Délibérations du Comité sénatorial permanent de
l'Énergie, de l'environnement et des ressources naturelles
Fascicule 35 - Témoignages du 13 décembre 2012
OTTAWA, le jeudi 13 décembre 2012
Le Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles se réunit aujourd'hui, à 8 heures, pour étudier l'état actuel de la sécurité du transport en vrac des hydrocarbures au Canada.
Le sénateur Grant Mitchell (vice-président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le vice-président : Je souhaite la bienvenue à tous mes collègues, plus particulièrement aux témoins qui sont debout à 6 heures le matin, leur heure locale, parce qu'ils se joignent à nous par vidéoconférence à partir de l'Alberta. Comme je l'ai dit, Calgary est une ville qui ne s'arrête presque jamais et où les affaires commencent probablement dès 4 h 30 ou 5 heures le matin. Les gens là-bas travaillent donc depuis déjà quelques heures.
Je m'appelle Grant Mitchell, et je représente la province de l'Alberta au Sénat. Je suis le vice-président du comité et je préside la séance d'aujourd'hui, parce que notre président, le sénateur Neufeld, de la Colombie-Britannique, est malheureusement absent aujourd'hui. Nous lui souhaitons bonne chance et nous espérons qu'il reviendra très bientôt.
Je tiens à souhaiter la bienvenue à mes collègues sénateurs, aux membres du public et aux téléspectateurs qui suivent notre séance, croyez-le ou non, à 8 heures, à 6 heures ou même à 5 heures ailleurs au pays. Je vais vous présenter certains des membres du personnel qui nous accompagnent aujourd'hui, puis, je demanderai à chacun des sénateurs de se présenter.
À ma gauche, il y a Lynn Gordon, notre très compétente greffière, qui travaille pour le comité depuis longtemps et qui nous guide de manière très efficace et efficiente. Ensuite, il y a Marc LeBlanc, un économiste de la Bibliothèque du Parlement et Sam Banks, un avocat auprès de la Bibliothèque du Parlement. Ils sont, eux aussi, au service du comité depuis longtemps, et nous pouvons compter sur leurs excellents conseils et leur appui.
Je vais maintenant demander aux sénateurs de se présenter à tour de rôle, en commençant par le sénateur Ringuette.
Le sénateur Ringuette : Je suis le sénateur Ringuette, du Nouveau-Brunswick.
Le sénateur Massicotte : Je m'appelle Paul Massicotte, et je suis sénateur du Québec.
Le sénateur Lang : Sénateur Lang, du Yukon.
Le sénateur Brown : Bert Brown, de l'Alberta.
Le sénateur Wallace : John Wallace, du Nouveau-Brunswick.
Le sénateur Patterson : Dennis Patterson, du Nunavut.
Le sénateur Seidman : Judith Seidman, de Montréal, au Québec.
Le sénateur Johnson : Janice Johnson, du Manitoba.
Le vice-président : Merci beaucoup.
Le 28 novembre 2012, le Sénat a autorisé notre comité à entreprendre une étude sur la sécurité du transport des hydrocarbures au Canada. L'étude durera environ six ou sept mois. Nous espérons présenter un rapport final en juin 2013. Dans le cadre de l'étude, le comité examinera et comparera les régimes de réglementation, les normes et les pratiques exemplaires appliqués au Canada et à l'étranger en ce qui concerne le transport sécuritaire des hydrocarbures au moyen de pipelines, navires pétroliers et trains.
La première partie de l'étude porte sur la sécurité des pipelines; vous l'aviez peut-être deviné puisque nous accueillons aujourd'hui, le groupe des exploitants de pipelines. Nous allons entendre, de Calgary, Mme Brenda Kenny, présidente- directrice générale de l'Association canadienne de pipelines d'énergie. Elle témoigne fréquemment devant notre comité, et nous sommes toujours heureux de la recevoir, car ses exposés sont toujours riches en renseignements. Elle a une longue et brillante feuille de route. Je n'entrerai pas dans les détails, mais je tiens à souligner un récent exploit qui s'est ajouté à la liste de ses réalisations, à savoir une reconnaissance très importante de la part du Réseau des femmes exécutives. Elle compte cette année parmi les 100 femmes les plus influentes au Canada. Sans vouloir faire pression, je suis sûr que nos collègues et les membres du public comprendront ce fait une fois qu'elle aura terminé son témoignage ici aujourd'hui.
Elle est accompagnée de Ziad Saad, vice-président de la sécurité et de la durabilité à l'Association canadienne de pipelines d'énergie.
Merci à vous deux de prendre la peine de témoigner devant nous. Je crois que vous savez comment nous procédons : nous vous inviterons à faire un exposé, après quoi nous passerons à la période des questions.
Brenda Kenny, présidente-directrice générale, Association canadienne de pipelines d'énergie : Merci beaucoup, monsieur le président, et merci aux autres sénateurs qui sont présents dans la salle. Nous sommes ravis d'avoir l'occasion de nous joindre à vous aujourd'hui. J'aurais bien voulu être là en personne; j'espère que ce sera possible dans l'avenir. Il s'agit d'une étude très importante, et nous sommes très heureux de voir le comité s'atteler à la tâche pour examiner certaines de ces questions, car elles constituent une priorité pour nous.
Aujourd'hui, je suis accompagnée de Ziad Saad, notre vice-président de la sécurité et de la durabilité. Sachez qu'il y a deux ans, l'Association canadienne de pipelines d'énergie a subi une restructuration afin d'approfondir et d'élargir ses efforts en matière de sécurité. Nous avons toujours mis l'accent sur cet aspect, mais nous avons maintenant plusieurs nouveaux ingénieurs dans notre équipe qui s'en occupent exclusivement. Cela tient vraiment au fait que les membres de la CEPA, comme vous le savez sans doute, comptent un réseau de pipelines au Canada qui s'étend sur plus de 110 000 kilomètres. Grâce à ces canalisations, nous transportons 97 p. 100 de la production de gaz naturel et de pétrole terrestre du Canada. Ces pipelines font partie intégrante de l'infrastructure, puisqu'ils transportent 3 millions de barils de pétrole brut et plus de 14 milliards de pieds cubes de gaz naturel par jour.
Pour les membres de la CEPA, rien ne compte plus que l'exploitation sécuritaire des pipelines, c'est-à-dire le fait d'assurer la sécurité de la population et la protection de l'environnement. La culture de la sécurité est bien ancrée dans notre secteur, et nous visons l'amélioration continue parce que nous voulons faire en sorte que ces réseaux de pipelines soient parmi les meilleurs au monde.
Il y a quelques messages clés que nous voulons vous transmettre aujourd'hui, et nous espérons qu'ils sauront stimuler vos discussions tout au long de la matinée, ainsi que dans les prochaines étapes de votre étude. Nous allons commencer par discuter du cycle de vie des pipelines, histoire de vous montrer comment la sécurité est prise en considération à chaque étape de la vie de ces réseaux. Ensuite, nous vous parlerons des causes de défaillance et de la façon dont les membres de la CEPA composent avec ces dangers. Règlements, normes, pratiques exemplaires et amélioration continue — voilà autant d'éléments essentiels à la sécurité. Enfin, nous vous expliquerons comment le réseau canadien se compare à celui d'autres pays.
Examinons d'abord le cycle de vie d'un pipeline, qui comprend la conception, la construction, l'exploitation et, au bout du compte, la cessation d'exploitation. La sécurité est prévue à chaque étape, tout comme l'intervention d'urgence, advenant un incident pendant les opérations.
À l'étape de la conception, on détermine le matériau des pipelines, l'épaisseur des parois, la capacité requise et un certain nombre de facteurs liés à la sécurité. Bon nombre de ces paramètres sont énoncés dans les normes de la CSA et dans d'autres normes internationales; ils sont également prévus dans la réglementation de l'Office national de l'énergie. En plus des enquêtes auprès des collectivités avoisinantes, on effectue des évaluations environnementales et des évaluations de la stabilité des pentes. Tous ces éléments permettent aux exploitants de sélectionner une route, de bien comprendre les conséquences découlant de la construction et d'éviter les zones écosensibles, dans la mesure du possible.
À l'étape de la production dans les aciéries, les pipelines font l'objet d'une inspection et d'une mise à l'essai avant d'être expédiés. Il s'agit d'une étape très importante du point de vue de la sécurité. Les travaux d'inspection se poursuivent également à l'étape de la construction afin d'assurer l'assurance de la qualité. Durant la construction, on ne ménage aucun effort pour réduire le plus possible les perturbations environnementales. Par exemple, on utilise des forages déviés pour installer des pipelines qui franchissent des cours d'eaux. Avec l'avènement des systèmes de localisation GPS et des systèmes d'information géographique, nous pouvons maintenant orienter avec beaucoup plus de précision ces forages massifs bien en dessous des cours d'eau ou des zones vulnérables, comparativement à ce que nous pouvions faire il y a 20 ou 30 ans. Ces technologies ont amélioré notre capacité d'assurer la sécurité et la protection de l'environnement.
Nous utilisons des technologies et des normes avant-gardistes à chaque étape de la construction, lorsque le pipeline est déposé, soudé, inspecté et soigneusement enfoui. Une fois la construction terminée, nous veillons à ce que tout terrain perturbé soit entièrement restauré.
Avant de procéder à l'exploitation du pipeline, nous effectuons une épreuve sous pression, d'habitude par voie hydraulique, pour nous assurer que le pipeline peut maintenir la pression bien au-dessus de la pratique d'exploitation prévue. Après l'entrée en service du pipeline, les exploitants font un suivi constant grâce à une gamme de technologies de surveillance et d'inspection de pointe, que nous pourrons vous décrire plus en détail si vous le voulez. Parmi celles qui sont les plus importantes, mentionnons les centres de contrôle perfectionnés, la surveillance de l'emprise, la protection cathodique destinée à prévenir la corrosion, l'inspection interne au moyen de technologies de détection évoluées, les fouilles exploratoires pour déterrer le pipeline, faire une inspection visuelle de la partie que nous soupçonnons d'être endommagée et, le cas échéant, soumettre le pipeline de nouveau à un essai. Par conséquent, nous faisons tout en notre pouvoir pour nous assurer qu'il n'y a aucun effet négatif sur l'environnement, tout au long de la construction et du début à la fin du cycle de vie. La sécurité joue un rôle important à cet égard.
Lorsque ces réseaux approchent la fin de leur durée de vie utile, ils sont vidés, nettoyés et scellés afin d'empêcher le rejet de tout résidu dans l'environnement. Sachez que les préoccupations des intervenants dans ce domaine ont été bien établies et que les organismes de réglementation et les exploitants ont déployé des efforts pour mener à bien des recherches plus pertinentes sur les conséquences à long terme de la cessation d'exploitation de ces réseaux. Qu'est-ce qui s'impose pour optimiser la sécurité et la protection de l'environnement? Avant tout, il importe de noter que ces canalisations de transport seront utilisées à l'échelle du Canada pendant des décennies. Voilà pourquoi nous planifions de façon proactive leur retrait éventuel, mais nous nous assurons de donner suite aux questions des gens bien avant d'en être rendus là.
Malgré tous nos efforts pour prévenir un incident, la planification des mesures d'urgence est absolument essentielle. Nous nous assurons de disposer des processus nécessaires et d'avoir accès à l'équipement en vue d'une intervention rapide et efficace. Les exploitants de pipelines effectuent des exercices d'intervention d'urgence, tant sur maquette que sur le terrain, pour s'assurer de l'efficacité de leurs processus et de leur équipement. Les organismes de réglementation et les exploitants travaillent ensemble pour que ces mesures soient en place.
Je vais maintenant demander à mon collègue, M. Saad, de vous parler des priorités en matière de sécurité opérationnelle.
Ziad Saad, vice-président de la sécurité et de la durabilité, Association canadienne de pipelines d'énergie : Merci.
Pour discuter des causes éventuelles de défaillance dans les pipelines, nous avons résumé certains des dangers que les exploitants risquent de rencontrer. Les sociétés membres de la CEPA utilisent une approche axée sur un système de gestion pour cerner les dangers éventuels, effectuer des évaluations de risques et déterminer les stratégies d'atténuation qui conviennent. Cette approche reconnaît qu'il n'y a pas de solution magique et qu'il faut adopter une combinaison de méthodes en fonction du pipeline.
Les principaux facteurs qui nuisent aux pipelines de transport sont la corrosion externe, la formation de craquelures, les dommages causés par des tiers, les dommages causés par des travaux de construction et les dangers géotechniques. Je vais parler de chacun d'eux à tour de rôle.
J'aimerais d'abord souligner que la corrosion interne ne présente pas habituellement de menace pour les pipelines de transport. Je tiens à préciser que de nombreuses recherches récentes ont montré que le bitume dilué ne cause pas de corrosion dans les pipelines de transport; ce produit est semblable à d'autres types de pétrole brut.
La corrosion externe, pour sa part, est contrôlée grâce à la protection cathodique et à des revêtements de qualité qui sont appliqués aux tuyaux en acier. Dans les années 1970, le revêtement de choix de l'industrie était, en grande partie, les rubans de polyéthylène. On a ensuite découvert que ce type de revêtement était loin d'être idéal parce qu'il rendait les pipelines plus vulnérables à certaines défectuosités, comme la corrosion externe et la fissuration par corrosion sous contrainte.
De nos jours, on n'utilise plus ce type de revêtement; les systèmes de revêtement actuels affichent un rendement solide. Environ 20 p. 100 des pipelines de transport du Canada sont revêtus d'un ruban. Les membres de la CEPA utilisent plusieurs types d'outils d'inspection interne pour détecter toute trace de corrosion et bien assurer l'entretien préventif des pipelines ayant un revêtement de ruban.
Par ailleurs, la fissuration est un autre facteur important sur le plan de la sécurité. Des fissures peuvent se former habituellement à la ligne de soudure d'un pipeline ou à cause d'un environnement corrosif, comme c'est le cas pour la fissuration par corrosion sous contrainte. En 1997, la CEPA a publié le document Stress Corrosion Cracking Recommended Practices afin de fournir des directives à l'industrie sur l'élaboration d'un système de gestion pour lutter contre la fissuration par corrosion sous contrainte. Ces pratiques sont reconnues dans le monde entier; d'ailleurs, la deuxième édition, publiée en 2007, est citée dans la norme CSA-Z662, la principale norme canadienne pour les réseaux de canalisation de pétrole et de gaz.
Il est difficile d'assurer la détection et la caractérisation des fissures au moyen d'inspections internes, mais d'importantes percées technologiques ont été réalisées au cours de la dernière décennie. Les sociétés membres de la CEPA continuent d'apporter des améliorations à ce domaine, si bien que l'inspection interne des fissures est maintenant monnaie courante. Dans les rares cas où l'inspection n'est pas faisable, on envisage de procéder à des épreuves sous pression périodiques.
La prévention des dommages externes est cruciale. Les membres de la CEPA fournissent des renseignements à la population et collaborent avec les centres d'appels pour sensibiliser les gens à l'emplacement des pipelines enfouis. De plus, grâce à la surveillance régulière de l'emprise, on peut détecter toute activité non autorisée près des pipelines. L'inspection périodique au moyen d'outils d'inspection interne permet également de déceler tout dommage mécanique causé par des tiers.
En ce qui concerne les dommages causés par des travaux de construction, le risque est réduit le plus possible grâce aux processus de contrôle de la qualité et à l'inspection des pipelines avant chaque remplissage. L'épreuve sous pression après la construction permet de vérifier s'il y a des dommages liés aux travaux de construction avant de procéder à l'exploitation. Les exploitants de pipelines peuvent ensuite se servir de la technologie d'inspection interne pour s'assurer que l'exploitation demeure sécuritaire.
Enfin, les dangers géotechniques sont également une cause possible des dommages que peuvent subir les pipelines. Les glissements de terrain ou l'érosion au bord d'un cours d'eau en sont des exemples. Les exploitants de pipelines surveillent la stabilité des pentes afin de comprendre comment les mouvements de terrain peuvent influer sur les pipelines. Les membres de la CEPA reconnaissent l'importance des cours d'eau pour les Canadiens et la faune; à ce titre, on travaille actuellement à l'élaboration d'une pratique recommandée pour la gestion de l'intégrité des méthodes de franchissement de cours d'eau.
Mme Kenny : J'aimerais terminer en discutant brièvement des règlements et des normes. Je pense que d'autres témoins vous en ont amplement parlé. Il importe de reconnaître que les systèmes sont lourdement réglementés, tant à l'échelle fédérale qu'à l'échelle provinciale. Autrement dit, les exigences en matière de conception, de construction et d'exploitation des lignes de transport sont déjà établies. C'est sans compter les vérifications approfondies et les inspections sur le terrain qui permettent d'assurer une conformité et une amélioration continue, en collaboration avec les exploitants.
Il existe divers outils de réglementation, et c'est ce qui permet aux Canadiens d'avoir un des meilleurs régimes au monde, dans cadre duquel on peut soit imposer des sanctions pécuniaires en cas de non-conformité, soit intenter des poursuites, au besoin. Bon nombre de ces règlements reposent sur des normes élaborées au Canada et à l'étranger. Les normes de la CSA, qui sont parmi les meilleures au monde, ont englobé une foule d'autres normes au fil du temps. Celles-ci sont régulièrement mises à jour, ce qui permet aux règlements de suivre le rythme des améliorations continues qui s'opèrent dans l'industrie à l'échelle mondiale.
Les sociétés membres de la CEPA élaborent elles-mêmes des pratiques recommandées et des lignes directrices pour pousser ces efforts plus loin, et leurs recommandations finissent parfois par être intégrées dans les normes. Notre industrie compte plus de 16 groupes de travail, auxquels participent plus de 200 experts industriels qui cherchent à faire avancer des dossiers importants comme l'intégrité des pipelines, l'environnement et la gestion de la sécurité en cas d'urgence.
Au sein de son conseil d'administration, la CEPA comprend également deux groupes d'étude, qui sont composés de cadres provenant de divers segments de l'industrie et qui s'occupent de domaines d'intérêt liés à l'intervention d'urgence, à la prévention de dommages et à l'intégrité.
D'abord et avant tout, nous jouons un rôle actif sur la scène internationale, notamment par l'entremise du Pipeline Research Council International, qui est largement appuyé par des sociétés canadiennes. Le Sénat devrait noter que la plupart des grandes sociétés pipelinières du monde sont des entreprises canadiennes à cause de notre vaste étendue géographique. Nos sociétés sont parmi les plus grandes et les plus avant-gardistes au monde, et nous avons démontré, au fil du temps, que nos résultats sont parmi les meilleurs.
Ces systèmes de gestion à l'échelle de l'industrie qui exercent une pression pour une amélioration continue sont ce qui nous a incités, à l'ACPE, à annoncer notre programme Integrity First, qui est une première pour nous. Il touche l'ensemble de l'industrie, réunit de nombreuses pratiques exemplaires et fait avancer les choses de façon systématique.
Nous voulons également veiller à faire preuve d'une plus grande transparence dans nos résultats et nous avons lancé une grande campagne d'information et de sensibilisation qui permet aux gens d'avoir accès à l'information et de nous poser plus de questions. Nous avons des annonces imprimées et des publicités télévisées, afin que ce soit plus évident pour les gens, et nous nous employons à devenir la meilleure source d'information sur les pipelines, en particulier grâce au site Web www.aproposdespipelines.com.
Tous les deux ans, l'ACPE accueille la conférence internationale sur les pipelines, l'une des plus importantes de ce genre dans le monde. Cette année, nous avons accueilli plus de 1 400 délégués représentant 45 pays, dont l'objectif était de venir partager les technologies de pointe et les pratiques exemplaires. Cet événement a eu lieu à Calgary et y sera tenu à nouveau dans deux ans.
Notre rendement est comparable à celui des États-Unis et des pays d'Europe, et est parfois meilleur, et nous prenons diverses mesures pour mettre ces pratiques de l'avant.
J'espère que ces informations vous donnent un bon aperçu de la sécurité des pipelines, ainsi que de l'importance et de la dimension mondiale du secteur canadien.
C'est avec plaisir que nous poursuivrons cette discussion en répondant à vos questions.
Le vice-président : Je vous remercie de cet exposé.
Avant de donner la parole aux intervenants qui figurent sur ma liste, j'aimerais souhaiter la bienvenue au sénateur Sibbeston, des Territoires du Nord-Ouest.
Le sénateur Wallace : Je vous remercie de votre exposé.
Étant donné que l'on propose d'étendre les pipelines existants et d'en créer de nouveaux dans ce pays, il va sans dire qu'il est nécessaire d'obtenir l'approbation du public, de le convaincre que les canalisations peuvent être installées de façon sécuritaire et qu'elles peuvent transporter le produit d'une manière sûre et respectueuse de l'environnement.
Après avoir écouté votre exposé, et puisque j'ai moi-même de l'expérience dans l'industrie pétrolière, je sais qu'il y a des normes techniques et des détails que vous connaissez tous qui peuvent être présentés. Cela peut donner l'assurance aux spécialistes de la fiabilité du système et de la capacité d'intervention, mais en général, les gens du public ne sont pas des spécialistes.
En ce qui concerne la façon dont votre association présente ses arguments, tente de convaincre le public que les risques sont minimes et seront gérés de manière sécuritaire et qu'il ne doit pas s'inquiéter, croyez-vous que l'approche que vous avez adoptée est acceptée par la population, ou y a-t-il des moyens d'améliorer la façon dont vous présentez vos arguments? Si vous estimez que cela pourrait être amélioré, pouvez-vous nous dire de quelle manière?
Mme Kenny : J'aimerais que nous revenions un peu en arrière, il y a 18 mois ou deux ans, avant que nous commencions notre campagne d'information, avant que nous lancions le programme Integrity First publiquement pour fournir des paramètres, afficher toutes nos pratiques exemplaires sur notre site Web et faire preuve de beaucoup plus de transparence et d'engagement sur cette question.
Il s'agit d'un secteur qui, durant plus de 50 ans, a été loin des regards et des préoccupations. Nous avons créé cette ossature pour le Canada, alors que la plupart des Canadiens, pour tout dire, n'étaient pas au courant, et en améliorant de plus en plus, au fil du temps, la sécurité énergétique. Nous en sommes au point où les gens qui font le plein pour conduire leurs enfants à leur match de soccer ne pensent probablement pas au fait qu'ils peuvent le faire grâce à un pipeline; c'est la même chose lorsqu'ils cuisinent les repas sur leur cuisinière au gaz naturel, bien sûr.
Nous avons reconnu, et nous devons probablement nous en excuser auprès du Sénat et des Canadiens, avoir été lents à comprendre que les gens souhaitaient davantage de transparence et d'information. Heureusement, notre capacité à rester loin des regards et des préoccupations est attribuable au fait que nous avons un excellent bilan de sécurité, et cela n'a pas été une source de controverse pour les Canadiens durant ces décennies.
Aujourd'hui, étant donné que nous envisageons de développer de nouveaux marchés, les gens posent beaucoup de questions importantes au sujet de nos systèmes énergétiques, de l'avenir du Canada, du commerce international, et cetera, et toutes ces choses semblent faire surface lorsqu'on propose un nouveau tracé ou un nouveau point de raccordement pour le Canada, que ce soit pour que les gens des Maritimes aient accès au pétrole brut de l'Ouest ou pour nos liens avec l'Asie.
Je pense qu'il est absolument essentiel que nous fournissions de l'information en langage clair et accessible. Au cours de la dernière année, il y a eu plusieurs grandes initiatives; par exemple, nous avons fait une mise à jour importante de notre site Web et nous avons testé auprès de divers groupes de consultation un certain nombre de documents d'information clairs et simples. Nous invitons les gens à nous poser des questions lorsque ce n'est pas clair. Nous avons lancé une campagne publicitaire télévisée et avons l'intention d'amorcer un certain nombre d'initiatives de sensibilisation en 2013.
Le sénateur Wallace : Merci. Je suis sûr que vous avez mis en place toutes les normes de sécurité possibles afin d'empêcher les déversements, en particulier pour les pipelines de liquides, mais il se trouve que de tels déversements se produisent.
Comme vous le savez, l'efficacité de l'intervention, sur le plan des délais et de la disponibilité de l'équipement d'intervention en cas de déversement, est essentielle à une mesure d'intervention appropriée. Je sais que vous avez des stratégies, des rapports et des pratiques liés aux interventions en cas de déversement, entre autres.
Pour ce qui est des pipelines qui sont envisagés et des terrains très fragiles où ils passeraient, dans de vastes zones où la topographie est variée, comment peut-on prévoir la rapidité d'intervention et la disponibilité de l'équipement dans les plans d'intervention en cas de déversement, compte tenu de tout cela? Sont-ils si détaillés? Et si quelque chose se produit dans un endroit isolé, est-ce qu'on tient compte du temps qu'il faudrait pour que l'équipement d'intervention en cas de déversement puisse arriver sur les lieux? Ces plans d'intervention en cas de déversement prennent-ils en considération ce genre de détail?
Je crois que c'est l'assurance dont a besoin la population. Les gens veulent savoir qu'on interviendrait rapidement dans les zones environnementales vierges et qu'on les protégerait. Vous penchez-vous sur ce genre de détail dans vos plans d'intervention en cas de déversement?
Mme Kenny : Oui, c'est une excellente question. Bien sûr, pour tout projet de pipeline, nous examinerions ces choses en détail dans le cadre d'une audience publique et nous inviterions les gens à poser des questions afin de déceler toute préoccupation ou de répondre à toute question qui pourrait subsister.
Je dois dire que j'ai personnellement examiné certains de ces plans d'intervention d'urgence et qu'ils sont incroyablement détaillés : ils examinent chacun des cours d'eau, la direction de l'écoulement, les prévisions quant à la rapidité avec laquelle l'eau s'écoule, et même les cycles saisonniers. On doit tenir compte de ces choses. Le degré d'éloignement, la topographie et la conception en font aussi partie pour ce qui est de la profondeur des vannes, des capteurs, et cetera.
N'oubliez pas que même si certains de nouveaux emplacements proposés semblent éloignés, j'irais jusqu'à dire qu'il n'existe pas un seul type de terrain au Canada sur lequel nous n'avons pas déjà exploité des pipelines de façon sécuritaire, et bon nombre d'entre eux sont très éloignés. Par exemple, Enbridge exploite le pipeline de Norman Wells au milieu de la vallée du Mackenzie depuis le milieu des années 1980. Nous savons comment planifier les interventions et comment traverser aussi bien le pergélisol continu que les grandes chaînes de montagnes.
Le sénateur Massicotte : Je vais commencer par une demande d'information. Dans votre conclusion, vous dites que les membres de l'ACPE ont un rendement comparable ou meilleur, selon les organisations et les organismes de réglementation aux États-Unis ou en Europe. Pourriez-vous nous faire parvenir les données qui corroborent cela de façon détaillée?
Dans le paragraphe suivant, vous comparez votre bilan de sécurité à celui des chemins de fer, mais je pense qu'on ne peut sans doute pas comparer les 5 accidents liés à des pipelines aux 1 023 accidents liés au réseau ferroviaire. Il serait peut- être plus juste de comparer leur volume. Auriez-vous des données au sujet du volume que vous transportez, peut-être par kilomètre, du taux d'accidents, et de l'information sur les navires également? Si vous pouviez nous transmettre cette information, nous vous en serions reconnaissants. Nous pourrions alors comparer équitablement votre bilan de sécurité à d'autres moyens de transport, et dans d'autres pays.
Monsieur Saad, dans le rapport de juin 2009 de l'Association canadienne des producteurs pétroliers, d'après les données de 2008, 51 p. 100 de tous les incidents survenus en Alberta ont été causés par la corrosion, soit 39 p. 100 par la corrosion interne et 13 p. 100 par la corrosion externe. Vous avez dit que la corrosion — je crois que vous parliez de la corrosion externe — ne posait pas problème, et pourtant, elle semble représenter 30 p. 100 des incidents. Pourriez-vous nous expliquer cela un peu plus? Les choses ont-elles changé depuis 2008? Est-ce différent en 2012? Quel est le problème, ici?
M. Saad : La différence, sénateur, est dans le type de pipelines qui est envisagé. La majorité des pipelines que possèdent les producteurs sont des pipelines de collecte, qui transportent une vaste gamme de produits et dont les régimes d'exploitation sont différents. Leur vulnérabilité à la corrosion interne n'est pas la même que pour les pipelines de transport, car le flux des pipelines de transport qui fonctionnent 24 heures sur 24 est constant. De plus, ces pipelines font régulièrement l'objet de raclage et sont soumis à divers autres programmes d'entretien. On effectue également un contrôle de la qualité des produits transportés; les pipelines ont donc un tarif qui indique les propriétés des produits qu'ils peuvent transporter.
C'est là où se trouve la différence, sénateur; les pipelines de transport ne sont pas aussi vulnérables à la corrosion interne que certains pipelines de collecte.
Le sénateur Massicotte : Vulnérables à la corrosion interne ou externe?
M. Saad : Les pipelines de transport ne sont pas sujets à la corrosion interne. Par contre, ils le sont à la corrosion externe, étant donné l'environnement dans lequel les conduites sont enfouies, et c'est là que nous concentrons nos efforts.
Le sénateur Massicotte : J'ai une ventilation du pourcentage des incidents survenus en Alberta qui étaient causés par la corrosion ou la construction. Avez-vous des données semblables en ce qui concerne les pipelines de transport? J'aimerais connaître le pourcentage des incidents par facteur, si vous pouvez nous envoyer cette information.
M. Saad : Oui, certainement.
Le sénateur Massicotte : À notre dernière séance sur les incidents, nous avons remarqué que depuis un an ou deux, il y a une diminution du nombre d'incidents par rapport à il y a cinq ans. Vous aviez en moyenne 75 à 100 incidents il y a quatre ou cinq ans, et maintenant, vous en avez en moyenne 75, ou environ un décès par année, ce qui est toujours trop.
L'Office national de l'énergie nous a expliqué que vos membres sont maintenant plus sensibilisés à la sécurité et que c'est davantage une question de culture pour eux. Cela fait maintenant partie de l'organisation; ils parlent constamment de sécurité. Êtes-vous du même avis? Est-ce aussi simple?
M. Saad : Je conviens que les pratiques et la technologie se sont améliorées au fil du temps, mais je tiens à souligner que les statistiques relatives aux membres de l'ACPE, qui exploitent les gros pipelines de transport, sont bien meilleures que ce qui a été décrit. Par exemple, il n'y a pas eu de décès chez nos sociétés membres depuis des décennies.
Toutefois, je suis d'accord au sujet du principe de base, sénateur, voulant que les pratiques s'améliorent sans cesse, tout comme la sensibilisation des employés et des collectivités. La technologie qui nous permet de maintenir la sécurité des pipelines s'améliore également.
Le sénateur Massicotte : Pourquoi est-ce seulement au cours des deux dernières années? Pourquoi a-t-il fallu tant de temps pour agir sur le plan de la sécurité, si ce que le représentant de l'Office national de l'énergie a dit est exact?
Mme Kenny : Je peux vous en parler. Il y a une chose qu'il est très important de reconnaître, c'est que le nombre d'incidents importants, sur 110 000 kilomètres de pipelines, est inférieur à dix et est souvent de zéro au cours d'une année donnée. Les lignes de tendance sont difficiles à définir, car les incidents sont rares.
Il est utile d'examiner chaque décennie et d'indiquer dans quelle mesure les incidents importants sont à la baisse, principalement en raison d'un effort à long terme pour établir une culture de la sécurité et la mise en œuvre de systèmes de gestion élaborés. Ces systèmes se sont grandement améliorés dans tous les secteurs de notre économie; cela remonte à l'industrie automobile et aux programmes de gestion de la qualité des années 1970. Ces mêmes pratiques consistant à porter attention à tous les détails et à tous les risques, ainsi que les technologies des matériaux et autres, ont entraîné un changement marqué sur le plan de la sécurité et une culture intégrée.
La deuxième chose que je veux souligner concerne les petits incidents, dont le nombre est d'environ 70. Dans nos sociétés, nous avons l'habitude de signaler même les plus petits incidents. Nous avons des sociétés qui téléphoneront à l'ONE pour signaler même une trace de graisse sur une tige de soupape. Ce ne sont vraiment pas des choses importantes, mais ce sont des indications précoces de choses pour lesquelles nous prenons des mesures, et elles sont signalées même si dans d'autres secteurs, elles n'auraient sans doute jamais été mises au jour.
Le sénateur Massicotte : Avez-vous ces statistiques? Quand vous parlez d'examiner « chaque décennie », auriez-vous des informations à nous faire parvenir au sujet des pipelines de transport?
Mme Kenny : Oui.
Le sénateur Massicotte : En fait, vous dites qu'une bonne partie de l'information que nous obtenons ne concerne pas seulement les pipelines de transport, mais ce que j'appelle les pipelines d'amenée, ou autre chose. Vous différenciez la perte réelle. Comment les définissez-vous les uns par rapport aux autres? Le pipeline qui va de l'Alberta à la côte Ouest est-il un pipeline de transport? Est-ce une question de distance?
Mme Kenny : C'est une excellente question. Je crois que ce qui les différencie d'abord, c'est la pression. Quand on transporte un produit sur une longue distance, on tend à utiliser une pression de beaucoup supérieure, soit approximativement de 300 lb/po2.
Je dois préciser qu'il n'y a pas de coupure précise entre ces choses. L'analogie que j'aime utiliser, c'est que les pipelines de transport sont comme des autoroutes énergétiques; quand doit-on appeler cela une route ou une autoroute? Pour nous, il s'agit de transporter des produits d'une région à l'autre ou d'une province à l'autre, ou dans un autre pays, à une pression relativement élevée.
Le sénateur Massicotte : Si j'étais environnementaliste, je serais au courant de cela et je dirais que votre taux d'incidents est beaucoup moins élevé que les autres, mais ce que nous avons vu, ce sont des moyennes, alors ce doit être beaucoup plus élevé pour ce que j'appelle les pipelines d'amenée. On devrait alors dire que les normes d'entretien, les normes de sécurité et les normes environnementales ne sont pas très élevées ou certainement pas suffisamment élevées. Cela me porterait à dire qu'il y a une faiblesse.
Mme Kenny : L'important est de trouver le moyen approprié à l'utilisation. De plus, votre étude met bien entendu l'accent sur la façon de transporter en grande quantité les hydrocarbures au Canada — par les routes, les rails ou les pipelines — d'une région à l'autre. Je crois que c'est adéquat de mettre principalement l'accent sur les pipelines de transport.
Sur la scène locale, j'aimerais encore une fois faire allusion à mon analogie sur les routes. Une route secondaire peut parfois être adéquate, mais elle n'est peut-être pas aussi robuste qu'une route principale à plusieurs voies.
Certains pipelines d'alimentation sont utilisés pendant une période relativement courte. C'est parfaitement acceptable qu'ils ne fassent pas l'objet d'un programme continu de gestion de l'intégrité, parce qu'il n'est pas prévu de les utiliser pendant des décennies. Ils sont utilisés pendant une courte période, puis, ils sont mis hors service de manière très sécuritaire. Ces éléments sont très réglementés sur la scène provinciale, et je crois que les statistiques au Canada, si vous pouviez les demander à l'ERCB, en Alberta, par exemple, ou à l'OGC, en Colombie-Britannique, démontreraient que ces pipelines sont très sécuritaires et qu'ils font l'objet de l'une des réglementations les plus rigoureuses dans le monde.
Nous sommes ici pour aborder les pipelines de transport; il s'agit de conduites durables et robustes et de systèmes à haute pression. Voilà pourquoi la rigueur, la minutie et la durabilité sont extrêmement importantes.
Le sénateur Massicotte : Merci.
Le sénateur Lang : J'aimerais poursuivre dans la même veine que le sénateur Massicotte, parce que je veux examiner les statistiques. Nous discutons des gros pipelines, et on nous a informés que les pipelines d'alimentation forment une catégorie distincte à certains égards en ce qui a trait aux normes de sécurité. Cependant, nous avons des statistiques en main qui démontrent qu'il y a en moyenne un mort par année sur une période de cinq ans. Ce sont, du moins, les statistiques que nous avons. Ces statistiques concernent-elles les pipelines d'alimentation, ainsi que les pipelines de transport? D'où les statistiques sur les pipelines proviennent-elles?
Mme Kenny : Monsieur, je crois que nous devrions débuter par quelques précisions au sujet de la sécurité des personnes. Je présume que certaines données concernent la sécurité des travailleurs pendant la construction, par exemple. Je devrai le confirmer, mais on m'a affirmé qu'il était plus sécuritaire de travailler pour une société de pipeline que le gouvernement fédéral. Notre secteur est extrêmement sécuritaire, compte tenu de la taille de l'équipement utilisé.
À ma connaissance, personne dans la population n'a perdu la vie. Il arrive que des travailleurs aient des accidents, particulièrement en amont, parce que les gens doivent composer avec des produits chimiques dangereux comme le sulfure d'hydrogène, ce qui peut arriver en amont. Il faut clarifier les statistiques, parce que si vous mettez l'accent sur la sécurité publique, je ne crois pas du tout que ces données révèlent quelque problème que ce soit.
Le sénateur Lang : Je vous serais reconnaissant de bien vouloir nous fournir ces renseignements. Si les statistiques ont été compilées, cela nous permettra une meilleure compréhension. C'est quelque peu déroutant pour nous et la population de voir de telles statistiques.
J'aimerais passer à la question de la sécurité et examiner un certain nombre d'accidents qui sont survenus dans les dernières années; ce sont bien entendu ces accidents qui ont soulevé la question des pipelines et de la sécurité. Il y a notamment eu la rupture de l'oléoduc au Michigan en 2010. Nous nous souvenons tous de la couverture dans les médias et de la réaction et des préoccupations du grand public, particulièrement parce qu'il était question d'un cours d'eau majeur.
L'enquête du U.S. National Transportation Safety Board a révélé que l'entreprise en cause savait depuis des années que l'oléoduc présentait des risques en raison de la corrosion et de fissures. Cela s'est passé aux États-Unis. Au Canada, serait-il possible qu'une entreprise sache qu'un oléoduc présente des risques en raison de la corrosion et de fissures, sans que l'Office national de l'énergie en soit au courant?
Mme Kenny : Monsieur, il faut dire que la raison d'être des programmes élaborés de gestion de l'intégrité est de surveiller tous les systèmes en vue de déceler la corrosion et les fissures. L'Office national de l'énergie en est parfaitement au courant; de plus, l'organisme réglemente et vérifie le tout de manière approfondie.
Je vais faire une analogie avec la santé. Si vous effectuez votre examen annuel de santé et que votre bilan est parfait, cela peut tout de même vouloir dire que vous surveillez certains aspects au fil du temps; c'est la même chose avec la sécurité des pipelines. Lorsque nous procédons à l'inspection interne, nous verrons parfois des petites traces de corrosion ou de premières indications de fissures. Cela ne veut pas dire pour autant que la sécurité est compromise, mais qu'il faut surveiller étroitement le pipeline et le remplacer bien avant qu'il devienne un problème de sécurité. Voilà comment nous assurons la sécurité dans les systèmes canadiens.
Le sénateur Lang : Je ne crois pas que cela réponde vraiment à ma question. Il y a un système aux États-Unis et un système au Canada. Vous avez dit un peu plus tôt que nous avions le système le plus sécuritaire au monde. C'est ainsi que je l'ai compris. Je vous répète ma question. Si une société de transport de pétrole ou de gaz au Canada sait qu'une section de son pipeline présente des risques en raison de la corrosion et de fissures, est-elle obligée d'en aviser l'ONÉ pour que l'organisme et ses organismes de réglementation soient au courant que cette section doit être surveillée?
Mme Kenny : Oui. Les entreprises doivent le faire, et c'est toujours le cas. De tels risques existent en permanence; nous utilisons en tout temps de rigoureux programmes de gestion de l'intégrité justement pour éviter ces risques.
Aucun système de transport ou aucune industrie n'est exempt de risques. Que l'on prenne l'avion ou la voiture, il faut gérer les risques. C'est grâce à une rigoureuse gestion des risques, à d'excellentes normes, à des systèmes et à des technologies constamment améliorés que nous sommes en mesure de vous dire que nous avons l'un des meilleurs systèmes dans le monde. Nous nous efforçons de nous surpasser et de nous améliorer.
Le sénateur Lang : Je crois qu'il est juste de dire que vous et notre comité sénatorial avez le même objectif, soit de réduire au minimum les risques.
Cela m'amène à un autre sujet, soit la question de la nouvelle technologie et des nouveaux systèmes qui entrent en jeu. J'ai posé la même question la semaine dernière et j'aimerais la poser de nouveau. Il s'agit de l'utilisation et de la technologie des satellites dans les activités quotidiennes liées à l'exploitation des pipelines. Selon vous, comment pouvons-nous utiliser les satellites en vue de réduire encore plus les risques?
M. Saad : Au cours de la dernière décennie, avec la disponibilité grandissante des satellites, beaucoup de travaux ont porté sur leurs applications. Il y a bien entendu beaucoup de satellites de télécommunications dans l'espace, mais il y en a moins qui servent à l'observation de la Terre. Cela limite encore les applications, principalement parce que les périodes de surveillance ne sont pas constantes. Cependant, nous nous servons de plus en plus des satellites pour nous assurer de la stabilité des pentes.
Nous avons parlé des dangers géotechniques. La technologie des satellites peut servir à photographier ou à surveiller une certaine zone de manière périodique. Nous pouvons ainsi voir, avec un haut degré de précision, s'il y a du mouvement dans les pentes ou des changements sur la surface de la Terre qui pourrait aider les ingénieurs à déceler des dangers potentiels au sujet d'un pipeline. Voilà une application examinée en ce qui a trait à la technologie des satellites.
Mme Kenny : Comme M. Saad l'a mentionné, j'ajouterais que l'avenir est prometteur. Nous avons rencontré des représentants de l'Agence spatiale canadienne, et c'est intéressant de voir les technologies qui pourraient être développées pour répondre à nos besoins. Je m'attends à ce que nous soyons témoins de beaucoup d'avancées technologiques canadiennes dans ce domaine au cours de la prochaine décennie.
Le sénateur Ringuette : Pour continuer dans la même veine que le sénateur Lang, vous dites avoir un rigoureux programme de gestion des risques. Vous nous avez dit qu'environ 20 p. 100 des pipelines de transport au Canada ont un ruban de revêtement, ce qui ne semble pas offrir un bon rendement et semble présenter un grave risque. Environ 20 p. 100 des pipelines actuels ont un revêtement de papier enduit. J'aimerais que vous transmettiez au greffier du comité votre système de gestion en ce qui concerne particulièrement le retrait des pipelines en question.
Deuxièmement, au cours des dernières années, vous avez probablement fait des études comparatives concernant votre industrie et la concurrence au sujet des modes de transport du pétrole. Le cas échéant, pourriez-vous nous en faire parvenir une copie?
Enfin, vous collaborez avec vos homologues européens. Il y a en Europe d'importants pipelines de transport. Pourriez-vous en cibler un qui ressemble beaucoup à ce que nous faisons au Canada en ce qui concerne l'attention portée à la géographie, à la topographie, à l'environnement et à la gamme de produits transportés dans le pipeline?
En fait, j'ai une autre question. Pourriez-vous nous faire part des coûts moyens pour la conception, la construction, l'exploitation et la cessation d'exploitation?
Mme Kenny : Madame, je vais commencer par vous donner quelques éléments de réponses à vos quatre questions différentes.
Concernant le ruban de revêtement, je dois préciser que c'est vrai que 20 p. 100 des systèmes au Canada ont été installés à l'époque où le ruban de revêtement était utilisé. Ce procédé est très sécuritaire, et nous continuons de surveiller étroitement le tout. Nous avons maintenant de meilleurs revêtements, et c'est beaucoup plus simple. Par contre, cela ne veut pas nécessairement dire qu'il faut remplacer ces pipelines. L'important est que les programmes de gestion de l'intégrité veillent à ce que les pipelines demeurent sécuritaires. Le ruban de revêtement adhère bien, mais il arrive qu'il décolle à certains endroits. Ce sont ces endroits qu'il faut surveiller par l'entremise de l'inspection interne; ensuite, on remplace progressivement les sections.
Le sénateur Ringuette : Je m'excuse de vous interrompre, mais vous avez clairement affirmé que 20 p. 100 des pipelines de transport ont un tel revêtement qui se veut corrosif. Vous avez dit que votre industrie a une rigoureuse gestion des risques. Si ce 20 p. 100 présente des risques relativement à la corrosion et que vous le savez depuis des années, comment prévoyez-vous remplacer ces pipelines avant qu'un désastre survienne?
Mme Kenny : Madame, merci de votre question. Je crois qu'il est très important de faire le tour de la question et de préciser certains points.
Le ruban de revêtement n'est pas corrosif. C'est un revêtement efficace, même s'il l'est moins que les revêtements actuels. Dans le cas d'un tel revêtement, il arrive que le ruban se décolle de l'acier, ce qui peut augmenter les risques de corrosion, en dépit du fait que nous utilisions également une protection cathodique et beaucoup d'autres mesures pour prévenir la corrosion.
Notre rigoureuse gestion des risques vise à effectuer de manière plus régulière des inspections internes par l'entremise d'instruments sophistiqués qui peuvent détecter la corrosion et les fissures. C'est ce qui se fait depuis des décennies; voilà pourquoi nous voyons une réduction du nombre d'accidents et une amélioration de la sécurité. Il n'est pas nécessaire de les remplacer, mais il y a des programmes de remplacement lorsque des sections précises sont jugées non sécuritaires. Voilà comment nous assurons la sécurité des Canadiens; c'est bien réglementé et bien documenté.
Le sénateur Ringuette : J'espère que les divers éléments que j'ai mentionnés seront envoyés au greffier, mais j'aimerais savoir combien de fuites, parmi toutes celles qui ont eu lieu au cours de la dernière décennie, concernaient des pipelines recouverts d'un ruban de revêtement, soit le 20 p. 100 dont il est question.
Mme Kenny : Nous pourrons certainement vous faire parvenir ce renseignement.
Le sénateur Ringuette : Merci.
Le sénateur Brown : Je voulais savoir dans quelle mesure la profondeur de l'enfouissement des pipelines à trois, huit ou neuf mètres influe sur la dilatation et la contraction des conduites en acier. N'est-ce pas ainsi que vous compensez la dilatation et la contraction du pipeline?
M. Saad : Monsieur, les pipelines sont normalement enfouis à une profondeur d'un mètre, mais ils sont considérés comme fixes, lorsqu'ils sont dans le sol. C'est en fait l'interaction avec le sol qui empêche les sections enfouies de bouger en raison des phénomènes de dilatation et de contraction. Vous remarquerez souvent des boucles de dilatation dans le cas de petites sections en surface. Ces boucles servent à compenser le mouvement du pipeline en surface. La conduite enfouie est en fait considérée comme fixe et ne réagit donc pas aux phénomènes de dilatation et de contraction.
Le sénateur Brown : J'ai une autre question. Dans le document anglais, il est écrit au paragraphe C qu'il y avait une « crack in the circumferential filler weld of a weld on a repair sleeve... » Je n'ai jamais entendu parler d'une soudure sur une soudure. Je pensais qu'il fallait poncer complètement toute soudure et repartir à zéro. Est-ce que la rupture est survenue, parce que les gens ont essayé de faire une soudure sur une soudure?
Mme Kenny : Nous pouvons examiner de plus près la citation, mais vous avez tout à fait raison de dire qu'une soudure doit être faite en suivant des procédures précises. Lorsque la paroi est plus épaisse, il est normal d'avoir de multiples couches de soudure. Il faudra passer plus d'une fois pour former une accumulation. Je présume que c'est ce dont vous parlez.
Le sénateur Brown : Oui.
Mon père détenait un certificat pour souder des chaudières à vapeur haute pression. Il critiquait mes habiletés de soudeur, mais il disait qu'il fallait complètement poncer la soudure pour repartir à zéro et éviter qu'elle ne tombe de nouveau.
Vous m'avez donné un graphique sur le pourcentage total de ruptures concernant l'ensemble des pipelines. Le pourcentage était très faible. Je n'ai pas la donnée en main, mais je crois que vous pourriez nous la transmettre.
Mme Kenny : Oui. Ce serait possible de le faire.
Le sénateur Brown : Merci.
Le sénateur Patterson : J'aimerais discuter des exploitants de pipelines et de la sécurité. Vous avez beaucoup parlé de la coopération et des pratiques exemplaires au sein de l'industrie, mais je sais aussi que la concurrence est féroce dans votre secteur.
En ce qui concerne les systèmes de gestion de la sécurité, s'agit-il de renseignements exclusifs ou les exploitants acceptent-ils de faire part de leur technologie et de leurs pratiques exemplaires en matière de sécurité aux autres exploitants?
M. Saad : Je peux affirmer sans équivoque qu'il n'y a pas de compétitivité dans le domaine de la sécurité; les gens mettent volontairement en commun leurs pratiques en matière de sécurité. Chaque fois que l'association recommande une pratique, cette dernière est publiée sur son site Web. En fait, lors de la récente Conférence internationale sur les pipelines, l'un de nos membres à présenter un document portant sur les indicateurs du rendement des pipelines. Par la suite, l'un des délégués internationaux s'est levé et a demandé où il pouvait acheter ces renseignements. J'ai dû intervenir et indiquer que, dès que nous aurions vérifié tous les renseignements que nous avons produits et que nous serions certains de leur exactitude, ils seraient publiés sur notre site Web.
Le sénateur Patterson : Cela est très serviable.
En ce qui concerne les systèmes de gestion de la sécurité, les exploitants de pipelines ont-ils l'habitude de les externaliser ou de les élaborer à l'interne?
M. Saad : Dans la plupart des cas, ils les élaborent à l'interne. Il se peut qu'ils embauchent des entrepreneurs tiers qui les aideront à concevoir les systèmes et à les mettre au point, mais l'élaboration de l'application en tant que telle est incontestablement entreprise par les sociétés. Leurs employés sont formés pour s'en servir; ils savent parfaitement comment ces systèmes fonctionnent. Ils représentent une partie fondamentale des systèmes de gestion que toutes les entreprises de transmission s'assurent de posséder.
Mme Kenny : Il est très utile de faire appel à des parties externes pour vérifier les systèmes, tout comme les sociétés sont tenues par la loi d'embaucher une entreprise de comptabilité pour examiner leurs résultats financiers à la fin d'un exercice. Des pratiques de ce genre sont souvent adoptées pour veiller à ce que le fonctionnement interne de ces systèmes de gestion soit aussi efficace que possible.
Le sénateur Patterson : Dans un tout autre ordre d'idées, si j'examine le témoignage que vous avez apporté en octobre devant le comité permanent de la Chambre des communes, je constate que vous avez indiqué que le plus grand risque en matière de sécurité que courait le secteur des pipelines découlait des dommages encourus par les tiers. Vous avez également mentionné qu'au Canada, les lois ne permettaient pas d'assurer la protection des pipelines contre les actions des tiers. Vous avez demandé instamment qu'on adopte un règlement fédéral plus strict qui obligerait toute partie à communiquer avec l'exploitant des pipelines avant de creuser près de ceux-ci et qui prévoirait des amendes lorsque ses dispositions sont enfreintes. Avez-vous réalisé des progrès à cet égard? L'ONE participe-t-il à l'élaboration d'une mesure législative visant à réduire ce qui semble être un risque?
M. Saad : Sénateur, nous pouvons disposer des meilleurs systèmes de gestion du monde mais, si nous n'instaurons pas des règles visant les tiers, ces derniers continueront de présenter des risques. Ce sont ces risques que nous tentons de réduire en assurant une surveillance et en utilisant d'autres méthodes, mais ils ne sont pas entièrement sous notre contrôle.
Les centres d'appels clé en main auxquels nous avons fait allusion dans nos déclarations sont un élément essentiel de cette solution, de même que la capacité de faire respecter certaines règles. L'une de nos priorités consiste à nous assurer que tous ont accès à un centre d'appels clé en main, qu'ils soient des propriétaires d'infrastructures souterraines, de pipelines ou d'autres structures, ou des gens qui planifient des travaux d'excavation. Cette mesure garantira qu'ils appellent un centre d'appels clé en main.
En ce qui concerne les mesures législatives, le gouvernement de l'Ontario vient de créer le projet de loi 8, qui exige que les gens communiquent avec un centre d'appel clé en main. C'est la première mesure législative de ce genre au Canada. Nous attendons avec impatience que d'autres mesures législatives comme le projet de loi 8 de l'Ontario soient présentées partout au pays.
Le sénateur Seidman : Madame Kenny, vous avez mentionné précisément la recherche et le développement. Je souhaite vous interroger à ce sujet. Vous avez dit que les sociétés membres de l'ACPE menaient des programmes internes de recherche et de développement. Je présume que vous parlez de programmes qui accroîtront la sécurité des pipelines. J'émets une hypothèse en ce moment, et j'aimerais que vous vous étendiez un peu sur le sujet. Vous dites que cela se passe au sein de l'ACPE, d'autres sociétés membres de l'association ou d'autres organisations, comme le Pipeline Research Council International. Pourriez-vous nous donner des précisions à ce sujet?
Mme Kenny : Certainement. L'avancement des technologies comporte divers aspects. Je vais commencer par parler de ce qui se passe au sein des entreprises, puis, je demanderai à M. Saad d'entrer dans les détails, parce que c'est son domaine de compétence.
Par exemple, nous avons parlé plus tôt de l'importance d'inspecter l'intérieur des pipelines et de faire avancer les technologies prévues à cet usage, et, parfois, nos principales sociétés de pipelines font équipe avec une certaine entreprise spécialisée dans la technologie afin de repousser les limites de la détection des microfissures qui peuvent être très difficiles à repérer. Enbridge et General Electric disposent d'un outil relatif à la fissuration qu'elles utilisent pour inspecter les systèmes canadiens et pour faire progresser cette pratique. Cet outil est unique en son genre à l'échelle internationale. En recourant à cet outil, ces entreprises rendront d'abord les systèmes canadiens plus sécuritaires, mais elles produiront également des technologies qui peuvent être utilisées de manière plus générale.
D'autres sociétés établissent des partenariats avec d'autres entreprises. L'un des objectifs que nous avons l'intention d'atteindre en collaborant est celui de trouver de meilleures façons de mettre en commun nos constatations plus rapidement. En fait, le groupe de travail de notre conseil d'administration est déterminé à réaliser cet objectif. Naturellement, de telles constatations finissent par être offertes sur le marché sous forme de technologies et de services, mais nous reconnaissons que nous pourrions progresser plus rapidement.
La prochaine étape consisterait à mener des essais en conditions réelles au sein des entreprises. Quelle est l'efficacité des matériaux et des pratiques qu'ils utilisent? Comment peut-on mesurer les résultats et adapter la technologie utilisée en conséquence?
Enfin, l'élaboration de la technologie détaillée — la recherche approfondie en laboratoire — est effectuée dans les universités et les centres de recherche du monde entier. C'est pourquoi le centre de recherche internationale sur les pipelines revêt une grande importance pour les grands projets en cours, de même que la Conférence internationale sur les pipelines. Pendant quelques jours, 1 400 experts originaires de 45 pays sont venus à Calgary pour partager leurs connaissances et pour afficher ou publier les résultats de leurs recherches avancées afin que les ingénieurs et les technologues puissent passer à l'étape suivante.
M. Saad : C'est ce genre de collaboration qui donne les meilleurs résultats, qu'il s'agisse d'une collaboration bilatérale comme celle entre Enbridge et General Electric ou de la PRCA, qui regroupe un certain nombre d'exploitants et de parties intéressées. Ils mettent tous de l'argent dans le même pot, si je peux m'exprimer ainsi, et ils coparrainent des projets. Il y a d'autres formes de collaboration que nous appelons des projets mixtes de l'industrie, dans le cadre desquels plusieurs entreprises s'associent à un organisme de recherche et s'emploient à résoudre un certain problème. Puis, il y a également les universitaires.
Mme Kenny : Au Canada, il y a le Centre of Excellence for Trenchless Technologies qui étudie, entre autres, les pipelines. Nous voulons qu'en 2013, nos recherches deviennent encore plus claires, plus ciblées. Nos programmes fonctionnent très bien, alors nous pouvons passer à la prochaine étape, selon moi.
Il est difficile de distinguer nos programmes de recherche mêmes, qui coûtent, à mon avis, des dizaines de millions de dollars par année, de nos programmes courants d'inspection interne des pipelines et de la recherche qui est menée implicitement dans le cadre de leur mise en œuvre. Je pense qu'aux dernières nouvelles, les coûts de notre programme d'exploitation et d'entretien s'élevaient à 600 ou 700 millions de dollars. Une bonne partie de cet argent est réservée à la recherche appliquée et assure la sécurité de nos activités.
Le sénateur Seidman : Pendant que vous parliez, j'ai écrit les mots « collaboration » et « recherche appliquée ». Vous avez abordé les deux sujets, et je vous en suis reconnaissante. Vous avez raison de dire qu'il faut régler la question de la recherche appliquée pour, en fin de compte, faire face aux incidents, quels qu'ils soient, qui peuvent survenir ou pour mettre à exécution des plans futuristes de développement des pipelines et de gestion des aspects environnementaux. Je suis certaine qu'il y a un grand nombre de problèmes que vous devez affronter.
Vous dites que les résultats des enquêtes sur les incidents et les suggestions des experts techniques ou même des membres du public sont utilisés pour repérer les aspects qui pourraient être améliorés. Comment faites-vous appel au public à cet égard?
Mme Kenny : Je vais tenter de répondre à votre question en premier, mais il se peut qu'ensuite, M. Saad souhaite formuler quelques observations.
Nous avons beaucoup parlé ce matin des aspects techniques de la gestion du risque. En fin de compte, la sécurité comporte deux volets, selon moi. Premièrement, il y a la question de la conception. Nous sommes tous deux ingénieurs, alors nous avons, bien entendu, l'habitude de nous pencher sur cette question. Pour assurer la sécurité, il faut, en fin de compte, que les pipelines soient bien conçus.
La sécurité est également une question de confiance publique. Les gens voient-ils les mesures de sécurité qui sont prises et se sentent-ils en sécurité? Ont-ils une impression de sécurité? Cela représente une part importante de notre responsabilité, et c'est la raison pour laquelle nos services de communication tentent d'être plus ouverts et plus transparents.
Nous voulons écouter les gens. Lorsque nous entendons les gens dire qu'ils sont préoccupés par un problème, nous, les ingénieurs, savons quand le problème n'est pas vraiment d'ordre technique et, le cas échéant, nous ne nous inquiétons pas à son sujet. Cependant, nous devons tout de même répondre à ces préoccupations et fournir des renseignements. De plus, lorsque nous envisageons notre prochaine série de pratiques exemplaires dans le cadre du programme Integrity First de l'industrie, nous procédons à des analyses du seuil de tolérance. Au cours de ces analyses, nous tenons compte de ce que les gens pensent. Qu'en est-il du cœur et de l'âme de la sécurité et non de son seul aspect technique?
M. Saad : Cela indique clairement que l'industrie a évolué. Avant, elle était du genre « ni vu, ni connu », alors que, maintenant, elle a vraiment conscience de ce que pense le public.
Comme Mme Kenny l'a déclaré, des ingénieurs se sont réunis de nombreuses fois dans le passé pour déterminer les aspects qui avaient besoin d'être améliorés. Comme Mme Kenny l'a mentionné au sujet du programme Integrity First, c'est en grande partie une question de transparence et d'opinion publique à prendre en considération. Pour être précis, en tant qu'association industrielle, il est évident que nous réalisons maintenant un plus grand nombre d'enquêtes sur l'opinion du public, mais aussi cette analyse du seuil de tolérance à laquelle Mme Kenny a fait allusion consistait entièrement à examiner la documentation et les publications externes afin de constater le genre de questions que les gens se posent le plus fréquemment.
Par exemple, notre priorité cette année est l'intégrité des pipelines et la gestion des urgences. Bien que, d'après notre processus de révision interne, nos systèmes de gestion de l'intégrité et d'intervention d'urgence soient parmi les systèmes de gestion les plus perfectionnés que nous possédons, nous avons tout de même décidé de leur accorder une grande priorité parce que nous savons que le public a d'immenses attentes à cet égard.
Le sénateur Seidman : Et leurs attentes pourraient grandir.
Vous n'avez pas utilisé les mots « permis social », ce qui est intéressant parce que, selon moi, c'est en fait ce à quoi vous travaillez.
Mme Kenny : Oui, c'est absolument exact. En tentant d'obtenir un permis social, on reconnaît en fin de compte, comme nos membres l'ont clairement fait, que, pour être en mesure de déclarer que des activités sont légitimes dans la société d'aujourd'hui, il ne suffit pas d'être autorisé par le Règlement ou par la loi à les exercer. Il est important de renouveler et de renforcer le sentiment de confiance qui peut découler de la transparence, mais il est crucial d'obtenir un permis social.
D'autre part, dans un univers de risques et de permis sociaux, nous avons un défi à relever. Lorsqu'on a le choix entre prendre ou non des risques, il est souvent très facile de dire non aux risques. En fait, pour transporter de grandes quantités de produits énergétiques, les pipelines sont plus sécuritaires que les autres options comme le transport ferroviaire ou le camionnage. Si nous, les Canadiens, avons besoin d'énergie pour divers usages, la société doit être en mesure de transporter et de livrer des produits énergétiques d'une manière aussi sécuritaire que possible. Bien entendu, par « sécurité », j'entends également la protection environnementale.
Nous devons être en mesure de reprendre le dialogue concernant le permis social d'une nouvelle façon, afin de garantir que la confiance est gagnée d'une manière informée qui cerne les questions et les préoccupations que les gens ont, mais qui ne marginalisent pas ces derniers pour autant. Il faut que nous puissions concilier le système énergétique et le système social.
Le sénateur Sibbeston : Madame Kenny, vous avez mentionné que le pipeline d'Enbridge qui part de Norman Wells se prolonge jusqu'à Zama, en Alberta. Au cours de l'été 2011, le pipeline d'Enbridge a occasionné un déversement. La société s'en est occupée, mais il a causé certains dommages. Je suis certain qu'Enbridge a dépensé des millions de dollars pour nettoyer les dégâts. Savez-vous si la société a pris des mesures préventives pour veiller à ce qu'aucun autre déversement ne se produise? Deuxièmement, connaissez-vous la politique de la société en matière d'indemnisation pour les dommages que les terrains ont subis dans le cas en question?
Mme Kenny : Sénateur, je ne suis pas au courant des particularités des politiques de cette société à cet égard, mais il y a quelques observations générales que j'aimerais formuler.
Premièrement, je n'ai jamais rencontré qui que ce soit au sein de notre industrie ou entendu un cadre supérieur qui, dans le cas d'un incident d'un genre ou d'un autre, ne s'engageait pas sans équivoque à rectifier les choses. Lorsqu'on observe un nettoyage, on remarque qu'il est grandement réglementé par tout un éventail de ministères, comme il se doit. L'assainissement et la surveillance se poursuivent continuellement jusqu'à ce que la situation soit rentrée dans l'ordre. Les sociétés indemnisent complètement les gens touchés ou s'assurent que l'assainissement est complet. Ce sont des mesures que nous soutenons, qui sont exigées par la loi et qui sont enchâssées dans le principe pollueur-payeur.
J'ajouterais également que ces grandes entreprises bénéficient d'un soutien solide et étendu, tant sur le plan financier que du point de vue des assurances. Elles rajustent constamment leurs chiffres pour s'assurer qu'elles sont tout à fait capables de financer toute éventualité.
Le sénateur Johnson : Je me sens très encouragée en vous écoutant ce matin. Je pense que vous faites un excellent travail.
Votre programme Integrity First m'a vraiment impressionnée. Pouvez-vous m'en dire un peu plus à son sujet? Lorsque vous l'avez annoncé en août, vous avez parlé de pensions, de réclamations d'urgence et d'éducation. Comment vos entreprises membres réagissent-elles à cela et, selon vous, quelles sont les chances qu'elles collaborent avec vous à cet égard?
Mme Kenny : Je vais répondre en premier, puis, je céderai la parole à M. Saad parce qu'il est le vice-président responsable de ce programme.
Je suis très heureuse d'être en mesure de diriger cette association en ce moment. Nos entreprises membres ont vraiment multiplié leurs efforts et reconnu l'avantage de collaborer avec nous en mettant en œuvre nos pratiques exemplaires.
Vous observerez d'autres programmes semblables dans d'autres secteurs. Le plus évident à signaler est le programme Gestion responsable de l'industrie pharmaceutique, qui a également été lancé par des Canadiens, il y a quelques dizaines d'années. Son besoin de prendre des mesures énergiques est survenu à une autre époque et en un autre lieu.
La question centrale est de savoir si nous souscrivons à l'idée d'améliorer nos pratiques, et c'est le cas.
Les entreprises sont-elles disposées à adopter nos pratiques exemplaires à mesure que nous les élaborons? Oui. J'affirme sans équivoque qu'elles ne tendent pas vers le plus petit dénominateur commun, mais qu'elles cherchent plutôt à se prendre en main.
En étant beaucoup plus systématiques, nous pouvons mettre l'accent sur les priorités qui importent le plus, mesurer les résultats et en rendre compte. Nous pouvons aussi communiquer ces pratiques exemplaires d'une manière transparente et inviter les gens à formuler des observations à leur sujet.
M. Saad : Votre réponse cerne très bien la question. L'important, c'est que notre association industrielle collabore depuis ses débuts, et elle célèbrera son 20e anniversaire l'année prochaine. Cette collaboration se produit. La contribution du programme Integrity First tient au fait qu'il met au point une structure afin qu'elle puisse être retracée, vérifiée et signalée, en tenant vraiment compte de la confiance du public.
Le document Stress Corrosion Cracking Recommended Practices qui a été préparé en 1997 et republié en 2007 illustre bien le fait que le programme a été adopté massivement, faute de structure. On y fait référence dans les normes nationales et il est en fait utilisé dans le monde entier. Le programme Integrity First renforcera la rigueur et la transparence.
Le sénateur Johnson : Les États-Unis ont-ils un programme comparable en ce moment?
Mme Kenny : Non, pas vraiment, mais nos homologues américains commencent à envisager la mise en œuvre d'un programme semblable dans leurs industries. La façon dont les deux pays perçoivent la sécurité est légèrement différente. Paradoxalement et heureusement, je pense que nos positions commencent à converger.
Les États-Unis avaient tendance à adopter une approche très normative; leur cadre juridique est plus litigieux. Quelques-uns de leurs organismes de réglementation sont plus politiques, et je pense qu'on a vu une approche plus fragmentaire, mais plus sécuritaire.
Il y a 20 ans, nous avons commencé au Canada à réviser notre réglementation et nos normes de sécurité relatives aux oléoducs. Elles s'alignent davantage sur l'approche européenne, qui se veut plus axée sur les questions de sécurité et plus intégrée aux systèmes de gestion.
Le thème central, c'est que vous devez toujours adopter une approche normative à l'égard de ces normes et de ces pratiques, si bien que vous ne pouvez pas vous dissocier de ces exigences. Dans le cadre d'un système complexe, vous ne parviendrez cependant jamais à réduire le nombre d'incidents à zéro uniquement en adoptant une approche normative à l'égard de la sécurité. Vous devez adopter une approche globale et ne ménager aucun effort en matière de gestion des risques. Vos organismes de réglementation doivent obliger les entreprises à avoir ces systèmes en place. Comme M. Saad l'a signalé tout à l'heure, ce sont ces systèmes mis au point par le travailleur sur le terrain, qui est en partie responsable de la sécurité au quotidien. Si vous n'adoptez pas cette approche, vous n'atteindrez jamais vos objectifs de sécurité, du moins pas au même niveau.
Nous constatons désormais que le Canada et les ÉtatsUnis ont des normes et des systèmes de gestion solides. Je m'attends à ce que l'on relève davantage de points communs, mais on ne veut pas que le Canada retourne à un système normatif, sachant que les systèmes comme celui en Europe sont plus sécuritaires et compte tenu des objectifs que l'on cherche à atteindre puis, 20 ans.
M. Saad : Les Américains, y compris les organismes de réglementation, ont communiqué avec nous pour en savoir plus sur le programme Integrity First et sur l'incidence qu'il pourrait avoir sur leur pays.
Le sénateur Johnson : Je suis ravie que l'on fasse preuve d'autant de leadership dans ce dossier.
Le sénateur Massicotte : J'aimerais poser rapidement une question d'ordre technique. Je veux qu'on parle du Québec. Vous avez apparemment dit dans un discours, et je pense que le sénateur Patterson l'a souligné, que le plus grand risque était les dommages causés par d'autres et non pas par les oléoducs. Toutefois, si je me fie aux données pour l'Alberta, les dommages causés par d'autres en 2008 ne représentaient que 10 p.100 de tous les dommages et n'étaient pas le plus important facteur d'incident. Est-ce exact?
Mme Kenny : Tout à fait. Je suis contente que vous soyez revenu sur ce point, sénateur. Je tiens à préciser que lorsqu'on dit que le plus grand risque est la prévention des dommages, on craint que les incidents soient en hausse. Le nombre d'incidents évités a augmenté considérablement. Il y a environ 25 ans, un résident de l'Ontario a perdu la vie en heurtant un oléoduc. On parle ici de personnes qui évitent des accidents de justesse, ce qui n'est jamais bon pour la sécurité. Nous sommes préoccupés par le niveau de risque à la hausse, surtout compte tenu que les villes prennent de l'expansion et sont sur le point de renouveler leur infrastructure, telle que leurs réseaux d'aqueduc.
Si on ne se renseigne pas avant de creuser, il est très risqué qu'un tiers cause des dommages puisque les autres entrepreneurs travaillent près des oléoducs.
Heureusement, l'oléoduc ne contenait pas de gaz naturel, sinon il est presque certain que des gens auraient perdu la vie. À Burnaby, un incident est survenu avec l'oléoduc Trans Mountain de la société Kinder Morgan il y a quelques années. Un entrepreneur avait décidé de ne pas se renseigner pour connaître l'emplacement de l'oléoduc et croyait qu'il heurtait une roche. Ce n'était pas une roche, mais un oléoduc sous haute pression. On a dû évacuer 12 résidences pendant un bon moment pour procéder à un nettoyage majeur. Du pétrole s'est déversé dans la baie Burrard. Heureusement, on a pu le récupérer à 100 p. 100. Il n'y a eu aucun effet sur l'environnement et personne n'a été blessé, mais ces incidents nous effraient car ils sont tout à fait évitables. C'est un risque que nous ne pouvons pas maîtriser complètement. Nous sommes inquiets du nombre croissant d'incidents et de quasi-incidents.
Le sénateur Massicotte : Permettez-moi de me concentrer sur le Québec. Un débat en cours porte sur une demande de l'un de vos membres pour inverser la direction de l'écoulement du contenu d'un oléoduc qui part de Sarnia et se rend jusque dans l'Est du Canada. Si c'est possible, j'aimerais que vous me donniez des mesures scientifiques. Quels sont les risques d'incident si l'on compare au pétrole en provenance de l'Amérique du Sud? Pouvez-vous comparer les deux?
Mme Kenny : Oui, c'est une excellente question. Je n'ai pas les statistiques avec moi relativement aux risques des pétroliers et des oléoducs pour le Québec, mais je pense qu'il faut reconnaître que s'il est bien surveillé, un oléoduc sera plus sécuritaire qu'un pétrolier qui navigue sur les eaux. De façon globale, on utilise chaque jour environ 90 millions de barils de pétrole, et si le carburant n'est pas acheminé par oléoduc, il sera transporté par pétrolier. Le bilan en matière de sécurité est maintenant excellent et les nouvelles normes relatives à la navigation des pétroliers à double coque, entre autres, sont meilleures qu'elles étaient il y a 20 ans.
En ce qui concerne cet oléoduc, il est très important d'indiquer qu'il a été conçu à la suite de l'embargo pétrolier pour acheminer le pétrole brut de l'Ouest jusqu'au Québec afin d'assurer la sécurité énergétique. Vingt ans plus tard, on a établi que les marchés mondiaux étaient efficaces et que les problèmes liés à la sécurité énergétique n'étaient pas aussi importants, si bien qu'on a décidé de faire venir le pétrole brut de l'étranger et de le transporter jusque dans la région de Sarnia.
Les marchés pétroliers ont encore changé. Nous avons une production croissante au Canada et une occasion d'offrir de manière sensée plus de pétrole brut canadien à plus de Canadiens. Le changement de la direction de l'écoulement du contenu d'un oléoduc ne présente aucun risque additionnel pour la sécurité. C'est un système qui a été bien surveillé tout au long de sa relativement courte existence. Je pense que les audiences qui sont en cours feront la lumière sur les préoccupations et permettront d'y répondre, mais dans l'ensemble, je dirais que c'est un projet très sécuritaire.
Le sénateur Massicotte : Admettons qu'un déversement survient. Si l'on compare un navire et un oléoduc, certains soutiendront que dans la contamination sera probablement moins importante en mer que sur terre, compte tenu de la séparation naturelle des atomes qui se produit. Ce que je viens de dire est-il exact et pertinent?
Mme Kenny : Je ne pense pas que ce soit exact, sénateur. La procédure pour remédier aux déversements terrestres est bien comprise et bien appliquée. Nous la mettons en pratique depuis de nombreuses décennies, conformément à la réglementation environnementale. Il est important de se rendre sur les lieux pour nettoyer et surveiller les travaux de restauration. Un certain nombre de mesures sont prises.
Toutefois, au bout du compte, une partie du sol est acheminée à un site pour faire l'objet d'une biorestauration. Il est important de reconnaître que les hydrocarbures ne sont que des molécules complexes semblables à celles des plantes et même du corps humain. Quelquesunes des techniques les plus efficaces consistent à laisser la nature suivre son cours et à décomposer le pétrole pour en faire avec le temps un immense tas de compost où les microbes divisent le pétrole en particules d'hydrocarbure de plus petite taille.
Je n'essaie pas de simplifier les choses, mais la procédure à suivre pour remédier aux déversements terrestres est bien comprise, bien réglementée et bien connue.
Le sénateur Lang : J'aimerais revenir sur un autre point. Je sais que vous faites tout en votre pouvoir pour minimiser les risques en collaboration avec les différentes entreprises que vous représentez, mais en même temps, d'après les renseignements dont nous disposons, il arrive malheureusement de temps à autre ce qu'on appelle des ruptures d'oléoduc.
Je vais prendre l'exemple de la rupture qui est survenue dans la région de Peace River cette année. Je veux passer à l'étape suivante. Je soulève la question parce que nous sommes en train de discuter de la sécurité, et nous savons qu'un incident survient de temps en autre. Les questions qui se posent sont les suivantes : Comment réglons-nous la situation lorsqu'il y a un incident et faisons-nous tout en notre pouvoir pour remplir toutes les obligations, tant sur les plans social qu'économique? Ceux qui sont contre les oléoducs ont un message à transmettre. À mon avis, leur jugement se fonde sur des demi-vérités dans certains cas et dans d'autres, ils ont peur que les gens ne comprennent pas.
Lors de la rupture qui est survenue en 2011, il a fallu régler un certain nombre de questions. Premièrement, il y avait la responsabilité sociale des personnes directement touchées et, deuxièmement, le nettoyage environnemental. Vous pourriez peut-être décrire comment les entreprises ont assumé leurs responsabilités sociales et si elles l'ont fait à la satisfaction des gens touchés.
Comme vous l'avez expliqué plus tôt au sénateur Massicotte, c'est un produit naturel qui se fond dans l'environnement jusqu'à un certain point. Avons-nous réussi à effectuer un nettoyage acceptable aux yeux de la population de la région? On n'entend jamais parler de ce qui se passe après une rupture.
Mme Kenny : Merci de votre question, sénateur. Comme pour les autres questions qui avaient trait à une entreprise précise, je peux seulement fournir des renseignements généraux sur ce que je sais. L'entreprise en question ou ses organismes de réglementation pourraient fournir plus de détails.
Je dirais que tout le monde est concerné lorsqu'un incident survient. En tant que société, nous sommes tous très intéressés par la communication des renseignements aux populations locales. Les plans d'intervention d'urgence des entreprises comprennent une longue liste de personnes à contacter et des procédures détaillées pour gérer la situation. Je pense que dans ce cas-ci, les collectivités ont reçu l'information rapidement, d'après le document que j'ai vu. On s'inquiétait au début de savoir si on avait fourni suffisamment de renseignements et s'ils avaient été communiqués assez rapidement. Je ne peux pas répondre à cette question, mais je sais que l'entreprise a mené de vastes consultations dans les collectivités pour s'assurer de répondre de façon satisfaisante aux questions et aux préoccupations.
Deux ans après, j'ai vu un rapport préliminaire sur cet incident dans lequel on indiquait que la récupération du pétrole brut était pratiquement terminée, et ce, presque à 100 p. 100. On n'a pas laissé le pétrole sur le site pour le décomposer; on l'a retiré du site pour le traiter séparément. Nous n'avons pas pu sauver quelques animaux, mais leur nombre était peu élevé. La restauration du site se poursuivra jusqu'à ce que l'entreprise, les résidents locaux et les organismes de réglementation soient satisfaits, et je pense que nous sommes sur le point de l'être dans ce cas-ci.
Je suis contente que vous ayez posé la question car ce que j'entends souvent, c'est que si un incident concernant un oléoduc survenait, cela aurait des effets importants, dévastateurs et permanents. Ce n'est tout simplement pas le cas. Les déversements sont circonscrits au niveau régional et sont nettoyés très rapidement, en l'espace de quelques semaines ou mois pour la première étape et en l'espace de quelques années pour la récupération tertiaire.
Dans la plupart des cas, on procédera sans tarder au renouvellement complet de l'habitat pour que le site redevienne florissant en peu de temps. La surveillance des travaux permettra à tous nos membres, grâce à la collaboration qui a eu lieu par l'entremise du programme Integrity First et de notre groupe de travail environnemental, de savoir comment nous pouvons apprendre de cette intervention environnementale et des mesures prises par les intervenants. Vous avez d'ailleurs posé une question à ce sujet.
M. Saad : J'ajouterais simplement qu'il faut réitérer l'importance que les entreprises s'engagent à remédier à ces incidents. Peu importe l'incident auquel vous faites référence, c'est un engagement indéfectible qu'ont pris nos entreprises membres. Elles ne s'arrêtent pas avant d'avoir terminé le travail.
Pour revenir à l'une des autres questions qui ont été posées, nos entreprises membres veulent échanger des renseignements et collaborer pour pouvoir tirer des leçons. Chaque incident a ses particularités; nous les présentons et apprenons de celles-ci.
Le sénateur Lang : Puisque vous êtes ici, j'aimerais vous poser une question au sujet des cours d'eau — qui préoccupent grandement les Canadiens — et des nouvelles technologies. Je crois savoir que les oléoducs passeront en grande partie sous les rivières plutôt que par-dessus. Avez-vous déjà entendu parler d'une rupture d'un oléoduc sous l'eau?
Mme Kenny : Non, pas que je sache.
M. Saad : Je tiens à préciser que la grande majorité des oléoducs sont enfouis sous l'eau. Ce dont on parlait au sujet du forage horizontal dirigé, c'est qu'on n'a pas du tout à creuser dans l'eau pendant l'installation. On fore des niches des deux côtés du cours d'eau et on fore la conduite quand elle est sous l'eau, à une bonne profondeur. Dans le cas du forage dirigé, on le fait souvent à plus de 10 mètres sous l'eau. C'est donc très sécuritaire. On érige un mur très épais dans les franchissements de rivière pour s'assurer que l'oléoduc est plus robuste qu'il l'est normalement.
On a enregistré quelques échecs au fil des ans, à cause de conduites qui ont été emportées par le puissant courant des rivières. C'est un risque que j'ai dû prendre. On a maintenant des plans de gestion solides pour surveiller tous les franchissements de rivière. Toutes nos entreprises membres assurent une surveillance — nous avons parlé de la stabilité des pentes, de la profondeur à laquelle la conduite est enfouie pour s'assurer qu'elle n'est pas exposée en cas d'inondation, par exemple.
Mme Kenny : Les franchissements de cours d'eau reposent sur la conception, la construction et la surveillance pendant qu'elles sont en opération. Pour ce qui est de la surveillance, l'Association canadienne de pipelines d'énergie a un manuel sur le franchissement de cours d'eau, que nous avons préparé en collaboration avec d'autres associations. Une deuxième version a été produite. Le manuel a été utilisé pour...
M. Saad : C'est la troisième version, en fait.
Mme Kenny : Il est vieux de six ou de sept ans maintenant.
M Saad : C'est exact.
Mme Kenny : Le manuel a été utile pour connaître la meilleure façon de procéder et a servi de guide aux organismes de réglementation.
Nous sommes en train d'en préparer un pour la surveillance des opérations. Jusqu'à maintenant, chaque société avait ses propres plans de surveillance, qui étaient régis par leurs propres organismes de réglementation. Nous avons l'occasion d'avoir les meilleures normes dans l'ensemble de l'industrie, et nous avons tout intérêt à le faire rapidement.
Le sénateur Wallace : J'aimerais revenir à une question qui a été soulevée par le sénateur Lang pendant la première série de questions, lorsqu'il a parlé de l'incident mettant en cause un pipeline qui s'est produit en 2010 dans la rivière Kalamazoo, au Michigan. Comme le sénateur Lang l'a souligné, le National Transportation Safety Board, dans l'examen qu'il a mené après les événements, a critiqué la réglementation fédérale qui était en place à l'époque et a aussi critiqué certaines mesures prises par la société de pipeline et la façon dont elle a réagi et a réglé le problème avant et après l'incident. J'ai pensé que le sénateur Lang voulait en venir à la question suivante : lorsque l'on compare ces situations, le résultat aurait-il été différent de ce qui s'est produit au Michigan, ou pourrait-il l'être? En ce qui a trait à la réglementation fédérale, la surveillance réglementaire et la conformité requise dans la situation au Michigan, est-ce différent ici au Canada? Les exigences réglementaires de l'ONE sont-elles à ce point différentes que l'on pourrait être certain de ne pas avoir un tel résultat au Canada?
Mme Kenny : Je pense qu'elles sont plus strictes au Canada en raison de l'attention que l'on porte au système de gestion de même qu'aux normes minimales. L'ONE a réagi aux résultats de l'incident aux États-Unis en procédant à une vérification détaillée de la salle de commandes de cette société pour s'assurer que tout avait été mis en œuvre pour progresser et tirer des leçons de cet incident. Nous prenons note de toutes ces conclusions et nous les intégrons dans l'ensemble de l'industrie, et dans les pratiques et apprentissages que nous mettons en œuvre.
Cela pourrait-il se produire ici? Peut-être. La réglementation canadienne est-elle plus stricte que celle des États-Unis? Oui. Apprenons-nous toujours les uns des autres? Oui.
M. Saad : Une des principales caractéristiques du système de gestion — et je ne veux pas trop insister sur ce point —, c'est ce que j'ai indiqué dans mon exposé. Nous sommes à un degré de complexité où il n'y a pas vraiment de solution magique. Nous ne pouvons atteindre l'excellence dont nous avons besoin qu'en repoussant constamment nos limites sur plusieurs fronts. C'est là le génie des systèmes de gestion. Dans beaucoup d'industries, on a démontré que l'apprentissage continu — planifier, faire, vérifier, agir — permet de mettre en œuvre des pratiques de plus en plus exemplaires dans tout ce qu'on fait. C'est ce qui permet vraiment d'atteindre l'excellence, et c'est aussi ce que vise le système canadien de réglementation.
Mme Kenny : Oui.
Le sénateur Wallace : Merci de vos réponses.
Le vice-président : J'ai plusieurs questions, et j'aimerais poursuivre dans la même veine que le sénateur Wallace, dont les questions se rapportaient à celles du sénateur Lang.
Nous mettons tous beaucoup l'accent sur la technologie. Lors de notre étude de trois ans sur l'énergie, nous sommes allés en Colombie-Britannique où nous avons vu une immense salle de commande pour un système électrique. Nous avions l'impression qu'il y avait peut-être un système de contrôle de ce genre pour le pipeline, où l'on surveillait la pression, et cetera. Cependant, dans le cas de Kalamazoo, il semble que les indicateurs ou les jauges ont indiqué un problème pendant 17 heures et les gens n'ont pas réagi; ils en ont fait une mauvaise lecture.
Vous mettez beaucoup d'accent sur les systèmes de gestion, comme il se doit, mais si une des principales sociétés de pipeline au monde, la plus avancée et probablement l'une des mieux financées a connu ce genre de problème par rapport à son système de gestion, comment peut-on avoir la certitude que ce genre de technologie peut être exploitée de façon efficace?
Deuxièmement, qu'en est-il des systèmes de gestion dans ce contexte où l'on a de très grandes sociétés et des sociétés de plus en plus petites? Comment cette technologie s'applique-t-elle? Prévoit-on qu'elle puisse être améliorée à l'avenir?
Mme Kenny : Lorsqu'il est question de systèmes de gestion, beaucoup de composantes doivent être intégrées. D'abord, pour ce qui est des technologies de détection des fuites, comment peut-on voir qu'il y a peut-être un problème? Lorsqu'il y a un problème par rapport aux paramètres ou à la pression du pipeline, c'est lié à la technologie. Comment est-ce transmis à la salle de contrôle central? Qu'est-ce qui est réglé automatiquement au lieu de faire l'objet d'une alarme? Il y a aussi les procédures dans la salle de contrôle. Que font les gens? Comment évaluent-ils la situation? Comment l'information est-elle validée et confirmée? Comment procède-t-on à une inspection visuelle, et cetera?
Dans le cas de Kalamazoo, comme l'indique le rapport du National Transportation Safety Board, plusieurs facteurs cumulatifs ont mené à ce résultat très inhabituel et très dérangeant. Voilà pourquoi nous tenons tant à ce qu'on en tire des leçons. Comme M. Saad l'a dit, il n'y a pas de solution unique, de solution magique; il s'agit de l'interaction de ces différents facteurs.
Au Canada, l'industrie a reconnu que la technologie de détection des fuites et les procédures dans les salles de contrôle sont deux des grandes priorités pour les six prochains mois. Cela a confirmé la nécessité de s'attaquer résolument à ce problème.
M. Saad : Sans nécessairement entrer dans les détails, le modèle du fromage suisse explique comment surviennent les incidents dans le cas des systèmes modernes complexes. Il y a des couches successives de fromage suisse, et lorsque les trous sont alignés, des défaillances multiples doivent se produire pour que survienne un incident. Ce qui fait en sorte qu'il est peu probable que cela se produise fréquemment, c'est que les trous sont rarement alignés. Malheureusement, c'est ce qui s'est passé dans ce cas-là et, comme Mme Kenny l'a indiqué, ce fut attribuable à de multiples conditions d'exploitation inhabituelles et atypiques.
Cela dit, de notre point de vue, l'essentiel c'est que l'industrie en est consciente et qu'elle en tire des leçons. Tout comme pour la gestion du franchissement des cours d'eau dont nous venons de parler, nous étudions les systèmes des salles de contrôle afin d'adopter des pratiques exemplaires.
Pour répondre à l'autre partie de votre question, il est aussi utile que les connaissances de la société la plus perfectionnée soient transmises à certaines des plus petites sociétés et aux entreprises qui n'ont peut-être pas accès à tous les outils. Cela les aide à atteindre le même degré de perfectionnement que les grandes sociétés.
Mme Kenny : Pour réussir à assurer la sécurité, il faut bien entendu utiliser une méthode adaptée à l'objectif. Lorsqu'on exploite un système plus petit et plus simple, il n'est pas nécessaire d'avoir une salle de contrôle aussi complexe que si l'on exploite au centre-ville de Calgary une salle de contrôle à l'échelle d'un continent, pour ainsi dire, du point de vue de TransCanada, dans le cas présent. Il y aura une augmentation de la complexité qui sera adaptée aux conditions d'exploitation du système en question.
Le vice-président : Ma prochaine question est plutôt technique et lorsque je la poserai, il sera évident que je ne suis pas ingénieur.
Par rapport à la question du sénateur Ringuette concernant la détection de la corrosion, je crois savoir que votre réponse était notamment qu'il y a des mécanismes ou des technologies qui sont intégrées au pipeline et qui permettent de détecter la corrosion. Ces mécanismes doivent être en mesure de détecter la corrosion sur la face externe du pipeline parce que c'est là, en partie, qu'elle commencerait. On n'a donc pas à attendre qu'il y ait une perforation, car à ce moment-là, il serait trop tard. Pourriez-vous nous donner un aperçu du fonctionnement de cette technologie?
M. Saad : Les outils d'inspection sont parfois aussi appelés des « racleurs intelligents ». Essentiellement, il s'agit de dispositifs ayant la forme d'une torpille; ils sont équipés d'ordinateurs, de batteries et de capteurs. Les pipelines sont conçus en fonction de leur utilisation. On les lance dans la canalisation et ils se déplacent avec le liquide. On les reçoit à l'autre extrémité de la section de la canalisation. On parle d'une distance possible de 50, 60, 100 kilomètres. Pendant le trajet, le racleur recueille des données sur les parois de la canalisation.
On utilise principalement deux types de technologies. Le premier est le contrôle des pertes de flux magnétique, une technologie semblable à l'imagerie par résonance magnétique utilisée dans le domaine médical. On utilise le champ magnétique de la paroi de la canalisation pour détecter un amincissement de la paroi ou des fissures. L'autre est l'ultrason, comme ce qu'on utilise pour le matériel médical, encore une fois. Ces dispositifs se déplacent et l'ultrason convient particulièrement à la détection de l'amincissement de la paroi ou la détection de fissures.
On les combine de différentes façons pour détecter la corrosion ou les fissures à la surface au moment où elles commencent à apparaître, comme vous l'avez indiqué, monsieur le sénateur. Ces technologies permettent de fournir les indices révélateurs aux ingénieurs qui téléchargent et analysent ces données, comme le font les radiologistes, dans une situation médicale, pour établir un diagnostic. Ils sont capables de les mesurer, d'en déterminer la taille et de savoir lesquelles s'approchent d'un seuil critique ou non.
Le vice-président : Autour de cette table, la majorité d'entre nous serait prête à croire que les mécanismes du marché permettent d'établir un prix, ce qui m'amène à la question suivante : dans quelle mesure les droits d'utilisation d'un pipeline reflètent-ils les considérations relatives à la responsabilité ou à la sécurité, la probabilité du risque?
Permettez-moi de préciser cela davantage. Lorsque vous évaluez ce coût dans votre tarif, cela varie-t-il s'il s'agit d'un pipeline pour lequel le calfeutrage utilisé n'est peut-être pas d'aussi bonne qualité? Cela varie-t-il en fonction de l'âge du pipeline, selon la configuration du terrain, ou est-ce que chaque société établit une moyenne pour l'ensemble de son réseau? Comment l'évalue-t-on? Quel est le calcul?
Mme Kenny : Généralement, le tarif est fondé sur la distance et le coût total d'exploitation. Pour la plupart des sociétés, les programmes de sécurité sont traités séparément; on ne veut pas inciter au laxisme à cet égard; les programmes doivent être aussi exhaustifs et adéquats que possible. Le coût est inclus dans les coûts d'exploitation; il est ensuite réparti dans l'ensemble des expéditeurs. Il est possible que les coûts d'entretien d'un système soient plus élevés que pour un autre, parce que le programme d'entretien est mieux adapté au système en question, mais on ne fait pas de distinction en fonction d'une distance précise ou d'un emplacement précis.
Le vice-président : Cette question pourrait être plus provocatrice que je le voudrais, mais je ne vois pas comment la poser autrement.
À Hamilton, il y a un centre de recherche que nous espérons avoir l'occasion de visiter. Il s'agit du Canmet, un centre de recherche fédéral, qui étudie la corrosion. À l'échelle internationale, il est probablement parmi les chefs de file dans ce domaine. Certains diront qu'il s'agit là d'une subvention à l'industrie, c'est-à-dire que c'est l'industrie elle- même qui devrait mener ce genre de recherches. Pourriez-vous nous donner une idée de l'importance d'un tel centre de recherche public et nous dire en quoi l'industrie y est liée?
Mme Kenny : Dans toute économie moderne, on reconnaît que le gouvernement joue un rôle important en ce qui concerne la stimulation du développement de la technologie, particulièrement pour les secteurs de pointe qui ne sont pas rendus à l'étape de l'application concrète. On peut le voir en Australie, par exemple, où l'on a adopté une approche très dynamique pour la recherche sur les pipelines. Axée sur les priorités, cette recherche est une collaboration entre le gouvernement, l'industrie et les universités. Le ministre australien de l'Énergie a indiqué publiquement que les pipelines figurent parmi les quatre secteurs principaux de l'économie qui leur permettra de s'assurer du maintien d'un marché d'exportation viable qui demeurera sécuritaire et prospère. Ce n'est qu'un exemple. Cela fait partie du partenariat qui est axé sur l'intérêt public.
Le Centre canadien de la technologie des minéraux et de l'énergie est bien connu, et ce, depuis de nombreuses années. Lorsque j'étais étudiante de deuxième cycle en métallurgie du soudage, j'ai reçu une bourse du Canmet. Je ne vous ennuierai pas avec des détails sur les éléments de microalliage et les passes de soudage, mais ce sont des facteurs qui ont pendant longtemps favorisé des recherches qui n'auraient pas nécessairement été la priorité des exploitants, mais qui ont joué un rôle fondamental pour l'acquisition de connaissances scientifiques et qui ont permis aux Canadiens d'être des chefs de file dans les domaines de la fabrication de l'acier et de la sécurité.
Le sénateur Massicotte : Lorsqu'il y a un déversement et des dommages causés à l'environnement, je ne sais pas si la loi est adéquate. Êtes-vous responsable de tous les dommages que vous avez causés ou, à l'instar de l'industrie nucléaire, y a-t-il une limite quant aux responsabilités? Est-ce illimité?
Mme Kenny : Il n'y a aucune limite.
Le sénateur Massicotte : Vous êtes entièrement responsable de l'assainissement. Sur le plan juridique, avez-vous une responsabilité à l'égard de quiconque ayant subi un préjudice en raison du déversement?
Mme Kenny : Oui.
Le vice-président : C'est ma dernière question, sous réserve de votre réponse.
Vous avez remarqué — et je pense que vous y avez aussi fait allusion spontanément — que l'un des fils conducteurs de nos questions est l'idée de l'acceptation sociale et l'importance de la favoriser dès maintenant. C'est une nouvelle époque, pour ainsi dire. On pourrait presque dire que ces projets ne sont jamais refusés à la suite d'une évaluation environnementale. Les évaluations environnementales renforcent la capacité de mettre en œuvre ces projets de façon adéquate. C'est maintenant un élément distinct de l'acceptation sociale. Un des aspects consiste à établir une crédibilité pour que les gens aient la certitude que c'est sans danger pour l'environnement. À ma connaissance, je remarque que l'industrie n'attaque pratiquement jamais les groupes environnementaux, ne les critique pas ou ne les dénigre pas publiquement, contrairement à d'autres leaders d'opinion. Est-ce utile?
Mme Kenny : C'est une excellente question. Je pense qu'il est toujours important d'éviter la polarisation. Il est important d'être irréprochables et de s'attendre à ce que toutes les parties concernées — les environnementalistes, l'industrie, les gouvernements et les intervenants — fassent preuve d'un certain degré d'honnêteté et de franchise, et aussi de tendre vers ce qui importe vraiment pour les Canadiens.
S'il convient à une personne ou un groupe de créer des mythes conçus pour semer la peur, je pense que c'est tout à fait inapproprié, surtout au sein de la société canadienne. C'est peut-être convenable ailleurs, mais ce ne l'est pas ici et ce n'est pas quelque chose que nous cautionnons. Nous avons comme politique de ne pas tolérer le mensonge; nous nous opposons farouchement et nous répliquons à tous les propos incendiaires et carrément faux que choisissent sciemment d'émettre certaines personnes, parce que je pense que c'est absolument injuste envers le public. Les Canadiens ont de très importantes décisions à prendre. Il est essentiel d'être informés, de connaître les faits et d'avoir des discussions rationnelles. Je pense que c'est fondamental.
Est-ce utile? Je pense qu'être négatif n'est jamais utile. Je crois qu'être honnête et dénoncer le mensonge est utile. Nous continuerons d'agir ainsi et d'essayer de présenter les faits tels que nous les connaissons. Je comprends que ceux qui nous regardent aujourd'hui, ou qui nous posent des questions puissent se méfier de l'industrie pour une raison ou une autre. Tout ce que nous pouvons faire, c'est d'assumer nos responsabilités et d'être aussi francs, honnêtes et transparents que possible.
Le vice-président : Vous avez certainement fait connaître ce point de vue au nom de votre industrie aujourd'hui. Nous vous en sommes très reconnaissants. Merci beaucoup à vous deux. J'aimerais souligner, à la fois pour vous et le public, que je suis d'avis qu'il s'agit d'un comité formidable et que nous avons eu une excellente discussion aujourd'hui. Je remercie le comité de son travail. Je suis fier d'en faire partie. Merci beaucoup.
Mme Kenny : Merci de nous avoir accueillis.
(La séance est levée.)