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ENEV - Comité permanent

Énergie, environnement et ressources naturelles

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent de
l'Énergie, de l'environnement et des ressources naturelles

Fascicule 32 - Témoignages du 20 novembre 2012


OTTAWA, le mardi 20 novembre 2012

Le Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles se réunit aujourd'hui, à 17 h 13, pour examiner la teneur des éléments des Sections 4, 18 et 21 de la Partie 4 du projet de loi C-45, Loi no 2 portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 29 mars 2012 et mettant en œuvre d'autres mesures.

Le sénateur Richard Neufeld (président) occupe le fauteuil.

Le président : Mesdames et messieurs, nous avons de la difficulté à établir la communication avec Vancouver; nous y travaillons. Toutefois, compte tenu du temps dont nous disposons, nous devons commencer.

Soyez tous les bienvenus à cette séance du Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles. Je suis Richard Neufeld. Je représente la province de la Colombie-Britannique au Sénat et je suis le président du comité. Je tiens à souhaiter la bienvenue à mes collègues sénateurs, aux membres du public qui sont avec nous dans cette pièce et aux téléspectateurs de partout au pays qui nous regardent à la télévision.

Je voudrais vous présenter les membres du comité qui sont ici aujourd'hui, en commençant par le vice-président, le sénateur Grant Mitchell, de l'Alberta. Je vais présenter d'abord le personnel, dont notre greffière, Lynn Gordon, ainsi que Sam Banks et Marc LeBlanc, de la Bibliothèque du Parlement. Je vais laisser les sénateurs se présenter, mais je leur demande de s'abstenir de nous raconter leur vie.

Le sénateur Massicotte : Je suis le sénateur Paul Massicotte.

Le sénateur Sibbeston : Je suis Nick Sibbeston, des Territoires du Nord-Ouest.

Le sénateur Patterson : Dennis Patterson, sénateur du Nunavut.

Le sénateur Baker : Je suis George Baker, de Terre-Neuve-et-Labrador.

Le sénateur Lang : Dan Lang, du Yukon.

Le sénateur Johnson : Je suis Janis Johnson, du Manitoba.

Le sénateur Ogilvie : Je suis Kelvin Ogilvie, de la Nouvelle-Écosse.

Le président : Le 30 octobre 2012, divers comités, dont le nôtre, ont été autorisés à effectuer une étude préliminaire du projet de loi C-45, Loi no 2 portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 29 mars 2012 et mettant en œuvre d'autres mesures.

Plus particulièrement, on nous a demandé d'examiner les éléments contenus dans la Section 4 de la Partie 4, qui modifie la Loi sur les pêches, la Section 18 de la Partie 4, qui traite de la Loi sur la protection des eaux navigables, une loi qui relève de Transports Canada, et la Section 21 de la Partie 4, qui concerne les modifications à la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale, ou LCEE 2012.

Notre comité doit soumettre son rapport final au Sénat au plus tard le 30 novembre de cette année.

C'est aujourd'hui notre quatrième séance sur le sujet. J'ai le plaisir de vous présenter les témoins qui sont ici avec nous, à Ottawa, et ceux qui comparaîtront par vidéoconférence, à partir de deux endroits différents.

Nous espérons pouvoir entendre bientôt par vidéoconférence le témoin de Vancouver; il s'agit de M. David Labistour, président-directeur général de Moutain Equipment Co-op. Nous entendrons ensuite, toujours par vidéoconférence, M. Tony Maas, directeur du Programme Eau douce au Fonds mondial pour la nature (Canada). Rachel Forbes, avocate-conseil à l'interne à la West Coast Environmental Law Association, est également avec nous aujourd'hui.

Je propose que nous entendions les déclarations préliminaires des représentants des trois organisations, après quoi nous entamerons une série de questions et réponses. Veuillez parler clairement au microphone, à une vitesse raisonnable, afin de permettre au personnel d'interpréter et de transcrire vos paroles. Merci.

Nous allons commencer par M. Maas.

Tony Maas, directeur, Programme Eau douce, Fonds mondial pour la natur — Canada : Je remercie le président et les membres du comité de me donner l'occasion de parler du projet de loi C-45. J'ai eu une occasion semblable de parler des modifications à la Loi sur les pêches prévues dans le projet de loi C-38, et je suis heureux que vous me donniez la possibilité de discuter avec vous, et de le faire par vidéoconférence.

Comme vous l'avez indiqué, je suis Tony Maas, directeur du Programme Eau douce pour le Fonds mondial pour la nature — Canada. Comme beaucoup d'entre vous le savent déjà, nous sommes l'un des plus grands et des plus anciens organismes de conservation au Canada. Nous avons du personnel et des bureaux partout au pays. Notre programme sur l'eau douce vise à protéger et à rétablir la santé des eaux du Canada grâce à la science, à la mobilisation des citoyens et des entreprises, ainsi qu'à l'analyse des politiques et la défense des intérêts.

Mon témoignage sera principalement axé sur les modifications à la Loi sur la protection des eaux navigables, ou LPEN, prévues dans le projet de loi C-45; il s'agit, plus précisément, des articles 316 à 350. Je vous parlerai aussi du fait que ces modifications, combinées à d'autres changements récents aux lois fédérales et à d'autres compressions dans les organismes fédéraux, mettent les plans d'eau du Canada en péril. J'aimerais finalement vous faire part de la perspective du Fonds mondial pour la nature relativement à la position du Canada sur la réglementation des eaux au XXIe siècle.

Je parlerai d'abord de trois préoccupations particulières liées aux modifications à la Loi sur la protection des eaux navigables. La première est le principe selon lequel nous pouvons soudainement séparer la navigation de la santé du milieu aquatique en modifiant la loi. Le fait que les Canadiens dépendent, souvent sans le savoir, de la protection des droits de navigation comme mécanisme de protection de la santé de nos rivières et de nos lacs reflète une réalité naturelle : les deux sont intimement liés.

Essayer de dissocier la navigation des eaux qui la permettent est aussi illogique que de penser que nous pouvons protéger le poisson sans protéger les eaux dans lesquelles ils vivent ou de laisser entendre que notre économie et notre environnement ne sont pas liés.

Il n'est donc pas surprenant qu'au fil du temps, la Loi sur la protection des eaux navigables soit devenue un outil important pour protéger les ressources et les écosystèmes d'eau douce du Canada. Le Fonds mondial pour la nature craint que les modifications proposées dans le projet de loi C-45, qui affaiblissent la Loi sur la protection des eaux navigables, à notre avis, ne créent des lacunes dans le cadre général sur lequel les Canadiens en sont venus à compter pour préserver notre milieu aquatique, surtout parallèlement aux modifications importantes des lois environnementales prévues dans le projet de loi C-38.

Il est également pour le moins présomptueux de penser que d'autres ordres de gouvernement ou d'autres secteurs puissent intervenir et combler les lacunes que ces modifications successives aux lois fédérales laisseront dans leur sillage.

La seconde préoccupation que je veux soulever porte sur la réduction de la portée de la Loi sur la protection des eaux navigables, principalement en ce qui concerne les plans d'eau énumérés à l'annexe 2 du projet de loi C-45. Je peux dire en toute confiance que la majorité des plans d'eau qui ne sont pas énumérés à l'annexe 2 sont fréquentés par un type de navigateurs ou un autre. La rivière Saint-Jean, au Nouveau-Brunswick, où le Fonds mondial pour la nature a un nouveau programme sur le terrain, en est un exemple typique. Selon l'annexe 2, seule la portion de la rivière qui s'étend du barrage de Mactaquac jusqu'à l'océan Atlantique est actuellement réputée importante pour la navigation.

Je peux vous dire qu'il y a de la navigation en amont de ce barrage. Il y a des touristes et des pêcheurs sportifs qui font prospérer les exploitants de caravanes flottantes et les propriétaires de bateaux. Nous aiderons à envoyer un groupe de jeunes descendre la rivière en canot l'été prochain. Tout cela dépend de la protection de la navigation et des eaux tout le long de la rivière. Voilà un exemple clair d'une situation où notre économie et notre environnement sont étroitement liés, par les ressources hydriques qui les soutiennent.

Enfin, ma troisième préoccupation, comme dans le cas des nombreuses modifications aux lois environnementales prévues dans ce projet de loi et celui qui l'a précédé, c'est qu'il y a un manque important de véritables consultations auprès des parties concernées et de la population, ainsi qu'une transparence limitée quant au processus décisionnel. Il semble vraiment que l'on dise aux Canadiens, sans leur demander, quelles eaux sont importantes. Même si je suis heureux d'avoir l'occasion de m'adresser aux membres du comité aujourd'hui, je suis loin d'être une voix représentative. Il faudrait des centaines de réunions pour entendre toutes les organisations et tous les gens qui seront touchés par les modifications prévues dans le projet de loi C-45.

Par exemple, j'ai assisté récemment à une réunion du club de canotage de Waterloo-Wellington dans ma région de Kitchener-Waterloo. Ces gens s'intéresseraient beaucoup aux changements proposés, mais ils ne sont peut-être pas au courant de ces changements. C'est la même chose pour les adeptes de plein air et les propriétaires d'entreprises de la rivière Saint-Jean dont j'ai parlé tout à l'heure. Je crois que vous devriez entendre ces gens d'une manière ou d'une autre, mais aucun mécanisme n'a été mis en place pour le faire avant d'apporter ces changements.

J'aimerais vous parler de la façon dont la liste des plans d'eau énumérés à l'annexe 2 du projet de loi C-45 a été élaborée. J'ai participé, comme bien d'autres dans mon secteur, à une séance d'information par téléconférence offerte par Transports Canada, le vendredi 19 octobre dernier, au sujet des modifications proposées à la Loi sur la protection des eaux navigables. Il a été question, notamment, du processus et des critères utilisés par l'agence pour en arriver à la liste très limitée des plans d'eau énumérés à l'annexe 2. À la suite de cette séance d'information, j'ai demandé par courriel de recevoir de la documentation sur ce qui avait été expliqué lors de la téléconférence, et on m'a rapidement envoyé un lien vers une page web qui donnait une vue d'ensemble du processus et des critères. C'était très encourageant de recevoir une réponse rapidement.

Dans le courriel d'accompagnement, on me donnait la possibilité d'obtenir des renseignements additionnels au besoin. J'ai profité de cette occasion. J'ai énoncé cinq questions très précises qui permettaient d'approfondir un peu les réponses qui m'avaient été fournies, afin de mieux comprendre le processus et les critères. J'ai envoyé cette demande le 5 novembre dernier et je l'ai envoyée de nouveau hier, mais je n'ai reçu aucune réponse du personnel de Transports Canada depuis le courriel initial.

Cela fait en sorte qu'il est très difficile de participer efficacement à des processus démocratiques, comme vos audiences et les audiences similaires auxquelles j'ai tenté de participer pour le Comité des transports de la Chambre, lorsque le personnel de l'agence ne veut ou ne peut communiquer les informations de base sur le processus décisionnel.

Je terminerai par quelques réflexions sur la voie que devrait suivre le Canada, selon notre organisation, en ce qui concerne la politique relative aux eaux douces. Je crois que les effets cumulés de ces changements touchent diverses lois. Les Canadiens en sont arrivés à compter sur une panoplie d'outils et d'institutions, sur des lois, des politiques, des programmes et des organismes aux niveaux municipal, provincial et fédéral pour protéger les ressources hydriques et préserver la santé des écosystèmes aquatiques. C'est ainsi que les choses ont évolué. Cette panoplie d'outils et d'institutions a été décrite par les universitaires comme un fouillis incroyablement complexe de compétences, et à juste titre. Il y a souvent un manque de clarté au sujet de qui est responsable de quoi lorsqu'il est question des plans d'eaux de ce pays. Il peut y avoir des chevauchements de mandats et de fonctions dans certaines régions et des lacunes dans d'autres, et c'est très problématique. Dans l'ensemble, le système pourrait-il être plus rationnel? Oui. Pourrait-on rendre le système plus efficient, efficace et axé sur les résultats? Oui. Le milieu des affaires, les ONG, les groupes de la société civile et les gouvernements ont-ils de bonnes idées sur les façons d'aller de l'avant? Absolument.

Ma recommandation est la suivante : si le gouvernement du Canada souhaite que les provinces, les territoires, les municipalités, les entreprises et industries, les ONG et les citoyens jouent un rôle plus important dans la protection de nos eaux et de notre milieu aquatique, il devrait commencer par fournir une orientation en ce sens et la compléter par un engagement véritable pour aider les secteurs et les intérêts à trouver ensemble une voie à suivre qui conviendrait à tous.

Ce petit pas permettrait à lui seul au Canada de reprendre sa place parmi les chefs de file de la politique relative à l'eau et de la gestion durable de l'eau, comme l'Union européenne, l'Afrique du Sud et l'Australie, pour n'en nommer que quelques-uns.

À l'opposé, le processus actuel, dans lequel on modifie les lois et on s'attend à ce que les autres ordres de gouvernement et les citoyens prennent la relève, risque de mettre en péril les eaux qui sont si importantes pour la culture canadienne et pour la santé de notre économie, de nos collectivités et de notre environnement.

Merci. Je serai heureux de participer à la discussion.

Le président : Merci beaucoup, monsieur Maas. Nous sommes désolés des interférences que nous avons connues tout à l'heure. Nous avons eu quelques difficultés. Je crois que nous avons pu vous entendre clairement. J'espère que tout est rentré dans l'ordre, maintenant.

Nous allons maintenant entendre Mme Rachel Forbes.

Rachel Forbes, avocate-conseil à l'interne, West Coast Environmental Law Association : Bonsoir. Je vous remercie de m'avoir invitée. Je suis avocate-conseil à l'interne à la West Coast Environmental Law Association, une organisation sans but lucratif de la Colombie-Britannique qui regroupe des juristes et des analystes. Nous aidons les autres groupes et les citoyens de la collectivité à faire entendre leur point de vue sur les enjeux environnementaux importants. Notre organisation administre également un programme d'aide juridique en environnement.

Notre association a été fondée en 1974; elle a eu un rôle à jouer dans de nombreuses lois de la Colombie-Britannique et dans les lois fédérales en matière d'environnement, notamment en ce qui concerne le Comité consultatif de la réglementation, qui n'existe plus, à ma connaissance, et le Réseau canadien de l'environnement.

Nous avons participé à la rédaction initiale de la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale et nous nous occupons des questions liées aux pêches, tant sur le plan provincial que fédéral, depuis quelques décennies.

Je vais parcourir mon mémoire à peu près dans l'ordre. Je vais parler des trois sections qu'examine le comité et commencer par formuler des observations générales sur les effets cumulatifs du projet de loi C-45 et du projet de loi C- 38, ainsi que de l'ampleur des changements apportés à certaines des lois fondamentales clés du Canada, appelées les lois environnementales.

Les sections que nous examinons aujourd'hui et bon nombre des modifications à la Partie 4 du projet de loi C-38, que le comité a aussi examiné, je crois, relèvent du Plan de développement responsable des ressources du gouvernement fédéral, qui vise dans l'ensemble à exploiter le potentiel des ressources naturelles du Canada en simplifiant les processus, en améliorant l'efficacité et la prévisibilité, en réduisant le double emploi et en renforçant les lois environnementales.

Comme je l'ai déjà dit dans d'autres exposés, devant d'autres comités, nous ne sommes pas défavorables à ces objectifs, mais plutôt à la façon de les atteindre et à la direction dans laquelle les modifications au projet de loi C-38 et maintenant au projet de loi C-45 engagent la législation et la réglementation en matière d'environnement au Canada. Même si nous y étions favorables, nous pensons que le processus est trop rapide et qu'il ne tient pas compte des besoins de consultation. Je sais, par exemple, que bien des gens n'ont tout simplement pas été consultés au sujet des modifications relatives aux eaux navigables. Je crois que l'un des témoins de Transports Canada que vous avez entendus en a parlé, et il a dit que tout ce qu'ils devaient ou voulaient faire, c'est avoir une discussion fructueuse avec les provinces sur les modifications proposées. Bien des gens ne comprennent pas le but ni la nécessité d'apporter si rapidement de tels changements importants.

Le projet de loi C-45 contient également un certain nombre de mesures d'ordre administratif, touchant, par exemple, la Loi sur les pêches et la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale 2012, qui ne seraient pas nécessaires si le projet de loi C-38 avait été scindé ou examiné plus en profondeur. Le rythme auquel bon nombre des modifications sont proposées pourrait faire en sorte que nous nous retrouvions avec des lois et des règlements de moindre qualité que prévu. Nous le constatons actuellement avec le projet de loi C-45, car nous devons revoir des lois que nous avons adoptées il y a trois mois pour les améliorer.

Cela dit, notre recommandation principale ou prioritaire pour le comité, dont il devra tenir compte dans son rapport au Sénat, c'est à tout le moins de traiter des modifications proposées à la Loi sur la protection des eaux navigables de façon distincte, en raison de leur grande importance. Beaucoup de gens s'interrogent sur l'incidence réelle de ces mesures sur le terrain et sur la façon dont cela s'appliquera aux organismes de réglementation, aux gens de Transports Canada, à l'industrie et aux plaisanciers. De façon générale, on ne comprend pas comment cela se traduira sur le terrain. Nous recommandons de retirer cette section du projet de loi C-45, de tenir des consultations plus vastes à ce chapitre et d'y revenir plus tard.

Pour revenir aux trois sections principales, en commençant par la Loi sur les pêches, on revient sur plusieurs modifications à cette loi, des choses qui ont été proposées dans le projet de loi C-38 et qui ne sont pas nécessairement encore en vigueur. Actuellement, Pêches et Océans Canada mène diverses consultations sur la mise en œuvre de la deuxième étape des modifications à la Loi sur les pêches prévue dans le projet de loi C-38 et sur la réglementation nécessaire pour le faire. Partout au Canada, les groupes de chasse et pêche et les groupes de conservation soulèvent beaucoup de questions sur le fonctionnement, la portée des nouvelles définitions et sur la façon dont l'application de ces nouvelles définitions et des nouveaux règlements se traduira sur le terrain. Cela découle simplement de la très grande importance des modifications, qu'on les aime ou non, et il reste beaucoup de décisions à prendre quant à la façon dont cela sera mis en œuvre. On revient en arrière et on modifie des articles qui ne sont pas encore en vigueur et on ne sait même pas quand ils le seront. Cela m'indique qu'il faut procéder plus lentement et qu'avant de tout remanier, il faut déterminer l'objectif avec précision et chercher à savoir comment on peut l'atteindre de façon adéquate.

J'ai deux autres commentaires importants au sujet de la Loi sur les pêches. Le premier concerne les nouvelles dispositions relatives au Fonds pour dommages à l'environnement. De toute évidence, nous sommes favorables au versement des amendes et sanctions relatives aux infractions à la Loi sur les pêches dans le Fonds pour dommages à l'environnement. C'est un bon objectif qui permet de s'assurer que ces sommes sont réutilisées pour des mesures de conservation et de réhabilitation. Cependant, lorsqu'on parle avec des collègues ou plusieurs autres organismes comme la Fédération du saumon Atlantique ou la Fondation du saumon du Pacifique, les gens se demandent s'il y aura assez de personnel pour veiller à l'application de la Loi sur les pêches et si les amendes et pénalités qui en découlent seront vraiment versées au Fonds pour dommages à l'environnement. De prime abord, cela semble un objectif louable, mais un doute subsiste quant à savoir si des sommes seront versées dans ce fonds.

À cet égard, la statistique la plus éloquente, c'est qu'en 2000, dans la région du Pacifique, le ministère des Pêches et Océans a réalisé 1 800 enquêtes liées à l'habitat, qui ont mené à 49 condamnations en vertu de la loi. En 2010 — il y a deux ans —, le nombre d'enquêtes a chuté à 300 et il n'y a eu qu'une condamnation. Depuis, il y a eu les compressions massives au sein du personnel du ministère des Pêches et des Océans, particulièrement dans la région du Pacifique et dans les services liés à l'habitat et à l'évaluation environnementale. La question de savoir s'il y aura sur le terrain des gens qui pourront veiller à l'application de la loi et à la perception des amendes et pénalités est une grande incertitude, à mon avis.

Le deuxième point concernant les modifications à la Loi sur les pêches est lié aux dispositions transitoires proposées à l'article 177 du projet de loi C-45. Premièrement, le paragraphe 177(1) indique que toutes les autorisations accordées en vertu de l'ancienne version de la Loi sur les pêches sont encore valides, ce qui est un langage juridique plutôt habituel; cela ne nous pose pas problème. Cependant, les paragraphes (2) et (3) permettent ensuite au ministre, sur demande du titulaire d'une autorisation, de confirmer, modifier ou annuler cette autorisation accordée en vertu de la Loi sur les pêches. Il s'agit des autorisations prévues aux articles 32 et 35, qui portent sur la protection de l'habitat. Cela est valide pour les 90 jours suivant l'entrée en vigueur de la loi.

Ce qui nous préoccupe, c'est que des entreprises, des organisations ou tout autre titulaire d'une autorisation pourraient profiter de l'occasion pour demander au ministre de les modifier ou de les annuler, ce qui pourrait viser d'importantes mesures de protection de l'habitat des poissons dans le cadre de projets industriels, et cetera. Il existe des doutes quant aux raisons sur lesquelles seraient fondées les annulations. Nous recommandons le retrait complet des paragraphes (2) et (3) des dispositions transitoires et le maintien, en vertu de la nouvelle loi, des autorisations accordées en vertu de l'ancienne loi.

Pour ce qui est de l'article 18, la Loi sur la protection des eaux navigables, comme je l'ai indiqué, nous recommandons son retrait du projet de loi C-45 et la tenue d'une consultation et d'un examen plus approfondis sur les objectifs et la meilleure façon de les atteindre. Nous ne sommes pas favorables à l'orientation que l'on donne à la Loi sur la protection des eaux navigables et de façon générale, nous appuyons les observations de nos collègues. Je sais que vous avez entendu les témoignages de M. Will Amos, d'Écojustice, et de M. Tony Maas, du Fonds mondial pour la nature Canada. Nous appuyons aussi leurs observations.

De plus, j'ai deux autres observations et recommandations à formuler. D'abord, si le comité ne juge pas bon de retirer l'entière section du projet de loi C-45, nous sommes d'avis que des modifications mineures pourraient améliorer certaines des dispositions proposées. Cela pourrait améliorer l'efficacité et réduire les dédoublements inscrits dans la loi, des objectifs énoncés par le gouvernement.

Parmi nos recommandations — et je crois que vous avez examiné la question auparavant —, c'est que lorsqu'un propriétaire d'un ouvrage dans un cours d'eau navigable souhaite adhérer au régime réglementaire afin d'être couvert par les protections qui y sont prévues et de ne pas avoir à se soucier de poursuites judiciaires, nous recommandons l'établissement de critères pour les situations où le ministre doit prendre une décision quant à savoir qui est autorisé à adhérer ou non, de façon à permettre un suivi et un examen de la façon dont les décisions sont prises, et pour que les motifs de ces décisions soient consignés par écrit.

Nous recommandons aussi, pour les divers articles de la nouvelle loi où l'on accorde au ministre un pouvoir de décision considérable, pour les décisions sur l'adhésion ou sur la question de savoir si quelque chose nuit à la navigation ou l'empêche, que l'on précise les motifs de la décision.

Étant donné le nombre réduit de voies navigables indiquées à l'annexe et le fait que les gens demanderont peut-être que les projets soient acceptés dans le système tel qu'ils sont proposés, nous sommes aussi d'avis que lorsque l'inclusion d'un ouvrage est approuvée et qu'une autorisation est accordée, la voie navigable devrait alors être automatiquement ajoutée à la liste. Cela réduirait les dédoublements dans le cas où quelqu'un ferait des travaux supplémentaires dans la voie navigable. On saurait qu'elle figure déjà à l'annexe; il serait plus facile de traiter le dossier, et moins d'étapes seraient nécessaires. Il s'agit de quelques idées visant à apporter des améliorations à ce que nous utilisons déjà.

L'autre commentaire que je tenais à faire, c'est qu'on a beaucoup parlé de la question de savoir si cette loi est liée à la protection environnementale et de la façon dont la loi, dans sa forme actuelle, c'est-à-dire avant les modifications, interagit avec la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale. Comme vous le savez certainement, l'actuelle Loi sur la protection des eaux navigables et l'ancienne Loi canadienne sur l'évaluation environnementale étaient fondées sur une approche de déclencheur; la Loi sur la protection des eaux navigables comportait donc un déclencheur qui obligeait la tenue d'une évaluation environnementale. Cependant, la LCEE de 2012 n'utilise pas cette approche; il n'y a donc plus de déclencheur. D'après mon interprétation du libellé, le paragraphe (2) de l'article 5 de la LCEE de 2012, que j'ai reproduit dans mon mémoire pour en faciliter la consultation, traite des autorisations fédérales et des projets. Il se lit comme suit :

(2) Toutefois, si l'exercice de l'activité ou la réalisation du projet désigné ou du projet exige l'exercice, par une autorité fédérale, d'attributions qui lui sont conférées sous le régime d'une loi fédérale autre que la présente loi...

Ensuite, on traite des autres répercussions sur l'environnement qui sont prises en compte. On augmente considérablement le nombre de répercussions sur l'environnement dont on devra tenir compte lors d'une évaluation environnementale.

Avec la nouvelle Loi sur la protection de la navigation, des autorisations seront toujours nécessaires, même s'il y en aura beaucoup moins. Si vous prenez la Loi sur la protection des eaux navigables dans sa forme actuelle et que vous regardez la façon dont elle interagit avec la LCEE de 2012, les modifications proposées feraient en sorte que nous aurions moins souvent l'occasion d'évaluer la portée de ces autres répercussions sur l'environnement lors des évaluations environnementales. Je pense qu'il s'agit là des liens qui subsistent entre les deux lois, et que les modifications proposées réduiront la portée des effets sur l'environnement.

En ce qui a trait à la LCEE de 2012, la plupart des modifications sont d'ordre administratif, comme je l'ai déjà indiqué, mais elles n'auraient pas été nécessaires si nous avions fait preuve de plus de minutie dès le départ dans le cas de la LCEE de 2012. Je propose une seule modification mineure. Je pense que des gens de l'Agence canadienne d'évaluation environnementale, dont John McCauley, vous ont déjà parlé d'éliminer une échappatoire. Une des modifications prévues dans le projet de loi C-45 vise précisément l'élimination d'une de ces échappatoires, dans le cas où une évaluation environnementale qui était nécessaire au titre de l'ancienne loi est maintenue, en somme, si quelque chose semble apparent ou requiert une autorisation fédérale avant le 1er janvier 2014. C'est le passage « avant le 1er janvier 2014 » qui nous pose problème. Si nous éliminons une échappatoire, je ne vois pas pourquoi on veut seulement le faire pour une seule année supplémentaire. Il y a peut-être une raison à cela; je n'ai pas entendu de justification pour le choix arbitraire d'une date. Nous recommandons l'élimination de cet article.

Voilà mes observations.

Le président : Merci beaucoup.

M. Labistour est maintenant à l'écran. Monsieur, nous sommes désolés que cela n'ait pas fonctionné, mais nous sommes heureux de savoir que vous pourrez faire votre exposé. Cela n'a pas entraîné de problème d'horaire. La parole est donc à vous, monsieur.

David Labistour, président-directeur général, Mountain Equipment Co-op : Merci de m'avoir invité à comparaître. Je suis entouré d'un champ de forces; donc, lorsqu'il y a de la technologie dans la pièce où je me trouve, quelque chose se brise. Je m'excuse de ce contretemps.

Je ne parlerai pas seulement au nom de MEC, mais aussi au nom de l'industrie du tourisme et des activités récréatives en plein air, une industrie à laquelle nous sommes étroitement liés et dont nos activités commerciales dépendent considérablement.

Mountain Equipment Co-op est une marque canadienne emblématique et un chef de file de la vente au détail pour les gens qui ont une vie en plein air active. Forts de nos 3,4 millions de membres, un groupe de Canadiens dynamiques qui ne cesse de croître, nous sommes déterminés à augmenter le niveau d'activité physique au sein des collectivités canadiennes et à fournir aux Canadiens un accès au terrain de jeu naturel qui fait partie intégrante du patrimoine du Canada.

Étant donné que je parle au nom de l'industrie du plein air, il est utile de consulter une récente étude réalisée par l'Outdoor Industry Association qui indique qu'aux États-Unis, les dépenses de consommation pour les activités de plein air sont plus du double des dépenses pour les produits pharmaceutiques; les véhicules automobiles et les pièces; l'essence et les carburants et les services publics domiciliaires. De plus, l'industrie du plein air des États-Unis emploie plus de gens que les secteurs de l'exploitation gazière et pétrolière, des finances, de la construction ou de l'éducation. Je suis sûr qu'il en va de même au Canada.

J'ai transmis ces chiffres aux fonctionnaires du ministère des Pêches et des Océans et d'Environnement Canada. Il faut aussi noter que les ventes de MEC, par habitant, s'élèvent à plus du double de celles de REI, notre équivalent américain. Nous croyons donc que les chiffres que je viens de vous donner sont plus élevés au Canada qu'aux États- Unis, par habitant. En conséquence, je recommanderais une étude fédérale sur notre industrie visant à déterminer son importance économique.

Permettez-moi de faire quelques commentaires d'ordre général sur le projet de loi C-45.

Il faut d'abord reconnaître la nécessité de rationaliser les processus et d'améliorer l'efficacité. Je crois comprendre que ce sont là des choses que toutes les entités doivent faire, et notre secteur n'est pas une exception. Cependant, ce qui nous préoccupe, c'est l'élimination de la réglementation et des normes relatives à la protection de l'intégrité des lieux où les Canadiens exercent leurs activités de loisirs. Cette perception est largement répandue. Comme l'a récemment affirmé Blakes, cabinet d'avocats spécialisé en droit des sociétés, « le gouvernement fédéral se retire du secteur des autorisations. » Cette remarque correspond manifestement à ce que nous disent les intervenants et les consommateurs.

Dans notre secteur, les amateurs de plein air ne dissocient pas les eaux de l'accès ou les poissons des rivières. Pour eux, les endroits où ils exercent leurs loisirs — les océans, les plages, les montagnes, les lacs, les forêts ou les rivières — ne font qu'un seul système. De même, ils ne dissocient pas les modifications mises en œuvre dans le projet de loi C-38 des modifications à la Loi sur la protection des eaux navigables proposées dans le projet de loi C-45. Ils craignent plutôt un accès réduit aux activités de loisir et une baisse de qualité de telles activités. L'absence de consultations publiques et de transparence a exacerbé ces perceptions et a engendré un haut niveau de méfiance dans le secteur des activités récréatives de plein air.

Cinq thèmes sont fréquemment abordés, et j'aimerais vous en parler aujourd'hui. Le premier est la réduction de l'accès aux activités de plein air et la baisse de la qualité. L'accès aux cours d'eau et la navigabilité des plans d'eau de toutes tailles sont extrêmement importants pour la qualité et la viabilité de nos activités, qu'il s'agisse de canotage, de navigation de plaisance, de chasse, de pêche ou d'activités de loisirs en régions de villégiature. Pour la plupart des Canadiens, les voies navigables où ont lieu ces activités ne figurent pas sur la liste des eaux navigables de l'annexe 2 de la Loi sur la protection des eaux navigables.

En l'absence d'une loi claire et universelle relative à l'obstruction, l'accès aux voies navigables et à la qualité de la navigation sur les voies navigables non répertoriées, le risque de réduire considérablement les possibles avantages économiques, sociaux, culturels et écologiques découlant de ces activités est très réel.

Le deuxième aspect est la marginalisation des industries du plein air et du tourisme au Canada. Du fait qu'elle est principalement axée sur la navigation commerciale, la Loi sur la protection de la navigation proposée réduit l'importance du canotage, de la navigation de plaisance, de la pêche, de la chasse et d'autres activités de loisirs maritimes. En résumé, la Loi sur la protection de la navigation nie l'importance socioéconomique de ces activités pour la société canadienne.

Le troisième point est l'élimination de réglementation et de normes universellement appliquées, ainsi que le recours à la common law. À notre avis, la responsabilité que cela imposera aux Canadiens n'est pas raisonnable. Pour la grande majorité des Canadiens, il est trop coûteux et trop long de s'adresser aux tribunaux pour régler des questions de navigation. Nous croyons que le régime de réglementation proposé, s'il est adopté, sera plus lourd et causera peut-être plus de conflits que celui que le gouvernement fédéral cherche à corriger.

Plus important encore, les modifications proposées n'empêcheront pas les obstacles à la navigation; à la place, elles obligeront l'utilisateur à cerner et à dénoncer les atteintes à son droit de naviguer, fort probablement après coup et après que son droit a été violé.

Le quatrième point est l'amoindrissement de la protection légale pour la vaste majorité des cours d'eau canadiens. La protection de la navigation offerte par la LPN se limite à une fraction des cours d'eau canadiens : 62 rivières, 97 lacs et trois océans. En bref, la LPN propose de séparer la protection de la navigation de la protection des eaux navigables.

Le document que nous vous avons remis contient une courte liste de 40 cours d'eau très utilisés à des fins récréatives qui ne sont pas inclus dans l'annexe 2 de la LPN. La liste comprend 20 rivières du patrimoine canadien, ainsi que des destinations populaires auprès des pagayeurs, telles que la région du lac Temagami en Ontario et la rivière Tatshenshini au Yukon.

Dans le contexte d'un système naturel complexe, l'approche réductrice adoptée dans la LPN est entachée d'erreurs. La plupart des gens qui passent du temps à l'extérieur savent qu'il est impossible de protéger la navigation sans protéger les voies sur lesquelles on navigue : les cours d'eau. En outre, la qualité de l'eau dépend de nombreux facteurs, comme sa source, sa circulation et son débit. Autrement dit, pas d'eau, pas de navigation, pas de loisirs.

Le dernier point est la sécurité publique. J'ai vécu moi-même une expérience par rapport à cela : j'ai pagayé dans les restes d'une clôture de barbelés sur une rivière. Cette mésaventure souligne le fait que les obstacles dans les cours d'eau peuvent être extrêmement dangereux, surtout dans les eaux courantes.

En conclusion, je demande respectueusement au gouvernement fédéral de prendre deux mesures. La première est d'effectuer un examen officiel de l'économie de plein air et de l'économie touristique du Canada afin d'en confirmer la taille et l'importance par rapport à d'autres secteurs. La deuxième est de retirer la LPN proposée et de consulter les secteurs du plein air et du tourisme ainsi que les Canadiens pour discuter des moyens d'améliorer nos lois afin de protéger les cours d'eau canadiens et le droit du public à la navigation.

Je vous remercie de m'avoir donné l'occasion de m'adresser à vous au nom du secteur du plein air et de nos membres.

Le président : Merci beaucoup de vos exposés. Nous allons maintenant passer aux questions.

Le sénateur Mitchell : Je compatis certainement, monsieur Labistour. Je pense que j'ai le même genre de champ de forces que vous autour de la technologie. Je prends mon iPad. Il semble fonctionner aujourd'hui.

M. Labistour : Vous allez probablement le briser, celui-là aussi.

Le sénateur Mitchell : Je n'aurais pas dû en parler. Merci.

Je ne suis pas avocat, mais ma première question est plutôt d'ordre légal. Vous pouvez répondre tous les trois, mais elle s'adresse probablement plus à M. Maas et Mme Forbes.

La question des lacunes causées par le transfert des responsabilités en matière d'évaluations environnementales du fédéral au provincial est aggravée par le fait qu'il n'y a pas nécessairement de mécanisme de déclenchement. Pouvez- vous nous donner des exemples de lacunes ou de projets qui pourraient passer entre les mailles du filet en raison de ce genre de changements?

Monsieur Maas, je vous ai vu hocher la tête. Nous avons perdu le son. Nous allons essayer de le rétablir.

Madame Forbes?

Mme Forbes : S'il est question des évaluations environnementales, il s'agirait de tout projet qui ne figure pas sur la liste de projets de la LCEE 2012, comme une mine de la Colombie-Britannique qui n'atteint pas le seuil pour le minerai, puisque la loi sur les évaluations environnementales de la Colombie-Britannique est aussi fondée sur les seuils. Je vous donne un exemple des risques que ce genre de structure de réglementation pose : en Colombie-Britannique, le seuil pour les projets indépendants de production d'électricité sur les petits cours d'eau — qu'on appelle aussi « au fil de l'eau » — est de 50 mégawatts. Beaucoup de promoteurs proposent des projets qui sont juste au-dessous de 50 mégawatts pour ne pas devoir subir une évaluation environnementale. La même chose pourrait se produire à l'échelle fédérale. Les promoteurs pourraient abuser du système en structurant leurs projets de manière à se placer sous les seuils de la réglementation, tant au provincial qu'au fédéral.

Je suis sûre que certains diraient qu'il y aurait probablement d'autres processus réglementaires à suivre ou d'autres permis à obtenir pour un tel projet, que ce soit pour la construction de routes ou l'abattage d'arbres. Toutefois, ces processus ne sont pas coordonnés. L'une des raisons pour lesquelles nous nous sommes tournés vers les évaluations environnementales — et pour lesquelles tous semblaient vouloir améliorer le régime d'évaluation environnementale au Canada —, c'était pour avoir un système unifié, dans le cadre duquel les choses ne sont pas faites en double, mais plutôt de manière cohérente. Différents ministères travailleraient ensemble et non isolément. Il pourrait y avoir des permis pour les projets qui ne requièrent pas d'évaluation environnementale, mais les différents ministères n'ont aucune raison de se consulter à ce sujet. Les choses peuvent passer entre les mailles du filet pour toutes sortes de raisons. Les gens qui connaissent les habitats des poissons dans la région ne parlent pas à ceux qui accordent les permis de construction routière.

Le sénateur Mitchell : Parfait, merci.

Monsieur Maas, êtes-vous de retour?

M. Maas : M'entendez-vous?

Le sénateur Mitchell : Oui.

M. Maas : Je vais tenter de vous donner un exemple précis et deux ou trois observations additionnelles. L'exemple que j'ai mentionné dans ma déclaration préliminaire est celui du fleuve Saint-Jean, au Nouveau-Brunswick. Comme je l'ai déjà dit, nous entamons un programme de travail qui, nous l'espérons, durera au moins cinq ans, sinon plus. Le barrage de Mactaquac, qui se trouve sur le fleuve, constitue certainement un obstacle à la navigation, mais il y a quand même de la navigation des deux côtés du barrage. Par exemple, pour les travaux proposés en amont du barrage — la partie du fleuve qui ne figure pas dans l'annexe 2 —, les citoyens seraient obligés de monter la garde et de signaler toute préoccupation au moyen des mécanismes de common law. En aval, la situation est tout à fait différente puisque cette partie du fleuve est protégée par un cadre législatif.

Je me suis tenu à côté du barrage, et cela me semble un peu absurde puisque de nombreux bateaux de toutes sortes se trouvent des deux côtés; je ne vous parle pas d'un petit ruisseau. Il y a un grand réservoir derrière le barrage, et des conducteurs de caravanes flottantes et des pêcheurs à la ligne dépendent de la navigation des deux côtés. Je m'interroge encore beaucoup sur toutes les conséquences des lacunes.

Si je peux faire quelques observations à ce sujet, le projet de loi C-38 a donné lieu aux mêmes questions — nous parlons des conséquences cumulatives de modifications qui ont aussi été incluses, et dont certaines ne sont toujours pas en vigueur. J'ai entendu dire que trois mois après l'adoption du projet de loi C-38 à la Chambre, le ministère des Pêches et des Océans avait seulement consulté quelque six à huit provinces sur les répercussions possibles de ces modifications. On semble procéder à l'envers. Dans les témoignages de représentants de Transports Canada au Comité des transports de la Chambre, j'ai noté — je n'ai pas la citation en main — que toutes les provinces et les municipalités ont demandé que les cours d'eau peu achalandés soient exclus de la surveillance de Transports Canada. Cette affirmation me semble un peu mince sous le rapport du fait que cela n'explique pas vraiment qui a été consulté dans les provinces.

Comme vous le savez très bien en votre qualité de sénateurs, un organisme chargé de la mise en valeur des ressources ne donnera probablement pas les mêmes réponses à ces questions qu'un organisme responsable de la protection de l'environnement. Ce n'est pas clair pour moi qui a été consulté au sujet des modifications au sein des provinces et des municipalités. Je pense qu'on dit que la Fédération canadienne des municipalités a représenté les municipalités sur la question des modifications à la LPN. Vous vous souviendrez que la fédération a modifié quelque peu son point de vue sur la Loi sur les pêches en avril ou en mai, comme elle a mieux compris les conséquences futures pour les municipalités.

Le sénateur Mitchell : Monsieur Labistour, votre document contient une liste considérable de rivières du patrimoine canadien — cela m'a frappé — qui ne seront pas incluses dans la liste contenue dans la Loi sur la protection de la navigation. Le fait que ces rivières ne seront pas protégées en vertu des dispositions sur les eaux navigables est inquiétant. Même si c'était le cas, puisqu'elles ne figurent pas sur la liste, le projet ne ferait pas nécessairement l'objet d'une évaluation environnementale. S'il était assez petit, il ne ferait pas l'objet d'une évaluation environnementale de toute façon.

Qu'est-ce qui protège une rivière du patrimoine canadien? Que reste-t-il? Le savez-vous de mémoire, ou est-ce une moindre préoccupation pour vous?

M. Labistour : Je l'ignore. Vraiment, je suis ici à titre de défenseur des loisirs plutôt que de défenseur de l'environnement. Selon les gens et les groupes desquels nos affaires dépendent — le secteur des loisirs —, il est impossible de séparer les projets de loi C-38 et C-45. Nous n'avons aucune idée de ce qui protégera ces lieux une fois que ces deux projets de loi entreront en vigueur. Je vous parle du point de vue d'un non-initié, et non d'un point de vue légal.

Le sénateur Mitchell : C'est un point puissant.

Est-ce qu'un autre témoin aimerait se prononcer à ce sujet? J'ai seulement une autre question.

M. Maas : Pour renforcer les arguments que j'ai présentés à la fin de ma déclaration, si nous visons l'amélioration de l'efficacité et une gestion fondée sur les résultats, non seulement par rapport à nos ressources naturelles, mais aussi à l'environnement qui les fournit — et l'eau est une ressource naturelle essentielle pour notre économie et nos collectivités —, ayons cette discussion. Ensemble, cernons les lacunes et trouvons la meilleure façon d'aller de l'avant. Nous — je parle uniquement au nom de mon organisation — sommes loin de nous opposer au développement.

Ce que nous prônons, c'est le développement durable. Pour y arriver, nous devons discuter en détail des moyens d'aller de l'avant et de protéger nos eaux et nos autres ressources.

Le sénateur Mitchell : J'ai une dernière brève observation. Vos déclarations étaient excellentes. Une chose qui m'a vraiment frappé — je n'avais pas pensé à son importance —, c'est le point de M. Labistour au sujet de l'ampleur du secteur des loisirs. J'ai une théorie selon laquelle chaque fois que nous faisons quelque chose comme dégrader un processus d'évaluation environnementale ou mettre fin aux activités de la Table ronde nationale sur l'environnement et l'économie, nous envoyons un message négatif sur l'engagement du Canada envers la protection de l'environnement. Cela peut avoir d'énormes répercussions sur l'obtention d'un permis social pour un pipeline.

Est-ce que cela a aussi des répercussions sur le récréotourisme? Le Canada commence à avoir la réputation d'être en train de perdre ses ressources touristiques remarquables. Nous envoyons les mauvais messages à ce sujet. Est-ce que cela pourrait avoir des conséquences?

M. Labistour : Je siège au conseil de l'Outdoor Industry Association, une association américaine du secteur du plein air à laquelle nous appartenons. Je sais que des fournisseurs américains et européens du secteur du plein air ont eu des discussions peu élogieuses sur le Canada. Disons-le ainsi. Je parle de certaines grandes marques et de fournisseurs importants du secteur. On s'interroge sur ce qui se passe. Ce ne sont pas des discussions officielles, mais la réputation du Canada d'être un paradis du plein air est certainement en train d'être ternie.

Le président : J'ai une question supplémentaire pour donner suite à une question que vous avez posée à Mme Forbes.

Dans l'une de vos réponses, vous avez dit qu'en Colombie-Britannique, les projets d'installations au fil de l'eau de 50 mégawatts et moins ne devaient pas faire l'objet d'une évaluation environnementale. Pouvez-vous donner quelques précisions à ce sujet? Je sais qu'une évaluation complète est exigée, ce qui est presque la même chose qu'une évaluation environnementale. Ce genre de projet nécessite ce type d'évaluation.

Ce n'est pas comme si le projet était mis aux oubliettes. En fait, les projets de ce genre font l'objet d'une évaluation rigoureuse. Êtes-vous d'accord avec moi?

Mme Forbes : Une évaluation à l'échelle provinciale?

Le président : Oui.

Mme Forbes : C'est vrai qu'il y a tout de même un processus à suivre pour ces projets. Je pense que l'un des avantages et des outils que les évaluations environnementales nous fournissent, c'est qu'elles nous permettent de considérer les répercussions régionales et cumulatives des projets. Quand des projets ne font pas l'objet d'une évaluation environnementale, nous n'avons pas les moyens d'examiner les types de développement que nous faisons à l'échelle régionale et les répercussions cumulatives qu'auraient de nombreux projets d'installations au fil de l'eau — une mine, un pipeline et tous les autres projets réalisés dans la région. À mon avis, nous perdons une partie des outils que les évaluations environnementales nous donnent si nous ne procédons pas à des EE complètes des projets de ce genre.

Le président : Pour appuyer ce que vous dites, pouvez-vous me donner un exemple de projet qui aurait eu des répercussions négatives sur l'environnement? J'aimerais l'examiner. À titre d'information, j'ai travaillé à l'élaboration de la loi sur le processus d'évaluation et les mesures environnementales qui doivent être prises pour les producteurs d'électricité indépendants.

Mme Forbes : Un exemple de projet?

Le président : Oui.

Mme Forbes : Je ne me suis pas renseignée sur les projets en cours. Un projet de moins de 50 mégawatts?

Le président : Vous avez parlé de 50 mégawatts et moins; je vous pose donc la question.

Mme Forbes : Je ne peux pas répondre. Je n'essaie pas d'éluder la question; je n'ai pas ces renseignements.

Le président : D'accord, je comprends.

Mme Forbes : L'une des raisons pour lesquelles je n'ai pas ces renseignements, c'est que je travaille aux évaluations environnementales, et ces projets n'ont pas fait l'objet d'une évaluation environnementale. Ils ne figurent pas sur la liste des projets actuels que le Bureau d'évaluation environnementale de la Colombie-Britannique considère.

Le président : Merci.

Le sénateur Lang : J'aimerais poursuivre dans le même ordre d'idées. Je pense que tous les témoins et toutes les personnes ici réunis ont le même objectif. Nous voulons veiller à ce que nos responsabilités à l'égard de nos obligations environnementales soient prises très au sérieux. En même temps, nous devons trouver un équilibre entre ce but et la capacité de fournir des occasions de mise en valeur des ressources. Je pense que M. Maas l'a très bien dit. Je crois que c'est lui qui a affirmé que son organisation ne cherche pas à faire obstacle au développement; elle cherche à trouver un équilibre. Notre comité et tous les comités de la Chambre, peu importe les allégeances politiques, travaillent en ce sens.

Nous nous sommes attardés à cette loi il y a deux ans, je crois, lors du dépôt du budget. La question a été posée à la dernière séance, et je voudrais la reprendre. Il y a deux ans, on nous disait que la modification de ces dispositions législatives occasionnerait des dommages écologiques graves pendant un certain temps. Madame Forbes, messieurs Labistour et Mass, j'aimerais que vous nous donniez de véritables exemples de projets qui ont été approuvés et réalisés malgré des directives environnementales insuffisantes, puisque les mesures législatives n'étaient pas en vigueur. Vous pouvez commencer, madame Forbes.

Mme Forbes : Vous parlez des...

Le sénateur Lang : Des modifications apportées il y a quelques années à la Loi sur la protection des eaux navigables.

Mme Forbes : C'était en 2009.

Je ne crois pas que notre association ait dit que ces modifications causeraient des dommages écologiques importants. Nous commencions plutôt à constater une tendance à l'affaiblissement du droit de l'environnement au Canada, comme c'était le cas des modifications apportées à la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale dans la même période. Mais je n'ai pas d'exemple.

Le sénateur Lang : Monsieur Labistour, avez-vous des exemples à nous donner?

M. Labistour : Lorsque ces modifications sont entrées en vigueur, nous travaillions en collaboration avec le milieu de la chasse et de la pêche, et nous craignions vraiment que la pratique d'activités récréatives en nature soit de moins en moins possible au Canada. J'ai vérifié, et je vous avoue franchement qu'aucun incident notable n'est survenu en raison de ces modifications, à ma connaissance.

Ce qui est intéressant, c'est que les modifications proposées à ce moment devaient justement écarter les obstacles visés par le projet de loi C-45 au sujet de la Loi sur la protection de la navigation. Les modifications originales avaient une raison d'être : simplifier la procédure. Puisque cet objectif a été atteint et qu'il n'y a eu aucun incident notable, à mon tour de vous demander pourquoi la loi devrait encore être modifiée, car l'objectif est le même. Je n'en sais rien.

Le sénateur Lang : En résumé, vous dites que la mise en œuvre des modifications précédentes n'a occasionné aucun dommage, à votre connaissance.

M. Labistour : C'est exact.

Le sénateur Lang : Monsieur Maas?

M. Maas : Je n'ai pas participé aux discussions entourant la Loi sur la protection des eaux navigables il y a deux ans. Je n'ai pas non plus l'habitude d'avancer des hypothèses sur ce qui pourrait se passer dans ce monde complexe, surtout lorsqu'il est question d'environnement.

Voici tout ce que je peux dire en réponse à votre question. Si nous nous demandons comment faire pour évaluer et comprendre les répercussions de la modification d'une loi sur la qualité de l'eau ou de l'environnement qui nous entoure, la réponse est que nous serons de moins en moins en mesure de le faire. À vrai dire, nous avons cessé d'observer les écosystèmes et de fixer des cibles ou des objectifs à cet égard, à l'exception de rares secteurs où nous concentrons nos efforts de gestion et de surveillance, principalement sur le plan environnemental. La grande question est la suivante : comment pouvons-nous connaître les répercussions des modifications en réduisant le personnel de même que les activités de surveillance et leur portée au pays? La tendance se manifeste depuis les 20 dernières années, et pas uniquement les deux, trois ou quatre dernières.

Le sénateur Lang : J'aimerais poursuivre. Je viens du Yukon et, à vrai dire, il m'arrive de me procurer du matériel chez Moutain Equipment Co-op. Je suis un amateur de loisirs et de plein air, et j'aime passer du temps loin de la vie urbaine. Parallèlement, je comprends le besoin de trouver un équilibre.

Que vous soyez au Yukon, au Nouveau-Brunswick ou aux Territoires du Nord-Ouest, monsieur Maas, tout projet touchant de près ou de loin à une voie navigable, qu'il s'agisse de la construction d'un pont, d'un ponceau ou de quoi que ce soit d'autre, doit respecter certaines exigences législatives en vertu de la Loi fédérale sur les pêches et des lois provinciales et territoriales sur les évaluations environnementales, sans oublier les exigences ayant trait aux routes. Permettez-moi de souligner qu'il faut obtenir une multitude de permis et d'approbations avant de pouvoir réaliser le projet — y compris auprès de l'Office des eaux, dans notre cas.

Essayez-vous de me dire que toutes ces lois à respecter avant la réalisation d'un projet ne suffisent pas à protéger les voies navigables qui ne servent pas à la navigation commerciale en majeure partie? Pourquoi adoptez-vous cette position puisqu'un projet doit recevoir l'approbation de quatre ou cinq ministères, probablement, avant d'être réalisé?

M. Maas : C'est justement ce que je veux dire. Je me perds souvent dans ce dédale complexe et obscur de lois à respecter pour qu'un projet soit approuvé. En plus, je dois comprendre comment évaluer un projet pour qu'il respecte l'environnement, surtout dans le milieu aquatique. C'est justement ce que j'ai voulu recommander au comité. Il faut que tout le monde examine l'ensemble de ces lois et réfléchisse bien à la véritable signification de l'intégration, de l'efficience et de l'efficacité. Personne ne se pose la question. Je conviens qu'il y a, ou qu'il pourrait y avoir un chevauchement important, mais prenons le temps d'en discuter véritablement et en toute transparence plutôt que d'ajouter au hasard des éléments à la trousse d'outils, ou d'en supprimer.

Le sénateur Massicotte : Nous avons entendu le témoignage du ministre, madame Forbes; vous avez probablement lu la partie où il décrit les modifications proposées dans le projet de loi. En résumé, il dit que la navigation a toujours été l'objectif premier de la loi. Nous voulons donc circonscrire son application aux eaux navigables à circulation abondante et déléguer des responsabilités aux provinces ou aux municipalités. Nous ne changeons absolument rien au volet environnemental. Nous n'atténuons pas la rigueur des critères environnementaux et des exigences de la loi actuelle.

Je n'ai pas compris tous les amendements que vous proposez, mais vous ne semblez pas être de cet avis. Vous avez parlé d'un déclencheur, et je comprends bien, mais vous semblez noter un relâchement des examens environnementaux, des inspections et des enjeux pouvant être soulevés. C'est ainsi que j'interprète vos propos. Le ministre est-il complètement dans l'erreur? Nous raconte-t-il des bobards? Que se passe-t-il?

Mme Forbes : Je ne dis pas que le ministre fait fausse route. En revanche, je crois que la déclaration répétitive et définitive de Transports Canada sur le fait que la loi porte exclusivement sur la navigation reviendrait à dire que le Code criminel devrait revenir à sa forme originale, sans tenir compte de la cybercriminalité ni des drogues. Les lois évoluent, et nous finissons par les utiliser et les modifier au fil du temps en fonction des préoccupations des parlementaires et de la société. Je crois que la Loi sur la protection des eaux navigables servait de loi sur la protection de l'environnement. Et comme mes confrères l'ont dit, la navigation sur l'eau est indissociable de l'eau elle-même.

Le sénateur Massicotte : Je peux comprendre que de nombreuses lois remplissent bien des fonctions. Cela dit, croyez-vous que les modifications proposées à la loi sur la navigation affaiblissent les examens et les critères environnementaux?

Mme Forbes : C'est ce que je crois. Faisons abstraction de l'élément déclencheur, même si c'est hors de question, et disons qu'un projet est examiné par l'Agence canadienne d'évaluation environnementale, ou encore l'Office national de l'énergie. Si ce projet a reçu l'approbation d'une autorité fédérale qui ne relève pas de l'Agence canadienne d'évaluation environnementale, d'autres types de répercussions s'ajouteront à l'évaluation environnementale, qui sera plus poussée. C'est ce qui est prévu au paragraphe 5(2) de la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale (2012). Prenez l'exemple des Lignes directrices relatives à l'énoncé des incidences environnementales qui ont été publiées en septembre 2012 au sujet du barrage du site C, conformément à la nouvelle Loi canadienne sur l'évaluation environnementale (2012). On y a intégré des effets environnementaux de plus et de plus grande portée qu'à l'habitude en raison des approbations de Transports Canada et de celles relatives à la Loi sur la protection des eaux navigables.

Le sénateur Massicotte : Ainsi, l'ancienne Loi sur la protection des eaux navigables pouvait détecter des problèmes environnementaux qui passeront entre les mailles des lois environnementales actuelles.

Mme Forbes : C'est bien ce que je crois.

Le sénateur Massicotte : Par ailleurs, monsieur Maas, la navigation appartient à la common law depuis des dizaines d'années. Ces droits s'appliquent toujours puisque rien n'a changé à ce chapitre. Je saisis bien que la common law passe par les poursuites judiciaires, ce qui n'a rien de simple. Aucun organisme de réglementation ne s'en charge. Vous pensez donc que les simples citoyens ne seront pas protégés par la loi, compte tenu des coûts exorbitants et des délais interminables du système judiciaire, n'est-ce pas? Est-ce bien votre principal argument?

M. Maas : En effet. Mais je tiens à apporter un bémol : je n'ai pas étudié en droit. Mme Forbes pourra probablement vous en dire plus à ce sujet. Selon ce que j'en ai compris, ces modifications et peut-être même celles du projet de loi C-38 qui visent la Loi sur les pêches laissent bien des questions sans réponse ou des zones grises qui obligeront le recours aux tribunaux. Je trouve que c'est inquiétant, car ce n'est pas ainsi que le Canada a l'habitude d'élaborer ses politiques et ses lois environnementales. À mes yeux, c'est plutôt la méthode américaine, et ça ne ressemble pas vraiment au Canada. Si nous choisissons cette voie, j'imagine que nous en paierons le prix. Cela reste à voir, mais si les problèmes aboutissent devant les tribunaux, les citoyens et le gouvernement aussi pourraient devoir en payer la note.

Le sénateur Massicotte : Merci.

Le sénateur Johnson : Je trouve que vos commentaires sur le secteur touristique canadien sont très bouleversants, surtout au sujet de l'accès aux loisirs d'eaux en plein air. A-t-on consulté un grand nombre d'organismes ou de groupes intéressés avant de rédiger les modifications?

M. Labistour : Pas à ma connaissance. Je sais que certains organismes de chasse et pêche ont été consultés, mais c'est tout.

M. Maas : Je n'ai entendu parler d'aucune consultation. Je sais que le premier ministre a convoqué le milieu de la pêche commerciale et récréative, mais à ma connaissance, le dialogue sur les modifications à la Loi sur les pêches qui sont proposées dans le projet de loi C-38, par exemple, a été très bref. Je ne suis toutefois au courant d'aucune consultation, mis à part les séances d'information de l'agence lors de la présentation du projet de loi.

Le sénateur Johnson : Pourriez-vous nous en dire plus sur la marginalisation du plein air et du tourisme attribuable au projet de loi?

M. Labistour : Je vous recommande notamment d'évaluer l'ampleur de ce secteur au Canada. À la lumière des statistiques, on comprend que les Canadiens pratiquent plus d'activités de plein air que les Américains. Le secteur du plein air et du tourisme emploie beaucoup des gens et génère des revenus importants. Il regroupe un grand nombre d'industries, de marques et de pourvoiries de petite taille, que ce soit dans le secteur du tourisme d'accueil, des transports ou des guides. Une fois réunis, ces intervenants contribuent pour beaucoup à l'économie canadienne. À mes yeux, faire fi de ce moteur économique revient à le marginaliser.

Le sénateur Johnson : Du côté du Fonds mondial pour la nature, que pensez-vous d'autre à propos du projet de loi? Dans quelle mesure vous touche-t-il?

M. Maas : À vrai dire, nos sympathisants sont un peu déroutés par la succession rapide de modifications qui touchent un grand nombre d'aspects, comme c'était le cas du dernier projet de loi sur le budget. Nous avons récemment collaboré à un rapport du Programme des Nations Unies pour l'environnement, où nous avons offert des conseils aux institutions financières. Une de nos interventions qui a été retenue portait sur l'industrie extractive aux quatre coins du monde. On a l'impression qu'investir dans les industries extractives canadiennes représente un risque croissant, du moins pour l'instant, en raison de la grande incertitude qui entoure actuellement l'évaluation des projets, les répercussions de ces examens et le recours possible aux tribunaux, comme le sénateur Massicotte l'a dit. Nous tentons de souligner que nous nous trouvons dans une période d'incertitude qui augmente le risque, dans une certaine mesure, à l'insu de certains à l'échelle mondiale.

Le sénateur Johnson : Je vous remercie tous les deux.

Le sénateur Ringuette : Puisque je viens du Nouveau-Brunswick, vous avez eu toute mon attention lorsque vous avez parlé tout à l'heure du fleuve Saint-Jean. Je sais que bien des voies navigables canadiennes sont gérées conjointement avec les États-Unis, comme la partie supérieure du fleuve sur le territoire du Nouveau-Brunswick.

Y a-t-il des cours d'eau gérées conjointement par le Canada et les États-Unis parmi les 61 qui sont énumérés? Dans ces cas, qu'advient-il des projets et des lois environnementales canadiennes et américaines?

M. Maas : Le fleuve Saint-Jean est un exemple intéressant puisqu'il n'est régi par aucun cadre officiel de gestion conjoint, à ma connaissance, contrairement à la rivière Ste-Croix située un peu plus au sud, par exemple, qui appartient à l'Initiative internationale sur les bassins hydrographiques de la Commission mixte internationale.

Sans vouloir placer Mme Forbes sur la sellette, j'aimerais lui demander son aide. Je crois que la Loi sur la protection des eaux navigables ne s'applique pas aux eaux limitrophes, qui sont plutôt réglementées par le Traité des eaux limitrophes. Je me demandais si vous aviez des précisions à ce sujet. J'ai les documents devant moi, mais je ne vous demanderai pas d'attendre que je les feuillette rapidement si Mme Forbes connaît la réponse.

Mme Forbes : C'est ce que j'en comprends. Je crois que certains se demandent si la Loi sur la protection de la navigation proposée pourrait nous empêcher de respecter le Traité des eaux limitrophes, mais je n'en connais pas bien les détails.

Le sénateur Ringuette : On a signalé un problème avec certains cours d'eau pour ce qui est des traités, de la gestion, de l'évaluation environnementale, de la surveillance, et ainsi de suite. Je ne crois pas que nous ayons les réponses pour ces cours d'eau. Selon moi, il y en a beaucoup, parce que la frontière entre le Canada et les États-Unis est plutôt longue. Si l'un ou l'autre d'entre vous pouvait m'éclairer sur le sujet, je vous en serais très reconnaissante.

M. Maas : Je vais répondre à la question, si vous me le permettez. Je vois cela comme une précision à l'égard du rapport entre la Loi sur la protection des voies navigables actuelle, ou ce qu'elle serait conformément aux amendements proposés, et nos responsabilités en vertu du Traité des eaux limitrophes de 1909. Cela illustre d'ailleurs le point que j'essayais de faire valoir tout à l'heure. Quand on apporte de tels changements, cela ne se fait pas sans vagues. Ils se répercutent sur de nombreuses dispositions, et il faut examiner les choses de près pour s'assurer qu'on ne crée pas de faille en essayant de gagner en efficacité.

Le sénateur Ringuette : Exactement. Pour revenir à la question que le sénateur Massicotte a posée plus tôt concernant les litiges, que se passerait-il dans une telle situation? De plus, les amendements à l'étude permettent au constructeur d'inscrire les cours d'eau à la liste et, d'après moi, d'éliminer toutes les poursuites civiles rattachées à son projet. Comment est-ce que cela fonctionnerait pour un cours d'eau administré conjointement? J'ai encore beaucoup de questions sans réponse, alors toutes les informations que vous avez à me donner seront les bienvenues.

Merci.

Le président : Nous entamons notre deuxième tour.

Le sénateur Mitchell : J'aimerais beaucoup avoir plus de détails à propos de ce que nous a dit Mme Forbes, ou c'était peut-être M. Maas, concernant le nombre d'enquêtes qui est passé de 1 800 en 2000, à 300 maintenant. On nous a aussi dit qu'il n'y avait eu qu'une condamnation. Qu'est-ce que ce pauvre diable a bien pu faire pour mériter une condamnation? Est-ce bien difficile d'en arriver là?

Mme Forbes : Ces statistiques proviennent de la Fondation pour la conservation du saumon atlantique, comme je l'indique dans mon rapport, alors je ne sais pas qu'elle était l'infraction ayant mené à cette condamnation en 2010. Il y a eu une réduction notable et très apparente du personnel de Pêches et Océans à l'échelle du Canada. Ce qu'il faut retenir, c'est qu'on nous parle de renforcer les capacités d'application de la loi, d'adopter de nouveaux mécanismes efficaces et de ce qu'on fera avec l'argent des amendes imposées, mais tout cela ne veut rien dire si la loi n'est pas appliquée. En ce moment, nous n'avons personne sur place pour faire appliquer la Loi sur les pêches.

Le sénateur Mitchell : Absolument. Les personnes qui vous posent ces questions veulent faire bouger les choses, et je pense que la question suivante s'impose : Est-il arrivé quelque chose? Y a-t-il déjà eu un problème? Comment savoir s'il y a déjà eu un problème si rien n'est en place pour nous permettre de le découvrir et que nous n'avons que très peu d'employés pour investiguer? Quand on veut faire adopter des mesures à la hâte et qu'on veut faire croire qu'il n'y a pas de problème, il suffit de couper dans le personnel et d'éliminer les éléments qui permettraient de déclencher un examen.

Mme Forbes : Il en va de même pour les amendements proposés à la Loi sur la protection des voies navigables, et pour l'appel d'information de Transports Canada dont M. Maas a fait mention. On nous a expliqué, à nous et au comité, quelle démarche avait été suivie pour établir la liste de cours d'eau. C'est vrai, les meilleures données disponibles ont été utilisées pour le gros du trafic maritime dans les principaux cours d'eau actuellement, mais rien n'est dit pour bien des cours d'eau dont parle M. Labistour et qui sont utilisés pour la navigation, car il n'y a personne sur place pour voir ce qui se passe; aucune surveillance n'est faite. À partir de données incomplètes, on ne peut pas élaborer des lois et des politiques efficaces. Il faut mieux se renseigner. Quand on opère une réforme législative de cette ampleur en aussi peu de temps, on ne dispose pas de toute l'information nécessaire et on ne sait pas non plus quelles en seront les répercussions.

Le sénateur Lang : Je veux poursuivre dans la même veine, car vous semblez avoir obtenu certaines données. Je ne suis pas certain d'où vous tirez ces statistiques. Est-ce qu'elles proviennent de la fondation pour le saumon?

Mme Forbes : De la Fondation pour la conservation du saumon atlantique. Ce n'est qu'un exemple pour illustrer la diminution des mesures d'application de la loi et des condamnations.

Le sénateur Lang : Saviez-vous qu'en 2009-2010, 1,5 million de dollars ont été perçus en sanctions imposées en vertu de l'ancienne loi? En 2010-2011, c'était 1,2 million de dollars, et en 2011-2012, 4,2 millions. Pourriez-vous m'expliquer d'où vient cette augmentation, si ce n'est de l'application de la loi?

Mme Forbes : Les sanctions pourraient être plus élevées, mais pouvez-vous me dire le pourcentage d'employés du ministère des Pêches et des Océans qui ont perdu leur emploi au cours de la dernière année?

Le sénateur Lang : Je n'ai pas ces chiffres devant moi. Ce que j'ai devant moi...

Mme Forbes : En Colombie-Britannique, les deux tiers des coupes étaient liés aux évaluations environnementales, et un tiers à la protection de l'habitat.

Le président : Avant qu'un débat général s'élève, je précise que c'est le sénateur Lang qui a la parole et que Mme Forbes répond à ses questions.

Le sénateur Lang : Je veux simplement signaler, et il est important de le savoir, qu'on a perçu trois fois plus d'argent qu'au cours des années précédentes.

Mme Forbes : Là où je voulais en venir dans ma présentation, c'est qu'il ne sert à rien de vanter les mérites du Fonds pour dommages à l'environnement si on ne dispose pas de plus de gens sur le terrain pour faire appliquer les lois environnementales qui sont censées nous rapporter tout cet argent.

Le sénateur Brown : J'aimerais m'adresser au représentant de Mountain Equipment Co-op. J'étais directeur de l'administration de la rivière Bow à Calgary, et il a fallu installer un barrage sous la rivière pour en augmenter le niveau afin qu'elle se jette dans un canal principal du District d'irrigation de l'Ouest. Il a donc aussi fallu installer une estacade à l'entrée du barrage, parce que c'était très dangereux. Si un billot se retrouvait là, il était complètement écorcé par les bouillons constants de l'eau. Si quelqu'un avait le malheur de s'approcher, c'était une noyade certaine. Nous avons eu quelques accidents. Certains s'y aventuraient en bateau pneumatique, ignorant l'estacade et les panneaux qui les avertissaient de ne pas tenter de traverser le barrage.

Nous avons déploré des décès pendant quelques années, et nous avons décidé qu'il fallait apporter des changements. Je ne me souviens pas du nombre exact, mais je crois que nous avons d'abord investi 18 millions de dollars pour mettre en place de l'autre côté du barrage d'énormes blocs, de quatre pieds de large, de façon à ralentir l'eau tout en maintenant le niveau suffisamment élevé pour alimenter le canal. Je crois que le projet a été terminé il y a deux ans, et cela me paraît assez sécuritaire, car on a ajouté des blocs de plus en plus petits en aval. L'estacade est toutefois encore en place pour avertir les gens du danger. Au printemps de cette année, deux personnes y ont perdu la vie parce qu'elles croyaient que ce n'était plus dangereux. Elles ont traversé l'estacade et sont restées coincées entre les blocs dans l'eau glacée. Au printemps, l'eau est glaciale. Elles sont restées là assez longtemps pour qu'elles meurent d'hypothermie, avant qu'on ait pu les secourir. On a utilisé des canots-jets et tout le reste.

Est-ce que Mountain Equipment Co-op donne des conseils de sécurité aux gens? Est-ce qu'on leur dit à quoi s'attendre en s'aventurant dans ce genre de plan d'eau? Est-ce qu'on se contente de leur fournir les bateaux, les canots et les bateaux pneumatiques qui les mettent dans le pétrin, peu importe ce qu'on fait?

M. Labistour : C'est une bonne question. Je précise tout d'abord que nous ne vendons pas et nous n'utilisons pas non plus les grands bateaux pneumatiques. Ils sont généralement vendus par un autre type de pourvoyeur.

Cependant, nous investissons beaucoup d'argent sur le terrain pour sensibiliser les gens aux mesures de sécurité dans la neige et l'eau, tant sur l'océan que sur les rivières. Nous faisons équipe avec des pourvoyeurs et des personnes qualifiées pour enseigner ces techniques. Nous collaborons avec Pagaie Canada pour en faire la promotion. Nous dépensons beaucoup pour encourager les gens à profiter du plein air, parce que cela fait partie de la culture du Canada. Mais nous veillons également à joindre l'acte à la parole en enseignant les techniques et en offrant de la formation non seulement pour pratiquer ces activités en toute sécurité, mais aussi pour le faire en respectant les sentiers et l'environnement dans lequel les gens s'amusent. Nous avons une approche globale à l'égard des activités récréatives.

Le sénateur Brown : Vous avez dit que les Canadiens avaient plus tendance à profiter du plein air que les Américains. C'est en fonction du pourcentage, je présume.

On sait que le Canada a une population de 33 millions de personnes, et je ne serais même pas surpris si on avait une acre par tête, alors c'est dire que nous sommes moins entassés qu'aux États-Unis. Si on tentait de faire appliquer la loi de la façon dont vous le proposez, c'est-à-dire de déployer plus de gens sur le terrain pour assurer la sécurité des eaux courantes, cela nous coûterait incroyablement cher. Je crois que c'est un projet terriblement complexe et coûteux.

Le sénateur Patterson : J'aimerais adresser ma question à M. Maas. C'est la Journée minière sur la colline, ici, à Ottawa. J'ai reçu une délégation de l'Association minière du Canada dans mon bureau aujourd'hui. Les membres de la délégation m'ont dit qu'ils appuyaient les amendements proposés dans le projet de loi C-45. Je crois que l'Association minière du Canada avait été invitée à présenter un mémoire au comité, peut-être dans l'intention d'exprimer certaines préoccupations, mais elle a décliné l'invitation. Je crois que vous avez aussi parlé des changements proposés par le projet de loi C-38.

Des associations minières en opération dans le Nord n'ont que des inquiétudes à propos de la définition du terme « habitat du poisson » dans la version précédente de la Loi sur les pêches, une définition qu'ils considèrent trop large et qui a mené à de longues évaluations environnementales là où il n'y a aucune répercussion sur le poisson ou même aucun poisson. J'ai donné quelques exemples quand j'ai présenté le projet de loi au Sénat. Ils nous ont dit qu'ils étaient en faveur du principe « un projet, un examen », dans un délai établi, sans pour autant manquer de rigueur dans l'évaluation environnementale.

Vous avez dit ce soir que vous aviez compris que les investissements dans les industries extractives étaient risqués en raison de l'incertitude entourant les changements. Y a-t-il quelque chose qui m'a échappé dans mes discussions avec l'Association minière du Canada, qui semble approuver ces changements? Je sais qu'ils ne font pas l'unanimité, mais à ce que je sache, le secteur minier ne s'en est pas plaint jusqu'à maintenant.

M. Maas : Non, je ne dirais pas que vous avez mal compris leur point de vue. Je n'essaierai évidemment pas de parler en leur nom.

Je précise que le rapport que j'ai mentionné était en fait notre contribution à un rapport plus vaste, auquel nous avons participé en suivant les balises établies par les auteurs du rapport, c'est-à-dire les responsables de l'Initiative financière du Programme des Nations Unies pour l'environnement. Une des questions auxquelles nous devions répondre portait sur le niveau de certitude associé au régime réglementaire actuel. Je ne sais pas si les industries minières ou d'autres industries extractives ont contribué à ce rapport ou à cette évaluation.

J'ai toujours eu le même son de cloche de ce secteur, et dans différents contextes, c'est-à-dire qu'il est entièrement pour les changements proposés par le projet de loi C-38 et ceux qu'on étudie aujourd'hui.

Le sénateur Patterson : Merci.

Le sénateur Ringuette : Ma question fait suite à celle du sénateur Lang. Je suis membre du comité depuis peu, alors j'ai une question pour vous, madame Forbes.

En ce qui concerne le processus, s'il y a une plainte, une enquête, des accusations — dans mon scénario, les accusations seraient justifiées —, des poursuites judiciaires et un verdict prévoyant des sanctions pécuniaires, combien de temps faudrait-il pour faire tout cela?

Mme Forbes : C'est très différent d'une fois à l'autre, selon la province, le nombre de dossiers en attente et la complexité de l'affaire, sans compter qu'on pourrait faire appel de la décision. Je dirais que cela peut prendre entre un et six ans. C'est une estimation très approximative; je n'ai jamais fait le calcul.

Le sénateur Ringuette : Supposons qu'on a perçu 47,9 millions de dollars en amendes en 2011-2012. Ce n'est pas nécessairement le résultat du projet de loi C-45 ou du projet de loi précédent. Donc, on ne peut vraiment pas conclure que ce montant découle des plaintes, des enquêtes, des poursuites judiciaires ou des décisions des tribunaux en 2011- 2012. N'est-ce pas?

Mme Forbes : Non, il serait attribuable à la version précédente de la Loi sur les pêches. Il existe toutefois différentes façons de percevoir des amendes et des obligations. Certains mécanismes sont plus sévères et plus directs que d'autres.

Je ne sais pas quand ces événements auraient pu se passer et quand nous aurions...

Le sénateur Ringuette : Je ne voulais pas qu'on pense que l'augmentation des sommes perçues en 2011-2012 était attribuable aux changements apportés au processus. Il faut probablement compter beaucoup plus d'un an entre le moment où on établit une sanction et le moment où on commence à la percevoir. Votre estimation de un à six ans est sûrement juste. Je crois qu'il faut mettre les choses au clair.

Merci, madame Forbes, de m'avoir permis de comprendre que le processus ne s'échelonne pas sur trois ou six mois, ni même un an; c'est plus que cela.

Le président : Merci, tout le monde, pour vos questions. J'aimerais formuler quelques commentaires.

Monsieur Labistour, dans vos remarques vous nous avez parlé de cinq choses qui vous préoccupent beaucoup. Je comprends et je suis heureux que vous en ayez parlé. Le dernier point que vous avez soulevé portait sur la sécurité publique. Vous nous avez dit que quiconque a percuté des câbles, des déchets ou des débris du développement industriel en pagayant ou naviguant sur l'eau sait que cela peut être extrêmement dangereux. Je suis entièrement d'accord avec vous.

J'habite tout près d'un lac. Il n'y a pas du tout d'activité industrielle, aucune, mais beaucoup d'activités récréatives : bateau, pêche, et cetera. Il faut procéder à un grand nettoyage chaque année pour ramasser tous les déchets. Êtes-vous d'accord avec moi pour dire qu'il n'y a pas que les activités industrielles qui laissent des déchets derrière, et qu'il y a aussi ceux qui s'adonnent à des activités récréatives sur nos cours d'eau qui polluent? Je ne sais pas comment ces débris peuvent se retrouver là autrement.

M. Labistour : Cela ne fait aucun doute. Je suis d'ailleurs estomaqué de voir qu'à notre époque il y a encore autant de déchets dans nos rues et nos collectivités. Vous avez absolument raison de dire que les plaisanciers jettent des choses par- dessus bord et qu'ils laissent des déchets derrière eux, mais cela ne diminue en rien la nécessité de nous protéger contre les autres sources de pollution.

Le président : Je suis tout à fait d'accord avec vous. Je voulais simplement m'assurer que vous n'insistiez pas sur le fait que le développement industriel est le seul responsable. La population en générale est tout aussi en cause.

M. Labistour : Absolument.

Le président : Ma deuxième question s'adresse à M. Maas. Vous recommandez au gouvernement de réunir tous les intervenants — provinces, territoires, municipalités, entreprises, secteurs, ONG et citoyens — pour leur demander de jouer un plus grand rôle dans la protection des eaux et du milieu aquatique. Vous dites également qu'à lui seul, ce geste permettrait au Canada de revenir au niveau des chefs de file en matière de politiques relatives aux eaux et de gestion durable de l'eau, notamment l'Union européenne, l'Afrique du Sud et l'Australie.

Y a-t-il un site web, par exemple, où je pourrais trouver des renseignements sur la façon dont l'UE — ou des pays aussi grands et diversifiés que l'Afrique du Sud et l'Australie qui comptent des millions d'habitants — a réuni des milliers de personnes pour discuter de la protection de l'eau et convenir d'une solution?

M. Maas : Avant toute chose, je ne crois pas que tous les intervenants étaient d'accord. Cependant, pour les deux exemples que vous avez donnés, il y a un document duquel le Canada devrait s'inspirer. Je ne propose pas de réunir des milliers de personnes dans une même pièce pour tenter de trouver un consensus.

La Directive européenne établissant un cadre pour une politique communautaire dans le domaine de l'eau fixe un objectif pour tous les pays membres de l'UE, soit d'améliorer la qualité de leur eau d'ici 2015. Cela a entraîné toutes sortes de décisions concertées importantes en matière de science et de recherche et de planification de la gestion de l'eau, et ce, dans 23 langues et 27 pays différents. J'ai de la difficulté à accepter les commentaires selon lesquels toute politique globale sur l'eau au Canada serait bloquée parce que la protection de l'eau est une compétence partagée entre les provinces et le gouvernement fédéral.

En Afrique du Sud, on a utilisé un processus très différent qu'il serait difficile de reproduire, et même peu souhaitable. L'évolution de ce dossier en Afrique du Sud est attribuable à la réécriture de la constitution du pays après l'apartheid qui protège maintenant les ressources en eau. Il est maintenant obligatoire de tenir compte de l'environnement et de planifier la gestion de l'eau. Cela a entraîné toutes sortes de problèmes et de réformes progressives de la politique sur l'eau.

En Australie, la politique sur l'eau est dictée par le niveau d'eau dans le bassin Murray-Darling.

Nous avons conclu des partenariats qui ont surpris bon nombre de collaborateurs dans mon secteur, notamment avec la société Coca-Cola qui partage notre vision en matière de protection des ressources en eau. Je ne peux pas parler au nom de la société, mais je peux parler de notre partenariat qui dure maintenant depuis cinq ans au Canada et ailleurs. Nous travaillons ensemble à la protection des ressources en eau. Ce genre de partenariat peut être reproduit. Ce qui manque, à bien des égards, c'est le leadership des gouvernements fédéral et provinciaux.

Le président : Merci pour cette réponse. Je vis dans le Nord de la Colombie-Britannique où affluent chasseurs et pêcheurs de partout pour profiter de la nature et pratiquer ces activités. Je crois comprendre que le Canada demeure un des pays les plus recherchés par les immigrants en raison des mesures que nous prenons — nous ne faisons pas toujours les choses correctement, et personne n'est parfait à ce chapitre, mais nous nous en tirons plutôt bien. J'essaie toujours de m'en souvenir. Nous sommes chanceux de vivre dans un pays comme le Canada et d'avoir tout ce que nous avons. Je suis d'accord avec certains des propos entendus aujourd'hui. Nous devons faire notre possible pour protéger l'environnement, car on ne peut pas avoir une économie saine sans un environnement sain, et vice versa. Dans ma région, les gens ne vont pas au travail avec l'idée de nuire à l'environnement. Ils sont reconnaissants de l'endroit où ils vivent et ont choisi cette région pour jouir de l'environnement que l'on y trouve.

Je remercie les trois témoins de leurs exposés. Nous vous en sommes reconnaissants. Merci à tous les membres pour leurs questions.

(La séance est levée.)


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