Délibérations du Comité sénatorial permanent de
l'Énergie, de l'environnement et des ressources naturelles
Fascicule 45 - Témoignages du 23 mai 2013
OTTAWA, le jeudi 23 mai 2013
Le Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles se réunit aujourd'hui, à 8 h 3, pour étudier l'état actuel de la sécurité du transport en vrac des hydrocarbures au Canada.
Le sénateur Richard Neufeld (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président : Bienvenue au Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles.
Je m'appelle Richard Neufeld. Je représente la province de la Colombie-Britannique au Sénat et je préside le comité. J'aimerais souhaiter la bienvenue aux honorables sénateurs, aux membres du public qui sont avec nous dans la salle et aux téléspectateurs de partout au pays.
Je demanderais maintenant aux sénateurs de se présenter à tour de rôle, à commencer par le sénateur à ma droite, Grant Mitchell, de l'Alberta. Sénateur Lang?
Le sénateur Lang : Sénateur Lang, du Yukon.
Le sénateur Massicotte : Paul Massicotte, de Montréal.
Le sénateur Wallace : John Wallace, du Nouveau-Brunswick.
La sénatrice Seidman : Judith Seidman, de Montréal, au Québec.
La sénatrice Unger : Betty Unger, d'Edmonton, en Alberta.
Le sénateur Patterson : Dennis Patterson, du Nunavut.
La sénatrice Ringuette : Je vais rester tranquille en raison de mon rhume.
Le président : La sénatrice Ringuette, du Nouveau-Brunswick.
J'aimerais aussi vous présenter les membres de notre équipe, Lynn Gordon, notre greffière, ainsi que Sam Banks et Marc LeBlanc, nos deux analystes de la Bibliothèque du Parlement.
Le 28 novembre 2012, le Sénat a autorisé notre comité à entamer une étude sur la sécurité du transport des hydrocarbures au Canada. Dans le cadre de cette étude, nous allons examiner et comparer les régimes réglementaires au pays et à l'étranger, les normes ainsi que les meilleures pratiques liées au transport sécuritaire des hydrocarbures par pipeline, par pétrolier et par train.
Nous avons tenu jusqu'à maintenant 11 réunions sur cette question. Nous nous sommes également rendus à Calgary dans le cadre de missions d'information, en plus de visiter des sites à Sarnia et à Hamilton, en Ontario.
Pour la première partie de la séance, j'ai le plaisir de vous présenter Michael Farkouh, vice-président, Sécurité et durabilité, à la Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada; ainsi que Sam Berrada, directeur général, Sécurité et affaires réglementaires, qui témoigneront par vidéoconférence depuis Montréal.
Monsieur Berrada, je crois que nous nous sommes déjà rencontrés à Calgary, alors je suis ravi de discuter de nouveau avec vous.
J'ignore lequel d'entre vous fera l'exposé, mais je vous invite à commencer dès maintenant. Nous enchaînerons ensuite avec la période de questions.
Michael Farkouh, vice-président, Sécurité et durabilité, Compagnie de chemins de fer nationaux du Canada : Merci beaucoup. Monsieur le président et honorables sénateurs, nous sommes heureux d'avoir l'occasion aujourd'hui de passer en revue les initiatives du CN en matière de sécurité et les progrès qu'il a réalisés ces dernières années afin de renforcer son Système de gestion de la sécurité et sa culture de la sécurité.
Depuis l'entrée en vigueur du Règlement sur la gestion de la sécurité ferroviaire il y a plus d'une décennie, le CN a non seulement respecté les exigences réglementaires, mais il les a aussi surpassé dans de nombreux secteurs avec la conviction que tout ce qu'il fait pour renforcer la sécurité lui permet d'être plus prospère en tant qu'entreprise et de s'acquitter de ses responsabilités envers ses clients, ses employés et le public en général.
Nous allons prendre une quinzaine de minutes pour souligner les éléments clés de l'exposé qui a été présenté à certains d'entre vous le 6 mars dernier.
La documentation que nous vous avons fournie démontre que nous avons déployé beaucoup d'efforts pour améliorer la sécurité et la durabilité et que nous avons obtenu des résultats positifs, notamment en ce qui concerne le rendement en matière de sécurité, ainsi qu'une reconnaissance de l'extérieur. N'empêche, nous sommes conscients qu'il y a encore beaucoup de travail à faire, puisque la sécurité ferroviaire est une réalité en constante évolution et qu'un seul accident en est un de trop.
Après avoir passé en revue la documentation, nous répondrons volontiers à vos questions au cours des 45 minutes qui nous sont allouées.
Tout d'abord, j'attire votre attention sur les diapositives 2, 3 et 4, qui soulignent le rôle important que joue le CN dans notre économie.
Avec un réseau qui couvre le Canada et le centre des États-Unis, de l'Atlantique au Pacifique et jusqu'au golfe du Mexique, le CN est un pilier de l'économie. Il soutient la croissance intérieure et favorise les exportations de même que les importations.
Comme l'indique la troisième diapositive, les activités du CN au port de Prince Rupert présentent un grand intérêt, puisque le port donne sur le lien maritime le plus court entre l'Asie et l'Amérique du Nord, offrant ainsi un avantage concurrentiel qui profite aux importateurs et aux exportateurs.
Le CN dessert une clientèle diversifiée, que ce soit dans le secteur des marchandises en vrac, du transport intermodal, des marchandises générales, du pétrole et des produits chimiques. Grâce à sa collaboration avec ses partenaires de la chaîne d'approvisionnement, le CN a pu améliorer ses services et aider ses clients à accroître leur entreprise.
Pour illustrer à quel point l'apport du CN à l'économie est essentiel, sachez que ses 23 000 employés contribuent à l'acheminement de produits évalués à 250 milliards de dollars par année et que ses investissements ont excédé les 8 milliards de dollars au cours des cinq dernières années. Nous dépenserons près de 2 milliards de dollars cette année.
J'attire maintenant votre attention sur les diapositives 5, 6, 7 et 8. Elles donnent un aperçu du cadre réglementaire au Canada et aux États-Unis.
Les programmes de sécurité du CN visent à respecter, voire à dépasser, les exigences réglementaires des deux côtés de la frontière. Nombreux sont les exemples d'initiatives et d'investissements qui vont au-delà des exigences réglementaires. Nous estimons que la réglementation prévoit les exigences minimales, alors nous avons adopté le Règlement sur le système de gestion de la sécurité ferroviaire qui s'ajoute à cette réglementation en fournissant un cadre aux chemins de fer pour la mise sur pied et la gestion de leurs programmes de sécurité. Cela est en harmonie avec les forces du marché qui prônent une amélioration continue, car il est dans l'intérêt des entreprises de mener leurs activités en toute sécurité. Chose certaine, le CN reconnaît que ses investissements dans la sécurité lui permettront de mieux desservir ses clients de façon uniforme et efficiente.
En ce qui a trait à l'inspection de notre voie et de notre matériel, nous avons décidé de surpasser largement les exigences. Par exemple, à la septième diapositive, il est question de l'auscultation des rails au moyen de détecteurs de défauts par ultrasons. Ces détecteurs nous permettent de repérer des défauts qui ne sont pas décelables au cours d'une inspection visuelle. Le règlement exige quatre inspections annuelles, mais le CN inspecte la voie principale jusqu'à 18 fois par année. Une défectuosité des rails peut provoquer une interruption de service ou un déraillement extrêmement coûteux. Nous avons donc conclu qu'il était dans notre intérêt d'agir de la sorte et d'intégrer ces exigences à notre Système de gestion de la sécurité.
Un autre exemple serait le contrôle de l'état géométrique de la voie. Nous procédons à l'inspection des voies au moyen de véhicules mécanisés afin de localiser les défauts géométriques. Selon notre analyse, nous avons décidé de vérifier l'état géométrique de notre voie principale sept fois par année, tandis que la réglementation exige seulement trois vérifications. En outre, le CN est un chef de file en matière de systèmes de détection en voie qui repèrent les composantes mécaniques défectueuses comme les roues et les essieux. Le CN a le réseau le plus dense et le plus avancé en Amérique du Nord, ce qui va bien au-delà des exigences réglementaires.
Il y a de nombreux autres systèmes où le CN a convenu qu'il était judicieux d'investir dans la sécurité, même lorsque la réglementation ne l'exigeait pas. Nous sommes convaincus que la sécurité de l'exploitation des chemins de fer est un facteur de rendement et de succès.
Les diapositives 9 à 13 donnent un aperçu de l'approche du CN visant à gérer la sécurité grâce à des initiatives qui englobent les gens, les processus, la technologie et les investissements. Le premier pilier concerne le personnel. En partenariat avec nos organisations syndicales et les employés, dont notre Comité d'orientation en matière de santé et de sécurité composé de hauts responsables du syndicat et de la direction, nous avons mis sur pied des initiatives destinées à renforcer la culture de la sécurité et à perfectionner les employés.
À notre connaissance, le CN est la première compagnie de chemins de fer en Amérique du Nord à mesurer la culture de la sécurité systématiquement et conformément à l'approche élaborée par les groupes de travail, y compris les syndicats, les chemins de fer et l'organe de réglementation. Cette approche est décrite sur le site web de Transports Canada. Les efforts du CN visant à mesurer et à renforcer la culture de la sécurité ont été reconnus par l'Association des chemins de fer du Canada et Transports Canada.
Si nous revenons à la question générale du personnel, à la diapositive 9, il est important de souligner l'excellence de la formation du CN. Un programme de formation moderne et efficace est primordial, dans un contexte où près de la moitié de notre personnel sera renouvelée d'ici les cinq à sept prochaines années.
Il y a quelques années, le vieillissement de la main-d'œuvre et les nombreux départs à la retraite étaient perçus comme une occasion de façonner notre futur en concevant et en offrant un programme de formation à une nouvelle génération de cheminots, de sorte qu'ils aient les connaissances, les compétences, la confiance et la motivation nécessaires pour servir nos clients efficacement et avec passion. Nous contribuerions ainsi au succès de nos clients. L'initiative a évolué et, en misant sur la participation des employés au Comité d'orientation en matière de santé et de sécurité du CN et aux groupes de discussion, nous avons pu mettre au point ce programme en relevant la barre pour l'efficacité de la formation.
Par exemple, nous avons investi dans la technologie en utilisant des iPads dans les salles de formation des chefs de train afin d'augmenter le nombre de simulations et le niveau d'interactivité en vue de rendre la formation plus efficace et de mieux connecter avec notre nouvelle génération de cheminots. Nous avons aussi beaucoup investi dans de nouvelles installations de formation qui seront centralisées à Winnipeg et Chicago, dans le but de construire des installations de formation dotées d'équipement à la fine pointe de la technologie à l'appui des programmes de formation de qualité efficaces et uniformes.
En ce qui a trait à la culture de la sécurité, à la suite de l'examen de la Loi sur la sécurité ferroviaire mené en 2007, nous avons réalisé qu'il y avait une possibilité d'accroître la participation des employés et d'amener la sécurité à un autre niveau. Pour ce faire, nous avons travaillé en étroite collaboration avec Transports Canada, les chemins de fer, les syndicats et les groupes de travail afin de définir la culture de la sécurité et de relever des initiatives qui sont caractéristiques d'une solide culture de la sécurité. Nous avons élaboré et mis en œuvre un processus visant à mesurer et à renforcer la culture de la sécurité qui, comme nous l'avons dit plus tôt, a été reconnue et est devenue une norme de l'industrie.
Nos efforts ne s'arrêtent pas là, car, au cours des deux dernières années, nous avons collaboré étroitement avec l'Université Saint Mary, qui nous apporte une expertise en matière de leadership et de culture de la sécurité. Cela nous aide à progresser de façon soutenue à ce chapitre. Nous travaillons maintenant avec cette université à instaurer une ligne téléphonique pour les quasi-collisions afin de mieux comprendre les facteurs humains et régler les problèmes connexes de façon à éviter les accidents et les incidents.
Sur les diapositives 11, 12 et 13, vous pouvez voir que le CN mise sur la technologie pour renforcer la sécurité, car elle permet de repérer des problèmes qui ne seraient pas décelés au cours d'une inspection visuelle ou physique.
Nous avons donné quelques exemples plus tôt, mais nous n'allons pas nous éterniser là-dessus, compte tenu du temps dont nous disposons. Vous trouverez un résumé de ces technologies à l'annexe 2 de notre document. Vous constaterez que la plupart de ces technologies dépassent largement les exigences réglementaires et que, dans bien des cas, il n'y a tout simplement pas de réglementation qui exige de telles technologies.
Ces investissements autogérés qui vont au-delà des exigences démontrent que le Règlement sur le système de gestion de la sécurité ferroviaire est efficace et qu'il rapporte des avantages directs à la sécurité ferroviaire parce qu'il fournit un cadre aux chemins de fer aux fins d'une amélioration continue. Les chemins de fer ont à cœur la sécurité de l'exploitation en raison des avantages directs et du succès que cela génère.
À la diapositive 14, vous verrez que ces initiatives et ces investissements ont donné de bons résultats au chapitre des accidents en voie principale, selon le Bureau de la sécurité des transports. On a enregistré une baisse de 66 p. 100 des accidents au cours des sept dernières années malgré une augmentation du volume d'environ 30 p. 100 pour la même période. S'il y avait normalisation, les résultats seraient encore meilleurs. Le tableau est similaire pour les blessures, dont le nombre a baissé de presque 50 p. 100 au cours de la même période, grâce à nos efforts visant à renforcer la culture de la sécurité.
La diapositive 15 montre également une réduction importante des accidents aux passages à niveau et liés aux intrusions. Ces graphiques prouvent que nous avons réalisé des progrès, mais nous sommes conscients qu'il reste encore beaucoup à faire puisqu'un seul accident en est un de trop.
À la diapositive 16, il est question du transport de pétrole brut. On y explique les raisons pour lesquelles le transport par rail est un pilier de l'économie.
Rappelons-nous que le CN transporte en toute sécurité des produits pétroliers raffinés, comme le diesel et le carburant d'aviation, depuis des décennies. Il faut comprendre que le transport ferroviaire complète l'acheminement par pipeline de façon sécuritaire et offre une solution de rechange aux producteurs, étant donné que le réseau ferroviaire a une portée beaucoup plus grande que le pipeline. Il permet souvent aux producteurs d'obtenir de meilleurs prix pour leurs produits.
En outre, le transport par rail est plus flexible et s'adapte mieux aux changements rapides et aux différents volumes et échelles afin de correspondre aux conditions dynamiques du marché. Cette flexibilité fait en sorte que le rail aura toujours un rôle dans le transport du pétrole brut, peu importe les pipelines qui seront construits.
Cette souplesse est précieuse pour les expéditeurs et l'économie. Autrement, les forces du marché de l'offre et de la demande n'atteindraient pas l'équilibre voulu, car les obstacles structurels nuisent à l'équilibre, et un transport efficace est essentiel pour garantir l'efficacité des marchés.
Par ailleurs, nous savons que le transport du pétrole brut par rail est aussi sécuritaire que l'acheminement par pipeline. Il y a diverses études qui ont comparé ces deux modes de transport et, malheureusement, la plupart d'entre elles utilisaient différents critères. Par conséquent, au bout du compte, on n'a pas comparé des pommes avec des pommes. Cependant, certaines analyses ont permis de conclure que les deux modes de transport présentaient un risque extrêmement faible.
Maintenant, les diapositives 17, 18 et 19 donnent un aperçu de la capacité d'intervention d'urgence du CN, qui est exemplaire. La diapositive précédente montre que le CN ne ménage aucun effort pour réduire le risque de déraillement. Toutefois, si un déraillement se produit, nous sommes prêts à intervenir efficacement en fonction de notre plan d'intervention d'urgence. Ce plan a été revu et amélioré trois fois au cours des cinq dernières années. Il repose sur les meilleures pratiques et est conforme à la formation et à la documentation. Il convient aussi de mentionner que nous travaillons en étroite collaboration avec les organismes environnementaux fédéraux et provinciaux pour repérer et cartographier les zones vulnérables le long de notre corridor ferroviaire en vue d'accroître notre capacité d'intervention.
Nous avons pris des initiatives de sensibilisation visant à accroître les connaissances et la participation de nos principaux intervenants. Par exemple, nous avons tenu des réunions régulières avec les collectivités et les représentants élus le long de l'emprise ferroviaire de même que rencontré les représentants de la Fédération canadienne des municipalités et des organisations provinciales et municipales afin de les sensibiliser à ces questions, au moyen de communications et d'exposés, dans le cadre de la Semaine de la sécurité ferroviaire.
De plus, les policiers du CN et les groupes responsables des marchandises dangereuses interagissent avec le public et les municipalités. Nos agents responsables du transport des marchandises dangereuses offrent des séances de formation aux intervenants d'urgence dans les municipalités, qui reçoivent la formation sur un wagon-citerne conçu à cette fin. En outre, les policiers du CN parcourent les écoles afin de sensibiliser les jeunes à la sécurité ferroviaire. Ils font aussi de la sensibilisation auprès des automobilistes et des piétons aux passages à niveau et dans les lieux publics.
À propos de la reconnaissance, il est encourageant de constater que tous ces efforts sont soulignés par des parties externes. Vous pouvez en voir une liste à la diapositive 20.
Pour conclure, nous donnons un aperçu des ressources et des investissements importants du CN qui visent à protéger et à améliorer la sécurité et la durabilité. Nous sommes convaincus qu'il n'y a rien de plus important pour nous que de mener nos activités de façon sécuritaire et durable.
Nous savons que la culture de sécurité demande des efforts toujours renouvelés, et c'est pourquoi nous cherchons constamment des moyens d'apporter des améliorations. Nous ne serons pas entièrement satisfaits tant que nous n'aurons pas éliminé les accidents, les blessures et les incidents.
Le CN est un pilier de l'économie qui assure de manière efficace et sécuritaire le transport de nombreux produits vers les marchés, y compris le pétrole brut. Il soutient ainsi les forces du marché qui stimulent la croissance et l'efficacité économiques. Nos réalisations sont nombreuses, mais nous reconnaissons qu'il en reste encore davantage à faire et nous nous engageons à poursuivre nos efforts à long terme.
Nous vous remercions encore une fois de nous avoir invités à témoigner. Nous serons maintenant heureux de répondre à vos questions.
Le président : Je ne procède habituellement pas ainsi, mais je vais commencer par poser quelques questions.
Dans votre présentation, vous avez parlé de sécurité et de certaines mesures prises par le CN que les autres chemins de fer de catégorie 1 n'appliquent pas. Vous effectuez davantage d'inspections sur vos voies ferrées que ce qui est exigé, et je vous en félicite. En fait, je pense que cela vous a permis de réduire le nombre d'accidents et d'événements semblables. De toute évidence, les accidents ont des coûts, et ce n'est donc pas la dernière de vos priorités.
Seriez-vous d'accord pour que l'on recommande à Transports Canada d'exiger davantage d'inspections? Cela semble avoir été très fructueux, non seulement pour l'industrie ferroviaire, mais aussi pour la sécurité du public d'un bout à l'autre du Canada. Donneriez-vous votre appui à une telle recommandation?
Sam Berrada, directeur général, Sécurité et affaires réglementaires, Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada : Monsieur le président, pour répondre à votre question sur la hausse du nombre d'inspections, nous avons mentionné dans notre présentation que le Règlement sur le SGS fournit un cadre pour que les chemins de fer en fassent davantage que ce qui est prescrit, notamment en ce qui concerne les inspections. C'est ce que nous avons fait au cours des dernières années. Nous avons entre autres augmenté le nombre d'inspections des voies ferrées et de contrôles de leur état géométrique en plus de faire des investissements.
Bref, le Règlement sur le SGS fournit un cadre qui permet aux chemins de fer d'en faire plus que ce qui est exigé. Cette approche s'est avérée efficace si l'on tient compte du solide rendement en matière de sécurité et du nombre d'inspections faites. Quant à savoir si Transports Canada devrait en effectuer davantage dans le cadre du Règlement sur le système de gestion de la sécurité ferroviaire, nous pouvons vous dire que l'approche fonctionne. Rien n'oblige le ministère à en faire plus que ce qu'il fait actuellement. Cela dit, il a été très actif dans le cadre de la vérification du système de gestion de la sécurité ferroviaire fondée sur une approche axée sur le risque. En soi, cela permet de mettre l'accent sur les voies ferrées et de contribuer à leur amélioration en augmentant le nombre d'inspections et le rendement en matière de sécurité.
M. Farkouh : Le fait que le système de gestion de la sécurité ferroviaire traite entre autres de la mise en place d'évaluations des risques représente un des éléments clés. C'est ainsi que la fréquence des inspections a fini par se faire en fonction des risques que présentent certains segments de la voie ferrée qui nécessite plus d'attention à cause de la nature du trafic ou de la fréquence et du tonnage de celui-ci. Le Règlement sur le SGS nous permet d'adopter une approche axée sur le risque qui s'est révélée très fructueuse pour nous. C'est pourquoi nous nous permettons d'en faire davantage que ce qui est exigé.
Le président : Merci.
En quoi nos inspections sont-elles différentes de celles faites aux États-Unis?
M. Berrada : Dans le cadre des inspections, les chemins de fer de catégorie 1 se servent de technologies similaires qui viennent souvent des mêmes fournisseurs. Par exemple, Holland offre du soutien pour l'inspection des rails, et il y en a d'autres. Dans notre présentation, nous avons entre autres mentionné que notre réseau d'inspection en bordure de la voie est le plus dense en Amérique du Nord et qu'il a continué de s'améliorer et de croître au cours des dernières années. Nous ne voulons pas seulement obtenir davantage de données, mais aussi nous en servir à des fins préventives en établissant des seuils inférieurs aux limites à partir desquelles les niveaux seraient critiques.
Dans une perspective d'inspection des bordures de voie, il est raisonnable de dire que le réseau du CN est le plus avancé et dense en Amérique du Nord. Pour ce qui est du réseau d'inspection des rails, je dirais que le nôtre est parmi les meilleurs ou le meilleur, mais il faudrait vérifier les chiffres avant de vous le confirmer.
Le président : Merci.
Vous avez affirmé à juste titre que vous n'avez pas besoin d'un condensat diluant pour expédier du bitume lorsqu'il est acheminé vers des raffineries. Si, par exemple, vous deviez l'envoyer vers la côte Ouest ou la côte Est pour qu'il soit transporté de l'autre côté de l'océan en Asie ou en Europe, faudrait-il le diluer alors que ce ne serait pas nécessaire s'il était expédié à partir d'un site de la région de Bakken jusqu'à une raffinerie sur la côte américaine du golfe du Mexique?
M. Berrada : En général, le diluant n'est pas nécessaire pour le transport du bitume dans des wagons. Il existe un processus à l'aide duquel certains de ces produits sont chauffés et conservent une viscosité suffisamment faible. Au cours de la séance à laquelle nous avons participé en mars, nous avons parlé du fait que la masse du produit dans un wagon est tellement importante qu'il reste chaud pendant plusieurs jours.
La réponse est donc que ce n'est pas nécessaire dans la grande majorité des cas, tandis qu'il en faut souvent quand le transport se fait par pipeline. Chauffer le bitume suffit pour l'acheminer jusqu'au moment où l'on procédera au transbordement.
Le président : Si j'ai bien compris, il faut du diluant si on l'achemine par pipeline jusqu'à un port pour l'expédier outre-mer, et ce n'est pas nécessaire s'il est transporté par rail? Est-ce bien ce que vous dites, ou ai-je mal compris?
M. Berrada : C'est l'information que j'ai, mais nous pouvons certainement la confirmer pour vous auprès de spécialistes.
Le président : Nous vous en serions reconnaissants.
Le sénateur Mitchell : Merci, messieurs. Je pense que nous sommes tous très intéressés par le concept de culture de sécurité. Il en a été question très tôt au cours de nos audiences. Je pense que c'est les représentants de l'Office national de l'énergie qui en ont parlé en premier. J'aimerais approfondir un peu plus le sujet.
Pouvez-vous nous donner une certaine idée des mécanismes que vous utilisez pour évaluer ou vérifier une culture de sécurité? Je sais que l'Office national de l'énergie montre un certain intérêt pour la question et qu'on a dit qu'il pourrait s'agir à un moment donné d'une partie réglementée et structurée de sa vérification des entreprises.
Pourriez-vous nous dire ce que vous en pensez, et si, d'après ce que vous savez, cela pourrait se produire bientôt?
M. Berrada : Bien sûr. La méthode de vérification que nous avons adoptée cadre parfaitement avec la définition de la culture de sécurité mise au point à l'aide de groupes de travail, qui comprenaient des représentants des syndicats de l'industrie et de son organisme de réglementation. Elle se trouve maintenant sur le site web de Transports Canada. Nous faisons la vérification de la culture de sécurité de façon objective et subjective. La première approche consiste à chercher des preuves et de la documentation objectives, telles que le nombre d'évaluations des risques qui ont été faites et le degré de participation des comités de santé et sécurité.
L'évaluation subjective s'effectuerait à l'aide de sondages sur la perception des employés. Nous en avons faits à l'échelle du réseau ainsi qu'à l'échelle locale dans nos services. Nous nous servons aussi d'un certain nombre d'initiatives pour renforcer les cinq aspects de la culture de sécurité qui caractérisent une entreprise dans laquelle elle est solidement établie. Ils portent essentiellement sur le leadership, la communication, l'engagement des employés et la culture dans son sens propre. Il y a par exemple notre initiative sur l'excellence de la formation de même que nos processus de vérification et nos initiatives de communication et d'engagement visant les employés, telles que nos programmes de sécurité par pairs.
Nous serions certainement favorables à ce que ce genre d'approche soit utilisé, non seulement dans l'industrie ferroviaire, mais aussi dans les autres. L'industrie et Transports Canada participent actuellement à une initiative qui vise à perfectionner davantage le processus pour le faire passer à la prochaine étape.
Comme nous l'avons dit, à notre connaissance, nous sommes le seul chemin de fer qui se sert de ce processus pour évaluer la culture de sécurité. Il nous a sans aucun doute indiqué où concentrer nos efforts, et l'excellence en formation en était un bon exemple. Nous avons certainement l'intention de continuer de nous améliorer à cet égard et de travailler avec divers intervenants et les industries pour y parvenir.
Le sénateur Mitchell : Ce n'est peut-être pas des renseignements que vous voulez diffuser, mais je vais quand même vous poser la question. Vous parlez de quelque chose de très utile. Il serait intéressant de savoir s'il existe un modèle ou un document qui décrit la façon dont vous effectuez vos vérifications et renforcez votre culture de sécurité. Y a-t-il un endroit où nous pourrions trouver cette information?
M. Berrada : Tout à fait. Nous l'avons fournie à Transports Canada, et elle se trouve maintenant sur le site web du ministère dans le guide des pratiques exemplaires des systèmes de gestion de la sécurité. Il s'agit d'une des annexes accessibles aux autres chemins de fer, aux industries et au public. On y trouve une description du processus d'évaluation de la culture de sécurité.
Le sénateur Mitchell : Fantastique. Il y a une question sur les matières dangereuses : certains hydrocarbures en feraient partie, d'autres non. Pouvez-vous nous donner un exemple pour chaque catégorie et nous dire pourquoi certains produits que les gens pourraient considérer comme dangereux ne le sont pas?
M. Berrada : Comme je l'ai dit tout à l'heure, le CN transporte différentes sortes de produits pétroliers depuis des dizaines d'années. Il y a divers types de pétroles bruts, y compris les pétroles légers, les pétroles lourds, le bitume et les bitumes dilués. Chacun de ces produits a une viscosité et une composition chimique différentes, ce qui comprend la quantité de soufre.
La grande majorité de ces pétroles bruts sont transportés conformément à un affichage ONU 1267, ce qui veut dire qu'ils sont visés par notre plan d'intervention d'urgence. Notre intervention serait sans aucun doute la même que pour d'autres matières dangereuses.
Bref, divers efforts sont actuellement menés par le groupe TMD de Transports Canada pour tenter d'aligner ce type de produits sur ceux qui contiennent plus de souffre afin qu'ils fassent l'objet d'un plan d'intervention d'urgence officiel de la part des fournisseurs et des chemins de fer. Les travaux effectués à cette fin sont en cours.
Le président : Merci. Je vais limiter un peu plus le temps de parole étant donné que tout le monde veut poser une question. Messieurs, est-ce que cela vous gênerait de ne pas terminer à 21 heures, comme nous le faisons habituellement, pour pouvoir rester quelques minutes plus tard?
M. Berrada : non.
Le sénateur Lang : J'ai deux questions, et je serai très bref.
Tout d'abord, en ce qui concerne vos liens avec les divers organismes provinciaux de réglementation, quelle est exactement la responsabilité de votre organisation en cas de déversement par rapport à celles du gouvernement fédéral et de la province concernée?
Ma deuxième question est plus vaste. Comme vous le savez, les pipelines font l'objet d'un débat continu et on a même dit que, dans certains cas, on ne devrait même pas en construire. Si on décidait de ne pas en construire un, par exemple, vers la côte Ouest, est-ce que votre organisation serait en mesure de transporter toutes les ressources pétrolières qui pourraient être vendues à partir de là? Je pense surtout à Kitimat ou même à Prince Rupert. Si vous êtes capables de transporter les quantités estimées, pouvez-vous le faire de manière sécuritaire?
Ce sont mes deux questions. Merci.
M. Berrada : À propos de l'intervention en cas d'urgence et de notre engagement auprès des organismes fédéraux et provinciaux, comme je l'ai dit, nous sommes très actifs dans le cadre du travail que nous effectuons avec eux. En effet, nous avons des liens très positifs avec Transports Canada ainsi que le groupe TMD et les organismes provinciaux. Ils connaissent nos capacités d'intervention en cas d'urgence et les soutiennent.
En cas d'incident, nous mettons sur pied un processus de commandement auquel participent tous les intervenants, non seulement les responsables du chemin de fer et des organismes fédéraux, municipaux et provinciaux, mais aussi les chefs des services d'incendie locaux et ainsi de suite. Ils se rencontrent pour comprendre le plan d'intervention et contribuer à sa réalisation.
En ce qui concerne les pipelines et notre capacité d'acheminer des produits de manière sécuritaire vers la côte Ouest, notre bilan parle de lui-même. Comme nous l'avons dit tout à l'heure, on s'est penché sur les divers efforts visant à comparer les voies ferrées aux pipelines sur le plan de la sécurité pour conclure que les deux sont extrêmement sécuritaires et présentent essentiellement les mêmes risques. Nous pouvons vous faire parvenir les études en question.
Les quantités de pétrole brut prévues pour cette année ont pratiquement doublé en passant de 30 000 wagons en 2012 à environ 60 000 en 2013. Nous avons la capacité d'en transporter encore davantage.
Votre question est précise, et il faudrait savoir exactement quelles quantités seraient acheminées vers Kitimat pour que nous puissions les ajouter à nos prévisions et vous donner une réponse définitive.
M. Farkouh : J'aimerais ajouter que nous ne sommes pas en mesure de vous dire si un pipeline devrait être construit. Ce qui est important, c'est que nous mettions notre réseau à la disposition des clients pour qu'ils aient accès aux marchés.
Monsieur Berrada a mentionné qu'il y aura une hausse du nombre de wagons de pétrole brut au cours de la présente année civile. Selon les conditions du marché, et si un pipeline est construit ou non et des wagons supplémentaires sont nécessaires, quoi qu'il en soit, si nous décidons d'accroître le trafic d'une façon ou d'une autre, nous tiendrons toujours compte du transport sécuritaire des marchandises. La même consigne sera respectée si des infrastructures ou des services supplémentaires s'avèrent nécessaires. Nous devons le souligner pour que personne n'ait l'intention de changer notre modèle en matière de sécurité. Si nous le faisons, ce sera pour en perfectionner certains aspects dans le cadre, comme nous l'avons dit, d'une amélioration continue. J'espère que cela vous rassure.
Le président : Merci. Il faudrait, si possible, resserrer quelque peu les réponses. Nous voulons l'information, mais je vais me montrer plus strict quant au temps que vous prendrez.
La sénatrice Ringuette : Je fais constamment le trajet entre Ottawa et le Nouveau-Brunswick. Au cours des dix dernières années, j'ai eu le temps d'observer une bonne partie de ce qui se fait le long des routes. J'ai remarqué une recrudescence de l'activité ayant recours à votre train meuleur. Je vois trois scénarios possibles : et d'un, le système encaisse des poids plus lourds, plus fréquemment; et de deux, la météo y est sûrement pour quelque chose; et de trois, je me demande si c'est parce que vous avez changé votre plan de remplacement des rails. Lequel ou lesquels de ces scénarios expliquent le mieux l'utilisation accrue du train meuleur?
M. Berrada : Le meulage des rails est une activité importante qui nous permet d'atténuer les risques d'avaries et de prolonger la durée de vie des rails et des roues. L'opération vise à éliminer certains défauts de surface qui pourraient devenir des fentes. C'est une activité que nous utilisons depuis un certain temps et de plus en plus. Comme pour tous les rails, nous examinons le nombre de tonnes kilomètre brutes que nous remorquons. Nous évaluons aussi ce risque en fonction des types de produits remorqués, et nous prenons des décisions sur la quantité d'inspections qu'il faudra faire en fonction des essais aux ultrasons pratiqués sur les rails. Les décisions sur la quantité de meulage requis se prennent aussi en fonction de l'âge des rails et de ces deux autres facteurs. C'est une activité qui est réévaluée tous les ans et que l'on veille à adapter en fonction de ces trois facteurs. Mais essentiellement, le meulage sert à réduire les risques et à prolonger la durée de vie des rails.
La sénatrice Ringuette : Au cours des cinq dernières années, êtes-vous parvenus à réduire les besoins en ce qui concerne le remplacement des rails? C'est un aspect très important pour la sécurité du transport ferroviaire. Au cours des cinq dernières années, avez-vous remplacé moins de rails?
M. Farkouh : Notre exposé faisait état des investissements que nous avons faits. Au cours des cinq dernières années, nous avons investi plus de huit milliards de dollars. Cette année, les investissements dans notre réseau atteindront les deux milliards, dont 1,1 milliard pour l'entretien régulier, ce qui comprendrait le remplacement des rails, le remplacement des traverses et des infrastructures liées aux activités quotidiennes de la compagnie.
Pour ce qui est de la réduction ou de la suspension du remplacement des rails, il n'en est rien. En fait, notre dynamisme n'a jamais fléchi au fil des ans quant au maintien du niveau d'activité consacré à l'entretien des rails, et nos investissements des deux dernières années en témoignent.
Le sénateur Massicotte : Quand vous avez répondu au sénateur Lang, vous avez dit que de multiples études indiquaient que les scénarios de risque pour le pipeline et le rail sont pratiquement identiques. Vous avez sûrement lu l'article de Shawn McCarthy publié dans le Globe and Mail du 17 mai qui rapporte que notre premier ministre, M. Harper, a dit, en essence, que, dans le transport du brut, le pipeline posait un moins grand risque environnemental que le rail. À l'instar de cet article, le département responsable du transport aux États-Unis confirme que c'est bien le cas.
Ces déclarations du premier ministre et du département américain du Transport sont-elles exactes? Dans l'affirmative, comment cela s'inscrit-il dans votre déclaration voulant que les risques soient en grande partie les mêmes?
M. Berrada : Comme nous l'avons dit, les enjeux à l'ordre du jour ont fait l'objet d'un certain nombre d'études. Celle que l'on cite le plus souvent est l'étude Manhattan, qui montre que le rail est plus risqué que le pipeline.
Cela dit, l'étude Manhattan comportait deux lacunes importantes. L'une d'elles était que les chercheurs ont fixé un seuil de cinq gallons pour les pipelines, mais aucun pour les déversements ferroviaires, ce qui a eu pour effet d'augmenter considérablement le nombre de déversements ferroviaires recensés comparativement à ceux causés par les pipelines.
La deuxième erreur a été de sous-estimer par un facteur de trois le volume acheminé par rail. L'analyse la plus récente dont nous disposons — que nous pourrons vous faire parvenir — fait une étude historique où sont comparés la fréquence et les volumes des déversements des deux moyens de transport, et synthétise ces données en un indicateur appelé le taux de déversement par milliard de gallons mile transportés ou milliard de tonnes mile transportées. L'indicateur permet de constater que les deux façons sont extrêmement sécuritaires et que le rail est en fait légèrement en avance sur le pipeline.
Je le répète, différentes études peuvent montrer différentes choses selon les seuils utilisés et les périodes évaluées. Voilà pourquoi nous sommes convaincus que les deux moyens sont extrêmement sécuritaires et, essentiellement, équivalents.
Le sénateur Massicotte : Vous êtes en train de nous dire que notre premier ministre et le département américain du Transport se fient à des études erronées?
M. Berrada : Celle dont vous parlez, monsieur, est parue au cours de la dernière semaine. Je ne sais pas laquelle ils ont citée, mais nous pouvons assurément vous faire parvenir celle qu'on nous a soumise.
Le sénateur Massicotte : Dans le même article, le président de L'Association des chemins de fer du Canada, M. Michael Bourque, affirme que le rail est 2,7 fois plus écoénergétique par kilomètre parcouru que le pipeline. Au bénéfice de notre auditoire, pouvez-vous expliquer comment on a pu calculer cela? Comment M. Bourque peut-il affirmer que notre premier ministre et le département du transport des États-Unis disent le contraire?
M. Berrada : Les émissions de gaz à effet de serre dépendent d'un certain nombre de facteurs, dont le plus important est probablement le type de produit transporté. Un bon exemple est le transport du bitume, qui requiert environ 30 p. 100 de la valeur du pipeline. Le transport du diluant de son point d'origine à l'endroit où il sera mélangé au bitume s'accompagne aussi d'émissions de GES, auxquelles s'ajoute le coût du déplacement, toujours par pipeline, d'un volume équivalent.
Des exemples particuliers comme celui-là vont assurément donner l'avantage au rail, mais lorsque vous prenez en considération la vaste gamme de produits transportés, trois constatations s'imposent. Tout d'abord, l'industrie du rail — et, en particulier, le CN — a fait de grands efforts pour réduire ses émissions de gaz à effet de serre et est plus efficace dans une proportion de 15 p. 100 que la ligne de chemin de fer moyenne. À ce chapitre, nous sommes de quatre à cinq fois plus efficaces que le camionnage, et à peu près l'équivalent du pipeline, pour la même gamme de produits transportés. Vous trouverez cependant certains domaines où le pipeline a l'avantage et d'autres où c'est le rail qui domine.
Le sénateur MacDonald : J'ai quelques questions à vous poser sur l'assurance responsabilité. Votre réseau s'étend d'un océan à l'autre au Canada et jusqu'au golfe du Mexique, aux États-Unis. Pouvez-vous comparer les responsabilités que vous avez au Canada et aux États-Unis en ce qui concerne le transport des hydrocarbures, notamment des hydrocarbures dangereux? Aussi, pouvez-vous nous donner une idée du coût des assurances que doivent payer les compagnies pour transporter des produits de cette nature à travers le Canada et les États-Unis?
M. Berrada : Nous avons effectivement une assurance d'un montant suffisant pour couvrir nos propres coûts. Nous pourrons vous communiquer des précisions là-dessus. La compagnie d'assurances avec laquelle nous faisons affaire nous fournit une protection dans l'ensemble du Canada ainsi qu'aux États-Unis.
Malheureusement, nos connaissances actuelles ne nous permettent pas de répondre précisément à votre question, mais nous pouvons assurément vous donner des réponses plus étoffées à cela. Ce qu'il faut retenir, c'est que nous avons effectivement une assurance responsabilité qui s'accompagne d'une franchise en deçà de laquelle nous nous protégeons nous-mêmes et au-delà de laquelle la compagnie d'assurances nous protège.
Le sénateur MacDonald : Je présume que pour le transport d'hydrocarbures et, surtout, d'hydrocarbures considérés dangereux, l'assurance est assumée au complet par le CN et non par la société qui les fait transporter?
M. Berrada : En tant que transporteur, nous avons des responsabilités. Par exemple, nous couvrirons l'intervention pour un déversement dont nous serions responsables d'assumer les coûts, dont toute forme de nettoyage et de mesures d'atténuation de l'impact environnemental. Nous nous couvrons nous-mêmes jusqu'à un certain niveau, et la compagnie d'assurances prend la relève pour le reste.
Le sénateur MacDonald : J'aimerais voir une meilleure ventilation des responsabilités et une comparaison des responsabilités selon les pays. Je crois savoir que les responsabilités sont beaucoup plus grandes aux États-Unis qu'au Canada, est-ce exact?
M. Berrada : La réponse générale serait oui, mais nous allons devoir vous revenir avec plus de détails à ce sujet.
Le sénateur Wallace : Messieurs, que le déplacement du pétrole se fasse par train ou par pétrolier, si un incident se produit, la rapidité de l'intervention déterminera dans une large mesure l'efficacité de tout retour à la normale. Nous avons entendu des témoignages de sociétés de pétroliers stipulant qu'elles disposaient d'un réseau d'organismes prêts à intervenir en cas de déversement. Ces organismes installent d'avance leur équipement d'intervention afin d'être en mesure de réagir rapidement dans l'éventualité d'un incident.
Comment votre expérience se compare-t-elle avec cette dynamique? Que fait l'industrie ferroviaire pour s'assurer d'être en mesure d'intervenir efficacement et rapidement dans les zones sensibles, en particulier près des cours d'eau?
M. Berrada : Comme nous l'avons dit, nous avons un plan d'intervention d'urgence qui continue d'être amélioré en fonction des expériences vécues et des leçons apprises. Nous avons un réseau d'agents spécialisés dans les marchandises dangereuses. La protection du réseau est résumée à la diapositive 18. On y indique en outre la présence de 50 intervenants pour marchandises dangereuses répartis dans tout le réseau. Nous disposons aussi d'environ 21 agents de l'environnement pour accélérer le temps de réponse. Nous pouvons au reste compter sur le soutien des équipes d'intervention des expéditeurs et d'entrepreneurs spécialisés en intervention d'urgence.
Comme je l'ai dit, nous avons travaillé avec des entrepreneurs, mais aussi avec des agences pour cerner les zones sensibles, et nous avons un certain nombre de trousses d'intervention entreposées près de ces zones. Des efforts ont été faits au cours des dernières années pour veiller à ce que les interventions soient menées rapidement et efficacement, notamment grâce au stockage aux bons endroits des équipements idoines, selon le degré de risque.
Le sénateur Wallace : En ce qui concerne la protection des zones sensibles, nous avons entendu parler d'incidents ferroviaires qui se sont soldés par le déversement de pétrole dans des cours d'eau importants. Accorderiez-vous priorité aux cours d'eau par-dessus lesquels circulent des trains du CN en vous assurant qu'un matériel d'intervention en cas de déversement soit entreposé dans un périmètre raisonnablement restreint de ces zones sensibles?
M. Berrada : Assurément. Une évaluation du risque est effectuée en fonction des différents éléments susceptibles d'augmenter l'impact environnemental. Les cours d'eau sont de toute évidence au nombre de ces éléments de grande importance, et nous veillerions à concentrer un peu plus nos préparatifs d'intervention — comme la disponibilité des trousses d'intervention en cas de déversement, des barrages flottants et des entrepreneurs — dans ces zones.
La sénatrice Seidman : Vous avez déjà répondu à la plupart de mes questions au sujet des responsabilités et de la durabilité. Comme suivi à la dernière question du sénateur Wallace, l'industrie ferroviaire dispose-t-elle de coopératives sectorielles ou d'organismes tiers — comme ceux dont nous avons entendu parler pour la marine marchande et les pipelines — susceptibles de lui prêter main-forte pour intervenir en cas de déversement?
M. Berrada : Oui, tout à fait. D'ailleurs, la diapositive 18 explique que nous travaillons non seulement avec les expéditeurs, mais aussi avec des entrepreneurs spécialisés en intervention d'urgence. Dans certaines régions, nous collaborons avec d'autres compagnies de chemin de fer afin d'améliorer l'efficacité de nos interventions par la mise en commun de nos ressources. Nous avons aussi prévu un certain nombre d'arrangements qui nous permettent de conjuguer nos efforts et d'assurer une intervention plus rapide et plus efficace.
La sénatrice Seidman : Si un déversement se produisait dans une région éloignée, vous pourriez avoir accès aux ressources que vous partagez avec une coopérative de cette région ou avec une autre compagnie ferroviaire, c'est bien cela? Pouvez-vous nous donnez plus de détails à ce sujet?
M. Farkouh : Notre approche axée sur la sensibilisation s'appuie sur un réseau d'entrepreneurs avec lesquels nous travaillons. Nous entreposons notre équipement de façon stratégique dans des zones jugées sensibles. Nous tenons compte de l'accessibilité possiblement réduite de certaines zones. Nous nous assurons de sécuriser nos moyens d'accéder rapidement à ces endroits. Nous travaillons avec les autres compagnies de chemin de fer ainsi qu'avec les collectivités. Nous avons un vaste réseau de premiers intervenants que nous avons formés dans les collectivités de partout au Canada. Et, ce qui est très important, nous avons une première ligne de défense. Nous avons formé une grande quantité de gens dans notre réseau afin qu'ils puissent répondre à un besoin immédiat et mobiliser toutes les ressources nécessaires situées dans la région visée.
La sénatrice Seidman : J'aimerais que l'on clarifie un certain aspect de la responsabilité.
Quand les fonctionnaires de Transports Canada sont venus témoigner à la fin mars, ils ont parlé des limites de la responsabilité pour les déversements de pétrole en mer, mais ils n'ont pas été en mesure de nous donner des renseignements sur une possible norme similaire pour les accidents ferroviaires. En fait, les limites de responsabilité pour les accidents en mer font actuellement l'objet d'un examen.
Avez-vous quoi que ce soit à ajouter pour nous aider à comprendre ces questions de responsabilité. En clair, existe-t- il un examen similaire en cours ou des normes comparables à celles qui existent pour les déversements en mer?
M. Berrada : Pour en revenir à la question précédente, comme nous l'avons dit, nous vous donnerons plus de détails sous peu. Je le répète, le principe directeur est que nous avons effectivement une assurance responsabilité qui nous protège au-delà des montants que nous couvrons nous-mêmes.
En ce qui concerne le transport du pétrole brut, nous nous assurerons, comme pour tout autre produit, qu'il y ait une protection adéquate en ce qui concerne les responsabilités et le coût de l'intervention qui y seraient associés, protection qui serait assurée par nous, en deçà d'un certain seuil, ou par la compagnie d'assurances, une fois ce seuil dépassé.
La sénatrice Seidman : Ces limites font-elles l'objet d'un examen?
M. Berrada : Je m'excuse, mais je ne comprends pas ce que vous entendez par « faire l'objet d'un examen ». D'aussi loin que je peux me rappeler, nous avons toujours été assurés, et les compagnies d'assurances nous ont toujours couverts. Nous avons fait affaire avec différentes compagnies d'assurances au fil des années, mais nous avons toujours été assurés pour les montants dépassant le seuil en deçà duquel nous nous assurons nous-mêmes.
Le sénateur Patterson : Messieurs, vous avez décrit les quatre catégories de clients et de chargements. Commençons avec le CN. Quel pourcentage de l'ensemble du trafic ferroviaire les hydrocarbures occupent-ils? Ce pourcentage a-t-il changé au cours des dernières années?
M. Berrada : Oui. Les produits du pétrole représentent environ 17 p. 100 de tous les biens que nous transportons. Comme on le sait, les pétroles bruts prennent de plus en plus de place, surtout depuis les deux dernières années, et nous nous attendons à ce que ces volumes doublent durant l'année en cours. Si vous le souhaitez, nous pourrons vous fournir des chiffres précis sur la part qu'occupent les pétroles bruts dans ce 17 p. 100 de produits pétroliers.
Le sénateur Patterson : Merci.
La sénatrice Unger : Ma question est une question supplémentaire à celle qui précède. Sur la diapositive 24, vous affirmez avoir la portée nécessaire pour doubler la quantité de pétrole transporté en 2013. Comment comptez-vous vous y prendre?
Ensuite, comme il n'y a que deux chemins de fer de classe 1 au Canada pour desservir des milliers d'expéditeurs, est- ce que vous doublez vos activités pour offrir de meilleurs services aux fournisseurs existants, ou est-ce en prévision de nouveaux clients?
M. Berrada : La disponibilité des wagons représente l'un des défis les plus importants. Ils appartiennent habituellement aux clients ou aux entreprises de location. On a déployé beaucoup d'efforts dans ce domaine, et on continuera de le faire au cours des prochaines années, pour répondre aux besoins des clients.
En ce qui a trait à la capacité de réseau, nous évaluons continuellement nos taux d'utilisation par rapport à notre capacité, et nous l'améliorons. Par exemple, cette année, nous investissons dans la région de l'Ouest dans le but d'accroître notre capacité. Nous travaillons avec nos clients existants, et avec les nouveaux, pour voir quels sont leurs besoins relatifs à la chaîne d'approvisionnement; nous collaborons avec eux pour mettre en place les ressources et les installations nécessaires.
M. Farkouh : À l'heure actuelle, on constate une augmentation de la demande des clients existants, mais on voit aussi de nouveaux clients qui s'intéressent à l'utilisation des chemins de fer.
La sénatrice Unger : Par exemple, vous avez acheté de nouveaux wagons, et vous en louez à d'autres aussi. Est-ce que j'ai bien compris?
M. Berrada : J'aimerais préciser qu'en règle générale, le CN n'est pas propriétaire des wagons-citernes qui transportent le pétrole brut. La facturation est faite selon la norme nord-américaine. Ce sont les clients avec qui nous faisons affaire qui les achètent ou les louent, et nos ententes tarifaires en tiennent compte.
La sénatrice Unger : Qu'en est-il des clients des autres domaines, de l'industrie du bois, par exemple? Est-ce qu'ils ont leurs propres wagons?
M. Berrada : Habituellement, on voit divers wagons rouler sur les divers chemins de fer. Certains appartiennent au CN, d'autres appartiennent aux clients ou aux entreprises de location. Comme je l'ai dit, les wagons-citernes n'appartiennent habituellement pas aux compagnies de chemin de fer. Les wagons qui servent au transport du bois sont des wagons à support central, ou des wagons couverts. Ils appartiennent aux compagnies de chemin de fer, ou sont loués.
Le sénateur Wallace : Pour faire suite au commentaire de Mme Unger, comme vous l'avez dit, le CN n'est pas propriétaire de tous les wagons-citernes qui passent sur ses rails; nombre d'entre eux sont loués et immatriculés.
Quelles sont les mesures prises par le CN pour veiller à ce que ces wagons respectent les normes de sécurité appropriées? Est-ce la responsabilité des propriétaires des wagons-citernes? Est-ce que le CN s'en mêle?
M. Farkouh : Nous sommes tenus d'inspecter tous les équipements qui roulent sur nos lignes de chemin de fer à divers points sur le réseau. Nous avons du personnel dans les zones désignées partout au pays, et les inspections sont faites lorsque les wagons sont immobilisés dans les gares. Nous avons aussi mentionné la détection en voie qui surveille les roues et roulements des wagons. Une inspection de sécurité est également faite.
Peu importe la marque des wagons, nous sommes tenus de les inspecter, et avons intérêt à le faire, pour veiller à ce qu'ils répondent à nos normes de sécurité et à celles de Transports Canada.
Le sénateur Wallace : Vous inspectez les wagons-citernes des tiers. Est-ce vous qui déterminez les détails et la fréquence des inspections ou êtes-vous assujettis à une réglementation? Est-ce qu'il y a des règlements fédéraux ou provinciaux qui stipulent l'ampleur de ces inspections?
M. Berrada : Les deux. Nous respectons évidemment tous les règlements, mais nous les dépassons, surtout en ce qui a trait à la technologie des systèmes de détection en voie. À l'annexe 2 de la documentation fournie, nous présentons certaines technologies qui sont utilisées pour la détection des défauts, pour garantir la sécurité de ces équipements. La plupart de ces technologies ne sont même pas réglementées, mais nous avons investi pour les obtenir.
À cela s'ajoutent les normes nord-américaines de fabrication des wagons de l'Association of American Railroad et du ministère des Transports, et toutes nos inspections, tant visuelles que techniques, permettent de garantir la sécurité de ces équipements.
Le sénateur Wallace : Ce sont les normes de construction. Qu'en est-il des normes d'entretien?
Est-ce qu'il y a des règlements qui établissent les paramètres d'entretien de chaque wagon-citerne? Ou est-ce que l'entretien est fait selon les politiques du CN?
M. Farkouh : Pour l'entretien quotidien, nous sommes tenus de respecter les règlements de Transports Canada sur les opérations; c'est très important. Dans certains cas, nous allons au-delà de la réglementation. Nous dépassons parfois les niveaux de détection des défauts sur les roues, et nous pouvons les remplacer avant d'être obligés de le faire.
Nous n'élaborons pas nécessairement nos propres politiques. On respecte les normes de base en matière d'entretien et d'acceptabilité, pour les chemins de fer et les wagons, sans égard à leur marque. Pour nous, un wagon est un wagon; on ne fait pas de distinction entre eux. Tous les chemins de fer sous réglementation fédérale doivent respecter des exigences de base pour l'entretien des pièces d'équipement.
Le président : Nous vous remercions beaucoup, messieurs, d'avoir pris le temps de témoigner devant nous. Je sais que vous êtes très occupés. Nous vous en sommes très reconnaissants. Les questions et réponses étaient fort intéressantes.
Vous avez parlé de certains renseignements que vous transmettrez à la greffière de sorte que tous les membres en obtiennent une copie. Je vous demanderais également de nous transmettre les études sur la sécurité des chemins de fer par rapport aux pipelines dont vous avez parlé. Nous aimerions les obtenir, même si elles sont nombreuses.
Merci beaucoup, monsieur Farkouh et monsieur Berrada.
M. Berrada : Merci beaucoup.
M. Farkouh : Merci beaucoup, monsieur le président.
(La séance se poursuit à huis clos.)