ce qui est de cette protection particulière. Est-ce que cela ne vous réconforte pas de savoir que les changements apportés par le C-38 mettraient l'accent sur le type de pêche représenté par votre association?

Mme Morse : C'est réconfortant de voir qu'il protégera ces pêches, mais reste tout de même la protection de l'habitat. Certains pêcheurs sont préoccupés en général que l'écosystème dans son ensemble n'est pas visé par la loi. Il y a des changements dans l'environnement de la baie de Fundy. L'eau se réchauffe depuis quelques années et les pêcheurs ont remarqué ces changements. Lorsqu'on ne tient pas compte de l'écosystème dans son ensemble et qu'on ne met uniquement l'accent sur les pêches traditionnelles, on oublie quelquefois certains détails qui, sans que nous le sachions, pourraient déclencher autre chose. Je pense que c'est peut-être ce qui les préoccupe.

Le sénateur Wallace : Encore une fois, ce ne sont pas des choses sur lesquelles il faut deviner, parce que manifestement les enjeux sont importants. Toutefois, n'est-il pas raisonnable de supposer que si une loi vise à protéger la pêche commerciale, elle devrait également protéger tous ceux qui entrent en relation avec la poursuite et la croissance de cette pêche, et, manifestement, cela porte sur l'habitat sur lequel dépend le poisson? Les gens critiquent la loi en disant que nous ne nous penchons que sur les poissons et rien d'autre. Selon moi, c'est très simpliste et je ne peux pas m'imaginer que ce soit l'intention. N'est-il pas raisonnable de croire que l'habitat qui appuie les pêches commerciales devraient faire partie intégrante des changements envisagés par le projet de loi C-38?

Mme Morse : Ce serait logique de le croire, mais ce n'est pas toujours ce que nous avons vu dans le passé, de sorte que nous sommes hésitants. La perception que nous avons, c'est qu'il y aura moins de protection pour les espèces traditionnelles et cela nous préoccupe. Le fait de ne pas disposer de la politique et de l'information pour sa mise en œuvre réelle pose un défi. Si nous disposions de plus d'information, peut-être que nous aurions moins à craindre. C'est le manque d'information qui nous fait peur.

Le sénateur Lang : Je pense qu'on ne risque pas de se tromper en disant que la loi actuelle sur les pêches s'applique à l'ensemble du pays. Par conséquent, dans certaines régions du Canada, elle répond mieux aux pêches que dans d'autres régions tout simplement en raison de la nature de cette loi. Notre pays est si vaste que l'application de la loi varie d'un endroit à l'autre. Un règlement pour le Nouveau-Brunswick n'est pas forcément le meilleur pour le Yukon, par exemple, parce que ces deux endroits sont très différents.

J'aimerais continuer sur ce sujet. Le ministre des Pêches a témoigné ici la semaine dernière et il nous a assuré que le projet de loi a pour objet, en partie, de faire en sorte que la loi et son application soient mieux adaptées aux régions. Cela permettrait au gouvernement fédéral de conclure des ententes avec les provinces et les intervenants dans d'autres régions et de se mettre d'accord sur la gestion des pêches dans certaines régions.

Il me semble que si ce principe s'applique à votre situation dans votre région, cela pourrait être la disposition qui vous permettra d'avoir un plus grand rôle à jouer que par le passé dans la façon dont les pêches devraient être gérées.

Avez-vous songé qu'en raison des dispositions habilitantes, la loi permettra à des organisations comme la vôtre de contribuer autant qu'elles veulent et d'avoir davantage d'influence pour ce qui est de l'orientation des politiques relatives à l'habitat et aux pêches en général?

Mme Morse : Il y a un article de la loi qui porte sur le financement de la gestion des pêches et une qui porte sur l'aspect scientifique. Nous réalisions des projets dans notre région avant que la décision Larocque nous empêche de le faire. Ces éléments sont encourageants.

La seule hésitation que j'ai à ce sujet, c'est que les versions antérieures de la Loi sur les pêches désignaient qui pouvait conclure ces ententes. Je pense que le libellé parlait « d'un organisme de pêche reconnu. » Cette partie ne figure pas dans la loi de sorte que cela soulève une certaine appréhension. Toutefois, le concept nous est familier et il a du potentiel.

Le sénateur Johnson : Le sénateur Wallace a mentionné quelque chose d'importante dont vous avez également discuté.

J'aimerais parler de l'habitat. Une bonne partie des réactions négatives porte sur cet aspect en particulier, comme vous l'avez mentionné dans votre déclaration préliminaire. Pouvez-vous me dire comment cela pourrait affecter les pratiques de chalutage et avoir un lien avec la destruction de l'habitat? Est-ce que de nouvelles lois et règlements changeraient les répercussions découlant du chalutage par le fond?

Mme Morse : Pas à ce que je sache. Au sein de notre organisation, personne ne fait de chalutage par le fond. Certains membres sont des dragueurs à pétoncle, mais je ne connais aucune répercussion relativement à cette activité.

Le sénateur Johnson : Vous estimez que le projet de loi S-35 a affaibli l'ancienne loi. Si vous n'aimez pas les lois qui sont proposées, comment estimez-vous que nous pourrions mieux faire les choses?

Mme Morse : Pour ce qui est des quais pour les chalets et des fossés, entre autres, il serait utile d'avoir un aperçu, soit dans la politique ou le règlement, afin que nous puissions voir jusqu'où va la loi. Les gens sont davantage hésitants lorsqu'on commence à examiner les projets de plus grande taille, surtout lorsque cela touche l'environnement marin. En raison de l'expérience que nous avons eue avec l'aquaculture, nous sommes un peu réticents relativement aux répercussions possibles.

Le sénateur Johnson : Vous dites que l'un des principaux problèmes découle du manque de consultation. Vous avez dit que vous aviez eu une heure de discussion?

Mme Morse : C'est ça.

Le sénateur Seidman : Madame Morse, le sénateur Wallace a posé la question que j'allais poser. Vous nous avez présenté la situation actuelle ainsi que vos préoccupations afférentes, et je serais intéressée de savoir comment les changements au régime proposés auraient un effet sur vous.

Étant donné que vous l'avez déjà mentionné, j'aimerais savoir quelles sont vos préoccupations relativement au peu d'attention accordée à la science, surtout en ce qui touche l'avenir. Vous avez dit que le Canada est le seul pays au monde dont l'industrie salmonicole utilise des produits chimiques dans des eaux partagées avec une pêche active et fructueuse aux crustacées. Vous avez également dit que les projets avaient reçu un enregistrement d'urgence de la part de Santé Canada de sorte qu'il n'y a aucune possibilité pour le public d'émettre son avis, mais qu'on vous assure que les évaluations des risques sont équivalentes à celles préconisées par la Loi sur la protection de l'environnement. Pourriez-vous nous donner davantage de détails à ce sujet?

Mme Morse : Pour que l'un de ces sites d'aquaculture obtienne l'autorisation d'utiliser l'un de ces pesticides, une demande doit être présentée auprès de Santé Canada par la province du Nouveau-Brunswick. D'après ce que j'ai compris, Santé Canada consulte ensuite des chercheurs du MPO et d'Environnement Canada en vue de délivrer l'autorisation d'urgence sous conditions. Un processus d'évaluation des risques est en place, et on nous a indiqué qu'on pourrait en recevoir copie d'ici la fin du mois. Nous n'avons pas consulté le document en quatre ans pour comprendre comment le processus d'évaluation des risques fonctionne, et comme il s'agit d'une urgence, aucune consultation publique ne sera tenue.

Si ces produits faisaient l'objet d'une autorisation complète, le public aurait l'occasion de se faire entendre, mais comme il s'agit d'une autorisation d'urgence d'un an, il n'y a aucune consultation.

Le sénateur Seidman : Qu'entendez-vous par autorisation d'urgence?

Mme Morse : Ce processus a été mis en place par Santé Canada et le MPO. Nous avons dû en apprendre beaucoup au cours des quelques dernières années. J'ai cru comprendre qu'une autorisation complète nécessite un processus d'approbation sur cinq ans, par conséquent dans l'intervalle, on délivre des autorisations d'urgence pour traiter le pou du poisson.

Je ne suis pas certaine qu'ils aient présenté une demande de certification complète à cette étape-ci, mais ils peuvent continuer d'avoir recours aux processus d'urgence. Il n'y a pas de limite sur le nombre de demandes d'urgence qui peuvent être présentées.

Le sénateur Seidman : Une étude scientifique est-elle en cours pour déterminer les répercussions de ces toxines sur d'autres formes de vie?

Mme Morse : Il y en a eu par le passé. Ce qui nous préoccupe, c'est que le MPO s'est retiré de ces recherches. Il s'était penché sur des sujets comme le courant de marée dans la zone de traitement pour en déterminer la toxicité. En étudiant la toxicité dans l'eau, ils ont découvert que certaines substances toxiques y demeuraient présentes beaucoup plus longtemps que ce qu'ils avaient anticipé. La fin de cette recherche nous préoccupe beaucoup, car nous partageons le même environnement.

Le sénateur Seidman : Je vous remercie de cette explication.

Le sénateur Mitchell : Vous avez exprimé certaines préoccupations quant à la façon dont la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale était appliquée avant le projet de loi C-38, surtout par rapport aux poux du poisson et aux répercussions des pesticides ou aux produits chimiques employés dans l'aquaculture. Vous affirmez cependant qu'il n'y a rien dans ce projet de loi qui permette d'atténuer ces préoccupations. En fait, vous êtes entièrement convaincue que cela affaiblit votre capacité d'endiguer ce type de problèmes dans le secteur des pêches, ce qui pourrait entraîner de très grandes pertes d'emploi dans votre industrie.

Mme Morse : Nous sommes préoccupés par la façon dont la loi actuelle est mise en œuvre. S'il n'y a pas une bonne compréhension de l'intention ni de l'incidence des changements, nous craignons les conséquences que nous aurions à subir à l'avenir.

Le sénateur Wallace : Dans sa question, le sénateur Mitchell a laissé entendre que vous estimiez que le projet de loi C-38 rendrait la situation pire qu'elle ne l'est actuellement. Je ne vous ai pas entendu dire qu'elle s'empirerait lorsque vous avez répondu à la question. Si j'ai bien compris, vous avez répondu que vous étiez incertaine et que cela vous préoccupait, n'est-ce pas?

Mme Morse : Oui. Nous ne sommes pas encore complètement certains des répercussions. Je ne crois pas que cela va améliorer la situation. Je ne sais pas non plus si elle s'empirerait. Je ne peux rien affirmer avec certitude.

Le sénateur Wallace : Non, en effet. Votre opinion n'est pas encore arrêtée sur la question. Je tenais à éclaircir ce point.

Le sénateur Mitchell : Bien sûr, si vous pouviez disposer des renseignements permettant de déterminer ce qui se passe vraiment, vous seriez en mesure de vous faire une opinion.

Le sénateur Wallace : Mais votre question portait sur le fait que...

Le sénateur Mitchell : Sur le fait qu'elle a affirmé ne pas pouvoir obtenir assez de renseignements. On vous a passé un coup de fil il y a une semaine, n'est-ce pas? Oui, et cela s'est avéré utile.

Le sénateur Wallace : Je ne crois pas que vous ayez posé cette question. Bon, enfin, je comprends ce que vous voulez dire.

Le président : Si vous n'avez plus de questions à poser au témoin, je voudrais souligner un fait que vous savez sans doute déjà, c'est-à-dire que le ministère des Pêches et des Océans vient du Nouveau-Brunswick également. Il s'agit de l'honorable ministre Ashfield. Il est venu se faire entendre devant le comité et était accompagné de ses hauts fonctionnaires. Ils n'ont pas été accessibles pour vous jusqu'à présent, mais ils s'intéressent à la situation au Nouveau- Brunswick. Si vous avez des questions à soulever, je vous exhorte à communiquer avec eux, comme vous avez communiqué avec nous ce matin. Nous allons leur transmettre votre message.

Mme Morse : Je vous remercie de m'avoir donné l'occasion de me faire entendre, j'en suis ravie.

Le président : Alors que nous poursuivons notre étude anticipée du projet de loi C-38, Loi d'exécution du budget, et surtout la partie 3 qui porte sur les procédures d'exploitation des ressources, nous avons le grand honneur d'avoir parmi nous ce matin des représentants de l'Assemblée des chefs micmacs de la Nouvelle-Écosse et de l'Assemblée des Premières Nations. Il s'agit d'un panel de cinq témoins accompagné d'une brochette d'experts en renfort.

Messieurs, je me suis déjà adressé à quelques-uns d'entre vous, et je dois vous dire que nous sommes absolument ravis de vous recevoir. Je crois qu'il s'agit de votre première audition devant un comité du Sénat, du moins surtout pour le chef Terrance Paul. Nous serons intéressés à entendre ce que vous avez à dire.

Monsieur Paul, je dois préciser que vous avez occupé le poste de chef de la Première nation de Membertou, qui je crois habite le Cap-Breton, en Nouvelle-Écosse, depuis 1984. Sous votre administration, Membertou est devenue l'une des collectivités autochtones les plus ouvertes et efficaces du pays. Vous avez siégé au sein de nombreux conseils et groupes de travail et vous êtes l'un des fondateurs de l'Association nationale des sociétés autochtones de financement, qui regroupait à ses débuts sept entreprises autochtones et qui compte maintenant 50 institutions financières autochtones au pays.

Vous avez commencé votre carrière au Boston Indian Council, où vous avez acquis une formation en finance et en gestion. Embauché en tant qu'agent de placement, vous avez rapidement gravi les échelons pour devenir directeur des finances et, ultérieurement, président du conseil.

À son retour à Membertou, M. Paul a assumé les fonctions d'agent de développement économique et d'administrateur de bande avant d'être élu chef en 1984.

M. Paul compte une longue liste de réalisations à titre de chef, y compris le fait d'avoir doublé le territoire de la réserve de Membertou. Il a aussi prêté assistance à Donald Marshall Junior qui a bataillé longuement devant les tribunaux en défense des droits de pêche issus de traités du peuple micmac. L'affaire a entraîné des retombées d'environ 600 millions de dollars pour les Micmacs de l'Atlantique.

En 2012, le chef Paul est reçu au temple de la renommée du Junior Achievement Nova Scotia, en hommage à ses hauts faits et à ses importantes contributions à cette province.

M. Paul est accompagné de M. Bruce H. Wildsmith, conseiller juridique de l'Assemblée de chefs micmacs. Monsieur Wildsmith, nous avons une copie de votre CV, mais je ne vais pas le passer en revue. Étant donné que le chef Paul a non seulement l'expertise habituelle dans le domaine, mais également une grande expertise en matière financière, j'ai estimé que mes collègues voudraient connaître tout le contenu de son CV.

Nous recevons également, de l'Assemblée des Premières Nations, Morley Watson, chef régional de l'Assemblée des Premières Nations de la Saskatchewan. Nous sommes heureux de vous recevoir. Récemment, nous avons entendu le grand chef Atleo et M. Jones, qui semblent être bien au courant de votre organisation. Vous êtes accompagné ce matin de quelques conseillers, soit les analystes des politiques Will David et Daniel Pudjak.

Monsieur le chef, vous avez beaucoup de soutien ici aujourd'hui. Nous avons essayé de nous renseigner avant votre arrivée. Nous avons reçu certains documents, et nous sommes tout ouïes. Monsieur Paul, vous serez le premier à prendre la parole.

Honorables collègues, j'ai fait erreur plus tôt lorsque je me suis adressé à la dame du Conseil des pêcheurs. Je crois que ce groupe de micmacs est le premier à approcher notre comité pour demander à être entendu. Il s'agit de notre dernière journée d'audience dans le cadre de cette étude anticipée.

Monsieur Paul, vous avez la parole.

Terrance Paul, chef, coprésident et chef de la Première nation de Membertou, Assemblée des chefs micmacs de la Nouvelle-Écosse : Merci monsieur le président.

Monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du comité, témoins et invités, bonjour. Je vous remercie de nous avoir invités aujourd'hui à discuter des répercussions du projet de loi C-38 sur notre secteur des pêches. Aujourd'hui, je prends la parole au nom des Micmacs de la Nouvelle-Écosse en ma qualité de coprésident de l'Assemblée des chefs micmacs de la Nouvelle-Écosse et à titre de porte-parole du portefeuille des pêches. Je suis également ici à titre de chef de ma propre communauté : Membertou. Je vous remercie de m'avoir donné l'occasion de venir en ce territoire algonquin.

L'Assemblée des chefs micmacs de la Nouvelle-Écosse est une association qui regroupe les chefs des 13 Premières nations micmaques de la Nouvelle-Écosse. Ensemble, nous collaborons grâce à des pouvoirs délégués pour pouvoir défendre des questions qui sont communes à toutes nos communautés. L'audience d'aujourd'hui ne fait pas exception à cette règle.

La raison pour laquelle nous sommes ici aujourd'hui, c'est pour exprimer nos préoccupations à l'égard du projet de loi C-38. Ce projet de loi est vicié en sa définition du terme « autochtone ».

Le projet de loi limite la notion de pêche autochtone à la pêche à des fins de consommation personnelle ou de subsistance ou à des fins sociales ou cérémoniales.

Cette définition, monsieur le président, viole les droits des Micmacs protégés par la Constitution, de pêcher et de vendre du poisson dans le but de s'assurer une subsistance convenable.

Aux termes de l'article 133 du projet de loi C-38, les définitions du paragraphe 2(1) de la Loi sur les pêches seraient modifiées pour ne permettre au ministre de nous autoriser la pêche qu'à des fins de consommation personnelle, de subsistance ou à des fins sociales ou cérémoniales.

En d'autres termes, les Autochtones seront en mesure, en leur qualité de citoyens, de pratiquer la pêche commerciale et récréative au même titre que les autres citoyens en vertu des mêmes permis, règles et règlements, mais ils ne seront en mesure de pratiquer aucune autre pêche leur étant propre du fait de leur statut d'Autochtones et conformément à leurs droits ancestraux ou issus de traités.

Pour les Micmacs plus précisément, cela signifie que la Loi sur les pêches leur interdira d'exercer leurs droits, confirmés par la Cour suprême, de pêcher dans le but de s'assurer une subsistance convenable. Or, une pêche de subsistance convenable, ce n'est ni une pêche de subsistance ni une pêche commerciale.

Le droit des Micmacs de pêcher pour s'assurer une subsistance convenable repose sur une série de traités signés en 1760 et 1761 qui a été confirmée en 1999 par la Cour suprême du Canada dans la décision Marshall. Notre droit de pêcher pour assurer une subsistance convenable est un droit issu de traités et constitutionnellement protégé qui a été reconnu et confirmé par l'article 35 de la Loi constitutionnelle. Le projet de loi C-38 non seulement en fait fi, mais crée de graves compromis tant pour notre peuple que notre gouvernement.

Le président : Monsieur le chef, vous avez notre attention. Vous avez fait référence à la définition « d'autochtone » dans la loi, et vous avez lu la définition en haut de la page 2 de votre mémoire.

Quelles sont les exclusions? Il y est indiqué que le terme « qualifie la pêche pratiquée par une organisation autochtone ou ses membres à des fins de consommation personnelle ou de subsistance ou à des fins sociales ou cérémoniales ». Qu'a-t-on omis? À mes yeux, la définition est totalement inclusive, mais je reconnais ne pas être un expert en la matière.

M. Paul : Monsieur le président, c'est drôle que nous en discutions, car nous savions que cette question serait posée et nous savions quelle serait la réponse, parce que nous sommes différents. Nous pensons différemment. Je vais céder la parole à mon conseiller juridique qui va vous expliquer ce qui manque à la définition.

Bruce H. Wildsmith, avocat, Assemblée des chefs micmacs de la Nouvelle-Écosse : Lorsque la Cour suprême a rendu sa décision en 1999 dans l'affaire Marshall, elle a confirmé que les Micmacs avaient des droits de pêche issus de traités et protégés par la Constitution, et que ces droits visaient une pêche de subsistance convenable. La cour a voulu expliquer ce que constitue « la pêche de subsistance convenable ». Lorsqu'il s'agit de la pêche pratiquée à « des fins de consommation personnelle de subsistance ou à des fins sociales ou cérémoniales », la Cour suprême a établi que cela n'a rien à voir avec la « subsistance convenable ». La cour a spécifiquement indiqué que cela va au-delà de la simple subsistance des Autochtones et non-Autochtones.

Elle a donc statué que le droit de pêcher pour s'assurer une subsistance diffère du droit de pêcher pour tirer avantage d'une occasion d'accumuler des richesses, voilà pourquoi ils affirment qu'il ne s'agit pas d'un droit illimité de vendre du poisson en vue de s'enrichir comme c'est le cas pour la pêche commerciale. Ce droit se situe à mi-chemin entre les deux autres, car il se limite à assurer une subsistance convenable.

Les termes à des fins de consommation, des fins sociales ou des fins cérémoniales sont employés par le ministère des Pêches et des Océans pour expliquer la consommation du poisson par les Autochtones. Cela n'a rien à voir avec la vente du poisson.

Il n'est pas rare que le ministère des Pêches et des Océans délivre des permis de pêche communautaire des Autochtones à des fins de consommation et à des fins sociales ou cérémoniales. Bien sûr, nous comprenons ce dont il s'agit lorsqu'il est question de consommation. Les termes « à des fins sociales ou cérémoniales » ne sont pas définis, mais essentiellement, il s'agit de la consommation en communautés de la ressource dans le cadre d'occasions sociales, comme des mariages, des funérailles ou des cérémonies. Pour vous donner un exemple détaillé, je citerais les rassemblements annuels des Micmacs à Chapel Island, au Cap-Breton, qui sont organisés pour le grand conseil. On y tient des cérémonies où du poisson est consommé. Ce type de consommation se fait à l'interne et ne comprend aucune vente.

Le président : Affirmez-vous que la définition sur laquelle nous venons de mettre le doigt exclut la pêche commerciale dans son sens élargi?

M. Wildsmith : Oui, car c'est une activité spéciale pour les peuples autochtones, et dans ce cas-ci les Micmacs, mais en réalité, il n'y a pas que ceux de la Nouvelle-Écosse. Les mêmes traités s'appliquent dans l'ensemble du Nouveau- Brunswick jusqu'à l'Île-du-Prince-Édouard en passant par la Gaspésie. Il est probable qu'ils s'appliquent également à Terre-Neuve, bien que ce soit plutôt matière à débat. Il est donc clair qu'ils comprennent des parties de quatre provinces de l'est du Canada. Ce droit appartient aux Micmacs et aux Premières nations Maliseet.

Le sénateur Massicotte : J'aimerais éclaircir un point. Il existe donc une définition distincte de la pêche commerciale qui vous permettrait cette activité. Toutefois, vous affirmez que la Cour suprême définit la « pêche commerciale » comme une pêche qui vise l'enrichissement. Or, vous affirmez ne pas en être rendu là pour l'instant. Il existe un autre type d'activité qui consiste à revendre le poisson en vue d'assurer une subsistance convenable. Il s'agirait de la définition manquante. La pêche commerciale va un peu trop loin parce qu'il s'agit d'accumuler des richesses. Ce n'est pas ce dont il s'agit ici. Ce que vous dites en fait, c'est que vous voulez revendre le poisson en vue d'assurer une subsistance convenable et que cette définition est absente. N'est-ce pas?

M. Wildsmith : Exactement.

Le président : Excellent. Je crois que nous avons éclairci ce point.

Chef Paul, nous vous avons interrompu. Nous allons vous redonner la parole pour que vous terminiez votre exposé.

M. Paul : Je vais d'abord vous parler de cette clarification dont on a discuté.

Présentement, la Loi sur les pêches ne contient pas de définition du terme « Autochtone ». En application de l'article 45 de la Loi sur les pêches, le Règlement sur les permis de pêche communautaires des Autochtones est entré en vigueur. Présentement, en vertu du Règlement, le ministre peut délivrer des permis communautaires à des fins de subsistance ou commerciales. Les modifications proposées mineraient les actuelles structures de permis, car, suivant la nouvelle définition du terme « autochtone », il ne pourrait y avoir aucune pêche autochtone à des fins commerciales ou pour assurer une subsistance convenable.

Lors de discussions et de réunions en vue de l'exposé d'aujourd'hui, le ministre des Pêches et des Océans nous a dit qu'en dépit de nos droits constitutionnels, toute pêche pratiquée sans permis serait considérée comme illégale et passible de poursuites.

L'élimination de notre pêche de subsistance convenable aura de grandes répercussions sur notre peuple. De nombreuses personnes dans nos communautés vendent toujours leurs produits de la pêche, de la chasse et de la cueillette pour subvenir aux besoins de leurs familles. Ce type de pêche ne nous enrichit pas et ce ne fut jamais le cas. C'est une question de survie. Si on n'inclut pas la pêche de subsistance convenable dans la loi, celle-ci oubliera certains de nos membres et deviendra inconstitutionnelle.

L'autre grande préoccupation que nous avons quant au projet de loi C-38 repose sur le fait que la Couronne n'a pas consulté les Micmacs au sujet de ces amendements. Le droit national reconnaît le droit de consulter et d'accommoder les Premières nations quand les décisions de la Couronne pourraient avoir des répercussions sur les droits ancestraux et issus de traité. Nous travaillons fort entre gouvernements pour régler ces questions. Le Canada, la province de la Nouvelle- Écosse et les Micmacs ont entériné, en février 2007, un processus provincial pour remédier à ces questions. Le processus de négociation auquel votre gouvernement a donné son aval constitue l'accise du processus de consultation, mais celui-ci n'a pas été respecté dans la rédaction des changements contenus dans ce projet de loi et ses amendements.

Présentement, la partie 3 du projet de loi C-38 aura un effet direct sur la capacité du gouvernement fédéral de respecter son devoir constitutionnel de consulter les Micmacs quant aux décisions susceptibles de violer nos droits. Nous comparaissons devant vous aujourd'hui, au nom des Micmacs de la Nouvelle-Écosse, pour faire connaître ces grandes inquiétudes. Nous espérons que vous comprendrez que nos préoccupations se fondent sur les traditions, les vies et la culture de notre peuple.

Les répercussions des amendements dans ce projet de loi se reflèteront non seulement sur les vies de nos membres, mais aussi sur la fondation que nous tentons de bâtir dans nos ententes de nation à nation. Nous recommandons que les mesures appropriées soient adoptées pour retirer de ce projet de loi les dispositions relatives aux pêches et pour exhorter le ministre des Pêches et des Océans à lancer des consultations formelles avec les Micmacs de la Nouvelle-Écosse en vertu des conditions de consultation.

Nous espérons que vous comprenez également l'importance de mener des consultations appropriées. Nous vous demandons de recommander que la définition du terme « autochtone » soit modifiée pour garantir que les droits constitutionnels des Micmacs ne soient plus oubliés ou rejetés.

Merci de votre temps.

Le président : Merci, chef Paul. Vous avez joint à votre exposé, qui est un mémoire reçu en date du 30 mai, une copie de la lettre que vous avez envoyée au ministre des Pêches et des Océans, M. Keith Ashfield. Vous nous avez envoyé une copie de cette lettre. Avez-vous obtenu une réponse?

M. Paul : Non.

Le président : Vous n'avez rien reçu du tout?

M. Paul : C'est une de nos nombreuses lettres qui est restée sans réponse.

Le président : Il y a eu de nombreuses autres lettres et requêtes de la sorte pour demander une audience et des consultations. On ne vous a donc jamais répondu?

M. Paul : Je vais demander à M. Wildsmith de vous expliquer le processus de correspondance avec le ministre.

M. Wildsmith : Ma mémoire n'est pas assez bonne pour remonter aussi loin dans le temps. En bref, pendant des années, les Micmacs ont demandé des consultations pour discuter des modifications à la Loi sur les pêches. Je suis sûr que les membres du comité savent que la Chambre des communes a modifié la Loi sur les pêches et des nouvelles lois entières au cours des législatures antérieures. Le ministre Ashfield et ses prédécesseurs ont reçu des lettres leur disant qu'il s'agit d'une des questions justifiant des consultations avec les Micmacs. Le ministre a fini par répondre à certaines autres lettres, mais jamais de façon entièrement satisfaisante.

Récemment, sauf erreur, nous avons envoyé une lettre au ministre pour lui demander de le rencontrer en mars, mais bien entendu il n'était pas nécessairement question de parler de ce projet de loi. La lettre que nous avons envoyée pour demander au ministre de le rencontrer il y a quelques mois, au début du printemps, n'a jamais trouvé réponse.

Le président : J'aimerais souligner une chose. Notre comité se penche sur les questions d'énergie, d'environnement et de ressources naturelles. Le Sénat nous a demandé d'étudier la partie 3, et c'est exactement ce que nous faisons. Sachez que le Comité sénatorial permanent des pêches est très dévoué. Je ne sais pas si vous avez communiqué avec celui-ci, mais je vous recommande de le faire. Les comités sénatoriaux sont très différents des comités de la Chambre. Le Comité des pêches pourrait vous aider. Notre comité est lui aussi prêt à vous aider, mais j'aimerais que vous sachiez que vous pourriez être entendus par ce comité sénatorial qui pourra se pencher sur vos problèmes.

Sans plus attendre, nous allons écouter le chef régional de l'Assemblée des Premières Nations, Morley Watson. Je crois qu'il vient de la Saskatchewan.

Morley Watson, chef régional de l'Assemblée des Premières Nations de la Saskatchewan, Assemblée des Premières Nations : Bonjour, chers sénateurs. J'aimerais vous remercier de l'occasion que vous me donnez de comparaître devant vous. C'est un honneur de me retrouver parmi vous pour représenter notre peuple.

J'aimerais aussi saluer mon collègue, le chef Paul. Je suis heureux de le revoir.

Comme je le disais, je vous remercie au nom de la Federation of Saskatchewan Indian Nations et aussi au nom de l'Assemblée des Premières Nations. Je suis le chef intérimaire de la Federation of Saskatchewan Indian Nations, un organe politique regroupant les 74 Premières nations de la Saskatchewan qui représentent une population d'environ 135 000 personnes. Je vous salue et vous remercie de nous accueillir en territoire algonquin. Ce matin, je vais me concentrer surtout sur deux questions.

Tout d'abord, j'aimerais vous parler des effets qu'entraîneront les modifications proposées à la Loi sur les pêches et à la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale. Ces modifications vont grandement changer nos droits inhérents et responsabilités à protéger la nature qui comprend la qualité de notre air, de nos terres, de nos ressources et de nos eaux. Notre droit issu de traités visant à nous permettre de nous procurer des armes à feu de subsistance sera aussi grandement touché. Nous pratiquons la chasse, la pêche, le trappage et la cueillette depuis des milliers d'années dans les territoires portant maintenant le nom de Canada; et nous allons continuer à nous adonner à ces activités.

Avant l'arrivée des colons, les Autochtones comprenaient très bien que la terre, l'air et l'eau sont des cadeaux du créateur. Ces dons garantissaient notre survie et nous permettaient de subvenir à nos besoins. Notre peuple a la responsabilité de préserver et de protéger ces dons au profit des générations présentes et futures. Lors de la négociation de traités, nos peuples ont accepté de partager ces dons avec vos ancêtres ainsi qu'avec vous. Nous comprenions le concept de partage qui est au cœur de nos lois culturelles. Nous n'avons pas cédé ou abandonné ces dons au profit de quiconque ou de tout gouvernement. Toutefois, depuis la signature de notre traité sur nos terres, les gouvernements contrôlent nos terres et nos ressources par le biais de textes de loi. Ces lois violent notre traité. Les peuples autochtones se sont battus ardemment pour que nos droits issus de traités soient enchâssés dans la Loi constitutionnelle de 1982. Cette loi du Parlement garantit que les gouvernements ne peuvent pas prendre de mesures unilatérales qui abrogeront ces droits ou qui y feront entorse.

Le projet de loi C-38 aura des répercussions sur notre droit issu de traité relatif à la pêche de par les modifications qu'il propose d'apporter à la Loi sur les pêches. Le projet de loi réduit la portée de la définition de « protection » qui s'applique aux poissons, à la vie des poissons et aux habitats de tous les poissons. Le projet de loi réduit les normes de protection, et cela va miner la santé de nos membres qui dépendent du poisson comme denrée alimentaire pour leur subsistance et leur santé. Le projet de loi C-38 va aussi éviscérer les dispositions de protection environnementale de la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale actuelle. Les modifications proposées donnent trop de pouvoir décisionnaire et de contrôle au conseil des ministres quant aux évaluations et projets environnementaux. Cela risque de politiser les décisions liées à l'environnement. La viabilité de l'environnement importe davantage que les emplois et la rentabilité.

En deuxième lieu, le Canada n'a pas consulté les peuples autochtones par rapport aux modifications proposées à ces lois. Ce projet de loi ne reflète pas l'arrêt de la Cour suprême quant à l'obligation de consulter et d'accommoder les Premières nations. De plus, cette entorse va à l'encontre de la déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones qui reconnaît clairement que les peuples autochtones ont droit au consentement libre, préalable et éclairé. Le projet de loi C-38 est clairement une tentative visant à réduire les obligations du gouvernement fédéral à consulter les Premières nations et à accommoder leur traité et leurs droits inhérents.

J'aimerais vous indiquer en termes clairs que le projet de loi C-38, dans sa forme actuelle, sera rejeté d'emblée par nos peuples si on ne tient pas compte de nos préoccupations et de nos besoins. Des mécanismes sont nécessaires pour garantir que le savoir environnemental traditionnel sera respecté et utilisé dans les domaines de surveillance, évaluation et divulgation environnementale. Nous devons participer aux mesures de protection environnementale qui ont des effets directs sur la vie de nos membres.

La Federation of Saskatchewan Indian Nations ainsi que des Premières nations d'autres régions partout au Canada recommandent fortement que le projet de loi C-38 soit scindé en divers volets, en particulier pour les dispositions traitant de protection environnementale. Nous voulons aussi étudier les répercussions que ce projet de loi aura sur nos droits afin de pouvoir réagir de façon judicieuse, de négocier des accommodements au besoin et de participer formellement au processus de prise de décisions qui toucheront les vies de nos membres.

Sur ce, monsieur le président, je vous remets mon mémoire. Je vous remercie de m'avoir donné l'occasion de m'adresser à vous aujourd'hui.

Le président : Merci beaucoup, chef Watson.

Le sénateur Mitchell : Merci, messieurs, de vos exposés des plus fascinants. En gros, d'un côté, le gouvernement ne vous a pas consultés, n'a pas répondu à vos lettres, ne vous a pas appelés comme il aurait à tout le moins appelé le témoin précédent il y a une semaine. D'un autre côté, le gouvernement a fait fi de l'aspect important sur la subsistance convenable. Pensez-vous que cet oubli découle du fait que le gouvernement ne vous a pas consultés, ou pensez-vous plutôt qu'il a fait exprès de vous exclure et qu'il ne voulait pas vous consulter au risque de devoir discuter de cette question? Pensez-vous qu'il s'agit d'une erreur ou que ce fut fait par exprès? Ou le gouvernement a-t-il fait exprès en plus de faire une erreur?

M. Paul : Le gouvernement a fait une erreur en plus de faire exprès. C'est ce que nous croyons à divers égards. L'arrêt Marshall de la Cour suprême a été rendu en 1999. Nous sommes maintenant en 2012 et cet arrêt n'a toujours pas été mis en œuvre.

Le sénateur Mitchell : Le gouvernement a un programme pour la criminalité qui ne semble pas s'appliquer à ce genre de lois.

Une des raisons pour lesquelles le gouvernement veut apporter ces changements, aussi arbitraires soient-ils, et qu'il veut accélérer les examens environnementaux et réduire le nombre d'obstacles au développement. Je ne suis pas avocat, mais selon vos propos, on pourrait croire que des groupes comme le vôtre ont toutes sortes de motifs pour intenter des poursuites et engendrer de longs retards. Est-il juste de dire que cela va nuire à l'accélération du processus d'examen?

M. Paul : C'est l'une des choses auxquelles nous pourrions recourir.

Le sénateur Mitchell : Avez-vous les ressources nécessaires pour intenter de telles poursuites avec l'aide d'autres Premières nations?

M. Paul : Lorsque nous travaillons collectivement, nous réunissons habituellement nos ressources pour nous assurer de pouvoir payer nos avocats.

Le sénateur Mitchell : Il va de soi que vous pourriez utiliser cet argent de façon plus judicieuse au profit de votre peuple.

M. Paul : Bien entendu.

M. Watson : Sénateur Mitchell, j'aimerais ajouter quelque chose. L'Assemblée des Premières Nations a envoyé 16 questions au ministre des Pêches et des Océans, mais nous n'avons obtenu aucune réponse.

En réponse à votre autre question, notre peuple a été pendant des années régi en vertu de la Loi sur les Indiens, et l'attitude paternaliste du gouvernement est toujours présente. Ce fut toujours ainsi. Le gouvernement ne nous a jamais fait participer aux prises de décisions sur quoi que ce soit, pas même sur nos vies ou les vies de nos enfants et petits- enfants. J'espère qu'un jour le gouvernement comprendra que s'il veut faire adopter un projet par notre peuple et nos communautés, notre inclusion, notre participation et notre approbation seront de mise. Au cours des 130 à 140 dernières années, on a constaté que quand des dispositions de traité sont élaborées sans notre consultation et notre participation, les chances de succès sont très faibles. J'espère que le gouvernement du Canada et les Affaires indiennes — nous appelons toujours le ministère Affaires indiennes, pas Affaires autochtones — consulteront les chefs de nos communautés partout au Canada pour garantir que l'avenir des futures générations sera davantage favorable et efficace, pas seulement pour nous, mais aussi pour tous les Canadiens.

Le sénateur Mitchell : J'aimerais vous proposer un processus loin d'être efficace, mais qui représentera un petit pas dans la bonne direction. Si vous me remettez ces 16 questions, je les déposerai à titre de questions écrites aux fins du Feuilleton. Je les déposerai par l'entremise d'un député; les choses avancent beaucoup plus rapidement à la Chambre puisque le gouvernement doit répondre aux questions en moins de 45 jours. Monsieur Paul, si vous voulez faire avancer certains dossiers dont vous avez parlé, je serais heureux de les déposer sous forme de questions écrites pour que nous puissions attirer l'attention du ministre. Mais je trouve déplorable que nous ayons à en arriver là pour le réveiller.

Le président : Je dirai, avec une pointe d'ironie, que nous avons conseillé au sénateur Mitchell de se rappeler de ces questions une fois qu'il sera premier ministre. Il nous a promis qu'il s'en souviendrait. Ce sera une époque intéressante.

Ce que je dirai aussi, cette fois-ci sans ironie, c'est que notre étude porte sur la partie 3 du projet de loi C-38 et que ce projet de loi compte de nombreux autres volets. Je me trompe peut-être, mais jusqu'ici, l'essentiel de vos témoignages porteront sur les dispositions du projet de loi qui concernent la pêche.

Il y a de nombreux autres aspects. On nous a dit qu'il y avait des consultations et une forte participation des Premières nations dans certaines choses, comme la simplification des processus d'évaluation environnementale pour les grands projets de développement des ressources. Je ne sais pas si c'est vrai, mais c'est certainement ce qu'on a donné à croire.

Nous comprenons que pour les pêches, le cas est particulier. Comme je le disais, notre mandat n'englobe pas normalement les pêches. Vos critiques, si bien présentées ce matin, se rapportent aux dispositions relatives aux pêches, n'est-ce pas?

M. Paul : Oui, pour l'exposé de ce matin, mais nous avons aussi des préoccupations d'ordre environnemental. Dans la province de la Nouvelle-Écosse, nous avons obtenu que la province collabore avec nous pour que nous soyons convaincus que pour quelque projet que ce soit, il n'y aura pas des dommages. Nous sommes impliqués, dans une large mesure.

Le président : Ça va, chef Watson?

M. Watson : Merci, monsieur le président, oui. Je le comprends aussi. Ce n'est pas que les pêches. L'air que nous respirons et l'environnement sont tout aussi importants. Tout compte, pour une bonne santé. L'environnement et les pêches sont très importants pour nous tous.

Si vous permettez, pour le sénateur Mitchell : nous avons présenté des questions à un député, Phil Toone, un néo- démocrate du Québec. Nous lui avons envoyé 16 questions et nous espérons obtenir des réponses, mais je vous serais reconnaissant d'accélérer les choses comme vous le proposez.

Le sénateur Mitchell : Je vais y travailler du côté du Sénat, mais je tenais à le signaler.

Le sénateur Wallace : Chef Paul, j'aimerais revenir à votre déclaration selon laquelle le projet de loi C-38 éliminerait le droit des Autochtones de pêcher pour une subsistance raisonnable. J'ai du mal à comprendre. Vous dites que ce droit est garanti par l'arrêt Marshall. Écoutez-moi bien et dites-moi si j'ai bien compris les choses.

Dans le projet de loi C-38, la pêche autochtone est définie comme étant la pêche pratiquée à des fins de consommation personnelle ou de subsistance ou à des fins sociales ou cérémoniales. Cette définition ne comprend pas la subsistance convenable. C'est évident.

En revanche, au-delà de la protection de la pêche autochtone, le projet de loi C-38 porte sur la pêche récréative et commerciale, et plus particulièrement sur la pêche commerciale. Quand on parle de subsistance convenable, si je comprends bien, on parle du droit d'un Autochtone de vendre le poisson qu'il pêche pour assurer la subsistance de sa famille. Il s'agit de vendre le produit de la pêche. C'est une activité commerciale. Voilà à quoi réfère ce terme.

Je ne comprends pas pourquoi la mention de la pêche commerciale dans le projet de loi C-38, et qui se rapporte aux Autochtones et aux non-Autochtones, ne comprend pas d'après vous votre droit à une subsistance convenable. La pêche commerciale consiste à vendre le produit de la pêche pour avoir de l'argent. Est-ce que le droit à une subsistance convenable n'est pas protégé dans ce cadre-là? Je vous laisse répondre, mais si c'est le cas, ce qui vous préoccupe véritablement, c'est que le droit à une subsistance convenable ne vise pas particulièrement les Autochtones mais est destiné à tous les Canadiens, qu'ils soient Autochtones ou non.

M. Wildsmith : Ce qu'il faut comprendre, c'est que pour Monsieur Tout-le-monde, le terme « commercial » se rapporte à chaque fois qu'on vend quelque chose. En vertu de la Loi sur les pêches, ce terme est associé à un ensemble de règles fixées pour tous les pêcheurs, tous les pêcheurs canadiens, et qui se livrent à cette activité dans le but de faire des profits et de s'enrichir. C'est précisément ce que la Cour suprême a décrit comme n'étant pas une subsistance convenable.

Sauf votre respect, je crois qu'il faut faire la distinction entre l'application générale du terme « commercial » et le terme employé dans le contexte des pêches. Ces mots n'ont pas été tirés d'un chapeau et ils se rapportent au régime connexe aux lois sur les pêches. Commercial signifie « commercial » dans le sens où en parlait le témoin de Grand Manan. Si une communauté autochtone pêche, ce serait de la même manière, selon les mêmes règles, notamment.

Mais si vous commencez à explorer les droits des Autochtones régis par les traités, ou en vertu du concept des droits autochtones, vous verrez qu'il y a des critères de justification qui doivent s'appliquer pour chaque règle imposée aux Autochtones qui exercent leurs droits. Ce critère de justification ne s'applique pas aux pêcheurs commerciaux. Les pêcheurs commerciaux exercent leur activité comme un privilège accordé par un permis. D'après le traité des Micmacs, ils ont un droit constitutionnel de pêcher, et le ministre a le pouvoir de réglementer cette pêche, s'il peut le justifier.

De nos jours, en vertu du Règlement sur les permis de pêche communautaire des Autochtones émis par le ministre, les Micmacs ont des permis de pêche communautaire des Autochtones à la suite de cette pêche extrêmement lucrative qui a eu lieu après l'arrêt Marshall, en 1999. Les Autochtones pêchent toutefois comme des pêcheurs commerciaux, selon les mêmes règles que les pêcheurs commerciaux. Est-ce la même chose que la subsistance convenable? Nous estimons que la Cour suprême a dit que non. Des critères de justification doivent s'appliquer pour toutes les conditions relatives aux pêcheurs commerciaux, pour les saisons, le volume de prises, le matériel et tous les autres termes techniques. Dans le cadre des permis de pêche communautaire des Autochtones, toutes ces règles sont simplement reprises. On nous dit : « Voici votre permis. Nous l'avons acheté à un pêcheur commercial. Vous devez vous en servir comme le faisait ce pêcheur commercial et la seule différence, c'est que le permis appartient maintenant à votre communauté. »

Ouvrez votre esprit et pensez à la terminologie employée dans ce règlement. On parle de permis de pêche communautaire des Autochtones. Vous entendez les deux mots « autochtone » et « commercial » dans le titre du règlement. Revenons à la définition. Comment peut-ont avoir une pêche commerciale autochtone? La pêche autochtone est limitée à ses autres activités, dans la définition. « Commercial » c'est quelque chose de bien différent. Vous ne pouvez pas associer le mot « autochtone » à des possibilités commerciales. Les permis eux-mêmes sont émis de la même façon. La subsistance convenable, c'est à mi-chemin, différent à la fois de la pêche commerciale et de la pêche de subsistance.

Reparlons de la définition du terme « autochtone ». Les communautés autochtones sont habituées à la terminologie : « des fins de consommation ou à des fins sociales ou cérémoniales ». Ils ne sont pas habitués au terme « subsistance ». D'où cela est-il venu? Qu'est-ce que ça signifie? Est-ce que ça veut dire qu'on peut vendre une certaine quantité de poissons? Je le répète, d'après la Cour suprême, on ne parle pas ici de pêche de subsistance, ou de subsistance seule et ça ne règle donc pas votre problème. Ce quatrième concept a été intégré à la définition sans qu'il soit expliqué. Je travaille dans ce domaine depuis des années et je dois vous dire que je n'ai jamais vu cela auparavant. En fait, je ne sais pas ce que cela signifie.

Le président : En passant, vous avez parlé d'une lettre comprenant 16 questions. Si vous pouviez en remettre une copie à notre greffière, Mme Gordon, elle sera intégrée au compte rendu de nos délibérations. Nous pourrons alors l'annexer à notre rapport destiné au Comité des finances et portant sur le projet de loi. C'est une autre façon d'attirer l'attention sur cette question.

Le sénateur Mitchell : Nous pourrions peut-être aussi annexer les lettres au ministre, monsieur le président?

Le président : C'est déjà fait pour certaines d'entre elles.

Le sénateur Massicotte : Mes questions sont pour le chef Watson. J'essaie de comprendre son argument. Je comprends que certaines modifications à la loi vous préoccupent, mais comme je ne suis pas un spécialiste, j'ai besoin de votre aide. J'ai cru comprendre que les droits des Autochtones sont définis par les traités, droits qu'il faut respecter d'après la Constitution de 1982. Tout le monde comprend que ces droits existent. Vous nous dites que nous sommes tenus de les respecter. Vos droits sont protégés parce qu'ils sont indépendants de nos lois.

Vous dites que de nouveaux arrivants au pays adoptent quand même des lois qui ont un effet sur la façon dont sont gérés les ressources naturelles et l'environnement, et que l'essai de cette dilution du respect pour l'environnement nuit aussi à vos droits issus de traités. C'est assez complexe, mais c'est bien votre argument? Le problème, c'est que vous affirmez que nous diluons notre responsabilité envers l'environnement et que cela nuit à vos droits issus de traités. Vous dites que vos droits issus de traités sont protégés par la Constitution, alors comment les changements peuvent-ils les toucher directement? Ce qui vous inquiète plutôt, c'est que nous ne faisons pas un bon travail de notre côté, ce qui vous touchera, vous, n'est-ce pas?

M. Watson : Merci pour la question. Nous disons que les Premières nations et les Canadiens ont tous une responsabilité environnementale, de même qu'envers les pêches et tout ce dont nous avons parlé. Au fil du temps, les gouvernements n'ont pas fait participer les peuples des Premières nations aux décisions qui touchaient nos communautés et l'environnement. En gros, ces décisions ont été prises à notre place, par les gouvernements.

Ce qui est important, c'est la qualité de l'air, le poisson dont nous nourrissons et l'eau que nous buvons —, tout ça est important maintenant. Comme gardiens du territoire, nous devons faire le nécessaire pour protéger ces choses-là. Vous devez être aussi préoccupés que moi par la qualité de l'eau. Pour les Premières nations, le territoire est très important et si nous sommes là pour lui, il sera là pour nous. C'est ce qu'ont prouvé les siècles, sénateur.

Je ne sais pas si j'ai bien répondu à votre question, mais nous sommes tous responsables, peu importe où nous vivons au Canada. Les communautés doivent mieux intégrer les peuples des Premières nations. Si des pipelines traversent nos communautés, rien ne garantit que l'environnement sera protégé avant, pendant et après leur fonctionnement. En Saskatchewan, des mines d'uranium ont été abandonnées. Elles sont ouvertes et contaminent l'environnement. Personne n'en assume la responsabilité. Les mineurs sont partis. L'uranium est épuisé. Les profits sont partis. Personne ne s'en occupe. Ce que je dis, c'est que nous avons tous une obligation. Nous voulons nous assurer que la loi tienne compte de nous et assure notre participation pour qu'au bout du compte, les générations futures puissent avoir de l'eau, du poisson et un air de la meilleure qualité possible, parce que nous en avons la responsabilité.

Le sénateur Massicotte : Mais ces modifications proposées ne vous touchent pas directement, puisque vos droits issus de traités sont protégés.

Vous ne parlez pas comme un observateur. Vous dites que parce que ces lois ne vous touchent pas, mais nous touchent, nous, comme partenaires responsables de la ressource, vous craigniez que nous n'agissions pas, nous, de manière responsable pour bien gérer la ressource à long terme. Même si les modifications ne vous touchent pas directement, vous craigniez que nous n'agissions pas de manière responsable dans la gestion de ces ressources.

M. Watson : Les peuples des Premières nations n'ont pas été pris en compte et cela nous signale que nous avons un travail à faire. Nous avons ces discussions, mais nous n'avons pas réellement été consultés sur les différentes lois qui sont modifiées. Je parle de la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale, la Loi sur les espèces en péril et la Loi sur l'Office national de l'énergie. Je ne sais pas combien de fois nous avons dû agir avec un statut d'intervenant, simplement pour nous assurer qu'on tenait compte de l'environnement et du reste. L'histoire nous dit qu'on ne nous a pas fait participer et nous croyons que nous devons jouer un rôle pour veiller sur les générations futures. Notre approbation compte, c'est ça, la responsabilité. Je le répète, notre territoire est là, pour nous, depuis des siècles, et il continuera de jouer ce rôle, mais nous devons assumer nos responsabilités dans un processus décisionnel.

Le sénateur Massicotte : Pourquoi vous demander votre approbation si du point de vue constitutionnel, vous estimez que vos droits sont protégés? Qu'est-ce qui vous préoccupe dans les modifications proposées? Pourquoi devrions-nous demander votre approbation si vous dites vous-mêmes que cela ne vous touche pas parce que vos droits issus de traités sont nécessairement protégés?

M. Watson : Au bout du compte, c'est la responsabilité de tous. Je l'ai dit plus tôt, nous avons partagé ce territoire avec nos ancêtres et avec vous. On n'a jamais été pris en compte et nous avons une responsabilité.

Si vous permettez, monsieur le président, je vais demander à mes experts de m'aider.

Le président : Cela plaît-il aux sénateurs?

Des voix : Oui.

William David, analyste des politiques, Secteur de la gestion de l'environnement, Assemblée des Premières Nations : Je n'ai rien à ajouter, je ne peux que répéter. Le chef régional dit que les ressources sont les mêmes sur lesquelles s'appuient les Premières nations pour défendre et exercer leurs droits.

Je vais vous dire pourquoi nous sommes inquiets des effets du projet de loi sur les Premières nations. Nous estimons que les droits des Premières nations sont quelque chose à part du régime réglementaire et législatif. En effet, chaque fois que le gouvernement prend une décision, il a le devoir de consulter les Autochtones et de faire les accommodements nécessaires. S'il n'a pas de décision à prendre, il n'a pas ce devoir. C'est un exemple.

Ces modifications réduisent de beaucoup le nombre de décisions que doit prendre le gouvernement et par conséquent, il y aura moins de dialogues entre le promoteur, le gouvernement et les Premières nations.

N'oublions pas que l'objectif du projet de loi C-38 est d'accélérer l'approbation des projets — ou plutôt, de ne pas ralentir l'approbation des projets — et n'oublions pas que si on ne tient plus compte des questions relatives aux droits des Autochtones, aux droits issus de traités et à la consultation, cela pourrait mener à des débats constitutionnels complexes. Si cela ne fait plus partie du régime réglementaire, nous craignons que les projets soient encore plus ralentis malgré la simplification des processus ou leur élimination dans la loi, par le projet de loi.

Ces changements pourraient avoir un effet pervers, particulièrement pour ce qui touche aux droits des Premières nations. Malheureusement, les changements proposés dans le projet de loi sont d'une telle ampleur que beaucoup de Premières nations n'ont pas eu le temps de les examiner de manière approfondie, sans parler des questions particulières dont l'examen individuel pourrait prendre des semaines, sinon des mois.

Voilà essentiellement pourquoi les changements que ce projet de loi porte à la réglementation sont si importants. Même s'ils n'ont pas d'incidence directe sur la capacité des Premières nations d'exercer leurs droits constitutionnels, il risque de nuire à la rapidité de mise en œuvre des projets.

Le sénateur Massicotte : Je sais que cet argument est compliqué. Vous nous dites que vous avez des droits et que l'on doit vous consulter. Ce projet de loi ne modifie pas ces droits et obligations.

L'on peut dire que vous, tout comme tout citoyen vivant avec ces règles, avez de telles préoccupations. Je le reconnais. En tant qu'Autochtone, vous avez un intérêt particulier pour cette question. Mais les choses deviennent plus compliquées parce que vous êtes en train de nous dire maintenant que, étant donné que l'on change le niveau de consultation dans votre population, cela pourrait avoir un effet sur votre implication. Il s'agit d'une zone grise. C'est compliqué. C'est la seule observation que je voulais faire. Je pense que nous nous entendons là-dessus.

Le sénateur Lang : Je suis un peu confus au sujet de ce que l'on a dit sur le processus parlementaire que le Parlement doit examiner.

Je pense que nous sommes tous d'accord pour dire que les processus réglementaires, dans bon nombre de cas, ont pris énormément de temps à aboutir. Dans certains cas, cela a pris tellement de temps, que certains projets, notamment, le pipeline du Mackenzie, ont dû attendre neuf ans d'audience environnementale avant d'aboutir à un accord officiel. Personne ne peut dire que cela représente un délai raisonnable. Selon toute vraisemblance, ils ont perdu l'occasion de concrétiser un projet qui aurait été positif pour cette partie du pays.

Des témoins nous ont dit que, partout au pays, et les provinces et les territoires ont demandé à ce que le processus réglementaire soit rationalisé, organisé et plus structuré. Des témoins de la fonction publique du Canada nous ont dit clairement et ont assuré tous les membres du comité que le processus réglementaire, grâce à ces modifications, recevra davantage de fonds et de ressources. De plus, les examens environnementaux seront faits avec encore plus de diligence et, au bout du compte, l'on aura probablement davantage de faits afin de prendre une décision finale que sera toutefois faite en temps opportun.

J'aimerais également vous parler des emplois. L'on n'en a pas parlé ce matin. Je pense, monsieur Watson, que vous seriez d'accord pour dire qu'une des préoccupations les plus importantes de la population autochtone du pays est celle du manque d'emplois et de travail. Si ces projets d'envergure ne sont pas assortis d'un processus rapide et structuré, il n'y aura pas d'emplois. L'on peut peut-être s'asseoir autour de cette table et débattre du processus, des avocats et des droits qui s'y rattachent. Mais, au bout du compte, il reste, qu'il y aura un jeune homme ou une jeune femme — qui, est peut-être Autochtone — qui n'a pas d'emploi. Et c'est précisément sur ce fait que porte le projet de loi.

Je ne comprends pas la discussion juridique que vous avez eue avec le sénateur Massicotte à propos des droits autochtones. Si vous examinez le paragraphe 5(1), vous verrez qu'il veille à s'assurer que le devoir qu'a la Couronne de consulter les Autochtones soit enchâssé dans la loi. Je vous dirai donc qu'il s'agit d'un renforcement de nos obligations et engagements envers les Premières nations du pays lorsqu'on examine ces projets dans les régions. Nous devons tenir compte de leurs droits et responsabilités et voir quel impact cela aura sur eux. C'est précisément ce que cette législation définie.

Je ne comprends pas votre opposition à un paragraphe dans lequel le Parlement dit clairement, lors d'un examen environnemental : « Vous devez consulter. Et voici comment vous devez le faire. »

De plus, nous avons entendu, si ma mémoire est bonne, que l'on versera à cet égard 165 millions de dollars pour les Autochtones lors de ces audiences.

Dites-moi donc ce que vous aimeriez voir dans ce projet de loi qui ne s'y trouve pas afin de pouvoir garantir que les Autochtones prennent part au processus? Au bout du compte, j'espère que quelques projets iront de l'avant afin d'atteindre l'objectif que nous voulons tous atteindre, soit celui de créer des emplois pour les Canadiens. Peut-être que vous pourriez nous parler davantage du paragraphe 5(1).

M. Watson : Sénateur Lang, je vous remercie de vos observations. Monsieur le sénateur, personne ne souhaite plus que les Autochtones de voir des emplois créés dans nos communautés. Cela fait 65 ans que nous recevons des chèques de bien-être social et que la pauvreté persiste dans nos communautés. Qui ne souhaiterait pas que nos enfants aient des carrières et qu'ils puissent faire vivre leurs petits-enfants? En revanche, dans certaines de nos communautés, nous devons composer avec les effets notamment de l'empoisonnement au mercure, qui fait en sorte que l'on ne peut pas travailler. Bien que les emplois et les carrières soient importants, le fait de pouvoir vivre dans un environnement salubre est primordial. C'est ce qu'il y a de plus important parce qu'il s'agit de notre foyer. L'on parle de terres qui sont réservées aux Indiens.

Oui, bien entendu que nous souhaitons avoir des carrières. Nous voulons que nos enfants travaillent. Nous voulons qu'ils obtiennent des emplois. En revanche, nous nous rendons compte également que nous léguons à nos petits-enfants l'air, l'eau et tout ce qui se trouve dans l'environnement. Nous disons également que nous voulons absolument être comme les autres collectivités. Nous voyons les incidences du boom pétrolier en Alberta et de la potasse en Saskatchewan et trouvons cela fantastique. Nous adorerions pouvoir subvenir aux besoins de nos familles, mais, au bout du compte, nous voyons également les effets pervers de l'eau contaminée dans nos communautés. Cela a mené à des problèmes de santé énormes qui se répercutent sur toutes les générations.

Au bout du compte, nous adorerions avoir des emplois, mais nous devons également être vigilants quant à la qualité de l'eau que nous buvons et de l'air que nous respirons. C'est précisément cette combinaison qui nous préoccupe, car certaines de nos communautés sont contaminées et c'est très malsain. Je vous ai répondu du mieux que je pouvais.

Le sénateur Johnson : Je compatis tout à fait avec ce que vous nous avez dit, chef Watson. Je viens du Manitoba. J'ai grandi sur le lac Winnipeg, où les pêcheurs islandais pêchaient avec les Autochtones. Ils continuent d'ailleurs à le faire. Ce lac a connu toutes sortes de problèmes, notamment car il est contaminé au mercure.

Le ministre Kent a comparu devant notre comité. Il nous a assuré que l'on allait consulter davantage les Premières nations grâce à cette modification et que l'on fournirait 1,5 million de dollars de plus pour y parvenir. Il nous a également assuré que la rationalisation des lois ne mettrait pas les habitats de poisson en péril. En avez-vous parlé avec lui ou avec vos gens? Est-ce que cela vous réconforte? Sachez que ce financement accru fera en sorte que vous serez consulté et interpellé au cours du processus. Qu'en pensez-vous?

M. Watson : Merci, madame le sénateur, de vos observations. Je n'en ai pas parlé avec les chefs régionaux autochtones du Manitoba. Je ne sais pas à quel point ils en ont parlé avec les membres de leur législature.

Au bout du compte, madame le sénateur, tout ce que nous demandons, c'est de prendre part aux discussions. Des observations que j'ai formulées tout à l'heure soulignaient le fait que nous avons toujours été exclus des discussions.

Le sénateur Johnson : Vous n'avez pas parlé avec lui?

M. Watson : Non.

Le sénateur Johnson : Je ne parle pas forcément du Manitoba. Je parle de vous, également. Il ne faut pas perdre de vue qu'il consultera tout au cours de la mise en œuvre de ce processus. Est-ce que cela vous rassure à propos de ces changements?

M. Watson : Je crois savoir que l'Assemblée des Premières Nations a eu des discussions très brèves et courtes. Nous souhaiterions avoir des discussions plus poussées afin de pouvoir répondre à nos préoccupations.

Je ne pense pas que nous ayons encore eu l'occasion de le faire. Nous désirons le faire et souhaitons y participer pleinement. Nous adorerions avoir l'occasion de rencontrer le ministre pour pouvoir lui présenter nos préoccupations.

M. David : Je vais tenter d'être bref. Nous accueillons favorablement les 1,5 million de dollars supplémentaires qui seront versés à la consultation des collectivités autochtones. Nous accueillons également favorablement l'alinéa 5(1)c), et j'aimerais soulever qu'il ressemble au paragraphe 5(1) de l'ancienne loi. Le fait que cela s'adresse expressément aux peuples autochtones est quelque chose que nous trouvons positif.

En revanche, l'on n'a pas fait beaucoup appel aux Premières nations. Il ne s'agit pas seulement du gouvernement actuel ou de celui d'avant. Il s'agit d'un problème qui existe depuis longtemps, surtout en ce qui concerne les vastes changements stratégiques apportés à la Loi sur l'évaluation environnementale et sa mise en œuvre.

Je pense que les Premières nations sont les seuls groupes importants de la société civile qui n'aient pas été consultés ou appelés à participer au cours des sept années d'examen de la LCEE. Nous avions fourni au comité permanent des points précis au sujet de ce que nous aimerions voir dans la LCEE. Cela a été adopté dans le rapport. Malheureusement, ces observations et suggestions ne se sont pas retrouvées dans le projet de loi C-38.

Nous avons bon espoir que le ministre Kent agit de bonne foi. En revanche, nos expériences passées avec le gouvernement actuel et les gouvernements précédents nous laissent sceptiques, tout particulièrement lorsqu'aucune Première nation n'a véritablement été consultée au sujet du projet de loi C-38. Nous gardons de l'espoir, mais je vous dirais également que nous sommes plutôt sceptiques. Soyons clairs. L'on n'a pas consulté de manière approfondie les Autochtones au sujet de cette loi ou des règlements proposés qui sont déjà en cours d'élaboration.

Le sénateur Johnson : Votre chef, Shawn Atleo, a émis bon nombre de déclarations à ce sujet. Il a notamment indiqué qu'il était fort préoccupé du fait que l'on ne reconnaissait pas les droits issus des traités. Pouvez-vous en parler davantage? Je ne comprends pas exactement quel droit issu d'un traité n'est pas reconnu dans ce projet de loi.

M. Watson : À ce sujet, madame le sénateur, et je pense l'avoir dit avant, le gouvernement du Canada a été extrêmement paternaliste envers nos gens. Certaines décisions qui ont été prises — et je n'entrerais pas dans les détails — notamment celle concernant les pensionnats, ont eu une incidence générationnelle sur nos gens. Nous avons toujours été en mesure de nous exprimer, mais on ne nous en a jamais donné la chance.

Aujourd'hui, les chefs autochtones du Canada disent qu'il est temps que le Canada les écoute. Il est temps qu'il travaille avec les chefs afin que nos collectivités et nos gens puissent développer leur plein potentiel, comme c'est le cas pour tout autre groupe ou région au Canada.

C'est de cela qu'on parle lorsqu'on parle d'inclusion. Nous avons été exclus bien trop longtemps. Comme l'a dit le chef Paul, nous sommes tout aussi capables que d'autres de prendre des décisions pour nous-mêmes. Il s'agit tout simplement de nous inclure dans les décisions qui touchent nos vies et l'environnement afin que nous puissions également contribuer.

Le sénateur Johnson : Je le comprends. J'ai travaillé sur cette question pendant bon nombre d'années lorsque je siégeais au Comité des affaires autochtones. Je comprends exactement ce que vous êtes en train de me dire.

Il a dit que les modifications dans le régime réglementaire, l'effort de rationalisation, empièteraient sur vos droits. Je ne sais pas si c'est l'intention de la loi. Avez-vous l'impression, comme vous venez de le dire, que l'histoire ne fait que se répéter et qu'il n'y a jamais assez de consultation?

M. Watson : Oui. L'histoire nous a montré, madame le sénateur, que nous n'avons jamais été consultés. On ne fait que dire : « Nous ferons ce qui est bon pour les Indiens. » Nous avons toujours été sceptiques, car l'histoire nous a prouvé que nous n'avons jamais pris part aux décisions qui touchaient la vie de nos gens.

Le sénateur Johnson : Comme l'a dit mon ami le sénateur Lang, il s'agit également de vouloir créer des emplois pour nos jeunes, peu importe où nous habitons.

Voulez-vous ajouter quelque chose à cet effet, en tenant compte de votre région? Après tout, nous sommes tous sur la même longueur d'onde en ce qui concerne les objectifs que nous voulons atteindre pour tous au sujet des ressources halieutiques. Les poissons et leur habitat sont des questions qui me préoccupent depuis bon nombre d'années au Sénat. Nous tentons de faire ce qu'il y a de mieux. Le gouvernement essaie de faire la bonne chose.

Aidez-nous. Dites-nous ce que vous en pensez. Nous n'essayons pas d'être négatifs. Nous voulons améliorer les choses, soit les processus réglementaires et la création d'emplois.

M Paul : Nous sommes d'accord avec le chef régional. Tout comme les autres, nous voulons avoir des emplois, et bon nombre de nos gens n'en ont pas.

Notre objectif primordial est de laisser à nos enfants un environnement meilleur que celui que nous avons connu. C'est du moins ce que tous les Autochtones du Canada souhaitent.

On ne peut pas manger des minéraux. On ne peut pas manger du pétrole. Cela est important dans nos vies et il faut en tirer parti. En revanche, il ne faut jamais perdre de vue l'environnement, les gens qui y vivent et ceux qui sont là depuis des milliers d'années. Je crois qu'on a fait un bon travail pour garder l'environnement le plus sain possible. C'est parce que notre relation — qui est constitutionnelle — est différente de celle des autres Canadiens.

En grandissant, je me suis toujours dit, et je me sens encore comme cela, que je suis Micmac avant tout. Je suis les lois et traditions micmaques en premier et me fie ensuite au reste. Si cela nous semble logique, alors, bien entendu, nous participerons et ferons en sorte que les choses se concrétisent.

Par exemple, nous avons un processus en Nouvelle-Écosse sur lequel tous les paliers de gouvernement sont d'accord. Nous avons rédigé les modalités afin de voir comment nous allons nous consulter les uns les autres. Tout est bien, vraiment, mais il est difficile de le faire respecter. Les gouvernements ont de la difficulté à respecter ce qui a été convenu.

C'est notamment le cas du ministère des Pêches et des Océans, qui nous pose le plus de problèmes. Si j'ai bien compris, au cours des derniers mois, des fonctionnaires ont été formés et sensibilisés à propos du processus de consultation.

Si j'ai bien compris, 40 p. 100 des plus de 2 000 fonctionnaires formés provenaient du MPO. Toutefois, nous avons des problèmes relativement au processus de consultation qui a été convenu lorsque nos droits sont touchés. Lorsque nous estimons que nos droits sont touchés, nous croyons que cela devrait déclencher le mécanisme de consultation. C'est peut-être à cause de la taille du gouvernement, mais cela prend un certain moment pour que l'ensemble du gouvernement comprenne ce qu'une partie du gouvernement fédéral est en train de faire. On le voit notamment avec ce projet de loi qui est proposé sans que nous ayons été consultés à propos des terres autochtones, notamment en Nouvelle-Écosse. Il y a d'autres Micmacs au Nouveau-Brunswick, à l'Île-du-Prince-Édouard, à Terre-Neuve, aux États-Unis et dans le Sud du Québec. Ils jouissent des mêmes droits, mais nous sommes la seule province dotée de ce processus, et cela nous a pris plus de 30 ans pour y parvenir.

M. Wildsmith était là bien avant cela, mais je me rappelle qu'en 1977, nous essayions de préconiser notre propre processus. Par exemple, nous refusions de participer au processus de revendication globale parce que cela supposait des prêts pour nous financer.

Aujourd'hui, après 20 ans de pourparlers, le processus de traités de la Colombie-Britannique a coûté environ 425 millions de dollars. Nous ne participons pas à ce processus parce que nous voulions éviter de contracter cette dette. Nous participons au processus de la Nouvelle-Écosse, dont je viens de parler. Faute d'une meilleure définition, on a qualifié cela au départ d'une nouvelle forme d'entente. C'est une première et je crois comprendre que beaucoup de gens s'y intéressent et pourraient s'en inspirer.

Le président : Il nous reste peu de temps. Je vous demanderais de donner des réponses plus concises, si c'est possible.

Le sénateur Seidman : J'essaierai d'être très brève, car la séance tire à sa fin. Merci, chef Watson et chef Paul, de vos déclarations.

Ma question s'adresse au chef Paul. Savez-vous si d'autres Premières nations et associations autochtones ont signé des lettres semblables à la vôtre, accompagnées d'une analyse comparable relativement aux questions de définition? Ont-ils écrit au ministre en joignant ces analyses?

M. Wildsmith : Nous ignorons s'il y a eu d'autres documents semblables sur la question, mais je crois que d'autres Premières nations sont dans la même situation que nous. Il y a au moins deux autres affaires judiciaires qui traitent du droit de pêcher pour assurer une subsistance raisonnable. L'affaire Gladstone vise une communauté de la Colombie- Britannique, et l'autre, la communauté du chef national Atleo, l'affaire Ahousaht. Je me suis demandé au début pourquoi il ne l'avait pas mentionné lorsqu'il a comparu devant votre comité. C'est tout simplement parce que son rôle national l'oblige à se limiter à d'autres dossiers. Toutefois, le problème que nous avons décrit aujourd'hui s'applique également à sa communauté.

Le sénateur Seidman : D'autres Premières nations ont des problèmes analogues relativement à la définition?

M. Wildsmith : Oui, et les représentants de l'APN vous en parleront peut-être de façon plus précise.

M. Watson : Comme nous l'avons indiqué, je crois qu'il y a 630 Premières nations dans l'ensemble du Canada, et nous voulons souligner encore une fois que beaucoup de choses se sont faites pour nous sans nous inclure. Je ne peux pas vous dire exactement quelles communautés partagent notre point de vue, ce qu'elles pensent de cela, car vous comprendrez que chacune a son propre gouvernement et prend ses propres décisions sur les questions qui la touchent.

Encore une fois, j'aimerais bien vous donner une réponse plus précise, mais c'est impossible pour l'instant.

Le sénateur Seidman : Je comprends sans peine. Je voulais simplement savoir si vous saviez si d'autres Premières nations ou associations autochtones ont écrit au ministre pour faire état du même problème que vous relativement à la définition. C'était une question précise. Je crois que votre réponse était que vous l'ignoriez, mais que vous savez qu'il y a deux autres affaires devant les tribunaux.

M. Wildsmith : Une affaire est en instance, mais l'autre a été tranchée il y a longtemps.

Le sénateur Seidman : Merci. Je comprends.

Les nouvelles règles d'évaluation environnementale vont-elles réduire le nombre d'organismes fédéraux avec lesquels vous devez traiter, ce qui favoriserait des consultations mieux coordonnées avec les ministères? En un sens, il y a un aspect positif au changement envisagé.

M. Watson : Merci de ces précisions. Vous avez tout à fait raison de dire que la consultation est extrêmement importante. Malheureusement, il n'y a jamais eu de consultations dans le passé, contrairement à ce que nous avions espéré. Toutefois, nous essayons de déterminer quelle serait la meilleure façon de nous inclure dans le processus. Si cela pouvait se faire en réduisant le nombre de ministères, de fonctionnaires ou de formalités administratives, ce serait très certainement une amélioration. Toutefois, ce qui importe au bout du compte, c'est que nous soyons inclus et que nous puissions participer au processus. Nous le souhaitons vivement parce que je crois que nous visons tous le même but.

Le sénateur Sibbeston : Permettez-moi de répondre à M. Wildsmith qui a dit qu'il ne connaissait pas très bien le sens du mot « subsistance ». Je trouve quant à moi que ce n'est pas un bon mot, car il ne donne pas beaucoup de précision à la définition. Il est plutôt restrictif qu'inclusif.

Dans les Territoires du Nord-Ouest, d'où je suis originaire, on connaît le mot parce qu'il figure dans la Loi sur les Territoires du Nord-Ouest, qui confère au gouvernement dans le Nord le droit d'adopter des lois touchant, entre autres, la faune. Il y a dans cette loi une clause dérogatoire qui précise qu'on ne peut retirer à une personne autochtone le droit de pêcher et de chasser pour sa subsistance. Ainsi, si vous êtes dans la forêt et que vous mourez de faim, et que vous voyez un lapin, vous avez le droit de prendre ce lapin. Dans votre cas, si vous vous trouvez au bord de l'océan et que vous êtes près de mourir de faim, vous pouvez pêcher un poisson et le manger, mais cela reste un droit extrêmement limité et très minime. Il ne permet pas de faire des profits en pêchant beaucoup de poissons pour les vendre. C'est un mot qui a une portée très restreinte. Je suis étonné qu'on l'ait utilisé dans la définition parce qu'il est trop restrictif. Je voulais le signaler. Si vous êtes sur le point de mourir de faim, vous avez le droit de manger pour ne pas périr, mais pas d'engraisser.

Le président : Ça semble tout à fait logique. Vous n'avez rien à ajouter? Il prêche aux convertis ici.

Le sénateur Lang : Je sais que le temps file. J'aimerais poser quelques questions au chef Watson dans le même sens que précédemment, si c'est possible. M. David voudra peut-être intervenir.

Je n'aime pas entendre dire qu'il n'y a pas de méthodes de consultation, qu'on n'a pas pu participer et ainsi de suite. J'admets dans une certaine mesure que cela s'est passé dans certaines régions du pays, mais je crois que tous les législateurs, de tous les partis politiques, s'efforcent sincèrement de faire en sorte que les Premières nations puissent participer systématiquement au processus.

J'aimerais revenir au paragraphe 5(1) du projet de loi. Je ne comprends pas pourquoi vous vous opposez à l'alinéa 5(1)c), dont je vais faire la lecture :

Pour l'application de la présente loi, les effets environnementaux qui sont en cause à l'égard d'une mesure, d'une activité concrète, d'un projet désigné ou d'un projet sont les suivants [...] s'agissant des peuples autochtones, les répercussions au Canada des changements qui risquent d'être causés à l'environnement, selon le cas : sur les plans sanitaire et socio-économique, sur le patrimoine naturel et le patrimoine culturel, sur l'usage courant de terres et de ressources à des fins traditionnelles, sur une construction, un emplacement ou une chose d'importance sur le plan historique, archéologique, paléontologique ou architectural.

Cette disposition garantit la reconnaissance des peuples autochtones. De plus, l'obligation de les consulter avant, et pendant la réalisation d'un projet dans une région du Canada, et de les inclure dans la décision, existe également. Pourriez-vous me dire ce qui ne va pas dans cette disposition et comment vous la récririez pour corriger la lacune que vous y voyez. Je crois qu'on a tout mis en œuvre pour répondre aux demandes que vous nous avez exprimées.

M. Watson : Je vais demander à mon adjoint de vous répondre et je pourrai ajouter quelque chose par la suite.

M. David : Comme je l'ai dit tout à l'heure, nous accueillons favorablement l'alinéa 5(1)c). Cette disposition a-t-elle soulevé beaucoup d'opposition? Je n'en ai pas entendu. Comme je l'ai dit, elle est plus ou moins bien accueillie. Elle peut poser certaines difficultés, mais j'assume qu'elles sont très mineures par rapport aux problèmes que soulèvent d'autres dispositions de la loi.

Par exemple, d'après mon interprétation du sous-alinéa 5(1)c)(iii), « l'usage courant de terre et de ressources à des fins traditionnelles » signifie tout territoire ancestral visé par un traité et utilisé par les Premières nations, que ce soit sur des terres publiques ou privées. Tout changement à ces terres serait donc visé par cette disposition. Je ne vois pas comment un droit issu de traités ne pourrait pas nécessairement être visé.

Le sénateur Lang : D'après vous et d'autres personnes qui avez témoigné devant le comité, cela signifie qu'on a rempli, du moins partiellement, l'obligation de consulter.

M. David : Non, je ne suis pas de cet avis. Il subsiste des questions sur le sens de la disposition. L'interprétation de l'agence, de l'Office national de l'énergie, et de pratiquement toute autre autorité fédérale, sera directement contraire à celle que je viens de vous décrire. Cela suscitera des litiges parce que peu de gens en ont entendu parler.

En soi, le processus constitue-t-il une consultation? Je ne le crois pas, parce que la Loi sur l'évaluation environnementale était assujettie à une obligation d'examen après sept ans. À la toute fin de cet examen, on a invité l'APN à témoigner devant le comité permanent. Nous avons été heureux de pouvoir participer. Toutefois, ni l'APN, ni le comité permanent n'ont souligné la question du paragraphe 5(1).

En fait, nous avons parlé de la consultation et des moyens appropriés de l'inclure dans la Loi d'évaluation environnementale. C'est parce que l'obligation constitutionnelle de consulter et d'accommoder les Premières nations a été énoncée après le dernier examen de la loi et cette exigence n'a jamais été incorporée à la loi. Elle est une simple question de politique et les mécanismes de consultation fonctionnent mal; voilà pourquoi il y a tant de retard relativement aux projets majeurs; les politiques elles-mêmes sont arbitraires.

Y a-t-il eu consultation suffisante? Absolument pas, à mon avis. L'alinéa 5(1)c) fait-il problème? Pas nécessairement. Je crois que cette loi pose des problèmes plus graves que cela.

Le sénateur Lang : Je reconnais que vous n'avez pas vu le projet de loi avant son dépôt. En fait, personne ne l'a vu à l'exception du cabinet, parce que cela relève de notre procédure parlementaire.

Je vous remercie d'avoir exprimé votre opinion. À votre avis, cette disposition reconnaît la responsabilité de l'État envers les Premières nations dans une région précise s'il y a un processus d'évaluation environnementale; les Premières nations doivent en faire partie intégrante. C'est prévu par la loi, tout comme dans la Constitution que vous avez évoquée tout à l'heure.

M. David : Je crois toutefois que l'interprétation fera problème. On verra comment elle est interprétée avec le temps.

Le sénateur Lang : Bref, il faudra attendre pour voir?

M. David : Absolument.

Le sénateur Wallace : Monsieur Wildsmith, je reviens au droit des Autochtones de pêcher pour subvenir à leurs besoins. Les Autochtones qui veulent le faire sont-ils tenus d'obtenir un permis délivré par le ministre ou son cabinet?

M. Wildsmith : Le ministre estime que tous les pêcheurs doivent avoir un permis, ce qui inclut la pêche de subsistance. Le ministre n'a pas établi de pêche correspondant à la pêche de subsistance.

Le sénateur Wallace : Si je vous pose cette question, c'est parce que vous nous avez clairement dit tout à l'heure que vous croyez que le projet de loi C-38 abolit le droit ancestral de pêcher pour s'assurer une subsistance convenable. Moi je pense que ce droit pourrait être inclus dans le droit plus général qu'ont tous les Canadiens de pratiquer une pêche commerciale affirmée dans le projet de loi C-38.

Je regarde la disposition du projet de loi C-38 qui définit le terme « commercial » par rapport à la pêche; cet adjectif qualifie la pêche pratiquée sous le régime d'un permis en vue de la vente. Pourquoi est-ce que cela ne s'appliquerait pas à une pêche pratiquée pour s'assurer une subsistance convenable? Une subsistance convenable peut être assurée par la vente d'un poisson par quelqu'un qui détient un permis. Pourquoi cette disposition générale du projet de loi C-38 ne serait-elle pas suffisante?

M. Wildsmith : Comme j'essayais de le dire auparavant, je pense que la réponse c'est que le terme commercial — même dans le sens général exprimé dans cette définition — ne correspond pas à la définition du terme « commercial » que l'on trouve dans la Loi sur les pêches et d'autres dispositions, et à son application. La définition que vous mentionnez d'une pêche commerciale s'applique à tous les Canadiens et pas particulièrement aux Autochtones. Il ne s'agit pas d'un droit ancestral, mais d'un droit conféré par un permis. Cette définition prend toutes les règles et modalités normalement associées à une pêche commerciale et les applique aux Micmacs détenteurs d'un droit ancestral.

Le sénateur Wallace : Il est évident que vous connaissez mieux que nous les autres dispositions de la Loi sur les pêches. Nous n'avons pas l'habitude d'en discuter au comité.

J'ai sous les yeux la définition de « commercial » dans le projet de loi C-38 qui mentionne un permis. Il n'y a aucune description des genres de permis. Elle mentionne simplement un permis émis par le ministre. Cela me semble aussi large que possible, et si c'est bien le cas, cela doit englober aussi une subsistance convenable.

M. Wildsmith : Seulement si d'autres dispositions de la Loi sur les pêches sont modifiées. Par exemple, comme je l'ai déjà mentionné, ces permis seront accordés en vertu du Règlement sur les permis de pêche communautaires des Autochtones, mais ces permis concernent une pêche communautaire. Comment pouvez-vous concilier ces deux définitions?

Le sénateur Wallace : En soi, cette disposition du projet de loi C-38 n'abolit peut-être pas le droit — et c'est ce que je pensais que vous disiez — qu'ont les Autochtones de pêcher pour s'assurer une subsistance convenable, mais il est possible qu'elle nécessite des modifications corrélatives à d'autres dispositions. Je suppose que c'est votre argument.

M. Wildsmith : Cela pourrait être le cas.

Le président : Cela met fin à la période de questions. Chef Paul, chef Watson, j'espère que vous, et les personnes qui vous accompagnent, avez apprécié votre comparution ce matin autant que nous. Nous avons eu un bon échange.

Pour ce qui est des commentaires qui ne se rapportaient pas directement au projet de loi C-38, je comprends pourquoi vous les avez faits. Pour vous rassurer, sachez qu'au moins ici au Sénat du Canada, il y a un Comité des peuples autochtones et d'autres comités qui se concentrent sur les questions qui vous intéressent. Nous sommes ici pour consulter et pour être consultés n'importe quand.

Je pense que vous reconnaîtrez, chef Watson, que notre comité a communiqué avec vous pour vous dire que s'il y avait des questions dont vous vouliez discuter, nous étions prêts à vous recevoir. Nous vous avons proposé environ huit dates. Je tenais simplement à préciser cela. Nous ne sommes pas cachés derrière un mur, et vous, derrière un autre.

Je pense que nous vivons dans un merveilleux pays et je sais que c'est également votre avis. Nous sommes heureux que notre environnement ait été préservé jusqu'à tout récemment. Nous avons tous un énorme défi à relever — étant donné le développement industriel, entre autres — pour empêcher que le développement détériore nos extraordinaires habitats naturels, ressources et territoires.

Si jamais vous voulez revenir nous voir, dites-le-nous par l'entremise de Mme Gordon. Nous sommes ici pour écouter et pour discuter.

Merci beaucoup de cette matinée très constructive. Nous allons transmettre vos commentaires, surtout en ce qui concerne la définition ainsi que les 16 questions — si nous recevons la lettre — afin qu'elle s'ajoute au dossier. Vous avez entendu ce que le futur premier ministre va faire de son côté. Il m'a promis que je pourrais même être son secrétaire principal. On ne sait jamais.

Le sénateur Mitchell : Je vais régler vos problèmes de pêche.

Le président : Avez-vous quelque chose à ajouter en conclusion?

M Paul : J'ai toujours l'impression que la distinction entre « commercial » et « subsistance » n'est pas encore claire. Je sais que cela indique que si nous avons pleinement accès, alors la pêche commerciale peut assurer notre subsistance, mais ce n'est pas le cas. Dès que la décision a été rendue dans l'affaire Marshall, tous les conglomérats et les grandes sociétés de pêche ont dit : « Il n'y a plus de place pour nous. Toute la place est prise. » Cela fait partie du problème, et c'est une différence dont il faut tenir compte.

Il n'y a pas seulement 5, 10 ou 30 personnes qui ont le droit de pêcher dans notre collectivité; nous avons tous ce droit. Il faut faire de la place pour cette pêche de subsistance.

Le président : Très bien.

(La séance est levée.)


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