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ENEV - Comité permanent

Énergie, environnement et ressources naturelles

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent de
l'Énergie, de l'environnement et des ressources naturelles

Fascicule 36 - Témoignages du 5 février 2013


OTTAWA, le mardi 5 février 2013

Le Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles se réunit aujourd'hui, à 17 h 1, pour étudier l'état actuel de la sécurité du transport en vrac des hydrocarbures au Canada.

Le sénateur Richard Neufeld (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Je vous souhaite la bienvenue à cette séance du Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles. Il s'agit de notre première réunion en 2013. Je m'appelle Richard Neufeld, et je représente la province de la Colombie-Britannique au Sénat; je préside en outre ce comité. Je tiens à souhaiter la bienvenue à tous les honorables sénateurs, aux membres du public qui sont ici avec nous, ainsi qu'aux téléspectateurs qui suivent notre séance un peu partout au pays.

Je ferai un tour de table et demanderai aux sénateurs de se présenter, mais j'aimerais tout d'abord vous présenter le vice-président, le sénateur Grant Mitchell, de l'Alberta. Je vais commencer par ici.

Le sénateur Patterson : Dennis Patterson, du Nunavut.

La sénatrice Seidman : Judith Seidman, de Montréal, Québec.

Le sénateur Wallace : John Wallace, du Nouveau-Brunswick.

Le sénateur Sibbeston : Je m'appelle Nick Sibbeston, et je suis des Territoires du Nord-Ouest.

Le sénateur Massicotte : Paul Massicotte, de Montréal.

Le sénateur Lang : Dan Lang, du Yukon.

La sénatrice Ringuette : Pierrette Ringuette, du Nouveau-Brunswick.

Le président : Merci. Nous sommes également accompagnés de Lynn Gordon, notre très compétente greffière, qui travaille pour nous depuis longtemps; et de Marc LeBlanc et Sam Banks, de la Bibliothèque du Parlement.

Le 28 novembre 2012, le Sénat a autorisé notre comité à entreprendre une étude sur la sécurité du transport des hydrocarbures au Canada. Dans le cadre de celle-ci, le comité examinera et comparera les régimes de réglementation, les normes et les pratiques exemplaires appliqués au Canada et à l'étranger en ce qui concerne le transport sécuritaire des hydrocarbures au moyen de pipelines, navires pétroliers et trains.

La première partie de l'étude porte sur la sécurité des pipelines de transport, soit des pipelines à haute pression et de plus grand diamètre qui sont utilisés pour le transport sur de longues distances. L'étude portera également sur le rôle des autorités de réglementation et de l'industrie dans la promotion de fonctionnement sécuritaire tout au long du cycle de vie des oléoducs et des gazoducs de transport au Canada. Le comité a déjà tenu deux séances sur ce sujet, soit les 6 et 13 décembre.

Pour commencer la séance d'aujourd'hui, j'ai le plaisir de vous présenter, de Ressources naturelles Canada, Mark Corey, sous-ministre adjoint, Secteur de l'énergie; Jeff Labonté, directeur général, Division des ressources pétrolières; John Foran, directeur, Division de l'analyse des politiques et des affaires réglementaires du pétrole et du gaz; et Sankara Papavinasam, chercheur scientifique CanmetMATÉRIAUX, Secteur des minéraux et des métaux.

Monsieur Corey, je crois savoir que vous prononcerez une déclaration préliminaire, puis, que nous passerons à une période de questions-réponses.

J'aimerais rappeler aux honorables sénateurs que nous attendons un autre témoin pour la deuxième portion de notre réunion, soit M. Gaétan Caron, président et premier dirigeant de l'Office national de l'énergie du Canada. Par conséquent, chers collègues, lorsque nous en serons à la période de questions, je vous demanderais de bien vouloir demeurer concis; j'en demanderais autant à nos participants, tout en vous assurant de répondre aux questions.

Nous vous laissons maintenant la parole, monsieur Corey.

[Français]

Mark Corey, sous-ministre adjoint, Secteur de l'énergie, Ressources naturelles Canada : Je voudrais tout d'abord vous remercier pour votre invitation. Je pense que c'est la cinquième ou la sixième fois en un an que nous témoignons ici, devant vous, sur les questions importantes concernant l'énergie. Nous apprécions votre intérêt pour les questions énergétiques.

La question des pipelines est très importante pour nous, à Ressources naturelles Canada.

[Traduction]

Tout d'abord, nous vous avons fourni un dossier de présentation et souhaiterions vous rappeler brièvement l'historique des pipelines au Canada. Ensuite, nous aimerions expliquer pourquoi ceux-ci font maintenant presque quotidiennement la une des journaux, et pourquoi on s'intéresse autant à l'expansion des pipelines. Troisièmement, nous aimerions aborder le bilan du Canada en matière de sécurité et les divers rôles du gouvernement fédéral, des gouvernements provinciaux et des autorités de réglementation.

Comme vous avez indiqué, Gaétan Caron de l'Office national de l'énergie va comparaître pendant la deuxième heure. En lui parlant avant la séance, nous l'avons informé de notre intention de nous en remettre à lui pour qu'il réponde aux questions vraiment épineuses pendant cette deuxième heure.

Allons maintenant à la page 3 du dossier de présentation. Le Canada, bien entendu, est de nature complexe en raison de notre système fédéral, provincial et territorial. En examinant la question des pipelines, on voit que le gouvernement fédéral intervient au moment où les pipelines traversent une frontière provinciale ou internationale. C'est l'Office national de l'énergie qui régit les aspects liés aux pipelines interprovinciaux et internationaux. Il est responsable de la prospection, du développement et de la réglementation au nord du 60e parallèle, ce qui explique notre intervention liée aux pipelines. L'ONE y joue un rôle également.

Pour toutes les activités liées à tout ce qui se passe à l'intérieur d'une province, telles que la propriété et la gestion des ressources énergétiques dans la province, eh bien, cela relève de la province, ce qui comprend les lois et règlements sur la prospection, le développement, la conservation et l'utilisation de l'énergie à l'intérieur de la province; ainsi que les régies des services publics qui supervisent la production, la transmission intraprovinciale, le stockage et la distribution de l'énergie, soit par des pipelines ou des lignes de transmission. L'aménagement du territoire relève également de la province.

J'aimerais maintenant aborder les domaines de la responsabilité partagée. Premièrement, je voudrais parler de l'environnement.

[Français]

Nous partageons des responsabilités sur les questions environnementales avec les provinces.

Deuxième chose, pour ce qui est de la recherche, nous avons des capacités scientifiques de Recherche et Développement au niveau fédéral, et ces capacités sont vraiment complémentaires à celles des provinces et des territoires.

Finalement, nous avons en place un système de cogestion avec les provinces dans les zones extracôtières —

[Traduction]

... dans le secteur extracôtier, par exemple, avec Terre-Neuve-et-Labrador et la Nouvelle-Écosse. Nous avons également conclu un accord avec le Québec et nous sommes en train d'élaborer la législation relative au secteur extracôtier qui est là.

Voici donc les domaines où le gouvernement fédéral joue un rôle très actif, où les gouvernements provinciaux interviennent et où nous avons une responsabilité partagée.

Je dirais que nous avons un organisme de réglementation très fort. En effet, à l'heure actuelle, nous avons un bon nombre d'organismes de réglementation au Canada. Par exemple, pour le secteur terrestre, c'est l'Office national de l'énergie qui régit tous les aspects, là où le gouvernement fédéral intervient, des activités liées aux pipelines, du berceau à la tombe, à partir de l'élaboration des plans jusqu'à l'approbation de ces plans, l'approbation de la construction et, une fois la construction terminée, la surveillance du fonctionnement des pipelines; et une fois que la durée de vie de ces pipelines est terminée, la fermeture des pipelines. Tous ces aspects relèvent de la compétence de l'Office national de l'énergie.

L'Office national de l'énergie a des pouvoirs importants, et peut ordonner des inspections et ordonner à des entreprises de se conformer aux règlements. L'office peut même retirer un permis d'exploitation et ordonner la fermeture d'un pipeline. On vient d'accorder à cet organisme un nouveau pouvoir, celui d'imposer des pénalités administratives et monétaires — la prochaine étape étant, par exemple, le retrait d'un permis ou la fermeture d'un pipeline — suivi d'une poursuite judiciaire. C'est l'office qui détermine les mesures à prendre pour chaque incident. C'est l'office qui est responsable.

Quant à l'industrie, les responsabilités relatives aux pipelines extracôtiers et côtiers et infracôtiers sont pareilles. C'est l'industrie qui a la responsabilité primaire pour l'élaboration d'un plan d'intervention en cas de déversement, et si jamais un déversement se produit, c'est l'industrie qui est responsable de l'intervention. Elle doit également signaler les fuites, les ruptures et les incidents à l'ONE. Elle doit également maintenir des programmes d'intervention en cas d'urgence. Dans le cas d'une fuite, c'est l'industrie qui a la responsabilité de, premièrement, contenir le déversement et ensuite faire le nettoyage. Elle doit prévoir des programmes de sécurité et d'intégrité qui sont examinés et vérifiés par l'ONE. L'industrie est responsable de tous les dommages et déversements, il n'y a aucune limite relative à la responsabilité. Encore une fois, si une entreprise est reconnue responsable, il n'y a aucune limite sur sa responsabilité et elle doit réparer les dommages provoqués par un tel déversement.

La diapo 5 présente un historique intéressant. C'est quelque chose que la plupart des gens ne connaissent pas. Le premier pipeline au Canada, qui mesurait 25 mètres et qui était fait de fonte, a été construit au Québec en 1853 pour transporter du gaz naturel à Trois-Rivières pour l'éclairage des rues. La technologie a beaucoup évolué depuis 1853, heureusement. Bien des gens ne savent pas que la première exploitation pétrolière au Canada a eu lieu dans le sud-ouest de l'Ontario en 1862 dans une région située un peu à l'extérieur de London.

En tant que diplômé de l'Université Western Ontario, j'ai fait un pèlerinage jusqu'à Petrolia; ce fut le premier champ pétrolier au Canada. Il y avait là un pipeline qui allait de Petrolia jusqu'à Sarnia.

Lorsque du pétrole a été découvert dans l'Ouest canadien, on a pu commencer à en expédier au moyen de trois pipelines principaux : un allant de Turner Valley à Calgary; un pipeline côtier allant du Maine à Montréal; et un pipeline situé au centre des États-Unis et qui allait de la Pennsylvanie à l'Ontario. Lorsque le secteur pétrolier a pris de l'expansion, les réseaux de pipelines ont commencé à se multiplier à partir des années 1950.

En 1957, du gaz a été exporté pour la première fois vers les États-Unis depuis Vancouver par la Westcoast Transmission Company Ltd. L'année 1959 est également une année historique pour le Canada puisqu'il y a eu un grand débat sur les pipelines qui a mené à la chute du gouvernement. L'ONE a été créé en 1959, et cet organisme a agi à titre de régulateur aux termes de la Loi sur l'Office national de l'énergie depuis cette année-là.

En 1961, le TransCanada's Alberta Natural Gas System a commencé à prendre de l'expansion dans l'ensemble du continent.

En 1975, le pipeline Sarnia—Montréal, ligne no 9, a commencé à transporter du pétrole de l'Ouest vers Montréal essentiellement en réponse aux restrictions imposées par l'OPEP au début de la décennie, cela pour assurer que l'Est du Canada ait un approvisionnement sûr en pétrole brut canadien. Les conditions du marché nous semblent bizarres à l'heure actuelle, mais, dans les années 1990, le système a été inversé afin d'approvisionner Sarnia en pétrole brut extracôtier parce qu'il coûtait moins cher et qu'il était plus économique de le transporter. Maintenant, comme vous le savez, il y a eu une demande pour inverser le flux de pétrole. Une permission a été accordée pour inverser le flux du pipeline jusqu'à Westover, et une proposition est faite pour l'inverser sur l'ensemble du réseau jusqu'à Montréal.

Dans les années 1980, nous avons commencé à exporter du gaz naturel vers les États-Unis à un point tel qu'en 2011, je crois, environ 13 p. 100 de tout le gaz naturel consommé aux États-Unis provenait du Canada. Les années 2000 ont vu l'expansion des sables bitumineux de l'Ouest canadien; c'est-à-dire, une importante expansion des pipelines, de leur capacité et par conséquent du pétrole exporté vers les États-Unis. On peut constater, et plus particulièrement à partir des années 1940 et 1950, que le réseau de pipelines au Canada s'est considérablement développé.

Mais il faut se poser la question suivante : Pourquoi en parle-t-on aujourd'hui? Pourquoi constatons-nous autant de pression sur les infrastructures de pipeline et pourquoi y a-t-il pression pour en élargir la capacité? La réponse se trouve dans quelques chiffres.

En raison de l'exploitation des sables bitumineux, on prévoit que la production de pétrole brut passera de 3,2 millions de barils par jour — il s'agit ici de la production de pétrole brut, y compris le pétrole conventionnel — à environ 4,5 millions de barils par jour d'ici 2020 et à 6 millions de barils par jour d'ici 2035. C'est une augmentation faramineuse de la capacité. En outre, nous venons tout juste de passer le point où la production découlant des sables bitumineux dépasse la production du pétrole conventionnel, il y a donc davantage de pétrole de sables bitumineux maintenant; 54 p. 100 provient des sables bitumineux par rapport à 46 p. 100 pour le pétrole conventionnel. D'ici 2035, cela représentera 85 p. 100 pour les sables bitumineux. Par conséquent, la production des sables bitumineux triplera pour passer de 1,7 million à 5,1 millions de barils par jour.

Jusqu'où la production pourra-t-elle augmenter? Les réserves générales sont de l'ordre d'environ 173 à 174 milliards de barils dont 169 milliards sont représentés par les sables bitumineux. Les 4 ou 5 milliards restants correspondent au pétrole conventionnel. Voilà où se situe l'avenir pour le Canada, c'est-à-dire dans la production de pétrole provenant des sables bitumineux.

Il s'est aussi passé autre chose au cours des dernières années que personne n'avait prévu, ni l'industrie, ni le gouvernement, ni les revues spécialisées, personne n'y avait pensé — c'est le boom qui allait avoir lieu dans l'industrie pétrolière et gazière en raison essentiellement de deux technologies. Soit le forage horizontal et la fracturation. Cela permet aux compagnies de forer à travers diverses formations rocheuses et de faire de la fracturation. Cela s'est traduit par la production de pétrole provenant de gisements en formation étanche ainsi que du pétrole et du gaz de schiste. Le pétrole de schiste dans l'Ouest du Canada et les gisements en formation étanche connaissent une expansion dramatique, ce qui permet d'accroître davantage les réserves de pétrole au Canada et aux États-Unis. Cette augmentation est telle que, certains intervenants, comme l'Agence internationale de l'énergie, prévoit que d'ici 2030 à 2035, l'Amérique du Nord dans son ensemble deviendra autosuffisante pour ce qui est pétrole. Cela inclut une bonne partie de l'augmentation de la production au Canada ainsi que les augmentations de production aux États-Unis. Ces prévisions tiennent également compte de mesures assez importantes en matière de conservation d'énergie et d'efficacité énergétique qui réduiront la consommation d'énergie et augmentera son utilisation de façon beaucoup plus efficiente.

Ce que nous voyons en fait c'est une expansion considérable de la capacité de production pétrolière et gazière au Canada. Si vous passez à la diapositive 7, vous trouverez des projections faites par l'Association canadienne des producteurs pétroliers il y a un an. La ligne pleine indique l'augmentation de la production, tandis que la ligne verte montre la capacité existante des pipelines pour le transport du pétrole. On peut voir que sans accroissement de la capacité des pipelines, ces derniers commencent à atteindre leur capacité aux environs de 2014-2015. Après cette période, il faudra accroître la capacité des pipelines.

Des études faites par la Banque TD et d'autres institutions en sont arrivées à la même conclusion. Je crois que la Canada West Foundation publiera aussi une étude sous peu. Elles arrivent toutes à la même conclusion : nous avons besoin davantage de capacité de pipeline. Cela démontre que si certains des autres pipelines qui sont prévus actuellement — Keystone XL, Gateway, Trans Mountain en Colombie-Britannique — peuvent être construits, cela nous permet d'accroître la capacité et de repousser à plus tard le moment où ces lignes se croiseront à nouveau. Cette diapositive souligne l'importance d'accroître la capacité des pipelines au Canada, et c'est pourquoi c'est si important.

La diapositive suivante montre que puisque le champ pétrolifère Bakken entre en production si rapidement, les pipelines arrivent déjà à leur pleine capacité. Il y a déjà des goulots d'étranglement dans certains secteurs. Le pétrole brut commence à être transporté par rail à l'heure actuelle. Par exemple, en 2011, pour l'ensemble des hydrocarbures y compris les produits raffinés, nous étions à environ 400 000 barils par jour. Ce qui est important de savoir par rapport au transport ferroviaire c'est qu'il prend rapidement de l'expansion. L'un de moteurs les plus importants, encore une fois, découle du fait que le champ pétrolifère Bakken dans l'Ouest du Canada et des États-Unis prend de l'expansion. Une bonne partie de ce pétrole est maintenant transporté par rail. Et cela coûte plus cher. Vous pouvez voir que le transport ferroviaire coûte de 8 à 13 $ le baril par rapport à 3 ou 8 $ le baril pour le transport par pipeline, ce sont des chiffres approximatifs qui vous donnent une idée de l'ordre de grandeur. Toutefois, certaines des différences que nous constatons et des rabais liés au pétrole brut de l'Ouest du Canada et des États-Unis découlent du fait qu'il est enclavé à l'heure actuelle, la différence est beaucoup importante que celle liée aux coûts de transport, par conséquent une plus grande quantité de ce pétrole sera probablement expédié transporté par voie ferroviaire.

Si l'on prend un pipeline qui transporte 500 000 barils par jour, pour vous donner une idée de ce qui se passe, il faudrait avoir un départ de trains composés de 100 wagons toutes les deux heures. Il faudrait 10 trains de ce genre, donc 1 000 wagons, tous les jours pour pouvoir expédier 500 000 barils par jour. Imaginez-vous voir défiler un train constitué de 100 wagons et qui passe toutes les deux ou trois heures; et il y en aurait 10 comme ça par jour. C'est ce qu'il faudrait mettre sur pied pour pouvoir transporter la même quantité de pétrole soit 500 000 barils qui pourraient être expédiés par un seul pipeline tous les jours. Encore une fois, cela vous donne une bonne idée. Les trains fonctionnent bien pour le transport de diverses marchandises, mais il n'en demeure pas moins qu'à plus long terme les pipelines constituent probablement le mode transport le plus efficace du pétrole brut.

La prochaine diapositive montre que le secteur privé est en train de réagir. Il tient compte des signaux envoyés par les marchés. J'aimerais vous en présenter quelques-uns, Enbridge a proposé le pipeline Northern Gateway. C'est un projet qui fait beaucoup les nouvelles à l'heure actuelle, et il permettrait de transporter 525 000 barils par jour. À Vancouver, Kinder Morgan propose d'élargir le pipeline Trans Mountain qui transporte environ 300 000 barils par jour. Cela ajouterait environ 590 000 barils par jour. Keystone XL est aussi très d'actualité. Ce pipeline pourrait acheminer environ 700 000 barils par jour, et ce projet fait actuellement l'objet d'un examen du Département d'État des États-Unis.

Dans l'Est du Canada, Enbridge a déjà obtenu l'approbation pour renverser une partie de la ligne 9 et il cherche à obtenir une approbation pour le reste du réseau. Cela permettrait en fait d'acheminer du pétrole léger de l'Ouest du Canada et à partir de la formation Bakken dans les raffineries de l'Ontario et du Québec parce qu'elles sont en mesure de raffiner ce pétrole brut léger.

Enbridge a également pris de l'expansion grâce aux pipelines Clipper, Spearhead et Seaway. Cette entreprise accroît sa capacité d'expédier du pétrole brut jusqu'à la côte du golfe du Mexique.

TransCanada étudie également une autre proposition. Cette entreprise dispose de réseaux principaux de gazoducs qui peuvent être convertis en oléoducs. En fait, une partie du pipeline original Keystone est constituée d'un gazoduc qui a été converti. Il faut pour ce faire enlever les compresseurs, installer des stations de pompage et faire quelques travaux d'ingénierie.

On estime que si cette société convertissait l'un de ses principaux gazoducs, elle pourrait y acheminer entre 500 000 à 1 million de barils par jour. Pour ce faire, je pense qu'elle devrait rajouter quelque 300 kilomètres pour que le pipeline se rende jusqu'à Montréal. Il est possible qu'elle songe à acheminer une quantité appréciable de brut jusqu'à Montréal.

Les journaux ont aussi dit que cette société pourrait aussi songer à prolonger le pipeline jusqu'à Saint-Jean au Nouveau- Brunswick. Ce serait un geste stratégique pour nous, parce que c'est là que se trouve la raffinerie de pétrole Irving, soit la plus grande raffinerie au Canada qui, à l'heure actuelle, raffine 300 000 barils de pétrole par jour. Elle est essentiellement alimentée de pétrole brut importé, qui est plus cher. Il y a eu beaucoup de discussions publiques récemment sur cette possibilité.

Comme vous pouvez le constater, il existe diverses possibilités pour l'expansion des pipelines. Cela ne présente qu'un aperçu des projets actuels.

J'aimerais maintenant vous donner un aperçu des pipelines et des questions connexes.

Pour ce qui est de la sécurité des pipelines, le Canada a un excellent bilan. L'ONE réglemente plus de 71 000 kilomètres de pipelines d'un bout à l'autre du pays. Sur le milliard de barils transportés un peu moins 4 000 barils se déversent chaque année. Bien sûr, c'est une quantité qui nous préoccupe. Nous aimerions bien qu'il n'y ait pratiquement pas de déversement dans la mesure du possible, mais cela représente une très petite fraction du pétrole qui a été acheminé.

Le déversement de 23 000 barils de pétrole en 2001 provenant de la ligne 3 d'Enbridge à Hardisty a tendance à biaiser bon nombre des statistiques. Si l'on examine les moyennes après 2001, on s'aperçoit qu'il y a eu des années sans aucun déversement. En 2003-2004 et pendant d'autres années, il n'y a eu que des déversements opérationnels, c'est-à- dire provenant de soupapes, de brides ou d'autres équipements semblables. À part ce déversement, je dirais encore une fois que le Canada affiche un très bon bilan.

On ne veut pas dire que le Canada est meilleur ou pire à l'échelle internationale, mais si l'on examine ce qui se passe aux États-Unis et au Royaume-Uni, on peut dire que les trois pays ont un système de pipelines sûr et fiable.

Encore une fois, nous n'avons pas eu de rejets depuis quatre ans. Nous avons eu moins d'incidents de rejet par kilomètre qu'en Europe ou aux États-Unis dans 8 des 10 années. Encore une fois, nous concluons que dans les trois pays, les pipelines sont surveillés de façon rigoureuse, ils sont régis par des organismes de réglementation très solides et sont très bien gérés.

M. Sankara Papavinasam des laboratoires Canmet à Hamilton est ici aujourd'hui. Je crois que vous envisagez d'aller là-bas. M. Papavinasam peut répondre aux questions techniques.

Aux nouvelles, on entend parfois dire que les sables bitumineux sont du papier sablé liquide, qu'ils sont plus acides et plus corrosifs et très dangereux quand ils sont transportés par pipeline. C'est tout à fait faux. En fait, les recherches et l'expérience de l'industrie ont déterminé que le pétrole brut extrait de sables bitumineux n'est pas plus corrosif pour les canalisations de transport que les autres pétroles bruts. L'ONE définit les normes nationales pour s'assurer que tous les pétroles bruts aient un faible niveau de corrosivité. Le retrait de l'eau qui est très corrosive et le retrait de la boue et du sable qui sont des éléments érosifs se font avant d'entrer dans les canalisations.

Il y a d'autres éléments tels que les acides naphténiques présents dans les sables bitumineux, mais ces éléments ne sont pas corrosifs à des températures normales. Ils doivent atteindre des températures de 200 degrés pour devenir corrosifs, ce qui est un paramètre dans les raffineries. Les raffineries prennent des précautions particulières et ont des tuyaux en place à cet effet. Dans un pipeline normal, la température n'entre pas en jeu.

ASTM International est une agence reconnue à l'échelle internationale qui a publié un guide de mesure de la corrosivité. Les résultats de tous leurs essais montrent que la corrosivité du pétrole brut des sables bitumineux ne diffère pas de celle des autres types de pétrole brut. M. Papavinasam a fait beaucoup de recherche dans ce domaine et peut répondre à toutes vos questions. Il me disait qu'ils ont commencé cette recherche, car ils estimaient que le pétrole pouvait être un agent anticorrosif qui pourrait prévenir la corrosion, et ils ont ainsi fait une comparaison entre le pétrole brut des sables bitumineux et d'autres pétroles bruts.

Un certain nombre de modifications législatives ont davantage renforcé la sécurité des pipelines. Le budget 2012 a octroyé 13,5 millions de dollars sur deux ans à l'ONE pour augmenter le nombre d'inspections des pipelines et d'accroître le nombre d'audits annuels exhaustifs. De plus, le projet de loi C-38, comme nous l'avons mentionné, a conféré à l'ONE de nouveaux pouvoirs lui permettant d'imposer des sanctions pécuniaires ou administratives c'est-à-dire des amendes en cas de violation. L'office possède donc plus d'outils pour l'application de la loi.

Enfin, le secteur privé a été très dynamique à cet égard. Mme Brenda Kenny de l'Association canadienne de pipelines d'énergie vous a parlé d'un certain nombre de choses qu'ils ont fait. Elle a mentionné que Canadian Common Ground Alliance, un organisme d'envergure nationale qui travaille avec l'Office national de l'énergie, l'Association canadienne du gaz et l'Association canadienne de pipelines d'énergie. Ils font la promotion notamment de systèmes d'appels uniques pancanadiens avant l'excavation. Ils travaillent également avec les représentants des provinces. Encore une fois, nous travaillons de concert avec eux à l'heure actuelle et les intervenants du secteur privé se mobilisent autour des questions de sécurité.

En conclusion, nous estimons que la sécurité du réseau de transport pétrolier et gazier est cruciale pour le développement du pétrole et du gaz au Canada et à l'expansion de notre système de pipelines. Une production accrue de pétrole et de gaz suscitera de plus en plus de pression sur le transport du pétrole et du gaz, ainsi qu'une utilisation accrue des chemins de fer. À l'échelle internationale, les statistiques démontrent que le Canada a un bon bilan en matière de sécurité de pipelines. Nous avons une réglementation solide en place et nous continuons d'améliorer le régime de sécurité afin de nous assurer qu'il soit de classe mondiale.

Le président : Merci. C'était très intéressant. J'ai une question brève sur les pipelines.

Vous avez dit que c'était en 1957 que nous avons commencé à exporter vers les États-Unis du gaz par la Westcoast Transmission Company. Je le sais bien, car ce pipeline est toujours en place. Est-ce exact, comme le disent certains, que le pipeline est si vieux qu'il ne devrait plus être utilisé pour le transport de gaz sous haute pression?

M. Corey : C'est l'organisme de réglementation, l'Office national de l'énergie qui doit répondre à cette question, mais je crois que la réponse est non. Si ce n'était pas sécuritaire, l'ONE ne permettrait pas l'utilisation de ce pipeline.

M. Kenny vous a parlé de certains outils d'inspection qu'ils ont en place tels que les racleurs qu'ils insèrent dans le pipeline pour de l'imagerie par résonnance magnétique et pour détecter l'épaisseur des parois par exemple. C'est à l'ONE de s'assurer que le tout est sécuritaire. Dans le cas contraire, c'est à l'ONE d'ordonner la réduction de la pression ou même de fermer le pipeline.

Le président : La raffinerie Irving raffine-t-elle du brut lourd?

Jeff Labonté, directeur général, Division des ressources pétrolières, Ressources naturelles Canada : L'entreprise peut raffiner certains bruts lourds. C'est une raffinerie unique, car elle peut faire les deux, cependant elle est surtout équipée pour traiter du pétrole léger non sulfuré.

Le président : Quel en serait le pourcentage?

M. Labonté : Je vous communiquerai ultérieurement le pourcentage exact.

Le président : Si vous le pouviez.

M. Labonté : Oui nous le pouvons.

M. Corey : Nous savons qu'ils transportent du brut lourd de l'Ouest du Canada et de l'Ouest des États-Unis en ce moment, et ça fait partie de ce mélange. Ils font le transport par train, car c'est moins coûteux que de payer le prix du pétrole foré en mer.

Le sénateur Mitchell : Merci, messieurs pour cet exposé très intéressant.

Pour revenir sur la question du prix, l'Alberta et la Saskatchewan doivent obtenir leur pétrole foré en mer pour combler l'écart entre le prix fixe et le prix international. Cela porte à confusion, pourriez-vous nous éclairer? Je crois que les gens ont l'impression que si on ne peut pas l'obtenir de la côte Ouest, on peut le transporter à la côte Est et ça réglerait le problème. Cependant, vous dites que la côte Est s'attendrait à payer moins cher parce que c'est toujours un prix fixe.

M. Corey : C'est une question qui doit être résolue par les marchés.

Le sénateur Mitchell : À votre avis?

M. Corey : Ces choses finissent par s'équilibrer. À long terme, au fur et à mesure qu'on se rapproche des prix mondiaux, vous verrez que le prix obtenu par les producteurs canadiens augmentera. C'est une question très complexe, car le pourcentage de la production extracôtière change aussi au gré des pays qui entrent et sortent du marché. En théorie économique, on s'attendrait à ce que les deux prix se rejoignent tôt ou tard.

Le sénateur Mitchell : Même si on ne le vend qu'au Canada, à l'Est du Canada? Voyez-vous ce que je veux dire?

M. Corey : Il reste que sur la côte Est du Canada, on paie actuellement les prix mondiaux aux raffineries.

Le sénateur Mitchell : Ils s'attendraient à payer les prix fixes, les prix plus bas?

M. Corey : Encore une fois, ça relève des marchés. Il faut essentiellement laisser les marchés...

Le sénateur Mitchell : Je me demande tout simplement ce qui se passerait.

M. Labonté : Je pense qu'il faut reconnaître l'existence d'une dynamique notamment suivant qu'il s'agit de pétrole brut lourd ou léger. Le brut lourd fait automatiquement l'objet d'une remise parce qu'il faut plus d'énergie pour le raffiner si bien qu'il y a un écart naturel entre le lourd et le léger.

Un autre facteur important qui influe sur la structure des prix est la dynamique des raffineries qui repose sur l'intensité de la demande en brut ou en léger sur le marché nord-américain et aussi suivant que les vendeurs et les acheteurs signent des contrats à long ou à court terme. Pour l'essentiel, en Amérique du Nord, ce sont les coûts au comptant qui prévalent en matière de prix. Toutefois, étant donné l'évolution de la demande et le jeu de certains facteurs, on constate que des contrats à long terme sont signés entre les producteurs et les compagnies d'oléoducs qui construisent de nouvelles infrastructures, et par la suite, avec la participation de l'acheteur. Il y a toute une gamme de facteurs qui interviennent.

On peut supposer que nous atteindrons un certain équilibre. Déjà dans l'Est du Canada, toutes les entreprises de raffinage paient le prix mondial. Tout le pétrole brut acheminé là-bas provient de l'étranger. Au fur et à mesure qu'on acheminera le pétrole brut vers des ports ou des cours d'eau, on trouvera des débouchés à l'étranger ou localement et interviendront une gamme de facteurs qui influenceront la dynamique en Amérique du Nord.

M. Corey : Sénateur, notre façon d'envisager les choses serait de se reporter au passé. Le prix du Brent qui est le prix international et le prix du WTI, West Texas Intermediate étaient pratiquement pareils ou ils accusaient un écart minime. En fait, Le WTI se vendait auparavant un peu plus cher que le Brent. Actuellement, ils accusent un écart. On peut s'attendre à ce que ces deux prix atteignent le même niveau de nouveau au fur et à mesure que le marché s'adaptera.

Le sénateur Mitchell : Je pense qu'on s'imagine que quelque part dans une pièce, techniciens et ingénieurs, munis de quantités d'écrans d'ordinateur surveillent la situation de ces oléoducs. Jusqu'à Kalamazoo, nous pensions tous qu'ils pouvaient immédiatement détecter un déversement. Les attentes du public sont sans doute trop élevées à cet égard. Où est- ce que le bât blesse en l'occurrence? La technologie n'est-elle pas assez perfectionnée? Les responsables ne sont-ils pas assez bien formés? Y a-t-il un remède? Pouvons-nous faire en sorte de pouvoir détecter ces déversements beaucoup plus rapidement?

M. Corey : Je dois dire que ce déversement particulier est une anomalie. On a continué à alimenter l'oléoduc, d'après les rapports, pendant 17 heures après la fuite. D'après les rapports, on aurait dû se rendre compte de la situation bien avant. C'est essentiellement une incompréhension de ce que l'équipement signalait.

D'habitude, les déversements sont bien moins considérables; ils sont détectés plus rapidement. D'après notre expérience, c'est l'exemple du pire des scénarios. Je pense que c'est la plus grosse catastrophe du genre jamais vue sur la terre ferme.

M. Labonté : Sans vouloir sous-estimer le sérieux des déversements, il faut dire qu'en règle générale, les déversements au Canada en moyenne ont été plutôt limités. En fait, si on remonte dans le passé, si on fait une moyenne de tous les déversements, on constate qu'ils représentent des dizaines de millions, tout au plus, à la limite. Kalamazoo est une anomalie.

Je pense que le président de l'Office national de l'énergie, qui viendra témoigner plus tard, pourra vous parler des vérifications faites auprès d'Enbridge après cet incident en particulier, vérifications qui ont porté sur la salle des opérations où l'on a pris des mesures pour aller au fond des choses. Je pense que Enbridge a pris certaines mesures et il pourrait sans doute vous expliquer pourquoi l'incident s'est produit et les correctifs qu'on a apportés par la suite.

Le sénateur Lang : Si vous le voulez bien, je voudrais un complément d'information suite à la question du sénateur Mitchell portant sur l'acheminement du pétrole brut vers l'Est. Monsieur Corey, vous avez dit toutefois dans votre exposé que seulement un certain nombre de millions de barils étaient acheminés vers l'Est et qu'il y avait deux pipelines vers l'Ouest. L'un d'entre eux est le Trans Mountain de Kinder Morgan, je pense, et l'autre est le Northern Gateway.

Je voudrais que les choses soient claires. Le fait qu'on puisse acheminer le pétrole vers l'Est n'empêchera pas la nécessité, si l'on veut maximiser la mise en valeur des sables bitumineux, d'augmenter le volume en direction de la côte Ouest afin d'optimiser le rendement réalisé sur cette ressource. Est-ce que je me trompe?

M. Corey : Vous avez raison. Je pense que notre ministre a toujours été très clair sur ce point. Il a affirmé qu'il nous faut des oléoducs dans les trois directions. Par exemple, le Northern Gateway est à l'étude à l'ONE actuellement. Kinder Morgan envisage un prolongement du Trans Mountain. Vers le sud, je pense que le gouvernement a dit clairement qu'il fallait réaliser le projet Keystone XL pour acheminer le brut canadien vers les raffineries du golfe. Il faut dire que ces raffineries sont très bien équipées pour accueillir le pétrole extrait des sables bitumineux, car actuellement elles accueillent du pétrole brut lourd venant du Venezuela et du Mexique. On constatera que le brut canadien va sans doute prendre le pas sur ce pétrole-là.

Pour ce qui est de l'Est, c'est exactement ce que vous dites. Les raffineries de l'Ontario et du Québec sont prêtes à accueillir du pétrole léger si bien que fort probablement, on y acheminera le brut léger de la formation Bakken. Cependant, il pourrait se produire que du brut lourd soit expédié à la raffinerie Irving de Saint-Jean, car l'équipement nécessaire y existe.

Selon le ministre et notre ministre — lequel a été très clair — avec l'ampleur que prend la production canadienne, il nous faut des pipelines dans toutes les directions.

Le sénateur Lang : Je voudrais maintenant aborder la question de la sécurité. Les représentants du secteur et du gouvernement nous disent que les oléoducs sont généralement sécuritaires, offrent le moindre risque. Il y a parfois des bris, mais on les colmate dans les plus brefs délais. Toutefois, les groupes de défense de l'environnement parlent de l'autre côté de l'équation, à savoir les dangers que comporte un pipeline et les risques afférents.

Ces groupes disent par exemple — et je pense que ma question s'adresse à la personne qui est à votre gauche — que les pipelines peuvent subir de la corrosion suivie d'éventuelles ruptures. Vous avez dit ici que la recherche et l'expérience de l'industrie avaient démontré que le pétrole brut extrait des sables bitumineux n'était pas plus corrosif s'il était acheminé par oléoduc qu'un autre type de brut. Quand vous dites « pas plus corrosif » quel est votre point de comparaison? Parle-t-on ici de véritables corrosions qui pourraient se produire? S'il y a de la corrosion, jusqu'où cela va-t-il?

M. Corey : Pour bien comprendre la situation, il faut dire que la corrosion d'un oléoduc est tout à fait à l'opposé de ce que la plupart des gens pensent. La corrosion ne se fait pas à l'intérieur du pipeline. En fait, le pétrole est un lubrifiant et un agent de conservation. S'il y a corrosion dans un oléoduc, il est fort probable que cela vienne de l'extérieur, que ce soit dû à des facteurs environnementaux. C'est principalement ça qui inquiète. On découvrira que le pétrole brut acheminé par oléoduc est soigneusement réglementé. Ce n'est pas une matière qui va causer la corrosion du pipeline de l'intérieur.

Monsieur Papavinasam, pourriez-vous expliquer un peu aux sénateurs le type de recherche que vous avez effectuée pour qu'ils s'en fassent une idée?

Sankara Papavinasam, chercheur scientifique, CanmetMATÉRIAUX, Secteur des minéraux et des métaux; Ressources naturelles Canada : Merci. C'est un plaisir de m'adresser à vous.

Tout d'abord, pour qu'il ait corrosion, il faut qu'il y ait de l'eau. En l'absence d'eau, il ne peut y avoir de corrosion. Le pétrole brut n'est pas une substance conductrice. Par exemple, nous appliquons de la graisse sur nos véhicules pour les protéger de la corrosion. Par conséquent le brut n'est pas corrosif du tout, car il ne possède pas de propriétés conductrices.

Un peu plus de 99 p. 100 du pétrole extrait est transporté par oléoduc. Par conséquent, il ne peut y avoir de corrosion. Toutefois, nous permettons qu'il se trouve moins de 0,5 p. 100 d'eau à l'intérieur des oléoducs qui transportent du pétrole brut. Lorsque cette eau entre en contact avec la surface, il se peut qu'une corrosion se produise.

Dans le cadre de nos recherches, nous essayons de déterminer la façon la plus efficace de maîtriser la corrosion à l'aide du pétrole brut. En général, le brut n'est pas corrosif si les conditions se rattachant aux pipelines sont normales, ce qui correspond à une température de moins de 70 degrés Celsius. Or, le brut peut devenir corrosif si les produits chimiques présents dans le pétrole arrivent à être transférés de la paroi en contact avec le pétrole vers la paroi en contact avec l'eau, et cela peut provoquer un changement dans le potentiel de corrosion présenté par la paroi aqueuse.

Pour répondre à votre question, s'il n'y a pas de pétrole brut dans le pipeline — nous avons d'ailleurs effectué des expériences à cet égard et tenu une conférence il y a deux mois à Toronto —, la corrosion sera d'environ 25 millièmes de pouces par année. Ces données ont été prouvées à l'échelle internationale. Dès qu'on ajoute du pétrole brut, qu'il s'agisse d'un brut de qualité commerciale générale ou provenant du dilbit, le taux de corrosion est aussi faible que 4 millièmes de pouces par année. Partant de 24 mils/année, dès qu'on y ajoute du pétrole brut, on passe à moins de 4 millièmes par année, parce que le brut, de par sa nature, n'est pas corrosif.

Le sénateur Massicotte : Je suis intéressé par le nombre de déversements, et j'aimerais obtenir une comparaison des déversements de différents pays ainsi que des différents moyens de transport. Je vois qu'à la page 11, vous établissez une comparaison entre le nombre de déversements ainsi que le volume s'y rattachant. Je n'ai pas calculé de moyenne, mais je présume qu'en fonction du volume, nous sommes probablement dans une position similaire à celle des États-Unis et de l'Europe. Non pas en termes de fréquence, mais en ce qui a trait au volume perdu. D'après la moyenne des quatre à cinq dernières années, je présume que nous étions en dessous de la moyenne certaines années, mais qu'en général nous soutenions la comparaison par rapport aux autres.

Existe-t-il des données similaires permettant de comparer, disons, le transport par pipeline par rapport au transport ferroviaire ou par pétrolier? Quel est le volume déversé si l'on veut établir une comparaison en fonction des différents moyens de transport? Nous savons que le rail peut coûter 5 ¢ ou 5 $ de plus le baril. Par conséquent, y a-t-il des données consultables sur ce type de comparaison?

John Foran, directeur, Division de l'analyse des politiques et des affaires réglementaires du pétrole et du gaz, Ressources naturelles Canada : Nous n'avons pas de données permettant de comparaître sur une base normalisée les barils de pétrole acheminés par train en kilométrage par rapport au transport par oléoduc. Nous ne disposons pas de ce type de données.

Le sénateur Massicotte : Est-il possible de les obtenir?

M. Foran : Certaines études ont établi ce type de comparaison. Elles disent toutes que les pipelines sont le mode de transport le plus sûr de transporter le pétrole brut sur de longues distances, et que c'est plus efficace que le transport par rail.

Le sénateur Massicotte : Pouvons-nous obtenir des données de référence? Je vous remercie de votre opinion, mais j'aimerais ces chiffres, car en ce moment au Québec, il y a tout un débat pour déterminer lequel, entre le transport ferroviaire et le transport maritime, serait à préconiser. Ils continuent d'affirmer qu'ils ne veulent pas de pipeline, mais ils vont importer du pétrole de l'Amérique du Sud. Si l'on songe aux risques pour l'environnement, on se demande si le risque présenté est plus grand par rapport au pipeline? Je présume que le risque est plus grand effectivement, mais je ne suis pas contre l'idée d'avoir des données à l'appui.

M. Labonté : Nous pourrions vous transmettre certaines données. Je crois que l'obstacle a une réponse parfaite, c'est le fait qu'on ne peut pas toujours comparer des pommes à des pommes. Par exemple, le Bureau de la sécurité des transports du Canada maintient des statistiques sur les moyens de transport, mais ils ne font pas la distinction entre un accident ferroviaire impliquant un liquide quelconque et du pétrole brut. Ce bureau peut vous indiquer la fréquence des accidents ferroviaires par rapport à celle des accidents rattachés aux pipelines, mais pas nécessairement si la marchandise transportée était effectivement du brut ou tout autre liquide.

Le sénateur Massicotte : Nous avons besoin d'un dénominateur commun qui permet une comparaison, sous une forme ou une autre. Je comprends qu'elle ne serait pas parfaite, mais j'aimerais tout de même obtenir ces données.

M. Labonté : Nous pourrons certainement transmettre quelques documents au comité.

Le sénateur Massicotte : J'aimerais établir une comparaison entre différents moyens de transport par rapport à ceux utilisés dans d'autres pays, car vous avez des renseignements à ce sujet. Par exemple, l'Europe m'intéresserait. En outre, il faut tenir compte du coût. Nous avons fait allusion plus tôt au fait que le coût du baril augmente de 5 $ lorsqu'il y a transport par rail, mais j'aimerais bien savoir quels sont les tarifs de transport des barils, en kilomètre ou en mile. Cela donnerait une assez bonne vue d'ensemble. Quels sont les choix offerts aux consommateurs?

M. Labonté : Nous avons certainement les données sur les coûts rattachés aux grands pétroliers, au transport par rail et au pipeline. Certaines données relèvent un peu du secret commercial, mais nous pouvons vous présenter une grille tarifaire ainsi que la façon dont elle est appliquée. Nous n'avons pas accès au contenu des contrats précis signés entre un producteur et un autre, mais nous avons assez de données qui pourraient vous être transmises.

Le sénateur Massicotte : J'ai une deuxième question à poser, et elle porte sur la technologie. Nous sommes toujours surpris lorsqu'il y a des fuites et de leur durée, bien que certaines personnes nous disent que la technologie devrait présenter une solution à l'avenir. En sommes-nous à l'étape où on arrive à détecter une fuite immédiatement et à éviter les conséquences d'un déversement, ou faudra-t-il attendre des années ou des décennies?

M. Corey : Je répondrai dans l'affirmative. Si vous visitiez les salles de contrôle des grandes sociétés de pipeline en ce moment, vous constateriez à quel point elles sont perfectionnées. Tout un ensemble de renseignements sont recueillis 24 heures par jour, tous les jours, au sujet de la pression et du fonctionnement du système. S'il y a un problème avec la pression, elles en sont instantanément averties. En effectuant un suivi au sujet de Kalamazoo, nous avons compris qu'ils avaient de la difficulté à effectuer la lecture des données et qu'ils n'avaient pas bien saisi la situation. Donc, en temps normal, la réponse est oui.

Lorsque Gaétan Caron de l'Office national de l'énergie viendra se faire entendre, il pourra vous donner davantage de renseignements sur les exigences de l'organe de réglementation.

Le sénateur Massicotte : S'il y a une baisse de la pression, ils sauront exactement où s'est produite la fuite et pourront s'y rendre, fermer les vannes et trouver une solution?

M. Corey : Le système est conçu de façon à ce qu'ils sachent qu'il y a une baisse de pression et ils sauront où elle s'est produite.

Le sénateur Massicotte : Pourquoi tous ces déversements font-ils la manchette? Pourquoi y a-t-il encore des déversements? Affirmez-vous qu'il s'agit d'erreur humaine?

M. Labonté : Il y a toujours une part d'erreur humaine. Les systèmes de détection permettent de recenser des changements, c'est-à-dire des variations par rapport aux données ordinaires. Or, il revient à un être humain de prendre une décision ou de suivre certains protocoles en vue de déterminer la façon de composer avec ces anomalies. L'un des facteurs à considérer est également le fait que la qualité des données s'améliore. L'un des facteurs qui a pris davantage de poids, c'est le nombre d'incidents qui sont déclarés actuellement et le fait qu'il y ait une obligation de déclaration. Si on regarde les données d'il y a 10 ou 20 ans, cela donne l'impression qu'il y a davantage d'incidents maintenant. En fait, il y a davantage de transparence et de règlement qui exige une plus grande divulgation quant aux incidents déclarés. Cela ne veut pas nécessairement dire que la situation a empiré, cela signifie plutôt qu'auparavant, ces incidents n'auraient jamais été déclarés.

La sénatrice Ringuette : Je regarde la diapositive de la page 9, qui représente un graphique du système de distribution actuel ainsi que proposé. Je m'attarde au principal gazoduc que l'on se propose se transformer en oléoduc pour transporter du pétrole brut. Le cas échéant, comment s'y prendre pour transporter du gaz naturel à la côte Ouest?

Vous avez affirmé que l'objectif essentiel, c'est de s'assurer que le Canada est autosuffisant et qu'il y a des pipelines pour le transport du gaz naturel, du pétrole brut et du gaz de schiste. Comment ces pipelines seront-ils remplacés?

M. Corey : Je commencerai par répondre à votre question et M. Foran interviendra par la suite.

Le réseau de transport de TransCanada dispose en ce moment d'une énorme capacité excédentaire. Les voies de transport du gaz naturel ne sont pas utilisées à 100 p. 100. En fait, le taux d'utilisation est si faible que cela leur pose problème. À certains endroits, on compte de quatre à six lignes circulant en parallèle. Le fait de transformer l'une de ces lignes destinées au gaz naturel à une ligne de transmission du pétrole brut signifierait essentiellement qu'ils emploieraient un pipeline sous-utilisé en ce moment et qui ne transporte pas de gaz naturel pour l'instant.

La sénatrice Ringuette : Sous le graphique, le pipeline de transmission mauve correspond à plus d'un...

M. Corey : C'est un chiffre. Peut-être que M. Foran pourrait vous dire combien de pipelines il s'y trouve et la façon dont cela fonctionnerait.

M. Foran : Le principal pipeline de transmission du réseau de TransCanada commence à Empress, en Alberta. Au tout début, il y a six doublements, soit six pipelines en parallèle dans la même emprise. Cette ligne se dirige vers l'est et aboutit à Montréal où il y a deux doublements. La capacité excédentaire est donc énorme. Il est possible de convertir l'un de ces doublements tout en continuant de jouir d'une très grande capacité de transport du gaz naturel dans l'Est du Canada.

La sénatrice Ringuette : Même en tenant compte de l'essor futur que devrait prendre à l'avenir le secteur du gaz naturel et du gaz de schiste?

M. Labonté : Oui, c'est exact.

L'un des enjeux dont il faut tenir compte, c'est la dynamique du marché. L'essor du gaz naturel de schiste que ce soit aux États-Unis ou dans l'Ouest du Canada — aux États-Unis, il s'agit surtout des États du nord-est et de la Louisiane — représente un incitatif sur le marché, de sorte que les États-Unis exportent maintenant du gaz naturel en Ontario. Auparavant, nous exportions exclusivement vers les États-Unis. Toutefois, nous importons maintenant près de 3 milliards de pieds cubes par jour de gaz américain vers l'Ontario, un produit qui fait concurrence au gaz provenant de l'Ouest du Canada vers l'Ontario et le Québec. Ironiquement, le coût d'acheminement du gaz canadien de l'Alberta vers l'Ontario rend ce produit plus coûteux que celui provenant des États-Unis. Vous voyez différentes tendances dans le marché. Durant certaines périodes de l'année, nous achetons davantage de gaz américain en Ontario et au Québec que de gaz provenant de l'Ouest canadien.

La sénatrice Ringuette : J'ai une question pour M. Papavinasam au sujet de la conversion d'un pipeline pour le faire passer d'un gazoduc à un oléoduc destiné au pétrole brut. Ces deux produits sont assez différents. Je présume que les exigences en matière de pression durant la transmission de ces deux produits sont assez différentes et que les spécifications se rattachant au pipeline devraient également être différentes. Quelles sont les exigences permettant une conversion adéquate d'un gazoduc vers un oléoduc dédié au pétrole brut? Car il s'agit de deux produits différents.

M. Corey : Le gaz naturel nécessite une pression plus élevée que celle du pétrole, ainsi, après la conversion, la pression sera moindre. Cela signifie qu'on utilisera des pompes au lieu des compresseurs. Comme je l'ai dit plus tôt, à l'origine, le projet de pipeline Keystone prévoyait en partie la conversion de pipeline de gaz naturel en oléoduc. Les ingénieurs sont capables de gérer cette conversion.

Le sénateur Patterson : CanmetMATERIALS effectue des recherches et organise des ateliers sur la question de la vulnérabilité des oléoducs. Nous avons parlé de corrosion ce soir. Quelles sont les sources de dommages des pipelines les plus fréquentes autres que la corrosion, et quelles mesures prenez-vous pour réduire ces risques?

M. Corey : Eh bien, ça nous ramène à une question précédente. Il y a cinq principales causes de rupture d'oléoduc : corrosion externe, fissurage, dommage causé par une tierce partie, dommage causé par la construction, et risques géotechniques, comme les déplacements de terrain. Voilà les cinq principales causes de rupture d'oléoduc et de fuite.

Mais je crois que vous parlez plutôt de corrosion externe et de fissurage. Je vais donc demander à M. Papavinasam de nous parler de la recherche qu'il effectue à Canmet à cet égard.

M. Papavinasam : Canmet ne fait pas de recherche sur la corrosion, mais plutôt sur le contrôle de la corrosion. Nous avons connu des problèmes de corrosion externe et de fissurage. Notre laboratoire travaille depuis 35 ans sur la réduction de la corrosion externe, qui inclut le fissurage causé par la corrosion, et, dans une moindre mesure, la prévention de la corrosion à l'aide de l'utilisation de pétrole brut sur la paroi intérieure du pipeline.

Le sénateur Patterson : La U.S. National Academy of Sciences est actuellement engagée dans une étude de transport de bitume dilué, ou dilbit, par oléoduc. Ils veulent déterminer si ce bitume dilué augmente le risque de fuite comparativement au transport de pétroles bruts. Avez-vous participé à cette étude? Sommes-nous en train d'y participer ou travaillons-nous de façon unilatérale?

M. Papavinasam : Oui, nous avons participé à ce comité. En fait, j'ai fait deux exposés à ce comité, le 23 juillet et tout dernièrement, le 31 décembre. Tom Menzies, président du comité, a également participé à la conférence sur la corrosion qui s'est tenue à Toronto. Nous sommes au courant des activités du comité et nous croyons comprendre que le rapport du comité devrait être publié à l'été 2013.

La sénatrice Seidman : Monsieur Corey, votre exposé des plus intéressants était truffé de données et de connaissances. Vous avez parlé de responsabilité partagée entre les divers paliers d'administration dans le secteur de la gestion des ressources énergétiques. Vous avez dit que la recherche scientifique et le développement sont une responsabilité partagée entre le fédéral et les provinces. Comment cette responsabilité est-elle partagée, et dans quelles proportions? Les entreprises d'oléoduc font-elles leur propre recherche, et partagent-elles les résultats de cette recherche? Je parle en particulier de leur recherche concernant la performance et la sécurité des oléoducs.

M. Labonté : La responsabilité est partagée en ce sens que les provinces et le fédéral ont des programmes d'innovation et de recherche. Alberta Innovates est un exemple d'un tel programme. L'Alberta est un important bailleur de fonds pour ce genre de recherche dans le domaine du pétrole, du gaz et de l'énergie en général.

Notre suite de programme écoÉNERGIE de Ressources naturelles Canada est une façon pour le fédéral de financer de la recherche parfois menée par les universités en collaboration avec le secteur privé. Dans d'autres cas, comme pour le secteur privé, prenez par exemple Canmet, le laboratoire est en fait un laboratoire du gouvernement fédéral.

Quant au partage de la responsabilité, nous collaborons parfois avec les provinces sur des projets conjoints. Dans d'autres cas, les provinces financent des recherches dans certains domaines et le fédéral dans d'autres domaines complémentaires. Les deux ordres de gouvernements exploitent des instruments politiques pour favoriser l'innovation dans ce secteur. L'Alberta est de loin le plus important investisseur de toutes les provinces dans le domaine des pipelines, notamment en raison des intérêts de l'Alberta dans le secteur de l'énergie.

La sénatrice Seidman : Les entreprises de pipelines font-elles elles-mêmes de la recherche sur la sécurité des pipelines?

M. Labonté : Oui, de plusieurs façons. Dans de nombreux cas, ces entreprises nouent des partenariats avec deux ou trois autres ainsi qu'avec un scientifique du gouvernement, par exemple le laboratoire Devon près d'Edmonton, un laboratoire de Ressources naturelles Canada, ou Canmet. La plupart des programmes du fédéral sont des programmes de partenariat et de collaboration, car nous avons d'excellents laboratoires mais sans expérience pratique. Cette expérience pratique se trouve plutôt dans le privé. Nous avons donc un partage d'idées, puis une expérience pratique acquise en travaillant ensemble pour tester la théorie, la mettre en pratique en laboratoire, puis, dans un environnement plus proche d'une situation réelle.

La sénatrice Seidman : Arrive-t-il souvent qu'on passe du laboratoire au monde réel pour faire des tests?

M. Labonté : Je ne peux pas vous parler de projets spécifiques en ce qui a trait aux pipelines, mais je sais que, pour ce qui est des sables bitumineux, les scientifiques en laboratoire travaillent avec les scientifiques des compagnies et échangent des renseignements quand vient le temps d'examiner les propriétés chimiques. Chaque compagnie a sa propre approche. Le bitume dilué représente la quantité de diluant utilisé, et cette quantité varie selon la compagnie et selon ce que le consommateur recherche. La recherche veut s'assurer de couvrir chacune des facettes des divers produits plutôt que de se concentrer sur un seul aspect. Afin de colliger ces renseignements, il faut avoir accès aux divers produits fournis par les différentes compagnies.

M. Corey : Un bel exemple où le secteur coopère est celui des sables bitumineux. Canada's Oil Sands Innovation Alliance permet à la plupart des grandes compagnies de sables bitumineux de travailler ensemble. Ces compagnies ont décidé de mettre de côté des questions de propriété intellectuelle et de partager leurs connaissances. Présentement, le secteur des sables bitumineux donne lieu à beaucoup d'échanges d'information sur le plan de la technologie.

Le sénateur Wallace : Merci pour votre exposé. Je suis intéressé par les renseignements sur la capacité des pipelines que vous présentez à la page 9. Il est intéressant que le document souligne la mesure dans laquelle les nouveaux pipelines présentement à l'étude pourraient avoir un effet sur du pétrole qui, sans ces pipelines, ne serait pas exploité ou exporté de l'Alberta.

Votre tableau semble dire que les retombées d'un pipeline entre Saint-Jean, au Nouveau-Brunswick, et la plus grande raffinerie au pays, en termes de barils de pétrole brut par jour, représenteraient près du double du projet du Northern Gateway et 50 p. 100 de plus que le projet Keystone. Est-ce juste?

M. Corey : Ici encore, il faut faire preuve de prudence. TransCanada affirme qu'il pourrait être question de 500 000 à 1 million de barils selon la taille du pipeline. À ce jour, aucune proposition ou projet n'a été soumis à l'Office national de l'énergie. Toutefois, cela vous démontre que nous avons des capacités qui pourraient être développées dans les trois directions : l'ouest, le sud et l'est. Nous en concluons que nous avons besoin de ces trois directions.

Le sénateur Wallace : Je comprends. Comme je viens de la région de l'Atlantique, cette question attire mon attention. Il est intéressant de constater l'importance qu'une raffinerie à Saint-Jean au Nouveau-Brunswick aurait à l'échelon national; vous avez bien souligné cette réalité.

Ma deuxième question a trait à l'une des questions que le sénateur Massicotte a posées un peu plus tôt. Si un pipeline était prolongé jusqu'à la raffinerie de Saint-Jean, il remplacerait en quelque sorte celui qui transporte le pétrole brut qui y arrive présentement par TGTB depuis le Moyen-Orient, l'Europe et d'autres régions. En ce qui a trait à la sécurité de transport du brut, avez-vous bien dit que vous croyez que le pipeline est un mode de transport de brut plus sûr que les chemins de fer ou les navires pétroliers?

M. Corey : Nous disons que c'est très sécuritaire.

Le sénateur Wallace : Je crois que vous avez dit de façon générale que c'est plus sécuritaire si on tient compte du nombre d'incidents.

M. Corey : Nous sommes prudents dans ce genre d'affirmation. Rien ne représente aucun risque.

Le sénateur Wallace : Je ne veux pas savoir si ça ne représente aucun risque.

M. Corey : Si on tient compte des statistiques et du nombre de barils transportés dans le système au quotidien et du nombre d'accidents et de déversements, on peut affirmer que ça représente un risque très, très faible.

Le sénateur Wallace : Bien que je sache que le bilan en matière de sécurité de la raffinerie de Saint-Jean est excellent, j'aimerais savoir en ce qui concerne le déplacement du pétrole via pétrolier si, en théorie, les risques assortis à ce déplacement ne seraient pas moindres, ou du moins ne seraient pas plus importants, si l'on acheminait le pétrole via un pipeline?

M. Corey : Une grande quantité de pétrole brut est transportée par pétrolier. Cela permet d'approvisionner la majeure partie de l'Est du Canada. C'est également une méthode très sécuritaire. Beaucoup de pétrole but est également déplacé par chemin de fer et cela est également très sécuritaire. Nous sommes tout simplement très prudents et nous ne voudrions pas que l'on commence à faire des comparaisons et que les gens concluent prématurément qu'un moyen de transport est sécuritaire et que l'autre ne l'est pas. Les pétroliers sont très sécuritaires, tout comme le sont les chemins de fer et les pipelines. Nous disons tout simplement que, si vous ne mettez l'accent que sur les pipelines, vous verrez qu'ils ont un excellent bilan.

Le sénateur Wallace : En fait, je ne cherchais pas à avoir votre point de vue à ce sujet, je sais que vous vous basez sur des données. J'essayais de déterminer si, en tenant compte des données provenant de la recherche que vous avez faite au cours des années, il existait un certain risque. Je pense qu'il s'agit du nœud de la question du sénateur Massicotte. Je pense avoir compris ce que vous en pensiez.

M. Corey : D'accord.

Le sénateur Wallace : J'ai une dernière question. J'imagine que si l'on construit de nouveaux pipelines ils seront construits conformément à des normes distinctes que celles que vous aviez mentionnées. Je songe notamment aux pipelines qui ont été construits au cours des 100 dernières années et même à ceux qui ont été construits au cours des cinq à 10 dernières années. Ai-je bien compris?

M. Corey : Vous allez sans doute entendre le témoignage du président de l'Office national de l'énergie. Il serait mieux placé que moi pour répondre à cette question. En revanche, je peux vous dire que les technologies se sont améliorées et que notre compréhension de ces choses s'est également améliorée. Cela fait en sorte que ce sera probablement le cas.

J'aimerais maintenant céder la parole à M. Caron afin qu'il vous fournisse plus de détails en ce qui concerne les questions qui portent sur la sécurité.

Le sénateur Wallace : Ainsi, si l'on construisait un nouveau pipeline qui est acheminé à Saint-Jean, au Nouveau- Brunswick, son rendement en matière de sécurité excéderait sans doute celui des pipelines qui avaient été construits il y a plusieurs années et que l'on retrouve ailleurs au pays, n'est-ce pas?

M. Corey : Par exemple, si l'on songe au pipeline Keystone XL, les gens qui l'examinent estiment qu'il s'agirait probablement d'un des pipelines des plus sécuritaires en Amérique du Nord, car il serait créé conformément aux normes proposées.

Le sénateur Sibbeston : Ma question porte sur les pipelines énergétiques dans les régions pionnières. Il me semble que vous effectuez de la recherche sur ce sujet. Dans les Territoires du Nord-Ouest, il existe un pipeline qui s'étend de Norman Wells et qui traverserait des régions de pergélisol. Est-ce que les exigences relatives au pipeline du Nord sont différentes en raison du pergélisol? Qu'en est-il des distinctions? Pouvez-vous répondre à cette question ou vaudrait-il mieux poser cette question à l'Office national de l'énergie?

M. Corey : J'aimerais demander à M. Caron d'y répondre, car il s'occupe de cette région et il pourra vous donner de plus amples détails à cet effet.

Le sénateur Sibbeston : J'ai tout simplement posé la question, car je savais que vous faisiez de la recherche sur ce sujet. J'ai lu quelque part dans nos notes d'information que vous faisiez de la recherche au sujet des pipelines dans les Territoires du Nord-Ouest dans les régions les plus froides du Canada.

M. Papavinasam : Oui, nous faisons de la recherche. En revanche, Canmet n'y participe pas. Ce sont les chercheurs de l'Association géologique du Canada qui possèdent les connaissances sur les pipelines et le pergélisol.

M. Corey : J'aimerais souligner, monsieur le sénateur, que vous avez raison. Les risques géologiques représentent en fait une des cinq causes que nous examinons lorsque nous étudions les raisons liées à la défaillance d'un pipeline. Oui, bien entendu, l'on tiendrait compte des modifications dans le pergélisol lorsqu'on créerait un pipeline.

La sénatrice McCoy : La diapositive 9 porte sur les oléoducs. Avez-vous une carte et des renseignements similaires sur les gazoducs? Je sais qu'on a proposé d'en construire un, où il est peut-être déjà en construction à partir de Kitimat, dans votre territoire, pour traverser la Colombie-Britannique.

M. Corey : Oui, nous en avons. Il existe un réseau pipelinier distinct pour le gaz naturel. Il traverse le continent.

La sénatrice McCoy : Pouvez-vous fournir ces renseignements au comité?

M. Corey : Oui, absolument.

La sénatrice McCoy : Vous avez mentionné cinq causes majeures de bris ou de défaillance des oléoducs. Les avez-vous distinguées des oléoducs parce que l'on mettait beaucoup l'accent sur ce sujet ou s'agit-il de causes que l'on retrouve dans les deux réseaux?

M. Corey : Les causes seraient similaires. Par exemple, si un entrepreneur creusait dans un pipeline avec une pelle, les dangers seraient les mêmes, qu'il s'agisse d'un réseau gazier ou pétrolier.

La sénatrice McCoy : Vous en avez besoin de cinq pour les deux. Nous savons tous que le risque, qui est le contraire de la sécurité, est en fait une question de probabilité multipliée par la conséquence. À qui faut-il poser des questions au sujet de cette conséquence relative pour commencer à essayer peut-être de définir la probabilité? Je pense que certaines des questions qui portent sur les occurrences sont en fait plutôt des questions de probabilité. En revanche, l'on ne nous a pas beaucoup parlé des conséquences de cette défaillance.

M. Corey : Exact.

La sénatrice McCoy : Nous n'aurons peut-être pas le temps de répondre à cette question ce soir.

M. Corey : C'est une excellente question et en fait si...

Le président : Soyez bref s'il vous plaît.

M. Labonté : Cela dépend de l'incident et de son emplacement.

La sénatrice McCoy : À qui faudrait-il s'adresser afin d'approfondir notre compréhension des conséquences? Je pense que ce serait essentiel si l'on souhaite aborder cette étude en toute connaissance de cause.

M. Corey : Vous verrez, par exemple, que l'Office national de l'énergie utilise une approche axée sur les résultats pour réglementer ce qui se passe. Il demande aux opérateurs d'examiner ces questions et de fournir des plans pour y remédier. Notre agence de réglementation serait bien placée pour y répondre.

La sénatrice McCoy : Vous êtes sans doute muni de ces renseignements, mais nous n'avons pas mis l'accent sur cela ce soir. Nous allons peut-être devoir vous demander de recomparaître. Vous nous avez fourni des renseignements précieux. Merci beaucoup.

Le président : C'était fort intéressant. Nous avons posé de bonnes questions et avons reçu d'excellentes réponses. Nous vous en sommes fort reconnaissants. Merci d'être venu.

Je suis ravi de souhaiter la bienvenue à Gaétan Caron, président et premier dirigeant de l'Office national de l'énergie du Canada. Je suis certain qu'on vous posera d'excellentes questions.

Monsieur Caron, il me semble que vous avez une déclaration préliminaire à faire. Je vais donc vous céder la parole. Veuillez faire votre exposé et nous vous poserons ensuite des questions.

Gaétan Caron, président et premier dirigeant, Office national de l'énergie du Canada : Merci, monsieur le président. Oui, en effet, j'aimerais vous faire un bref exposé pour vous mettre en contexte.

Bonsoir honorables sénateurs. Je vous remercie de me donner l'occasion de discuter avec vous de la façon dont l'Office national de l'énergie s'y prend pour améliorer continuellement la sécurité des pipelines au Canada.

[Français]

Patrick Smyth, chef de secteur pour les opérations, et Iain Colquhoun, ingénieur en chef, deux de nos esprits les plus éclairés en matière de réglementation de la sécurité des pipelines, se sont déjà adressés à vous, le 6 décembre dernier. J'espère que leur témoignage devant ce comité vous a aidés.

[Traduction]

Au cœur de la mission de l'ONE se trouve la sauvegarde des intérêts des Canadiens et Canadiennes, ce qui consiste à veiller sur leur sécurité et à protéger l'environnement. L'ONE attend des sociétés qu'il réglemente qu'elles établissent des assises solides pour bâtir une culture de sécurité omniprésente, soutenue avec force par la direction, documentée avec rigueur, connue par tous les employés et appliquée de façon uniforme au sein de l'entreprise.

Je vous dirais, monsieur le président, que notre approche à la réglementation des pipelines est la même que celle que nous prônons dans le Nord pour le forage extracôtier. Je sais que des sénateurs des Territoires du Nord-Ouest ou du Nunavut sont peut-être intéressés par ce que nous faisons en matière de développement pétrolier et gazier dans le Nord. Je serai disposé à répondre à leurs questions à ce sujet.

En ce qui concerne la construction et l'exploitation des pipelines, les sociétés réglementées doivent déceler tous les dangers, puis, analyser et atténuer les risques qu'ils posent pour le public, les travailleurs et l'environnement. Afin d'établir un plan en matière de vérification de la conformité, l'ONE effectue, toute l'année, les évaluations des sociétés qu'il réglemente et de leurs installations. Ainsi, il analyse divers critères, comme l'emplacement et le type d'installations, l'âge et les antécédents concernant l'exploitation.

Il étudie aussi les éléments qui se dégagent des activités de surveillance de la conformité, par exemple des inspections et des audits, pour savoir comment la société a géré ces éléments dans le passé. À partir de ces informations, l'ONE peut redéployer ses ressources de façon stratégique et les affecter là où elles auront le plus d'impact.

À l'image de la technologie et de l'intérêt public, la réglementation touchant l'Office national de l'énergie et les attentes de celui-ci à l'égard des sociétés évoluent constamment. Le règlement sur les pipelines terrestres exige déjà que les sociétés réglementées aient en place des programmes exhaustifs et efficaces pour parer aux dangers et aux risques liés à l'exploitation. Les modifications proposées au règlement suivent actuellement le processus fédéral d'élaboration de la réglementation, qui comprend une période de commentaires de 30 jours. Celle-ci a permis à l'ONE d'écouter ce que les Canadiens et Canadiennes qui s'intéressent à la question avaient à dire. Tirant profit des commentaires reçus, de sa propre expérience et des recherches sur les pratiques exemplaires, ces modifications renforceront, selon l'ONE, sa capacité à promouvoir la sécurité des pipelines au Canada.

[Français]

Les systèmes de gestion constituent la pierre angulaire de notre stratégie de l'amélioration constante de la sécurité des pipelines. Que ce soient les sociétés ou les autres organismes de réglementation en Amérique du Nord et ailleurs, tous reconnaissent l'efficacité de ces systèmes et s'engagent dans la même direction. À la base, les systèmes de gestion décrivent comment les personnes doivent s'acquitter des responsabilités se rattachant à leur poste.

[Traduction]

L'ONE attend des sociétés réglementées qu'elles élaborent et déploient entièrement des systèmes de gestion bien pensés, dont la capacité à favoriser, de façon uniforme, la protection des infrastructures essentielles et à déboucher sur une culture de sécurité a été démontrée. S'il y a une chose dont j'aimerais que les sénateurs se rappellent ce soir, c'est bien de cela. Nous estimons que la sécurité de la construction et de l'exploitation des pipelines — et de leur amélioration, si cela est possible — est centrée sur l'existence de véritables systèmes de gestion qui sont motivés par les échelons supérieurs de l'organisation qui créent une culture de sécurité omniprésente dans l'organisation. J'aimerais demander aux sénateurs de ne pas perdre cette observation de vue et je serais ravi d'élaborer là-dessus lors de la période des questions et réponses.

Pour être efficace, un système de gestion doit comporter trois éléments : il doit être appliqué avec logique, être intégré à toutes les facettes de l'exploitation de l'entreprise et attribuer l'obligation de rendre des comptes à des personnes précises. Il doit aussi être conçu pour permettre le partage de l'information et des renseignements entre les divers échelons de l'entreprise, afin de favoriser la prise de décisions plus éclairées.

Les modifications proposées au règlement sur les pipelines terrestres précisent les attentes de l'office en ce qui a trait à la façon dont les systèmes de gestion doivent être appliqués aux principales composantes des programmes qui relèvent de la société, soit la sécurité, l'intégrité du pipeline, la sûreté, la gestion des urgences et la protection de l'environnement. Ces modifications obligent aussi les sociétés à se doter d'une politique de rapport interne sur les dangers, les quasi-accidents et les incidents. Cette politique doit comporter les conditions dans lesquelles la personne qui fait le signalement est exemptée de toute mesure disciplinaire. En outre ces modifications exigent expressément que les programmes et les fonctions du système de gestion soient conçus et mis en œuvre de manière à assurer une totale transparence entre eux. Cette intégration est essentielle au bon fonctionnement d'un système de gestion. Enfin, les modifications comprennent de nouvelles dispositions qui rendent un membre de la haute direction de l'entreprise responsable du système de gestion, de la culture de sécurité et de l'atteinte des résultats en matière de sécurité et de protection de l'environnement.

Élaborer un système de gestion sur papier est une chose. Le mettre en œuvre à la grandeur d'une organisation pour qu'il fonctionne au quotidien en est une autre et demande des efforts. Un système de gestion efficace soutient une culture de sécurité omniprésente dans l'entreprise. Et, cela se produit quand tout le monde, du haut au bas de la pyramide, croit dans la sécurité, parle de sécurité, fait la promotion de la sécurité et intègre la sécurité à sa vie. Dans les entreprises où il y a une solide culture de sécurité, la direction se préoccupe tout autant de la sécurité que de la rentabilité, et les employés savent qu'ils seront soutenus, jusqu'au plus haut niveau, s'ils arrêtent ou retardent un projet pour des considérations liées à la sécurité.

La réglementation permet à l'ONE de définir clairement les résultats que doit atteindre chaque société réglementée. Il incombe ensuite à celle-ci de choisir la meilleure façon d'y parvenir. L'ONE contrôle ensuite les mesures qu'il prend, au moyen d'inspection, de réunions sur la conformité, d'exercices d'urgence, d'audit et d'enquêtes. Si, à un moment quelconque, il découvre des situations de non-conformité, l'ONE prend les mesures nécessaires parmi celles à sa disposition, comme les décrets de sécurité limitant ou suspendant les activités, la révocation des autorisations ou des poursuites au criminel.

[Français]

Quelle que soit l'exigence, tous les programmes de l'Office en matière de sécurité sont conçus pour que les sociétés gèrent efficacement la sécurité et la protection de l'environnement, de la conception d'un pipeline à sa construction, son exploitation et sa cessation ultime d'exploitation.

[Traduction]

Au cours des prochains mois et des prochaines années, l'ONE continuera de manifester la même détermination en matière de sécurité et de protection de l'environnement. Grâce au fonds supplémentaire que lui a accordé le Parlement, l'ONE pourra recruter du personnel afin d'accroître de 100 à 150 le nombre d'inspections annuelles qu'il mènera auprès des sociétés qu'il réglemente, et doubler le nombre d'audits exhaustifs qu'il fait, de trois à six par année. Ces mesures permettront à l'ONE d'être plus présent sur le terrain, de manière à s'assurer que les pipelines de son ressort sont exploités en toute sécurité. Le Parlement a aussi muni l'ONE d'un nouvel outil d'application : les sanctions administratives pécuniaires. Grâce à elles, il pourra imposer des pénalités financières aux sociétés, entrepreneurs et particuliers coupables d'infractions aux lois sur la sécurité et la protection de l'environnement. Ce nouvel outil sera mis en œuvre en juillet 2013.

En juin, l'ONE sera l'hôte du forum sur la sécurité à Calgary. À cette occasion, il sera notamment question du leadership des entreprises dans la création et le maintien d'une culture de sécurité, des systèmes de gestion efficaces et de la prise de mesures du rendement en matière de sécurité. Puisqu'une solide culture de sécurité commence au niveau du leadership, l'ONE s'attend à ce que les dirigeants des sociétés qu'il réglemente soient présents. Je crois fermement que les thèmes qui seront abordés lors du forum sur la sécurité contribueront à sans cesse améliorer et renforcer la culture de sécurité à l'échelle de l'industrie.

Parmi les conférenciers vedettes au forum sur la sécurité, je tiens à mentionner M. Mark Flemming, de l'Université Saint Mary's. Comme il le dit lui-même, M. Fleming a passé les 20 dernières années à essayer de comprendre la culture de sécurité afin d'améliorer la sécurité. Ces recherches poussées sur le sujet servent de base à la philosophie et aux exigences de l'ONE à l'égard des sociétés réglementées. Sa contribution au forum sera inestimable.

[Français]

Le pétrole et le gaz demeurent des sources d'énergie importantes dans notre société. La population canadienne exige que ces ressources soient mises en valeur de façon sécuritaire et responsable. L'Office national de l'énergie partage cette vision et juge qu'il s'agit d'une composante fondamentale de son mandat pour s'assurer de la sécurité des Canadiens et Canadiennes et la protection de l'environnement.

[Traduction]

Merci de m'avoir donné l'occasion de m'exprimer sur le rôle actuel de l'ONE en matière de sécurité des pipelines ainsi que de nos efforts continus pour trouver de nouvelles façons et des façons plus efficaces d'améliorer l'essentiel de notre travail, qui consiste à protéger les Canadiens ainsi que leurs intérêts. Je serais ravi de répondre à vos questions.

Le président : Merci. Je vais vous poser la question que j'ai déjà posée concernant l'installation du pipeline en 1957. Est-il aussi sûr qu'en 1957?

M. Caron : La réponse, monsieur le président, est oui, étant donné que l'on contrôle constamment l'état des pipelines en les survolant, en effectuant des inspections visuelles au sol et en y faisant circuler des outils d'inspection interne. Il s'agit d'activité cyclique. L'Office national de l'énergie exige que les entreprises qu'il réglemente soient au courant de l'état actuel du pipeline. Cela est ancré dans le concept de systèmes de gestion, dont j'ai parlé dans ma déclaration préliminaire.

Pour qu'une entreprise exerce ses activités en sécurité, il est essentiel qu'elle évalue constamment, dans le cadre de leur système de gestion, les risques et les dangers auxquels le pipeline est exposé. L'âge des installations est un facteur dont il faut tenir compte, mais ce n'est pas le seul. En fait, il y a des pipelines plus récents qui nécessitent plus d'entretien que des pipelines plus anciens, notamment en ce qui a trait à certains revêtements utilisés pour les protéger de la corrosion dans les années 1970. Il y a un type de revêtement qui exige plus de travail que des pipelines construits dans les années 1950 et 1960. L'âge est donc un facteur, mais ce n'est pas un facteur déterminant de sécurité. Nous exigeons que les entreprises surveillent l'état du conduit et, lorsque c'est nécessaire, elles effectuent des réparations, qu'elles coupent certains segments et qu'elles les remplacent avec de nouveaux conduits lorsqu'elles savent qu'ils ont été exposés à certains problèmes. Notre rôle consiste à veiller à ce que ces bonnes pratiques soient constamment appliquées afin d'assurer une exploitation des pipelines en toute sécurité.

Le président : Pour ce qui est de ce pipeline en particulier, cela dit, il a été entièrement doublé, je pense donc qu'il y a deux canalisations tout le long.

M. Caron : C'est exact.

Le président : Je suis heureux de vous avoir entendu parler de sécurité, car notre travail ici consiste à transmettre le message au public du mieux que nous le pouvons. On ne peut rien garantir à 100 p. 100, mais nous faisons un excellent travail de surveillance pour assurer la sécurité des pipelines partout au Canada. Le dernier intervenant a indiqué ce que peut faire l'ONE si, en fait, une entreprise exploitant un pipeline n'adhère pas aux pratiques en matière de sécurité. L'ONE a-t-il déjà révoqué un permis d'exploitation, ordonné la fermeture d'un pipeline ou imposé des pénalités financières?

M. Caron : Pour ce qui est de révoquer entièrement une autorisation, non; pour ce qui est de demander que certaines sections d'un pipeline soient fermées, oui. En fait, nos témoins qui ont comparu en décembre ont entrepris de vous envoyer les deux exemples récents dont nous disposons dans lesquels un pipeline a été fermé.

Aujourd'hui, il y a probablement une demi-douzaine de sections de pipelines au Canada pour lesquels nous avons ordonné une réduction de pression afin que le pipeline reste sûr. C'est comme sur la route. On pouvait conduire en toute sécurité à 100 kilomètres-heure, mais avec les nids-de-poule, il vous faut réduire votre vitesse à 60 kilomètres-heure. La route reste sécuritaire à condition qu'on réduise la vitesse. Il en va de même pour les pipelines. Si vous réduisez la pression à laquelle ils fonctionnent, vous êtes en mesure de maintenir votre niveau de sécurité jusqu'à ce que les correctifs nécessaires soient apportés. Il y a environ six ordres de réduction de pression en vigueur à l'heure actuelle.

Nos inspecteurs ont l'autorisation légale de demander aux entreprises de le faire et aussi, par exemple, d'interrompre les travaux sur un projet de construction ou de modifier le mode d'exploitation du pipeline. On a recours à ces pouvoirs de façon quotidienne en tenant compte des risques, selon nos observations, et selon notre évaluation indépendante de la situation, dans le but d'assurer la sécurité des Canadiens.

Le président : Merci. Cela répond à mes questions.

Le sénateur Mitchell : Merci, monsieur Caron, de votre présence. Nous savons toute l'importance que cela a pour vous. Vous nous avez envoyé vos fonctionnaires et vous êtes maintenant parmi nous. Cela nous rassure. Je pense qu'en fait, nous avons été encouragés à faire cette étude par une lettre que vous nous avez envoyée il y a un certain temps, donc merci.

Je vais revenir à la question de la surveillance. J'ai posé la question à un certain nombre de gens, et vous avez pu voir de vous-même que cela a effectivement été le cas ce soir.

Selon les témoignages, Kalamazoo était une anomalie. On espère que tous les accidents sont des anomalies, alors cela ne permet pas de distinguer cet accident des autres. Deuxièmement, on a indiqué que les salles de contrôle des principaux pipelines sont très sophistiquées et sont dotées de personnel ayant un haut niveau d'expertise, et cetera. Parallèlement, dans le cas d'Enbridge, il semble y avoir eu confusion. Quelques questions ont trait à cela.

Premièrement, si une importante compagnie de pipeline peut connaître ce type de confusion, qu'en est-il des plus petites entreprises exploitant des pipelines?

Deuxièmement, comment se fait-il qu'une entreprise de la qualité, de la taille d'Enbridge et dotée de ressources importantes puisse connaître ce genre de confusion?

Enfin, vous avez insisté dans ce domaine sur la culture de sécurité. Je sais que c'est provocateur, mais la National Transportation Safety Board des États-Unis a identifié un manque flagrant de sécurité chez Enbridge. Dans ce contexte, pouvez-vous nous rassurer?

M. Caron : Je ne vais pas vraiment tenter de vous réassurer, monsieur le sénateur, mais je vais vous dire ce que nous savons et ce que nous allons savoir.

Le rapport de la NTSB nous a été très utile. Vous avez cité la National Transportation Safety Board. Aux États- Unis, il s'agit de l'équivalent de notre Bureau de la sécurité des transports. C'est une entité indépendante qui est parvenue, comme vous l'avez indiqué, à certaines conclusions.

Dans le rapport, si je me souviens bien, on a mis en relief la notion de réglementation de la sécurité par les agents de réglementation — dans le cas qui nous concerne, l'ONE; dans le cas des États-Unis, il s'agit d'une organisation qui s'appelle la Pipeline and Hazardous Materials Safety Administration ou PHMSA — afin de s'éloigner progressivement d'une réglementation prescriptive et normative et adopter davantage une réglementation fondée sur les systèmes de gestion et les résultats. Dans son rapport, la NTSB, je trouve, a bien fait la promotion, du moins indirectement, de l'idée de renforcer la culture de sécurité. Elle a fait remarquer dans son rapport — et je ne vais pas parler à sa place — que l'un des problèmes chez Enbridge était l'élément humain dans la salle de contrôle.

Pour ce qui est de ce que nous allons savoir, sénateur, je vous en informerai dès que nous aurons complété notre examen. Nous avons une équipe d'inspecteurs qui y a consacré un grand nombre d'heures. Ils se sont souvent rendus à Edmonton afin d'interroger les employés sur la situation, en partant du rapport de la NTSB pour passer à l'étape suivante. Nous collaborons aussi avec les autorités des États-Unis, la PHMSA, comme je l'ai indiqué. Je peux donner au sténographe la signification de ce sigle pour le procès-verbal.

Nous savons que le facteur humain explique une bonne partie de la situation. Vous-même ou un autre sénateur avez soulevé la question des systèmes de détection des fuites et de la possibilité de tout prévoir. La réponse, c'est qu'on peut prendre des mesures parfaites de l'état de l'ensemble de la canalisation, mais le problème est l'interprétation des changements de pression.

Par exemple, dans le cas du gaz, le gaz naturel est un fluide compressible. La façon dont la pression diminue est très différente dans le cas d'une rupture de conduite de gaz naturel et dans le cas d'une rupture d'oléoduc, car le pétrole n'est pas compressible, ou plutôt beaucoup moins.

La question n'est pas que la mesure de la pression, la mesure de la température et le moment exact où quelque chose a changé est difficile à savoir. C'est plutôt de savoir si on doit interpréter cela comme une situation normale et provisoire dans le mouvement de produits dans un très long pipeline, qui fait des milliers de kilomètres, ou comme un signe que quelque chose ne fonctionne pas sur le terrain.

Dans le cas d'Enbridge et de Kalamazoo, c'est une question de savoir qui sera informé de ce qui s'est passé entre les gens qui occupaient le poste de contrôle, et quelles leçons en seront tirées. Je suis absolument convaincu que nous en tirerons beaucoup de leçons, et les compagnies, au Canada, ont déjà commencé à collaborer pour améliorer le mode de fonctionnement dans leurs propres salles de contrôle suite à cet incident.

Le sénateur Patterson : Je ne sais pas si je digresse, mais nous nous intéressons aux pipelines, et il me semble qu'il n'y en a qu'un au nord du 60e parallèle, au Canada. Cependant, l'ONE a un rôle important à jouer au nord du 60e parallèle, où il me semble que vous assumez le rôle que tient normalement la province.

M. Caron : Oui.

Le sénateur Patterson : Pouvez-vous nous dire un peu comment vous fonctionnez, dans le Nord? L'ONE a récemment fait pas mal de travail dans la région.

M. Caron : Oui.

Le sénateur Patterson : J'aimerais que vous nous en parliez un peu, si vous voulez bien.

M. Caron : Merci, sénateur. Avec plaisir.

Nous travaillons dans le Nord depuis les années 1970 et 1980, à l'époque où il y avait beaucoup d'explorations, notamment dans la mer de Beaufort, mais aussi sur les îles de l'Arctique. En 1991, l'ONE a fusionné avec une organisation appelée l'Administration du pétrole et du gaz des terres du Canada, ou APGTC. Nous réglementons le développement et l'exploration pétroliers et gaziers dans les Territoires du Nord-Ouest et le Nunavut depuis 1991, et aussi au Yukon pendant un certain temps, jusqu'à ce que la Loi sur le Yukon confère les responsabilités fédérales au territoire.

En deux mots, sénateur, notre travail a consisté à toujours faire la promotion de la sécurité, de la protection de l'environnement, et de la protection des collectivités et de leur mode de subsistance dans le cadre de l'exploration et du développement énergétiques. L'éruption d'un puits dans le golfe du Mexique, l'accident BP Macondo, a eu une énorme influence sur notre approche en matière de collaboration avec les collectivités du Nord, parce qu'elles craignaient beaucoup pareille éruption, un jour, dans la mer de Beaufort. J'ai comparu devant votre comité au moins à deux reprises pour en parler.

Depuis, nous avons déposé le rapport final d'une vaste analyse que nous avons menée en partenariat avec des institutions du Nord et des organisations de revendications territoriales. Je suis par la suite retourné dans de nombreuses collectivités de la région désignée des Inuvialuit et dans plusieurs autres de l'île de Baffin, simplement pour entendre ce qu'avaient à dire les gens du Nord sur leur vision du développement futur de l'énergie sur leurs terres, pour m'assurer qu'ils connaissent notre existence, qu'ils sachent, au cas où l'industrie propose un jour d'exploiter une source d'énergie, qu'il existe un organe de réglementation indépendant et équitable qui les écoutera et assurera leur participation à nos processus.

C'est tout ce que je peux vous dire en quelques mots, sénateur. Je pourrais vous en parler pendant des heures, parce que je suis passionné par ce que nous faisons dans le Nord.

La sénatrice Ringuette : L'association des pipelines nous a dit qu'environ 20 p. 100 des pipelines de transmission du Canada, tous ceux dont on a parlé tout à l'heure, sont recouverts de ce revêtement de polyéthylène qui présente des risques. Quelles mesures l'ONE prend-il pour assurer une surveillance directe et continue et, peut-être, avant d'approuver le moindre projet d'expansion ou de nouveaux pipelines, pour s'assurer qu'on s'occupe des 20 p. 100 de pipelines existants et qui présentent des risques?

M. Caron : Sénatrice, pour commencer, les 20 p. 100 devront baisser parce que ce revêtement n'est plus utilisé. Dès que vous ajoutez un pipeline quelconque, vous savez que ce revêtement n'est plus le même. Ce revêtement n'est plus utilisé. La question concerne la gestion de ce qui se trouve toujours dans le sol. La réponse, essentiellement, est que nous nous attendons à ce que les entreprises que nous réglementons nous signalent les dangers de l'exploitation de leurs pipelines, et celui-là est connu.

Ces entreprises examinent régulièrement l'intérieur des pipelines à l'aide d'outils. Ce revêtement, ces 20 p. 100 dont vous parlez, correspond à une époque où on l'utilisait dans le passé. Les entreprises ont commencé à l'utiliser, mais elles en ont cessé l'utilisation une fois qu'elles ont déterminé que le revêtement n'était pas performant. Depuis lors, il a été question d'identifier le danger, surtout au moyen d'inspections internes, pour vérifier s'il y avait des défectuosités dans le métal ou le tuyau et pour intervenir et retirer ou réparer le revêtement au fur et à mesure, selon les indications des appareils d'inspection interne. Ces appareils peuvent être précis, en indiquant la quantité d'acier restant sur la surface du tuyau et l'endroit où se trouve la défectuosité potentielle sur ce tuyau. Ils permettent de trouver les endroits, d'intervenir, de creuser, de remplacer le tuyau ou le revêtement et de passer ensuite au prochain endroit. Cela fait partie de l'identification des dangers, des systèmes de gestion et de l'intervention lorsque les risques ne sont pas connus.

La sénatrice Ringuette : Avez-vous reçu un plan en ce qui concerne le programme de remplacement de ces 20 p. 100?

M. Caron : Toute entreprise que nous réglementons doit nous présenter un plan de gestion intégrée qui est axé sur les systèmes de gestion. Cela en fait partie.

La sénatrice Ringuette : Avez-vous un plan pour remplacer ces 20 p. 100, ce tuyau déjà installé qui représente un risque élevé? Ils nous ont dit qu'ils se méfiaient beaucoup de la corrosion externe et de la fissuration par corrosion sous contrainte. Sur le plan environnemental, de plus en plus, nous faisons face à des changements de température extrêmes et rapides qui pourraient avoir des répercussions supplémentaires sur ces 20 p. 100, ce qui semble assez risqué. Avant d'adopter de nouveaux systèmes, peut-être que l'état actuel du système en place devrait être le plus sûr possible.

Les témoins précédents ont dit que l'ONE est responsable de l'examen du pipeline Enbridge Northern Gateway. Où en êtes-vous dans votre examen? Est-ce qu'il comprend la consultation des communautés autochtones, de toutes les communautés et de tous les propriétaires fonciers le long du pipeline? Comment consultez-vous les provinces de la Colombie-Britannique et de l'Alberta? Il s'agit d'un pipeline interprovincial. Il s'agit d'une proposition et vous êtes responsable de l'examen. J'aimerais que vous fassiez le point sur le processus de consultation et l'état actuel de vos travaux.

M. Caron : Pour ce projet de pipeline, un comité conjoint d'examen a été établi entre le ministre de l'Environnement et l'Office national de l'énergie. Trois membres du comité tiennent des audiences publiques depuis approximativement un an au sein de différentes communautés, et les audiences se poursuivent. Une fois mis sur pied, un comité d'audience est indépendant. Ces trois membres, accompagnés de personnel de l'ONE et de l'Agence canadienne d'évaluation environnementale, visitent la Colombie-Britannique et l'Alberta et écoutent ce que la population a à dire. Cela veut dire que les experts écoutent les personnes autochtones dans le cadre d'un processus structuré pour recueillir les témoignages, y compris le savoir traditionnel et tout ce que le comité juge bon de consigner dans son dossier. D'ici la mi-année, il aura terminé la collecte de témoignages et de propos que les gens veulent leur présenter. Le comité en discutera et il prévoit terminer ses travaux d'ici la fin de 2013.

Le sénateur Lang : Je voudrais revenir sur la question du remplacement des sections de pipelines qui se sont détériorées. En examinant le nombre de ruptures ou de déversements de pétrole qui ont eu lieu — bien que bon nombre d'entre eux ne sont pas très importants si j'ai bien compris; en moyenne, je crois que nous gérons 1,3 par année —, ces ruptures se produisent-elles dans des pipelines qui ont été construits pendant les années 1950 et 1960? Sont-elles particulières à cette région, ou se produisent-elles aussi dans les nouveaux pipelines?

M. Caron : Je ne dirai pas que les ruptures relèvent de l'âge ou du lieu. Le nombre de ruptures est si petit qu'il n'est pas possible de cerner la tendance pour en déterminer la cause fondamentale. Nous parlons de probabilités ayant des chiffres très peu élevés.

Ce que nous savons, c'est qu'une rupture peut se produire. Voilà pourquoi nous insistons que les entreprises prennent toutes les mesures de précaution imaginables pour évaluer continuellement tous les dangers liés à l'exploitation de leurs pipelines. Je me répète et je vous prie de m'en excuser, mais cela fait partie intégrante d'un bon système de gestion. Les ingénieurs des entreprises, appuyés par la direction, par le PDG, ne cessent d'envisager les problèmes qui pourraient survenir. Le revêtement dont parlait la sénatrice, les 20 p. 100, est l'un des facteurs de risque connus. De nombreuses situations comptent davantage de facteurs de risque. Conduire une voiture compte environ 300 facteurs de risque que nous recalculons automatiquement chaque fois que nous sommes sur la route. Un pipeline est plus complexe qu'une voiture, une entreprise est obligée de connaître nos règlements et d'évaluer sans cesse les risques et les dangers. La température, comme vous l'avez dit; la croissance de la population environnante des pipelines, et donc la possibilité qu'un particulier conduisant une pelle rétrocaveuse pourrait oublier de nous appeler avant de buter sur un pipeline. Voilà d'autres dangers. Tout cela fait partie d'un tout. Nous obligeons les entreprises à y réagir en exigeant qu'elles effectuent la mise à jour constante de leurs plans pour inspecter le pipeline, examiner l'intérieur, examiner l'extérieur et prendre les mesures nécessaires.

Le sénateur Lang : Pour ce qui est de la recherche scientifique en cours, celle des entreprises et celle effectuée au nom du gouvernement — et un scientifique nous a parlé plus tôt aujourd'hui —, on revient à l'action corrosive qui peut toucher un pipeline. On a parlé de quatre millimètres par année. Je ne veux pas parler de statistiques, mais cela me dit qu'après un certain temps plus les anciens pipelines sont utilisés plus ils sont exposés. La possibilité d'une rupture est bien sûr plus élevée dans ce cas que dans le cas d'un nouveau pipeline, parce qu'on nous a dit que les nouveaux pipelines éliminent ce problème et présentent moins de risques que les autres.

Compte tenu de ça, des inquiétudes exprimées par le public et de ses exigences quant à la mise en place d'un règlement, il me semble que l'Office national de l'énergie envisagerait de mettre en œuvre un programme dans l'avenir, et qu'il travaillerait avec ces entreprises pour envisager des remplacements sans attendre qu'un déversement se produise pour dire qu'il est trop tard, qu'il faut le remplacer maintenant.

M. Caron : Je suis d'accord, monsieur le sénateur. Chaque année, les entreprises remplacent des segments de tuyau. La plupart des entreprises, peu importe la longueur du tuyau, le remplacent parce qu'elles se conforment à nos exigences. Elles effectuent des inspections et des autovérifications. Elles passent des outils d'inspection à l'intérieur et, en cas de sérieux doutes, elles préfèrent remplacer un segment. Elles sont obligées de procéder de la sorte afin d'éviter la mise hors service des pipelines. Nous vérifions leurs plans. Si nous n'aimons pas leurs plans, nous les contestons. Cela se produit rarement, mais nous estimons avoir le droit de leur poser des questions sur leur système de gestion.

Monsieur le sénateur ce que vous venez de décrire est la réalité. Chaque année, des tronçons tout au long des principaux pipelines au Canada sont remplacés.

Le sénateur Lang : Je veux parler des ruptures et des effets résiduels subis durant les 10 dernières années. D'abord, vous composez avec le déversement et ensuite, en collaboration avec les provinces, vous faites des inspections et vous vous assurez que les effets résiduels du déversement ont été atténués.

M. Caron : C'est exact.

M. Lang : Êtes-vous certain que toutes les étapes d'atténuation des effets résiduels de tous les déversements qui ont eu lieu ont été faites? Pourriez-vous peut-être nous en parler.

M. Caron : Nos règlements l'obligent, monsieur le sénateur. Récemment, nous avons publié des pratiques exemplaires en matière de mesures correctives, non seulement pour préciser les résultats de ces mesures, mais également pour identifier celles que nous considérons être les meilleures au monde. Nous nous prévalons des meilleures connaissances disponibles au monde afin de promouvoir des mesures visant à remédier totalement aux effets des déversements.

Nous ne pouvons pas empêcher les gens qui ont vu une rupture ou en ont subi les effets d'avoir été inquiets. Nous ne pouvons pas éliminer les préoccupations des quelques Canadiens qui ont vu une rupture un ou déversement, mais en ce qui concerne l'environnement, nous ne finissons qu'une fois que tout est nettoyé. Nous travaillons encore au sud de Norman Wells près de Wrigley où il y a eu un déversement. On en a beaucoup fait, mais nous sommes encore en train de mobiliser les collectivités et les aînés. Nous aurons fini seulement quand nous serons sûrs que tout a été assaini et qu'il ne reste plus de trace permanente.

Le sénateur Sibbeston : Monsieur Caron, ma question vise à savoir s'il existe des différences majeures entre les exigences qui s'appliquent à un pipeline construit dans les Territoires du Nord-Ouest et celles d'un pipeline construit dans le Sud. Étant donné l'importance du pergélisol dans les Territoires du Nord-Ouest ou n'importe où au nord du 60e parallèle, la réponse ne peut être qu'affirmative, à mon avis. Les pipelines dans le Sud du Canada ne seraient pas touchés par le pergélisol. Avec le pergélisol, le sol gèle et puis dégèle, ce qui donne lieu à des mouvements du sol. À mon avis, ce phénomène aurait un effet majeur sur un pipeline, donc il y a sûrement des exigences voulant assurer que les pipelines ne se fissurent pas et ne cassent pas.

M. Caron : Vous avez raison, monsieur le sénateur. Nous exigeons entre autres que la conception d'un pipeline tienne compte des caractéristiques uniques de l'environnement et des populations avoisinantes. Une fois le pipeline en exploitation, les sociétés ont le devoir, en vertu des règlements, de surveiller sans cesse les risques auxquels est exposé le pipeline.

Vous avez parlé du pergélisol, monsieur le sénateur. Si le sol est gelé en permanence, c'est une chose, mais si le sol gèle et puis dégèle pour geler de nouveau, c'est une situation qui pose un défi au concepteur en raison de la plus faible stabilité du stress et des formations dans les tuyaux.

Si un pipeline descend d'une colline, puis remonte, des conditions géotechniques telles la stabilité de la déclivité sont importantes. Vous voulez que le matériel situé au-dessus du pipeline y reste. Il faut considérer toute la thermodynamique du pétrole ou du gaz qui y transite à une pression réduite. Quand le pétrole coule à une température plus froide, quelle est l'incidence sur la conception des stations de pompage et le comportement du fluide dans des conditions transitoires.

Vous pourriez me donner plus d'informations que je ne pourrais le faire sur la capacité d'intervention en cas d'urgence, monsieur le sénateur. Il est difficile d'intervenir en situation d'urgence dans les Territoires du Nord-Ouest. Les interventions d'urgence doivent faire partie de la conception. Selon les règlements de l'ONE les sociétés doivent donner des précisions sur leurs propres risques. Nous ne donnerons aucune permission avant d'être satisfaits que les risques sont identifiés et que l'atténuation de ces risques a été bien gérée.

Le sénateur Sibbeston : Est-ce que l'ONE a pris des mesures dans le cas d'Enbridge, la société propriétaire du pipeline à Norman Wells? Qu'a fait l'ONE, depuis le déversement à Wrigley il y a quelques années, pour s'assurer qu'il n'y aura pas d'autres déversements semblables?

M. Caron : Je ne peux pas vous promettre qu'il n'y aura jamais un autre déversement quelque part. Cependant, je peux vous dire que nous avons beaucoup appris du déversement à Wrigley. Nous avons surtout appris que nous aurions pu mieux communiquer avec la collectivité tout de suite après le déversement. Les membres de la collectivité avaient du mal à savoir ce qui se passait, à savoir quelle quantité de pétrole avait été déversée et quelle quantité pouvait être récupérée. Avec le recul, il nous a pris du temps pour bien communiquer, et les résidants méritaient mieux que cela.

Quant à savoir si on aurait pu prévenir la fuite grâce à une meilleure technologie, je ne le sais pas. Comme je l'ai dit, ces incidents sont très peu probables, mais les conséquences et l'impact sont énormes.

Le sénateur Sibbeston : Ce que l'on dit dans les rues de Fort Simpson, où j'habite, c'est qu'au début, la société a essayé de cacher la gravité du déversement, en disant qu'un trou minuscule dans le pipeline a causé une toute petite fuite. On a fini par apprendre que c'était beaucoup plus que cela. Je suis d'accord que la société aurait pu être plus franche en communiquant les nouvelles sur le déversement.

M. Caron : J'inclurai l'ONE aussi. Il nous incombe d'aider les collectivités à obtenir des renseignements. Enbridge aurait pu faire mieux, et nous aussi, en répondant aux préoccupations de la collectivité.

Le sénateur Sibbeston : Il faut leur donner une fessée; il faut faire quelque chose.

M. Caron : Ne tenez pas pour acquis que nous n'avons pas agi, sénateur. Je n'utiliserai cependant pas la même expression que vous.

Le sénateur Wallace : Monsieur Caron, vous avez signalé dans votre exposé que l'ONE attend des sociétés réglementées qu'elles déploient entièrement des systèmes de gestion afin d'instaurer une culture de sécurité. Comme quelqu'un a déjà dit, et comme vous le savez d'après votre expérience, les problèmes sont souvent causés par l'erreur humaine et non pas à cause d'un défaut d'équipement ou d'infrastructure.

Beaucoup de sociétés, sinon toutes, ont leur propre méthode de comptabilité ainsi que des manuels sur la sécurité, donc tout paraît bien. Cependant, des incidents se produisent. Il y a des défaillances. Que fait l'ONE afin d'assurer que les sociétés suivent les procédures dans les manuels et que les gens comprennent les responsabilités pour justement minimiser les risques pour la population?

M. Caron : Sénateur, vous décrivez le travail le plus prometteur que votre organisme de réglementation, l'ONE, peut entreprendre. Nous croyons qu'il est possible de faire plus que de seulement confirmer l'existence de manuels. On peut aller plus loin que le texte écrit. Il y a des moyens de vérifier que ces faits sont réels.

Comme j'ai dit dans ma déclaration préliminaire, et nous en discuterons lors d'un forum sur la sécurité à Calgary en juin, l'ONE travaille avec acharnement pour concrétiser l'idée de la culture de sécurité; il faut que le PDG l'affirme, en parle régulièrement, passe des paroles aux actes et en mesure l'importance. Il faut que les employés croient que ces manuels parlent d'une réalité et que de les suivre est bon pour tout le monde y compris leurs collègues et les collectivités où ils travaillent, et que de mettre fin aux travaux de crainte que la sécurité de quelqu'un est en jeu est une bonne chose. J'imagine que s'il y a trop de réponses on pourrait aller trop loin dans l'autre sens. Les sociétés doivent encourager leurs employés à croire que la bonne chose à faire consiste à dire : « Arrêtons-nous un instant pour vérifier que tout le monde est en sécurité avant de continuer. » Selon nous, l'organisme de réglementation a un rôle clé à jouer en faisant la promotion de cette idée-là.

Peut-être qu'un jour nous effectuerons des vérifications pour nous assurer de la conformité à une culture de sécurité. Personne ne le fait actuellement. Les États-Unis commencent à discuter d'une culture de sécurité. Nous en parlions dernièrement et M. Fleming de l'Université Saint Mary's en fait la promotion.

Sénateur Wallace, ce que vous avez décrit est l'élément clé pour la promotion de la sûreté à l'avenir. La technologie évoluera naturellement. Les entreprises ont tout intérêt à continuer à investir dans la recherche et le développement et à faire avancer la technologie. Pensez aux rapports publics sur des accidents industriels majeurs, par exemple l'éruption du puits dans le golfe du Mexique, la plateforme Ocean Ranger qui a coulé, faisant de nombreuses victimes au large de Terre-Neuve, et l'explosion de la navette spatiale Challenger. Malheureusement, les causes de ces accidents sont semblables. Et c'est justement à quoi vous faisiez allusion.

Le sénateur Wallace : Plus loin dans votre exposé, vous avez parlé du nombre de vérifications intégrées que l'Office national de l'énergie pourra effectuer, passant de trois à six. S'agit-il de vérifications de la conformité aux règles de gestion de la sécurité?

M. Caron : La réponse est oui. Nous évaluons le rendement de l'entreprise en fonction de son système de gestion. Ensuite on peut établir s'il existe bel et bien une culture de sécurité. Je crois qu'il faut trouver une façon de l'expliquer aux entreprises. Ces dernières doivent savoir comment nous montrer qu'elles ont une véritable culture de sécurité.

Récemment, j'ai rencontré plusieurs PDG à Calgary et ils sont d'accord avec nous. Je crois qu'ils savent comment s'y prendre, mais nous n'avons pas de pratiques exemplaires qui servent de ligne directrice. Nous n'avons pas non plus une façon méthodique de démontrer l'existence de la culture. Un manquement à cette culture pendant cinq minutes peut entraîner un accident majeur et les conséquences qui en découlent. Il est peu probable qu'un tel incident survienne, mais les conséquences peuvent être graves. C'est une possibilité réelle.

Le sénateur Wallace : L'un des moyens évidents visant à réduire au minimum la possibilité d'un déversement de pétrole est d'installer des soupapes d'arrêt à des endroits critiques. À titre d'organisme de contrôle, sur quels critères vous appuyez-vous pour approuver la configuration d'un pipeline étant donné qu'il peut traverser une topographie variée? Quelle sorte de soupape d'arrêt devrait y être installée et à quels intervalles? Si un incident survient, vous pouvez fermer le pipeline. Le pétrole qui se trouve entre les deux soupapes d'arrêt serait perdu. Comment pouvez-vous déterminer ces éléments? Faites-vous une distinction entre des pipelines sous-marins et des pipelines qui traversent des régions montagneuses? Comment s'y prendre?

M. Caron : Nous faisons preuve de rigueur et dans nos règlements nous incorporons par renvoi le code Z662 de l'Association canadienne de normalisation. Ce sont des normes de pointe élaborées par des intervenants, en l'occurrence l'industrie, les gouvernements et les organismes de contrôle. Il existe plusieurs modèles de soupape. Certaines sont déclenchées automatiquement s'il y a une baisse de pression. Beaucoup de soupapes peuvent être commandées à distance.

Je ne vous donnerai pas un résumé du code Z662, mais nous nous fions à l'Association canadienne de normalisation qui est reconnue comme chef de file mondial en matière de normes de sécurité.

[Français]

Le sénateur Massicotte : Merci beaucoup d'être parmi nous ce soir. C'est toujours très intéressant de vous entendre. J'aimerais poser une question de suivi. En résumé, la technologie et une culture de bonne gestion peuvent bien gérer les problèmes ou les risques de fuites. On peut également conclure que l'être humain fait des erreurs et que dans presque la totalité des cas, les fuites importantes sont causées par une erreur humaine ou par une mauvaise culture de l'entreprise.

Le président du comité à posé la question à savoir s'il y a eu des conséquences, mais y a-t-il déjà eu des pénalités financières importantes imposées à ces gens? Bien sûr, l'erreur est humaine, mais y a-t-il des conséquences pour ces gens?

M. Caron : Jusqu'à maintenant, pas beaucoup, car l'imposition d'amendes était très difficile en raison de notre cadre législatif. Toutefois, grâce au projet de loi C-38 qui a reçu l'assentiment du Parlement l'été dernier, nous avons maintenant un cadre juridique nous permettant d'imposer des amendes.

Le sénateur Massicotte : Est-ce que ce sera le cas?

M. Caron : Nous sommes à développer un outil de travail. Au mois de juillet 2013, nous serons prêts à utiliser cet outil de travail. Nous espérons évidemment que les compagnies s'y conformeront, mais nous n'aurons aucune hésitation de notre côté.

Le sénateur Massicotte : C'est toujours la même chose, c'est une question de culture. En d'autres mots, si les organismes s'appliquent et développent une bonne culture et de bonnes mesures, il n'y aura aucun problème. À l'inverse, s'il n'y a pas d'amendes, ça n'augmente pas la crédibilité et il faut qu'il y ait des sanctions à un moment donné.

M. Caron : Je suis d'accord avec vous. Je vous demanderais d'examiner le résultat de notre réglementation. Depuis 1959, combien de fois un pipeline a fait l'objet d'une rupture ou combien de fois un Canadien ou une Canadienne a été blessé par une opération impliquant un pipeline? C'est à peu près nul. Combien de fois y a-t-il eu un impact environnemental irréversible? Je ne me souviens d'aucun. Je ne veux pas minimiser les accidents qui ont eu lieu, mais si vous regardez les résultats produits par notre système réglementaire, on ferait l'envie de bien des pays.

L'outil qui nous est donné, c'est d'aller au-delà de cela. On pense qu'on peut faire mieux, surtout sous l'angle de la culture organisationnelle et nous croyons nous diriger dans cette voie.

Le sénateur Massicotte : Mais avant cela, on peut observer les données qui font ressortir que le volume de fuites au Canada ressemble beaucoup à celui de l'Europe ou des États-Unis. Êtes-vous d'accord avec cela? Malgré un système qui fait qu'on est tellement bons, on se situerait seulement dans la moyenne d'autres pays comparables?

M. Caron : Les tableaux présentés et qui n'ont pas été produits par nous démontrent plutôt que le Canada est en avance.

Le sénateur Massicotte : Pas au point de vue des volumes perdus.

M. Caron : Le nombre d'incidents comprend des événements très mineurs et qui n'ont pas de conséquences.

Le sénateur Massicotte : Mais c'est la même chose que pour les autres pays. J'imagine donc que la mesure est comparable.

M. Caron : Les chiffres parlent d'eux-mêmes.

[Traduction]

Le président : D'ailleurs, ce n'est pas toujours une question d'amende. Le fait de limiter la quantité de pétrole ou de gaz transportée dans un pipeline en raison d'un manquement à une obligation représente également une sanction pécuniaire pour l'entreprise. Et dire qu'ils ont été frappés d'une amende de tant de dollars n'a pas le même effet. C'est bien ça?

M. Caron : C'est exact, monsieur le président. Il est également vrai que les entreprises savent pertinemment que si nous jugeons que leur façon de faire est inacceptable, nous pouvons faire cesser leurs opérations, ce qui a des répercussions sur leur réputation, leur flux de trésorerie et leur crédibilité. La peur de la concurrence incite parfois des entreprises à adopter une position monopolistique. Les exploitants de ces pipelines craignent en permanence une intervention réglementaire. Au fond, nous n'hésiterons pas à fermer une partie d'un pipeline si nous considérons qu'il compromet la sûreté des Canadiens.

Le sénateur Brown : À quel endroit le long des pipelines approvisionnant les résidences partout au pays et des plus grands pipelines de transport des entreprises, l'ONE effectue-t-il les contrôles? En Alberta, par exemple, de nombreuses coopératives ont été mises sur pied pour approvisionner des écoles et des résidences.

Les seuls contrôles dont j'ai entendu parler concernaient des fuites de gaz naturel à l'intérieur ou près d'un domicile. À ma connaissance, le pire cas était celui de San Francisco où tout un pâté de maisons a été touché. Je ne sais plus combien de personnes sont mortes, mais toutes ont été blessées.

M. Caron : C'était à San Bruno, près de San Francisco. Huit personnes ont trouvé la mort dans l'incendie provoqué par l'explosion d'un pipeline sous haute pression dans un quartier résidentiel.

Pour répondre à votre question, sachez que les pipelines qui approvisionnent les domiciles, les écoles et les commerces sont en général à plus faible pression et parfois faits de plastique plutôt que d'acier — pour les résidences — relèvent de la réglementation provinciale. L'Office national de l'énergie n'est pas chargé de garantir la sécurité de l'approvisionnement en gaz naturel des domiciles, des entreprises, des exploitations agricoles et des ranchs; ça relève des provinces. Par exemple, ATCO Gas, à Calgary, serait régi par les autorités provinciales, et non pas par l'Office national de l'énergie. Cela est également vrai dans les autres villes.

Le sénateur Brown : Qu'en est-il des coopératives mises sur pied par des groupes de gens qui ne sont peut-être pas en mesure d'effectuer ces contrôles en toute sécurité, mais le font tout de même? J'aimerais savoir s'il y a des inspecteurs.

M. Caron : Je ne peux pas parler au nom des provinces, mais j'imagine que les autorités provinciales régissent ceux qui assurent la livraison du gaz naturel à partir des pipelines sous haute pression réglementés par l'ONE et qui réduisent la pression à un niveau équivalant à celle d'un pneu de voiture, et le font en toute sécurité. Je dirais que les entreprises qui effectuent ces contrôles sans y être autorisées agissent probablement en violation des règlements de leur province.

Le sénateur Brown : Utilise-t-on encore des tuyaux en fer noir dans les domiciles après le point de contrôle du gaz?

M. Caron : J'en serais très surpris, sénateur. Je sais qu'il en restait quelques-uns il y a de nombreuses années dans certaines provinces, et c'est peut-être encore le cas, mais j'espère qu'il en reste très peu. Il n'y en a aucun dans le secteur réglementé par l'ONE, puisqu'il s'agit évidemment d'une technologie dépassée pour l'utilisation qu'on en fait.

Le sénateur Brown : Je sais qu'il y en a au moins un, là où j'habite.

La sénatrice Seidman : Monsieur Caron, dans votre déclaration, vous parlez de la réponse que l'ONE nous a donnée lorsqu'en décembre nous avons demandé si l'office avait fermé des pipelines pour non-conformité. En fait, j'ai ici la réponse écrite. J'aimerais vous poser une question à ce sujet, puisque cela pique ma curiosité.

M. Caron : Je l'ai aussi avec moi, sénateur, donc je peux aussi m'y référer.

La sénatrice Seidman : L'ONE n'a ordonné la fermeture de pipeline qu'à deux occasions, soit en 1973 et en 1998. C'est tout?

M. Caron : Oui.

La sénatrice Seidman : Pourriez-vous me dire sur quel critère vous vous basez pour déterminer s'il est nécessaire de prendre cette mesure? J'en déduis que soit les entreprises se conforment rigoureusement aux règles et par conséquent, vous n'avez pas à intervenir, soit vous n'avez pas encore de processus de vérification de la conformité — je pense que vous l'avez signalé — qui est pourtant si important. Dans ce dernier cas, vous n'auriez donc pas encore déterminé la marche à suivre.

M. Caron : Ce qui explique la rareté de ces incidents, madame la sénatrice, c'est l'efficacité de l'industrie. En 1973, une commission a ordonné la fermeture d'un pipeline qui faisait l'objet d'un certain nombre d'excavations. Certaines parties étaient retirées et remplacées par de nouveaux tuyaux, mais apparemment sans l'approbation de la commission, et dans le non-respect des exigences en matière de sécurité. Des gens non qualifiés remplaçaient les tuyaux sans s'assurer si les tuyaux étaient conformes au code en vigueur à l'époque. C'était évidemment attribuable à l'erreur humaine. Il ne s'agissait pas d'un tuyau défectueux du point de vue métallurgique, ou de soudures inadéquates, mais tout simplement d'un mauvais tuyau installé au mauvais endroit.

Je me souviens de l'incident de 1998, parce que c'était de mon époque. Il s'agissait d'une des canalisations sulfurières d'une installation de traitement et non pas du gazoduc principal. Dans ce cas, si je me souviens bien, madame la sénatrice, il y avait accumulation de problèmes dans le fonctionnement du pipeline.

Je ne peux parler au nom du groupe qui a pris cette décision. Je me souviens d'une audience sur le sujet, mais la commission n'était pas convaincue que l'entreprise avait la situation bien en main. On a donc dit : « Bon, cela suffit : cessons les opérations, recommençons à zéro et voyons si nous pouvons rendre ce pipeline plus sûr. »

Madame la sénatrice, ce genre de situation est extrêmement rare. Lorsque nous effectuons des vérifications ou des inspections, nous constatons que des entreprises ont tout intérêt à s'assurer que leurs pipelines sont bien entretenus et sûrs. Elles ne gagnent rien à négliger le fonctionnement de leurs oléoducs et gazoducs. Bien au contraire; leurs intérêts correspondent à nos objectifs en matière d'intérêt public, donc nous constatons que ce genre de situation ne se produit que très rarement. Parfois, nous devons ordonner qu'on réduise la pression. C'est moins grave. Si vous réduisez la pression dans un pipeline, vous réduisez la quantité de gaz ou de pétrole qu'il peut transporter, donc il y a des conséquences économiques, mais on rétablit la sécurité, pour une pleine pression et un moindre volume. C'est fréquent.

Comme je l'ai indiqué, il est très rare qu'un inspecteur ne trouve pas dans une installation quelque chose à améliorer. C'est comme une vérification financière : on trouve toujours quelque chose. Nos responsables font de même, et c'est une bonne chose.

La sénatrice Seidman : Donc, vous nous dites qu'il y a d'autres façons de réduire le danger sans fermer tout un pipeline, et que vous opteriez pour ces options plutôt que pour la fermeture des opérations?

M. Caron : C'est exact. Madame la sénatrice, nous n'avons recours aux outils à notre disposition qu'en cas de besoin. Si on estime que le pipeline est exploité de façon sûre, on laisse l'opérateur tranquille. Plutôt que de répondre à nos questions, il peut faire fonctionner de façon sécuritaire le pipeline. Lorsque nous décidons d'effectuer une inspection ou non, l'un des facteurs de risque dont nous tenons compte, c'est la réputation de l'entreprise et son bilan par le passé. Cela influe sur la rigueur de notre programme d'inspection pour ces entreprises. C'est dans l'intérêt des entreprises d'avoir un bon rendement, puisque nous nous tournons toujours vers les opérations qui sont plus à risque.

La sénatrice McCoy : Je ne suis pas allée à la nouvelle salle centrale d'Enbridge — est-ce ainsi qu'on l'appelle?

M. Caron : La salle de contrôle.

La sénatrice McCoy : C'est cela, la salle de contrôle. Toutefois, on me dit qu'on l'a considérablement agrandie en doublant ou en triplant sa taille, ainsi que le nombre des appareils de contrôle, et peut-être aussi le nombre d'employés. Cela fait partie du système de gestion d'Enbridge, manifestement. On y contrôle toute l'Amérique du Nord dans cette salle. C'est assez impressionnant et j'espère que le comité trouvera le temps de se rendre de nouveau à ces installations pour vivre une expérience remarquable.

Cela fait-il partie des consignes que l'ONE donnerait à une grande compagnie qui administre autant de pipelines? Est-ce le genre de conseil que vous leur donneriez, à savoir augmenter le nombre des appareils de contrôle, des employés travaillant dans la salle de contrôle et peut-être des dispositifs technologiques disposés le long des pipelines?

M. Caron : Je dirais que oui, sénatrice. Je ne pense pas que nous prétendrions dire à une compagnie que nous en savons plus long en matière de technologie et qu'il lui faut moderniser son système de contrôle. Je vais plutôt vous donner un exemple.

Je ne suis pas au courant des modifications apportées par Enbridge, mais je sais que TransCanada PipeLines a récemment reconfiguré sa salle de contrôle pour mieux l'adapter au facteur humain. Vous pouvez facilement imaginer qu'une salle munie d'appareils de contrôle peut être plus ou moins adaptée à son utilisation par des êtres humains sur le plan de la visibilité et du point de vue du travail en équipe.

J'aime bien que vous nous signaliez que Enbridge améliore sa technologie. J'aime bien aussi le fait que TransCanada, par exemple, tienne compte des humains qui opèrent ces appareils de contrôle et qui doivent interpréter les données qu'ils reçoivent chaque milliseconde, et qu'ils doivent sans cesse comprendre ce qui se passe le long du pipeline, déterminer s'il s'agit d'une fausse alerte ou s'il y a véritablement une rupture. Cela me satisfait. S'il est une chose que nous préconisons, sénatrice, c'est tout cet ensemble, avec l'accent mis sur une reconnaissance par les compagnies que la voie à suivre est celle d'une culture de sécurité, appuyée par des systèmes de gestion qui tiennent compte du fait que les êtres humains prendront les mesures qu'ils doivent prendre en sachant qu'ils peuvent compter sur un appui hiérarchique. À mon avis, cela représente une amélioration considérable sur le plan de la sécurité des pipelines.

La sénatrice McCoy : L'ONE, autrefois, établissait des droits de péage et je ne sais pas si c'est encore le cas.

M. Caron : Oui, c'est encore le cas.

La sénatrice McCoy : Ce faisant, vous tenez sûrement compte de la durée utile de l'équipement, c'est-à-dire les pipelines. Quel est le taux d'amortissement, la durée utile qui sert à calculer le droit de péage?

M. Caron : Je vous réponds de mémoire, sénatrice. Cela varie selon la compagnie et la situation. C'est une fourchette entre 2,5 et 4 p. 100 pour le tube de canalisation.

La sénatrice McCoy : Vingt-cinq ans, cela représenterait 4 p. 100, n'est-ce pas?

M. Caron : À 2,5, c'est plus long que ça.

La sénatrice McCoy : Et 2,5 représenteraient...

Le sénateur Massicotte : De 25 à 40.

M. Caron : C'est exact. Toutefois, il faut dire, madame la sénatrice, que les compagnies investissent dans ce tube tous les ans. Le montant faisant l'objet de l'amortissement est souvent revu, rafraîchi donc, car parfois il faut augmenter la capacité. Parfois, les compagnies doivent remplacer une partie des 20 p. 100 qui intéressent la sénatrice pour que l'équipement demeure productif. Je vous ai donné une fourchette.

La sénatrice McCoy : Est-ce qu'il s'agit d'un genre de moyenne mobile?

M. Caron : Aucun pipeline n'achève sa durée économique à cause de la dépréciation.

La sénatrice McCoy : Je commence à avoir l'impression qu'il n'y a peut-être plus de pipeline vieux de 60 ans. S'agirait-il d'une conclusion hâtive?

M. Caron : Je suis certain qu'il y en a, madame la sénatrice. Ils sont peut-être peu nombreux à relever de la compétence fédérale. L'expansion importante de TransCanada PipeLines de l'Ouest du pays vers l'Ontario a commencé au milieu des années 1950, ce qui veut dire que ces pipelines existent depuis déjà 50 à 60 ans. Je crois que la réponse, c'est que oui, il y en a. Nous faisons un suivi continu pour nous assurer qu'ils sont sécuritaires, comme si c'était des chiots.

Le sénateur Massicote : Vous avez dit que ce qui est essentiel c'est d'avoir des systèmes de gestion, une culture, en d'autres mots, une approche systémique. Lorsque vous effectuez une vérification, est-ce que vous examinez seulement l'infrastructure physique du pipeline ou est-ce que vous envoyez des experts aux salles de contrôle d'Enbridge ou de TransCanada pour effectuer un examen des contrôles internes? Allez-vous déterminer s'il y a un bon système de contrôle et une bonne culture dans l'organisation, ou attendez-vous qu'il y ait une fuite pour examiner les pipelines?

M. Caron : Non, monsieur le sénateur. Nos vérifications sont souvent composées d'éléments différents tels qu'un contrôle des installations physiques, des discussions avec les gens, et d'une prise en note de leur propos concernant les systèmes de gestion et de leur relation avec ces systèmes.

Le sénateur Massicotte : Et les systèmes?

M. Caron : On veut s'assurer qu'il y a des systèmes de gestion et que les gens les connaissent et savent comment les interpréter.

Le sénateur Massicotte : Vous avez des techniciens et des experts en informatique pour effectuer ce travail?

Le président : Sénateur Massicotte, vous nous menez vers une discussion un peu plus longue.

M. Caron : Nous faisons venir des experts externes si la vérification révèle un risque de danger, monsieur le sénateur. Si on a besoin d'experts en informatique — je n'ai jamais vu ce genre de situation — on s'assurerait de trouver une ressource. Nous avons un budget pour faire venir des experts. Nos employés ont les compétences fondamentales. On peut toujours faire de la sous-traitance pour les compétences qui nous manquent et nous n'hésitons jamais à le faire.

Le président : Merci beaucoup, monsieur Caron, d'avoir pris le temps d'être avec nous. Je sais que vous êtes très occupé, mais nous avons entendu de bonnes questions ce soir et de très bonnes réponses. Je vous remercie d'avoir pris le temps d'être avec nous.

M. Caron : Merci monsieur le président et mesdames et messieurs.

(La séance est levée.)


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