Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Affaires juridiques et constitutionnelles
Fascicule 2 - Témoignages du 29 septembre 2011
OTTAWA, le jeudi 29 septembre 2011
Le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles se réunit aujourd'hui, à 10 h 33, pour examiner la proposition de la Commission nationale des libérations conditionnelles du Canada, conformément à la Loi sur les frais d'utilisation, L.C. 2004, ch. 6, par. 4(2).
Le sénateur John D. Wallace (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président : Bonjour et bienvenue au comité, chers collègues et chers témoins — que je présenterai bientôt — et bienvenue également aux téléspectateurs qui regarderont nos délibérations sur le réseau CPAC. Je suis le sénateur John Wallace, du Nouveau-Brunswick, et je préside le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles.
Chers collègues, le comité doit se pencher aujourd'hui sur la dernière augmentation des frais de service en date proposée par la Commission des libérations conditionnelles du Canada, la CLCC, pour le traitement des demandes de pardon.
Pour situer le tout en contexte, rappelons brièvement que la Loi modifiant la Loi sur le casier judiciaire, titre abrégé de la Loi limitant l'admissibilité à la réhabilitation pour des crimes graves, anciennement le projet de loi C-23A, est entrée en vigueur le 29 juin 2010. Cette loi modifiait les dispositions de la Loi sur le casier judiciaire en vue d'apporter des restrictions aux demandes de réhabilitation dans certains cas. Le projet de loi C-23A a également ajouté de nouveaux éléments que la Commission des libérations conditionnelles doit prendre en considération lorsqu'elle décide s'il y a lieu d'octroyer la réhabilitation à l'égard d'un acte criminel.
Avant les modifications apportées par le projet de loi C-23A, la Commission des libérations conditionnelles imposait des droits de 50 $ par demande de réhabilitation. Le 22 juin 2010, au cours de l'étude du projet de loi C-23A par le comité, des représentants de la Commission des libérations conditionnelles ont informé le comité que la Commission avait prévu proposer une augmentation des frais pour les demandes de réhabilitation aux termes de la Loi sur les frais d'utilisation après l'adoption du projet de loi.
Le 27 septembre 2010, une proposition de frais d'utilisation présentée par la Commission des libérations conditionnelles a été déposée au Sénat et renvoyée au comité. Cette proposition visait à faire passer provisoirement de 50 $ à 150 $ les frais d'une demande de réhabilitation. Le texte de la proposition mentionnait qu'une nouvelle proposition de frais d'utilisation, qui prendrait en compte le coût intégral du processus d'approbation des demandes de réhabilitation, qui était devenu plus complexe avec la présentation du projet de loi C-23A, serait présentée par la Commission à une date ultérieure.
En octobre dernier, le comité a entendu des témoignages sur la proposition d'augmentation provisoire des frais d'utilisation, et dans son douzième rapport, le comité recommandait que, conformément à l'article 5 de la Loi sur les frais d'utilisation, le Sénat approuve la proposition de hausser la part des frais d'utilisation attribuée à la Commission des libérations conditionnelles. Prévoyant la présentation d'une nouvelle demande d'augmentation des frais associés aux demandes de pardon, le comité a invité la Commission des libérations conditionnelles à procéder, avant de présenter une telle demande, à une consultation aussi large que possible.
Dans la présente proposition visant à augmenter les frais associés aux demandes de pardon, qui a été renvoyée au comité le 27 septembre 2011, la Commission des libérations conditionnelles mentionne que les frais de 150 $, en vigueur depuis le 29 décembre 2010, ne couvrent pas les frais indirects associés au traitement des demandes de pardon, et qu'ils ne tiennent pas compte des exigences additionnelles imposées par le projet de loi C-23A. Le comité doit donc examiner la nouvelle proposition d'augmentation des frais qui passerait de 150 $ à 631 $.
Pour nous expliquer plus en détail la nouvelle proposition, nous avons le grand plaisir d'accueillir aujourd'hui Suzanne Brisebois, directrice générale, Politiques, planification et opérations; Denis Ladouceur, directeur, Clémence et pardons; et Anne Gagné, dirigeante principale des finances, tous de la Commission des libérations conditionnelles du Canada. Je vous souhaite la bienvenue au comité.
Madame Brisebois, je crois savoir que vous avez un exposé.
Suzanne Brisebois, directrice générale, Politiques, planification et opérations, Commission des libérations conditionnelles du Canada : Bonjour et merci de nous avoir invités aujourd'hui.
Il y aura bientôt un an, des représentants de la Commission des libérations conditionnelles du Canada, la CLCC, ont présenté devant le comité une proposition visant à faire passer de 50 à 150 $ les frais de service exigés des demandeurs de pardon. Lors de la dernière comparution de la commission, en octobre, ces témoins ont fait l'historique de la Loi sur le casier judiciaire et du programme de pardon. Ils ont aussi parlé des exigences opérationnelles qui ont incité la commission à demander une augmentation des frais pour la première fois en 15 ans.
Des frais de 150 $ sont exigés depuis décembre 2010 à la suite d'une revue par le Parlement. Comme elle l'a indiqué au comité lors de sa comparution l'an dernier, la commission aimerait faire approuver une nouvelle augmentation des frais.
Cette nouvelle demande est attribuable aux coûts considérablement plus élevés associés à l'administration du programme depuis les modifications apportées à la Loi sur le casier judiciaire. Les nouvelles modifications législatives ont eu des répercussions sur le fonctionnement du programme, et la commission a besoin de ressources additionnelles pour remplir son mandat. L'augmentation des frais de service assurera la durabilité du programme et mettra fin à la réaffectation des fonds du programme de mise en liberté sous condition de la commission.
Pour assurer le recouvrement intégral des coûts du programme de pardon, conformément aux directives du gouvernement, la commission a pris des mesures au cours de la dernière année afin de répondre aux exigences imposées par la Loi sur les frais d'utilisation. Les résultats de ces travaux sont décrits dans la proposition que le ministre de la Sécurité publique a déposée.
Permettez-moi de souligner quelques-uns des principaux éléments de la proposition.
La commission a effectué une analyse complète des coûts à l'aide de la méthode élaborée par le Conseil du Trésor et approuvée par le Bureau du vérificateur général. L'analyse a révélé que le coût de traitement d'une demande de pardon en vertu de la Loi sur le casier judiciaire est maintenant de 631 $.
La hausse du coût est attribuable aux nouveaux facteurs qui ont été pris en considération, dont les suivants : il faudra plus de temps aux commissaires pour examiner une demande de pardon et rédiger une décision en fonction des nouveaux critères, car pour respecter les facteurs énoncés dans la loi, les commissaires devront évaluer le mérite de chaque demandeur et tenir compte de la sécurité publique; il faudra plus de temps au personnel pour faire les examens et les enquêtes; il faudra davantage de personnel hautement qualifié et il faudra offrir une formation aux commissaires et aux employés; il faudra traiter un plus grand nombre de demandes incomplètes, car les demandeurs doivent maintenant fournir des renseignements plus détaillés; il faudra accroître les communications avec le public au sujet du programme de pardon; il y aura une augmentation du nombre de demandes de clémence, qui exigent une analyse et une enquête qui nécessitent beaucoup de temps.
Le calcul des coûts estimatifs repose sur l'hypothèse selon laquelle la commission recevra 25 000 demandes par année et sur un taux d'acceptation estimatif de 60 p. 100. En plus d'une analyse des coûts, la commission a aussi effectué une analyse coûts-avantages. Nous reconnaissons que l'imposition de frais de 631 $ représente une augmentation considérable par rapport aux frais de 50 $ exigés il y a seulement un an.
Cependant, l'examen a révélé que les avantages d'un pardon, même à ce prix, sont très importants pour la personne qui en bénéficie. Les personnes qui demandent un pardon le font souvent pour obtenir un emploi, poursuivre leurs études ou se trouver un logement. Un régime de pardon fiable est avantageux à la fois pour les demandeurs et pour la société canadienne dans son ensemble. L'octroi de pardons en temps opportun favorise la réinsertion en toute sécurité des individus dans la collectivité et contribue à en faire des citoyens entièrement productifs. Les avantages liés à l'augmentation des frais de service sont aussi nettement supérieurs aux inconvénients que constituent l'accumulation de l'arriéré et l'augmentation du temps d'attente pour les demandeurs de pardon.
En ce qui concerne les consultations, la Loi sur les frais d'utilisation exige que les organismes de réglementation consultent les utilisateurs au sujet des modifications de frais proposées. La commission a mis en œuvre un certain nombre d'initiatives dans le cadre des processus de consultation et de traitement des plaintes plus tôt cette année. En février, elle a tenu des consultations auprès de ses partenaires gouvernementaux, comme la GRC, le ministère de la Sécurité publique et le Service correctionnel du Canada, le SCC, et auprès d'organisations non gouvernementales qui offrent des services aux demandeurs de pardon. La Commission a également tenu des consultations publiques auprès des utilisateurs, qu'elle a annoncées de plusieurs façons. Le Service correctionnel du Canada a aidé la commission à distribuer et à afficher des avis de consultation dans les établissements et les bureaux de libération conditionnelle. La commission a aussi envoyé des avis aux organismes suivants : les bureaux d'aide juridique; les organismes de vulgarisation et d'information juridiques; l'Association des administrateurs judiciaires du Canada; les organisations non gouvernementales qui travaillent directement auprès des délinquants, entre autres, la Société Elizabeth Fry, la Société John Howard et l'Association nationale des centres d'amitié; l'Association canadienne des chefs de police; les entreprises privées œuvrant dans le domaine des pardons; les commissions provinciales des libérations conditionnelles; les responsables des services correctionnels; le Comité national mixte des hauts représentants officiels de la justice pénale; la Fédération canadienne des municipalités, et plusieurs autres.
Les consultations ont été annoncées sur le site web Consultations auprès des Canadiennes et des Canadiens du gouvernement du Canada, ainsi que sur d'autres sites de ministères et d'organismes gouvernementaux comme Service Canada, Sécurité publique et le Service correctionnel du Canada. La commission a invité la population à participer aux consultations sur la ligne d'information sans frais du programme de pardon, qui peut recevoir des centaines d'appels par jour de la part de demandeurs. Des avis de consultation ont aussi été insérés dans toute la correspondance relative au pardon durant la période de consultation, ce qui représente environ 800 lettres. La commission a reçu plus de 1 000 réponses de la part des membres du public durant la période de consultation de 18 jours. Douze répondants ont dit être favorables à la proposition, tandis que 1 074 ont dit être en désaccord avec l'augmentation.
La commission a répondu à toutes les personnes et organisations qui ont participé aux consultations, ainsi qu'à leurs préoccupations. Un rapport sommaire sur le résultat des consultations a été préparé et diffusé en ligne. Ce rapport figure également dans les documents déposés. Les répondants ont été informés de leur droit de déposer une plainte officielle s'ils n'étaient pas satisfaits de la réponse de la Commission. Au total, 16 plaintes officielles ont été déposées par les participants.
Comme l'exige la Loi sur les frais d'utilisation, un comité consultatif indépendant a été formé pour traiter les plaintes relatives à l'augmentation des frais de service imposés aux utilisateurs. Le comité était composé de la présidente de l'Association canadienne des sociétés Elizabeth Fry, une avocate qui a été élue présidente du comité; d'un professeur de l'École du Barreau du Québec, qui est aussi avocat; et de la directrice des Services corporatifs de la Commission des libérations conditionnelles du Canada. Le comité indépendant a présenté un rapport sur ses conclusions qui comportait des recommandations sur la façon de régler les plaintes, et ce rapport fait aussi partie des documents déposés à l'intention des honorables membres du comité.
Enfin, monsieur le président, la commission aimerait obtenir les ressources dont elle a besoin pour s'acquitter du mandat qui lui est conféré par la loi. Si l'augmentation proposée est approuvée, la commission s'efforcerait, en collaboration avec ses partenaires fédéraux, d'enregistrer rapidement l'augmentation et d'exiger les nouveaux frais. Elle pourrait ainsi offrir aux Canadiens un programme de pardon solide, durable et efficient.
Monsieur le président, cela met fin à mon allocution. Je vous remercie de votre attention. C'est avec plaisir que mes collègues et moi répondrons à toutes vos questions.
Le président : Merci. Nous avons en main un feuillet intitulé « Statistiques par Province — Années fiscales 2006-2007 à 2010-2011. » Est-ce que cela vient de vous?
Mme Brisebois : Oui, c'est un feuillet que nous avons remis au comité.
Le président : Voulez-vous qu'il figure dans le compte rendu?
Mme Brisebois : Oui, s'il vous plaît.
Le sénateur Fraser : Bienvenue à nouveau au comité et merci de votre présence.
J'ai lu la documentation avec intérêt et j'ai écouté votre exposé aujourd'hui. Je ne comprends pas très bien l'évolution de la démarche. Lorsque vous avez sollicité les commentaires de la population, vous avez reçu, je crois, 1 074 réponses, dont 12 étaient pour votre proposition. Lorsque vous avez consulté les ministères, notamment la GRC, Service correctionnel Canada, Justice Canada et le Conseil du Trésor, ils vous ont répondu que votre analyse des coûts avait été bien faite et qu'elle respectait les lignes directrices du Conseil du Trésor, mais qu'une augmentation aussi importante, malgré le fait que vous ayez besoin d'argent, présenterait un fardeau et un obstacle financiers pour de nombreux demandeurs. En outre, comme cela risquait d'avoir un effet négatif sur les femmes et les Autochtones, il serait bon d'envisager des exemptions. De plus, il se pourrait que l'augmentation puisse entraîner des contestations ou un contentieux constitutionnel.
Par ailleurs, le comité consultatif indépendant a recommandé dans son rapport, et cela faisait partie de ses recommandations unanimes, de maintenir les frais à leur niveau actuel, soit 150 $. Il a également recommandé que des changements administratifs soient apportés afin que vous puissiez exiger une partie seulement des frais pour l'examen initial de la demande, car bon nombre d'entre elles sont rejetées. Un demandeur n'aurait donc pas à verser 631 $ pour une demande qui serait rejetée. Le comité a recommandé, en particulier, que le gouvernement renonce au principe du recouvrement des coûts.
Nous savons d'expérience que les fonctionnaires et les organismes indépendants ne sont pas responsables des décisions ministérielles, mais vous étiez responsables, par contre, du processus de consultations. Vous avez reçu une avalanche de réactions négatives à votre proposition, mais qu'est-ce qui s'est passé ensuite? Est-ce que vous avez tenu compte de ce niveau exceptionnel de réactions négatives?
Mme Brisebois : Comme je l'ai mentionné, la commission est chargée d'administrer le programme de pardon. Les frais de service associés au traitement d'une demande depuis l'entrée en vigueur de la nouvelle loi sont de 631 $, et c'est le montant que nous proposons. Pour modifier les frais, nous devons respecter les procédés réglementaires et la Loi sur les frais d'utilisation. Nous sommes chargés de mener les consultations, de recueillir les commentaires de la population et de divers organismes, et de soumettre le tout au ministre, ainsi qu'aux comités, à la Chambre et au Sénat. C'est le gouvernement qui décide s'ils seront imposés ou non.
En d'autres mots, nous avons les responsabilités suivantes : mettre en œuvre le pardon, respecter les exigences réglementaires et celles régissant les frais de service et recueillir l'information pour la soumettre au gouvernement.
Le sénateur Fraser : De votre point de vue, le fait que vous ayez reçu un grand nombre de réactions négatives n'a pas d'incidence sur le résultat de la démarche. Vous menez les consultations, mais vous ne modifiez pas la politique. Cette décision revient au gouvernement.
Mme Brisebois : Oui.
Le sénateur Fraser : J'aimerais savoir — et ce sera ma dernière question — pourquoi la commission est d'avis qu'il n'y a que deux choix : une augmentation des frais à 631 $, ou une accumulation de l'arriéré et une augmentation du temps d'attente pour les demandeurs de pardon. J'ai vu cet argument dans plusieurs documents et vous l'avez mentionné dans votre exposé aujourd'hui.
Nous savons que de nombreuses administrations ont adopté une approche différente de celle du Canada qui veut procéder à un recouvrement intégral des coûts directs. Pourquoi dites-vous que la seule option qui s'offre est essentiellement de continuer à se débrouiller avec le même montant d'argent et d'assister à une congestion encore plus grande de tout le processus?
Mme Brisebois : L'objectif de la commission est d'avoir un programme de pardon durable. Le gouvernement a décidé de mettre en place un modèle de recouvrement intégral des coûts; nous voulons toutefois être en mesure d'offrir un niveau de service adéquat à ceux qui font une demande de pardon. En exigeant des frais de 150 $, comme nous le faisons à l'heure actuelle, nous accumulons un arriéré. Nous voulons que le programme soit durable en fin de compte. Je ne sais pas si cela répond à votre question.
Le sénateur Fraser : Non, en fait, mais j'ai promis au président que ce serait ma dernière question. Monsieur le président, pourriez-vous inscrire mon nom sur la liste pour la deuxième série de questions?
Le sénateur Munson : Le recouvrement des coûts est-il une pratique habituelle au sein du gouvernement du Canada? Si ce n'est pas le cas, pourquoi a-t-on opté pour cette approche pour les demandes de pardon?
Mme Brisebois : Je ne peux pas parler pour les autres ministères, mais tout ce que je sais, c'est que le gouvernement a décidé d'opter pour une approche de recouvrement intégral des coûts pour les demandes de pardon. C'est tout ce que je peux dire à l'heure actuelle.
Le sénateur Munson : Savez-vous quelle est la différence entre les frais associés à une demande de passeport et les frais associés à une demande de pardon?
Mme Brisebois : Passeport Canada offre un service différent et les frais exigés le sont assurément aussi.
Le sénateur Munson : Avez-vous ce renseignement?
Mme Brisebois : Les frais pour une demande de passeport? Non, je n'ai pas ce renseignement en ce moment.
Le sénateur Munson : Vous proposez une augmentation de 300 p. 100. C'est beaucoup d'argent pour des familles qui n'en ont probablement pas les moyens.
Comme le montant n'est pas un chiffre rond, je serais curieux d'avoir la ventilation. Pourquoi ne pas avoir arrondi à 630, 650 ou 700 $? Vous avez des frais pour le traitement des demandes qui sont établis à 401,50 $. Comment fait-on pour arriver à 50 cents près?
Mme Brisebois : Nous avons procédé à une analyse détaillée des coûts. Mme Gagné pourra probablement vous expliquer en détail la façon dont nous avons calculé le coût d'une demande de pardon.
Anne Gagné, dirigeante principale des finances, Commission des libérations conditionnelles du Canada : Pour arriver à ce montant de 631 $, nous avons évalué les répercussions du projet de loi puis de la loi sur la charge de travail du personnel dans l'organisation. Nous avons ensuite établi ce qu'il en coûte exactement pour chaque centre de responsabilité touché par le traitement d'une demande de pardon.
Nous savions qu'il s'agissait d'une question délicate et que nous devions être précis. Nous avons donc embauché un contractant pour nous aider. Ce contractant nous a été recommandé par le Secrétariat du Conseil du trésor et nous a été présenté comme un des plus grands spécialistes de l'établissement des coûts au Canada.
Il nous a accompagnés tout au long du processus et s'est assuré que la collecte de l'information était adéquate. Nous demandions des explications, car notre travail à la fonction finance consiste à le faire lorsqu'on nous présente les évaluations d'un programme. Nous avons procédé ainsi, et le montant de 631 $ est ce à quoi nous sommes arrivés en additionnant tous les coûts.
Le sénateur Munson : Que répondez-vous à ceux qui font valoir qu'une augmentation aussi importante des frais équivaut à une punition additionnelle?
Mme Gagné : Ce n'est pas à moi à répondre à cette question. Mon rôle consistait à déterminer le coût pour nous du nouveau projet de loi C-23A. Nous l'avons fait de la manière la plus appropriée et la plus scientifique possible pour nous assurer que nos chiffres étaient précis.
Le sénateur Munson : Le ministre comparaîtra-t-il sur cette question ou l'a-t-il déjà fait? Ce serait important qu'il le fasse.
Nous sommes conscients que vous avez un travail à faire et nous respectons cela. Là n'est pas la question. Nous respectons le fait que vous deviez faire preuve de circonspection — et vous devez, naturellement suivre les règles.
Toutefois, il y a aussi la question de la responsabilité politique. Le ministre sera-t-il invité à comparaître devant le comité sur cette question? J'aimerais trouver une meilleure expression que « pardonnez-moi », mais c'est une question très importante. Si nous parlons de 25 000 demandes au pays, j'aimerais proposer que nous invitions le ministre à comparaître.
Le sénateur Runciman : Si je ne m'abuse, l'idée n'est pas seulement de recouvrer les coûts, mais aussi, je l'espère, de réduire et même d'éliminer l'arriéré.
Nous avons parlé du lien entre emploi et pardon. À mon avis, si quelqu'un est sur une liste d'attente pendant deux ans ou plus, il a besoin d'un emploi — s'il s'agit d'un camionneur qui doit traverser la frontière, par exemple. C'est sans doute l'une des principales raisons qui motivent une demande. C'est aussi un élément important, espérons-le, dans ce que nous faisons.
Vous nous avez expliqué la méthode que vous avez utilisée pour arriver à la somme de 631 $. J'aimerais examiner la question davantage. Vous avez dit qu'il s'agissait d'un montant fixe. Que quelqu'un ait été condamné une seule fois par procédure sommaire, ou qu'il ait été condamné à plusieurs reprises pour une infraction sexuelle, ou encore qu'il ait été condamné une seule fois pour une infraction sexuelle à l'égard d'un enfant, c'est le montant dans chaque cas.
Je présume que le processus de décision pour une demande de pardon présentée par un récidiviste n'est pas le même que pour un délinquant qui a commis un crime grave. Pourquoi alors ne pourrait-on pas en tenir compte dans le calcul des frais?
Si le temps consacré à la demande de quelqu'un qui a été condamné par procédure sommaire n'est pas le même que celui consacré à la demande de quelqu'un qui a commis un crime grave, il me semble qu'il serait préférable d'avoir un barème plutôt qu'un montant fixe, afin que les frais ne soient pas les mêmes pour celui ou celle qui n'a commis qu'une infraction mineure. Avez-vous examiné cette question? Si c'est le cas, pourquoi n'avez-vous pas opté pour cette solution?
Mme Brisebois : Je peux répondre à cette question. Nous avons pensé à cet élément également. Ces questions nous ont donné beaucoup de fil à retordre.
Il est difficile de comparer les condamnations par procédure sommaire aux condamnations pour acte criminel, car la complexité des dossiers peut varier. Le dossier peut être complexe même s'il s'agit d'une condamnation par procédure sommaire.
Nous avons examiné les deux processus, et les frais étaient assez similaires. Si nous mettons en place un système à deux niveaux ou à barème, les coûts administratifs seront plus élevés. Nous avons pris cela en considération.
Le sénateur Runciman : J'ai de la difficulté avec ce concept. Nous pourrons sans doute approfondir la question un peu plus tard, mais je dois dire que je ne suis pas convaincu.
Pouvez-vous me dire si chaque demande fait l'objet d'une audience?
Mme Brisebois : Non, une audience n'est pas nécessaire, sauf dans certains cas. M. Ladouceur pourrait vous donner plus de détails à ce sujet.
Denis Ladouceur, directeur, Clémence et pardons, Commission des libérations conditionnelles du Canada : Pour répondre aux deux questions en même temps, disons que le processus administratif lié au traitement des demandes de pardon est calculé en temps, et l'analyse préliminaire qui est faite nécessite environ le même temps, qu'il s'agisse d'une condamnation par procédure sommaire ou d'une condamnation pour acte criminel.
C'est à l'étape de l'évaluation et de la prise de décision que les processus sont différents. Plus l'infraction est grave, plus le commissaire prendra de temps pour rendre sa décision. C'est essentiellement ainsi que cela fonctionne.
La personne qui présente une demande de pardon peut certainement demander une audience si la commission rejette sa demande. Elle a alors le droit de présenter des observations.
La plupart du temps, les observations sont présentées par écrit. La personne a 60 jours pour le faire. La commission les examine et rend ensuite sa décision. Si la commission suspend sa décision de refuser le pardon, la personne dispose alors d'un an pour se présenter à nouveau devant la commission.
Le vice-président de la commission est celui qui décide d'accorder ou non une audience à une personne qui s'est vu refuser une demande de pardon.
Le sénateur Runciman : A-t-on envisagé de simplifier la procédure de demande? Quel genre de documents doit soumettre un demandeur? Avez-vous examiné cette question également?
Mme Brisebois : C'est une excellente question. Avant d'entreprendre l'exercice, et même avant que les frais ne soient portés à 150 $, la commission a reconnu ne plus être en mesure de répondre au nombre croissant des demandes.
En 2007-2008, la commission a mis en place diverses mesures pour tenter d'améliorer le traitement des demandes de pardon. Elle a notamment perfectionné sa base de données et amélioré sa gestion des RH. Il fallait gérer les fluctuations du nombre de demandes de même que les divers processus. C'est quelque chose dont nous avons tenu compte lorsque nous avons constaté l'augmentation du nombre de demandes. Toutefois, nous nous sommes rendu compte à un certain moment donné que, même avec ces mesures qui nous avaient permis d'accroître l'efficacité, les frais de 50 $ exigés à l'origine pour traiter une demande étaient insuffisants, et c'est pourquoi le montant a été porté provisoirement à 150 $. L'an dernier, la Loi sur le casier judiciaire a été modifiée, ce qui a entraîné la mise en œuvre de nouveaux processus, qui sont venus encore une fois augmenter nos coûts.
Le sénateur Runciman : Y a-t-il une procédure normalisée pour l'examen d'un dossier de bonne conduite? Comment procède-t-on?
Mme Brisebois : Notre directeur responsable des pardons peut répondre à cette question.
M. Ladouceur : Nous avons des directives à suivre dans ce cas. Nous vérifions si le demandeur n'a pas commis une nouvelle infraction ou s'il n'a pas eu de démêlés avec la police depuis sa dernière condamnation. Nous vérifions aussi s'il n'y a pas eu d'accusations qui ont été retirées ou suspendues et si aucun schème de comportement n'a été établi. En vertu de la nouvelle loi, nous examinons de plus le caractère méritoire de la demande. Nous examinons ce que le demandeur a fait depuis sa libération. A-t-il cherché un emploi? A-t-il joué un rôle au sein de sa collectivité? Tous ces renseignements sont soumis à la commission, qui les examine avant de prendre sa décision.
Le sénateur Runciman : Tenez-vous des statistiques sur les gens qui récidivent après avoir obtenu un pardon?
M. Ladouceur : Nous le faisons par l'entremise des révocations.
Le sénateur Runciman : Les révocations sont toujours le résultat d'une nouvelle infraction, n'est-ce pas?
M. Ladouceur : Pas nécessairement. Il se peut qu'une révocation soit aussi liée à la conduite. La commission peut révoquer un pardon si elle reçoit des informations voulant que la personne ait un comportement répréhensible ou si elle a induit la Commission en erreur lors de sa demande originale.
[Français]
Le sénateur Chaput : Merci, monsieur le président. Dans votre proposition d'augmenter les frais exigés des demandeurs, soumise en juin 2011, vous avez expliqué que vous vous attendiez à 15 000 demandes de pardon. Aujourd'hui, vous mentionnez 25 000 demandes de pardon. J'aimerais que vous me disiez pourquoi le montant est passé de 15 000 à 25 000, de juin 2011 à maintenant.
Dans la même proposition, vous affirmiez que cette hausse de 150 à 631 dollars par demande vous donnerait des avantages nets de 85 millions de dollars. Dans le document, on disait qu'il s'agissait d'un calcul prudent.
Pouvez-vous m'expliquer comment vous êtes arrivé à ce montant de 85 millions de dollars? Parce que si je calcule uniquement la différence entre les deux frais et le nombre de demandes que vous vous attendez à recevoir, cela ne concorde pas.
[Traduction]
Mme Brisebois : En ce qui concerne le nombre de demandes, je le répète, nous sommes dans un processus de transition. La loi a été modifiée au mois de juin l'an dernier; nous avons d'anciens demandeurs qui sont assujettis à l'ancienne loi et de nouveaux demandeurs qui sont assujettis au nouveau projet de loi C-23A. La loi a été modifiée en juin; il y a les anciens critères et les nouveaux critères que la commission doit prendre en compte. Puis il y a eu l'entrée en vigueur des nouveaux frais en décembre. Tout cela pour dire que nous sommes dans un processus de transition en ce qui concerne le nombre de demandes. Nous continuons d'effectuer le suivi, mais je pense que nos prévisions sont assez justes jusqu'à maintenant. Nous voulons toutefois nous concentrer sur les frais de 631 $, qui ont été établis dans le cadre de l'exercice d'analyse des coûts que Mme Gagné, notre dirigeante principale des finances, vous a expliqué, ainsi que les volumes. Si vous voulez d'autres renseignements à ce sujet, Mme Gagné peut sans doute vous les fournir.
Mme Gagné : Votre première question concernait le nombre de demandes que nous recevons. Nous avons toujours dit que le nombre de demandes prévues concernant le montant de 631 $ était de 25 000. C'est le nombre de demandes acceptées prévues qui est de 15 000 seulement. Cela explique sans doute la différence dans les chiffres en question.
En ce qui a trait à l'analyse des coûts-avantages et à notre méthode de calcul, je le répète, le Conseil du Trésor exige que toute demande de modification des frais soit assortie d'une analyse des coûts-avantages. Cette analyse est effectuée par un économiste qui, encore une fois, a été embauché sur la recommandation du Conseil du Trésor, car nous voulions recourir aux services d'un spécialiste du domaine. Il nous a préparé une analyse complète, qui contient en fait des formules mathématiques assez complexes que seuls les économistes semblent pouvoir comprendre. Le but premier de cette analyse est de déterminer si les avantages d'un pardon l'emportent sur les coûts. L'analyse a permis de conclure que pour chaque dollar que coûte un pardon, la commission, et la société canadienne dans son ensemble, en retire un avantage s'élevant à 2,83 $.
[Français]
Le sénateur Chaput : Est-ce que c'est basé sur des vrais chiffres ou sur des suppositions comme : dans tel cas, cela peut rapporter tel montant?
[Traduction]
Mme Gagné : Les chiffres sont basés sur une période de 10 ans, soit de 2011 à 2020. Ils prennent en considération l'ensemble des revenus prévus, de même que les pertes de revenus liées à l'arriéré ou la perte de clientèle, pour ainsi dire, soit les sommes que nous ne percevons pas, et le fait que les demandeurs sont mal servis parce que leur nom demeure dans la pile et qu'ils ne reçoivent pas leur pardon en temps opportun. Il additionne tous ces coûts prévus sur la période de 10 ans et les convertit en dollars d'aujourd'hui en utilisant le calcul de la valeur actualisée nette. C'est ainsi qu'il détermine les coûts-avantages. Il quantifie tout pour en arriver au montant de l'avantage net.
[Français]
Le sénateur Chaput : Il y a déjà des personnes admissibles au pardon mais qui ne sont pas en mesure de défrayer les frais de 150 $. Avez-vous des données au sujet du pourcentage de personnes admissibles au pardon qui ne pouvaient pas payer cette somme?
Vous nous avez déjà dit, à ce comité, qu'il y avait des organismes qui pouvaient aider les personnes qui ne peuvent pas payer ce montant, mais ces organismes ont aussi mentionné que si le volume de demandes augmente, qu'elles n'arriveraient pas à aider tous ceux qui ont besoin d'aide.
Avez-vous des données au sujet des personnes admissibles qui n'arrivent pas à payer ce montant de 150 $?
[Traduction]
Mme Gagné : Je vais demander à M. Ladouceur de répondre à cette question, car nous n'avons pas ce genre d'information aux finances.
[Français]
M. Ladouceur : Malheureusement, on ne recueille pas ce genre de données. Lorsqu'on reçoit une demande d'application pour un pardon, on ne demande pas le revenu. Ce ne sont pas des données que la Loi sur le casier judiciaire nous permet de recueillir.
Il y a plusieurs organisations non gouvernementales, des organisations caritatives qui fournissent une aide, quand elles le peuvent, mais je n'ai pas les données démographiques.
Le sénateur Chaput : Qui aurait ces données, d'après vous?
M. Ladouceur : Bonne question. Je ne le sais pas.
Le sénateur Chaput : Je reviendrai au deuxième tour, monsieur le président.
Le sénateur Boisvenu : Merci, monsieur le président. J'aimerais aborder un sujet qui est peut-être difficile à commenter pour vous, et qui m'apparaît être la grande contradiction de ceux qui s'opposent à cette augmentation.
J'ai regardé sur Internet le nombre de compagnies privées qui offrent aux détenus la possibilité de préparer leur dossier de demande de pardon, et 75 p. 100 des gens qui demandent un pardon vont payer jusqu'à 1 000 dollars alors que vous offrez le service presque gratuitement.
En plus de payer le montant actuel de 150 $, ces gens vont payer à une entreprise privée jusqu'à 1 000 $ pour faire une demande de pardon et ce sont les trois quart des gens qui font appel à ces compagnies.
Ma question sera peut-être difficile pour vous. Comment peut-on s'opposer à une augmentation de près de 500 $ à imposer à des gens qui paient déjà ce montant à des entreprises privées, alors même que le gouvernement fédéral, par l'entremise de votre commission, offre ce service?
La qualité de vos services doit être bonne; pourquoi y a-t-il donc tant d'entreprises privées qui, à mon avis, empochent de l'argent sur le dos de gens qui peuvent être dans une situation malheureuse, et alors que ces gens n'auraient pas du tout à payer cette somme?
Comment évaluez-vous cette situation?
M. Ladouceur : Il y a deux choses. Premièrement, au sujet des données concernant le nombre de gens qui utilisent les services de compagnies privées, les données dont nous disposons sont de l'ordre d'environ la moitié. La moitié de nos clients utilisent les services d'une tierce partie.
En regard du coût, je ne suis malheureusement pas en mesure de répondre.
En ce qui concerne nos services, je reviens aux calculs mathématiques qui ont été faits. Cela couvre les coûts; nous ne sommes pas dans un commerce où on tente de faire un profit. Le secteur privé va certainement tenter de faire un profit pour le service offert.
[Traduction]
Mme Brisebois : Comme je l'ai déjà mentionné, notre arriéré ne cesse de croître. La procédure de demande de pardon est très simple. Les intéressés peuvent se procurer un formulaire en ligne ou en obtenir un en composant un numéro sans frais. En mettant en place un programme durable, nous espérons que les demandeurs pourront s'adresser directement à la Commission au lieu de faire affaire avec des tierces parties.
[Français]
Le sénateur Boisvenu : Je remarque que votre publicité se retrouve principalement dans les municipalités et dans les corps policiers. Ne devriez-vous pas avoir une visibilité accrue auprès des ex-détenus eux-mêmes et faire de la promotion et de la publicité directement auprès de ces gens pour leur dire de ne pas payer 1 000 $ pour une demande de pardon alors que la commission offre ce service?
[Traduction]
Mme Brisebois : Nous sommes actuellement pris entre l'arbre et l'écorce, parce que nous essayons de traiter les demandes que nous recevons. Nous faisons de la sensibilisation et offrons des services d'information, mais nos efforts sont axés sur le traitement des demandes de pardon que nous recevons. C'est certain qu'avec un programme viable et financé en totalité nous pourrions faire davantage de sensibilisation et informer les gens des régions ou des collectivités qui croient qu'il y a un quelconque avantage à avoir recours aux services d'un tiers fournisseur, même s'ils peuvent s'informer directement auprès de la commission.
Le sénateur Baker : Les statistiques que vous nous avez fournies nous donnent le nombre total de demandes de pardon reçues au cours des cinq dernières années. Ensuite se trouve le nombre total de demandes retournées. Enfin, nous avons le nombre total de demandes acceptées. Qu'entendez-vous par là? Je comprends ce que vous voulez dire par le « nombre total de demandes reçues »; c'est le nombre de demandes que vous avez reçues.
M. Ladouceur : C'est exact.
Le sénateur Baker : Plus bas, il est question du nombre total de demandes retournées. Est-ce en raison d'un affranchissement insuffisant? Qu'entendez-vous par là?
M. Ladouceur : Les demandes ne se rendent pas jusqu'à nous si l'affranchissement est insuffisant. Les demandes sont retournées pour diverses raisons. Par exemple, les gens ne sont pas admissibles lorsqu'ils font leur demande, la demande envoyée est incomplète, le montant pour couvrir les frais est insuffisant ou les gens ne sont pas du ressort de la commission. Nous pouvons retourner les demandes pour divers motifs.
Le sénateur Baker : Enfin, vous avez « le nombre total de demandes acceptées ».
M. Ladouceur : C'est exact.
Le sénateur Baker : Parmi les demandes acceptées, vous ne nous donnez pas le nombre de demandes qui, à la suite de l'examen final, ont été approuvées ou rejetées.
Mme Brisebois : Nous pouvons vous faire parvenir des statistiques concernant le taux d'octroi de pardons. Est-ce bien ce que vous demandez?
Le sénateur Baker : Oui. C'est ce que je croyais que c'était, mais votre tableau me permet seulement de savoir si les demandes avaient un affranchissement suffisant. Est-ce exact? Vous avez le nombre total de demandes reçues, le nombre total de demandes retournées pour diverses raisons et le nombre total de demandes acceptées, mais vous ne nous dites pas ce qui se passe après que vous avez accepté de les traiter. Ai-je raison?
M. Ladouceur : Dans le présent tableau, non.
Le sénateur Baker : Mon Dieu, votre tableau ne m'apprend pas grand-chose.
Les mêmes statistiques s'appliquent-elles aux demandes de pardon qui ont été octroyées et à celles qui ont été refusées? Est-ce à peu près le même pourcentage? Je vous pose la question, parce que vous avez retourné seulement le tiers des demandes du Manitoba, le cinquième des demandes de l'Ontario, le quart des demandes du Québec, mais vous avez retourné la moitié des demandes reçues de Terre-Neuve-et-Labrador. Pourquoi? Vous vous êtes sûrement penchés sur la question. Les données sont constantes au cours des cinq dernières années; je les ai vérifiées. Pourquoi retournez- vous la moitié des demandes de Terre-Neuve-et-Labrador, mais seulement le cinquième des demandes de l'Ontario?
Mme Brisebois : Nous pouvons seulement vous dire que nous traitons les demandes en fonction des critères établis dans la loi et de nos exigences à cet effet. Lorsque nous recevons une demande, nous effectuons un contrôle. À un certain point, si la demande est incomplète, nous la retournons au demandeur en lui expliquant ce qu'il manque ou en lui disant s'il est admissible ou non au pardon. Encore une fois, lorsque nous retournons une demande, le demandeur ne paye pas les frais. Nous déposons la somme seulement quand la demande de pardon est acceptée et que nous la traitons.
En ce qui concerne les différences entre les régions, nous ne pouvons pas nécessairement les expliquer.
Le sénateur Baker : Eh bien, cette différence régionale est constante. Cette différence pourrait-elle être attribuable, comme le sénateur Boisvenu l'a soulevé, aux 1 000 $ que certains versent aux sociétés de conseils pour qu'elles s'occupent de leur demande? Est-ce une possibilité?
Mme Brisebois : Je répète que la Commission des libérations conditionnelles met à la disposition des demandeurs une ligne sans frais. Les gens peuvent nous appeler s'ils ont des questions ou des problèmes relativement à leur demande. Une personne les guidera dans le processus.
Encore une fois, en ce qui concerne la répartition des tiers fournisseurs de services, je ne crois pas que nous disposions de cette information. Je ne pourrais pas vous dire la tendance, s'il y en avait une entre la région atlantique et les autres régions.
Le sénateur Baker : Monsieur le président, la moitié des demandes de Terre-Neuve-et-Labrador sont retournées, tandis que c'est le cinquième en Ontario. C'est très inquiétant. Je n'ai pas d'autres questions.
Le sénateur Angus : Les crimes sont peut-être plus graves.
Le président : J'imagine que la raison qui explique cette situation demeure en suspens, mais vous avez fait valoir votre point.
Le sénateur Lang : J'aimerais remercier les témoins d'être venus témoigner ici aujourd'hui et d'être revenus sur certains éléments et d'en avoir peut-être expliqué d'autres. Je crois comprendre qu'avec l'adoption du projet de loi l'examen du processus sera plus exigeant qu'auparavant. Évidemment, c'est la Commission qui en est chargée, et les coûts sont plus élevés.
J'aimerais répondre aux commentaires du sénateur Munson au sujet des frais proposés. En fin de compte, il faut se rappeler que ces gens dont nous parlons s'en sont pris, sous une forme ou une autre, à notre société; certains gestes posés sont très graves. Je crois qu'ils doivent payer pour franchir la dernière étape lorsqu'ils réintègrent la société.
J'aimerais revenir sur la question que les sénateurs Baker et Boisvenu ont soulevée, à savoir que bien des demandeurs croient devoir recourir aux services d'un tiers et débourser une importante somme d'argent pour un processus qui est exposé en détail sur le site web. Je crois qu'un témoin a dit qu'en raison de l'accumulation des demandes et de ce dont vous vous occupez, vous avez pris tous les moyens du bord à ce stade pour traiter les demandes reçues par la filière en place.
Seriez-vous prêts à vous engager à revoir vos processus pour voir si vous pouvez les étendre, comme le sénateur Boisvenu l'a proposé, de manière à communiquer directement avec les intéressés, à savoir les anciens détenus qui ont réintégré la société et qui sont rendus à l'étape du pardon? Comment pouvons-nous réussir à faire savoir qu'il s'agit d'un processus simple? Je sais qu'il est bien expliqué et que la commission a pris des mesures pour mettre des gens à la disposition de ceux qui en auraient besoin. Ce n'est pas comme si vous leur aviez tourné le dos.
Seriez-vous prêts à vous engager à examiner davantage comment vous pourriez diffuser l'information pour éviter que les gens déboursent 1 000 $, ou encore plus, pour des services qui n'ont pas lieu d'être?
Mme Brisebois : La commission le fait continuellement; nous nous assurons que le processus de demande et la demande sont expliqués dans un langage simple et facile à comprendre. Étant donné l'accumulation de demandes, la situation actuelle est difficile pour nous. Cependant, avec un programme pleinement viable, je crois que nous pourrions faire davantage pour informer les demandeurs qu'ils peuvent communiquer directement avec la commission grâce à notre numéro sans frais. Nous pourrions aussi sensibiliser davantage les gens et ainsi leur expliquer qu'ils n'ont pas besoin de recourir aux services d'un tiers.
Le sénateur Meredith : Merci de votre exposé instructif sur votre cheminement pour en arriver aux frais proposés.
Par simple curiosité, combien les consultations au Canada ont-elles coûté?
Mme Brisebois : La commission a absorbé les coûts à même son budget; je ne crois pas que nous en connaissions les coûts. Madame Gagné, voulez-vous répondre?
Mme Gagné : J'ai une réponse. Dans le cas de l'analyse des coûts, le ministère nous a aidés à payer les consultants que nous avons engagés, parce que nous essayons de concentrer nos ressources sur nos exigences opérationnelles. Nous avons donc eu de l'aide. Les consultations au sujet du projet de loi C-23B ont coûté 15 000 $ pour l'analyse des coûts, et l'analyse coûts-avantages n'a pas vraiment coûté plus cher.
Le sénateur Meredith : Les sénateurs Fraser et Baker ont abordé la question du processus de demande. Pourriez- vous nous expliquer étape par étape le processus entre le moment où la demande vous est envoyée et le moment où le demandeur reçoit une réponse? J'aimerais que vous nous l'expliquiez seulement pour que nous nous rendions compte du nombre de gens qui prennent part au processus. Vous nous demandez d'appuyer des frais de 631 $, et j'essaye de comprendre où va cet argent. Le sénateur Runciman en a parlé plus tôt, mais j'aimerais avoir plus de précisions.
Mme Gagné : M. Ladouceur est le directeur du programme.
M. Ladouceur : Le processus dépend de la méthode de poursuite, mais d'un point de vue administratif, il commence toujours de la même façon. La demande est reçue, puis nous vérifions que tout est là. S'il manque des documents ou des éléments — pour faire suite à la première question du sénateur Baker —, nous la retournons au demandeur en lui expliquant ce qui manque. Il peut s'agir, par exemple, d'un dossier de la police locale, d'une adresse ou d'un numéro de téléphone.
Le sénateur Meredith : Les demandeurs doivent-ils repartir à zéro et présenter de nouveau une demande, ou renvoient-ils seulement l'information manquante?
M. Ladouceur : Ils doivent renvoyer les éléments manquants. Le document de correspondance leur est envoyé, et nous leur expliquons ce qui manque. Malheureusement, nous perdons parfois la trace du demandeur, mais c'est un tout autre problème.
Lorsque nous recevons la demande et qu'elle est complète, nous la soumettons à un examen qui permettra de nous assurer que le demandeur ne fait l'objet d'aucune autre accusation ou condamnation. Ensuite, nous déposons les frais. Nous ne le faisons pas tant que nous ne sommes pas certains d'avoir tous les éléments en main. Dans le cas d'une simple déclaration de culpabilité par procédure sommaire, nous évaluons la bonne conduite, par exemple, en vérifiant auprès du Centre d'information de la police canadienne ou en interrogeant d'autres banques de données de la police pour nous assurer que le demandeur n'a pas eu d'autres démêlés avec la justice ou qu'il n'a pas fait l'objet d'autres accusations. Enfin, le dossier est acheminé à la commission.
Je ne peux pas vous dire précisément combien de temps le processus prend, parce que tout dépend, comme le sénateur Runciman l'a fait valoir, du nombre de crimes commis. Dans le cas d'une infraction punissable par mise en accusation, la loi nous oblige à effectuer des vérifications approfondies. Nous devons remonter jusqu'à l'époque où l'infraction a été commise et en évaluer la nature et la gravité. C'est donc dire que parfois nous devons fouiller dans les archives.
Je peux vous donner l'exemple précis d'une personne qui avait présenté une demande de pardon et qui avait été condamnée pour un délit sexuel en 1976. Il n'y avait que cette infraction. Un tribunal provincial l'a condamnée à une peine de deux ans moins un jour; donc, je ne pouvais pas tout simplement interroger les banques de données fédérales. Bref, j'ai dû trimer dur pour trouver de l'information dans ces banques de données. Les renseignements ont été acheminés à la commission, qui a examiné le dossier et a réservé sa décision, parce qu'elle voulait obtenir d'autres données. Le tout a pris environ entre neuf mois et demi et 11 mois, parce que nous devions remonter dans le temps.
Il est question de données qui remontent à 20, 30 ou 40 ans. Le processus dépend du type d'infraction et de la sentence.
Le sénateur Meredith : En pourcentage, combien de demandeurs occupent déjà un emploi et combien reçoivent de l'aide sociale?
Mme Brisebois : Encore une fois, pour faire suite aux questions posées plus tôt, nous ne recueillons pas cette information dans le cadre de la demande de pardon, parce qu'il ne s'agit pas d'un élément pertinent au processus. La loi nous permet seulement de recueillir les renseignements requis pour évaluer une demande de pardon. Nous ne connaissons pas nécessairement la situation économique du demandeur ou des données démographiques aussi précises à son sujet.
Le sénateur Meredith : Ne croyez-vous pas que ce soit important? Je crois que les sénateurs seraient de mon avis. Si une personne qui essaye d'obtenir un emploi doit recevoir de l'aide sociale pendant qu'elle attend la décision de la commission, elle entraîne un coût supplémentaire pour l'État durant cette période. Le processus pourrait être expédié, si la commission savait que le demandeur avait besoin de son pardon pour obtenir un emploi et poursuivre sa vie. Ne serait-ce pas là des renseignements qui pourraient être recueillis de manière générale?
Mme Brisebois : Cet aspect fait déjà partie du processus, étant donné que nous demandons aux gens de nous expliquer ce que l'obtention d'un pardon leur rapporterait. Les demandeurs peuvent mentionner qu'ils se cherchent un travail ou qu'ils essayent de s'acheter une maison. Encore une fois, ces renseignements sont divulgués librement par les gens dans cette explication.
Voulez-vous compléter, monsieur Ladouceur?
M. Ladouceur : Mme Brisebois a raison. Nous ne recueillons pas directement les données démographiques, mais on les retrouve dans les avantages mesurables. La grande majorité des demandeurs qui doivent démontrer ces avantages mentionnent souvent l'emploi. Cela ne veut pas nécessairement dire qu'ils sont sans emploi. Un demandeur pourrait expliquer qu'un meilleur emploi l'attend, mais qu'il lui faut obtenir son pardon. Pour ce qui est de données quantifiables, je n'en ai pas et je n'ai pas besoin d'en recueillir.
Mme Brisebois : J'aimerais ajouter un point. Vous avez demandé si nous expédions le processus de pardon. Encore une fois, nous n'avons pas un tel système. Par exemple, pour obtenir un passeport, on peut expédier le processus en déboursant un peu plus d'argent. Le processus pour obtenir un pardon est le même pour tout le monde. Il ne s'agit pas d'un système à plusieurs volets. Bref, la demande est traitée.
Le sénateur Meredith : Le sénateur Fraser a déjà soulevé la question, mais, à la lumière du nombre de réponses négatives que vous avez reçues — seulement 12 répondants vous appuyaient —, vous avez tout de même senti le besoin d'aller de l'avant avec le processus pour faire passer les frais à 631 $.
Vous avez mentionné trois raisons, soit le fardeau financier, l'impossibilité de décrocher un emploi et l'imposition d'une nouvelle pénalité. Quelles sont les autres raisons que les répondants ont données pour expliquer leur opposition à une augmentation marquée des frais?
Mme Brisebois : Nous avons reçu diverses raisons. En excluant les 16 plaintes qui ont été soumises à un comité consultatif indépendant, je dois dire que certains répondants ont seulement répondu non à l'augmentation des frais. Ils ne nous ont pas expliqué pourquoi ils ne nous appuyaient pas. Pour revenir aux diverses raisons évoquées, il y avait aussi l'incapacité pour certaines personnes de payer les frais. Des gens ont mentionné que le programme serait difficile d'accès pour les Autochtones et les femmes. D'autres ont dit que l'augmentation des frais rendrait le programme plus difficile d'accès, particulièrement pour les gens ayant des ressources financières limitées. Des répondants nous ont proposé de fixer les frais en fonction de barèmes variables, dont la situation économique du demandeur, qui seraient déterminés par la commission. Encore une fois, en vertu de la loi actuelle sur le programme de pardon, la prise de telles décisions ne relève pas de la commission. Nous sommes un tribunal administratif indépendant; nous administrons le programme de pardon. Encore une fois, je ne suis pas certaine si cela répond entièrement à votre question.
Le sénateur Angus : Un commentaire de Mme Gagné a piqué ma curiosité. Elle a affirmé que, pour chaque dollar que le programme coûterait à l'État, on pourrait escompter des avantages équivalant à 2,83 $. J'ai peut-être raté l'explication, mais j'aimerais savoir quels sont ces avantages et comment vous les mesurez.
Mme Gagné : Les avantages mesurés dans l'analyse coûts-avantages sont en grande partie attribuables aux revenus amassés à la suite de l'augmentation des frais comparativement au temps d'attente et à l'accumulation de dossiers en raison de la lenteur du traitement des demandes, si rien n'est fait. De plus, nous avons attribué une valeur à l'accès à de plus amples possibilités d'emplois et à l'avantage de pouvoir voyager avec sa famille. Nous avons tenu compte de tous ces éléments dans nos calculs, et nous avons conclu que pour chaque dollar de coûts, on pourrait escompter des avantages équivalant à 2,83 $. Nous avons mené une autre étude dans le cadre de l'analyse coûts-avantages, à savoir une enquête sur la volonté de payer des demandeurs. Dans cette analyse, nous avons examiné ce qu'ils seraient prêts à payer pour un pardon, ou ce qu'ils croient qu'un pardon vaut, en fonction des avantages qu'ils en retireraient. Nous sommes arrivés à un montant maximal situé entre 845 et 1 425 $. Voilà ce que les demandeurs de pardon étaient prêts à débourser.
Le sénateur Angus : Le programme de pardon est conçu pour n'avoir aucune incidence sur les revenus, n'est-ce pas?
Mme Gagné : C'est exact. Ces renseignements n'étaient que pour l'analyse coûts-avantages. Notre analyse ne tenait compte que de la charge de travail.
Le sénateur Angus : Donc, les avantages équivalant à 2,83 $ pour chaque dollar dépensé n'incluent pas les revenus, mais bien les autres impondérables.
Mme Gagné : C'est exact. Cela n'a rien à voir avec les coûts.
Le président : Avant de poursuivre avec la deuxième série de questions, j'ai une question pour vous, madame Brisebois. J'ai trouvé intéressant d'apprendre que, selon vous, l'augmentation des frais d'administration mettrait fin à la réaffectation des fonds du programme de mise en liberté sous condition de la commission.
Cette réaffectation se fait-elle actuellement, ou se fera-t-elle plus tard?
Mme Brisebois : Oui, nous réaffectons actuellement des fonds, et Mme Gagné peut vous expliquer comment nous devons gérer nos ressources internes.
Mme Gagné : Comme Mme Brisebois le disait, nous réaffectons des fonds actuellement, et ce, depuis toujours. Nous avons de la difficulté à traiter le nombre de demandes de pardon, qui a considérablement augmenté au fil des ans. En 2008, dans le cadre de notre examen stratégique, nous avons remarqué que nous utilisions des fonds du programme de mise en liberté sous condition pour renflouer le programme de pardon. Nous agissions ainsi pour permettre aux gens de recevoir leur pardon.
Au lieu de dire que nous réaffections ailleurs des fonds du programme, je préfère dire que nous allions de l'avant avec des mesures dans le programme de pardon et que nous reportions des initiatives nécessaires dans le programme de mise en liberté sous condition. Nous les remettions à plus tard en attendant d'avoir des fonds dans le cadre financier ou de fonctionner selon le principe du recouvrement des coûts pour gérer le programme adéquatement.
Le président : Madame Gagné, vous dites que la réaffectation des fonds du programme de mise en liberté sous condition vous a permis de mettre en place des mesures que vous n'auriez autrement pas pu prendre. Quels effets cette réaffectation a-t-elle sur les gens qui bénéficient d'une liberté sous condition? S'il manque d'argent dans le programme de mise en liberté sous condition, y aura-t-il des conséquences pour eux?
Mme Gagné : Non. Nous nous sommes assurés que les réaffectations ne nuiraient en aucun cas au programme de mise en liberté sous condition.
Bien souvent, nous essayons de retarder les embauches. Les salaires occupent la plus grande part des dépenses de la commission, soit 85 p. 100. Retarder les embauches dans divers services nous aide énormément à aller de l'avant. Nous avons dû remettre à plus tard d'autres initiatives, comme celle de fournir un soutien additionnel à l'établissement du calendrier, qui est actuellement très éprouvé. Lorsque les fonds seront rétablis dans le programme de mise en liberté sous condition, nous pourrons corriger la situation.
Le président : Merci beaucoup. Passons à la deuxième série de questions. Sept sénateurs souhaitent poser des questions. Il nous reste encore beaucoup de temps, mais je vous prierais de bien vouloir limiter vos interventions à cinq minutes, ce qui nous permettra de nous assurer que tout le monde a l'occasion de poser ses questions. Si nous avons le temps, nous pourrions y aller d'une troisième série, même si je ne vous le conseille pas. Toutefois, je veux m'assurer que tous les sénateurs peuvent poser leurs questions aux fins du compte rendu.
Le sénateur Fraser : J'aimerais revenir sur l'analyse coûts-avantages. L'un des thèmes récurrents dans les réponses, dont celles du comité consultatif indépendant, était que non seulement les demandeurs, mais aussi la société en général soutirent des avantages du programme de pardon. Avec un pardon, une personne peut s'intégrer davantage dans la société et continuer d'être un membre productif et de vivre sa vie dans le respect des lois.
Dans votre explication de l'analyse coûts-avantages, j'ai eu l'impression que les 2,83 $ mesuraient essentiellement les avantages retirés par la personne qui obtient son pardon et sa famille, dans une certaine mesure, mais qu'ils ne tenaient pas compte des avantages que retire la société en général.
Pour mettre le tout en contexte, je vais vous lire un extrait du rapport de mai 2008 de la vérificatrice générale, qui n'est pas une âme sensible. Bien entendu, elle a dit que vous devez réaliser une analyse des coûts pour l'État. Selon elle, il faut aussi tenir compte d'autres facteurs, notamment ceux qu'elle a qualifiés de facteurs principaux. Voici le premier :
[...] que l'on tienne compte de la part des coûts ou de la valeur qui sera prise en charge par les utilisateurs et de la part qui sera prise en charge par les contribuables par l'entremise de leurs impôts et taxes. C'est là une tâche difficile, mais essentielle pour s'assurer que le fardeau soit réparti de façon équitable entre les utilisateurs et les contribuables. [...] Si les organisations gouvernementales exigent des droits trop élevés pour des avantages ou des services, les utilisateurs qui paient les droits pourraient subventionner des avantages dont jouit le public en général.
Dans votre analyse coûts-avantages, avez-vous tenu compte de la répartition équitable du fardeau, lorsque vous avez décidé que tous les frais incombaient à la personne qui demande son pardon, même si la société en général en retire en fait un avantage?
Mme Gagné : Nous avons aussi consulté le rapport en question. Son analyse nous intéressait. Pour réaliser notre première étude, nous avons consulté ceux qui ont obtenu la meilleure note pour comprendre exactement comment ils avaient effectué leur analyse de coûts.
Les commentaires de la vérificatrice générale concernent davantage l'analyse des coûts que l'analyse coûts- avantages, dont le but est de démontrer la présence d'un avantage. Cependant, en ce qui a trait à l'analyse des coûts, il faut trouver un équilibre entre les droits perçus et les coûts du programme. Autrement, on ne perçoit pas suffisamment de droits pour assurer la viabilité du programme.
Il y a souvent une différence entre les droits et le coût du programme. Étant donné que nous voulons fonctionner selon le principe du recouvrement des coûts, nous nous efforçons d'arrimer le plus possible nos droits aux coûts. Cependant, selon moi, nous avons été prudents au sujet de certains aspects pour éviter de nous retrouver avec un excédent. De plus, les coûts n'incluent pas les coûts ponctuels. La mise en œuvre du projet de loi C-23A occasionne des coûts, et beaucoup de nouveaux éléments ponctuels doivent être faits. Nous devons tenir compte seulement des coûts permanents dans notre analyse.
À mon avis, en tant que comptable, les risques sont plus élevés de ne pas percevoir suffisamment de droits que le contraire.
Le sénateur Fraser : Vous dites « en tant que comptable ». C'est une excellente qualification.
Le président : Sénateur Fraser, je...
Le sénateur Fraser : Une dernière question, s'il vous plaît.
Le président : Je vais devoir vous demander de la réserver pour la troisième série de questions. Je suis désolé, mais le temps file.
Le sénateur Fraser : J'ai eu peu de temps dans la première série. D'autres ont parlé vraiment plus longtemps que moi.
Le président : Voilà pourquoi j'ai pris soin d'expliquer que j'appliquerais la règle de l'égalité pour la présente série. Si tout se passe bien, nous aurons peut-être le temps de revenir à vous, et j'espère que nous le pourrons.
Sénateur Munson.
Le sénateur Munson : Dans ce cas, je ne vais pas poser de questions; je vais seulement faire un commentaire. Ne dit- on pas que le crime ne paie pas? Il faudra débourser beaucoup plus d'argent pour obtenir une deuxième chance dans la vie.
En ce qui concerne les passeports et les coûts pour en obtenir un, je crois qu'il faut maintenant débourser 87 ou 92 $ pour en avoir un. Voici ce que vous avez affirmé dans votre déclaration : « Pour assurer le recouvrement intégral des coûts du programme de pardon, conformément aux directives du gouvernement... » J'ai demandé plus tôt si cette façon de procéder faisait partie d'une tendance. Le principe du recouvrement des coûts se répandra-t-il à toute l'administration fédérale? Devrions-nous nous attendre prochainement à recevoir une nouvelle directive gouvernementale concernant les passeports? Je peux vous assurer que le traitement d'une demande de passeport ne coûte pas seulement 92 $ à l'État. C'est beaucoup plus élevé.
Je sais que vous ne pouvez pas y répondre, mais je vais seulement lancer la question. Le gouvernement en profitera- t-il pour introduire le principe du recouvrement des coûts dans tous les ministères? Si on applique ce principe aux demandes de pardon, on devrait aussi l'appliquer aux demandes de passeport.
Le président : Merci, sénateur Munson. Je sais que vous n'êtes pas un membre régulier du comité, mais nous avons déjà eu cette discussion. Notre rôle est d'interroger les témoins; il ne s'agit pas d'une tribune pour étaler nos opinions. Je comprends la contrainte du temps. Je m'excuse.
Le sénateur Munson : Pourriez-vous l'expliquer au sénateur...
Le président : Je suis désolé, sénateur Munson.
Si les autres sénateurs pouvaient eux aussi se limiter, nous leur en saurions gré.
Sénateur Chaput.
[Français]
Le sénateur Chaput : J'aimerais revenir aux personnes admissibles au pardon et qui ne sont pas capables de payer ce qu'ils doivent payer pour la demande, c'est-à-dire le frais de 150 $ auparavant et le frais qui est maintenant de 600 $.
Je reviens à ce point parce que je pense au commentaire du sénateur Boisvenu. Il nous a dit avoir consulté Internet et avoir observé que 75 p. 100 des personnes admissibles au pardon payaient une somme de 1 000 $. C'est évident que ces gens ont de l'argent ou qu'ils ont un réseau pour les appuyer. Mais il reste une proportion de 25 p. 100 des gens.
Je pense ensuite à ce que le sénateur Baker a mentionné au sujet des statistiques et concernant un point très intéressant à l'égard de Terre-Neuve-et-Labrador, à savoir pourquoi il y a un pourcentage élevé d'applications qui ne sont pas acceptées.
Tout cela m'amène à vous dire qu'il y a un pourcentage de ces personnes admissibles au pardon qui ne pourront pas se le payer. Qu'allons-nous faire pour prévenir cela? Même si vous ne disposez pas de statistiques, c'est évident.
En Australie, à titre d'exemple, le demandeur peut être dispensé du paiement des frais reliés à sa demande s'il n'est pas en mesure de payer. Je pense que c'est une première piste de solution.
Puisque nous faisons le suivi avec ceux qui obtiennent leur pardon, pourquoi ne pouvons-nous pas penser qu'il y aurait moyen de retarder le paiement de ces nouveaux frais jusqu'à ce que le citoyen réhabilité puisse se trouver un emploi? Pourquoi ne peut-on pas faire de la prévention et penser de cette façon?
Il y a une réalité, qu'on veuille l'admettre ou non. Dans ma tête, c'est assez clair; la réalité, c'est qu'une proportion de personnes plus démunies — et je pense aux femmes et aux Autochtones — ne pourront pas payer ce montant.
Avez-vous pensé à de la prévention? Avez-vous pensé à exempter ces personnes des paiements? Ou est-ce que cela ne fait pas partie de vos responsabilités?
[Traduction]
Mme Brisebois : Encore une fois, dans la présente structure de tarification, il est impossible de ne pas percevoir de droits. Nous administrons le programme de pardon en vertu de la loi. En Australie, je crois que les pardons peuvent aussi être octroyés automatiquement en vertu de la loi. Je répète que la commission ne peut pas le faire, parce que cela dépasse la portée de son mandat.
Le sénateur Baker : Vous êtes chargés d'examiner les demandes des gens qui souhaitent obtenir un pardon pour les crimes qu'ils ont commis.
Au cours d'autres séances du comité, nous avons entendu dire que le nombre de gens au Canada qui ont un casier judiciaire s'élève à environ 10 p. 100. Autrement dit, 10 p. 100 des Canadiens ont un casier judiciaire. Je ne connais pas la répartition des Canadiens adultes qui ont un casier judiciaire. Je n'en ai pas fait l'analyse, mais je sais qu'il s'agit d'un nombre astronomique.
À la lumière de votre réponse sur l'Australie, où existe un système de délivrance automatisé, pour l'appeler ainsi, la Commission nationale des libérations conditionnelles s'inspire-t-elle d'autres nations pour rendre ses décisions sur les demandes de pardons?
Pouvez-vous vous inspirer d'un autre pays pour trouver des précédents ou des façons d'améliorer vos mécanismes? Voilà ma principale interrogation.
M. Ladouceur a précisé que vous consultiez des « banques de données de la police ». Nous connaissons le CIPC, et nous savons qu'il existe environ trois autres banques de données. Certaines sont fondées sur des rumeurs; d'autres ne feraient certainement pas le poids devant la prépondérance des probabilités et encore moins devant la notion du doute raisonnable. J'étais curieux de connaître les banques de données que vous consultez, mais ma principale question est de savoir s'il s'agit d'un nombre astronomique.
Le président : S'agit-il d'une troisième question?
Le sénateur Baker : Non, c'est ma question principale, monsieur le président. Ce qui me préoccupe, ce sont ces 10 p. 100 qui ont un casier judiciaire au Canada et le processus par lequel vous tentez de traiter ces modèles de demandes.
Le président : Nous serions reconnaissants aux témoins s'ils pouvaient répondre le plus brièvement possible.
M. Ladouceur : Pour répondre au premier volet de la question, on ne peut faire aucune autre comparaison à l'échelle internationale. Le Canada est le seul pays qui met le dossier sous séquestre. Les autres pays octroient la réhabilitation, engagent des dépenses, et n'effectuent à peu près aucune évaluation. Nous pourrons entrer dans les détails du processus plus tard.
Nous nous servons de la base de données du CIPC comme portail vers les bases de données d'autres organismes d'application de la loi, où nous recueillons des renseignements supplémentaires. Ensuite, nous pouvons consulter ces organismes pour leur demander des précisions. Il leur revient de décider si nous pouvons utiliser ces bases de données. C'est à leur discrétion, car lorsque la commission rend une décision, elle doit divulguer toute l'information au candidat à la réhabilitation.
[Français]
Le sénateur Boisvenu : Je répéterai au sénateur Munson que la notion d'utilisateur payeur est déjà ancrée au gouvernement fédéral. Je pense entre autres à l'obtention d'un visa; obtenir un visa pour entrer au Canada coûte actuellement 474 $. C'est le frais réel. Je pense donc que le fait d'appliquer la notion d'utilisateur payeur pour le pardon n'est pas une première. Aussi, un ex-criminel qui obtient un pardon de la société canadienne, c'est un privilège.
Il y a dix ans, 30 p. 100 des criminels ou des ex-détenus faisaient affaire avec une entreprise privée.
Aujourd'hui, le chiffre que j'ai pour 2009-2010, c'est 74 p. 100. Il y a un problème réel là. Pour moi, ce n'est pas un problème d'augmenter à 600 $. Les trois quarts le paient déjà. Et même plus. On a vu des cas jusqu'à 1 000 $.
[Traduction]
Le président : Sénateur, si vous avez une question, pourriez-vous la poser?
[Français]
Le sénateur Boisvenu : Est-ce qu'il y aurait avantage à ce que vous fassiez un sondage auprès des gens qui ont payé ce montant de 600 ou 800 $, afin de savoir pour quelle raison ils n'ont pas fait appel à vos services qui, j'en suis certain, sont de très bonne qualité?
Il serait intéressant de savoir pourquoi ces gens s'adressent à une entreprise privée plutôt qu'à la commission.
[Traduction]
Mme Brisebois : En ce moment, notre objectif est de traiter les demandes et de nous doter d'un programme de réhabilitation efficace. Le problème, c'est que nous accusons un retard dans le traitement des demandes.
Si nous en avions le pouvoir — et nous devrions confirmer que nous l'avons pour effectuer un sondage visant à découvrir la raison qui pousse les candidats éventuels à faire appel à une entreprise privée —, nous pourrions trouver de meilleures façons de communiquer avec eux. Vous devez toutefois comprendre que pour le moment, nous accusons un retard dans le traitement des demandes. Même si nous détenions le pouvoir nécessaire, il nous serait difficile d'accomplir ce type d'activité, et nous devrions confirmer si la Loi sur la protection des renseignements personnels nous permettait d'effectuer un sondage supplémentaire.
Le président : J'ai l'impression que vous voulez poser une autre question, sénateur, mais je vous prierais, comme je l'ai fait avec le sénateur Fraser, de la garder pour la troisième série de questions. J'aimerais que tout le monde puisse avoir la parole pendant la deuxième série.
Le sénateur Meredith : Je crois que tout le monde mérite une deuxième chance, et qu'il faut donner à tous l'occasion de se racheter et de mener une vie normale en n'alourdissant pas leur fardeau. Ils ont des torts envers la société, et il revient au gouvernement de mettre en place des mécanismes qui leur permettront de se racheter et de contribuer à la société.
Nous comprenons qu'un fardeau accable déjà ces personnes sur le plan de la communication. Existe-t-il un mécanisme qui permet de leur faire savoir que la commission demande seulement 631 $ pour ses services, contrairement aux experts- conseils, qui exigent 1 000, 1 200 ou 1 500 $? Je ne cherche pas à les acculer à la faillite, mais il est important que la population soit informée de ce que le gouvernement fait pour veiller à ce que les Canadiens puissent se prévaloir de l'aide qui existe lorsqu'ils remplissent leur demande.
Un tel processus existe-t-il? Envisagez-vous ce genre de mesures pour alléger le fardeau de ces personnes?
Mme Brisebois : Nous espérons qu'avec ces droits de 631 $, nous serons mieux en mesure d'expliquer aux candidats qu'ils peuvent s'adresser directement à notre organisme.
Le sénateur Meredith : Y a-t-il un processus en place pour y arriver?
Mme Brisebois : Nous avons une ligne sans frais et on peut trouver des renseignements sur notre site web. M. Ladouceur pourrait peut-être nous en dire plus à ce sujet.
M. Ladouceur : Nous avons essayé de clarifier et de simplifier le langage utilisé dans le processus, par exemple sur notre site Web, et comme l'a souligné Mme Brisebois, nous avons aussi une ligne sans frais.
Nous essayons de nous servir d'un grand nombre d'ONG comme voies de communication afin d'expliquer le processus de réhabilitation. Toutefois, notre organisme n'est pas en position d'intervenir davantage.
Le sénateur Meredith : Il est important de souligner le travail des ONG et des organismes sans but lucratif qui aident grandement les gens, surtout les jeunes, qui ont commis des erreurs et qui veulent changer et passer à autre chose.
Un grand nombre d'organismes sans but lucratif aident ces gens. Il est important que la commission se dote d'un mécanisme qui l'aiderait à établir le contact. Vous offrez un très bon service.
Le président : Sénateur, avez-vous une question?
Le sénateur Meredith : La communication est essentielle.
Le sénateur Lang : J'aimerais revenir sur ce qu'a dit le sénateur Baker au sujet du nombre de personnes qui font une demande de réhabilitation; elles sont, en moyenne, entre 30 000 et 35 000 chaque année. Vous avez donc un grand nombre de demandes à traiter.
J'ai remarqué qu'en Australie, les « infractions mineures » pouvaient être automatiquement supprimées du dossier après une période donnée. Envisagez-vous de recourir à un processus de ce genre afin de réduire le nombre de demandes, puisqu'elles seraient automatiquement supprimées, contrairement aux demandes liées à des infractions très graves?
Mme Brisebois : Il reviendrait au gouvernement de décider si une modification législative en ce sens serait envisageable.
Le sénateur Lang : Lui en avez-vous fait la recommandation?
Mme Brisebois : La commission est un tribunal administratif indépendant. Son rôle est de gérer le programme de réhabilitation et de rendre des décisions à ce sujet. Il reviendrait au gouvernement de décider comment il veut proposer et mettre en œuvre la disposition législative.
Le sénateur Lang : Ne serait-il pas profitable à la commission d'au moins faire une recommandation au gouvernement qui pourrait simplifier son travail?
Mme Brisebois : La commission cherche continuellement à rendre le traitement des demandes de réhabilitation plus efficace dans le cadre de la loi actuelle, car elle a le pouvoir de prendre des décisions concernant ces demandes. Comme je l'ai dit, il revient au gouvernement de décider comment il veut modifier la loi.
Le sénateur Runciman : L'expert-conseil qui a établi les coûts a-t-il aussi établi ceux du processus de présélection? Vous avez précisé que vous jugiez 40 p. 100 des demandes irrecevables ou incomplètes. A-t-on établi les coûts associés à cette démarche?
Mme Gagné : Oui, une partie des coûts vient en fait du processus de présélection.
Le sénateur Runciman : Le tarif de 631 $ en tient donc compte?
Mme Gagné : En effet.
Le sénateur Runciman : Pour revenir à un commentaire de M. Ladouceur qui touche à ma question sur les distinctions, vous avez mentionné les niveaux. Je crois que vous avez dit qu'une enquête plus exhaustive était nécessaire pour les condamnations s'appliquant à un ou plusieurs actes criminels. Je pense que le fait que vous admettiez que les infractions et les condamnations plus graves peuvent nécessiter une enquête beaucoup plus poussée traduit une injustice inhérente au processus.
Monsieur le président, ce n'est peut-être pas possible, mais j'aimerais bien qu'on demande à l'expert-conseil de comparaître. J'aimerais discuter de ce processus et de ce qu'on peut y faire. En effet, si certaines infractions se retrouvent dans une catégorie, à peut-être trois ou quatre niveaux, cela peut devenir assez complexe.
Une personne qui a commis un acte criminel grave ne devrait pas être traitée de la même façon qu'une personne qui a commis un délit mineur. Nous devons récupérer les coûts associés à chaque crime, mais cette approche est entachée d'une injustice inhérente et j'aimerais qu'on s'en occupe.
Le président : Nous pourrions nous pencher là-dessus lors de nos prochaines discussions.
Nous allons maintenant passer, comme promis, à la troisième série de questions, en redonnant la parole au sénateur Fraser.
Sénateur Fraser : Merci beaucoup, monsieur le président.
En plus de l'analyse coûts-avantages, la commission a effectué une étude d'impact. Cette étude n'a pas été rendue publique, car elle serait apparemment rédigée en termes trop techniques pour que le commun des mortels comme nous puisse y comprendre quoi que ce soit.
J'ai deux questions. La première est en fait une suggestion, mais je vais la faire passer pour une question; j'aimerais savoir si vous allez tenir compte de ce qui s'est récemment produit au Québec, ma province, où un ministre a déclaré qu'il n'allait pas divulguer divers rapports au public, car ils étaient rédigés en termes trop techniques et pourraient ne pas être compris. Ces rapports concernaient l'effondrement de ponts, de tunnels et de passages supérieurs. Ce ministre n'est plus en fonction.
Le nouveau ministre les a rendus publics, et on a même réussi à trouver des spécialistes pour les expliquer à la population. Voilà donc ma question tournée en suggestion. S'agit-il de quelque chose que vous pourriez envisager?
Deuxièmement, avez-vous, dans votre étude d'impact, tenu compte de l'impact différencié sur divers groupes? En effet, on mentionne les femmes et les Autochtones dans certains de ces rapports. Si vous en avez tenu compte, quel était l'impact différencié sur ces groupes? Il se pourrait aussi que les répercussions de cette augmentation causent des difficultés particulières aux populations des collectivités éloignées.
Mme Brisebois : Je vais répondre au premier volet de la question, et s'il y a des renseignements supplémentaires, Mme Gagné pourra probablement parler de l'analyse de l'impact différencié dans le cadre de l'analyse coûts-avantages. Lorsque vous parlez d'étude d'impact, je pense que vous faites référence à notre analyse coûts-avantages.
Le sénateur Fraser : Non. D'après les documents que j'ai en main, on a effectué deux analyses différentes, c'est-à-dire une étude d'impact et une analyse coûts-avantages. Ce n'est peut-être pas le cas?
Mme Brisebois : Oui. L'information utilisée pour l'analyse coûts-avantages est tirée de celle utilisée en partie dans l'établissement des coûts qu'a aussi effectué Mme Gagné. Nous nous sommes aussi servis de l'information provenant de ce rapport pour produire une partie de l'information de notre consultation. Nous avons tenté de rendre l'analyse coûts-avantages accessible et claire au public, afin que les gens comprennent comment la Commission en est arrivée à proposer des droits de 631 $.
Je sais que le comité consultatif indépendant avait quelques questions au sujet de la diffusion du document. Lorsque nous avons été mis au courant de ses préoccupations au sujet de l'accessibilité du rapport, nous en avons envoyé une copie aux 16 personnes qui avaient été convoquées au comité consultatif indépendant. Le comité en avait évidemment une copie. Je voulais juste préciser que nous en avions envoyé une copie.
Le sénateur Fraser : À certaines personnes?
Mme Brisebois : Oui. Toutefois, comme je l'ai dit, il s'agit d'un rapport très détaillé de 50 pages qui a été rédigé par un économiste. Afin de rendre notre information et notre processus de demande de réhabilitation accessibles au public et d'en faciliter la compréhension, nous nous efforçons de les rédiger dans un langage simple et clair. Je vois cependant très bien ce que vous voulez dire.
Le sénateur Fraser : Vous m'excuserez d'avoir confondu les termes, car « analyse coûts-avantages » et « étude d'impact » se retrouvent tous les deux dans les documents qu'on nous a remis. Qu'en est-il de l'impact différencié?
Mme Gagné : Je ne suis pas certaine de ce que vous entendez par impact différencié. D'après votre question, j'en déduis que vous voulez savoir la différence entre l'étude d'impact de la réglementation et l'analyse coûts-avantages.
Le sénateur Fraser : Permettez-moi de reformuler la question. Dans vos analyses, vous êtes-vous attardés à calculer si certains groupes en particulier souffriraient plus de l'augmentation des frais que d'autres groupes? On laisse entendre, dans les documents que nous a envoyés la Commission, que des préoccupations ont notamment été soulevées au sujet des répercussions sur les femmes et les Autochtones. Avez-vous ajusté votre analyse coûts-avantages aux différents groupes, ou avez-vous simplement calculé une moyenne générale?
Mme Gagné : L'analyse coûts-avantages n'est pas fractionnée selon ces facteurs et je ne sais pas si c'est le cas pour l'étude d'impact.
Mme Brisebois : Elle ne l'est pas non plus. Toutefois, comme je l'ai dit, on tient quand même compte du fait que certains groupes ont plus de difficulté à accéder à la réhabilitation, mais cela demeure difficile à quantifier. Pour revenir aux candidats à la réhabilitation, nous n'avons pas de données démographiques précises à leur sujet, car nous ne pouvons recueillir que les renseignements nécessaires au traitement des demandes de réhabilitation. Toutefois, l'analyse générale a été effectuée dans le cadre de l'analyse coûts-avantages. Nous reconnaissons aussi que l'augmentation des droits constituera un obstacle pour les gens qui ont peu de moyens. Nous en sommes conscients.
Le président : La dernière question de la réunion sera posée par le sénateur Boisvenu.
[Français]
Le sénateur Boisvenu : J'ai œuvré dans le milieu gouvernemental pendant 30 ans, dont plusieurs années à titre de sous- ministre. Lorsque les citoyens font appel aux entreprises privées, dans les trois quarts des cas, plutôt que de faire appel à des services gouvernementaux, comme gestionnaire, j'essaie de savoir quelle est la façon d'améliorer les services aux citoyens.
Je vous pose la même question. Est-ce que vous songez à mener une étude afin de savoir pourquoi les citoyens ne font pas appel à vos services mais gaspillent plutôt leur argent dans des entreprises privées? Cette étude m'apparaît essentielle pour améliorer vos services.
[Traduction]
Mme Brisebois : Comme je l'ai dit, nous comptons envisager ces moyens lorsque nous serons en meilleure position et que le programme sera viable. Nous reconnaissons, en même temps, que nous sommes un organisme gouvernemental. Les fournisseurs de services au privé sont à but lucratif, ce qui leur permet d'avoir recours à des campagnes publicitaires et à d'autres moyens pour solliciter les candidats à la demande de réhabilitation.
Cela dit, si le programme est viable, nous pourrions envisager des façons de mieux faire savoir aux Canadiens qu'ils peuvent s'adresser directement à la commission au lieu de consulter des fournisseurs de services au privé.
Le président : C'est tout pour la réunion d'aujourd'hui. Au nom des membres du comité, je tiens à vous remercier, représentants de la Commission nationale des libérations conditionnelles, de votre contribution. Nous sommes très chanceux de vous avoir eu aussi longtemps; ce n'est pas toujours le cas lorsque nous recevons des groupes de témoins. À mon avis, nous avons tiré le maximum de chaque seconde, et nous vous sommes très reconnaissants pour toute l'aide que vous nous avez apportée. Merci beaucoup.
Nous allons suspendre les travaux et nous reprendrons notre étude le mercredi 5 octobre, à 16 h 15.
(La séance est levée.)