Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Affaires juridiques et constitutionnelles
Fascicule 2 - Témoignages du 5 octobre 2011
OTTAWA, le mercredi 5 octobre 2011
Le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles se réunit aujourd'hui, à 16 h 19, pour étudier la proposition relative aux frais d'utilisation de la Commission des libérations conditionnelles du Canada, conformément à la Loi sur les frais d'utilisation, L.C. 2004, ch. 6, par. 4(2).
Le sénateur John D. Wallace (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président : Bonjour et bienvenue aux sénateurs, aux invités et aux membres du public qui regardent notre séance sur le CPAC. Je suis le sénateur John Wallace, je viens du Nouveau-Brunswick, et je préside le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles.
La question dont est saisi le comité aujourd'hui est l'étude et l'examen de la dernière proposition de la Commission des libérations conditionnelles du Canada qui vise à augmenter les frais de service qu'elle exige actuellement pour le traitement des demandes de réhabilitation. Très brièvement, à titre d'information générale et pour replacer cette proposition dans son contexte, il faut mentionner que la Loi modifiant la Loi sur le casier judiciaire, anciennement connue comme le projet de loi C-23A, est entrée en vigueur le 29 juin 2010. Cette loi modifiait la Loi sur le casier judiciaire et apportait des restrictions à l'égard de certaines demandes de réhabilitation. Le projet de loi C-23A ajoutait également de nouveaux critères dont la Commission des libérations conditionnelles du Canada devait tenir compte pour décider s'il y a lieu d'octroyer ou non la réhabilitation dans le cas d'un acte criminel.
Avant les modifications apportées par le projet de loi C-23A, la Commission des libérations conditionnelles du Canada demandait des frais de 50 $ pour chaque demande de réhabilitation. Le 22 juin 2010, au cours de l'étude du projet de loi C-23A, à laquelle procédait le comité, des représentants de la Commission des libérations conditionnelles du Canada ont informé le comité que cette commission avait l'intention de proposer une augmentation des frais de traitement des demandes de réhabilitation à la suite de l'adoption du projet de loi C-23A.
Le 27 septembre 2010, la Commission des libérations conditionnelles a présenté une proposition relative aux frais de demande qui a été déposée au Sénat et renvoyée à notre comité. Avec cette proposition, la Commission des libérations conditionnelles souhaitait faire passer de 50 à 150 $, sur une base provisoire uniquement, le montant des frais relatifs aux demandes de réhabilitation. Il était mentionné qu'une nouvelle proposition relative aux frais de service, qui tiendrait compte du coût intégral du processus d'approbation des demandes de réhabilitation rendu plus complexe par le projet de loi C-23A, serait présentée plus tard par la Commission des libérations conditionnelles du Canada.
En octobre dernier, le comité a entendu des témoignages au sujet de la proposition de la Commission des libérations conditionnelles d'augmenter provisoirement les frais de demande; et dans son 12e rapport, le comité recommandait que le Sénat approuve le projet d'augmentation des frais de demande de réhabilitation.
La proposition que la Commission des libérations conditionnelles présente à l'heure actuelle en vue d'augmenter les frais de demande de réhabilitation, qui a été renvoyée au comité pour étude le 27 septembre 2011, affirme que les frais actuels de 150 $ qui sont entrés en vigueur le 29 décembre 2010 ne couvrent pas les frais indirects du traitement des demandes de réhabilitation, non plus que les exigences supplémentaires imposées par le projet de loi C-23A. Par conséquent, la proposition que la Commission des libérations conditionnelles présente aujourd'hui au comité consiste à faire passer de 150 à 631 $ les frais d'utilisation associés à chaque demande de réhabilitation.
Chers collègues, avant de vous présenter les membres de notre panel, je tiens à vous rappeler que nous allons procéder à un vote ce soir au Sénat. La sonnerie va se déclencher à 17 h 15. J'espère que nous aurons pu entendre les membres du panel à ce moment-là. Comme vous le savez, nous sommes un peu en retard et nous allons continuer à l'être. Nous allons entendre un autre panel de sorte que, par respect pour les membres de ce panel, j'espère que nous parviendrons à le faire. Quoi qu'il en soit, nous allons faire notre travail consciencieusement et nous prendrons le temps qu'il faudra.
Chers collègues, j'aimerais vous présenter nos invités d'aujourd'hui. Il y a Mme Kim Pate, directrice générale de l'Association canadienne des sociétés Elizabeth Fry. Bienvenue, madame Pate. Le comité vous a déjà entendue à un certain nombre de reprises et il a toujours trouvé vos commentaires très utiles. Nous sommes heureux que vous soyez ici aujourd'hui.
Il y a également M. François Bérard, directeur général de l'Association des services de réhabilitation sociale du Québec. Bienvenue, monsieur Bérard. Je crois savoir que vous allez présenter une déclaration préliminaire. Nous serons heureux de l'entendre.
[Français]
François Bérard, directeur général, Maisons de transition de Montréal, Association des services de réhabilitation sociale du Québec : Au nom de l'Association des services de réhabilitation sociale du Québec, je voudrais tout d'abord vous remercier de nous entendre aujourd'hui sur ce sujet.
D'emblée, je dois vous indiquer que notre association s'oppose à la proposition émanant de la Commission des libérations conditionnelles. Pour nous, l'objet du débat aujourd'hui, c'est qu'en apparence, on passe d'un montant de 150 $ à 631 $, mais qu'en réalité, le passage est de 50 $ à l'aube de 2011 — donc à la toute fin de 2010 — jusqu'à 631 $ à l'aube de 2012. Ce qui veut dire que par rapport aux coûts qu'on avait auparavant, c'est 12 fois plus cher qu'auparavant et cela constitue une augmentation de 1 162 p. 100 des frais chargés aux personnes qui feraient une demande de pardon.
Deux arguments semblent justifier cette position. D'une part, l'argument administratif de la Commission des libérations conditionnelles selon lequel le programme demeurerait viable et, d'autre part, l'argument politique selon lequel ce n'est pas à la société de payer pour cela mais aux criminels.
Pour ce qui est de l'argument administratif, on nous a fait parvenir une étude qui fait une analyse, selon nous, bien courte du rapport coût/bénéfices de la mesure proposée, car seulement l'aspect économique a été pris en compte. C'est également une étude qui nous semble erronée au plan économique parce qu'elle ne tient pas compte de deux réalités qui vont entraîner une baisse significative du volume de demandes de pardon. Tout d'abord, le projet de loi C-23A, qui est devenu une loi maintenant, a déjà eu un effet sur le mode de fonctionnement de la commission. Il y a aussi un autre projet de loi à l'étude actuellement qui est inclus dans le projet de loi omnibus et qui était auparavant le projet de loi C-23B. Par différentes mesures, ces projets de loi vont réduire l'accès au pardon et faire en sorte que les critères pour octroyer un pardon vont être en hausse. Cela va entraîner, selon nous, une baisse du nombre de personnes qui vont faire une demande de pardon.
Quant à la question des coûts comme tels, on ne tient pas compte des gens qui vont éventuellement avoir à payer pour les coûts en question. Je m'explique. La réalité pour une personne qui fait une demande de pardon est la suivante : non seulement elle a à payer des frais inhérents à la demande qu'elle fait à la Commission des libérations conditionnelles, mais elle a aussi des dépenses reliées aux frais de préparation de cette demande. D'une part, elle va avoir des documents à aller chercher, à photocopier et à préparer, et d'autre part, plusieurs justiciables font appel à des organismes pour les accompagner dans cette démarche. Certains organismes peuvent parfois tarifer jusqu'à 1 000 $ pour les frais d'accompagnement de la démarche. Cela implique une capacité financière qu'un grand nombre de personnes visées n'ont pas.
Une des conséquences des mesures qui sont actuellement à l'étude à la Chambre des communes dans le cadre du projet de loi omnibus, c'est que dorénavant, c'est essentiellement la clientèle de juridiction provinciale qui va avoir accès au pardon. On peut noter qu'il y a une grande partie de la clientèle provinciale qui est relativement pauvre.
Je vais vous parler de la clientèle provinciale québécoise et d'une étude faite par les Services correctionnels du Québec il y a quelques années. Selon cette étude, 33 p. 100 des gens qui étaient dans les institutions et suivis par le système correctionnel québécois étaient sur l'aide sociale; 7 p. 100 vivaient de rentes; 4,2 p. 100 étaient des bénéficiaires de l'assurance-emploi et 4,1 p. 100 n'avaient aucun revenu. Seulement 39,1 p. 100 des personnes qui étaient sous juridiction des services correctionnels québécois avant leur sentence avaient un travail; 7,5 p. 100 avaient des revenus illicites et 5 p. 100 travaillaient au noir. De plus, 82,4 p. 100 des gens n'avaient aucune épargne au moment où ils avaient été confrontés au système judiciaire. Cette situation de pauvreté relative des gens qui sont actuellement dans le système de justice pénale touche plus particulièrement les femmes et les Autochtones.
L'étude sur le rapport coût/bénéfices ne tient également pas compte des avantages du pardon sur le plan social. Le pardon facilite l'intégration sociale, c'est-à-dire l'accès à des emplois de qualité — notamment lorsque la personne a à voyager pour accomplir son travail —, il motive la personne contrevenante à aller au bout de sa démarche de prise en charge responsable et il scelle le processus de réconciliation entre la personne contrevenante et la société.
Quant à la proposition d'augmenter à 631 $ chaque demande de pardon, selon nous, cela va décourager les gens à faire une demande, cela va empêcher les plus pauvres d'y avoir accès et la demande va être perçue par les gens avec lesquels on travaille comme une façon de les punir à nouveau alors qu'ils ont déjà payé leur dette. Au fond, cette demande de la commission va nuire à la réinsertion sociale, au développement personnel des personnes en cause et à la réconciliation entre la personne contrevenante et la société. En fait, cela va faire en sorte que ces personnes vont demeurer des citoyens de deuxième classe qui vont se retrouver encore dans les limbes sociaux par la suite. Dans ce contexte, on va assister à une augmentation du risque de récidive et à une diminution de la sécurité publique.
Pour nous, le pardon a des avantages qui surpassent largement ces coûts de production. Par exemple, un citoyen qui n'a pas récidivé depuis un certain nombre d'années et qui a un bon emploi paie plus d'impôts et plus de taxes. Un citoyen qui n'a pas récidivé depuis un certain nombre d'années et qui ferait l'objet d'une interdiction ou d'une difficulté additionnelle à obtenir l'accès au pardon, c'est un citoyen qu'on peut refouler vers l'aide sociale. Entre un citoyen qui pourrait à ce moment-là devenir plus productif socialement et un citoyen qu'on relègue dans la marge sociale, on peut conclure qu'il y a un bénéfice très clair à faciliter l'accès au pardon.
Par rapport à l'aspect plus politique du sujet tel qu'introduit par le gouvernement actuel, on constate de façon générale que le gouvernement multiplie les obstacles à l'obtention du pardon en rendant moins de gens éligibles, en augmentant le nombre de critères et en haussant les frais d'accès au pardon.
Selon nous, l'argument plus spécifique selon lequel c'est aux criminels de payer est un argument démagogique. Le pardon s'inscrit dans le cadre d'un processus de réconciliation. Ce processus de réconciliation implique deux parties : la personne contrevenante et la société.
C'est sûr qu'il peut y avoir d'autres processus de pardon impliquant des victimes, mais là on parle du pardon accordé par la société par le biais du système de justice.
Il est normal qu'il y ait un partage de coûts entre la personne contrevenante et le système gouvernemental ou la société. La proposition du gouvernement fait en sorte que le coût ne repose cette fois-ci que sur les épaules de la personne contrevenante. Dans ce contexte où on cherchait une réconciliation entre les gens, c'est une proposition injuste car elle provoque un déséquilibre. Elle donne aussi l'impression que l'une des parties, dans ce cas-ci la société, ne veut absolument pas se réconcilier avec l'autre partie qui est la personne contrevenante.
Comment peut-on faire un partage équitable de la facture entre la personne contrevenante et la société? Il faut regarder le rôle de chacun dans le cadre d'un processus de réconciliation. La personne contrevenante fait la demande et doit faire la démonstration qu'elle pourrait obtenir un pardon. Du côté de l'État, représenté par le système de justice criminel, il s'agit d'agir au nom de la société, de faciliter l'expression de la demande et de la démonstration, de vérifier si ce qui est avancé est vrai et de décider si on octroie ou pas dans le meilleur intérêt de la société.
Il faut regarder le rôle et la capacité de payer de chacun. Dans les deux cas, selon nous, il revient à l'État de ramasser l'essentiel de la facture.
Toujours en ce qui concerne le même argument selon lequel c'est aux criminels de payer, pour nous, c'est un argument mesquin. C'est un argument qui démontre la très grande ingéniosité dont on peut faire preuve pour justifier des actes mesquins envers des catégories de personnes qu'on ne considère pas comme telles puisqu'on ne cesse de les réduire à leurs actes : des voleurs, des pédophiles, des « ci », des « ça ».
C'est tout de même près de quatre millions de Canadiens qui ont actuellement un casier judiciaire dont on parle ici. Il y a seulement 11 p. 100 de quatre millions de Canadiens — en fait c'est 3 800 000 — qui ont eu un pardon au cours des 20 dernières années.
La mesquinerie est porteuse d'injustice. Il n'y a rien de positif à en tirer car elle ne fait qu'alimenter le ressentiment de part et d'autre.
Nos recommandations : que le financement en grande partie de la mesure du pardon provienne de l'État; qu'on maintienne à 150 $ le montant d'argent que l'on tarifie aux personnes contrevenantes pour démontrer qu'elles ont à maintenir un effort de leur côté et pour éviter aussi des demandes frivoles; et qu'au lieu de s'acharner sur des gens qui ont payé leur dette, qu'on essaie de trouver des moyens de mettre l'accent pour que les gens, qui ont commis des délits, puissent réellement dédommager des victimes.
En conclusion, au-delà des questions de principe, le pardon constitue un acte qui va dans l'intérêt bien compris de la société. Il indique un désir de renouer avec un membre de la communauté qui a, certes, erré dans son comportement par le passé, mais qui a démontré depuis son désir de se reprendre en main de façon responsable : une personne qui n'a pas commis de délit depuis un certain nombre d'années, une personne qui s'est réinsérée socialement — le mieux possible —, une personne qui a fait une certaine démarche au plan du développement personnel, et une personne qui a aussi tenté de réparer, dans certains cas, les torts qu'elle a pu causer aux victimes.
Compte tenu des effets bénéfiques du pardon, on aurait avantage à en élargir la portée et l'accès, pas à en faire un concept vide de sens et inaccessible pour la grande majorité de ceux qui pourraient y avoir droit.
[Traduction]
Le président : Merci, monsieur Bérard. Madame Pate, veuillez présenter votre exposé.
Kim Pate, directrice générale, Association canadienne des sociétés Elizabeth Fry : Merci de nous avoir invités à comparaître. Je suis heureuse d'avoir cette possibilité. Je dirais dès le départ que nous avons été déçus que Lucie Joncas, mon ancienne présidente, ne soit pas autorisée à assister à cette réunion. C'est, à ma connaissance, la première fois que l'on fait savoir à notre organisation que nous ne pouvons pas inviter un des membres de notre conseil d'administration. Je sais que la Commission des libérations conditionnelles du Canada l'a également choisie pour faire partie du comité en raison de ses capacités et de son expertise. Je lui demandais d'assister à cette séance en qualité d'ex-présidente. Ce processus m'inquiète un peu et je veux être sûre qu'il soit transparent, de sorte que vous savez maintenant quelle est ma préoccupation.
Comme la plupart des membres du comité le savent, nous sommes un organisme communautaire sans but lucratif qui travaille principalement avec les femmes et les jeunes filles marginalisées — elles sont pauvres, autochtones, victimisées, en particulier, celles qui ont connu la violence exercée contre les femmes. Certains de nos membres offrent les seuls services aux victimes et de lutte contre la violence faite aux femmes qui existent dans leurs régions. En outre, nous travaillons avec les personnes criminalisées ou accusées, en offrant des programmes de soutien judiciaire, des programmes d'option en matière de peine et d'appui communautaire; ainsi qu'avec les personnes institutionnalisées, ce qui comprend celles qui résident dans des institutions de santé mentale, des établissements psychiatriques ainsi que celles qui se trouvent en prison. Nous sommes mieux connus pour le travail que nous effectuons avec les détenues parce que c'est bien souvent le sujet dont on nous invite à parler. Voici quelle est notre gamme complète de services, en particulier si nous pensons à ce qui se fait dans les collectivités.
Pour ce qui est de ce projet de loi, comme certains d'entre vous s'en souviennent, c'est lors de ma comparution, il y a plus d'un an, devant le comité, qu'il m'a été demandé pourquoi je n'avais pas déposé de plainte au sujet du premier cycle d'augmentation des frais de service. C'est pourquoi je pense que nous sommes probablement le premier organisme à avoir déposé une plainte le 9 février au sujet de la proposition d'augmentation qui a été présentée moins de deux mois après l'approbation de la première augmentation. Nous avons été en effet gravement préoccupés par le fait qu'il soit procédé immédiatement à un accroissement des frais, parce que nous avions déjà constaté une augmentation massive du nombre des personnes qui demandaient notre appui et notre aide. Ceux d'entre vous qui assistaient à cette séance s'en souviendront, et ceux qui n'y étaient pas, je leur prie de bien vouloir m'excuser et je le répéterai, qu'on nous demande bien souvent de fournir des ressources pour pouvoir présenter ces demandes. La plupart des femmes dont nous parlons sont des femmes autochtones; elles sont presque toutes pauvres; elles souffrent souvent de problèmes de santé mentale; un bon nombre d'entre elles essaient de se passer de l'aide sociale; ce sont bien souvent des mères célibataires qui essaient de subvenir aux besoins de leurs familles; elles n'ont pas les ressources qui leur permettraient de payer 50 $, encore moins 150 $, et maintenant, des frais potentiels de 631 $. Qui sait s'il n'y aura pas bientôt une nouvelle augmentation?
Nous nous posons également des questions au sujet de l'analyse coût-avantage, que nous avons finalement obtenue dans le cadre de l'examen de l'augmentation par le comité, et qui n'a pas été rendue publique, d'après ce que je sais. L'analyse coût-avantage a été clairement mentionnée, mais je n'en connais pas exactement les paramètres, même si je les ai demandés. Il semble qu'on ait voulu, avec cette analyse, justifier une décision qui avait déjà été prise et qu'on n'a pas effectué une analyse coût-avantage de ce que seraient les coûts à long terme pour les individus, pour le gouvernement fédéral, ainsi que pour les gouvernements provinciaux et territoriaux. Comme ma collègue l'a déjà mentionné, nous savons qu'une bonne partie des coûts seront répercutés sur d'autres personnes si les demandeurs ne peuvent obtenir des emplois, s'ils sont obligés de continuer à recevoir l'aide sociale et n'ont pas les moyens d'obtenir une réhabilitation. Nous sommes très inquiets du fait que l'établissement de ces coûts n'ait pas été effectué de façon claire et transparente. Ce processus ne l'a pas été, il n'a pas été rendu public, et lorsqu'on parvient à y avoir accès, il ne semble pas qu'il ait pris en compte la gamme complète des coûts. Il est évident qu'il n'a pas traité de la question des coûts sociaux.
L'autre aspect qui touche, d'après moi, une préoccupation essentielle pour un pays qui s'enorgueillit d'avoir historiquement une des meilleures constitutions au monde, est le fait que nous contestons certains aspects fondamentaux du processus qui montrent que la peine est la punition. Le processus adopté et les explications fournies dans les communiqués de presse publiés par le ministre lorsqu'il a annoncé cette proposition indiquent clairement qu'un des objectifs de cette augmentation est de prolonger la peine que subissent les personnes qui ont déjà été condamnées. Si vous voulez la formulation exacte, je pourrais certainement la retrouver dans le rapport du comité, qui fait remarquer, de façon tout à fait légitime d'après moi, qu'il ne s'agit pas là d'une utilisation appropriée des frais, et encore moins des frais d'utilisation. La Loi sur les frais d'utilisation ne mentionne aucunement cet aspect. Nous soutenons qu'il pourrait s'agir là d'une utilisation illégale d'un article de la Loi sur les frais d'utilisation parce qu'elle aura un effet punitif sur la clientèle. Je dois dire que je n'ai pas trouvé dans la Loi sur les frais d'utilisation de disposition disant qu'il s'agit là d'un objectif légitime pour une augmentation des frais de service.
Nous craignons que cela modifie un élément essentiel du principe de la suprématie de la loi dans notre pays et d'un élément de notre Constitution — le droit à un processus équitable. Cette modification va pénaliser davantage certaines personnes, celles qui n'ont pas de ressources, et prolongera la peine infligée en faisant indirectement ce qu'il n'est pas possible de faire directement.
Je vous invite à prendre connaissance des conclusions du comité. Elles indiquent que le comité a examiné le processus. Je crois savoir qu'il y a eu quelques divergences entre un membre de la Commission des libérations conditionnelles et deux membres de la collectivité, mais ces conclusions mentionnent la nécessité d'adopter un processus transparent et d'élargir la consultation de la population — il faut procéder à une consultation plus large.
Comme vous le savez probablement, la période de consultation a été très brève. Un bon nombre d'entre nous ont été obligés de présenter rapidement quelque chose au comité, une fois invités à le faire. Le comité recommande de revoir cette augmentation, de procéder à un véritable établissement des coûts et d'effectuer des comparaisons appropriées avec d'autres pays.
Je sais que le rapport d'analyse coût-avantage effectuée pour la Commission des libérations conditionnelles par Regulatory Impacts, Alternatives and Strategies Inc. traite de ces aspects de façon superficielle. Je ne connais pas cette société, mais il est évident que certaines possibilités qui ont été mentionnées au comité n'ont pas été explorées complètement — des solutions comme l'introduction d'une présomption simple.
Oui, des erreurs ont été commises avec les réhabilitations. Il y a des gens qui ont fait des choses après avoir obtenu leur réhabilitation qui ont entraîné la révocation de cette mesure. Nous savons que cela arrive. Toutefois, si la réduction des coûts est la principale préoccupation du gouvernement, la façon la plus rapide d'y parvenir est de créer une présomption simple selon laquelle la personne qui n'a pas récidivé pendant cinq, 10 ou 15 ans, peut obtenir automatiquement sa réhabilitation.
Cela existe ailleurs. Je l'ai mentionné lorsque j'ai comparu devant le comité parce que j'ai des collègues qui vivent en Australie. Je suis certaine qu'il y a d'autres pays dont nous pourrions apprendre certaines choses, et où, lorsque le réhabilité récidive ou même fait l'objet d'une enquête de la part de la police, cette mesure peut être révoquée.
Il existe certainement des moyens de le faire sans que cela coûte aussi cher au gouvernement, parce que l'administration du traitement des demandes demeurera coûteuse et continuera à augmenter. On pourrait le faire de façon plus juste, sans aller à l'encontre de la Charte ni même, d'après moi, à l'encontre de la Loi sur les frais d'utilisation, et adopter un processus équitable et transparent grâce auquel les personnes auxquelles nous devons continuer à nous intéresser sur le plan des risques qu'elles représentent pour la sécurité publique n'obtiendront pas la réhabilitation, l'absolution, quel que soit le terme utilisé. Bien entendu, c'est un aspect qui pourrait changer si leur comportement changeait.
Tout cela me semble découler d'un cas qui a fait les manchettes et, je l'admets, personne ne voudrait se trouver dans cette situation. Cela paraît toutefois être une proposition coûteuse pour les personnes concernées, ainsi que pour les gouvernements des provinces, des territoires et fédéral, sans parler des organismes comme le nôtre qui n'ont pas les moyens d'aider les demandeurs de réhabilitation.
Le président : Il nous reste 30 minutes avant que la sonnerie nous ramène dans la Chambre pour procéder au vote. La première question vient du sénateur Fraser.
Le sénateur Fraser : Merci, monsieur le président.
[Français]
Le sénateur Fraser : Bienvenue à vous deux, merci beaucoup d'être venus. C'est vraiment très intéressant tout ce que vous dites.
[Traduction]
Madame Pate, pourrions-nous revenir sur la notion de présomption simple? Il semble ressortir de mes lectures qu'il existe diverses façons d'aborder ce sujet particulier.
Voulez-vous parler d'une présomption simple selon laquelle après tel nombre d'années, tous les contrevenants seraient réhabilités ou faites-vous une distinction entre les infractions mineures et les infractions graves? Comment procéderiez-vous?
Mme Pate : Je crois que l'on pourrait faire comme le fait la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents, pour les infractions punissables sur déclaration sommaire de culpabilité et pour les actes criminels. On pourrait choisir une période que le gouvernement estimerait souhaitable — qu'il s'agisse de cinq ou dix ans de bonne conduite — la présomption étant alors que la personne concernée aurait le droit d'être réhabilitée.
On pourrait peut-être demander à cette personne de se procurer un extrait de casier judiciaire, de le présenter et cela déclencherait l'application de la présomption simple. S'il existait d'autres renseignements, le gouvernement aurait certainement accès à ces renseignements. La Commission des libérations conditionnelles les posséderait si la personne avait bénéficié d'une telle libération.
Bien évidemment, cela ne s'appliquerait jamais aux personnes condamnées à des peines d'emprisonnement à perpétuité parce qu'elles ne peuvent jamais finir de purger leur peine, comme c'est le cas actuellement. Toutefois, oui, cela me paraît un principe que l'on pourrait appliquer de façon générale. On pourrait lui apporter des nuances, mais le principe est que la peine était celle qui a été imposée et que l'on doit présumer qu'elle était la peine appropriée.
Le sénateur Fraser : La semaine dernière, quelqu'un a mentionné l'idée d'avoir des frais variables. Quelqu'un, c'était peut-être un membre du comité consultatif, a proposé un processus à deux étapes, où les frais seraient peu coûteux pour la personne qui fait une telle demande pour la première fois. Un très fort pourcentage de demandes sont rejetées pour des raisons automatiques — elles sont incomplètes, il manque des documents ou autre chose; le demandeur paierait ensuite des frais plus importants une fois acceptée sa demande. C'est peut-être une solution à retenir.
Une autre possibilité qui a été évoquée était que les infractions mineures, pour lesquelles la vérification des antécédents judiciaires par la police n'est pas aussi exigeante, entraîneraient des frais inférieurs à ceux qui découleraient des vérifications exigées pour les infractions beaucoup plus graves.
Y a-t-il dans ces solutions des éléments qui vous intéressent?
Mme Pate : La recommandation du comité consultatif selon laquelle les frais de demande seraient de 50 $ me paraît certainement une solution possible. Elle pourrait d'ailleurs être combinée à une présomption simple.
À cette étape-là, il serait facile de savoir s'il faut se procurer d'autres renseignements ou si l'on peut déjà constater qu'il n'y a pas d'autres antécédents judiciaires. Si c'est une infraction mineure, le traitement de la demande pourrait se poursuivre, la présomption étant que le dossier est fermé. Dans le cas d'une infraction grave, dont l'auteur a des antécédents judiciaires plus nombreux, ou si, pour toutes sortes de raisons, il faut procéder à une analyse approfondie, on pourrait alors faire de cette façon.
Je connais un cas où il a été demandé des dossiers supplémentaires parce qu'on ne savait pas vraiment si tout avait été informatisé. À l'époque, cette personne était une adolescente et elle a reconnu avoir eu un dossier en tant qu'adolescente. Je ne pense pas que ce genre de cas se reproduira souvent. Je pense que, pratiquement, tout est informatisé à l'heure actuelle et qu'il est facile de communiquer ces renseignements.
Avec cette technologie, il sera possible de rationaliser davantage le processus, si cela ne se fait pas déjà. On me dit que la plupart des renseignements peuvent déjà être obtenus en ligne. Cela nous paraît être un processus qui pourrait être rapide parce que les dossiers de police sont affichés en ligne, le CIPC est en ligne et il est relativement facile de transmettre et se communiquer ces renseignements. Le demandeur autoriserait par écrit la communication de tous ces dossiers. Il n'y aurait aucun renseignement de dissimulé.
[Français]
M. Bérard : Jusqu'à maintenant, dans la loi existante, il y avait deux catégories de pardon. Il y en avait un pour des gens qui avaient commis des délits plus graves, à ce moment-là le pardon était octroyé par la Commission des libérations conditionnelles suite à une enquête. Cela concerne les gens qui avaient plus de cinq ans ou un minimum de cinq ans à faire entre le moment de l'expiration de leur sentence et le moment où ils pourraient être éligibles au pardon.
Il y avait une deuxième catégorie de gens pour lesquels le pardon était délivré et à ce moment-là, tout ce que la GRC faisait, c'était de produire à la Commission des libérations conditionnelles le relevé pour voir s'il y avait eu un nouveau délit. Dans la mesure où il n'y avait pas eu de nouveau délit, on octroyait un pardon à la personne, sous forme de pardon délivré. Sur cette base, il pourrait y avoir un tarif distinct parce que dans un cas, cela demande beaucoup de recherches, notamment de la part de la GRC pour vérifier des choses dans le casier judiciaire, mais aussi pour aller rencontrer des gens qui sont un peu témoins de l'évolution de la personne : l'employeur, des amis, la conjointe, et cetera. Dans d'autres cas, ce n'est qu'un acte administratif où on fait une vérification au plumitif.
Le sénateur Fraser : C'est une distinction que nous connaissons déjà.
M. Bérard : À ce moment-là, cela pourrait se refléter dans le coût. Actuellement, que ce soit une démarche ou l'autre, le coût est le même, c'est-à-dire 150 $.
[Traduction]
Le président : J'aimerais demander à nos deux témoins de formuler des réponses aussi concises que possible; cela serait apprécié.
Le sénateur Lang : Je ne pense pas que personne s'oppose au principe de la réhabilitation. Il s'agit de savoir si c'est au demandeur de payer les frais associés à la réhabilitation.
La personne qui est libérée de prison et qui peut présenter une demande de réhabilitation après cinq ans doit épargner environ 100 $ par année pour pouvoir exercer ce droit. Pourquoi affirmez-vous que cela représente une somme trop élevée alors que les fumeurs dépensent régulièrement 300 $ par mois? Pourquoi pensez-vous que ce sont les contribuables, par opposition aux personnes concernées, qui devraient payer cette somme?
Mme Pate : Comme je l'ai mentionné, je ne pense pas que nous devrions non plus faire payer les contribuables. Si c'est vraiment une question de coût, il y a d'autres façons de le faire.
Pour ce qui est d'épargner de l'argent, je ne vais pas aborder les questions de la dépendance et du tabagisme. Un bon nombre d'entre nous aimeraient que les fumeurs ne se trouvent pas dans cette situation. La réalité est que la mère célibataire qui reçoit de l'aide sociale éprouve beaucoup de difficultés à mettre de côté 100 $ par an. Si vous épargnez une telle somme, on vous dira que vous n'en avez pas besoin. Je ne sais pas si vous le savez, mais lorsque vous recevez de l'aide sociale, lorsque vous empruntez ou recevez de l'argent, cet argent est considéré comme un revenu. Nous n'avons rien de comparable. Cet aspect est rarement abordé parce que les bénéficiaires de l'aide sociale n'ont pas les moyens de contester ce genre de politique. Cela ne nous semble peut-être pas être une grosse somme. J'ai toutefois toujours été frappée par la citation d'Anatole France qui dit que la loi s'applique de la même façon aux riches et aux pauvres. Les riches comme les pauvres n'ont pas le droit de dormir sous les ponts ni de voler du pain, mais le droit a un impact très disproportionné sur ceux qui sont démunis. La plupart des gens dont nous nous occupons le sont.
Le sénateur Lang : Nous avons reçu des éléments qui indiquent qu'il y a un arriéré de demandes de réhabilitation. À l'heure actuelle, la commission éprouve beaucoup de difficultés à traiter les demandes qu'elle a reçues.
Comme vous le savez tous, les gouvernements, tant au niveau des provinces qu'au niveau fédéral, font face à de graves problèmes de déficit. Nous nous trouvons dans une situation financière difficile à l'échelle mondiale.
Seriez-vous prêts à admettre qu'avec cette augmentation, nous allons réussir à faire disparaître cet arriéré? Nous nous trouvons à l'heure actuelle dans une situation où des demandeurs ont besoin d'obtenir une réhabilitation parce qu'ils veulent travailler, mais ne peuvent le faire à cause du système. Bien évidemment, il ne faut pas espérer obtenir de nouveaux crédits. Cette augmentation devrait permettre d'atteindre ces objectifs. Le pensez-vous aussi?
Mme Pate : Je ne le pense pas en fait. Les gens à qui j'ai parlé dans notre organisation ont constaté qu'il y avait eu une augmentation. Lorsqu'ils ont entendu dire qu'il y aurait peut-être une autre augmentation, les gens ont essayé de trouver différentes façons de déposer leurs demandes. Cela a créé un autre arriéré. Le nombre de personnes qui ont un casier judiciaire risque d'augmenter avec les modifications apportées aux dispositions législatives dans d'autres domaines, de sorte que je ne pense pas que cet arriéré diminue. Je crois que tout cela ne fera qu'augmenter les coûts et réduire le nombre de personnes ayant accès au processus de réhabilitation.
[Français]
Le sénateur Boisvenu : Monsieur Bérard, je ne vous cacherai pas que votre mémoire m'a surpris un peu, de même que l'utilisation du mot « mesquinerie ». L'équité sociale a une autre définition que l'État doit toujours tout payer. L'équité sociale repose aussi sur des notions de responsabilisation et d'imputabilité. Je regardais les coûts que les victimes doivent absorber. Souvent, elles absorbent elles-mêmes les coûts d'un crime. La victime n'a pas choisi son statut de victime alors que le criminel a choisi son statut.
Vous défendez une thèse selon laquelle plus les coûts de la demande de pardon vont être augmentés, moins il y aura de gens qui vont avoir accès au pardon. Comment alors expliquer que dans les années 2000, il y avait 9 p. 100 des criminels qui faisaient appel à des firmes privées pour monter leur dossier, ce qui représentaient des coûts au-delà de 500 $, 600 $? La statistique que j'ai pour 2009-2010, c'est que 74 p. 100 des criminels ont fait appel à une entreprise privée pour monter leur dossier, à des coûts autour de 500 $, 600 $, alors que le gouvernement fédéral offre gratuitement ce service. Comment expliquer cette contradiction? Si les gens ont à payer 500 $, il va y avoir moins de demandes, mais les criminels font de plus en plus appel aux entreprises privées pour monter leur dossier. Votre théorie me semble contradictoire.
M. Bérard : Ce n'est pas contradictoire. Ce qu'on dit, d'une part, c'est qu'à cause de l'augmentation des coûts, il va y avoir à long terme une diminution du nombre de personnes qui font faire une demande de pardon. D'autre part, le projet de loi omnibus s'ajoute à ce qui est déjà adopté et va réduire de façon très importante le nombre de personnes qui pourraient avoir accès au pardon.
Si la personne est reconnue coupable pour quatre introductions par effraction pour lesquelles elle aurait eu des sentences concurrentes de plus de deux ans, elle n'est plus éligible au pardon. Donc il va y avoir une baisse de ce côté qui est importante.
En ce qui concerne l'aspect des coûts, si les gens font de plus en plus appel à des firmes privées, c'est que tout le processus d'accès au pardon est de plus en plus compliqué. Le projet de loi actuellement à l'étude à la Chambre des communes va venir complexifier les choses. Les critères vont augmenter et les gens vont devoir faire une démonstration encore beaucoup plus significative que présentement.
Quand vous dites 9 p. 100, cela veut dire qu'il y a 91 p. 100 des gens qui ne font pas une demande de pardon alors qu'ils pourraient théoriquement y voir accès.
[Traduction]
Le président : Je suis désolé, si vous voulez poser une autre question, il faudra attendre le deuxième tour, si nous avons la possibilité d'en faire un.
Le sénateur Meredith : Madame Pate et monsieur Bérard, je vous remercie de vos exposés.
Vous avez mentionné dans votre exposé, pour ce qui est du maintien des frais à 150 $, que c'est l'État qui devrait assumer le reste du coût. Si nous pensons au coût que représentent les personnes qui se résident dans nos établissements, ne diriez-vous pas que l'État a déjà dépensé pour eux beaucoup d'argent et qu'une augmentation de ces frais est minime si on la compare à ce qui a déjà été versé?
[Français]
M. Bérard : L'augmentation des frais demandés pour le type de personnes qui auraient accès théoriquement au pardon est considérable. L'État est en train de faire des choix afin de réduire les déficits, mais en même temps d'investir massivement des milliards de dollars dans la construction d'établissements carcéraux. Il y a peut-être un peu moins d'argent qu'on pourrait mettre dans les établissements carcéraux pour garder les gens et un petit montant d'argent qu'on pourrait orienter vers la Commission des libérations conditionnelles pour qu'elle puisse exercer son rôle en matière d'octroi du pardon.
La question du déficit est souvent ramenée, mais en même temps, il y a des choix où on réduit le déficit à travers différents moyens, dont imputer au contrevenant une augmentation des coûts reliés à la question du pardon, mais en même temps, on s'apprête à investir des centaines de millions dollars dans la construction d'établissements carcéraux. Est- ce que la construction d'établissements carcéraux, qui va coûter des centaines de millions dollars, va contribuer à réduire le déficit? Je ne crois pas.
[Traduction]
Le sénateur Meredith : Il y a également le fait que le gouvernement doit veiller à ce que ses institutions soient adéquates et modernes ainsi qu'à protéger ces personnes qui ont commis une infraction contre la société. C'est la raison pour laquelle nous multiplions les problèmes.
Il est normal que les gouvernements dépensent des fonds dans certains domaines. Cela est nécessaire. La Commission des libérations conditionnelles nous affirme qu'il s'agit là d'un simple recouvrement des coûts qui nous permettra de faire disparaître l'arriéré, d'avoir le capital humain et les ressources nécessaires pour traiter ces demandes. Cet organisme dépense ce montant exact pour être sûr que les demandes soient traitées rapidement.
Je m'oppose tout à fait à vous lorsque vous affirmez que nous devrions payer davantage. Je crois que l'État dépense déjà beaucoup.
Poursuivons. Vous avez posé une question au sujet du pourcentage des personnes qui étaient employées ou au chômage et vous pensez qu'il y en avait 54 p. 100 qui travaillaient. Est-ce bien exact?
[Français]
M. Bérard : Dans la clientèle du Québec, 39 p. 100 des gens avaient un emploi lorsqu'ils ont reçu leur sentence. Cela signifie qu'au départ, 48 p. 100 des gens se retrouvaient dans une situation précaire parce qu'ils étaient bénéficiaires de l'aide sociale ou parce qu'ils recevaient des prestations d'assurance-emploi, des rentes ou autres.
Cela concerne davantage la catégorie des gens qui feront face à l'augmentation des frais pour avoir accès au pardon.
[Traduction]
Le sénateur Banks : Je vais poser une brève question aux deux témoins et leur demander d'y répondre aussi rapidement que possible. Elles portent sur la raison d'être de tout ceci, qui est le recouvrement des coûts. Je n'ai pas de formation juridique, à la différence de la plupart de mes collègues. Je crois comprendre ce qu'est une présomption simple. Pourriez-vous me dire si, à votre avis, la réhabilitation est un droit ou un privilège?
Mme Pate : Ce n'est certainement pas un droit à l'heure actuelle, mais nous pensons que, si une société veut encourager ses citoyens à progresser, à se réinsérer dans la société, à devenir des membres utiles de la société après avoir purgé et subi la peine qui leur a été imposée, ces personnes devraient pouvoir aller de l'avant. C'est un principe fondamental. Je dirais que le droit de pouvoir subvenir à ses propres besoins, d'avoir un logement, des vêtements, de la nourriture, de pouvoir se réaliser est un droit humain.
J'aimerais revenir à l'élément recouvrement des coûts dont vous avez parlé. Excusez-moi de revenir là-dessus, parce que je voulais également répondre à l'aspect que le sénateur Meredith avait également soulevé. L'incarcération nous coûte très cher. Tous les membres du comité ne savent peut-être pas qu'au milieu des années 1990, alors que les taux de criminalité étaient plus élevés, tous les directeurs d'établissement — non pas des groupes comme les nôtres ou des avocats, mais des directeurs des services correctionnels fédéraux, provinciaux et territoriaux — admettaient que près de 75 p. 100 des personnes détenues actuellement en prison pourraient purger d'autres formes de peines dans la collectivité, apporter une contribution et ne pas être une charge aussi lourde pour le trésor public, tout en n'augmentant pas les risques en matière de sécurité publique et libérer ainsi des fonds pour les services sociaux, les soins de santé, les services aux victimes et les pensions. Nous n'avons pourtant pas choisi d'utiliser cet argent de cette façon. Invoquer ces choix pour justifier des choses comme celles-ci, pour transférer ces coûts aux contribuables ou aux personnes qui sont des contribuables potentiels, est un des défis auxquels beaucoup d'entre nous font face tant sur les plans philosophique, moral, et je dirais même en fin de compte, juridique. Nous pensons qu'il s'agit là d'un changement de philosophie qui a des répercussions financières importantes pour nous tous.
Le sénateur Banks : En résumé, j'aimerais savoir s'il s'agit d'un privilège?
Mme Pate : C'est un droit à l'heure actuelle, mais c'est en train de changer.
Le sénateur Banks : Est-ce un droit ou un privilège?
Mme Pate : À l'heure actuelle?
Le sénateur Banks : Oui.
Mme Pate : En théorie, c'est un privilège.
[Français]
M. Bérard : Nous croyons que l'accès au pardon est un droit, mais que l'obtenir demeure un privilège.
[Traduction]
Mme Pate : On appelle cela un droit d'origine législative lorsque la disposition est rédigée de cette façon, sur le plan juridique.
Le sénateur Runciman : J'ai été ministre des services correctionnels au milieu des années 1990. Je crois que nous parlons ici de choses qui ne peuvent se comparer. Madame Pate, vous avez parlé de l'affaire à l'origine de tout ceci, et je crois que vous parlez de Graham James, qui a montré qu'avec le traitement automatique des demandes, 98 à 99 p. 100 des demandes de réhabilitation présentées à la commission étaient acceptées. Regardez ce qui s'est produit la semaine dernière en Nouvelle-Écosse. Un entraîneur de volley-ball a été déclaré coupable d'agression sexuelle sur une fillette de 12 ans en 1999 et a été accusé à nouveau d'une autre agression sexuelle; il avait pourtant obtenu une réhabilitation avec l'ancien système. C'est le genre de chose que le gouvernement essaie de régler avec ce projet de loi, et je pense que le recouvrement des coûts est une chose nécessaire.
Si nous examinons ce que fait la commission à l'heure actuelle, nous constatons qu'elle doit décider aussi si la personne en question s'est réadaptée socialement. Elle doit décider si la réhabilitation apporterait un bénéfice mesurable au demandeur et ne serait pas susceptible de déconsidérer l'administration de la justice. Vous avez parlé de l'ancien système, le CIPC, et bien évidemment, cela ne fonctionnait pas. Nous nous sommes retrouvés dans des situations dangereuses.
Je ne suis pas vraiment satisfait de cette proposition, comme je l'ai mentionné au cours de la dernière séance, parce qu'on ne fait pas de différence entre la personne qui commet un crime grave, un acte criminel, ou une série de crimes de ce genre, et celle qui commet une infraction punissable sur déclaration sommaire de culpabilité. La commission nous a expliqué qu'il serait trop difficile sur le plan administratif de séparer les deux, ce qui manifestement réduirait les coûts. Il a été mentionné que le volet enquête est plus approfondi dans le cas des actes criminels, qu'elles prennent plus de temps et sont plus coûteuses. Environ 35 p. 100 des demandes présentées à la commission concernent des infractions sommaires et il me semblerait logique, sur le plan de l'équité, que ces demandeurs aient à payer des frais beaucoup moins élevés. J'aimerais savoir ce que vous pensez de la séparation des demandes selon les types d'infraction et si c'est un choix qui serait acceptable pour vos organisations.
Le président : Pour répondre, comme je l'ai mentionné au départ, il nous reste sept minutes jusqu'à ce que la sonnerie nous appelle à voter au Sénat. Veuillez ne pas l'oublier. Je sais que le sénateur Joyal aimerait vous poser une question ou deux.
Mme Pate : Je pense que toute mesure qui faciliterait le processus pour le plus grand nombre de personnes possibles serait préférable à la situation actuelle. Je n'aime pas beaucoup me trouver dans une situation où je dois dire qu'il faut alléger le fardeau d'un groupe, mais pas celui de l'autre. Une des difficultés que vous avez mentionnées est les agressions sexuelles, et c'est de là que vient toute cette affaire. Cela fait partie d'un aspect plus large que nous pouvons aborder aujourd'hui et qui vient du fait que la violence exercée contre les femmes et les enfants de notre pays n'est pas prise au sérieux. C'est là une toute autre question.
En fait, ce n'était pas un mécanisme d'approbation automatique. Les personnes qui n'ont pas droit à la réhabilitation ne la demandent pas. Pourquoi gaspiller des ressources pour utiliser un mécanisme qui ne donnera pas de résultat? D'après mon expérience, les personnes qui ne demandent pas un avantage que leur accorde la loi, qu'il s'agisse de la libération conditionnelle, de la réhabilitation ou d'un contrôle judiciaire, ne le font pas lorsqu'elles savent qu'elles vont nécessairement échouer et qu'elles n'obtiendront pas ce qu'elles souhaitent. Le taux de réussite montre en fait qu'une partie de ce mécanisme donne de très bons résultats, c'est ce que je pense.
Pour ceux qui craignent les personnes qui commettent des agressions sexuelles, je pense comme vous. Nous sommes très inquiets de ces aspects et du fait qu'ils ne soient pas pris au sérieux, comme le montre la suppression des ressources accordées aux femmes et aux services qui visent à éviter que les femmes et les enfants soient victimisés. Je crois que ces préoccupations sont reliées entre elles. Mais ce n'est pas l'endroit d'en parler davantage.
Le sénateur Joyal : J'aimerais poser trois brèves questions. Premièrement, le principe du recouvrement des coûts veut dire que vous devez payer pour le service que vous obtenez. Lorsque vous fixez un coût de 650 $ pour tous les cas, comme le sénateur Runciman l'a mentionné, les demandes qui exigent moins de travail subventionnent celles qui en demandent davantage, parce qu'il s'agit d'une moyenne et cela me paraît tout à fait injuste. Il y a un aspect injuste dans l'application de ce genre de principe et dans la façon dont il est mis en œuvre dans cette proposition. Pouvez-vous faire des commentaires à ce sujet?
[Français]
Pouvez-vous quantifier globalement le nombre de personnes qui seront carrément exclues du système, c'est-à-dire celles qui ne pourront pas demander à court terme un pardon? Quel impact social cela pourrait avoir?
[Traduction]
Madame Pate, vous avez parlé de contestation constitutionnelle dans votre exposé. Pourriez-vous nous en dire davantage sur ce qui constituerait, d'après vous, une violation de la Charte?
Mme Pate : Pour ce qui est de l'aspect inéquitable, vous avez soulevé une question qui touche un des aspects inéquitables. L'autre aspect est que la personne qui fait une demande de réhabilitation et qui n'a pas commis d'infraction grave, comme un vol à l'étalage ou un vol de moins de — cela ne veut pas dire que cela ne cause pas un préjudice à la collectivité, mais disons qu'il s'agit du vol d'un objet relativement peu coûteux, et qui doit ensuite demander la réhabilitation pour effacer cette condamnation — doit payer des frais excessifs par rapport au travail nécessaire. C'est une des questions qui touche l'équité.
L'autre problème est que cela revient à imposer une peine supplémentaire à certaines personnes. Que cela se produise parce qu'il y a eu des restrictions budgétaires dans l'aide juridique ou parce que la personne n'a pas accès aux ressources nécessaires pour le faire, je pense qu'il se pose des questions touchant l'inégalité et l'application de ce qui constitue essentiellement une peine supplémentaire à une personne pour cette raison, tout comme les mesures de substitution aux amendes ont fait l'objet de contestations parce que ce sont les personnes pauvres qui sont pénalisées et envoyées en prison parce qu'elles ne sont pas en mesure de payer leurs amendes. Je pense à une contestation de ce genre. Je ne pense pas qu'une contestation de ce genre risque d'être entendue prochainement, mais j'estime que c'est un aspect que nous devrions sans doute examiner et explorer.
[Français]
M. Bérard : En ce qui concerne le nombre de personnes exclues avec les dispositions qui sont actuellement à l'étude à la Chambre des communes, presque tous les détenus fédéraux n'auront pas accès au pardon, et ce indépendamment des coûts qu'on pourrait tarifer.
À cause des coûts qui pourraient être tarifés, je dirais qu'entre 50 et 70 p. 100 des personnes de juridiction provinciale n'y auront pas accès, ce en tenant compte de leur situation sociale personnelle. Cela fait beaucoup de gens qui, a priori, ne pourraient pas avoir accès au pardon.
Par rapport au principe de l'utilisateur payeur, on est dans un processus où on essaye de favoriser une forme de réconciliation entre la personne contrevenante et la société par le biais de l'État. On n'est pas nécessairement dans le cadre d'une logique où la personne demande un service à l'État, mais plutôt essaye de trouver à travers l'État une façon de pouvoir exprimer sa volonté de se réconcilier par le biais du pardon.
Le principe de l'utilisateur payeur tient donc, selon nous, beaucoup moins. C'est beaucoup plus dans une optique où on doit trouver la meilleure façon de s'assurer que, en tant que société, notre intérêt est bien compris, et c'est que la personne soit intégrée le mieux possible dans la collectivité et qu'à ce moment-là, on en facilite l'accès pour les gens qui en feraient la demande.
Le sénateur Fraser : Monsieur Bérard, vous avez parlé de la possibilité — si on maintenait les frais à 150 $ — de faire en sorte que les gens qui auraient commis un délit dédommagent les victimes. Pourriez-vous rapidement nous expliquer ce que vous envisagez par là?
M. Bérard : Par le projet de loi actuel, on demanderait aux gens de faire une ponction de 631 $ sur leurs revenus. Si on maintient les frais à 150 $, l'idée derrière est qu'au lieu de s'acharner sur des gens qui ont déjà purgé leur peine et qui ont payé leur dette, on pourrait se tourner vers une forme de justice réparatrice, à savoir que lorsqu'une personne a commis un délit, dans quelle mesure pourrait-elle être incitée à réparer les torts causés au niveau des victimes. C'est davantage un principe. Cela pourrait vouloir dire qu'à travers les sentences, les gens auraient alors, soit sous forme monétaire ou sous forme de services, à faire en sorte de dédommager les victimes.
J'ai moi-même déjà été victime à plusieurs reprise de vol dans mon véhicule automobile. Il y a quelques années, lorsque les Jetta étaient très populaires, il y avait un type de radio que les voleurs — en tous les cas dans la région de Montréal — recherchaient. Dans mon cas, quelqu'un s'est fait prendre. Une des façons de faire en sorte que je sois plus satisfait, c'est que non seulement cette personne a eu une sentence à purger dans la collectivité, mais en plus elle m'a dédommagé pour les frais que j'avais moi-même eu à débourser; parce qu'à chaque fois il y avait des vitres de la voiture qui étaient cassées. Je suis donc ressorti plus satisfait que simplement voir une personne écoper d'une sentence d'incarcération et c'est tout.
[Traduction]
Le président : Sénateur Boisvenu, vouliez-vous poser une autre question au second tour?
Le sénateur Boisvenu : Oui.
Le président : Si nous voulons être dans la Chambre à 17 h 30, nous n'allons pas avoir suffisamment de temps; je vous invite donc à formuler votre question et je demande aux témoins d'y répondre.
[Français]
Le sénateur Boisvenu : Ma question s'adresse à M. Bérard. Sur 100 p. 100 des criminels en 2000, 9 p. 100 d'entre eux ont fait appel à des compagnies privées. Ce n'est donc pas 9 p. 100 d'entre eux qui ont fait une demande de pardon. Je corrige ce que vous avez dit tantôt.
L'an dernier, en 2009-2010, 74 p. 100 ont payé des frais de 500 $, alors que le même service — rendre les formulaires plus simples — est offert par le gouvernement fédéral.
La vraie solution ne serait-elle donc pas plutôt d'informer les gens qui font une demande de ne pas faire appel au secteur privé? On dit qu'ils gaspillent leur argent en faisant cela et qu'en faisant affaire avec les services gouvernementaux, payés par nos taxes et qui offrent le même service que le secteur privé offre, ces gens auraient facilement accès au pardon.
M. Bérard : C'est un bon point que vous soulevez.
Malheureusement, on n'avait pas ce type de statistiques que vous avez. Ce ne sont pas des statistiques qui sont publiques par rapport au pourcentage de personnes qui peuvent avoir accès ou qui font appel au secteur privé. Au fond, vous dites que ces gens se font exploiter par certaines entreprises. Effectivement, on aurait tout avantage à les orienter vers le secteur gouvernemental, mais pas nécessairement d'aller tarifer en plus.
Comme je l'expliquais tout à l'heure, il y a un processus par lequel on doit faire en sorte que chacune des parties fasse son bout de chemin, et non pas que tout repose financièrement sur les épaules de la personne contrevenante; comme c'est la proposition actuellement devant vous aujourd'hui en parlant de frais de 631 $ qui couvrent l'ensemble des coûts.
[Traduction]
Mme Pate : Toute cette question a été soulevée il y a quelques années au cours d'une consultation antérieure. Si vous faites une recherche sur Google avec « réhabilitation libération conditionnelle », vous constaterez que d'autres sujets sont soumis à la Commission des libérations conditionnelles. Nous avons demandé à cette commission de résoudre ce problème. Nous affichons cette information très clairement sur notre site web pour que les gens le sachent. Il ressemblait beaucoup à un site du gouvernement et les personnes pensaient qu'elles avaient accès à un service du gouvernement. Elles constataient par la suite qu'il y avait des frais à payer. Lorsqu'on a commencé à demander des frais, le processus est devenu plus compliqué et moins bien compris.
Le président : Merci, madame Pate. Comme nous pouvons le constater, la sonnerie a été déclenchée. Chers collègues, je vous rappelle qu'après le vote, même si le Sénat continue de siéger, nous pourrons revenir et poursuivre notre séance. Nous entendrons la Pardon Society of Canada, ainsi que la société John Howard, plus tard ce soir.
En attendant, la séance est suspendue. Je remercie Mme Pate et M. Bérard. Je sais que nous avons été un peu bousculés par l'horaire. Comme toujours, nous avons été très heureux de vous entendre.
(La séance est suspendue.)
(La séance reprend.)
Le président : Chers collègues, nous reprenons notre examen de la proposition présentée par la Commission des libérations conditionnelles du Canada en vue d'augmenter les frais d'utilisation exigés pour les demandes de réhabilitation.
Nous avons devant nous dans le panel que nous allons entendre, M. Ainsley Muller, président d'Express Pardons Inc., qui représente la Pardon Society of Canada. Bienvenue, monsieur Muller.
Nous allons entendre Catherine Latimer, directrice générale de la société John Howard du Canada. Bienvenue, Mme Latimer.
Avant de donner la parole à Mme Latimer pour qu'elle nous présente un exposé préliminaire, je tiens à vous remercier de la patience dont vous avez fait preuve, étant donné que vous avez attendu un peu plus que nous le pensions plus tôt pour comparaître devant nous ce soir. Comme je crois que vous le savez, nous avons tenu un vote et c'est ce qui a retardé quelque peu le processus. Je vous remercie encore une fois de votre patience. Je sais que vous êtes tous deux venus de loin et nous l'apprécions beaucoup.
Madame Latimer, si vous avez un exposé préliminaire, nous aimerions l'entendre.
Catherine Latimer, directrice générale, société John Howard du Canada : Merci de votre aimable invitation à comparaître devant vous.
La société John Howard est, comme vous le savez, un organisme caritatif communautaire qui a pour mission d'appuyer les mesures efficaces, justes et humaines visant à lutter contre les causes et les conséquences de la criminalité.
La société possède environ 65 bureaux dans l'ensemble du pays qui offrent des programmes et des services destinés à appuyer la réinsertion sociale sécuritaire des contrevenants et à lutter contre la criminalité.
La réinsertion est l'objectif clé de nos activités et notre objectif essentiel est de protéger le public et la société en prenant des mesures équitables, justes et humaines.
Dans cette optique, l'acceptation d'un emploi augmente considérablement les chances de réinsertion sociale des délinquants. Certaines études indiquent que ceux qui ont un travail récidivent 11 fois moins que les autres contrevenants. La plupart des gens ont besoin d'obtenir une réhabilitation pour pouvoir travailler ou pour être membres d'un syndicat. Si ces personnes n'ont pas accès à la réhabilitation, un grand nombre d'entre elles qui pourraient apporter une contribution au monde du travail, à l'assiette fiscale, ne pourront le faire.
J'ai bien aimé la discussion que vous avez eue plus tôt au sujet des droits associés à la réhabilitation et je vais revenir sur ce sujet parce que les dispositions relatives à la réhabilitation sont reliées à des éléments importants touchant des droits.
Le système de justice pénale oblige les délinquants à rendre compte de leur crime en leur imposant une peine proportionnelle à la gravité de l'infraction et à leur degré de responsabilité. La sanction est en fait la peine infligée au contrevenant.
Lorsqu'une personne a purgé sa peine et s'est acquittée de sa dette envers la société, il est tout à fait inapproprié que l'État lui impose des incapacités civiles découlant de sa condamnation.
Au Canada, les lois fédérales relatives aux droits de la personne, tout comme de nombreuses lois provinciales, ont reconnu le droit d'être protégées contre toute discrimination fondée sur une condamnation pénale antérieure. Cette protection est habituellement accordée après l'écoulement d'une période sans récidive suivant la sentence, qui a débouché sur la réhabilitation aux termes de la Loi sur le casier judiciaire.
Habituellement, lorsque les conditions imposées par la loi sont respectées, la réhabilitation est accordée de façon presque automatique.
L'article 3 de la Loi canadienne sur les droits de la personne énumère les motifs de distinction illicites et précise que l'un d'entre eux est « l'état de personne graciée ». Aux termes de la Loi canadienne sur les droits de la personne, les citoyens qui ont été graciés ne peuvent faire l'objet de mesures discriminatoires pour cette raison.
Avec le nouveau barème de frais proposés, il se pourrait cependant qu'une personne réponde aux critères légaux de la réhabilitation — c'est-à-dire, qu'il a droit à la réhabilitation conformément aux conditions légales — mais n'a tout simplement pas les moyens de payer des frais de 650 $. Cela veut dire qu'une personne à faible revenu n'aurait pas accès à la protection contre toute discrimination alors qu'une autre personne se trouvant dans la même situation, mais ayant des revenus plus importants serait protégée contre toute discrimination.
Il est mal de refuser d'accorder la protection contre la discrimination en fonction de la richesse. Il est également contraire à la tradition de la common law d'exiger le versement de frais importants pour obtenir les avantages d'un régime étroitement associé au système de justice pénale et qu'obtiennent pratiquement automatiquement les demandeurs ayant des recvenus élévés.
J'aimerais également aborder la dynamique fédérale-provinciale, qui vient du fait que dans de nombreuses provinces, y compris en Ontario, les sociétés John Howard obtiennent l'aide d'Ontario au Travail, par exemple, lorsqu'il s'agit d'obtenir de l'argent pour payer les frais de la réhabilitation. Un bon nombre de provinces ont constaté qu'aider les personnes capables de travailler à se trouver un emploi, à apporter une contribution à la société, à payer des impôts et à se réinsérer dans la société après qu'elles aient purgé leur peine et démontré qu'elles pouvaient s'abstenir de récidiver pendant une certaine période, offrait de nombreux avantages.
Dans leur esprit, il est évident que ces avantages sont supérieurs au coût des frais demandés initialement. Nous savons que l'Ontario était disposé à assumer ces frais lorsqu'ils s'élevaient à 50 $, que cette province est moins en mesure d'envisager de le faire avec des frais portés à 150 $, et nous pensons que cette province ne sera peut-être pas en mesure d'apporter une aide pour le paiement des frais si ceux-ci sont de 650 ou 631 $, compte tenu de la période de difficultés économiques et financières que nous connaissons.
Cette augmentation risque d'avoir en réalité un effet disproportionné dans certaines provinces. Il est possible que les provinces les plus riches puissent assumer une partie de ces frais, alors que celles qui ne le sont pas ne le feront pas.
Il est possible d'éviter toute discrimination découlant de l'existence d'un casier judiciaire antérieur en adoptant une disposition légale dont l'application serait relativement automatique plutôt qu'en créant des mécanismes d'enquête coûteux, comme le fait le nouveau processus de réhabilitation. Le critère le plus objectif et le plus neutre qui permet de savoir si un délinquant a abandonné ses activités criminelles antérieures est l'absence de condamnation pendant une période déterminée. La loi pourrait préciser les critères relatifs à la durée de l'absence de récidive en fonction de l'infraction commise. Une fois cette période écoulée, le dossier devrait être scellé ou ne pourrait plus avoir des conséquences discriminatoires dans certaines situations.
Cette méthode, l'effet de la loi, fonctionne très bien dans le système de justice pour les adolescents sans que ces derniers aient à verser quelques frais que ce soient pour tirer avantage du système.
En conclusion, nous aimerions vous inviter à examiner quelques recommandations. Pour assurer une protection équitable contre toute discrimination fondée sur la richesse dans le nouveau processus de réhabilitation proposé, le gouvernement fédéral pourrait résoudre ces problèmes s'il décidait d'assumer les coûts découlant du nouveau régime de réhabilitation. Nous remarquons que le gouvernement fédéral a indiqué qu'il était disposé à augmenter les ressources consacrées à la protection de la société et de la population et d'ainsi réduire la criminalité. Nous pensons qu'il n'y a pas de meilleur investissement que de financer ce régime de réhabilitation, qui permet aux personnes qui essaient de réparer leurs fautes et de s'intégrer à la population active d'y parvenir.
Une deuxième solution consisterait à modifier les dispositions légales pour accorder la protection découlant de la réhabilitation sans qu'il y ait de discrimination, du seul fait de répondre à certains critères légaux sans avoir à présenter de demande d'enquête coûteuse, aspect qui exige que l'on consacre des ressources importantes.
Le président : Merci de ces commentaires, madame Latimer.
Monsieur Muller, voulez-vous faire une déclaration?
Ainsley Muller, président, Express Pardons Inc., directeur général, Pardon Society of Canada : Oui. Je vous remercie de me fournir la possibilité de vous parler aujourd'hui du projet d'augmentation des frais associés à la réhabilitation et également de pouvoir représenter les Canadiens adultes qui ont un casier judiciaire et qui représentent une personne sur sept.
Je m'appelle Ainsley Muller. Je représente ici Express Pardons et la Pardon Society of Canada, deux des nombreuses organisations et personnes qui s'opposent pour la plupart à cette augmentation des frais. Nous sommes en faveur d'une augmentation des frais, mais nous nous opposons vivement à l'augmentation proposée; nous appuyons les recommandations présentées par le comité consultatif indépendant qui a abordé ces mêmes questions d'une façon plus raisonnable qui n'a pas de conséquences négatives pour les Canadiens les plus vulnérables.
Un peu de contexte : Express Pardons a été créée pour offrir le meilleur service de réhabilitation au Canada et dans le but unique de mieux faire les choses. Je vais être clair; la majorité des personnes que nous représentons ont commis des infractions mineures et demandent la réhabilitation pour qu'ils puissent continuer à être des membres utiles de notre société.
Express Pardons est un membre fondateur de la Pardon Society of Canada et cette société a été mise sur pied en fonction de trois grands principes. Premièrement, défendre les droits des demandeurs de réhabilitation; deuxièmement, travailler à élaborer et à faire respecter des principes directeurs déontologiques et uniformisés pour cette industrie; et troisièmement, dialoguer avec les organismes gouvernementaux intéressés, comme la Commission des libérations conditionnelles du Canada.
Cet aspect est particulièrement intéressant et pertinent ici, parce que la Commission des libérations conditionnelles du Canada ne reconnaît pas la nécessité d'offrir des services comme les nôtres. C'est ce qui ressort clairement du fait que les frais de 616 $ plus le montant de 15 $ destiné à la GRC reposent sur une analyse coût-avantage qui est en fait une étude sur la volonté de payer, qu'a effectuée RIAS en février 2011, ce qui fait que cette recommandation d'augmenter les frais est basée sur le fait que les entreprises privées demandent jusqu'à 1 000 $ pour aider les demandeurs à préparer leurs documents. En réalité, les frais moyens réellement demandés par ces entreprises privées sont plutôt de 500 $ et les services fournis pendant le traitement des demandes sont essentiels à l'efficacité du régime de la réhabilitation. Par exemple, chaque année, 40 p. 100 de toutes les demandes de réhabilitation sont renvoyées parce qu'elles sont incomplètes. Ces demandes incomplètes sont le plus souvent présentées par des personnes qui essaient de demander seules la réhabilitation. On pourrait comparer ce processus et la difficulté qui y est associée à la situation de la personne qui décide de se représenter elle-même devant un tribunal.
Ce qui est le plus troublant pour la Pardon Society et l'Express Pardons est le fait que ces frais vont imposer un fardeau écrasant aux millions de Canadiens qui ont besoin d'une réhabilitation pour trouver du travail, un logement, pour faire du bénévolat ou voyager librement, et pour redevenir ainsi des membres utiles de la société.
Ces frais auront pour effet d'imposer inutilement une punition supplémentaire aux 4,2 millions de Canadiens qui possèdent un casier judiciaire. Il n'est pas équitable de justifier l'augmentation des frais par le fait que ces personnes sont disposées à les payer.
Prenez une de nos clientes, Deborah, d'Edmonton, en Alberta, une mère célibataire dans la cinquantaine qui travaille à l'hôpital local, et qui éprouve non seulement de la difficulté à subvenir aux besoins de sa famille, mais également à conserver son emploi parce qu'elle risque à tout moment de faire l'objet de vérifications. Pourquoi est-elle disposée à payer de tels frais? Pour une simple conduite en état d'ébriété remontant à 2002, est-il vraiment juste de lui imposer un tel fardeau?
Et que pensez-vous de la situation de Phillip, un Autochtone des Territoires du Nord-Ouest qui travaille dans le milieu de l'éducation depuis plus de 30 ans et qui fait aujourd'hui face au risque imminent de perdre son travail s'il ne peut obtenir une réhabilitation. Phillip veut simplement faire connaître aux enfants autochtones leur culture et leur patrimoine. Est-ce qu'une simple conduite en état d'ébriété remontant à 1988 devrait le maintenir dans la même situation précaire? Est-il vraiment disposé à payer ces frais?
Nous trouvons en outre que cette étude sur la volonté des intéressés à payer a été mal conçue au départ parce que c'est une analyse qui est beaucoup plus courante dans le secteur privé. Une étude de ce genre est habituellement accompagnée d'une analyse coût-avantage jumelée à une analyse du coût d'opportunité. L'analyse coût-avantage, qui est la véritable analyse coût-avantage effectuée par un comité consultatif indépendant, a permis de constater que les coûts l'emportaient de loin sur les avantages de cette proposition d'augmentation des frais et que ces coûts n'avaient pas été pris suffisamment en considération au cours de ce processus. Les conclusions de ce comité consultatif indépendant étaient tout à fait opposées à une augmentation des frais.
C'est là un point important. L'effet essentiel de cette proposition, si l'on se base sur les propres chiffres de la Commission des libérations conditionnelles, est que cet organisme va traiter la moitié des demandes qu'il traite actuellement pour un prix quatre fois plus élevé et en prenant six fois plus de temps. Cela ne résisterait jamais à un examen financier dans le secteur privé.
Quels sont les coûts d'opportunité de cette proposition, aspects que nous n'examinons même pas? L'augmentation des frais proposés représenterait environ 6,5 millions de dollars de recettes supplémentaires pour la Commission des libérations conditionnelles du Canada, et cette charge reposerait principalement sur les personnes qui sont le moins en mesure de l'assumer. Permettez-moi de comparer cette augmentation de 6,5 millions de dollars avec quelques coûts d'opportunité potentielle en commençant par les coûts d'opportunité économique.
Il y a au Canada à l'heure actuelle, près de 1,3 million de chômeurs. Même si les personnes ayant un casier judiciaire sont probablement surreprésentées dans ce chiffre, étant donné qu'un adulte canadien sur sept a un casier judiciaire, cela veut dire qu'environ 200 000 chômeurs canadiens ont un casier judiciaire. Un bon nombre de ces 200 000 chômeurs ne peuvent trouver de travail parce qu'ils seraient refusés si l'employeur procédait à une vérification de leurs antécédents. Avec une réhabilitation, ces personnes pourraient trouver du travail, payer des impôts et devenir des membres utiles de la société. Si 25 p. 100 seulement de ces 200 000 personnes pouvaient retrouver du travail grâce à la réhabilitation, cela représenterait plus de 492 millions de dollars de recettes supplémentaires. Ce montant représente 75 fois la proposition d'augmentation des frais. La réhabilitation permet ce genre de chose.
Si ces mêmes 25 p. 100 de personnes ne recevaient plus d'assurance-emploi, cela ferait épargner au gouvernement une somme supplémentaire de 259 millions de dollars par an, en se basant sur le montant moyen des demandes d'AE en 2007. Cela représente 40 fois le montant de l'augmentation proposée. Ce chiffre ne tient même pas compte des autres formes d'aide sociale, ni des logements subventionnés dont bénéficient les chômeurs ou les personnes sous-employées.
Que dire des coûts d'opportunité qu'il est beaucoup plus difficile d'évaluer? Le mécanisme de la réhabilitation est un incitatif efficace contre la récidive et les données statistiques le confirment, puisqu'on a constaté un taux de récidive inférieur à 4 p. 100. La réhabilitation est la carotte qui se trouve au bout du bâton de la justice pénale. Si nous supprimons l'incitation à ne pas récidiver, n'est-il pas logique de conclure que nous allons enregistrer une augmentation du taux de récidive? C'est ce qu'ont montré des politiques américaines semblables qui ont échoué.
Si le crime coûte 99 milliards de dollars par an, que représenterait une augmentation de 1 p. 100? Je crois que c'est Mme Gagné, de la Commission des libérations conditionnelles du Canada, qui a déclaré devant le comité la semaine dernière qu'en fin de compte, il a été constaté que chaque dollar dépensé pour la réhabilitation entraînait des avantages de 2,83 $; le Canada dans son ensemble et la commission. Cela paraît démontrer clairement qu'il faudrait plutôt faciliter l'accès à la réhabilitation pour les Canadiens et non pas la leur rendre plus difficile.
A-t-on visé la réhabilitation pour appliquer le principe du recouvrement des coûts ou est-ce simplement un début? Si l'on utilise les impôts pour financer la plus grande partie du système de justice pénale, alors il serait raisonnable de penser que l'on pourrait introduire ce principe du recouvrement des coûts à l'ensemble du système de justice pénale en se fondant sur le précédent que constitue ce projet de loi, étant donné que cette proposition de recouvrement de coûts est une première pour le gouvernement canadien. Quelle sera la prochaine cible? Les tribunaux devraient-ils vraiment fonctionner selon le principe du recouvrement intégral des coûts? Devrait-on facturer aux détenus le coût de leur séjour en prison au moment où ils sont libérés? La prochaine fois que l'on m'arrête pour excès de vitesse, en plus du fait que ma femme sera en colère, devrais-je m'attendre à recevoir une facture par la poste pour le temps que l'agent de la paix m'a consacré? Je plaisante, mais cela montre bien jusqu'où pourrait aller le recouvrement des coûts.
En conclusion, le projet de loi C-10 récemment proposé aura déjà pour effet de réduire de façon importante le nombre des demandes de suspension du casier judiciaire ou de réhabilitation partielle. Lorsque les frais sont passés de 50 à 150 $, nous avons appuyé cette augmentation, en espérant que la Commission des libérations conditionnelles du Canada reçoive des ressources supplémentaires, mais passer de frais de traitement de 150 $ à un modèle axé sur le recouvrement des coûts dans lequel les frais seraient de 616 $ plus 15 $ paraît injustifiable, que ce soit du point de vue du secteur public ou privé.
En résumé, l'augmentation des frais proposée va nuire aux Canadiens; elle constitue une tentative inefficace de recouvrer les coûts à laquelle s'opposent vivement des fonctionnaires du gouvernement et des gens de l'extérieur. Des frais aussi élevés sont sans précédent au palier international. Pratiquement tous les autres pays, y compris ceux du Commonwealth, fournissent ces services gratuitement ou presque. C'est probablement parce que ces sociétés trouvent utile de protéger une partie aussi importante de notre système judiciaire. La véritable question à se poser est pourquoi ne le faisons-nous pas?
Le président : Merci, monsieur Muller.
Avant de passer aux questions des sénateurs, j'aimerais obtenir une précision.
Monsieur Muller, vous représentez Express Pardons Inc. et la Pardon Society of Canada. J'aimerais bien comprendre cela. J'ai écouté ce que vous avez dit lorsque vous avez décrit le rôle et les activités d'Express Pardons Inc. J'ai eu l'impression à un moment donné que cette organisation était un groupe de défense des droits, ce qui est peut- être vrai en partie. J'aimerais toutefois savoir si Express Pardons Inc. fournit des services à ceux qui sollicitent une réhabilitation en facturant les services offerts? Est-ce bien là le rôle essentiel que joue votre organisation?
M. Muller : Excusez-moi de ne pas avoir été plus clair. Express Pardons Inc. est une entreprise de service privé du domaine de la réhabilitation, elle est un des membres fondateurs de la Pardon Society, qui était un groupe de défense des droits sans but lucratif.
Le président : Vous représentez donc les deux aspects, l'aspect sans but lucratif et Express Pardon Inc., qui commercialise des services?
M. Muller : Oui.
Le président : Merci.
Le sénateur Angus : Bienvenue et merci pour vos commentaires.
Madame Latimer, j'aimerais parler de vos recommandations. Votre première est que le gouvernement fédéral assume les coûts. Vous voulez dire par là que nous devrions supprimer ces frais?
Mme Latimer : Absolument.
Le sénateur Angus : Autrement dit, vous n'êtes pas en faveur d'appliquer le principe du recouvrement des coûts dans ce domaine?
Mme Latimer : Nous estimons que ce n'est probablement pas la meilleure façon de chercher à recouvrer les coûts. Il s'agit d'un groupe qui risque de faire l'objet de discrimination. Ces personnes essaient d'obtenir une réhabilitation pour que leurs droits soient protégés et pour ne plus faire l'objet de mesures discriminatoires. Les frais exigés vont entraîner des inégalités dans l'accès à la protection contre la discrimination. Un riche pourra bénéficier de la protection accordée contre la discrimination alors qu'un pauvre ne pourra pas.
Le sénateur Angus : Si j'ai bien compris les témoins antérieurs, et le reste de votre témoignage, cela va au-delà de la discrimination dans le sens que ces frais ne varient pas en fonction de la gravité du crime dont la personne en question a été déclarée coupable. Il se pourrait que la personne à faible revenu qui a été déclarée coupable de vol à l'étalage n'ait pas les moyens d'acquitter les frais exigés pour une réhabilitation alors que quelqu'un qui a commis des infractions plus graves faisant partie de la liste des infractions non exemptées pourrait payer ces frais plus facilement. Est-ce bien votre argument?
Mme Latimer : Oui.
Le sénateur Angus : Votre deuxième recommandation est de modifier la loi pour que les mesures de protection contre la discrimination découlant de la réhabilitation soient prises automatiquement dès que les critères légaux sont remplis. Vous dites qu'il devrait y avoir certains critères légaux. Pouvez-vous nous en donner un exemple?
Mme Latimer : Je peux vous donner l'exemple de la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents. Lorsqu'un adolescent a purgé sa peine et qu'il n'a pas récidivé pendant une période donnée, qui est de deux ans pour une infraction sommaire et de cinq ans pour un acte criminel, son dossier est scellé et ne peut être utilisé pour certaines fins. Cela se fait automatiquement. Il n'y a pas de discussions complexes à ce sujet.
J'accepte l'observation du sénateur Runciman lorsqu'il dit qu'il faudrait peut-être pouvoir revoir le caractère anonyme de ce mécanisme. Il devrait peut-être être possible de mettre de côté certains dossiers lorsque cela semble justifié. Mais pour la plupart des contrevenants et des infractions, cela pourrait se faire par l'effet de la loi sans vraiment compromettre la protection du public, ni la sécurité de la société.
Le sénateur Angus : Vous avez fait référence à l'intervention du sénateur Runciman. Si j'ai bien compris les questions qu'il a posées aux témoins précédents, il proposait que les frais varient en fonction du type d'infraction. Que pensez- vous de cette idée?
Mme Latimer : Ce barème de frais pose encore des problèmes d'accès en fonction des moyens financiers. Même s'il s'agit de deux infractions peu graves et qu'il faut payer disons 150 $, la personne à revenus élevés pourra verser cette somme sans difficulté, alors que la personne à faible revenu, qui pourrait fort bien avoir tout autant droit à la réhabilitation en fonction des critères prévus par la loi, pourrait ne pas l'obtenir. Il paraît très contestable d'introduire un élément relié à la situation financière dans une situation où chaque individu doit avoir les mêmes droits. Ce n'est pas la bonne façon de procéder.
Le sénateur Angus : Je comprends votre point de vue.
Le sénateur Lang : Merci d'avoir été aussi patient pendant que nous nous déplacions pour nous occuper des autres affaires qui nous retiennent au Sénat.
Le sénateur Angus : Nous vous pardonnons cela.
Le sénateur Lang : Merci, sénateur Angus. J'aimerais faire une observation. La plupart des Canadiens seraient très surpris s'ils savaient qu'ils payaient à l'heure actuelle la plus grande partie des frais associés aux demandes de réhabilitation. Si un camionneur en Alberta, au Yukon ou à Terre-Neuve le savait, il serait très surpris d'apprendre qu'il assume cette responsabilité et ces frais pour le compte du gouvernement.
Monsieur Muller, je suis heureux que vous soyez venu aujourd'hui. Je trouve assez intéressant que vous estimiez que le gouvernement devrait s'abstenir de recouvrer ces coûts, mais que vous puissiez demander ce qui me paraît être une somme très importante pour les services que vous rendez, parce que vous estimez rendre un service essentiel.
Voici ma première question : lorsqu'un client potentiel vous contacte par l'intermédiaire de votre site web ou par téléphone, est-ce que vous lui dites immédiatement que le service que vous fournissez peut être obtenu directement auprès de la Commission des libérations conditionnelles du Canada et qu'il peut se faire aider s'il n'est pas en mesure de remplir lui-même les papiers demandés? Mentionnez-vous cela dès le départ?
M. Muller : Cette information est tout à fait disponible sur notre site Web de sorte que nos clients sont au courant.
Je devrais toutefois préciser qu'une des difficultés est que le numéro 1-800 de la Commission des libérations conditionnelles du Canada fournit des renseignements sur la façon de remplir les formulaires et que c'est le principal service offert. Le problème vient du fait qu'il faut passer par plusieurs autres étapes avant d'en arriver aux formulaires. Il faut se procurer une vérification certifiée du casier judiciaire, des documents judiciaires certifiés, des vérifications effectuées par la police pour vos résidences et les endroits où vous avez vécu au cours des cinq ou 10 dernières années. Si vous avez été dans l'armée, vous devez vous procurer des documents militaires. Ce service ne fournit pas de directives sur la façon de procéder, ce que nous faisons pour nos clients.
Il y a eu un malentendu. Le service que nous offrons ne consiste pas uniquement à remplir des documents, mais comprend les démarches à faire pour se procurer les documents en vue de remplir les formulaires et les envoyer.
Demander des honoraires ressemble à ce que fait un avocat dans le cas d'une personne qui pourrait se représenter devant le tribunal, mais qui décide de retenir ses services parce qu'elle ne sait pas très bien comment s'orienter dans un système judiciaire complexe.
Le sénateur Lang : J'aimerais approfondir un peu cet aspect et que vous précisiez le service que vous fournissez. J'ai fait de la recherche sur votre site web. On peut y lire ce qui suit :
La connaissance des secrets du manuel interne de traitement des demandes de la Commission des libérations conditionnelles nous permet d'obtenir un statut spécial pour votre demande, de sorte que vous avez priorité sur tous les autres.
Comment justifiez-vous cette affirmation alors qu'on nous a dit que la Commission des libérations conditionnelles examinait chaque demande à mesure qu'elle était reçue et que personne ne pouvait passer avant les autres. Comment pouvez-vous faire une telle affirmation en connaissant le processus que suit la Commission des libérations conditionnelles?
M. Muller : Il y a plusieurs aspects. Premièrement, la Commission des libérations conditionnelles du Canada a adopté un mécanisme qui permet d'accélérer le traitement des demandes. C'est précisément ce à quoi notre site web fait référence.
Pour ce qui est du traitement des demandes, les documents que j'ai mentionnés plus tôt — une vérification certifiée du casier judiciaire, les dossiers judiciaires, les vérifications par la police — sont des documents qui se périment rapidement. Lorsqu'une personne demande elle-même la réhabilitation, elle a déjà pris pas mal de temps parce qu'elle ne sait pas exactement comment se procurer ces documents. Lorsqu'elle réussit à les obtenir et à les envoyer à la Commission des libérations conditionnelles, celle-ci en renvoie un bon pourcentage parce que les documents originaux sont périmés. Le délai qui sépare la réception d'un document par la CLCC de sa réponse est de trois à 12 mois. Il faut souvent attendre deux ans avant que les demandeurs obtiennent une réponse. La Commission des libérations conditionnelles leur dit qu'ils n'ont pas respecté une date, qu'il leur manque une déclaration de culpabilité ou autre chose, bien souvent d'importance minime. Ces personnes sont frustrées parce qu'elles doivent repartir à zéro étant donné que leurs documents sont périmés; ils finissent de toute façon par nous appeler.
Le sénateur Lang : J'aimerais approfondir un peu cet aspect parce qu'il me paraît très important. Un des buts de la proposition relative à ces frais est de traiter les arriérés d'un système surchargé, comme il l'est à l'heure actuelle. Vous avez confirmé cette situation en disant qu'un demandeur doit parfois attendre jusqu'à deux ans, une fois admissible à la réhabilitation. J'aimerais entendre vos commentaires du point de vue de l'affirmation qui a été faite selon laquelle, si la commission disposait de ces fonds, le traitement des demandes en serait accéléré.
M. Muller : Je lis ce qui est écrit ici. Je dois toutefois dire que cette analyse coût-avantage a été faite en se basant sur le traitement de 15 000 demandes de réhabilitation par année. Je pense qu'en 2009, la Commission des libérations conditionnelles en a traité 27 000. Ce document mentionne également que, si la commission devait traiter plus de 15 000 demandes par an, le coût pourrait être supérieur à 631 $. Ce document ne mentionne aucunement que ce montant de 631 $ permettrait de supprimer l'arriéré de demandes. Il énonce que ces montants permettront de traiter la moitié du nombre des demandes de réhabilitations et pas plus.
Le sénateur Fraser : Je vous demande d'excuser mon retard; le processus parlementaire nous demande souvent d'être à deux endroits différents en même temps. Nous faisons ce que nous pouvons et nous ne voulons blesser personne, mais je suis sûre que vous trouvez cela un peu choquant qu'un sénateur soit en retard pour entendre des témoins importants.
Madame Latimer, votre argument au sujet de la discrimination dans l'accès à la protection contre la discrimination m'a fort intéressée. Vous avez fait allusion à ce qui suit : supposons que nous adoptions un système dans lequel les frais ne seraient pas supprimés, mais varieraient en fonction de la gravité de l'infraction initiale.
Je ne recommande pas ces chiffres, mais aux fins de la discussion, je suis revenue à la somme initiale de 50 $ pour les déclarations sommaires de culpabilité, les infractions minimes; peut-être 150 $ pour les infractions moyennes, les infractions les moins graves poursuivies par voie de mise en accusation et peut-être ensuite, 630 $ ou plus pour les infractions très graves. Si les frais variaient en fonction de la gravité de l'infraction initiale, pensez-vous qu'un tel régime risquerait encore d'être contesté sur le plan constitutionnel?
Mme Latimer : Je pense qu'il serait moins risqué de procéder à un examen des ressources plutôt que de se fonder sur la gravité de l'infraction. La modification du barème des frais en fonction de la gravité de l'infraction initiale reviendrait en fait à punir une nouvelle fois la personne en question pour une infraction pour laquelle elle s'est déjà vu imposer une peine qu'elle a purgée. Cette personne s'est déjà acquittée de sa dette envers la société.
Le sénateur Fraser : Par définition, la personne qui a le droit de demander la réhabilitation n'est plus une criminelle?
Mme Latimer : Oui, vous avez raison. Ces personnes ont vécu pendant une période assez longue, après avoir purgé leur peine, et elles montrent ainsi qu'elles n'ont pas récidivé et qu'elles souhaitent reprendre leur place dans la société. À ce moment-là, je dirais que, si nous voulons adopter un barème de frais, celui-ci devrait être basé sur un examen des ressources.
Le sénateur Fraser : Venons-en à des aspects concrets. Quels sont les revenus qui pourraient constituer des seuils soit pour être exemptés intégralement des frais soit pour payer des frais moindres? Avez-vous réfléchi à cet aspect?
Mme Latimer : Lorsque M. Muller a présenté son exposé, il vous a donné une indication du nombre de personnes à faible revenu qui demandent une réhabilitation. Ces personnes n'ont pas l'argent pour le faire. Comme l'a dit Mme Pate tout à l'heure, si vous commencez à épargner de l'argent alors que vous recevez une aide, il faut rembourser les sommes épargnées; vous n'avez pas le droit d'accumuler ou d'épargner de l'argent.
Il est très difficile de fixer un montant à partir duquel les frais sont raisonnables pour les personnes à faible revenu. Ce sont là des personnes — lorsqu'elles ont purgé leur peine, jusqu'à ce qu'elles obtiennent une réhabilitation — au sujet desquelles l'État affirme qu'il est légitime de leur causer un préjudice pour ce qui est de l'accès à l'emploi, au logement, et de tous les autres motifs de discrimination qui sont interdits par le biais de l'application de la Loi canadienne sur les droits de la personne et des autres lois provinciales dans ce domaine.
Elles n'ont pas la capacité de gagner des revenus de cette façon. Il serait plus équitable de se baser sur un examen des ressources, mais je ne peux pas vous donner de chiffre et vous dire qu'elles devraient payer 50 $. Je suis heureuse de ne pas me trouver dans leur situation, et je ne sais donc pas s'il leur est possible de trouver facilement 50 $.
Le sénateur Fraser : Vous pourriez peut-être réfléchir à cette possibilité et si vous avez des idées, je vous invite à nous les transmettre.
Mme Latimer : Je serais heureuse de le faire.
Le sénateur Banks : Monsieur Muller, nous avons entendu dire de plusieurs côtés qu'environ 10 p. 100 des Canadiens avaient des casiers judiciaires, mais vous avez affirmé aujourd'hui que ce pourcentage se rapprochait davantage de 14 ou 15 p. 100. Est-ce bien le cas?
M. Muller : La GRC a déclaré que 4,2 millions de Canadiens ont un casier judiciaire. Si nous tenons compte du fait que les mineurs n'ont pas de casier judiciaire — ce chiffre fait uniquement référence aux Canadiens adultes — cela veut dire que près d'un adulte sur sept a un casier judiciaire.
Mme Latimer : Ce sont principalement des hommes.
Le sénateur Banks : Madame Latimer, je vous demande de m'excuser ainsi que le sénateur Fraser de notre absence; il y a des choses en route. Je pense que vous le comprenez probablement très bien.
Si je vous ai bien comprise, vous affirmez que la réhabilitation a une valeur sociale.
Mme Latimer : Oui.
Le sénateur Banks : La société profite directement de l'octroi des réhabilitations. On peut penser que cela ne vaut pas dans le cas d'une personne qui a commis un crime haineux, mais je pense toujours au jeune de 20 ans qui avait un joint dans sa poche il y a quelques années et qui a depuis un casier judiciaire. Il lui est désormais interdit de travailler dans une banque ou dans une entreprise où il faut un cautionnement et il ne peut pas non plus se rendre dans de nombreux pays étrangers.
Si cette mesure offre vraiment des avantages pour la société, pensez-vous qu'une partie ou l'intégralité du coût du traitement des demandes de réhabilitation devrait être assumée par la population? Est-ce bien là le fondement de votre argument?
Mme Latimer : Je pense que, si cette mesure offre des avantages pour la société, son coût devrait être assumé par l'État.
Le sénateur Banks : La personne qui a commis le crime ne devrait-elle pas assumer une partie de cette responsabilité financière?
Mme Latimer : Comme je l'ai déclaré au sénateur Fraser, si vous voulez appliquer ce principe, il faudrait procéder à un examen des ressources et adopter des dispositions très soigneusement rédigées. La façon dont ces frais sont structurés à l'heure actuelle laisse penser que le système donne accès aux mesures de protection contre toute discrimination selon le niveau de revenu des demandeurs, ce qui est une position très difficile à justifier.
Le sénateur Banks : Pour aller droit au but, pensez-vous que, si ce projet de loi était adopté, il serait susceptible d'être contesté sur le plan de la Charte?
Mme Latimer : Oui, parce que l'accès aux droits est protégé par l'article 7. Si une autorité exerce un pouvoir discrétionnaire en matière d'accès à la vie, à la liberté, et le reste — et cela constitue bien évidemment une restriction à la liberté puisque l'État reconnaît que vous pouvez faire l'objet de mesures discriminatoires tant que vous avez un casier judiciaire — alors elle doit l'exercer de façon objective, équitable et raisonnable. En accordant la réhabilitation selon la situation financière des demandeurs, je ne pense pas que cela constitue un critère qui serait qualifié d'équitable pour ce qui est de l'accès aux droits en matière de protection.
Le sénateur Banks : L'argument constitutionnel serait que ce régime impose, en se fondant sur la capacité financière, un désavantage à quelqu'un qui ne peut se protéger contre la discrimination en obtenant une réhabilitation.
Mme Latimer : Oui. Il pourrait fort bien y avoir deux personnes qui ont le même droit à la réhabilitation, d'après les conditions fixées par la loi, dont l'une serait pauvre et l'autre riche — elles auraient exactement le même droit. Une d'entre elles aurait accès aux droits à la protection parce qu'elle a de l'argent alors que l'autre ne l'aurait pas. Cela soulève de nombreuses questions au sujet des désavantages causés, en particulier parce que la plupart des gens qui ont un casier judiciaire ne sont pas riches.
Le sénateur Banks : Puis-je poser au sénateur Runciman une brève question?
Le président : Il va sans doute falloir d'abord l'assermenter.
Le sénateur Banks : Un simple commentaire. Madame Latimer, vous avez mentionné que l'Ontario assumait les frais associés aux réhabilitations. Je me demandais, sénateur Runciman, s'il s'agit là d'une politique ou d'un mécanisme qui a été adopté sur vos conseils.
Le sénateur Runciman : Pas sur mes conseils, non.
Le sénateur Banks : Merci.
Le sénateur Runciman : Monsieur Muller, vous parlez de l'évaluation découlant de l'analyse coût-avantage. Êtes- vous satisfait de la façon dont les coûts ont été établis dans cette étude? Je sais que vous avez indiqué que le coût réel sera beaucoup plus important que cela, mais le montant de 631 $ est-il une évaluation appropriée de ce qu'il en coûte à l'heure actuelle à la commission?
M. Muller : J'ai lu l'analyse coût-avantage, et elle fonde les frais proposés sur la volonté de payer. Ces frais ne sont même pas calculés à partir du coût horaire de la main-d'œuvre sur une certaine période, divisé par le nombre d'heures, et cetera; ces frais sont fondés sur le montant que les gens sont prêts à payer à des entreprises privées.
Le sénateur Runciman : Je n'ai pas examiné cette analyse, mais vous dites qu'elle ne procède pas à un véritable établissement des coûts; c'est simplement une étude sur la volonté de payer.
M. Muller : Oui.
Le sénateur Runciman : Je pense que cela aura également un effet commercial parce que cette proposition va augmenter les frais de façon importante, et vous, en tant qu'entreprise privée, avez conclu que pour faire des bénéfices, vous devez demander X dollars. Je crois avoir lu quelque part que ce montant était de 1 000 $. Vous avez mentionné que vous n'acceptiez pas les demandes trop complexes.
Nous parlons ici d'enquête approfondie et du temps que cela exige lorsqu'il s'agit de traiter une demande de ce genre. Je trouve quelque peu paradoxal que vous affirmiez qu'un montant de 500 à 1 000 $ est un montant approprié que votre entreprise peut demander à l'individu qui souhaite présenter une demande de réhabilitation.
Le coût réel assumé par la Commission des libérations conditionnelles est important pour ce qui est de ses tâches d'enquête, qui ont été élargies, comme vous le savez. J'éprouve quelques difficultés à comprendre votre position. Je crois que vous vous trouvez en situation de conflit d'intérêts, mais j'aimerais vous donner l'occasion de répondre à mon observation.
Pour ce qui est des avantages pour la société qui ont été mentionnés, je crois qu'il convient également d'introduire dans cette équation l'avantage qu'en retirent les personnes qui ont obtenu une réhabilitation. Elles vont désormais pouvoir voyager, trouver des emplois qu'elles ne pouvaient pas occuper auparavant. Cette mesure offre des avantages importants à la personne qui la demande. C'est la raison pour laquelle elle le fait.
L'avantage qu'en retire la personne concernée est permanent, et il conviendrait d'en tenir compte. Je crois que la population en général pense également aux coûts qu'ont entraînés les actes commis par cette personne : les coûts tangibles et intangibles reliés aux victimes, aux services de la police, aux tribunaux, à l'incarcération. Je ne veux pas dire qu'il s'agit là d'une mesure punitive. Je ne le pense pas. Je crois au recouvrement des coûts et si c'est bien là le coût réel, la seule difficulté que me pose ce régime est qu'il faudrait prévoir deux volets, un pour les déclarations sommaires de culpabilité et l'autre pour les actes criminels. La Commission a reconnu devant nous qu'elle doit consacrer davantage de temps et d'énergie aux actes criminels qu'aux infractions sommaires pour en arriver à une conclusion. Je vais vous donner la possibilité de répondre à mes commentaires.
M. Muller : Nous demandons 500 $. Soyons clairs. Les gens ne font pas la file avec 500 $ sur eux pour nous dire : « Veuillez vous occuper de ma réhabilitation. »
Nous avons tenté de rendre la réhabilitation accessible au plus grand nombre. Nous avons mis sur pied un plan de versement de 49 $ par moi — 49 $ c'est le prix d'un dîner pour la plupart des gens — et vous ne me croirez pas si je vous dis que nous n'avons pas beaucoup de clients qui sont en mesure de payer ce montant. Ils nous envoient des chèques qui sont régulièrement rejetés et nous poursuivons notre travail. Il semble facile de mettre de côté 100 $ par an, 49 $ par mois, mais ce n'est pas vrai.
Notre travail ne consiste pas uniquement à remplir des formulaires, mais également à se procurer tous les documents à l'appui. Il faut attendre environ 12 mois avant de pouvoir présenter la demande à la commission et je crois qu'un montant de 500 $ qui représente 12 mois de travail sur un dossier est raisonnable. Voilà ce que je voulais vous dire.
Quant au dernier point, il y a d'autres possibilités ou suggestions qui n'ont pas encore été déposées. Il y a des solutions comme les partenariats public-privé. J'ai mentionné que la Commission des libérations conditionnelles ne reconnaissait pas la nécessité de notre existence. La Pardon Society of Canada a été créée pour dialoguer avec la commission, pour lui présenter des solutions parce que nous représentons une partie très importante de sa clientèle. Pouvons-nous collaborer? Nous effectuons le travail et cela nous prend 12 mois; nous lui transmettons les documents et elle refait le même travail. Si nous pouvions travailler ensemble et établir un certain niveau de confiance dans l'industrie, il serait alors possible de réduire la charge de travail de la commission, en tenant compte de celui que nous avons déjà effectué et qu'elle ne fait que vérifier à nouveau. Il y a d'autres possibilités qui pourraient être examinées. Voilà ce que je voulais dire.
Mme Latimer : Vous avez mentionné deux choses. La première est que je devrais tenir compte du fait que la réhabilitation offre des avantages à la personne concernée puisqu'il est alors à l'abri de toute discrimination, en cas de refus de la réhabilitation. Il est évidemment bon pour qui que ce soit d'être à l'abri de la discrimination. Il y a toutefois un aspect social et moral qui veut que l'on ne fasse pas de discrimination entre différentes personnes en fonction de leur revenu.
Pour ce qui est du barème des frais, vous avez soulevé un point intéressant. J'estime qu'il faut faire une différence entre les infractions sommaires et les actes criminels. Cette différence devrait probablement porter sur le moment auquel vous avez le droit de demander la réhabilitation. J'éprouve quelques difficultés à accepter cela dans cette circonstance particulière, mais si vous choisissez un modèle axé sur le recouvrement des coûts et que l'acte criminel fait l'objet d'un examen plus long et plus détaillé, il conviendrait de récupérer dans ce cas des coûts plus élevés puisque le processus est plus complexe.
Je dirais qu'avec les retards que connaît le traitement des demandes, il faudrait probablement rationaliser le processus. Il devrait être possible de trouver de meilleures façons d'obtenir les documents exigés et d'améliorer l'efficacité et la rapidité du traitement. Je crois qu'il serait possible de diminuer une partie des coûts en agissant de cette façon.
Je crois que cela touche également le droit à jouir de certains droits. Si selon les critères en place, vous avez le droit de ne plus faire l'objet de discrimination au moment où vous faites la demande et que vous continuez à en faire l'objet pendant deux ans, je crois que cela fait problème. C'est le processus lui-même qui permet que la discrimination se poursuive alors qu'autrement la personne en cause serait protégée par l'application des lois relatives aux droits de la personne.
Le sénateur Frum : Je suis en bout de ligne ici et vous estimez peut-être que je m'acharne, ce dont je vous demande de m'excuser.
J'aimerais mieux comprendre votre modèle de gestion. La différence qui existe entre les frais actuels et les nouveaux frais est de 480 $. Demandez-vous un minimum ou demandez-vous des honoraires uniformes quel que soit le dossier?
M. Muller : Nous demandons des honoraires uniformes de 500 $ quel que soit le dossier.
Le sénateur Frum : Avec ce montant supplémentaire de 480 $, pouvez-vous nous donner une idée de ce qui va arriver à votre modèle de gestion et à votre clientèle?
M. Muller : Il est évident que nos clients ressentent déjà le contrecoup de ces augmentations. Avec le système actuel, nous versons un montant de 150 $ pour le compte du client. Si l'on pense à la quantité de travail qu'il faut effectuer sur une période de deux ans, on comprend que cela ne soit pas rentable. Nous donnons à nos clients la possibilité d'étaler sur plusieurs mois le versement du montant de 500 $. C'est un fardeau qui vient s'ajouter au montant des honoraires de 49 $ que nous demandons pour nos services et ils doivent ensuite payer 150 $ en débours et frais pour faire prendre leurs empreintes digitales, demander à la police de procéder à certaines vérifications, et cetera.
Nos clients ont l'impression qu'on profite d'eux et c'est à nous qu'ils s'en prennent. La plupart des gens qui se plaignent du coût du processus ne s'adressent jamais à la Commission des libérations conditionnelles. On les retrouve chez nous.
Pour ce qui est de notre modèle de gestion, il y a tant de Canadiens qui ont besoin d'une réhabilitation, sans parler d'une éventuelle suspension du casier, que nous allons poursuivre notre travail. Le dernier chiffre que j'ai entendu mentionner était que 2,7 millions de Canadiens avaient le droit de demander la réhabilitation, mais que seulement 11 p. 100 d'entre eux le faisaient. Il y a là un grave problème de sensibilisation. Les gens ne savent pas qu'ils ont besoin d'une réhabilitation tant qu'il ne leur est pas arrivé quelque chose — on leur refuse un emploi ou on les empêche de traverser la frontière — dans ce cas-là, ils ne disent pas : « Je peux attendre deux ans », ils disent : « J'ai besoin d'une réhabilitation maintenant. »
Le sénateur Frum : Le sénateur Runciman a mentionné les statistiques ontariennes. Je crois qu'il a dit que 98 p. 100 des demandes étaient acceptées. Est-ce là une statistique nationale?
M. Muller : Avant le projet de loi C-23A, c'était le chiffre exact. C'était un processus objectif basé sur l'admissibilité. C'était un travail administratif. Le demandeur répond-il aux critères? Vérification. C'était un processus administratif objectif qui est maintenant devenu un processus très subjectif qui exige que soient prises de nombreuses décisions.
Le sénateur Frum : Nous avons débattu de nombreuses questions abstraites et philosophiques. La réhabilitation a une valeur extraordinaire et elle introduit des changements extraordinaires dans la vie d'une personne. Vous avez parlé de son pouvoir de transformer les gens. Si nous parlons d'incitation à changer de vie pour se réinsérer dans la société et pour donner davantage de valeur à la réhabilitation, pensez-vous que dire que cette mesure vaut 631 $, et non pas 150 $ comme elle le vaut actuellement, est une bonne chose pour la société?
M. Muller : Tout à fait. C'est incontestable. Je dirais seulement qu'il serait difficile de justifier des frais de 631 $ si ces personnes ne disposent pas de 50 $ pour payer les frais mensuels.
Dans le secteur privé, on pourrait introduire des incitatifs et dire : « Vous payerez lorsque vous aurez obtenu un emploi. » Les gens en verraient alors les avantages concrets de la réhabilitation. Les faire payer après que ces personnes ont obtenu la réhabilitation et qu'elles commencent à en retirer des avantages serait une autre façon de voir le problème.
Le sénateur Lang : J'aimerais en savoir davantage sur les frais que demande une entreprise comme la vôtre.
Je constate qu'il y a un barème des frais pour les demandes de réhabilitation. Il y a Express Pardons, IPC Pardons and Waivers, le National Pardon Centre et Assured Pardons.
Est-il concevable qu'un client soit obligé de payer deux fois les frais associés aux demandes de réhabilitation ou est-il limité à une seule demande?
M. Muller : Excusez-moi de ne pas avoir précisé davantage ces aspects. Ce sont là des entreprises différentes. Nous avons fait une recherche sur les frais demandés par les autres sociétés. Il n'y a aucune raison de retenir les services de plusieurs sociétés.
Le sénateur Lang : Je suis désolé, j'ai mal compris le barème. Vous parlez d'une moyenne de 500 $. Y a-t-il des frais en plus de ce montant? On nous a dit que la personne qui s'adresse à une entreprise privée pour obtenir ce genre de service et faire traiter sa demande doit payer jusqu'à 1 000 $. Lorsque vous parlez de 500 $, est-ce le montant qui est finalement payé ou y a-t-il d'autres frais?
M. Muller : Il y a les débours. Je pense qu'il n'y a plus qu'une seule société qui demandait auparavant des honoraires de 1 000 $. Ils ont ramené ce montant à 795 $. Il y a aussi des avocats qui s'occupent de réhabilitations. Ils demandent habituellement des sommes proches de 2 000 $. La plupart d'entre eux s'adressent de toute façon à des entreprises comme la nôtre, parce que nous travaillons beaucoup plus rapidement.
[Français]
Le sénateur Chaput : Merci, monsieur le président. Je vais aborder la question des Autochtones. Parmi ceux qui dénoncent la hausse des frais proposés, plusieurs soutiennent qu'elle frappera plus durement les Autochtones. Les raisons qu'ils donnent sont les suivantes : la réhabilitation sera hors de portée de ceux qui vivent en réserve; il y a une surreprésentation des Autochtones dans le système de justice pénale. Il y a la question des femmes autochtones en particulier, et celle des Autochtones vivant en réserve comparés à ceux qui vivent en milieu rural. J'aimerais avoir votre point de vue sur cette clientèle autochtone, savoir ce que vous en pensez.
[Traduction]
Mme Latimer : De nombreux Canadiens autochtones vivent dans la pauvreté pour diverses raisons. Nous savons que les Autochtones sont surreprésentés dans le système de justice pénale, de sorte que l'utilité de la réhabilitation chez ces personnes est probablement très grande et qu'elles ont certainement du mal à payer des frais aussi élevés. La plupart des membres de collectivités marginalisées ou des personnes qui ont de faibles revenus éprouveraient beaucoup de difficultés à trouver des ressources qui leur permettraient d'atténuer les difficultés qui découlent du fait d'avoir purgé une peine.
M. Muller : Oui, nous nous occupons régulièrement de nombreux Autochtones et nous constatons la même chose. Le coût est un grave problème, même notre coût — 49 $ par mois — est également un obstacle difficile pour eux. Bien souvent, ce sont les bandes qui paient les frais de la demande de réhabilitation présentée par leurs résidents.
Le sénateur Chaput : Quel est le pourcentage de vos clients qui sont des Autochtones?
M. Muller : C'est en fait un pourcentage très faible. Je n'ai pas le chiffre exact. Si je devais l'évaluer, je dirais qu'il est inférieur à 10 p. 100, principalement à cause de l'obstacle que constitue le coût de la réhabilitation.
Mme Latimer : Les gens qui cherchent à obtenir la réhabilitation essaient de surmonter des difficultés. Ils veulent vraiment réintégrer la société, la collectivité et apporter quelque chose comme contribuables, soutiens de famille et comme soutiens économiques. Malheureusement, la plupart des Canadiens autochtones qui ont eu des démêlés avec la justice éprouvent beaucoup de difficultés à concevoir qu'ils peuvent se réconcilier avec la société, faire l'objet de mesures réparatrices et apporter une contribution à la société. Je crois que la plupart d'entre eux pensent qu'ils ne seront jamais considérés comme des citoyens utiles alors ils se demandent pourquoi demander une réhabilitation.
Le sénateur Joyal : J'aimerais revenir à l'aspect qu'a soulevé le sénateur Banks. Il a demandé à Mme Pate si la réhabilitation était un droit ou un privilège et elle a répondu que c'était un privilège, mais que l'accès à la réhabilitation était un droit.
Si je comprends bien le raisonnement que l'on trouve à la page 1 de votre mémoire, madame Latimer, il est conforme à ce que Mme Pate a expliqué dans sa réponse à la question du sénateur Banks. C'est l'accès au régime de réhabilitation qui ne devrait pas être discriminatoire sur le plan de la situation financière. Prenons le cas d'une personne qui n'a pas de casier judiciaire depuis cinq ou dix ans et qui peut démontrer qu'elle a toujours respecté les lois; celle-ci a alors normalement le droit d'obtenir une réhabilitation. Par contre, si cette personne n'a pas accès à la réhabilitation parce qu'elle ne dispose pas de 650 $, elle pourrait soutenir qu'elle fait l'objet de discrimination parce que la Commission n'est pas disposée à examiner sa demande si elle n'est pas accompagnée d'un chèque. Est-ce bien cela à quoi vous pensiez?
Mme Latimer : C'est essentiellement ce que je dis. Vous pouvez prendre deux personnes qui ont le même droit à la réhabilitation. Elles n'ont pas récidivé, elles sont de bonnes voisines. La première pourra obtenir la réhabilitation parce qu'elle a de l'argent et l'autre ne l'obtiendra pas. Le fait d'être réhabilité vous protège contre la discrimination. Cela constitue un motif de discrimination illicite aux termes des lois sur les droits de la personne. Le processus qui permet d'accorder la réhabilitation fait appel à l'équité et à d'autres genres d'exigences procédurales. Je pense que l'on pourrait soutenir qu'un tel régime compromet l'accès des citoyens à un droit, probablement en invoquant l'article 7 de la Charte. Cet article garantit le droit à la vie, à la liberté et à la sécurité et prévoit qu'on ne peut être privé d'un tel droit qu'en conformité avec les principes de justice fondamentale. Je ne pense pas que l'on puisse affirmer que le fait de faire de la discrimination en fonction du revenu constitue un principe de justice fondamentale.
Le sénateur Joyal : Votre association serait-elle prête à aider quelqu'un à contester ces dispositions pour ce motif? Vous avez présenté un raisonnement juridique dont la conclusion est qu'un tel régime pourrait donner lieu à des litiges.
Mme Latimer : Vous soulevez là un point intéressant. Cela fait relativement peu de temps que j'occupe ce poste et j'apporte avec moi une formation d'avocat, ce qui explique que je vois tous ces problèmes juridiques ainsi que les possibilités de contestations.
Je sais que la société John Howard du Canada est déjà intervenue dans différentes affaires. Je ne pense pas que cette société ait pris l'initiative d'entamer des poursuites ou ait déclenché un recours collectif. Je pense que face à de la discrimination, en particulier contre le groupe que nous souhaitons voir se réadapter et devenir utile à la société, alors je pense que ce serait une situation dans laquelle nous devrions intervenir. Nous n'avons toutefois pas pris de décision sur ce point.
Le sénateur Joyal : Le sénateur Lang affirme que, si les Canadiens savaient que les contribuables payaient à l'heure actuelle pour faire fonctionner ce système, ils seraient vraiment choqués. Il a parlé des camionneurs. Je ne pense pas qu'il soit nécessaire d'être un camionneur pour être surpris par une telle chose.
Par contre, n'est-il pas vrai que le fait de verser de l'aide sociale d'un montant de 400 ou 500 $ par mois à partir des impôts veut dire qu'il serait dans l'intérêt de ce camionneur que le casier judiciaire de cette personne soit supprimé pour un coût correspondant à un mois et demi d'aide sociale, à peu près, soit 650 $?
Lorsque l'on réfléchit de cette façon, c'est un point de vue très différent de dire qu'ils doivent payer pour ce qu'ils recherchent, mais parallèlement, si la personne ne peut subvenir à ses besoins et payer des impôts, c'est un dilemme. Par quoi faut-il commencer? Comment aider quelqu'un à reprendre une vie normale et à devenir un citoyen utile?
Mme Latimer : Le fait de ne pas être réhabilité entraîne un coût social pour la plupart des gens. Ontario au Travail est intervenu pour payer les frais associés à la réhabilitation ou pour aider les gens à obtenir la réhabilitation de façon à ce qu'ils puissent travailler. Cet organisme a reconnu qu'il était avantageux pour la société que ces personnes deviennent des membres utiles de la société, ne serait-ce que sur le plan des recettes fiscales.
Mais il y a plus. Il y a le sentiment d'être réconcilié avec la société parce que vous pouvez lui apporter votre contribution et que celle-ci est reconnue. Le fait de ne plus faire l'objet de pratiques discriminatoires est un aspect extrêmement important du processus qui doit déboucher sur la réinsertion sociale.
Le sénateur Joyal : Dans votre exposé vous mentionnez « quelques provinces, comme l'Ontario ». Pouvez-vous nommer d'autres provinces?
Mme Latimer : Il faudrait que je vous communique ces renseignements plus tard. Je me souviens avoir examiné un tableau. Je pourrais vous dire sans garantie qu'il y avait le Manitoba et d'autres provinces. Je vais vérifier et vous fournir ces renseignements.
Le sénateur Joyal : Vous pouvez nous les communiquer par l'intermédiaire du président ou du greffier du comité.
Mme Latimer : Oui.
Le sénateur Runciman : Les provinces font-elles des différences selon le type d'infraction pour ce qui est de l'aide qu'elles fournissent?
Mme Latimer : Il faudra que je vous transmette ces renseignements plus tard également. Je suis désolée; je n'en sais rien.
Le sénateur Fraser : Vos deux organismes ont déposé des plaintes, vous avez donc pu examiner l'analyse coût- avantage. Vous avez un avantage sur nous. Je crois que nous avons essayé de nous la procurer, mais nous ne l'avons pas encore vue.
Cette analyse a toutefois été mentionnée dans certains documents qui nous ont été transmis. Les représentants de la Commission des libérations conditionnelles qui ont comparu devant nous ne m'ont pas contredit lorsque j'ai dit que, d'après ce que j'avais vu, les seuls avantages qu'ils avaient examinés étaient les avantages directs que recevait la personne réhabilitée et peut-être sa famille, qui sont des avantages très réels, comme nous le reconnaissons tous. Ces avantages sont parfois très importants pour les réhabilités.
Est-il exact de dire que cette analyse n'a pas porté sur les bénéfices sociaux plus larges associés à la réhabilitation? Si c'est le cas, connaissez-vous des études systématiques qui ont essayé de les évaluer?
Vous en avez dit quelques mots, monsieur Muller, mais une partie de vos remarques semblaient hypothétiques.
M. Muller : C'est le document auquel vous faites référence. Je l'ai ici. Il a quelque 50 pages.
Le sénateur Fraser : Avez-vous une enveloppe brune à la main?
M. Muller : C'est exactement ce dont vous avez parlé. C'est davantage une discussion de ce que la réhabilitation apporte à la personne qui la demande, et par conséquent, de sa volonté de payer, et elle porte ensuite sur ce qu'a été auparavant la volonté de payer des intéressés pour obtenir des services privés.
Sur le même sujet, nous avons examiné les coûts d'opportunité. Un certain nombre d'entre eux étaient bien sûr de nature hypothétique, mais nous savons qu'il y a 1,3 million de Canadiens au chômage. Un bon nombre de personnes qui n'ont pas obtenu la réhabilitation ne peuvent trouver du travail. Je leur parle régulièrement au téléphone. C'est toujours la question de savoir par où commencer : je ne peux pas trouver de travail; je ne trouve pas de travail parce que j'ai un casier judiciaire; je ne peux pas payer les frais d'une demande de réhabilitation parce que je ne peux pas avoir de travail. Par quoi faut-il commencer?
Le sénateur Fraser : Je ne conteste pas la véracité de vos affirmations. J'aimerais toutefois savoir si l'un d'entre vous est au courant de l'existence d'études plus systématiques qui visent à quantifier de façon plus large ces phénomènes?
M. Muller : Je ne pense pas que ce processus ait duré suffisamment longtemps pour que qui que soit effectue ce genre d'étude.
Le sénateur Fraser : Ou même auparavant. Les professeurs d'université font des choses extraordinaires, mais vous n'en connaissez pas?
Mme Latimer : Je n'en connais pas.
Le sénateur Fraser : Dommage.
Le sénateur Joyal : Pouvez-vous nous dire s'il y a d'autres pays qui peuvent se comparer au Canada sur le plan de leur système de justice pénale, comme l'Angleterre, la Nouvelle-Zélande, l'Australie, voire même certains États des États-Unis ont adopté un régime assez semblable à celui dont nous parlons maintenant? Si ce n'est pas le cas, sur quels principes fonctionnent ces régimes?
Je sais que vous n'avez peut-être pas la réponse avec vous, mais il serait utile de savoir si nous sommes en terrain vierge ou si nous essayons de mettre sur pied un système parallèle à ce qui existe ailleurs.
M. Muller : Je n'ai pas d'exemple concret, mais notre recherchiste nous a fait savoir qu'aucun autre pays ne demande des frais aussi élevés. L'Australie exige des frais d'environ 500 $ CAN, mais ce montant est calculé à partir du coût réel du traitement des demandes et non pas d'après un modèle de recouvrement des coûts. Je ne suis pas vraiment en mesure de parler des autres aspects.
Le sénateur Joyal : Madame Latimer, pourriez-vous nous communiquer ces renseignements, par l'intermédiaire du président, si vous ne les avez pas ici?
Mme Latimer : Je vais essayer de le faire.
Le président : Voilà qui termine les questions des membres du comité. Je tiens à remercier Mme Latimer et M. Muller. Vous nous avez dit des choses extrêmement intéressantes et nous les avons beaucoup appréciées.
(La séance est levée.)