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ENEV - Comité permanent

Énergie, environnement et ressources naturelles

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent de
l'Énergie, de l'environnement et des ressources naturelles

Fascicule 38 - Témoignages du 28 février 2013


OTTAWA, le jeudi 28 février 2013

Le Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles se réunit aujourd'hui, à 8 h 2, pour étudier le projet de loi C-370, Loi modifiant la Loi sur les parcs nationaux du Canada (Parc national des Îles-du-Saint-Laurent du Canada), qui lui a été renvoyé, étudier l'état actuel de la sécurité du transport en vrac des hydrocarbures au Canada et examiner l'ébauche d'un budget.

Le sénateur Richard Neufeld (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Bienvenue à cette séance du Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles. Je m'appelle Richard Neufeld. Je représente la Colombie-Britannique au Sénat et je suis président du comité.

Je souhaite la bienvenue aux honorables sénateurs, aux membres du grand public qui se trouveraient dans la salle et aux auditeurs qui suivent nos délibérations, où qu'ils soient au Canada.

J'invite maintenant les sénateurs à se présenter. Je vais commencer par présenter le vice-président, le sénateur Grant Mitchell, de l'Alberta.

Le sénateur Ogilvie : Kelvin Ogilvie, de la Nouvelle-Écosse.

La sénatrice Seidman : Judith Seidman, de Montréal, au Québec.

Le sénateur Patterson : Dennis Patterson, du Nunavut.

Le sénateur Wallace : John Wallace, du Nouveau-Brunswick.

Le sénateur Massicotte : Paul Massicotte, de Montréal.

Le sénateur Brown : Bert Brown, de l'Alberta.

Le président : Vous pouvez constater qu'ils prennent tous place du même côté de la table. Ils forment un groupe d'amis.

Je vais présenter également la greffière, Lynn Gordon, et les deux analystes de la Bibliothèque du Parlement, Marc LeBlanc et Sam Banks.

Le projet de loi C-370, Loi modifiant la Loi sur les parcs nationaux du Canada (Parc national des Îles-du-Saint- Laurent du Canada), a été renvoyé au comité le mardi 26 février. Ce projet de loi d'initiative parlementaire, qui vient de l'autre endroit, modifie le nom du Parc national des Îles-du-Saint-Laurent du Canada, qui serait remplacé par celui de Parc national des Mille-Îles du Canada. J'ai le plaisir de souhaiter la bienvenue au parrain du projet de loi, M. Gord Brown, député de Leeds—Grenville.

Merci de votre présence. Je crois comprendre que vous nous présenterez une information générale sur le projet de loi. Je vous invite à faire votre intervention, après quoi suivra une période d'échanges de questions et de réponses.

Gord Brown, député de Leeds—Grenville, parrain du projet de loi : Bonjour. Je vous remercie beaucoup, monsieur le président.

Sénateurs, c'est un honneur d'être parmi vous. C'est la première fois qu'il m'est donné de comparaître devant un comité sénatorial au cours de ma carrière de près de neuf ans à la Chambre des communes. Merci d'examiner le projet de loi. Je présenterai brièvement son objectif, puis je répondrai avec plaisir à vos questions.

Il s'agit d'un court projet de loi, mais il aura de grands effets sur ma circonscription. Je vous remercie d'ailleurs encore une fois au nom de tous ceux qui souhaitent que le changement se fasse, et ce, le plus rapidement possible. Je tiens à souligner qu'il s'agit de l'ensemble des municipalités situées le long du parc. Elles ont toutes adopté des résolutions à l'appui du projet de loi. Nous jouissons également de l'appui de la collectivité autochtone, des résidants et des entreprises de la région.

Je veux soulever certains points essentiels. Je les passerai rapidement en revue pour que vous puissiez comprendre pourquoi ce projet de loi est si important pour le développement économique de ma circonscription.

Le Parc national des Îles-du-Saint-Laurent, créé en 1904, est le premier parc national canadien créé à l'est des Rocheuses. Le parc se trouve dans une région connue aux quatre coins du monde sous le nom de région des Mille-Îles. Issue de la dernière période glacière, cette région est un passage terrestre qui permet aux plantes et aux animaux de traverser le Saint-Laurent, et elle possède une riche biodiversité.

La région est une jonction naturelle entre d'importantes formations géologiques, et c'est aussi un des hauts lieux de l'histoire culturelle de notre pays. Les Mille-Îles sont bordées par le Bouclier canadien au nord et les Adirondacks au sud.

À l'ouest, les Grands Lacs, plus particulièrement le lac Ontario, forment un puits thermique qui contribue à tempérer le climat de la région tant en hiver qu'en été, ce qui attire des espèces de plantes et d'animaux qu'on ne trouverait probablement pas autrement dans la région. C'est pourquoi l'UNESCO a désigné la région où se trouve le parc « réserve de la biosphère ».

Le parc est composé de plusieurs propriétés riveraines et d'îles importantes sur le plan écologique entre Kingston et Brockville. Le centre d'accueil de Mallorytown Landing propose aux visiteurs une introduction au parc, un sentier de randonnée, des programmes d'interprétation, des expositions et des activités pour toute la famille. Le parc contribue à favoriser des modes de vie durables et la protection des écosystèmes de la Réserve de la biosphère de l'arche Frontenac.

À l'arrivée des Européens, les Français ont baptisé ce coin de pays « la région des Mille-Îles » et, en 1816, les Britanniques ont donné aux îles elles-mêmes des noms importants de la marine britannique. Les commerçants et les colons passaient par les îles pour se rendre à l'intérieur des terres.

Tout au long de son histoire, le secteur a toujours été connu sous le nom de région des Mille-Îles. Aujourd'hui, bien des gens du coin l'appellent déjà le « Parc national des Mille-Îles », car il est connu sous ce nom.

Les services touristiques du secteur sont en pleine croissance et constituent un moteur important du développement économique de la région, qui comprend le parc. De plus, ces services prennent de plus en plus de place, car l'économie de la région a pris une nouvelle tournure au cours des 15 dernières années, l'industrie manufacturière n'étant plus aussi importante. Aujourd'hui, la région des Mille-Îles accueille des visiteurs du monde entier. Les dernières statistiques produites par Statistique Canada révèlent que 438 entreprises de ma circonscription estiment que les touristes sont leur clientèle cible. Ces entreprises touristiques emploient près de 6 000 personnes. Elles sont disséminées un peu partout dans la circonscription, mais la plupart sont concentrées dans la région immédiate des Mille-Îles. Il ne fait aucun doute que cette industrie est un employeur important dans ma circonscription.

Notre gouvernement a fortement appuyé ce virage économique en participant au financement du Centre de découverte maritime de Brockville, aujourd'hui connu sous le nom d'Aquatarium.

Lorsque Parcs Canada a célébré son 100e anniversaire, en 2011, et que les parcs ont été publicisés partout au Canada pour l'occasion, des questions ont de nouveau surgi au sujet du nom du parc. D'un océan à l'autre, les parcs sont généralement nommés en fonction de ce qui caractérise la région. Lorsque vous entendez le nom du Parc national des Îles-du-Saint-Laurent, rien ne vous indique où il est situé. Le Saint-Laurent est immense, et le parc pourrait se trouver n'importe où le long de ses rives, de Kingston à Gaspé.

L'image de marque constitue probablement l'un des aspects les plus importants de ce projet de loi qui vise à changer le nom du parc. Les agences de marketing considèrent qu'il s'agit d'un nom, d'un terme, d'un symbole ou d'un concept, ou encore d'une combinaison de ces éléments, dont le but est d'identifier les biens et les services d'un vendeur ou d'un groupe de vendeurs et de les différencier de ceux de la concurrence. L'image de marque consiste notamment à amener le marché cible à choisir votre produit ou destination parmi ceux proposés par les concurrents, dans l'espoir qu'ils en fassent un produit ou une destination de prédilection.

L'un des objectifs de l'image de marque est d'exprimer clairement un message. Les Mille-Îles constituent la grande attraction de la région, et ce nom envoie un message clair. C'est l'image de marque sur laquelle la région mise pour son avenir, et c'est à partir d'elle qu'elle reconnaît son passé.

Gananoque, ma ville natale, se targue d'être la porte d'entrée des Mille-Îles. Brockville se présente quant à elle comme la ville des Mille-Îles. Dans la description du parc donnée par Parcs Canada, on peut lire : « Le parc national des Îles-du-Saint-Laurent [est] situé au cœur de la région des Mille-Îles. »

La Stratégie fédérale en matière de tourisme présentée en 2011 comporte une section traitant précisément des parcs nationaux. D'après son texte, notre pays possède l'un des plus grands réseaux de parcs nationaux au monde. Ces parcs attirent des visiteurs, stimulent l'activité économique et mettent en valeur notre patrimoine naturel aux yeux des Canadiens et des visiteurs étrangers. Ils contribuent à la protection et à la gestion des écosystèmes en permettant à tous de les comprendre, d'en profiter et d'en reconnaître la valeur, tout en les préservant pour les générations futures.

Il est évident que les parcs nationaux du Canada sont importants pour le gouvernement et pour les Canadiens, et qu'ils demeureront un atout précieux de notre pays.

La Stratégie en matière de tourisme comporte un objectif particulier au sujet des parcs nationaux. Elle précise qu'au cours des cinq prochaines années, la fréquentation des parcs nationaux augmentera de 10 p. 100, une hausse en partie attribuable à l'attrait des destinations touristiques et à la qualité supérieure de l'expérience de séjour. L'une des mesures que nous pouvons prendre pour atteindre cet objectif consiste à utiliser une image de marque qui permet aux visiteurs étrangers de trouver le parc lorsqu'ils font des recherches.

Il est important que les visiteurs puissent bien situer les parcs. La Stratégie en matière de tourisme encourage les entreprises touristiques canadiennes à concevoir des attractions touristiques emblématiques. Les exploitants d'entreprises touristiques des Mille-Îles le font déjà.

L'image de marque qu'ils utilisent pour décrire leur région est fort simple : les Mille-Îles. Il importe de comprendre qu'il ne s'agit pas d'une nouvelle image de marque pour la région. Son importance est à la fois historique et culturelle. Les Mille-Îles, c'est le nom utilisé par tous les habitants du coin pour se distinguer des autres régions.

Pour nommer les parcs nationaux, les aires marines nationales de conservation, les lieux historiques nationaux ou les caractéristiques géographiques d'un parc ou d'un site, Parcs Canada suit les principes généraux de la Commission de toponymie du Canada. Il n'existe aucun document historique expliquant comment et pourquoi le Parc national des Îles-du-Saint-Laurent a été nommé ainsi. Les directives générales précisent que, pour proposer ou modifier un nom géographique, un organisme public doit faire une recherche sur le nom en consultant les résidants de la région, des documents historiques et d'autres sources. Parcs Canada a effectué cette démarche.

Lorsque j'ai commencé à m'intéresser au dossier, j'ai consulté des propriétaires d'entreprises et des conseillers municipaux de toute la région. Certains étaient étonnés d'apprendre que le parc ne s'appelait pas déjà le Parc national des Mille-Îles, parce que c'est le nom qu'ils emploient depuis de nombreuses années. Cela avait été recommandé il y a longtemps, dès les années 1970, mais le changement ne s'est pas fait.

Si on cherche sur Internet les Îles-du-Saint-Laurent, on trouve très peu d'information. Si on cherche les Mille-Îles, on trouve beaucoup de renseignements sur la région où se trouve le parc. Cela montre que « Mille-Îles » est le nom employé couramment pour désigner la région où le parc est situé.

Ce qui complique aussi le problème du nom, c'est qu'il existe un organisme du gouvernement de l'Ontario appelé « Commission des parcs du Saint-Laurent ». J'ai même géré cette commission avant de me faire élire à la Chambre des communes. Elle gère des propriétés tout le long de la partie du Saint-Laurent située en Ontario entre Kingston et le Québec, et elle exploite des attractions qui vous sont familières comme Upper Canada Village et Fort Henry, ainsi que des parcs et des terrains de golf. Je peux vous dire que, lorsque je gérais la commission, il y avait souvent confusion au sujet de ce que nous faisions. Même quand les gens savent qu'ils cherchent un parc national dont le nom comporte les mots Saint-Laurent, il peut y avoir confusion avec le nom de cet organisme du gouvernement de l'Ontario.

En résumé, l'avenir du développement économique de la région exige qu'on puisse trouver facilement l'emplacement du parc le long du grand Saint-Laurent. Et cet emplacement, ce sont les Mille-Îles. Le Parc national des Milles-Îles est le nom qui s'impose naturellement.

Je serai heureux de répondre aux questions, et je remercie le Sénat d'avoir adopté le projet de loi à l'étape de la deuxième lecture et de l'avoir renvoyé au comité. J'ai hâte que cette mesure soit adoptée. Mes électeurs souhaitent que cela se fasse au plus tôt.

J'attends vos questions.

Le président : Merci beaucoup de cette bonne information générale. Passons aux questions. Pour commencer, je donne la parole au vice-président, le sénateur Mitchell.

Le sénateur Mitchell : Merci beaucoup de votre exposé.

Quand vous avez parlé de l'importance du nom et de l'image de marque, j'ai cru comprendre qu'il n'y avait pas beaucoup d'enthousiasme pour le nom Parc national de Gord Brown, député.

M. Brown : Nous avons mené des consultations à ce sujet, mais il n'y a pas eu beaucoup d'intérêt. Je vous suis reconnaissant d'appuyer cette proposition.

Le sénateur Mitchell : Parfaitement.

Vous avez travaillé fort pour obtenir ce changement de nom, et ce que vous dites est plein de bon sens.

Pour donner aux téléspectateurs une idée de l'importance économique des loisirs de plein air et de l'économie du tourisme au Canada, pourriez-vous nous donner une idée de l'ordre de grandeur de l'impact économique des visiteurs qui viennent maintenant dans ce parc? Quelles retombées attendez-vous d'une meilleure image de marque?

M. Brown : C'est l'employeur le plus important de la région. J'ai travaillé dans le secteur touristique. J'ai présidé cet organisme, la Commission des parcs du Saint-Laurent, qui exploite ces attractions. J'ai été également président de la Chambre de commerce de Gananoque et des Milles-Îles. Je sais que c'est un secteur en croissance. Ces deux dernières années, le nombre de visiteurs venus des quatre coins du monde a augmenté, grâce au statut de destination approuvée par la Chine. Nous accueillons de plus en plus de visiteurs chinois. Il y a eu des accords de coopération et d'amitié entre le lac des Mille-Îles en Chine et la région des Mille-Îles au Canada, ce qui aide à attirer encore plus de visiteurs. Comme le secteur manufacturier décline depuis quelques années, le tourisme est devenu le secteur prédominant, et la région en dépend plus que jamais.

Le sénateur Mitchell : Très bien.

Je crois qu'il y a en fait 1 864 îles. Nous venons de le trouver sur Google. Vous arrondissez à la baisse, car il y en a encore plus que le nom ne le laisse croire.

M. Brown : Merci de cette information, sénateur. Le fait est qu'un grand nombre de ces îles se trouvent aux États- Unis, mais il demeure que la majorité d'entre elles se trouvent au Canada et que la plupart de ces îles sont dans ma circonscription.

Le sénateur Massicotte : Je dois expliquer que je siège d'habitude de l'autre côté de la table, mais il m'a semblé que le projet de loi était tellement lourd que les sénateurs auraient besoin d'aide, ce matin.

Le projet de loi est plein de bon sens. Je le comprends. Mais je voudrais m'assurer que nous avons toute l'information : quelle est l'objection de l'unique personne qui s'oppose à l'idée? Pourquoi cette objection ne tient-elle pas?

M. Brown : Merci de cette question. À la Chambre des communes, une seule personne s'est opposée au projet de loi à l'étape de la troisième lecture. Lors du vote de deuxième lecture, les néo-démocrates se sont opposés, mais uniquement parce qu'ils voulaient avoir davantage d'information. Ils voulaient savoir combien cette mesure coûterait.

Disons d'abord que nous nous limitons à remplacer les mots « Saint-Laurent » par « Mille », mais Parcs Canada a fait savoir que les coûts s'élèveraient à environ 100 000 $ sur 10 ans. C'est le remplacement des panneaux indicateurs qui représentera la majeure partie des coûts, mais presque toutes ces dépenses auraient dû se faire de toute façon à cause de l'entretien courant, pour moderniser les panneaux et d'autres éléments, pour revoir les imprimés accessoires et travailler au site web. De toute façon, il y aurait eu des dépenses courantes du même ordre. Parcs Canada est d'avis que les coûts sont minimes.

Le sénateur Massicotte : Dans la région, personne n'a d'objection? Personne n'a exprimé son désaccord?

M. Brown : Dans la région, personne n'a dit que ce n'était pas une bonne idée. Comme je l'ai dit au début, les gens croyaient que le nom proposé était déjà le vrai nom. La seule façon de changer le nom est de modifier la Loi sur les parcs nationaux. Lorsque nous avons entrepris cette démarche, il y a un certain nombre d'années, j'ai été étonné qu'il faille aller jusqu'à modifier une loi pour adopter un nouveau nom.

Le sénateur Massicotte : Lorsque, au départ, on a choisi de parler des îles du Saint-Laurent, est-ce que, si on remonte dans l'histoire, il n'y avait pas quelque chose de symbolique dans ce nom, en dehors du fait que c'est celui de la voie maritime? N'y a-t-il pas quelque chose qui revêt une certaine importance historique?

M. Brown : Non. Nous n'avons pu trouver aucune explication au choix qui a été fait à l'époque. Comme je l'ai déjà dit, il s'agit du premier parc national situé à l'est des Rocheuses. Même avant que le parc ne soit désigné officiellement, il existait un vrai mouvement en faveur de la protection des îles pour un usage public. Ces îles appartiennent à des particuliers, mais celles qui font partie du parc sont ouvertes au public, bien entendu.

Le sénateur Patterson : Je remercie M. Brown de son excellent exposé, et je le remercie également d'avoir reconnu que le Canada a trois côtes, dont celle de l'Arctique, qui est en fait la plus longue.

Le projet de loi ne semble pas porter à controverse, et je l'appuie sans réserve.

Auriez-vous l'obligeance d'expliquer un peu plus longuement ce que vous avez dit de la diversité naturelle et culturelle de la région?

M. Brown : Comme je l'ai déjà dit, le lac Ontario agit tout à fait comme un puits thermique. Cela veut dire qu'il tempère le climat de la région. J'habite à Gananoque, qui est au beau milieu des Mille-Îles, à une heure et demie de route d'Ottawa. En été la température y est beaucoup plus fraîche, et elle est plus chaude en hiver. Lorsqu'il fait très froid à Ottawa, il se peut que la température soit plus élevée de 10 degrés là-bas, à une heure et demie au sud.

Cela veut dire qu'on y trouve une flore et une faune différentes. C'est une région dont l'écologie est très variée, ce qui lui a valu sa désignation. Bien des espèces sont propres à cette région; il y existe une culture unique caractérisée par la biodiversité. Il y a donc beaucoup d'espèces animales et végétales différentes, et c'est pourquoi tellement de gens se sont efforcés de faire désigner la région comme une réserve de la biosphère. Une foule de gens s'emploient à protéger l'environnement de ces terres. Des servitudes de conservation ont été imposées à un grand nombre de propriétés pour assurer la protection des terres. Les responsables de la Réserve de la biosphère de l'arche Frontenac multiplient les efforts pour développer le tourisme écologique dans cet esprit, de façon durable.

Voilà qui explique, je crois, pourquoi il s'agit là d'un élément crucial pour la collectivité de cette région.

La sénatrice Seidman : Monsieur Brown, vous pouvez me compter parmi ceux qui ont toujours cru que le parc portait le nom des Mille-Îles. J'habite à Montréal et il me suffit d'une heure et demie pour me rendre dans cette région, et j'ai souvent parcouru la promenade des Mille-Îles. Ce nom est profondément implanté dans la région.

J'ai une question à vous poser. La région est également une porte d'entrée aux États-Unis, puisqu'on y trouve un pont vers ce pays et vers la portion américaine des Mille-Îles. Je présume que la mesure à l'étude assurera une plus grande cohérence, puisqu'il y aura un seul nom pour désigner les parties canadienne et américaine des Mille-Îles.

M. Brown : Oui, vous avez raison. Il existe un passage frontalier au beau milieu du parc, le pont des Mille-Îles, dont ce sera le 75e anniversaire l'été prochain.

Vous avez tout à fait raison de dire qu'il s'agit d'une destination internationale. Des efforts appréciables sont déployés de part et d'autre de la frontière pour promouvoir la région, et ces efforts sont centrés autour du nom Mille- Îles. Vous avez absolument raison, et j'ai le privilège d'habiter le long de la promenade des Mille-Îles.

La sénatrice Seidman : Vous avez beaucoup de chance. Merci de votre projet de loi.

Le sénateur Wallace : Monsieur Brown, comme vous l'avez dit, cette mesure renforcera la capacité de faire le marketing du parc et de lui donner une image de marque qui correspond à sa réalité, à la nature de la région telle que les habitants la connaissent. Quand vous avez fait cette observation et parlé de la Stratégie fédérale en matière de tourisme pour les parcs nationaux, je me suis demandé s'il existait un plan de marketing pour ce parc. Existe-t-il un document qui porte expressément sur le marketing de ce parc?

Comme vous l'avez dit, des touristes du monde entier, de la Chine ou d'ailleurs, sont attirés par cette région. Je me suis donc demandé s'il existait une stratégie propre au parc, avec une clientèle cible que vous courtisez. Dans l'affirmative, quel est le lien avec le projet de loi à l'étude?

M. Brown : Premièrement, ce qui m'a incité à m'occuper de la question, il y a environ deux ans, ce sont les publicités nationales qui soulignaient le 100e anniversaire de notre réseau de parcs. Une de ces annonces présentait à l'avant-plan une jeune fille qui courait sur des rochers dans les Milles-Îles. La publicité disait : « Le Parc national des îles du Saint- Laurent. » Et cela ne disait pas la moindre chose aux gens, qui ne savaient pas où ce parc se trouvait. Comme je l'ai dit tout à l'heure, il peut se trouver n'importe où entre Kingston et Gaspé.

La raison d'être du projet de loi, c'est de permettre d'indiquer clairement où le parc est situé et d'utiliser ensuite son nom dans son image de marque et son marketing. Ceux qui travaillent dans le parc attendent avec impatience que le Parlement adopte le projet de loi pour pouvoir redoubler d'efforts. Ils ont l'impression que le nom actuel a été une entrave dans le marketing du parc.

Toutefois, Parcs Canada a été un partenaire important en matière de tourisme dans la Réserve de la biosphère de l'arche Frontenac et il a entretenu une étroite collaboration avec des organisations touristiques de la région pour promouvoir les Mille-Îles. La mesure proposée ici ne sera qu'un nouvel élément qui contribuera à ces efforts.

Le sénateur Wallace : Y a-t-il des fonds fédéraux qui sont expressément consacrés au marketing et à la promotion de ce parc? Est-ce que, chaque année, on élabore une stratégie, publie des documents de marketing, et ainsi de suite?

M. Brown : Parcs Canada coopère avec les autres groupes, qu'il s'agisse d'offrir des sites web ou de publier des documents imprimés. De plus, tout cet effort s'intègre à la stratégie de promotion des parcs nationaux. C'est ce qui se passe de ce côté.

Au niveau local, il y a des efforts importants de promotion du parc, de concert avec ceux d'autres partenaires du secteur touristique.

Le sénateur Brown : Je suis très flatté. Ce matin, tout le monde m'appelle M. Brown. Je suis beaucoup plus populaire que d'habitude.

Quoi qu'il en soit, vous avez dit que l'expression « Îles-du-Saint-Laurent » sera remplacée par « Mille-Îles ». Qu'en diront les Américains? Ont-ils des objections?

M. Brown : Nous avons le Thousand Islands International Tourism Council, qui est voué à un effort commun de promotion touristique. Le même nom est utilisé des deux côtés de la frontière. Le parc est en fait une destination internationale, et les Américains seront ravis de le mettre en valeur.

Le sénateur Brown : Que comprennent les coûts de 100 000 $? Y a-t-il beaucoup de panneaux à changer, ou faut-il engager de nouveaux effectifs?

M. Brown : Non. Dans bien des cas, les panneaux ont des lattes qu'il suffit de remplacer pour changer un seul mot. C'est pourquoi Parcs Canada estime que les coûts ne seront pas très élevés. Presque toutes les dépenses seront engagées au fil de l'entretien courant et de la modification des sites Web. De toute façon, les imprimés sont remplacés chaque année. Parcs Canada estime que les coûts pourraient atteindre 100 000 $, mais il s'agit de dépenses courantes.

Le sénateur Lang : Un ou deux points à signaler, si je peux me permettre. J'ai eu l'occasion de visiter une partie du Parc des Mille-Îles. Je dois dire comme mon collègue le sénateur Runciman, que si l'occasion s'offre d'aller visiter ce parc, il faut la saisir. C'est un coin du monde absolument merveilleux.

Je tenais à vous le dire, à vous, député, et à vous féliciter de votre travail grâce auquel vous avez pu faire adopter un projet de loi d'initiative parlementaire aux Communes et en faire avancer l'étude au sénat. Ce n'est pas un parcours facile. On doit se rendre à l'évidence : il faut beaucoup de persévérance pour faire inscrire un projet de loi au Feuilleton, le présenter et le faire accepter par tout le monde. Je tiens à vous féliciter de votre travail de député.

M. Brown : Merci, sénateur.

Le président : Merci beaucoup de toutes ces questions, de ces réponses et de l'exposé. Ce fut très intéressant. Monsieur Brown, je vous invite à rester à la table pour l'étude article par article du projet de loi, ou plutôt de l'étude de l'article, dans ce cas-ci. Je ne crois pas qu'il y ait désaccord parmi les membres du comité. J'y vais tout de suite.

Est-il convenu que le comité passe à l'étude article par article, ou plutôt à l'étude de l'unique article?

Des voix : D'accord.

Le président : Le titre est-il reporté?

Des voix : D'accord.

Le président : L'article 1 est-il adopté?

Des voix : D'accord.

Le président : Le titre est-il adopté?

Des voix : D'accord.

Le président : Le projet de loi est-il adopté?

Des voix : D'accord.

Le président : Puis-je faire rapport du projet de loi au Sénat?

Des voix : D'accord.

Le président : Adopté.

Merci. L'étude du projet de loi est terminée.

M. Brown : Merci beaucoup.

Le président : Passons à la partie suivante de la séance.

Le 28 novembre 2012, notre comité a autorisé le Sénat à entreprendre une étude sur la sécurité du transport en vrac des hydrocarbures au Canada. Il examinera et comparera les régimes de réglementation, les normes et les pratiques exemplaires appliquées au Canada et à l'étranger relativement au transport sécuritaire des hydrocarbures au moyen de pipelines, de navires pétroliers et de trains. Jusqu'à maintenant, le comité a consacré sept séances à cette étude.

Nous accueillons maintenant, de Calgary, Dave Core, qui témoignera par vidéoconférence. Le témoin est PDG et directeur des projets sous réglementation fédérale pour la Canadian Association of Energy and Pipeline Landowner Associations.

Merci, monsieur Core, de comparaître ce matin. Il est un peu plus tôt à Calgary. J'ai même l'heure de Calgary à ma montre. Je vous invite à présenter votre exposé. Nous avons une heure pour votre exposé et pour les questions et réponses.

Dave Core, PDG et directeur des projets sous réglementation fédérale, Canadian Association of Energy and Pipeline Landowner Associations : Je tiens à vous remercier de cette occasion de présenter un point de vue sur l'enjeu qui est rarement entendu. Vous entendez d'habitude la version des environnementalistes et des sociétés pipelinières. Ce que j'ai à dire est fort différent.

Bonjour, honorables sénateurs. C'est un plaisir de vous parler par vidéoconférence depuis Calgary. Notre bureau national est situé à Regina, en Saskatchewan, mais je me trouve maintenant à Calgary pour des affaires personnelles.

La Canadian Association of Energy and Pipeline Landowner Associations, la CAEPLA, est une association composée de groupes régionaux de propriétaires membres au Nouveau-Brunswick, en Ontario, au Manitoba, en Ontario, au Manitoba, en Saskatchewan, en Alberta, en Colombie-Britannique et de membres associés d'un peu partout au Canada, d'un océan à l'autre.

La CAEPLA a pour objectif d'aider les propriétaires fonciers canadiens dont les terres sont traversées par un pipeline à s'attaquer plus efficacement au problème de l'impact de la construction et de l'exploitation des pipelines de transport de produits énergétiques qui ont une incidence sur les intérêts des propriétaires fonciers, notamment la préservation des sols, la responsabilité environnementale, les restrictions sur l'utilisation des sols, la sécurité, les questions de réparation et d'entretien, la cessation de l'exploitation et l'indemnisation. La CAEPLA est un élément catalyseur pour l'organisation des associations de propriétaires fonciers, auxquelles elle fournit des conseils en matière d'organisation ainsi qu'une certaine expérience et des services en matière de défense des intérêts et de négociation. La CAEPLA a également l'intention d'aborder avec les autorités gouvernementales et réglementaires compétentes la question des préoccupations des propriétaires fonciers au sujet de la réglementation actuelle des pipelines au Canada.

Je pourrais commencer mon intervention par deux citations. Elles donnent matière à réflexion et peuvent aider à situer dans leur contexte les réflexions dont je m'apprête à vous faire part.

Le célèbre poète et dramaturge George Bernard Shaw a dit :

L'homme raisonnable s'adapte au monde; l'homme déraisonnable s'obstine à essayer d'adapter le monde à lui- même. Tout le progrès dépend donc de l'homme déraisonnable.

Albert Einstein, pour sa part, a dit ceci :

Aucun problème ne peut être résolu sans changer le niveau de conscience qui l'a engendré.

À mon avis, ces deux pensées s'appliquent au problème que nous abordons ce matin.

La CAEPLA est une association favorable au développement. Nous appuyons un développement responsable, durable et respectueux des responsabilités d'intendance des propriétaires, qui doivent protéger la terre et l'eau pour les générations à venir. Jusqu'à maintenant, le mandat de l'association n'a pas été de s'opposer aux projets énergétiques ni aux projets de pipeline. Toutefois, si l'industrie et les autorités réglementaires continuent de bafouer nos droits de propriété et nos responsabilités d'intendance, cela changera certainement.

En matière de sécurité, ce sont les propriétaires fonciers qui sont la partie la plus intéressée. Pourtant, le système les empêche d'insister pour obtenir des contrats en béton qui prévoient une surveillance et la discipline de l'assurance.

Le CAEPLA a aidé de nombreuses associations de propriétaires fonciers à négocier des accords sur les pipelines un peu partout au Canada. En ce moment, elle consacre une grande partie de son temps aux projets de couloirs de pipelines et de lignes de transport de l'électricité dans l'Ouest. Elle continue d'essayer d'obtenir des contrats d'affaires en béton, mais les lois ne font qu'entraver ses efforts et mettre les sociétés du secteur énergétique à l'abri des lois et de la surveillance du libre marché.

Je vous ai procuré à l'avance quelques documents qui vous aideront à comprendre le point de vue des propriétaires fonciers que la CAEPLA représente. Je vous ai remis les exposés de position que nous avons présentés dans le cadre de l'Initiative de consultation relative aux questions foncières de l'ONE, ce qui comprend le document de travail sur les questions d'empiétement par des pipelines et les positions des propriétaires fonciers au sujet de la cessation de l'exploitation des pipelines et des fonds à recueillir pour ce stade de l'exploitation. Il y a également une lettre de 2009 que la CEPA a adressée à l'ONE au sujet de la prévention des dommages et de l'empiétement par des pipelines. Elle cite, au début, les opinions franches d'une propriétaire de la Saskatchewan, Stéphanie Fradette. J'ai également fourni l'argumentaire final que la CAEPLA a présenté à la dernière audience de l'ONE sur l'inversion de la canalisation 9 d'Enbridge. Il me semble que ce document explique l'histoire générale de la CAEPLA, ses origines et sa situation actuelle. Enfin, j'ai joint une lettre que les propriétaires fonciers et leurs associations ont envoyée récemment à l'ONE au sujet des questions de croisement des pipelines.

Ce matin, j'entends situer les préoccupations des propriétaires fonciers lorsqu'ils ont affaire à des sociétés pipelinières, c'est-à-dire les problèmes auxquels se heurtent les propriétaires privés comme nous, face à des sociétés appuyées par le gouvernement et subventionnées qui peuvent se présenter à nous, armées de règlements, pour s'emparer de nos terres, brimer nos droits, nous laissant pour des années des risques, des responsabilités et une obligation de diligence dont nous ne voulons pas, des coûts et la ferraille des pipelines, avec des problèmes de sécurité et de responsabilité à l'égard de la contamination et de l'effondrement des canalisations, lorsque les sociétés décident de tout abandonner et de s'en aller.

Avant de poursuivre, je vous invite à vous imaginer assis à la table de la cuisine avec votre famille, après le départ de l'« agent des terres », qui vous a laissé une enveloppe brune contenant un avis aux termes de l'article 87, avis réglementaire de l'Office national de l'énergie déclarant qu'une société va installer un pipeline derrière chez vous, l'accord de servitude et l'offre d'indemnisation. Ce n'est que le début du stress. Viennent ensuite les équipes d'agents des terres, les gens formés pour faire du profilage et raconter toutes les balivernes possibles pour vous amener à signer l'accord, et ils sont là, à la table de votre cuisine, en train de boire votre café. Ce peut même être le fils ou la fille du voisin. C'est comme si on s'égarait dans un western spaghetti, avec des cowboys qui se présentent à la porte, armés non pas de fusils, mais de larges sourires, d'une multitude de mensonges et de règlements de l'État qui leur permettent de proférer des menaces si vous contestez leur démarche.

Les brutes des sociétés pipelinières — pardonnez-moi ce terme, mais il n'y en a vraiment pas d'autres qui conviennent — sont armés de règlements qui permettent à des industries appuyées par le gouvernement et à leurs actionnaires d'« exproprier » nos terres, tout en nous laissant le titre de propriété, et qui autorisent le transfert discriminatoire de responsabilités des sociétés pipelinières et de leur obligation de diligence à des propriétaires privés, ce qui fait diminuer la valeur des terres. C'est du vol légalisé. Ces gens-là vous harcèlent jusqu'à ce que vous cédiez et signiez.

Comme on peut le constater dans la transcription des exposés que vos témoins précédents ont présentés, les sociétés pipelinières n'ont pas vraiment de comptes à rendre à qui que ce soit, et elles n'ont pas à en rendre depuis 1959. La CEPA, RNCan, l'Association canadienne de normalisation, l'ERCB de l'Alberta, qui est l'organisme albertain de réglementation, le gouvernement de la Saskatchewan et le « partenaire » avoué de l'industrie, Gaétan Caron, président de l'ONE, se contentent de dire que tout est impeccable, sécuritaire, durable. Eh bien, ce n'est pas le cas, et il est temps que tous sachent ce qui se passe vraiment.

Les organismes de réglementation de l'industrie, les fonctionnaires de l'État et tous les autres intervenants savent parfaitement comment avoir l'air « raisonnables » tout en mettant en avant le privilège et la protection de l'industrie du transport par pipeline. L'industrie possède l'atout ultime : l'appui des organismes de réglementation disposés à lui accorder le droit d'accès et le droit d'exproprier les terres d'un propriétaire, de sorte qu'elle ne soit pas contrainte de négocier un accord d'affaires pour acquérir les terres. Cette industrie n'est pas forcée de fonctionner sur le marché libre et elle se refuse à négocier des contrats exécutoires et rentables. Elle dicte aux organismes de réglementation ce qu'ils doivent faire et dire, et elle fait adopter des lois qui la protègent de ses propres responsabilités et des réalités du monde des affaires. On peut dire que, lorsque celui qui est assujetti aux règlements devient celui qui les prend, il s'agit d'un « détournement de la réglementation ».

M. Cory, de RNCan, c'est-à-dire Ressources naturelles Canada, a affirmé que les sociétés pipelinières étaient pleinement responsables du nettoyage après un déversement. Dans ce cas, comment se fait-il qu'il y ait d'un bout à l'autre du Canada des déversements et des terres contaminées parce qu'il n'y a eu aucun travail de dépollution? Comme je l'ai signalé à la récente audience sur les coûts estimatifs de la cessation d'exploitation, il existe des endroits contaminés dans le couloir pipelinier d'Enbridge et TransNorthern, immédiatement à l'est de Toronto. Le problème existe depuis 20 ans, et on a découvert récemment d'autres cas de contamination, tandis qu'Enbridge fait des fouilles d'assurance de l'intégrité pour réparer la catastrophe du revêtement de polyéthylène sur la canalisation 9, en prévision de l'inversion du flux de la canalisation. J'ai également une lettre, que j'ai lue à l'audience, d'une Manitobaine qui se plaint d'un déversement d'une canalisation d'Enbridge sur sa propriété à la suite duquel il n'y a toujours pas eu de mesures de décontamination. Je suis aussi au courant d'autres déversements à propos desquels les propriétaires ont signé des accords de confidentialité et ne peuvent rien dire de ce qui a été laissé sur le terrain. La réglementation et la surveillance de l'ONE évite aux sociétés de devoir faire preuve d'une diligence raisonnable à l'égard des propriétaires fonciers.

Le processus d'expropriation appelé « droit d'accès » dans le monde canadien des pipelines, et « eminent domain » ou « condemnation » aux États-Unis, est bien différent de l'expropriation que la plupart d'entre nous connaissons. Aux termes des dispositions législatives sur les pipelines et les couloirs de transport de l'électricité, ces sociétés privées ou actionnaires peuvent s'arroger l'« utilisation » de nos terres à leur avantage tout en nous laissant les risques annuels, les responsabilités, les coûts et l'obligation de diligence, puisque nous conservons le titre de propriété. Dans la plupart des expropriations et des prises de possession par l'État, le titre de propriété est également transféré, et avec lui sont transférés tous les risques. Les accords de servitude visant des pipelines laissent aux propriétaires fonciers les risques et les responsabilités dont il serait question dans un contrat en béton sur le marché libre ou un bail qui prévoirait une surveillance et la discipline de l'assurance.

L'Office national de l'énergie nie avec insistance avoir quoi que ce soit à voir avec les accords de servitude. Il prétend que c'est un accord contractuel privé négocié entre le propriétaire et la société pipelinière. Il dit la même chose de l'indemnisation. Voilà qui est tout à fait trompeur et travestit la vérité. Les sociétés pipelinières, armées des règlements et documents réglementaires de l'ONE qui leur permettent de s'emparer des droits à l'égard des terres ne négocient pas un contrat libre qui puisse résister à un examen judiciaire. La Loi sur l'Office national de l'énergie l'emporte sur tout accord de servitude. Il n'y a pas de vraie négociation. Lorsqu'il s'agit de la servitude, c'est à prendre ou à laisser. Si on élève un peu la voix, l'agent des terres peut bonifier un peu l'indemnisation, mais, là encore, c'est à prendre ou à laisser. Les sociétés ne veulent surtout pas de contrats d'affaires en béton.

Sur un marché libre, on aurait un acheteur qui veut acheter et un vendeur disposé à vendre, ils engageraient des juristes pour protéger les intérêts des deux parties, négocieraient un accord responsable qui tient compte de la sécurité, de l'environnement, des responsabilités et d'autres points de droit, pour parvenir à un contrat de location annuel qui porte également sur l'indemnisation et correspond à un juste loyer ou à une juste participation. Ce serait un accord bénéfique pour les deux parties. Ce que prévoit la Loi sur l'Office national de l'énergie, c'est du vol légalisé.

Lorsque je loue des terres à mon voisin pour pratiquer l'agriculture, le droit des contrats et les tribunaux nous protègent, mon voisin et moi. Je ne recours pas à une réglementation, et je ne peux certainement pas le forcer à accepter mon offre.

L'Office national de l'énergie s'enfonce encore davantage dans la discrimination contre les propriétaires fonciers en se lavant les mains des contrats et de l'indemnisation. Il n'explique pas que ses règlements et tout règlement que ses partenaires de l'industrie du transport par pipeline le persuadent de prendre l'emportent sur toutes les conventions dans ces « accords contractuels privés sur des servitudes ». Oui, la plupart des modifications de règlements des 50 dernières années ont été dictées par l'industrie.

Entre l'Office national de l'énergie et l'industrie, les employés vont et viennent. Brenda Kenny, présidente de la CEPA, a longtemps travaillé à l'Office national de l'énergie, tout comme un certain nombre d'autres personnes qui sont ou ont été au service de l'Association canadienne de pipelines d'énergie. Aux audiences récentes sur les coûts estimatifs de la cessation d'exploitation, deux des responsables de la réglementation chargés de représenter Enbridge travaillaient jusque récemment dans le même domaine à l'ONE. Je crois qu'on parle parfois en pareil cas de « relations incestueuses ».

Les propriétaires fonciers ne sont pas des protagonistes. Comme vous, sénateurs, nous sommes propriétaires de terres. Nous les avons achetées pour y vivre, soit comme mode de vie, soit comme forme d'investissement, pour élever du bétail ou cultiver la terre ou mener toute autre activité autorisée par le zonage. Nous n'avons pas réclamé les pipelines. Nous vivons sur ces terres, nous y élevons nos enfants et nous y travaillons, mais on nous impose des pipelines chez nous, sans respecter notre rôle d'intendance ni nos obligations juridiques. Nous détenons le titre de propriété, et la Loi sur l'Office national de l'énergie laisse notre avenir à la merci des caprices des sociétés pipelinières et de leurs copains des organismes de réglementation.

Même l'ancienne vérificatrice générale a fait état des préoccupations et des problèmes des propriétaires fonciers dans son examen de l'Office national de l'énergie, en 1998. L'ONE a engagé un consultant pour le conseiller sur les moyens de donner suite aux préoccupations de la vérificatrice générale, notamment celles qui concernent les propriétaires fonciers et les protagonistes. Le rapport de Purvin & Gertz était très critique de la façon dont l'Office national de l'énergie traitait les préoccupations des propriétaires fonciers, mais au lieu de s'attaquer au problème, l'Office a jeté de la poudre aux yeux, comme d'habitude, et il a donné à l'auteur du rapport un poste à l'Office même.

Pourquoi l'industrie et ses partenaires veulent-ils s'attirer l'inimitié d'un groupe favorable au développement comme celui de propriétaires fonciers, eux qui s'occupent des pipelines? On se perd en conjectures. Cependant, il semble très dangereux et mal inspiré de traiter ainsi ceux que les gens de l'industrie et des organismes de réglementation appellent « la première ligne de défense ».

Je vais maintenant vous relater l'histoire de nos relations avec l'Office national de l'énergie.

En 1988, on a adopté l'article 112 de la Loi sur l'Office national de l'énergie, et cette mesure a été remaniée en 1990 parce que le travail n'avait pas été fait correctement en 1988. À l'époque, un sénateur a affirmé que cette mesure était contestable du point de vue des droits des propriétaires fonciers. Elle imposait de nouvelles restrictions au droit du propriétaire de cultiver la terre au-dessus des pipelines et élargissait de 200 pieds la zone des restrictions le long du pipeline, c'est-à- dire 100 pieds de chaque côté de la servitude de 60 pieds. Nos accords initiaux sur les servitudes nous donnaient le droit de cultiver la terre au-dessus des pipelines et disaient que la société devait accorder une indemnisation pour toute parcelle prise par l'exploitation de ses canalisations. Ces servitudes de 60 pieds ont maintenant une largeur de 260 pieds, c'est-à-dire quatre fois plus, sans aucune indemnisation.

L'article 112 a été adopté pour donner aux sociétés le droit de laisser dans le sol les canalisations trop peu profondément enfouies, corrodées, minces et conçues avec des couches protectrices inefficaces qui compromettent la sécurité. Cette réglementation permet aux sociétés et à leurs actionnaires d'éviter les coûts de la modernisation de leur infrastructure et de négliger les préoccupations en matière de sécurité. Il est plus facile de limiter l'activité des agriculteurs au-dessus des pipelines enfouis que de réparer les canalisations. Imaginez qu'on restreigne la circulation pour toujours sur un viaduc qui se dégrade au lieu de le réparer.

Depuis 20 ans, nous demandons une modification de la réglementation pour que les pipelines soient enfouis à six pieds de profondeur et que la paroi des canalisations soit plus épaisse dans les zones rurales parce que nous cultivons le sol au-dessus des pipelines et que nous craignons pour notre sécurité et celle des pipelines. Les normes de la CSA exigent qu'ils soient recouverts de seulement 24 pouces de terre, et les canalisations à la paroi plus épaisse sont limitées aux zones densément peuplées. Nous avons sur notre site web des photos de pipelines qui ne sont recouverts que d'un pied de terre. Il faudrait les déterrer, les remplacer et les enfouir plus profondément.

Les normes de la CSA sont établies par l'industrie même, sans la participation de groupes de propriétaires fonciers. La réglementation de l'Office national de l'énergie renvoie souvent aux normes de la CSA, mais il n'est pas facile pour les propriétaires ni pour le grand public de consulter le document de la CSA, dont l'achat coûte 750 $.

Chose curieuse, les agriculteurs ne peuvent plus avoir de réservoirs de carburant sous terre; ces réservoirs doivent être sur le sol et soit avoir une double coque, soit être entourés d'une berme. Pas de réservoirs enfouis. Pourquoi deux poids, deux mesures? Pourquoi les pipelines, qui doivent supporter de hautes pressions, n'ont-ils pas une double paroi? Pourquoi les règles ne sont pas les mêmes pour tous? Parce que l'industrie a les moyens d'imposer ses vues.

On construit maintenant les wagons avec une double coque, et il est possible de les chauffer pour expédier directement du bitume. Il faut deux canalisations pour expédier du bitume dilué. En d'autres termes, il faut un pipeline pour expédier les condensats au lieu d'origine du produit et un autre pour ramener le bitume dilué. Autrement dit, le pipeline Northern Gateway comprend deux pipelines au lieu d'un seul.

Le projet de loi omnibus C-38, en juin 2012, a modifié la réglementation de l'Office national de l'énergie pour permettre d'imposer des sanctions pécuniaires et pénales aux agriculteurs s'ils ne demandent pas la permission de traverser au-dessus des pipelines. Sur déclaration sommaire de culpabilité, il peut y avoir une amende d'un maximum de 100 000 $ et une peine d'emprisonnement d'au plus un an. Sur condamnation après mise en accusation, l'amende peut atteindre 1 million de dollars et la peine de prison cinq ans. Il est dommage que les présidents des sociétés pipelinières ne subissent pas les mêmes conséquences lorsqu'ils polluent des terres privées sur des milles. Ils obtiennent plutôt des pensions de retraite de plusieurs millions de dollars.

Les sociétés pipelinières veulent des règlements normatifs pour les propriétaires fonciers et les protagonistes, mais pour elles-mêmes, seulement les règlements de l'Office national de l'énergie axés sur des objectifs. Fait intéressant, ces règlements de l'Office comprennent des notes indicatives au lieu d'une réglementation normative. Or, ces notes ne peuvent servir de normes ni être admises en preuve dans les audiences quasi judiciaires de l'Office, puisqu'elles sont seulement des guides, comme la CAEPLA l'a appris à des audiences récentes sur les questions de compétence.

Permettez-moi de lire l'opinion d'une propriétaire sur les règlements axés sur des objectifs. Il s'agit d'un courriel qui m'a été adressé :

Bonjour Dave,

La lettre adressée par la CEPA à l'Office est profondément troublante. Elle est tellement franche dans sa demande de moyens de pénaliser des tierces parties... Et dans la même lettre, elle demande confirmation qu'il n'y aura PAS de vérifications pour assurer le respect des notes indicatives ou des règlements de l'ONE. De façon flagrante, elle réclame une réglementation normative, assortie de moyens efficaces d'exécution et de sanctions pour les tierces parties, et un texte réglementaire axé sur des objectifs pour les sociétés pipelinières. Cela ne tient pas debout. Si on applique la même logique... Dans les prisons, les gardiens auraient des règles claires et exécutoires pour les visiteurs et des « suggestions » à titre indicatif pour les détenus? Au hockey, les arbitres auraient les spectateurs à l'œil pendant que la partie se déroule et que les joueurs s'envoient eux-mêmes au banc des punitions?

Sauf erreur, si l'article 112 relatif au règlement sur les croisements est si vague, c'est à cause des divergences entre les textes anglais et français. Et vraiment, personne n'a trouvé le moyen de régler ce problème?

Avant que je ne me laisse trop emporter... Après avoir fait quelques lectures encore et après ma brève expérience avec l'ONE, il me semble clair que cet office a les mains désespérément liées. C'est peut-être juste une cause perdue. On dirait que discuter avec lui de détails précis de la loi demandera toujours un temps infini et que les résultats seront minimes. Je crois vraiment qu'il faut dissoudre l'ONE. On y trouve déjà tellement de lacunes.

Comme le disait Mark Twain : « N'argumentez jamais avec les idiots, ils vous abaisseront à leur niveau, et ils vous battront avec toute leur expérience. »

L'ONE a beaucoup d'expérience. :-)

Stéphanie Fradette

Plus tard, en 1985, il y a eu cinq règlements sur la cessation d'exploitation qui tenaient les sociétés responsables de l'enlèvement des canalisations à la fin de l'exploitation. On doit à M. Vollman, ancien président de l'Office national de l'énergie, et ingénieur à l'époque, en 1985, un document intitulé Background Paper on Negative Salvage Value. Il y est question de la cessation de l'exploitation, de l'enlèvement des pipelines et de la recherche de fonds pour financer ces travaux. Un an plus tard, en 1986, l'Office national de l'énergie informait l'industrie qu'elle ne ferait rien dans ce dossier.

En 2002, la CAEPLA a invité l'Office national de l'énergie à venir à Sombra, en Ontario, pour observer les pratiques de culture. Nous lui avons présenté notre point de vue sur le problème de la cessation d'exploitation et du financement. Le président de l'office, M. Vollman, et Gaétan Caron, ingénieur à l'époque, étaient tous les deux présents. M. Vollman a affirmé que la question avait été étudiée, mais qu'aucune solution n'avait été trouvée. Il n'a jamais soufflé mot du document de 1985 dont il était l'auteur et qui portait sur la même question.

La CAEPLA a trouvé ce document par hasard en 2007. Nous avons fait des recherches et constaté que cinq règlements, en 1985, sur la cessation d'exploitation prévoyaient l'enlèvement des pipelines à la fin de leur exploitation avaient été modifiés un certain nombre de fois depuis et que, maintenant, la cessation d'exploitation peut être approuvée.

Entre-temps, il y a eu deux audiences sur la cessation d'exploitation, et les propriétaires fonciers ont dépensé des centaines de milliers de dollars, mais l'Office national de l'énergie n'a pas tenu compte de la charge de la preuve qui lui incombe aux audiences et elle a décidé de recueillir des fonds, avec 50 ans de retard, pour enlever seulement 20 p. 100 des pipelines. Elle a fermé les yeux sur les preuves juridiques avancées par les propriétaires fonciers, preuves qui établissent clairement qu'il faut retirer intégralement les canalisations pour éviter toute responsabilité aux propriétaires fonciers. À un moment donné, l'office a même modifié sa décision judiciaire de 2008, qui prévoyait l'enlèvement de 20 p. 100 des pipelines, 80 p. 100 restant en place à perpétuité, jusqu'à leur enlèvement. Elle a modifié sa décision, à la demande de la CEPA, encore une fois, sans audience aucune, pour instaurer un système prévoyant l'enlèvement de seulement 20 p. 100 des canalisations.

Chose curieuse, les sociétés pipelinières viennent d'adresser une nouvelle demande à l'office, souhaitant ne retirer que 1 p. 100 des pipelines. L'office s'en est tenu à la décision finale découlant de la conférence technique.

En 2008, TransCanada PipeLines a demandé à l'ONE de faire transférer sous compétence fédérale, c'est-à-dire celle de l'ONE, le réseau de pipelines de NOVA Gas Transmission en Alberta. L'office a ainsi eu la possibilité de décider si elle se chargerait de 25 000 kilomètres de plus de canalisations, ce qui suppose un énorme renforcement de son mandat bureaucratique et de son pouvoir. Ce réaménagement des compétences a privé les propriétaires fonciers d'un grand nombre de droits qu'ils possédaient aux termes de la loi albertaine.

L'ONE et NOVA Gas Transmission — TransCanada PipeLines — ont prétendu que le transfert ne changerait rien. La CAEPLA et l'Alberta Pipeline Landowner Association ont fourni la preuve, à grand frais, du changement imposé aux propriétaires fonciers albertains. Le gouvernement albertain n'a rien fait pour ses propriétaires fonciers, et l'Energy Resources Conservation Board, leur organisme de réglementation, ne s'est jamais porté à leur défense.

Dans l'exposé qu'ils vous ont présenté récemment, les représentants de l'organisme albertain de réglementation, l'ERCB, ont affirmé que les sociétés albertaines pipelinières étaient toujours responsables des pipelines abandonnés jusqu'à leur enlèvement. Ce n'est plus le cas pour les propriétaires à qui s'applique maintenant la Loi sur l'Office national de l'énergie, et l'ERCB n'a pas levé le petit doigt.

Récemment, au cours du procès très remarqué de Jessica Ernst au sujet de la fracturation hydraulique, les avocats de l'ERCB ont soutenu que leur client n'avait aucune obligation de diligence envers les propriétaires fonciers ni à l'égard de la nappe phréatique. Nous comprenons maintenant pourquoi l'organisme n'a rien fait pour les propriétaires lors de l'audience sur le transfert de compétence.

En Ontario, en revanche, peu après le transfert de compétence dans le cas de NOVA, la Commission de l'énergie de l'Ontario a déclaré que l'Office national de l'énergie devrait reconnaître les droits des propriétaires fonciers ontariens, lorsque cet office a tenté d'acquérir la compétence à l'égard d'un pipeline dans cette province.

Les propriétaires ont dû dépenser des centaines de milliers de dollars, de l'argent après impôt, pour défendre leurs terres. Lorsque la CAEPLA a été invitée à participer au processus de l'Initiative de consultation relative aux questions foncières, elle s'est fait dire que cette participation ne coûterait rien aux propriétaires fonciers. Lorsque la CAEPLA a présenté le témoignage d'experts pour étayer ses positions, l'ONE s'est ravisé, et il a refusé de payer. Chaque mois, la CAEPLA envoie une facture et un état au sujet de sa coûteuse participation au processus de l'ICQF et à ses audiences. L'ONE refuse d'acquitter la facture, même si elle nous a dit que notre participation et les témoignages ne nous coûteraient rien. Le principe fondamental de l'ONE, à propos de la cessation de l'exploitation, c'est que « les propriétaires fonciers ne devraient avoir rien à payer pour la cessation de l'exploitation ».

Il y a 50 ans, la population canadienne et les propriétaires fonciers se sont laissé convaincre par de beaux parleurs — politiques, bureaucrates et représentants des sociétés pipelinières — qu'il était dans l'intérêt public de transporter les produits énergétiques de l'Ouest du Canada vers le marché de l'Est. Les politiques avaient survécu à quelques années de chahut à la Chambre des communes, le gouvernement finissant par tomber. Ils ne voulaient plus avoir de comptes à rendre, ils ne voulaient plus la responsabilité ni les risques pour leur carrière occasionnés par le débat sur les pipelines. La Chambre des communes a rapidement décidé de se décharger de la responsabilité de la question, et c'est ainsi qu'elle a créé l'Office national de l'énergie. Les politiques étaient ainsi protégées par un organisme tampon et pouvaient de nouveau convaincre la population qu'un organisme de réglementation indépendant veillait sur elle.

Les questions de couloirs de pipelines et de lignes de transport de l'électricité ne sont plus liées à l'approvisionnement en énergie des Canadiens ou à l'électrification du Canada rural, mais à l'exportation de ressources naturelles et à l'approvisionnement en électricité au profit d'entreprises privées et d'actionnaires. L'expropriation ou le droit d'accès ne sont plus justifiés pour des entreprises à but lucratif, pour peu qu'ils l'aient déjà été.

J'ai toujours compris qu'une bonne ingénierie des pipelines voulait que ces ouvrages soient le plus droits et courts possible, ce qui justifiait l'expropriation.

J'ai appris de l'industrie et des sociétés pipelinières que les pratiques exemplaires en génie ont évolué, et que ces normes ne tiennent plus. Lors de la demande présentée récemment à l'Office national de l'énergie au sujet du projet pipelinier Vantage, l'entreprise avait opté pour le plus long des trois trajets proposés, avec de nombreux virages à angle droit pour éviter les propriétaires fonciers qui ne voulaient rien savoir du pipeline — à ce qu'elle a dit. Ajoutons que ce choix a été fait aussi de façon à profiter des exemptions prévues dans la Loi sur l'Office national de l'énergie et à éviter aux sociétés pipelinières un examen environnemental commun complet.

L'Office national de l'énergie a approuvé le projet. Ces nouvelles pratiques du génie qui permettent à la société pipelinière de contourner les terres des propriétaires qui refusent le droit de passage prouvent que l'expropriation, le droit d'accès, l'« eminent domain » et la « condemnation » ne sont plus nécessaires et ni justifiables, pour peu qu'ils l'aient déjà été. Peut-être que maintenant, on ne va plus dorloter les sociétés pipelinières en leur permettant un vol légal qui compromet la sécurité et l'environnement. Il est possible de laisser tomber l'Office national de l'énergie et d'abroger la loi. Les sociétés pipelinières devront mener leurs activités et assumer leurs responsabilités conformément au droit contractuel et se plier à des décisions judiciaires, car les propriétaires fonciers peuvent désormais leur opposer un refus. Au départ, l'industrie aura peut-être du mal à s'adapter, à apprendre comment fonctionner dans une économie de marché libre et à assumer la responsabilité de leurs actes et de leurs entreprises. Les propriétaires fonciers croient qu'elle pourra y arriver.

Pour conclure, je voudrais dire qu'il y a une autre façon de s'y prendre. Je soutiens que nous avons déjà un régime de réglementation à la disposition des propriétaires fonciers en zone rurale, un régime qui n'est pas reconnu dans la Constitution, malheureusement, mais qui est consacré par la common law et le sens commun : les droits de propriété. Notre régime traditionnel de droits de propriété s'est avéré être le moyen le plus juste et le plus productif de faire prospérer l'économie.

Je voudrais faire valoir quelques points au sujet de ce que les droits de propriété supposent, à bon droit, et de ce qu'ils ne sont pas.

Les droits de propriété supposent le droit de choisir comment disposer de son bien, du fruit de son labeur. Cela comprend le droit de dire non, dans certains cas, car le fondement de tout contrat, de toute entente légitime, c'est la présence d'un acheteur disposé à acheter et d'un vendeur disposé à vendre.

L'industrie pipelinière est justement une industrie, une entreprise comme n'importe quelle autre. En tout cas, c'est ce qu'elle devrait être. Par conséquent, les normes du droit contractuel dans les accords d'affaires devraient la régir : des acheteurs disposés à acheter et des vendeurs disposés à vendre. Si une partie à une transaction n'est pas disposée, ou si elle est soumise à des contraintes, le contrat n'est pas légitime. Ce n'est pas un accord légitime, ce n'est pas du commerce loyal.

Ce que je propose, c'est le libre-échange dans le transport de l'énergie et l'industrie pipelinière au Canada : le libre- échange sans intervention de l'État, sans que l'État intervienne en faveur de l'industrie, sans le pouvoir d'expropriation ni le droit d'accès auxquels les propriétaires sont soumis lorsqu'ils traitent avec des sociétés pipelinières.

Le droit d'accès, c'est un accès forcé. Rien n'est volontaire. Ce n'est pas libre ni juste.

Grâce au pouvoir coercitif d'expropriation et au droit d'accès, les sociétés pipelinières ont les propriétaires fonciers à leur merci, au nom du pétrole, mais le prix du pétrole ne reflète pas les coûts économiques réels de l'acheminement vers le marché. Une partie des coûts est assumée par les agriculteurs et les éleveurs, qui sont forcés à accepter des transactions non conformes aux lois du marché, des transactions qui, en fait, sont un transfert de richesse d'un groupe de propriétaires vers un autre : des propriétaires des fermes et des élevages aux actionnaires des sociétés pipelinières; du Canada rural vers le Canada urbain; de la classe moyenne, souvent peu riche, vers les riches.

Les vrais droits de propriété ne supposent pas le droit d'engager un avocat pour assister à une audience du gouvernement et recevoir une décision sur le sort de ses terres, des terres pour lesquelles les propriétaires ou leurs parents et grands-parents ont travaillé et sur lesquelles ils paient des impôts.

Les vrais droits de propriété supposent le droit de choisir, le droit de dire non, s'il le faut, le droit de conclure ou non des contrats librement et volontairement, le droit et la responsabilité de s'occuper de ses biens, de ses terres pour en tirer le meilleur usage pour le bien de l'économie et de la collectivité où on habite et où on travaille.

Le gouvernement ne devrait pas s'occuper de faciliter le transfert de richesse des agriculteurs, des éleveurs et des contribuables vers les actionnaires des sociétés pipelinières.

Les propriétaires fonciers en zone rurale devraient pouvoir refuser, dire « non, merci » à toute offre d'une société pipelinière, de la même façon qu'ils peuvent dire « non, merci » à vous, à d'autres propriétaires ruraux qui veulent acheter ou louer des terres, de la même façon que les citadins refusent une offre d'achat ou de location de leurs biens, sans que l'État ou un organisme de réglementation intervienne en accordant un droit d'accès.

Le gouvernement devrait appuyer le libre-échange dans le secteur du transport des produits énergétiques. Il devrait appuyer la liberté de transaction entre les propriétaires ruraux et les sociétés pipelinières.

Le gouvernement devrait rapprocher notre pays de la tradition canadienne relative aux droits de propriété, non l'en éloigner.

Le gouvernement devrait permettre l'autoréglementation non seulement pour les sociétés pipelinières, mais aussi pour les propriétaires ruraux, lorsqu'il s'agit de locations ou d'accords pour la réalisation de projets pipeliniers.

Permettez-moi d'expliquer, en guise de conclusion, ce que tout cela voudrait dire. Cela voudrait dire que les objectifs de notre société, soit une économie prospère et en croissance et un environnement protégé et vivant, peuvent être atteints. Cela voudrait dire qu'on ferait disparaître le risque moral qu'entraînent inévitablement les régimes de réglementation, soit une industrie irresponsable, incapable de respecter l'environnement et les droits de propriété des citoyens. Cela voudrait dire la fin de ce que les économistes appellent la « tragédie des biens communs », situation dans laquelle les acteurs, c'est-à-dire l'Office national de l'énergie et les sociétés pipelinières, dans ce cas-ci, n'ont pas vraiment d'intérêts propres en jeu, pour ainsi dire et n'ont pas de vraies raisons de se soucier des ressources qu'ils utilisent.

La décision revient au marché, mais cela pourrait vouloir dire que l'innovation technologique et des moyens de transport de rechange, comme les chemins de fer pourraient également jouer un rôle et susciter du développement économique.

Cela voudrait certainement dire que ceux d'entre nous qui vivent, travaillent et élèvent leurs enfants sur la terre seraient reconnus comme les intendants légitimes du sol, ce qui nous permettrait de recourir aux services des assureurs pour imposer la discipline dont les propriétaires fonciers et le grand public ont désespérément besoin dans les projets pipeliniers.

Cela voudrait dire que les éleveurs, les agriculteurs et les autres propriétaires fonciers en zone rurale sont appelés à s'associer à une économie prospère et en croissance et à promouvoir l'intérêt public en protégeant l'environnement et, du même coup, leurs propres droits civils et de propriété.

Merci beaucoup de m'avoir permis de présenter cet exposé.

Le président : Merci de votre intervention, monsieur Core.

Il ne nous reste que 15 minutes sur l'heure prévue. J'invite le vice-président à commencer à poser des questions. Il faut rester bref, car il y a un certain nombre de sénateurs qui veulent poser des questions.

Le sénateur Mitchell : Monsieur Core, je suis intéressé par ce qui vous inquiète au sujet de la cessation d'exploitation des pipelines et de ces proportions de 20 et de 80 p. 100. Quel danger y a-t-il à laisser un pipeline dans le sol? On pourrait soutenir qu'il est préférable de l'y laisser, de façon à ne pas perturber davantage la zone.

M. Core : Ce n'est pas la thèse des propriétaires fonciers. C'est celle des organismes de réglementation et de l'industrie pipelinière. Quant au point de vue des propriétaires fonciers, je vous ai communiqué un document qui contient leur réfutation des volets 3 et 4 concernant la cessation d'exploitation des pipelines et le financement de cette étape. Nous avons engagé des experts pour étudier la situation. Même nous, agriculteurs et éleveurs de métier, nous comprenons ce qui va se passer si les canalisations restent dans le sol. Il y a différentes possibilités. D'abord, les conduites de fort diamètre peuvent s'effondrer. Je ne sais si vous avez déjà conduit une moissonneuse-batteuse suivie d'un chargement de grain, mais je vous dirai que si vous passez au-dessus d'un pipeline et qu'il s'effondre, vous perdrez la vie. Première chose.

Les pipelines vont rouiller, et il y aura un transfert d'eau entre les terres de différents propriétaires à cause des canalisations, ce qui peut donner lieu à des problèmes entre voisins; il est possible aussi qu'une contamination antérieure passe des terres d'un propriétaire vers celle du voisin. Il y a donc là une responsabilité envers les tiers.

Il y a deux autres choses très importantes. L'une d'elle est la contamination antérieure. Nous montrons sur notre site Web la photo d'une fuite récente sur un pipeline d'Enbridge dans le nord de l'Alberta, une fuite grosse comme une épingle, une fuite si fine que le liquide se vaporise, mais cela peut durer longtemps. L'entreprise ignore depuis quand cette fuite existe. On s'aperçoit de son existence seulement lorsqu'elle dure depuis longtemps et finit par se manifester à la surface. Il y a une foule de fuites semblables sur les pipelines un peu partout au Canada. La seule façon de repérer cette contamination, c'est de retirer la canalisation du sol, de replacer le sol comme il se trouvait avant et de s'assurer qu'il n'y a pas de contamination sous la canalisation. Elle est là.

Aux termes de la Loi sur l'Office national de l'énergie, une fois approuvée la cession de l'exploitation, l'Office national de l'énergie n'a plus aucune responsabilité à l'égard du pipeline en cause. Comme personne ne sait qui est responsable, on se rabat sur celui qui détient le titre de propriété.

Dans notre bilan, les terres sont un actif. Dans votre bilan de propriétaire foncier, vos terres sont un actif. Dans celui d'une société pipelinière, c'est le pipeline qui est un actif. Dans le nôtre, le pipeline n'est qu'un élément de passif lorsqu'on veut obtenir de l'assurance ou un prêt. Le pipeline est un élément de passif. Lorsque l'Office national de l'énergie abandonne la responsabilité d'un pipeline, celui-ci devient notre propriété, et nous devenons responsables de tout ce qui risque de se passer.

Il y a des problèmes de sécurité et d'environnement. Une fois que le pipeline nous appartient, nous devons respecter les règlements provinciaux en matière de sécurité et d'environnement. Ce sera une vraie farce, si ces pipelines restent dans le sol. Il faut prendre un règlement qui exige l'enlèvement des pipelines, et il faut recueillir des fonds pour en assurer l'enlèvement puisque, autrement, nous devrons les enlever nous-mêmes.

Il existe un certain nombre de documents que l'ONE a même contribué à produire qui traitent de cette question-là même. Si une société devient insolvable, qui enlèvera les canalisations? Pourquoi le gouvernement albertain affirme-t-il qu'il tiendra toujours les sociétés responsables des pipelines, alors que l'ONE perd sa compétence dès qu'elle approuve la cessation d'exploitation?

Nous avons dépensé des centaines et des centaines de milliers de dollars pour participer à deux audiences de l'ICQF afin d'amener l'Office national de l'énergie à s'attaquer à ces problèmes, mais il n'en a tenu aucun compte. Nous étions les seuls à l'audience sur la cessation d'exploitation qui avaient des preuves, et la charge de la preuve, pour montrer que la seule position défendable, pour protéger les propriétaires fonciers, c'est l'enlèvement des canalisations à la fin de l'exploitation. Ce sera une sinistre blague si on ne va pas dans ce sens.

Le sénateur Massicotte : Je crois que nous comprenons tous votre argumentaire, surtout dans la dernière partie de votre exposé. Vous dites croire au système capitaliste et au marché libre. Vous parlez de libre-échange. Cela m'intéresse, puisque je suis un homme d'affaires. Comme ancien promoteur immobilier, je remarque que vous dites aussi que les droits de propriété sont fondamentaux, qu'ils ne doivent pas être compromis ni brimés; que les gens négocient.

Je présume que vous n'aimez pas non plus la partie de la loi actuelle qui permet au gouvernement ou à ses organismes d'imposer des décisions. Vous dites qu'il faudrait abroger cette loi et laisser les deux parties négocier, sans égard au bien public ou à l'intérêt public. Je résume bien votre pensée?

M. Core : J'ai tendance à être d'accord sur votre dernière affirmation.

Le sénateur Massicotte : C'est ce que je me disais.

M. Core : Il serait bon pour le bien public et il serait dans l'intérêt public qu'on agisse de cette façon. Je vous dis que les sociétés pipelinières s'adressent à l'Office national de l'énergie, l'organisme de réglementation, et obtiennent des modifications de la réglementation qui rendent les pipelines dangereux. L'approche réglementaire axée sur des objectifs...

Je suis désolé. Poursuivez.

Le sénateur Massicotte : Il faut donc laisser les deux parties négocier. Si elles ne parviennent pas à un accord ou si les négociations sont inégales et donc injustes, il faudrait qu'on impose une décision. Est-ce exact?

M. Core : Je suis d'accord pour dire que c'est une solution au problème. Néanmoins, je doute que la société aille jusque-là, même si c'est la meilleure façon d'amener les sociétés pipelinières à rendre des comptes. Je dis cela parce que, dans ces conditions, elles ne me laisseraient pas, lorsqu'elles viennent sur mes terres, des risques permanents, des responsabilités, une obligation de diligence qui me sont imposés par un organisme de réglementation.

Je ne crois pas que la population canadienne veuille compromettre le rôle des agriculteurs et des ruraux comme intendants de la terre au point où les sociétés pipelinières le font.

Le sénateur Massicotte : Voyez ce qui se passait il y a 40 ou 50 ans. Supposons qu'il fallait franchir des milliers de kilomètres, que l'entreprise avait négocié avec les propriétaires sur 10 000 kilomètres et qu'il restait un kilomètre. Le propriétaire restant n'est pas stupide. Au lieu de demander 10 000 $, il demande 10 millions de dollars. Pourquoi pas? L'entreprise devrait accepter à cause du lien avec toutes les autres terres. Où serait le juste équilibre? Comment y parvenir?

M. Core : J'y ai réfléchi longtemps et sérieusement. Depuis 15 ans, j'essaie de faire entendre la voix des propriétaires fonciers. Il y a les tribunaux. Et il pourrait y avoir une loi minimale disant que, une fois ralliés un très fort pourcentage de propriétaires fonciers, on peut s'adresser à un tribunal pour obtenir le droit de traverser certaines terres.

Ce que j'essaie de faire ressortir, cependant, c'est que, à la dernière audience à laquelle j'ai participé, et elle portait sur le pipeline Vantage, je me suis fait critiquer parce que j'ai dit : « En génie, les pratiques exemplaires ne veulent-elles pas que les canalisations soient droites, et ce serait pourquoi il faut des expropriations? » On m'a répondu que, avec les devis techniques d'aujourd'hui, il est possible de courber les canalisations. J'ai des photos de canalisations qui font des angles de 90 degrés. Il est possible de contourner les terres d'un propriétaire récalcitrant, s'il le faut. Les sociétés pipelinières ont dit qu'elles pouvaient le faire. Elles ont dit aussi que les cochons qui suivent les canalisations peuvent aussi suivre les courbes. Il y a également les tribunaux.

Je m'explique. Si vous avez lu certains des documents que je vous ai remis, vous aurez remarqué que, en 1975, deux propriétaires fonciers se sont adressés aux tribunaux lorsque le Pipeline Interprovincial construisait une canalisation en Ontario. C'était peut-être la canalisation 9. Cette société est le prédécesseur d'Enbridge. Ces propriétaires se sont donc adressés aux tribunaux. À l'époque, c'est un juge qui assurait l'arbitrage.

Fait intéressant, les propriétaires ont eu gain de cause, puisque le juge leur a accordé une indemnisation 10 fois plus généreuse que l'offre de la société pour tenir compte des problèmes de remise en état des sols et des conséquences pour leur exploitation agricole.

Peu après, l'Office national de l'énergie et le gouvernement fédéral ont modifié la réglementation. Au lieu de permettre aux propriétaires de s'adresser aux tribunaux, ils ont mis sur pied un comité d'arbitrage nommé par le ministre. Ce comité devait prendre la décision. C'est que la décision d'un juge impartial ne leur avait pas plu. Voilà un exemple de cas où nous pourrions revenir à ce qui se faisait par le passé.

Le sénateur Massicotte : Recommanderiez-vous aussi de limiter les droits d'expropriation des villes et des provinces en vous appuyant sur la thèse de la libre entreprise et du pur capitalisme?

M. Core : Bien entendu. Voici un exemple d'expropriation à Regina. On y a construit un terminal de transport à l'extérieur de la ville. On a exproprié des terres agricoles au prix des terres agricoles, et une grande chaîne d'alimentation a pu acheter un terrain à ce même prix, et on a construit une installation de transport. Oui, il faudrait limiter ces droits.

Il y a toutefois un point que je tiens à rappeler à propos des accords de servitude. Le problème que posent ces accords et le droit d'accès, c'est que le propriétaire conserve le titre de propriété. Au fond, c'est une location volée.

Une solution en une seule étape consisterait à avoir des accords qui sont actualisés ou renégociés tous les cinq ans, et qui sont associés à la propriété. Dans l'état actuel des choses, nous pouvons négocier. La CAEPLA réunit les propriétaires dont les terres sont situées sur le trajet d'une canalisation projetée pour leur donner plus de poids et équilibrer les pouvoirs en présence. Nous avons pu obtenir des accords de servitude qui nous protègent, pour peu que nous puissions nous adresser aux tribunaux. Le problème, c'est que la réglementation permet de passer outre. Nous avons pu également faire augmenter le paiement initial.

Ce qu'il nous faut, c'est un accord de servitude qui assure un versement annuel pour les terres et protège les terres et l'agriculteur.

Le sénateur Lang : Combien de membres votre organisation compte-t-elle?

M. Core : Je ne peux pas vous donner de chiffre parce que nous avons des associations membres dans tout le Canada. Ce dont il est question, c'est de faits juridiques et de la vérité. Les chiffres n'importent pas. Je parle ici des faits, et les faits sont d'ordre juridique.

Le sénateur Lang : Les audiences du comité portent sur la sécurité en général et la sécurité des pipelines. Je comprends vos inquiétudes au sujet de l'expropriation, mais je voudrais parler de sécurité.

Tout d'abord, vous avez parlé de canalisations à double paroi par opposition aux installations actuelles. Pouvez- vous me dire si ce nouveau type de canalisation est utilisé quelque part en Amérique du Nord?

M. Core : Non, il n'est pas du tout utilisé.

Je veux parler de sécurité. Toute mon intervention a porté sur la sécurité. Si vous avez bien entendu ce que j'ai dit, vous savez que le problème, à l'heure actuelle, c'est que les pipelines ne sont pas sûrs, à mon avis, parce qu'ils sont protégés par le régime de réglementation appliqué par les copains des entreprises. Pour que les pipelines soient sûrs et que leur exploitation soit écologiquement responsable, il faut un système de libre marché, la discipline de l'assurance et des contrats exécutoires. Aujourd'hui, il n'existe pas de contrats exécutoires qui assurent la sécurité des pipelines.

Le sénateur Lang : Vous avez décrit le cas d'une fuite grosse comme une épingle. En une année, combien de manquements à la sécurité sont signalés à votre organisation? Donnez-nous une idée de la fréquence de ces incidents.

M. Core : Je ne suis pas ministre des Transports. Je ne tiens pas le compte de tous ces incidents. Je crois que la plupart de ces manquements vous ont déjà été signalés. Il y a toutefois des problèmes de microfuites qui ne sont pas signalés parce qu'ils ne sont pas repérés. Je peux vous fournir la photo d'une fuite qui a la grosseur d'une épingle, dans un cas de déversement dans le nord de l'Alberta l'an dernier.

Le sénateur Lang : C'est important pour le comité. On nous a donné un nombre moyen approximatif de ruptures qui se produisent sur les pipelines en une année. La gravité des incidents varie, bien entendu. Vous reconnaissez la justesse des chiffres communiqués au comité, du point de vue de la divulgation concernant les pipelines de tout le Canada, n'est-ce pas?

M. Core : Je dirai que ce sont là les déversements signalés et déclarables. Comme je l'ai déjà dit, lorsqu'il s'agit d'un trou d'épingle, le pétrole s'écoule longtemps avant que des signes ne soient visibles à la surface. Ce sont les fuites qui ne sont pas signalées, et elles ne sont repérées que lorsque l'écoulement devient visible à la surface.

Le président : Merci, monsieur Core. Voilà qui met fin à la période que nous avions à vous consacrer. Je vous remercie d'avoir pris le temps de témoigner, et je vous remercie de vos notes.

(La séance se poursuit à huis clos.)


(La séance publique reprend.)

Le président : Bienvenue à la suite de la séance publique. Nous avons eu des discussions. Je vais présenter une motion et vous demander si vous êtes d'accord avec moi. Il est convenu :

Que la demande de budget de l'étude spéciale (transport des hydrocarbures) pour l'exercice se terminant le 31 mars 2014 soit approuvée (au besoin, que le président et le vice-président soient autorisés à apporter des révisions à la demande) et que le président soit autorisé à présenter la demande au Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l'administration.

Le sénateur Patterson : Je propose la motion.

Le président : La motion est proposée?

Le sénateur Massicotte : Je l'appuie.

Le président : Adoptée.

(La séance est levée.)


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