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ENEV - Comité permanent

Énergie, environnement et ressources naturelles

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent de
l'Énergie, de l'environnement et des ressources naturelles

Fascicule 41 - Témoignages du 18 avril 2013


OTTAWA, le jeudi 18 avril 2013

Le Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles, auquel a été renvoyé le projet de loi S-15, Loi modifiant la Loi sur les parcs nationaux du Canada et la Loi de mise en œuvre de l'Accord Canada — Nouvelle-Écosse sur les hydrocarbures extracôtiers et apportant des modifications corrélatives à la Loi de 2001 sur la marine marchande du Canada, se réunit aujourd'hui, à 8 heures, pour étudier le projet de loi.

Le sénateur Richard Neufeld (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Je vous souhaite la bienvenue à cette séance du Comité permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles. Je m'appelle Richard Neufeld. Je représente la Colombie-Britannique au Sénat et je suis président du comité.

J'aimerais souhaiter la bienvenue aux sénateurs et aux membres du public qui sont avec nous dans la pièce, ainsi qu'aux téléspectateurs de tout le pays qui nous regardent.

Je vais maintenant demander aux sénateurs présents de se présenter. Je vais commencer par mon vice-président, le sénateur Grant Mitchell, qui vient de l'Alberta.

Le sénateur MacDonald : Michael MacDonald, Nouvelle-Écosse.

La sénatrice Ringuette : Pierrette Ringuette, Nouveau-Brunswick.

Le sénateur Lang : Daniel Lang, Yukon.

Le sénateur Massicotte : Paul Massicotte, Montréal.

Le sénateur Wallace : John Wallace, Nouveau-Brunswick.

La sénatrice Unger : Betty Unger, Edmonton, Alberta.

La sénatrice Seidman : Judith Seidman, Montréal, Québec.

Le sénateur Patterson : Dennis Patterson, Nunavut.

Le président : Je vais également vous présenter notre greffière, Lynn Gordon, ainsi que nos deux analystes de la Bibliothèque du Parlement, Sam Banks et Marc LeBlanc.

Le projet de loi S-15, Loi modifiant la Loi sur les parcs nationaux du Canada et la Loi de mise en œuvre de l'Accord Canada — Nouvelle-Écosse sur les hydrocarbures extracôtiers et apportant des modifications corrélatives à la Loi de 2001 sur la marine marchande du Canada, a été déposé par le leader du gouvernement au Sénat le 12 février 2013 et a été renvoyé à notre comité le 27 mars 2013. Ce projet de loi aura pour effet de créer la réserve à vocation de parc national de l'île de Sable du Canada.

C'est notre deuxième séance sur le projet de loi S-15. Mardi, nous avons reçu des représentants de la Société pour la nature et les parcs du Canada, du gouvernement de la Nouvelle-Écosse et de l'Office Canada-Nouvelle-Écosse des hydrocarbures extracôtiers.

Honorables sénateurs, je suis particulièrement ravi d'accueillir parmi nous l'honorable Peter Kent, ministre de l'Environnement. Monsieur le ministre, nous sommes toujours contents que vous ayez le temps de nous rencontrer, et nous apprécions nos discussions avec vous. Nous vous souhaitons la bienvenue et nous vous remercions de prendre le temps de venir nous voir aujourd'hui.

J'aimerais également souhaiter la bienvenue à Alan Latourelle, président-directeur général de Parcs Canada; ainsi qu'à Kevin McNamee, directeur, Établissement des parcs, Établissement et Conservation des aires protégées.

Avant de commencer, j'aimerais rappeler à tous les sénateurs que nous sommes ici pour examiner le projet de loi S- 15; je vais être très vigilant pour que les questions et les réponses portent toutes bel et bien sur le projet de loi.

Monsieur le ministre, la parole est à vous.

L'honorable Peter Kent, C.P., député, ministre de l'Environnement : Merci, monsieur le président, honorables sénateurs, mesdames et messieurs. Bonjour. C'est toujours avec joie que je profite de l'accueil chaleureux du comité.

Je suis heureux de vous rencontrer aujourd'hui pour vous parler du projet de loi S-15, la Loi sur le développement et la conservation des parcs nationaux du Canada. Comme vous le savez, cette loi comprend deux parties : la première traite de la création de la réserve de parc national du Canada de l'île de Sable, tandis que la seconde modifie le paragraphe 4(1) et les annexes 4 et 5 de la Loi sur les parcs nationaux du Canada.

Tout d'abord, ce projet de loi assurera la protection de l'île de Sable, un paysage canadien riche et emblématique par ses chevaux sauvages, ses épaves et l'un des plus vastes réseaux de dunes de l'Est du Canada, en la désignant réserve de parc national pour le plus grand bien de la population canadienne d'aujourd'hui et de demain.

Dans le discours du Trône de juin 2011, le gouvernement du Canada s'est engagé à créer de nouvelles aires protégées. Le projet de loi S-15 permet d'honorer cet engagement. Le projet de loi concorde aussi avec l'entente conclue en 2011 entre le gouvernement du Canada et la province de la Nouvelle-Écosse, au sujet de la création d'une nouvelle réserve de parc national sur l'île de Sable.

[Français]

Sous le régime de la Loi sur les parcs nationaux du Canada, l'île de Sable jouira des mesures de protection les plus élevées afin que son caractère exceptionnel et ses attributs naturels et culturels soient préservés au profit des générations d'aujourd'hui et de demain.

[Traduction]

Mesdames et messieurs les sénateurs, l'île de Sable est un endroit hors du commun, sur les plans géographique, historique et écologique. Pendant mon enfance, j'étais fasciné par ce lieu féérique, et mon émerveillement n'a pas faibli quand j'ai eu le privilège de me rendre sur l'île l'été dernier.

L'une des îles les plus isolées du Canada, elle consiste en une bande de sable de 42 kilomètres de long située à l'extrémité du plateau continental, à environ 290 kilomètres au sud-est d'Halifax. On y trouve quelque 190 espèces de plantes et 350 espèces d'oiseaux migrateurs. L'île est notamment le lieu de nidification de presque toute la population mondiale de bruants des prés. La plupart des Canadiens connaissent l'île de Sable en raison de son troupeau de chevaux sauvages et des centaines de navires qui y ont fait naufrage au fil des siècles, d'où son surnom de « cimetière de l'Atlantique ».

Comme je l'ai mentionné plus tôt, l'île de Sable deviendra une réserve de parc national. Elle jouira donc de la même protection qu'un parc national et sera gérée de la même façon. Par ailleurs, cette désignation de réserve de parc national tiendra compte des revendications des Premières Nations jusqu'à la conclusion des négociations qui ont lieu entre les Mi'kmaq, le gouvernement du Canada et celui de la Nouvelle-Écosse dans le cadre du Processus néo-écossais.

L'île de Sable est située dans l'un des plus importants bassins d'hydrocarbures extracôtiers en Amérique du Nord, et dès les années 1970, des puits de pétrole y ont été forés. Les ressources pétrolières extracôtières de ce secteur sont régies par la législation fédérale et néo-écossaise mettant en œuvre l'Accord Canada — Nouvelle-Écosse sur les hydrocarbures extracôtiers.

Dans le cadre de la création d'une réserve de parc national sur l'île de Sable, les deux gouvernements ont convenu de modifier cette loi de façon à interdire les forages pétroliers sur l'île et jusqu'à un mille nautique au large de ses côtes. Les propriétaires de concessions importantes ont appuyé cette décision, y compris la société Exxon Mobil, qui a accepté que ses permis d'exploitation soient modifiés en conséquence.

La création de la réserve de parc national de l'île de Sable se fait dans des circonstances particulières. En effet, l'île est située au milieu d'un gisement pétrolier en exploitation où les activités d'exploration et de forage se poursuivront conformément aux lois relatives à l'accord sur les hydrocarbures extracôtiers. Grâce au projet de loi S-15, la protection de l'île, qui reposait jusqu'ici sur des politiques gouvernementales, sera maintenant assurée par la loi. À ce titre, le projet de loi n'établit pas de précédent en matière de création de parcs nationaux, mais accorde plutôt une protection à cette précieuse parcelle de patrimoine canadien.

[Français]

Ce projet de loi modifie également la Loi de 2001 sur la marine marchande du Canada de façon à ce qu'elle ne mentionne plus l'île de Sable et afin de donner effet au transfert de l'administration de l'île de Sable de la garde côtière canadienne à Parcs Canada. Le règlement sur l'île de Sable sera abrogé et l'île sera assujettie au régime réglementaire de la Loi sur les parcs nationaux du Canada.

Je tiens à souligner l'excellent travail accompli par la garde côtière canadienne durant plusieurs années d'administration de l'île de Sable.

[Traduction]

Chaque année, de 50 à 250 personnes visitent l'île de Sable : des artistes, des cinéastes, des photographes, des journalistes, des chercheurs et des touristes. Les chiffres varient d'une année à l'autre, en fonction de l'accessibilité ainsi que des conditions météorologiques et d'atterrissage, qui sont très imprévisibles. Parcs Canada travaillera en collaboration avec des partenaires pour offrir aux Canadiens l'occasion de découvrir, d'apprécier et de comprendre ce trésor unique et emblématique, tout en protégeant les dunes, la faune, la flore et les ressources culturelles de l'île de Sable.

J'aimerais maintenant aborder la deuxième partie du projet de loi S-15, qui porte sur diverses autres modifications à la Loi sur les parcs nationaux du Canada sans lien avec la création de la réserve de parc national de l'île de Sable.

Tout d'abord, le projet de loi propose de modifier l'article 4 de la Loi sur les parcs nationaux du Canada de manière à corriger la divergence entre les versions anglaise et française et à préciser que les parcs nationaux sont régis par toutes les lois fédérales.

[Français]

Le projet de loi apporte des modifications mineures à la description des zones commerciales pour la collectivité de Field dans le parc national Yoho du Canada en Colombie-Britannique. Ces modifications de zonage sont mineures. Elles bénéficient de l'appui de la collectivité et sont bien en deçà des limites de croissance commerciale prévues par la loi. Ces changements aideront à soutenir les services requis par les visiteurs du parc, les entreprises et les résidents de la ville, et ils sont importants pour la viabilité économique de la collectivité de Field.

[Traduction]

Enfin, l'article 15 du projet de loi propose des modifications qui touchent la station de ski Marmot Basin, située à seulement 20 minutes de la ville de Jasper dans les limites du parc national Jasper du Canada. Monsieur le président, l'aménagement d'une station de ski à l'intérieur d'un parc national est assujetti à la loi et aux modalités des baux et des permis d'occupation. Par exemple, les limites de toute station de ski se trouvant à l'intérieur d'un parc national doivent être décrites à l'annexe 5 de la Loi sur les parcs nationaux du Canada. Les stations de ski sont également régies par les Lignes directrices pour la gestion des stations de ski, qui fournissent des directives communes pour favoriser le maintien de l'intégrité écologique et de l'exploitation de stations de ski économiquement viables dans les parcs nationaux. Ces lignes directrices sont complétées par des lignes directrices propres à chaque station de ski, qui permettent de contrôler l'aménagement et l'utilisation du territoire de chacune. Les exploitants des stations de ski collaborent avec Parcs Canada afin d'élaborer les lignes directrices relatives à leur station, lesquelles définissent la portée, la nature et l'emplacement des projets d'aménagement envisagés pour la station de ski et précisent les conditions à respecter.

[Français]

La station de ski Marmot Basin doit offrir des installations et des services supplémentaires afin de demeurer compétitive. L'exploitant a donc proposé de modifier les limites de son domaine à bail, ce qui entraînera un gain substantiel pour l'intégrité écologique du Parc national Jasper.

[Traduction]

La station de ski Marmot Basin a offert de retirer de son bail et de remettre au parc 118 hectares de terres écosensibles dans la vallée du ruisseau Whistlers. Cette zone est un habitat important du caribou des bois, dans les montagnes du Sud, qui est visé par la Loi sur les espèces en péril. Elle renferme aussi des minéraux à lécher naturels qui attirent la chèvre de montagne, et elle constitue un habitat pour des espèces sensibles comme le grizzli, le carcajou et le lynx.

Monsieur le président, il s'agit d'une zone écologique importante du parc national de Jasper. Le fait de la retirer du domaine à bail empêche tout développement commercial futur dans cette zone fragile. Comme le précisent les dispositions du projet de loi à l'étude, les nouvelles limites doivent être indiquées à l'annexe 5 de la Loi sur les parcs nationaux du Canada.

En échange des 118 hectares dans la vallée du ruisseau Whistlers, la station de ski recevrait 60 hectares d'habitat relativement moins écosensible en vue de l'aménagement de nouvelles pistes de ski et de pentes pour débutants. Le projet de loi à l'étude permet aussi de corriger un oubli dans l'arpentage primitif, dans lequel a été omise une parcelle de deux hectares à l'extrémité inférieure de la station de ski sur laquelle se trouvent des installations.

En fin de compte, monsieur le président, les dispositions du projet de loi relatives au parc national Jasper permettront d'agrandir de 56 hectares la réserve intégrale désignée du parc. Surtout, elles ajoutent 118 hectares de terres d'importance écologique en échange de terres moins écosensibles. Ces changements ont fait l'objet de consultations dans le cadre de l'élaboration des lignes directrices de la station de ski Marmot Basin et du plan directeur du parc national Jasper. Un processus réglementaire visant à modifier les limites définies dans le Règlement sur la constitution de réserves intégrales dans les parcs nationaux du Canada sera mis en œuvre parallèlement au projet de loi.

Monsieur le président, ce projet de loi apporte des avantages aux Canadiens. Il crée le 43e parc national du Canada en protégeant un endroit unique et historique au large des côtes de la Nouvelle-Écosse. Il prévoit des changements qui amélioreront la viabilité économique de la collectivité de Field et, dans le parc national Jasper, il permet à Parcs Canada de continuer à travailler à l'atteinte de ses objectifs de gestion visant la protection des écosystèmes fragiles tout en assurant une plus grande certitude en matière d'utilisation des terres.

Ce gouvernement est déterminé à faire en sorte que les parcs nationaux du Canada offrent aux visiteurs des expériences stimulantes et des occasions exceptionnelles d'établir des liens privilégiés avec ces trésors naturels, tout en veillant à la protection de ceux-ci pour les générations actuelles et futures.

Le président : Merci, monsieur le ministre Kent. Nous allons commencer le premier tour par le sénateur Mitchell, vice-président du comité.

Le sénateur Mitchell : Merci, monsieur le ministre. Je sais que vous avez parlé de l'article sur l'affectation, mais certains craignent que remplacer « conformément à la présente loi » par l'expression « sous réserve des lois fédérales » porte atteinte aux protections du projet de loi. Pourriez-vous clarifier ce point? Croyez-vous que ce soit possible, ou plutôt qu'une mesure quelconque empêche cela d'arriver?

M. Kent : Non. Il y a bien des façons d'envisager les conséquences prévues ou non de toute modification législative, mais je suis convaincu que les modifications en question n'entraîneront aucun effet négatif non voulu.

Le sénateur Mitchell : Pourriez-vous nous répéter pourquoi la modification a été apportée? Quelle est son utilité?

Alan Latourelle, président-directeur général, Parcs Canada : La modification a deux raisons d'être. D'une part, elle vise à corriger une divergence entre les versions anglaise et française.

D'autre part, le Comité mixte permanent d'examen de la réglementation a souligné certaines incompatibilités, sur lesquelles nous ne sommes pas d'accord, entre la Loi sur les parcs nationaux du Canada et la Loi sur l'Agence Parcs Canada en ce qui concerne le pouvoir de tarification du ministre au sein des Parcs nationaux. Voilà le problème récurrent que nous essayons de régler. Nous en discutons avec le comité depuis une dizaine d'années.

Voilà les deux points que nous cherchons à régler à l'aide de cette modification. C'est le seul objectif.

Le sénateur Mitchell : La bonne nouvelle, c'est que la zone sera protégée, ce qui devrait attirer encore plus de touristes, de visiteurs et de personnes pour diverses raisons. En revanche, cela représente une pression supplémentaire. Vous avez dit que votre ministère gérera la procédure de visites. Aurez-vous besoin de ressources supplémentaires? Avez-vous un plan précis ou une démarche quelconque, ainsi que des ressources financières?

M. Kent : Bien sûr. Comme vous le savez, l'île de Sable appartient à Parcs Canada depuis cette année seulement, et nous sommes en train d'évaluer comment l'améliorer et la nettoyer. On y trouve de vieilles structures en décrépitude et de vieux réservoirs à carburant, et différents endroits sont contaminés légèrement au pétrole. Parcs Canada doit se pencher sur les questions d'infrastructure concernant la façon dont il procédera à l'avenir. Comme vous le savez, une station météorologique d'Environnement Canada se trouve sur l'île. Nous examinons donc les options.

Pour l'instant, l'île est très difficilement accessible. Les navires de croisière peuvent s'y arrêter lorsque les conditions météorologiques le permettent. Aussi, de petits groupes peuvent être emmenés en Zodiac sur l'île, où ils sont escortés et surveillés pendant leur visite. Des avions peuvent également atterrir sur les bandes de sable de la côte, mais tout dépend encore ici de la météo, qui est très imprévisible. Il arrive souvent que ceux qui décollent d'Halifax ne puissent pas y atterrir en raison de plafonds bas ou d'orages. Et compte tenu de la teneur en humidité du sable, l'avion ne peut atterrir ni si le taux d'humidité est trop faible ni s'il est trop élevé et que le sol est trop mouillé. Le surintendant de la station météorologique, qui relèvera un jour de Parcs Canada, aura le pouvoir à ce chapitre et devra inspecter l'aire d'atterrissage proposée chaque jour pour s'assurer qu'elle est sans danger.

Comme vous le savez, l'expérience de séjour à Parcs Canada a une excellente réputation à l'échelle internationale. Mais puisque ce parc ne ressemble à aucun autre à notre actif, nous sommes en train d'envisager un vaste éventail d'options afin d'offrir une expérience de séjour acceptable tout en préservant l'intégrité écologique de l'île.

Le sénateur Mitchell : Je remercie le président de sa patience. Il semblerait que le peuple mi'kmaq ait des réserves au sujet du processus consultatif parce qu'il n'aurait été mis à contribution que très tard. Qu'avez-vous à répondre à cette remarque?

M. Kent : Je sais que ce point a été soulevé, mais à vrai dire, nous menons de vastes consultations qui se poursuivent encore, d'ailleurs. La création de la réserve à vocation de parc national de l'île de Sable ne s'accompagne d'aucune échéance et n'empêche aucunement les parties intéressées de poursuivre des négociations productives et satisfaisantes.

Le sénateur MacDonald : Monsieur le ministre, nous sommes ravis de vous accueillir ce matin. L'île de Sable de la Nouvelle-Écosse est un point névralgique de l'industrie pétrolière, naturellement. Votre défi consiste à créer une réserve à vocation de parc national au beau milieu d'un champ de pétrole actif. Le comité a appris qu'une douzaine de découvertes exploitables se trouvent à moins de 20 kilomètres de l'île. Pourriez-vous nous expliquer comment vous avez surmonté les obstacles à la création d'une réserve à vocation de parc national dans une zone semblable?

M. Kent : Merci. Vous avez bien jaugé la situation. Les pourparlers sont en cours depuis un moment, mais il faut reconnaître que le secteur pétrolier et gazier, particulièrement Exxon, a fait preuve d'une excellente responsabilité sociale concernant la cession de droits de superficie à l'île de Sable. Neuf anciens puits obturés se trouvent encore sur l'île, comme vous le savez, mais leurs conséquences sont minimes sur le territoire, l'habitat et les chevaux sauvages. Trois plateformes de forage majeures à proximité sont visibles à partir de l'avion et de l'île. Toutefois, la technologie actuelle, les pratiques et les protocoles de l'industrie côtière sont réglementés par l'office sur les hydrocarbures extracôtiers, qui exige une précaution extrême. Toute proposition de forage horizontal sous l'île ou d'accès souterrain doit nécessairement être autorisée par l'office.

J'aimerais ajouter une petite chose. L'hélipont qui s'y trouve pourrait être utilisé en cas d'événement fâcheux sur les plateformes de forage en mer.

Le sénateur MacDonald : Il y a deux ans environ, je devais me rendre sur l'île en hélicoptère en compagnie du Comité des pêches, mais le temps s'est gâté et nous n'avons pas pu atterrir. J'étais déçu. J'avais toujours voulu visiter l'île de Sable, et j'espère un jour avoir l'occasion de le faire.

J'aimerais poser une petite question au sujet de la station Marmot Basin. Au cours de séances passées, certains craignaient que le compromis ne soit pas nécessairement respectueux de l'environnement ou de l'équilibre écologique, même si Parcs Canada reçoit en échange une terre de superficie deux fois plus grande. Qu'en pensez-vous?

M. Kent : Comme je l'ai dit en exposé, nous croyons que le bénéfice net est considérable puisqu'une partie des 118 hectares préservés est constituée d'un habitat sauvage précieux. Il y a des problèmes. Nous sommes saisis d'une contestation aux termes de la Loi sur les espèces en péril au sujet de la population de caribous des montagnes du Sud, un troupeau qui pourrait nécessiter une protection accrue. La réserve naturelle est adjacente et contiguë au parc, et en augmente la superficie. La valeur écologique de la petite zone de l'autre côté que nous donnons en échange, qui se trouve dans le secteur développé et touché par le développement actuel, est bien moins importante que celle des 118 hectares faisant l'objet d'une proposition de transfert.

Le sénateur MacDonald : Pour ce qui est du caribou, je crois savoir qu'un plan permanent sera mis en place afin d'aborder le problème.

M. Kent : Tout à fait. Il ciblera le parc ainsi que l'ensemble des montagnes du Sud.

La sénatrice Seidman : Monsieur le ministre, je vous remercie de votre exposé. Vous avez parlé tout à l'heure de l'Accord Canada — Nouvelle-Écosse sur les hydrocarbures extracôtiers. J'aimerais mieux comprendre la relation entre le Canada et la Nouvelle-Écosse et savoir à qui incombera la responsabilité de deux éléments : le parc et la gestion des ressources pétrolières. Je vous serais reconnaissante de bien vouloir nous expliquer le fonctionnement de l'accord et de la surveillance en ce qui concerne ces deux volets.

M. Kent : En un mot, je pense que la relation est excellente. Les protocoles de l'office, c'est-à-dire l'accord ayant donné lieu à sa création, exigent une surveillance et une reddition de comptes de la part des gouvernements tant de la Nouvelle-Écosse que du Canada. Comme vous le savez, le rapport du commissaire à l'environnement déposé plus tôt cette année recommandait d'augmenter la taille des offices pour qu'ils puissent mieux surveiller et subvenir aux besoins concernant l'exploration du sous-sol de la mer. Vous savez probablement que le gouvernement a accepté cette recommandation. Plusieurs ministères ont entrepris de trouver des façons d'améliorer les choses. Je pense que les travaux de prospection et de mise en valeur au large des côtes ont une excellente feuille de route, et nous allons continuer de veiller à ce que les objectifs soient respectueux de l'environnement, mais viables sur le plan économique pour les années à venir.

La sénatrice Seidman : J'aimerais poursuivre sur un aspect. Je m'intéresse toujours à la surveillance et la gestion à la fois du parc et de l'exploitation pétrolière.

M. Kent : Bien.

La sénatrice Seidman : Comme vous le dites, il s'agit de circonstances particulières et d'un champ de pétrole actif.

Qui est responsable de la gestion du risque et des questions de sécurité concernant la surveillance du secteur pétrolier et des activités d'exploitation?

M. Kent : Parlez-vous de la plateforme de forage en mer et des travaux de production en cours? J'imagine qu'il s'agit de l'Office national de l'énergie et de l'office des hydrocarbures extracôtiers, n'est-ce pas monsieur McNamee?

Kevin McNamee, directeur, Établissement des parcs, Établissement et conservation des aires protégées, Parcs Canada : Oui. L'Accord sur les hydrocarbures extracôtiers signé en 1986 et sa loi de mise en œuvre comptent un nombre considérable d'articles sur la sécurité. C'est donc l'office qui s'en charge.

Pour ce qui est du parc national et des modifications à l'étude, nous avons convenu que l'industrie aurait encore accès à l'île de Sable en cas d'urgence. Nous garderons l'aire d'atterrissage d'hélicoptères, et les sociétés pourront venir sur l'île en situation d'urgence.

En plus, ExxonMobil a adopté un code de pratique qui autorise ses employés à aller sur l'île de Sable uniquement en cas d'urgence. Ils n'iront que pour assurer leur sécurité, pour les urgences ou ce genre de choses. C'est toutefois l'office qui en est responsable, en fin de compte.

La sénatrice Seidman : Celui de la Nouvelle-Écosse?

M. McNamee : L'Office Canada-Nouvelle-Écosse des hydrocarbures extracôtiers.

La sénatrice Seidman : La surveillance est donc assurée à la fois par le pays et la province, n'est-ce pas?

M. Kent : En effet; il s'agit d'un office conjoint.

Le sénateur Patterson : Je tiens à féliciter le ministère. Je suis ravi de constater que l'Office Canada-Nouvelle-Écosse des hydrocarbures extracôtiers, le gouvernement de la Nouvelle-Écosse, l'industrie et d'autres intervenants se sont concertés pour trouver un équilibre entre divers intérêts.

Je tiens à soulever une question un peu délicate. C'est la première que j'ai posée après avoir entendu parler de la création de réserves à vocation de parc. J'avais fait partie du Comité sénatorial permanent des pêches et des océans, qui a examiné la question du phoque gris. Comme vous le savez sans doute, monsieur le ministre, l'île de Sable est la principale aire de reproduction de cet animal dans l'Atlantique. On a accusé ce phoque, dont la masse peut atteindre une tonne et demie et qui, d'après les études, dévore plus d'une tonne de poissons par année, de mettre en péril la viabilité de nos pêches commerciales.

Je tiens tout simplement à ce que vous m'assuriez que si votre collègue des Pêches donne suite aux recommandations du comité sénatorial pour un abattage sélectif et méthodique, ce serait possible dans le respect des lignes directrices de Parcs Canada et sous votre intendance.

M. Kent : Je suis au courant de la situation. Elle a fait l'objet de discussions dans le passé, qui n'ont débouché sur aucune décision. Effectivement, la surpopulation de phoques gris menace sérieusement le rétablissement des pêches au large de la côte Est.

Cependant, il faudrait soumettre la question à l'examen et à la décision du cabinet. Nous n'avons reçu aucune proposition.

Le sénateur Patterson : Pendant des séances d'information, des agents de votre ministère m'ont dit que les lignes directrices de Parcs Canada permettaient un abattage sélectif et méthodique, si le ministre compétent...

M. Kent : La gestion des espèces est autorisée dans tous nos parcs nationaux.

Le sénateur Patterson : Merci.

Le sénateur Massicotte : Je vous remercie d'être ici.

Revenons aux Mi'kmaq, vu notre sensibilité collective pour eux et pour le processus. Vous avez vu les lettres que nous avons reçues. Leurs auteurs reconnaissent certainement qu'ils sont d'accord, en principe, pour la création de la réserve. Ils semblent d'accord pour tous les objectifs.

Cependant, je pense qu'ils ont été déçus de ne pas avoir été consultés pour l'élaboration du projet de loi. Est-ce qu'on aurait dû les consulter?

M. Kent : Je n'ai pas directement participé à ces consultations, mais il y en a eu. Pour les détails, M. Latourelle pourra répondre mieux que moi.

M. Latourelle : Depuis l'annonce du processus devant aboutir à la création d'une réserve à vocation de parc national, nous avons eu des discussions fructueuses avec les Mi'kmaq. Nous négocions avec eux un accord de collaboration pour la gestion du parc et le financement qu'ils ont demandé pour l'évaluation des ressources archéologiques, par exemple. Nous conservons dans nos dossiers une lettre qu'ils nous ont adressée, en 2010, dans laquelle ils appuient l'idée d'une réserve à vocation de parc national dans l'île de Sable.

Le sénateur Massicotte : Je pense que, en principe, ils sont d'accord. Cependant, je pense qu'ils sont déçus de ne pas avoir participé à l'élaboration du projet de loi. Peut-être l'ont-ils fait. Aurait-on dû les consulter à ce niveau?

Ensuite, ils demandent aussi que le gouvernement finance leurs études archéologiques et ainsi de suite. Est-ce un sujet de querelle?

M. Latourelle : Non, nous sommes d'accord pour les études. Comme nous le faisons dans nos autres parcs nationaux ou dans les lieux historiques nationaux, nous collaborons avec les communautés et les peuples autochtones. Nous finançons la recherche sur les savoirs traditionnels et leur histoire, selon leur point de vue. Dans le cas qui nous occupe, nous sommes disposés à le faire aussi.

Les discussions portent sur le financement. Je sais que nous financerons les travaux, mais il s'agit de déterminer combien nous accorderons et quel est le plan des travaux. Nous y travaillons ensemble.

Le sénateur Massicotte : Quelle est la cause de leur déception? Ils semblent se dire malheureux. Quel est le problème? Est-ce un retour à d'anciennes habitudes? Pourquoi soulèvent-ils cela, d'après vous?

M. Latourelle : Je ne peux pas parler pour eux. Nous tenons à collaborer avec eux et à ne pas couper les ponts. Ils ont assisté à l'annonce du projet de création de parcs nationaux. Ils étaient d'accord. Nous voulons parachever les consultations sur la gestion, en collaboration, de la réserve à vocation de parc et financer les études archéologiques à faire.

Le sénateur Massicotte : Monsieur le ministre, pourriez-vous prendre connaissance des lettres que vous avez reçues, pour vous assurer ensuite vous-même du respect de nos obligations morales et constitutionnelles?

M. Kent : Absolument.

J'ajouterai que les consultations à venir pour permettre de modifier la désignation de réserve pour celle de véritable parc national du Canada visent les mesures complémentaires et les ententes prévues en vertu du devoir de consulter. Les questions que M. Latourelle a mentionnées doivent donc être résolues, et c'est l'objectif des consultations qui se poursuivent.

Le sénateur Massicotte : Sur cette note, vous utilisez le mot « réserve » pour les expropriations provinciales et, dans une autre loi provinciale, on fixe une limite de deux années pour le maintien de la réserve sinon, il faut une prolongation, mais d'une durée limitée. Est-ce le cas pour les parcs nationaux? Cette réserve n'est pas un véritable parc national.

M. Kent : L'année dernière, nous avons annoncé la création de la réserve tlicho de parc national, immédiatement au nord de Nahanni, qui jouxte la réserve du parc national du Canada Nahanni. C'est encore une réserve, parce qu'il reste des questions foncières à négocier avec les Premières Nations. Il n'y a pas de délais. Comme vous savez, les négociations sur les questions foncières et sur les traités peuvent être tantôt assez courtes, tantôt assez longues.

Le sénateur Massicotte : Elles pourraient alors s'étirer sur 10 ou même 20 ans?

M. Kent : Il n'y a pas de date limite.

Le sénateur Massicotte : La seule différence entre une réserve et un véritable parc, c'est que la réserve fixe les droits des gens sans les léser, tout en protégeant les terrains contre une éventuelle mise en valeur ou un changement d'état. Est-ce bien cela?

M. Kent : Oui. La gestion du parc serait assujettie aux protocoles en vigueur dans les parcs nationaux de partout au pays, les protocoles propres au parc, mais généraux.

Le sénateur Massicotte : En ce qui concerne la station de ski Marmot, dans le parc national Jasper, il est beaucoup question de l'importance du caribou et ainsi de suite, mais je pense que nous parlons de l'addition nette, au parc, d'environ 100 acres cédées par l'exploitant de la station?

M. Kent : C'est adjacent... Avez-vous la carte?

Le sénateur Massicotte : Non, mais j'ai la superficie.

M. Kent : Nous pouvons vous montrer la carte. C'est essentiellement une longue bande de terrain presque rectangulaire, contiguë à la principale partie de la station de ski mise en valeur. Cependant, 118 hectares constituent une superficie importante. Elle s'ajoutera à la zone restée à l'état sauvage dans la région. C'est à droite du contour en noir. Cette réserve apporte un net avantage écologique. La surface qui serait cédée se trouve en bas à gauche.

Le sénateur Massicotte : Pour un parc national, ce n'est pas si étendu.

M. Kent : Chaque parcelle protégée doit être considérée comme importante.

Le sénateur Wallace : Merci, monsieur le ministre.

Monsieur le ministre, plus tôt, cette semaine, la Société pour la nature et les parcs du Canada, qui a comparu devant nous, a notamment recommandé de modifier le projet de loi pour interdire le forage horizontal sous l'île de Sable et, aussi, l'exploration dite peu perturbatrice pour l'environnement. Je suis sûr que vous êtes bien au courant de ses observations. Quelle est votre position à ce sujet?

M. Kent : Je pense que la Société pour la nature et les parcs du Canada est honnête. Elle est très ambitieuse, et il faut la louer pour son ambition de protéger plus de superficies terrestres et marines. Dans ce cas particulier, avec tout le respect que je lui dois, je ne suis pas d'accord. Encore une fois, toute proposition de forage horizontal sous l'île de Sable serait assujettie à une étude et à une autorisation de l'office des hydrocarbures extracôtiers.

Le sénateur Wallace : Est-ce qu'on craint que le forage horizontal présente un risque pour l'île de Sable?

M. Kent : Non. Aucun risque n'a été reconnu. Le forage horizontal est un moyen très bien éprouvé pour l'exploitation des ressources.

Le sénateur Wallace : Monsieur le ministre, vous avez mentionné que le projet de loi aurait pour effet de protéger l'île en s'appuyant sur un droit exécutoire, plutôt que sur un principe, comme jusqu'ici. Quelle distinction faites-vous entre les deux? Comment protège-t-elle mieux l'île?

M. Kent : Les normes qu'applique Parcs Canada dans tous les parcs nationaux et les lieux historiques nationaux officiels sont beaucoup plus que des pratiques exemplaires normales. On définirait la collaboration sur les aspects scientifiques, les usages et l'accès des visiteurs. L'île ne relève de Parcs Canada que depuis une année. MM. Latourelle et McNamee ainsi que le surintendant du parc n'ont pas terminé la définition exacte des priorités éventuelles à court et à long terme.

M. Latourelle : Encore une fois, l'appui de l'industrie à l'interdiction du forage dans l'île est une concession importante pour la conservation. La réserve à vocation de parc national de l'île de Sable sera assujettie à la Loi sur les parcs nationaux et aux règlements sous son régime. Ce sera un très bel endroit à visiter. Encore une fois, c'est une zone sensible, mais nous avons l'expérience, au lieu historique national et à la réserve de parc national haïda Gwaii Haanas, de la gestion des écosystèmes sensibles possédant aussi des ressources culturelles.

Le sénateur Wallace : Le projet de loi autoriserait ce que l'on appelle des activités peu perturbatrices. Devrions-nous craindre que ces activités présentent un risque pour l'environnement de l'île?

M. Kent : Non. Comme l'a dit M. Latourelle, dans le parc national haïda Gwaii Haanas et dans un certain nombre d'autres parcs nationaux, la vulnérabilité écologique et l'intégrité de l'environnement local passent avant toute autre chose, et, aujourd'hui, on limite énormément le nombre de visiteurs. À quelques centaines de personnes par année, au maximum. Nous espérons améliorer cet accès, mais, encore une fois, on tiendra absolument compte de la vulnérabilité de l'île.

Le sénateur Lang : Merci de vous être déplacé, monsieur le ministre.

J'aimerais attirer encore une fois votre attention sur la question des chevaux sauvages de l'île de Sable. Je pense que la plupart des Canadiens, à un moment donné, ont lu sur leur existence et sur le cachet qu'ils ajoutent à cette région particulière.

Ma première question concerne les modifications de la Loi sur la marine marchande du Canada et l'abrogation des règlements qui s'appliquent à l'île et leur remplacement par les règlements sous le régime de la Loi sur les parcs nationaux du Canada. Si j'ai bien compris, les chevaux sauvages sont généralement du ressort de la province, mais, dans ce cas-ci, on appliquait les règlements sous le régime de la loi fédérale sur la marine marchande du Canada, parce que ces animaux ne relevaient pas de la loi sur les espèces. Avec ces changements, est-il clairement explicité dans la Loi sur les parcs nationaux du Canada que ces chevaux sauvages relèvent de Parcs Canada?

M. Kent : La réponse, tout simplement, est oui.

Comme vous le savez, à diverses reprises pendant le régime antérieur auquel l'île était assujettie, on a proposé de déplacer les chevaux. On a discuté de leur origine précise, de leur arrivée sur l'île et de leur survie dans un environnement assez hostile, mais, sous la houlette de Parcs Canada, l'espèce sera protégée.

Le sénateur Lang : Toujours sur cette question et pour faire suite à la question du sénateur Patterson sur la gestion des phoques gris, compte tenu de la situation dans laquelle se trouve l'île et la vulnérabilité écologique de ce petit coin de terre, y a-t-il des discussions sur la gestion de ce troupeau, désormais, compte tenu de vos responsabilités nouvelles et des méthodes pour en maintenir les effectifs à un niveau qui permettra son maintien en liberté dans l'île?

M. Kent : Les phoques ne menacent pas l'écologie de l'île. La question, comme j'ai dit, a été examinée, mais on n'a pris aucune décision. La gestion des espèces fait partie des pouvoirs et des responsabilités dévolus au parc national.

M. McNamee : Nous avons eu un certain nombre de discussions avec d'autres ministères fédéraux, pour le projet de parc national dans l'île de Sable. Nous avons eu de longues discussions avec le ministère des Pêches et des Océans. Depuis longtemps, ce ministère conduit un programme de recherche sur les phoques dans l'île, qui se poursuivra. Des dispositions du projet de loi accordent à Parcs Canada le pouvoir de maintenir et de renouveler les baux et les permis d'occupation et, effectivement, le ministère des Pêches et des Océans occupe l'île. Nous maintiendrons cette entente et nous sommes bien disposés à la reconduire. En fait, notre personnel a eu, ces derniers mois, des discussions avec le personnel de ce ministère. Nous planchons sur un protocole d'entente pour maintenir ces relations.

Le sénateur Lang : Je tiens à creuser la question de l'avenir des chevaux sauvages de l'île. Peut-être que vous pouvez éclairer le comité sur la nature des discussions qui ont eu lieu sur la gestion à venir du troupeau, pour qu'il se maintienne dans l'île.

M. McNamee : Ces chevaux vivent dans l'île depuis, je crois, le milieu des années 1700. Une espèce animale installée depuis plus de 50 ans dans une région est considérée comme une espèce sauvage de cette région. Les chevaux demeureront donc dans l'île.

Un certain nombre d'universités ont effectué des études sur l'île, pour examiner l'historique de l'espèce, ses rapports avec l'île, son écologie, ses répercussions potentielles, et nous tiendrons compte de ces recherches. Je crois que l'Université de la Saskatchewan fait aussi partie du comité consultatif des intervenants dans l'île de Sable auprès de la Garde côtière. C'est un joueur qui continuera d'être présent. Je ferai remarquer que, relativement à l'article du projet de loi concernant les baux et permis d'occupation, elle a des installations dans l'île. Nous poursuivrons cette recherche parce que, comme nous faisons dans beaucoup de nos parcs nationaux, c'est une approche fondée sur la collaboration.

M. Kent : Les effectifs fluctuent en fonction des conditions météorologiques. C'est un troupeau sauvage. Son histoire est tout à fait fascinante. Zoe Lucas a écrit plusieurs livres sur le sujet. C'est une chercheure établie à Halifax qui passe beaucoup de temps, chaque année, dans l'île, à étudier l'état des troupeaux et à offrir des conseils sur l'espèce.

[Français]

La sénatrice Ringuette : Hier, on nous a posé certaines questions qui, je l'avoue, m'ont fait réfléchir. Le sol de l'île ne contient qu'une petite quantité de ressources. Je me demande donc pourquoi la législation actuelle maintient le privilège d'accès à cette ressource, compte tenu du fait qu'elle est si mince et du fait que les sols marins offrent une quantité bien plus grande de ressources.

N'y aurait-il pas lieu d'accepter les recommandations du groupe qui aimerait faire retirer ce privilège? Et si dans 30, 40 ou 50 ans, bien que la ressources soit très petite, il devient absolument nécessaire de l'exploiter, il s'agira de revoir la législation, en tenant compte de toute la gamme de nouvelles technologies, sur le plan de la conservation, qui, on l'espère, verra le jour d'ici là au Canada.

J'ai beaucoup de difficulté à comprendre pourquoi on n'accepte pas la recommandation d'enlever ce privilège. On veut bien faire les choses pour que l'île de Sable devienne un parc national. Je doute que de tels privilèges soient accordés pour d'autres parcs au Canada. Je vous avoue que je ne vois aucune logique à ce que l'on maintienne ce privilège pour le moment.

[Traduction]

M. Kent : Je pense que chaque parc du réseau des parcs nationaux possède son identité propre, qu'il présente des difficultés particulières et qu'il lui correspond un mode d'accès particulier. L'île de Sable est dans une catégorie à part. Aucun autre parc national ne possède ses caractéristiques.

Nous continuerons de collaborer avec la province et avec les industries qui exploitent les ressources autour de l'île. Comme j'ai dit, Parcs Canada commence à peine à se faire une idée de l'administration à venir du parc, une administration qui lui sera propre, une idée des ressources qu'il faudra demander dans les budgets à venir concernant l'identité du parc, sa mise en valeur et son maintien. C'est une aire d'une valeur écologique et historique particulière que notre gouvernement estime devoir ajouter à nos aires protégées officielles.

[Français]

La sénatrice Ringuette : Je ne remets pas en question la validité et la nécessité de voir l'île de Sable devenir un parc national. Toutefois, j'aimerais vraiment voir la recommandation du groupe accueillie et que l'on enlève, pour le moment, les privilèges de permettre des expériences visant l'exploitation de si peu de ressources en ces lieux géographiques. Si ma mémoire est bonne, je ne crois pas qu'il y ait d'autres parcs nationaux au Canada où l'on approuverait l'exploitation de ressources, même s'il s'agissait de pétrole.

[Traduction]

M. Kent : Encore une fois, les circonstances sont différentes de celles des parcs ailleurs au pays, mais, en ce qui concerne l'éventuel forage horizontal, quelque part dans l'avenir, la question devrait être soumise à l'examen puis à une décision de l'Office Canada-Nouvelle-Écosse des hydrocarbures extracôtiers. Cependant, comme vous le savez, je pense que l'industrie du pétrole et du gaz, Exxon, notamment, doit être félicitée. De sa propre initiative, elle a renoncé à ses droits de surface. Nous n'avons pas eu à la supplier ni à la cajoler, et je crois que, mardi, elle a dit au comité que si on devait supprimer la disposition sur un éventuel forage horizontal, cela équivaudrait à une rupture de promesse et que nous perdrions la possibilité de protéger l'île de Sable.

Le président : Je pense que monsieur le ministre doit bientôt nous quitter. Nous vous remercions, vous et vos adjoints d'avoir bien voulu nous consacrer de votre temps et répondre à certaines de ces questions. J'en ai une, très courte, sur la question des consultations.

Vous nous avez dit que, il y a un an, Parcs Canada s'est chargé de la responsabilité de l'île de Sable, à la place de la Garde côtière. Combien de réunions ont eu lieu avec les Premières Nations? Le sens de consultation est galvaudé; je comprends. Combien de réunions, en fait, ont eu lieu avec les Premières Nations sur ce que nous savons actuellement et sur ce que l'avenir nous réserve? Je vous serais extrêmement reconnaissant que vous me donniez le nombre de réunions.

M. Latourelle : J'ignore le nombre exact, mais je vous quitte en vous promettant de continuer de collaborer avec les Premières Nations. Nous tenons à maintenir cette collaboration. Nous voulons collaborer avec elles pour élaborer un accord de gestion en collaboration que nous appliquerons ensemble et les financer comme nous avons fait pour nos parcs nationaux, pour poursuivre le processus. Nous pouvons communiquer ces renseignements au comité, mais je ne les possède pas encore.

Le président : Je vous suis d'avance très reconnaissant. Je sais que vous le ferez. Le nombre de réunions, les discussions qui ont effectivement porté sur la situation, tout cela nous serait très utile. Si vous pouviez nous communiquer ces renseignements, nous vous en serions très reconnaissants.

Merci, monsieur le ministre et merci à vos adjoints. Nous allons maintenant accueillir d'autres témoins, par vidéoconférence.

Bienvenue à la deuxième moitié de la réunion du Comité permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles. Nous poursuivrons notre étude du projet de loi S-15, qui établit la réserve à vocation de parc national de l'île de Sable du Canada.

Je suis heureux d'accueillir, par vidéoconférence, depuis Halifax, à l'Assemblée des chefs Mi'kmaq de la Nouvelle- Écosse, M. Gerard Julian, coprésident et chef de la Première Nation Paqtnkek, et Mme Twila Gaudet, agente de liaison, Consultations, pour l'Initiative des droits des Mi'kmaq. Chef Julian, Mme Gaudet, merci d'être avec nous. Je sais que vous êtes occupés et je vous suis reconnaissant du temps que vous nous accordez.

Nous avons reçu votre mémoire et vos notes d'allocution. Merci beaucoup. Je vous invite à nous faire part de vos observations, s'il vous plaît.

Gerard Julian, coprésident et chef de la Première Nation Paqtnkek, Assemblée des chefs Mi'kmaq de la Nouvelle-Écosse : Merci beaucoup. Bonjour. Si vous permettez, je dirai quelques mots d'abord en mi'kmaq.

[Note de l'éditeur : Le témoin s'exprime en mi'kmaq.]

J'ai dit : « Bonjour; je suis le chef Gerard Julian, de la nation mi'kmaq paqtnek ». Monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du comité, mesdames et messieurs les témoins et les invités, merci de l'occasion que vous m'offrez de comparaître pour discuter de nos craintes découlant du projet de loi S-15.

Je vous parle en ma qualité de représentant des Mi'kmaq de la Nouvelle-Écosse, de coprésident de l'Assemblée des chefs Mi'kmaq de la Nouvelle-Écosse, de chef de portefeuille en matière d'énergie et de chef de ma propre communauté, Paqtnkek.

Ce n'est pas la première comparution de l'assemblée devant l'un de vos comités permanents, et cela nous déçoit. À maintes reprises, nous avons dû exprimer nos motifs de préoccupation et notre mécontentement au sujet de l'indifférence flagrante et répétée de votre gouvernement pour les Premières Nations du pays.

L'Assemblée des chefs Mi'kmaq de la Nouvelle-Écosse, avec les pouvoirs qui lui ont été délégués, est saisie des problèmes communs à nos communautés, et la question d'aujourd'hui en est un exemple.

Ce qui nous amène devant vous, ce n'est pas tant le projet présenté au Parlement que la marche à suivre ou, plutôt, son absence.

Comme vous le savez très probablement, le Canada, la Nouvelle-Écosse et les Mi'kmaq ont conclu, en février 2007, un accord-cadre, le processus « Made-in-Nova Scotia ». Ce processus, auquel votre gouvernement a donné son accord, constitue le fondement des consultations et des négociations qui, manifestement, n'ont pas encore eu lieu.

En 2010, à partir de cet accord, nous avons collaboré ensemble à l'élaboration du mandat du processus de consultation entre les Mi'kmaq, la Nouvelle-Écosse et le Canada. Le devoir de consulter et d'accommoder les Premières Nations, lorsque les décisions de la Couronne ont des conséquences chez les Autochtones et sur les droits issus des traités a été reconnu par les plus hauts tribunaux canadiens. Nous savons tous qu'il s'agit de la Cour suprême du Canada.

Parcs Canada lui-même affirme, dans ses politiques, qu'il tiendra compte des revendications de droits et d'un titre par les Mi'kmaq dans la province de la Nouvelle-Écosse, qui, dans le cadre du processus « Made-in-Nova Scotia » font l'objet d'un examen. Pourtant, nous n'avons pas été consultés sur la teneur, le libellé, la portée ou la signification du projet de loi S-15.

De gouvernement à gouvernement, nous avons travaillé dur à surmonter les problèmes. Pourtant, des situations comme celle-là constituent pour nous plutôt des reculs.

En 2008, le gouvernement canadien a fait savoir à ses ministères que la consultation était d'autant plus efficace qu'elle était entreprise le plus tôt possible avant la prise de décisions.

Malgré cela, la province et le Canada ont signé, le 25 janvier 2010, un protocole d'entente pour poursuivre la désignation de l'île de Sable comme parc national ou réserve nationale de faune. Ce n'est que cinq mois après que Parcs Canada s'est adressé aux Mi'kmaq pour les consulter à ce sujet. Connaissant l'importance historique de l'île et la fragilité de son écosystème, nous avons écrit à Parcs Canada pour offrir notre participation au processus de désignation. Bien sûr, nous voulions en savoir davantage sur la désignation choisie, et on nous a informés, par écrit, qu'une réserve à vocation de parc national était créée chaque fois que des droits et titres non réglés font l'objet d'une négociation.

Au cours des consultations officielles en vertu du mandat, les Mi'kmaq ont annoncé au Canada et à la Nouvelle- Écosse qu'ils étaient d'accord pour la désignation de réserve à vocation de parc national. Nous nous sommes également assurés de dire à Parcs Canada que nous nous attendions à travailler en étroite collaboration avec lui tout le long du processus, c'est-à-dire de la présentation de la désignation au Parlement à la protection des droits et du titre en passant par d'élaboration d'un plan de gestion et sa mise en œuvre.

Nous avons insisté sur le fait que même si nous appuyions la désignation, nous avions cependant toujours besoin de nous assurer que Parcs Canada maintenait l'objectif premier de protection de l'île.

Manifestement, jusqu'ici, les discussions entre le gouvernement fédéral et la province se sont poursuivies sans les Mi'kmaq. Même s'ils étaient en consultation officielle avec le Canada et la Nouvelle-Écosse au sujet de l'île de Sable, aucun niveau de gouvernement n'a cherché à les consulter pour étayer leurs décisions.

En mars 2011, la Couronne a publié la troisième révision du guide de Parcs Canada sur les consultations avec les Autochtones, dans lequel il était clairement dit que la consultation est la règle à suivre et qu'elle est exigée par la loi, ce qui signifie que la province et la Couronne fédérale y sont légalement obligées, quand il s'agit d'élaborer ou de réviser des lois. Pourtant, on n'a jamais averti les Mi'kmaq de la rédaction de ce projet de loi et de son éventuel dépôt au Parlement.

Une chose est sûre : le Canada et la Nouvelle-Écosse ont manqué à leur devoir de consulter sur le projet de loi. Les désirs et les opinions de notre nation s'appuient sur des notions transmises de génération en génération, des notions de respect, d'intégrité et de sauvegarde de l'environnement.

Comment un ministère peut-il prendre des décisions concernant les terres et les eaux des territoires traditionnels des Mi'kmaq, sans y faire participer les intéressés?

Quand Parcs Canada avait-il l'intention de se joindre aux négociations sur ce projet? Est-ce qu'on fera comme pour le Protocole d'entente entre le Canada et la Nouvelle-Écosse, quand ce n'est qu'après sa signature, seulement, qu'on a pensé aux Mi'kmaq?

Le Canada et la Nouvelle-Écosse doivent mettre les Mi'kmaq dans le coup, quand ils prennent ce genre de décisions. Il importe qu'ils le fassent. Malgré les appels du premier ministre lui-même à la collaboration entre les nations, vous continuez d'exclure les Mi'kmaq de ces discussions.

Étant donné le travail du gouvernement et la majorité dont il dispose au Sénat et à la Chambre des communes, il est sûr qu'on adoptera le projet de loi S-15 et qu'il entrera en vigueur. On peut seulement supposer que le personnel de Parcs Canada est déjà affairé à préparer toutes les étapes qui conduiront à une ébauche de plan de gestion. Pourtant, les Mi'kmaq de la Nouvelle-Écosse s'attendent à participer à l'élaboration du plan de gestion, mais nous n'avons pas été invités à le faire, et nous nous attendons à continuer d'être mis au courant de l'avancement des travaux sur la réserve à vocation de parc national de l'île de Sable.

Avec cette désignation, il est manifeste que le titre des Autochtones à l'île de Sable a été reconnu. Il faut que des rapports soient rédigés sur les travaux archéologiques qui, le cas échéant, ont été effectués dans l'île. Nous voulons être fixés sur la présence de Mi'kmaq dans l'île par le passé. Nous devrions participer aux études écologiques qui doivent être réalisées et participer aussi à cette étude archéologique.

Il ne fait aucun doute que Parcs Canada devrait financer les Mi'kmaq pour entreprendre ce travail. On peut, sans crainte de se tromper, affirmer que, en raison des limites imposées aux visites par le passé, personne n'a expressément cherché à examiner les rapports entre les Mi'kmaq et cette île. Il est maintenant temps de le faire. Les Mi'kmaq de la Nouvelle-Écosse ont appuyé les travaux de Parcs Canada jusqu'ici. Nous avons appuyé l'interdiction des forages de pétrole dans l'île de Sable ou à moins d'un mille marin de distance de son rivage. En fait, nous nous sommes demandé si cette distance était suffisante et nous avons recommandé de l'augmenter.

Nous avons aussi fait pression en faveur de l'interdiction de tout travail ou de toute activité relative au pétrole dans la réserve à vocation de parc national de l'île de Sable, puisqu'on ne peut pas encore formuler d'opinion sur les effets de la prospection sismique. Dans l'intérêt des terres et des eaux du pays traditionnel des Mi'kmaq, nous recommandons que ces activités restent interdites dans le parc. Le projet de loi les limite aux activités à la surface. Je pense que nous devrions vraiment envisager de ne faire aucune exploration en cet endroit tant que les études archéologiques n'auront pas été réalisées et que les traces archéologiques n'auront pas été trouvées. Ensuite, peut-être, nous pourrons envisager des modifications à la loi, plus tard.

Aujourd'hui, nous vous avons parlé des craintes des Mi'kmaq de la Nouvelle-Écosse en leur nom. Nous espérons que vous pourrez constater la force avec laquelle elles sont enracinées dans les traditions, le vécu et la culture de notre peuple.

Le parcours du projet de loi jusqu'au Parlement n'aura pas seulement des répercussions sur cette décision, mais, aussi, sur les bases que nous avons tenté d'intégrer dans les ententes entre nos nations.

Nous recommandons de consacrer les prochaines étapes à la réinstauration de consultations officielles avec la nation mi'kmaq de la Nouvelle-Écosse et de la faire participer aux études de Parcs Canada sur l'archéologie, l'histoire et l'écologie de l'île de Sable.

Nous vous recommandons de mobiliser les Mi'kmaq dans l'élaboration d'un plan de gestion pour l'île et, aussi, que vous insistiez pour que tous les ministères entament une consultation officielle avec les Mi'kmaq de la Nouvelle-Écosse, en vertu du mandat sur les consultations.

Il semble que certains ministères, fédéraux comme provinciaux, aient choisi de participer ou non au mandat de consultation. Nous voudrions au moins entreprendre le dialogue, auquel, d'après la Cour suprême, on est obligé, et être consultés sur les droits et le titre concernés.

Nous espérons que vous reconnaîtrez aussi l'importance de véritables consultations. Nous demandons que vous recommandiez que, désormais, tous les ministères fédéraux suivent le processus exposé dans le mandat de consultation entre les Mi'kmaq, le Canada et la Nouvelle-Écosse, pour que, jamais plus, nous ne soyons mis devant le fait accompli d'une loi sur laquelle on ne nous aura pas consultés.

We'lalioq, et merci pour le temps que vous nous avez accordé.

Le président : Merci beaucoup, chef Julian. Passons maintenant aux questions.

Le sénateur Mitchell : Merci à vous deux d'être ici. Je vous en suis très reconnaissant.

Chef Julian, d'abord, êtes-vous en train de dire que vous ne rencontrez pas régulièrement les fonctionnaires de Parcs Canada?

Twila Gaudet, agente de liaison, Consultations, Initiative des droits des Mi'kmaq : Je peux répondre à cela. Nous rencontrons les fonctionnaires de Parcs Canada à l'échelon local, effectivement. Nous sommes engagés dans des consultations à ce niveau, ici, en Nouvelle-Écosse.

Le sénateur Mitchell : Avez-vous pu rencontrer le ministre Kent ou un autre ministre qui pourrait...

Mme Gaudet : Non.

Le sénateur Mitchell : Vous avez énuméré un certain nombre de sujets de préoccupation. J'aimerais que vous puissiez les résumer. Outre la question des consultations, veuillez mentionner les problèmes de fond que vous percevez dans le projet de loi ou que le projet de loi a cristallisés. Il y a notamment la question des études archéologiques et celle des limites de la zone côtière, sur laquelle vous avez insisté. Il y a aussi la question des prospections sismiques et leurs répercussions, pas assez étudiées, dites-vous. Je pense que la prospection sismique, en fait, a lieu dans l'île et non au large.

Pourriez-vous répondre à ces deux questions? D'abord, est-il vrai que les prospections sismiques sont insuffisamment étudiées? S'agit-il de ces trois questions de fond plutôt que de problèmes de processus?

M. Julian : Oui. D'abord, nous devons réaliser l'étude archéologique, voir ce qui se trouve dans l'île et identifier les vestiges mi'kmaq. Nous devons le faire avant qu'on commence à perturber tout le reste.

J'ignore quels effets les prospections sismiques pourraient avoir sur l'environnement de l'île et les chevaux qui y vivent. Cela nous préoccupe, tout comme l'environnement, les oiseaux et toute l'activité écologique qui a lieu dans l'île.

Quel était le troisième point de votre énumération?

Le sénateur Mitchell : Les prospections sismiques. Non, les limites des eaux côtières.

M. Julian : Les limites de la zone côtière. À ce sujet, je vais demander l'intervention de Mme Gaudet.

Mme Gaudet : Je vais ajouter des précisions aux observations du chef Julian sur l'archéologie. C'est un fait que l'île de Sable faisait partie du pays traditionnel des Mi'kmaq et nous savons qu'elle est aujourd'hui beaucoup petite qu'elle l'était à l'origine. Je sais que, au début, elle était beaucoup plus proche de la Nouvelle-Écosse. Cette donnée archéologique est certainement d'une importance capitale pour étayer les revendications de la zone hauturière.

Nous avons besoin de plus d'études archéologiques de même que d'études de l'utilisation traditionnelle de cette région.

Le sénateur Massicotte : Merci d'être avec nous. Je tiens seulement à vous assurer que nous, les membres du comité, nous comprenons votre déception à l'égard du gouvernement, parce que, si j'ai bien compris, vous consultez Parcs Canada, mais que, pourtant, vous êtes déçus du manque de consultation.

Pourriez-vous être plus précis? Vous parlez de votre déception concernant l'absence de consultations au sujet du projet de loi. Qu'est-ce qui, en particulier, vous déçoit?

Mme Gaudet : Oui. Nous avons bien décrit les éléments précis qui, dans le projet de loi, nous inquiètent, par exemple, l'accroissement du nombre de visiteurs; la prospection sismique; la nécessité de réaliser, dans l'île, d'autres études archéologiques, historiques et traditionnelles.

Toutefois, le vrai problème est l'absence de consultation sur le projet de loi lui-même, sa rédaction et les amendements proposés. On ne nous a pas informés des amendements proposés à trois projets de loi. Nous n'avons pas participé à la rédaction et nous n'avons pas été consultés sur les amendements proposés.

Le sénateur Massicotte : Il y a une heure, le ministre a comparu devant nous pendant à peu près une heure. Avez- vous pu entendre son témoignage?

Mme Gaudet : Non, nous n'avons pas pu.

Le sénateur Massicotte : Nous avons reçu vos observations et vos lettres avant de rencontrer le ministre. Nous avons posé la question au ministre et à ses adjoints. Ils affirment, haut et fort, qu'ils vous ont consultés de nombreuses fois. Il n'est pas clair s'ils ont senti l'obligation de vous consulter sur le projet de loi en soi, mais ils nous disent que, vu que le processus concerne la création d'une réserve, ils ont certainement reconnu que les discussions n'étaient pas terminées et que vous serez consultés tant que le projet de loi et le processus ne seront pas parachevés. Ils reconnaissent qu'il doit y avoir d'autres études géologiques. Je pense qu'ils veulent discuter avec vous de l'ampleur des prospections et de leurs coûts.

Peut-être pourriez-vous revoir les observations qui ont été formulées, puis communiquer avec nous si vous n'êtes toujours pas satisfaits et le faire le plus tôt possible, si cela ne vous fait rien.

M. Julian : Je pense que notre principal souci est de participer dès le début aux discussions avec le gouvernement fédéral. On a plutôt tendance à consulter après avoir pris les décisions et après avoir commencé à rédiger le projet de loi. C'est comme si c'était un détail de dernière minute.

La consultation devrait commencer au début du processus pour que nous puissions y participer pleinement et ne pas être obligés d'intervenir une fois le projet de loi rédigé. Nous voudrions que la consultation se fasse au début. Voilà ce que nous souhaitons. C'est ce que stipule la loi.

Mme Gaudet : Je dirais même plus : nous nous attendons certainement à participer pleinement à la consultation concernant l'ensemble du processus et la gestion future de l'île, qui se fera en collaboration.

Cependant, comme le chef l'a souligné précédemment, le véritable problème vient du fait que nous n'avons pas été consultés sur les amendements proposés. Je peux vous assurer que nous n'avons pas été consultés sur les amendements qu'on propose d'apporter au présent projet de loi.

Le sénateur Massicotte : Je le répète une fois de plus : peut-être devriez-vous jeter un coup d'œil aux commentaires qui ont été formulés et nous faire part de vos conclusions par écrit le plus tôt possible. Vous comprendrez que la préparation d'une mesure législative soit difficile; il faut obtenir l'approbation de bien des gens. Une consultation ne signifie pas qu'il faille tout approuver, mais il faut sincèrement qu'on vous écoute et qu'on tente de répondre à vos objections. C'est, de toute évidence, un processus difficile, mais si vous pouvez nous communiquer d'autres informations, nous vous en saurions gré.

[Les témoins discutent entre eux.]

M. Julian : L'autre chose dont je discute avec Mme Gaudet concerne la...

Mme Gaudet : La déclaration des Nations Unies.

M. Julian : ... la déclaration des Nations Unies sur le consentement libre et éclairé. Le gouvernement agit après coup. Si vous devez obtenir le consentement libre et éclairé sur l'élaboration d'un projet de loi et faire participer les Mi'kmaq à une relation de nation à nation, comme l'a indiqué le premier ministre, les échanges doivent commencer dès le début, pas après coup. Je comprends que nous n'avons pas à être d'accord, mais nous aimerions avoir notre mot à dire sur ce projet de loi au sujet du titre autochtone des Mi'kmaq.

Nous n'avons pu entendre les propos du ministre parce que nous attendions de prendre la parole devant le comité. Nous allons certainement donner suite à l'affaire et vous répondre par écrit à ce sujet.

Le sénateur Patterson : Je vous remercie, chef, de cet exposé.

Mon expérience concerne le Nord, où les Inuits négocient avec Parcs Canada quand on crée des parcs nationaux et des réserves aux fins de création d'un parc. D'après ce que j'ai constaté, les réserves aux fins de créations d'un parc ne constituent que le début d'un long processus avec les Inuits, auquel ces derniers participent pleinement afin de déterminer les avantages qu'ils tireront de l'initiative.

Simplement en examinant la situation à l'île de Sable et en la comparant, je comprends qu'un processus néo-écossais fait intervenir les Mi'kmaq, la Nouvelle-Écosse et le Canada. On y traite expressément des droits issus de traités et des droits à l'autonomie gouvernementale des Mi'kmaq. Je crois comprendre qu'un accord-cadre a été signé en 2007, à la suite d'un accord général, et que vous participez pleinement au processus.

Il me semble également qu'on entend conclure un accord de contribution; ce processus, qui toujours en cours, devrait permettre aux Mi'kmaq de participer au développement du parc, une démarche qui, à ce que je comprends, devrait comprendre l'inventaire des ressources archéologiques et d'autres questions que les Mi'kmaq ont à cœur.

Cela dit, j'aimerais savoir si vous conviendriez ou non que vous disposez d'un mécanisme pour avoir votre mot à dire sur les détails. Le projet de loi prévoit une réserve et un cadre, mais dans le cadre du processus néo-écossais et des ententes précises conclues avec Parcs Canada, dont une entente de contribution, vous avez l'occasion de participer pleinement au processus dans l'avenir. Est-ce une bonne description de la manière dont les choses se passeront dans l'avenir?

M. Julian : Oui, c'est une description juste. Nous sommes heureux de disposer d'un tel mécanisme, mais je crois que nous avons besoin d'alliés qui nous permettraient de participer un peu plus tôt aux échanges.

Le sénateur Patterson : D'accord, je prends acte de ce que vous dites, particulièrement sur l'absence de consultation détaillée sur le libellé du projet de loi. Conviendriez-vous toutefois que rien dans ce projet de loi ne porte atteinte à vos droits d'être définis dans ce processus?

Mme Gaudet : Je veux bien en convenir.

M. Julian : Je n'en suis pas certain, cependant.

Je laisserai à Mme Gaudet le soin de répondre. Elle s'y connaît mieux en droit et la question est plutôt juridique. Pour l'instant, nous ne sommes pas prêts à approuver cet énoncé.

Le sénateur Patterson : Merci, monsieur le président. Je ne voulais pas entrer dans le domaine technique ici. À titre de représentant d'une région où les droits des Inuits concernant l'établissement de parcs sont et devraient être respectés par le Canada, je tiens, dans le cadre de l'examen du projet de loi, à m'assurer que ce dernier ne contient rien qui porte atteinte aux droits des Autochtones. Je suis certain que nous nous pencherons sur cette question quand nous l'examinerons en détail.

Je n'insisterai pas sur ce point. Je dirai que je conviens que la question est importante et que nous l'étudierons. Merci.

M. Julian : Merci, monsieur. Nous voulons certainement appuyer la protection des régions comme l'île de Sable. Ce qui nous préoccupe le plus, c'est l'absence de processus de consultation. Nous voulons que le gouvernement nous garantisse que nous travaillerons dans le cadre d'une relation de nation à nation, et qu'on nous consultera en temps opportun, le plus tôt possible. Nous ne serions alors pas aux prises avec ce genre de problèmes.

Le sénateur Patterson : Je comprends.

Le sénateur Wallace : Chef, je m'intéresse au lien entre les Mi'kmaq et l'île de Sable. Comme je ne connais pas la région très bien, j'ai été quelque peu étonné de vous entendre dire qu'elle fait partie du territoire mi'kmaq. Le gouvernement de la Nouvelle-Écosse ou le gouvernement fédéral ont-ils accepté que l'île de Sable fasse partie du territoire mi'kmaq?

M. Julian : Qu'ils l'acceptent ou non, nous revendiquons nos droits à cet égard. Les Mi'kmaq font valoir leurs droits, que les gouvernements fédéral et provincial soient d'accord ou pas. Comme Mme Gaudet l'a indiqué, les Mi'kmaq sont ici depuis des temps immémoriaux. Si l'île de Sable a déjà été bien plus grande, je suis certain que les Mi'kmaq l'ont habitée. Même si ce n'est pas le cas, compte tenu de la superficie qu'elle a aujourd'hui et la taille des canoës utilisés au cours de l'histoire, je suis sûr qu'ils s'y seraient rendus à un moment donné.

Le sénateur Wallace : Certainement. Je voulais simplement m'assurer de comprendre que c'est ce que vous revendiquez. Je comprends parfaitement que vous avez le droit de faire cette revendication. Je voulais simplement savoir si les gouvernements l'ont acceptée ou non.

Cela dit, est-ce que vous, chef Julian, ou d'autres représentants du peuple mi'kmaq avez indiqué aux gouvernements sur quoi s'appuie la revendication voulant que l'île de Sable fasse partie du territoire mi'kmaq? Le leur avez-vous expliqué? Je vous demanderais également quel est le lien qui existe. Je serais intéressé à entendre ce qu'il en est. Quel véritable lien traditionnel existe-t-il?

Mme Gaudet : Il faut faire plus de travail à ce sujet.

M. Julian : Oui, il faut effectuer plus de travaux à cet égard, et c'est pourquoi nous faisons valoir qu'il faut réaliser des études archéologiques pour voir ce que l'île recèle. Nous continuons de collaborer avec le gouvernement. Nous affirmons que la Nouvelle-Écosse fait partie des terres des Mi'kmaq, et tout territoire que la Nouvelle-Écosse revendique devrait être inclus dans cette revendication.

Le sénateur Wallace : Outre les études archéologiques, d'un point de vue simplement pratique, en pensant à l'époque à laquelle les Mi'kmaq auraient été présents sur l'île, a-t-on présenté des éléments indiquant quand l'île a été occupée et quelle était la nature de cette occupation?

Mme Gaudet : D'un point de vue pratique, nous espérons que ces études seront réalisées dans le cadre du processus de consultation et que Parcs Canada interviendra dans le cadre de l'accord de contribution pour veiller à ce que ces études se fassent. Nous savons qu'il faut effectuer des études de références historiques en plus des études archéologiques.

Le sénateur Wallace : Est-il juste de dire que les Mi'kmaq n'ont pas encore présenté ces études historiques aux gouvernements fédéral ou provincial?

Mme Gaudet : Pas autant que nous le voudrions.

Le sénateur Wallace : Merci beaucoup.

La sénatrice Unger : Je vous remercie, chef Julian, de vos exposés. Vous êtes coprésident de l'Assemblée des chefs mi'kmaq de la Nouvelle-Écosse. Qui est l'autre coprésident?

M. Julian : C'est le chef Terrence Paul, de Membertou.

La sénatrice Unger : Qui est le chef Thompson?

M. Julian : Je ne sais pas si le chef Thompson fait partie de notre assemblée ni même de qui il s'agit. Je suis désolé.

La sénatrice Unger : Merci. Selon mes informations, une lettre a été envoyée en août 2011 pour expliquer les détails du projet de loi et le processus d'établissement, et proposer d'autres consultations. Je crois que Mme Gaudet a participé au processus ou a reçu cette lettre. Pourriez-vous me le confirmer?

Mme Gaudet : Je ne peux le confirmer pour l'instant. Je n'ai pas cette lettre en main.

La sénatrice Unger : Si vous l'avez, pourriez-vous nous la remettre avec d'autres lettres que vous avez reçues?

Mme Gaudet : Oui, bien entendu.

La sénatrice Unger : Merci beaucoup.

Le sénateur Sibbeston : Merci. J'aimerais que vous sachiez que m'appelle Nick Sibbeston et que je suis originaire des Territoires du Nord-Ouest. J'ai déjà eu à m'occuper de questions relatives aux parcs nationaux. Quand le gouvernement fédéral décide d'établir un parc national, il est très déterminé. Avec l'aide d'organisations comme la Société pour la nature et les parcs du Canada, il travaille avec beaucoup d'opiniâtreté pour parvenir à ses fins. Dans le cas des Territoires du Nord-Ouest, il a jusqu'à présent reçu la coopération des Autochtones.

Ce qui intéresse les Autochtones dans un parc, c'est qu'une grande parcelle de territoire soit préservée et ne soit aucunement exploitée. Une fois tracées les limites du parc, ces dernières sont comme les diamants : éternelles. Rien ne peut les modifier.

Dans votre cas, quel est votre intérêt à l'égard de l'île de Sable? Êtes-vous sensibles aux possibilités, aux avantages économiques qu'aurait la présence d'un parc sur l'île, où vous pourriez vous impliquer et tirer des avantages, ou vous intéressez-vous au gaz et au pétrole de la région? Quels intérêts avez-vous, auriez-vous à l'égard de l'île de Sable? Elle me semble perdue quelque part dans l'océan. Peu de gens s'y rendent, et elle est en quelque sorte coupée de la vie quotidienne de la Nouvelle-Écosse. En quoi vous intéresse-t-elle?

M. Julian : Nous ne nous intéressons pas à l'aspect économique ou au pétrole et au gaz que pourrait receler l'île. Notre intérêt est écologique et vise à sauver l'île comme telle. Nous nous intéressons à l'île de Sable pour sauver des terres et protéger l'avenir. Nous appuyons le projet de loi. Ce qui nous inquiète, c'est le processus, la manière dont le projet de loi est élaboré et les autres démarches entreprises en ce qui concerne la façon dont le gouvernement consulte les Mi'kmaq.

Je le répète encore, la Cour suprême du Canada a statué en vertu de la loi qu'il faut procéder à des consultations. C'est en vertu l'article 35 sur les droits relatifs au consentement éclairé des peuples autochtones que nous nous inquiétons de ces projets de loi et de la manière dont le gouvernement agit. Nous ne nous intéressons pas à la présence de pétrole ou aux avantages économiques des Mi'kmaq. C'est la préservation de l'écologie et de la terre comme telle que nous continuerons de soutenir. J'espère que cela répond à votre question.

Le sénateur Sibbeston : Un document d'information que nous avons indique que les Mi'kmaq revendiquent des intérêts sur tout le territoire de la Nouvelle-Écosse. Voilà qui semble une revendication d'envergure. Est-ce parce que vous êtes au début de vos négociations que vous revendiquez toute la Nouvelle-Écosse, ou comptez-vous circonscrire vos revendications à certaines régions plus précises? De toute évidence, le gouvernement ne vous donnera pas toute la Nouvelle-Écosse, mais il pourrait éventuellement accorder certaines régions aux Autochtones. Pourriez-vous dire quelque chose à ce sujet? Il semble que vous ayez un intérêt considérable à cet égard.

M. Julian : Nous n'avons jamais vu de titre foncier concernant la Nouvelle-Écosse. Les Mi'kmaq n'ont jamais vu de tel titre dans leurs traités, une règle de pratique ou une loi. Aucune terre n'a été cédée aux Mi'kmaq en Nouvelle-Écosse. C'est sur ce fait que se fonde notre revendication.

Je ferais également remarquer à cet égard que nous ne demandons pas au gouvernement de nous céder quoi que ce soit. Nous demandons de faire partie du gouvernement actuel ou de la relation de nation à nation avec le gouvernement fédéral en ce qui concerne les décisions prises en Nouvelle-Écosse et la préservation des terres dans cette province. Nous voulons également que les Mi'kmaq bénéficient d'avantages économiques, puisqu'ils n'en ont pas obtenu un seul des ressources extraites en Nouvelle-Écosse depuis l'arrivée des Européens. Voilà notre position dans ce dossier, et jamais nous ne céderons le moindre droit à l'égard de l'ensemble de la Nouvelle-Écosse, que les Mi'kmaq ont été les premiers à habiter. Je ne crois pas qu'il soit nécessaire de donner une leçon d'histoire ici. Il y a assez de personnes instruites dans cette salle pour comprendre que les Mi'kmaq sont les premiers à avoir vécu ici et que les activités portent atteinte à nos droits.

Le sénateur Lang : Je veux simplement revenir à la question de la consultation. Tout d'abord, pour que ce soit clair dans le compte rendu, votre organisation a écrit une lettre pour appuyer la création d'une réserve nationale sur l'île de Sable, n'est-ce pas?

Mme Gaudet : En effet.

Le sénateur Lang : On pourrait donc présumer qu'elle a été consultée au sujet de la création d'une réserve?

Mme Gaudet : Je peux vous confirmer que la consultation sur cette désignation précise s'est terminée aussi rapidement qu'elle a commencé. Nous aurions certainement préféré qu'elle soit un peu plus substantielle, mais nous avons effectivement appuyé la désignation afin d'assurer la protection de l'île.

Le sénateur Lang : Si nous passons de 2007 à aujourd'hui, en 2013, l'information que j'ai reçue indique que votre organisation et d'autres parties prenantes ont été consultées depuis 2007. Je crois comprendre qu'en 2010, on a tenu une série de rencontres publiques auxquelles la population pouvait prendre part, ainsi qu'un processus dans le cadre duquel le public et les parties prenantes ont pu discuter plus en profondeur de la création de cette réserve nationale. Avez-vous participé à ces rencontres publiques?

Mme Gaudet : Non. À ce que je comprends, nous pouvions le faire, mais notre relation est particulière en raison du cadre de référence relatif au processus de consultation. Nous tenons à adhérer aux principes, aux rôles et aux responsabilités que prévoit ce processus.

Le sénateur Lang : Vous décidez de ne pas prendre part à un processus de consultation publique, malgré le fait que ce processus est offert à votre organisation pour qu'elle fasse valoir sa position. Est-ce exact?

Mme Gaudet : Comme vous l'avez indiqué, honorable sénateur, ce processus est offert aux parties prenantes. Les Mi'kmaq de la Nouvelle-Écosse ne sont pas de simples parties prenantes, mais des copropriétaires de la terre.

Le sénateur Lang : Je veux passer à un autre sujet et vous demander de confirmer, aux fins du compte rendu, que des discussions ont officiellement eu lieu avec votre organisation en 2011 au sujet du processus et de ce qui se passerait concernant la création d'une réserve nationale sur l'île de Sable. Y avez-vous participé?

Mme Gaudet : Oui, nous avons eu quelques échanges sur le processus.

Le sénateur Lang : Pour éclaircir encore plus la situation, le véritable problème dont il est question ici consiste à savoir si vous devriez ou non participer à l'élaboration du projet de loi comme telle au lieu de prendre part à un processus de consultation au cours duquel vous discutez avec les divers ministères sur la manière de procéder pour créer, dans le cas présent, une réserve nationale. Est-ce bien le principe dont il s'agit ici?

Mme Gaudet : Oui. C'est l'élaboration de la mesure proposée et du projet de loi qui est au cœur du problème.

Le sénateur Lang : Vous savez pertinemment qu'au cours de l'élaboration d'un projet de loi du gouvernement, que ce soit celui de la Nouvelle-Écosse ou du Canada, le document relève à un certain moment de l'information privilégiée? Par exemple, la province de Nouvelle-Écosse ou l'assemblée législative nationale sont les premiers à voir le projet de loi quand ce dernier est déposé aux fins de débat public, et vous savez qu'il s'agit, à un certain moment, d'information privilégiée, n'est-ce pas?

Mme Gaudet : Oui. Nous aurions espéré que compte tenu de la nature de notre relation avec la Couronne dans le cadre du processus néo-écossais, on nous aurait au moins informés de l'élaboration de ce projet de loi. Nous croyons comprendre que certaines personnes auraient pris part à la rédaction des amendements proposés. Ce serait une simple courtoisie à laquelle nous sommes en droit de nous attendre.

M. Julian : Je dirais que ce serait plus que de la courtoisie. Dans une relation de nation à nation, quand on traite avec la province et qu'on lui permet de voir un projet de loi du gouvernement, un accord tripartite sur la consultation et le consentement préalable et éclairé traite de ces aspects. En vertu de la loi, le gouvernement a le devoir de procéder à des consultations. En vertu de la loi, nous tentons d'établir une relation de nation à nation à cet égard. Quand il est question d'une mesure législative qui aura des conséquences sur les Mi'kmaq et notre relation de gouvernement à gouvernement, nous devrions avoir accès au projet de loi et avoir notre mot à dire dans le dossier.

Le sénateur Lang : Je vais conclure, pour le compte rendu. Il y a eu des consultations de menées pendant un bon bout de temps auprès de votre organisation et d'autres intervenants au sujet de la création de cette réserve nationale. Nous pouvons en conclure cela, n'est-ce pas?

Mme Gaudet : Oui.

M. Julian : Oui.

Le sénateur Sibbeston : Puis-je intervenir sur ce que le sénateur vient de dire? Je pense que sa façon de formuler le tout donne l'impression que les projets de loi sont l'apanage du gouvernement, mais le fait est que ce n'est pas le cas. En fait, la population a son mot à dire tout au long du processus d'élaboration d'un projet de loi, jusqu'au dernier moment, je crois. Je ne voudrais pas que les gens aient l'impression qu'il n'est pas correct pour eux de participer.

La décision finale, j'en conviens, relève du gouvernement, mais tout au long de l'élaboration d'un projet de loi, y compris pour ce qui est des principes et des articles, tous ont droit d'y participer. Je ne voudrais pas que les gens aient l'impression qu'une fois que le projet de loi est en marche, il devient l'apanage du gouvernement et que personne d'autre n'a son mot à dire.

C'est ce que j'en ai déduit des propos de l'honorable sénateur et je voulais apporter cette précision.

Le président : Je ne veux pas jouer à l'arbitre ici, mais je vais tenter de clarifier le tout. J'ai interprété les propos du sénateur Lang un peu différemment. Je pense que ce qu'il essayait d'établir, c'est qu'il y a eu des discussions sur le projet de loi comme tel, mais pas sur le contenu précis des articles dans leur forme actuelle, ce qui est la façon de faire depuis des lustres et le demeurera sans doute à l'avenir.

Je pense que le sénateur a voulu établir que des discussions avaient bel et bien eu lieu au moment de la préparation du projet de loi. Les gens sont-ils toujours satisfaits de ce qu'ils y trouvent par la suite? Non. C'est l'effet magique de vouloir que tout le monde participe et que tout le monde soit satisfait.

Je ne veux pas que la discussion s'éternise. Sénateur Lang, avez-vous des questions?

Le sénateur Lang : À une certaine étape du processus, au moment de l'élaboration du projet de loi, les renseignements deviennent confidentiels jusqu'à son dépôt à la Chambre. Tous ceux qui ont été députés ou membres du gouvernement ou de l'exécutif savent cela. On prête serment et il faut respecter ce serment lorsque l'information devient confidentielle.

Le sénateur Sibbeston : Je tiens à apporter une précision. Avez-vous dit que l'élaboration d'un projet de loi est confidentielle?

Le sénateur Lang : Je dis qu'à un certain moment donné, lorsque le Cabinet et l'exécutif discutent du projet de loi, les renseignements sont, à ce moment, confidentiels. Avant cette étape — et c'est ce que j'ai dit et ce qu'a dit le président — il y a eu des consultations et un cadre a été établi pour le projet de loi. On a consulté les intervenants et pris en considération leurs points de vue. Toutefois, en bout de piste, des décisions doivent être prises et c'est le projet de loi que nous avons devant nous.

Le président : Sénateur Sibbeston, nous allons poursuivre. Si vous voulez clore cette discussion avec le sénateur Lang, allez-y.

Le sénateur Sibbeston : Monsieur le président, il s'agit d'un point très important. Le sénateur Lang donne l'impression que ce n'est pas un droit — un privilège, si l'on veut — pour les Mi'kmaq d'avoir participé à l'élaboration du projet de loi. Les peuples autochtones et les diverses instances gouvernementales travaillent parfois ensemble à l'élaboration d'un projet de loi, et des lois touchant les peuples autochtones ont ainsi été créées. Il arrive que les peuples autochtones participent de cette façon — du tout début, à la toute fin — à la création d'un projet de loi.

Je ne voudrais assurément pas que les gens croient que les projets de loi sont la chasse gardée du gouvernement. Les tierces parties peuvent participer à leur élaboration.

Le sénateur Lang : Je dois m'opposer ici, car ce n'était pas l'objet de mon intervention, ni l'essence de la discussion. Ce que j'ai dit, c'est qu'il y a une étape où les gens sont consultés et une étape où le gouvernement doit examiner le tout et prendre des décisions. Je pense que mes propos sont déformés et je tiens à ce que ce soit très clair.

Le président : Merci. Je pense que nous allons clore le débat maintenant. Il n'y a pas d'autres questions.

Merci beaucoup à vous, chef Julian, et à vous, madame Gaudet, de nous avoir accordés de votre temps. Je sais que vous êtes très occupés. Nous vous remercions sincèrement de votre temps et de votre témoignage.

M. Julian : Merci de nous avoir permis de prendre la parole.

Mme Gaudet : Merci.

(La séance est levée.)


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